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Petit portrait de Philippe Zilcken

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Ce que j’ai appris, je ne l’ai jamais su,

et ce que je sais, je ne l’ai jamais appris.

Ph. Zilcken

 

 

CHARLES LOUIS PHILIPPE ZILCKEN EN BREF

 

Le peintre, graveur et homme de lettres hollandais Charles Louis Philippe Zilcken (La Haye, 21 avril 1857- Villeneuve-sur-Mer, 3 octobre 1930) a laissé de nombreux écrits dans sa langue maternelle comme en français (et en anglais) sur des peintres hollandais et des artistes français de son temps (les frères Maris, Jozef Israëls, Marius Bauer, Geo Poggenbeek, Hendrik Mesdag, Jan Toorop, G.H. Breitner, Félicien Rops, Henri Regnault, Jean-Baptiste Corot, Étienne Dinet, Alphonse Stengelin, Rodin, Edmond de Goncourt…) qu’il comptait pour la plupart parmi ses amis. En 1900, il a donné un premier volume de souvenirs (Souvenirs I, préface Alidor Delzant, Paris, H. Floury), dans lequel il est question de Marius Bauer, de la reine Sophie des Pays-Bas, de Verlaine en Hollande, de Venise, de Jacob Maris, du voyage en Zélande de la poétesse Ossit, de Félix Buhot, de Berthe Bady, de patinage… Un autre devait suivre l’année même de sa mort : Au jardin du passé. Un demi siècle d’Art et de Littérature. Ses mémoires rédigés en néerlandais en 1928 (Herinneringen van een Hollandsche Schilder der negentiende eeuw 1877-1927) n’ont quant à eux jamais été publiés ; ils apportent un certain nombre de précisions qui ne figurent pas dans les ouvrages rédigés en français.

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Philippe Zilcken dans son atelier

 

Le nom de Philippe Zilcken reste lié à celui de Verlaine puisque c’est à son initiative, à celle d’un libraire-éditeur haguenois et de quelques autres peintres, que le poète français a été invité à passer une dizaine de jours aux Pays-Bas fin 1892 pour entretenir un public choisi de poésie française. Il a d’ailleurs logé au cours de ce séjour dans la demeure de Philippe Zilcken. Ce dernier, passeur érudit, « collectionneur de race », « frère jumeau de la plume et du burin », aujourd’hui en grande partie oublié, mérite qu’on lui rende un petit hommage, d’autant plus qu’il est assez difficile de mettre la main sur ses publications.

Sa connaissance du français lui venait de sa mère qui avait vécu en Belgique et parlait français à la maison. Alors qu’il était encore au lycée dans sa ville natale, Zilcken a été, deux après-midi par semaine (1874-1876), le secrétaire de la reine Sophie qui lui dictait son courrier en français ainsi que des études historiques comme celle publiée par La Revue des deux Mondes le 1er juin 1875 sous le titre « Les derniers Stuarts ». S’il a bien entendu beaucoup pratiqué les auteurs français tout au long de son existence, Zilcken n’en a pas moins gardé un réel amour de la langue néerlandaise : « Le hollandais, cette langue riche et extraordinairement malléable, qui sait être rigide et austère et s’adoucir en de verlainiennes caresses », écrira-t-il par exemple dans une recension pour La Revue Blanche.  Le milieu privilégié dans lequel le jeune garçon a grandi lui a permis de s’initier aux arts et de rencontrer très tôt des artistes, en particulier ceux qui fréquentaient la maison familiale où son père, mélomane et musicien, organisait des soirées musicales. L’un de ces visiteurs, Anton Mauve, fut d’ailleurs le premier à transmettre son savoir au jeune Philippe, lequel montra un certain talent alors que ses parents le destinaient à des études plus conventionnelles (le droit). Pour le peintre en herbe, la fréquentation et les conseils de Jacob et Willem Maris ou encore de Jozef Israëls se révélèrent également très précieux.

