Anton Mauve (23/10/2009)

LE PEINTRE ANTON MAUVE, par Ph. ZILCKEN

 

MauvePortrait.png

Né à Zaandam en 1838, Anton Mauve devient à 17 ans l’élève du peintre animalier Pieter Frederik van Os. Il poursuit son apprentissage auprès du paysagiste Wouter Verschuur. Il vit alors la plupart du temps à Haarlem ; l’été, il peint la nature à Oosterbeek. Après s’être établi à La Haye en 1871, il s’affirme comme l’une des figures majeures de l’école de La Haye. Dans cette même ville, il joue un grand rôle au sein des cercles artistiques. Ayant pris l’habitude de peindre à Laren, sorte de Barbizon hollandais, il va vivre dans cette localité. Sa maison se dresse face à l’actuel Musée Singer. Dépressif, il meurt avant son cinquantième anniversaire. Considéré à l’époque comme l’un des principaux peintres de son temps, il jouit d’une réputation internationale. Aujourd’hui, quand on évoque son nom, c’est la plupart du temps en raison des liens qu’il a entretenu avec Vincent van Gogh.

À La Haye, Mauve fréquente les parents de Philippe Zilcken. Bientôt, il va accompagner les premiers pas de peintre du jeune francophile.

« Lorsque mes parents me permirent de me vouer à la peinture, raconte ce dernier dans Au jardin du passé, j’eus comme maître un artiste de grand talent, très apprécié à Paris comme à Londres, Anton Mauve, qui, en même temps qu’il surveillait mes études, dirigeait les travaux de Vincent van Gogh, que je rencontrais parfois dans son atelier, avant que ce novateur ne quittât la Hollande pour aller s’établir en France.

Mauve laissait ses élèves entièrement libres et ne faisait que leur donner des conseils, des avis, vraiment précieux pour les commençants. En ces temps-là, les peintres faisaient attention aux “valeurs” et l’artiste aimait à répéter les paroles de Corot : “d’abord le ton, et puis la couleur”… Lui-même du reste était un “toniste” subtil, tellement convaincu, que je me souviens qu’un matin nous promenions à la campagne, près de La Haye, lorsqu’il aperçut un troupeau de moutons paissant au bord d’un ruisseau, genre de sujet qu’il affectionnait. Afin de bien de se rendre compte des valeurs, lui et moi nous nous étendîmes par terre pour bien regarder ce qui était plus clair – le bas du ciel – les dos des moutons éclairés à  contre-jour, ou les prairies ensoleillées…

Ces détails techniques paraissent puérils et invraisemblables à notre époque de production hâtive – de visions “en vitesse” –, mais ils sont authentiques et semblent aussi “pompiers” que le “probe dessin” d’Ingres ou le “charme” de Corot, tout en montrant la sincérité et la conscience des peintres d’alors.

Anton Mauve, par Th. Mesker

MauvePipeParThMesker.pngCette étude assidue des tons et des valeurs m’aura sans doute été fort utile, pour exécuter plus tard les nom- breuses eaux-fortes “de reproduction ” et les eaux-fortes originales que j’ai faites. […] C’est en 1888 que Mauve est mort, très inopinément, encore assez jeune. Ayant été son élève en quelque sorte, j’ai bien connu ce maître si sensitif – presque un “écorché”, qui passait d’un enthousiasme extrême à une lassitude, à un découragement profonds. L’artiste ne donnait jamais de “leçons” ; il se contentait d’indiquer la voie à suivre, donnant des conseils et soulignant les erreurs. L’été, je l’accompagnais à la campagne, près de La Haye, où également Vincent van Gogh travaillait sous sa direction, influence qui s’est fait sentir dans ses premiers dessins et essais. C’est là que Mauve a fait son tableau célèbre, Troupeau de moutons […].

L’artiste exagérait presque, si l’on peut dire, la recherche consciencieuse des valeurs et des tons. Comme les matières premières ne sont plus de qualité suffisante pour durer, certains de ses tableaux ou de ses aquarelles légères quoique très fouillées, ont perdu leur harmonie subtile, par suite des couleurs qui ont passé. Ces merveilles de tonalité étaient tellement délicates que l’on a écrit avec justesse de ce peintre qu’il “cherchait à rendre le moment, l’heure, l’impression fugitive d’un paysage”, et cela, avec une telle assiduité, qu’il m’a dit lui-même avoir recommencé une aquarelle jusqu’à quarante fois… Dans la sympathique revue de Durand-Ruel, L’Art dans les Deux-Mondes, j’ai comparé les teintes rompues, les nuances “mineures” de Mauve à celles des belles estampes japonaises de la grande époque, et je persiste à trouver un rapport frappant entre la tonalité de certaines œuvres de Mauve et celle des maîtres japonais.

Anton Mauve sur son lit de mort, par A. le Comte

AntonMauveMortParAleComte.pngCet artiste était un dessinateur “caractériste” de premier ordre ; il a exécuté quelques eaux-fortes dont la seule collection complète se trouve à New York, dans la collection Avery, et il a même un jour fait un dessin de mon père jouant de violoncelle, un petit bijou d’observation et de sentiment.

Mauve fut enterré à La Haye avec pompe ; tous les peintres du pays étaient venus assister à ses funérailles et deux jeunes filles, de ses élèves, avaient eu la touchante pensée d’apporter une énorme touffe de fleurs sauvages des dunes où le peintre aimait à errer. Il repose maintenant à côté de ce que l’on nomme les Petits Bois de La Haye, où gazouillent sans cesse d’innombrables oiseaux. »

 

Alors que se déroule actuellement aux Pays-Bas la plus grande rétrospective jamais organisée sur « le maître de la lumière argentée », nous proposons en lecture les pages que Philippe Zilcken lui a consacrées, en 1893, dans Peintres hollandais modernes (p. 97-130).


 

CouvAntonMauve2.jpg

À lire en néerlandais : Saskia de Bodt & Michiel C. Plomp (réd.), Anton Mauve. 1838-1888, Bussum, THOTH, 2009, 224 p., 250 illustrations en couleur.

 

 

Mauve1.png
Mauve2.png
Mauve3.png
Mauve4.png
Mauve5.png
Mauve6.png
Mauve7.png
Mauve8.png
Mauve9.png
Mauve10.png
Mauve11.png
Mauve12.png
Mauve13.png
Mauve14.png
Mauve15.png
Mauve16.png

20:07 | Lien permanent | Tags : peinture, hollande, mauve, zilcken |  Facebook |  Imprimer |