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Profil de femme, par Ph. Zilcken

 

La passion qu’éprouvait Philippe Zilcken pour la peinture et le dessin ne le dispensa pas de s’intéresser à d’autres choses comme la botanique, les fossiles, la bibliophilie, les bibelots extrême-orientaux. Bientôt, il transformera son intérieur en véritable musée. À propos de sa demeure haguenoise de style anglo-normand construite en 1889 qui portait le nom de son épouse, écoutons un de ses amis, l’écrivain Lodewijk van Deyssel, en 1902 : « Ceux qui ont eu l’avantage de connaître l’intérieur de l’habitation de Philippe Zilcken, la charmante Hélène-Villa – une première, délicate et fine œuvre de l’architecte Bauer – savaient combien les objets d’art formaient là un tout avec les chambres et l’atelier… ». L. Lacomblé, critique qui avait lui aussi visité les lieux, raconte que l’aquafortiste caressait les objets des yeux et qu’il n’osait élever la voix de peur de les déranger. Outre de nombreuses œuvres d’art offertes par des maîtres et confrères, le jeune aquafortiste s’entourait de japonaiseries et d’une collection pour le moins singulière, commencée chez « un petit brocanteur » d’Arles : de magnifiques chaussures de diverses époques et divers continents, qui seront exposées (au Royaume-Uni) et feront l’objet de plusieurs articles avant d’être confiées, du vivant de l’artiste, au Musée d’art décoratif de Haarlem. C’est qu’en 1902, Philippe Zilcken, manquant d’argent, a dû vendre ses 150 paires de chaussures, mais aussi pratiquement toutes ses pièces de valeur. Peut-être sa période faste était-elle terminée, peut-être s’était-on un peu lassé de ses eaux-fortes, comme le suggèrent certains critiques hollandais lui reprochant de ne pas se renouveler – opinion qu’on retrouve aussi d’une certaine façon sous la plume de son confrère Georges Lemmen qui affirme, à propos de la première exposition internationale de La Haye (1901), que Zilcken ainsi que quelques autres, « n’apportent dans une contribution trop restreinte aucune note nouvelle » (L’Art Moderne, 9 juin 1901). Mais d’autres raisons expliquent sans doute ce revers, auxquelles venaient qui plus est s’ajouter des drames familiaux : « Frappé dans ses affections les plus chères, sentant le vide de sa maison trop grande, notre ami ne veut plus conserver que quelques rares souvenirs des jours heureux », explique un commentateur (L’Art Moderne, 4 mai 1902). Après le décès de son épouse à l’automne 1895, Zilcken a en effet perdu un enfant, peut-être la petite Renée à laquelle Verlaine a dédié un poème. Toujours est-il que les différentes pièces que le peintre-graveur avait achetées ou qu’on lui avait offertes au fil de près de trente années sont vendues aux enchères les 13, 14 et 15 mai 1902 au Haagsche Kunstkring sous la direction de R.W.P. De Vries, expert d’Amsterdam et Martinus Nijhoff, libraire à La Haye. Dans Au Jardin du Passé, le premier concerné écrit : « Lorsque je revins à La Haye, une vente avait eu lieu d’une partie de mes collections de chaussures, d’estampes, d’objets d’art oriental. Je n’ai jamais possédé des pièces de grande valeur, mais j’avais pu dénicher çà et là de jolis objets qui malheureusement ne se vendirent pas très bien. Néanmoins, le tout liquidé, je pus de nouveau me livrer au travail avec une certaine indépendance. Mon ami, le célèbre écrivain Van Deyssel, avait eu la complaisance d’écrire une aimable Préface pour le Catalogue de cette vente, qui est naturellement devenu très rare (…). Cette vente a excité la curiosité de biens des gens et je crois qu’il n’y a eu qu’un seul journal qui ait dit la vérité : “M. Z… a besoin d’argent” – ce qui malheureusement n’était que trop vrai ! Il est regrettable que ces précieuses et uniques collections d’eaux-fortes modernes, en majeure partie imprimées par moi, qui vaudraient actuellement leur poids d’or – aient été vendues à des prix dérisoires, à peu près au “prix du papier”. »

On comptait parmi les pièces qui n’étaient pas « de grande valeur » 12 estampes de Heinrich Aldegrever, un Lucas van Leyden, une trentaine d’estampes japonaises, une dizaine de dessins de Vincent van Gogh (période haguenoise), un grand dessin de Jongkind, plus de 80 gravures de Marius Bauer et presque autant de Rops, des lithos de Nicolas-Toussaint Charlet, Daumier et Odilon Redon, des œuvres de Daubigny, Goya, Jozef Israëls, Auguste Lepère, Manet, Mauve, Maris, Célestin Nanteuil, Delacroix, Henry De Groux, de précieux manuscrits du XVe siècle, des meubles, sans compter un plat en faïence de Delft peint par Mauve, des porcelaines chinoises, une partie de la belle bibliothèque… et 225 eaux-fortes originales de Zilcken lui-même ainsi que le manuscrit de Quinze jours en Hollande. Lettres à un ami de Verlaine. Il est clair que Zilcken a traversé une période noire sur laquelle il préfère ne pas s’étendre dans ses mémoires. En général, il reste d’ailleurs très discret sur ses déboires et sur sa vie familiale. En le lisant, on comprend qu’il s’est remarié après la mort d’Hélène Hauzeur, mais on n’en apprend guère plus. En lisant certains journaux de l’époque, on comprend qu'il se trouvait mésestimé en tant que peintre.

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L'écrivain Pol de Mont, par Ph. Zilcken

 

Quelques témoignages de la fin du XIXe siècle fournissent une description physique de l’Haguenois. On peut par exemple se reporter au portrait que brosse Pol de Mont, homme de lettres belge et célèbre promoteur de la culture flamande : « Grand, maigre, robuste malgré cette maigreur, nerveux, incroyablement nerveux dans ses mouvements et son expression, prêtant un grand soin à sa mise sans toutefois porter des habits voyants, n’ayant pratiquement rien d’un dandy mais beaucoup d’un gentleman, Philippe Zilcken attire immédiatement l’attention et laisse une impression qui vous empêche de le ranger parmi la masse du commun des mortels, les millions de monsieur Tout-le-Monde. Sa tête surtout est intéressante, plutôt petite que grande, posée sur un long cou noueux, avec des yeux qui vous dévisagent et vous scrutent de derrière le pince-nez, front haut, le plus souvent parcouru de quelques profondes rides verticales, en dessous le nez un tantinet malicieux, des oreilles solidement dessinées, le cheveu très noir plaqué, – la tête d’un observateur, – sur laquelle ne tarde pas à apparaître l’expression tendue propre aux peintres et aux dessinateurs. » Dans son Journal, Edmond de Goncourt apporte en passant quelques éléments complémentaires : « Visite de Zilcken, l’aquafortiste hollandais, venu à Paris pour faire une pointe sèche de mon facies. Un long garçon, maigre, sec, osseux, avec l’accentuation d’une forte pomme d’Adam dans un cou d’échassier. » (1)

Au cours de sa carrière, Zilcken s’est attaché à travailler avec une grande intégrité. Dans un premier temps, il a fait de grandes eaux-fortes de reproduction pour gagner sa vie (2). De plus petites aussi pour des publications, allant soumettre ses gravures aux auteurs des tableaux qu’il reproduisait. Ce travail exigeant ne l’empêchait pas de considérer la photographie de son temps comme un art. L’historien de l’art haguenois Adriaan Pit (1860-1944) a laissé plusieurs catalogue descriptifs des eaux-fortes originales de son ami, celui de 1893 en dénombrant 201, celui de 1918, 633 (3). Un visiteur en mentionne environ 400 lorsqu’il passe à la Hélène-Villa en 1896 (4). Parmi celles-ci, l’une représente le visage de la baronne Deslandes, née comtesse Fleury ; cette femme qui publiait sous le pseudonyme Ossit avait accueilli l’artiste hollandais chez elle et lui-même avait eu le plaisir de la recevoir en Hollande (« Souvenirs de Zélande », Souvenirs, 1900, p. 113-141).

Parallèlement au temps qu’il consacrait à ses travaux artistiques, Philippe Zilcken – souvent dans le cadre de multiples fonctions officielles et honorifiques qui lui valurent d’être nommé en 1901 Chevalier de la Légion d’honneur et de recevoir la Croix de chevalier de l’ordre de Léopold –, s’est employé à faire mieux connaître les peintres et graveurs de son pays en France, mais aussi en Italie où il a joué un rôle dans l’organisation de plusieurs expositions dont l’une consacrée au vieux Jozef Israëls (1910). Il déplorait que « nos peintres tout comme nos poètes sont moins connus [en France] que les Scandinaves ou les Polonais ». En 1896, il a fondé un comité en faveur de la création d’un musée et d’une bibliothèque Rembrandt, une entreprise qui n’aboutira pas.

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Exposition Zilcken dans l'atelier de l'artiste (1903)

 

Le Haguenois a bien entendu participé lui-même à de multiples expositions dans différents pays européens : Salon des XX, Cercle artistique international d’Amsterdam (sur le modèle du Salon des XX), Kunstkring de La Haye, Exposition Internationale de La Haye (1901), Cercle Arti et Amicitiæ d’Amsterdam, Voor de Kunst à Utrecht (1915), Salon des Aquarelliste de Bruxelles, Salon de l’Estampe (janvier 1908), Durand-Ruel (mars 1906, avec Odilon Redon), Société internationale de la Gravure originale en noir (43, bd Malesherbes, novembre 1908)… La presse s’en est souvent fait l’écho. Par exemple, l’article « Impressionisten » de l’hebdomadaire De Amsterdammer du 21 février 1886, à l’occasion d’une exposition de cinq artistes haguenois, relève quelques œuvres faibles ou prosaïques de Zilcken, mais surtout des toiles de sa main qui ont beaucoup de caractère ainsi que de remarquables et puissantes eaux-fortes. Alors que l’artiste participe en 1893 à l’exposition de la Société des Aquafortistes belges au Cercle artistique, on commente son travail en ces termes : « De la lumière fine, M. Zilcken en éparpille aussi à travers ses eaux-fortes. C’est un Hollandais, comme M. Storm, mais il n’a pas la vigueur de celui-ci ni sa superbe maîtrise. Il a la ligne aérienne ; ce que nous préférons en lui, c’est la façon dont il rend la plaine hollandaise (Près de Delfshaven) parsemée de saules, de maisonnettes, de moulins. Les plans, variés de marécages, fuient avec légèreté vers l’horizon. Le Paul Verlaine (d’après Toorop) est merveilleux de vie et jamais le visage à la fois faunesque et apostolique du poète de Sagesse n’a été produit avec une telle intensité et un plus large caractère. » Durant l’automne 1905, rapporte un périodique, la ville de Leyde présente une rétrospective Zilcken regroupant une cinquantaine de toiles « impressions de voyage en Angleterre, en Belgique, en France, en Italie », dont certaines ramenées de Provence. Dans L’Art Moderne du 26 février 1911, Gabriel Mourey, qui se remémore les moments passés à la Hélène-Villa, se montre élogieux, soulignant « la subtilité, le raffinement, l’amour de la nuance » du Hollandais, son rejet de toute vulgarité, allant même jusqu’à faire de son camarade un artiste français : « C’est par cet amour de la vérité, par là seulement, j’y insiste, que Zilcken s’avoue Hollandais, car, pour le reste, surtout ce sens si raffiné, si profond, si sûr de la mesure, des belles proportions, de la clarté, c’est à la France, me semble-t-il, à cette France qui est son pays d’élection, dont il connaît, parle et écrit si finement la langue, qu’il me paraît le devoir : Zilcken est un graveur français. Plus que dans son pays natal, chez nous il se sait et se sent chez lui : son éducation, sa culture, sont françaises... » Au cours de l’été 1903, le peintre-graveur a même organisé dans sa demeure de La Haye une grande exposition réunissant plus de 80 de ses tableaux et une dizaine de ses aquarelles (5). Grâce au marchand de tableau Samuel Putman Avery (1822-1904), Zilcken va par ailleurs pénétrer assez tôt le marché américain ; ainsi, en 1892, on exposera à New York des travaux qu’il a ramenés d’Algérie (6). Au printemps 1913, nous raconte l’aquafortiste, a lieu une rétrospective au Pulchri Studio de La Haye, avec beaucoup d’études d’Egypte ; ce fut sa « dernière manifestation d’art personnel ». En janvier 1914, une centaine des ses premières eaux-fortes seront exposées au Cabinet des Estampes d’Amsterdam.

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Affiche de l'exposition Zilcken 1913

 

Dans la vie du peintre-graveur, la Provence et la Côte d’Azur ont occupé une place majeure même s’il a toujours considéré que la Hollande était « peut-être le pays qui recelait le plus de beauté ». Zilcken a découvert ces régions dès 1882 : « … attiré par le climat autant que par la lumière, je suis parti pour la Provence, séjournant en Arles et aux environs, puis à Marseille, excursion d’où j’ai rapporté un certain nombre d’aquarelles et d’eaux-fortes, principalement de la jolie ville d’Arles, aux fins tons gris et or accentués par les silhouettes noires des Arlésiennes ». Il y est souvent retourné, profitant par exemple d’un séjour aux Baux-de-Provence pour aller présenter ses hommages à Frédéric Mistral. Une fois établi au bord de la mer, il lui arrivait de monter dans « un canot-périssoire en toile, un “Berthon” pliant, léger, portatif et presque indestructible », qui, après une longue carrière, lui permit « encore de pagayer le long de la Côte d’Azur et de suivre, dans l’eau claire des petites calanques, parmi les algues vertes et rouges, les évolutions des méduses, des sèches et des girelles. Dans ce canot que je transportais avec moi comme un escargot sa coquille, j’ai beaucoup peint et gravé, aussi bien dans les fossés de nos polders hollandais, dans les canaux de Delft, Leyde, Amsterdam et Venise que parmi les si pittoresques bateaux de pêche de la mer du Nord… »

Il convient de relever également l’attrait qu’a exercé l’Orient sur le peintre. Dans sa notice « … het schitterende, teere, overal reflecteerende en alles omhullende licht van het Oosten. - Philippe Zilcken als oriëntalist », l’historien de l’art Jaap Versteegh précise : Zilcken « était membre de la  Société des Peintres Orientalistes qui organisa un salon annuel à partir de 1894. En 1911, on chargea le Néerlandais de réaliser un numéro spécial de la Gazette de Hollande consacré à l’Orient ; les principaux orientalistes du moment y collaborèrent, dont Jozef Israëls, Marius Bauer et H.J. Haverman. Au bout du compte, il convient de reconnaître que Philippe Zilcken était en Hollande l’expert par excellence en matière d’art oriental. Il est temps de lui accorder la place qui lui revient. » (7) Zilcken a effectué un premier voyage en Algérie au début de l’année 1883 avec son ami Adriaan Pit. Ce sont les ouvrages d’Eugène Fromentin et des frères Goncourt ainsi que des conversations avec l’explorateur Paul Soleillet (1842-1886) qui lui avaient donné envie de se rendre dans ces départements français. Il y retournera environ vingt-cinq ans plus tard et se rendra également en Égypte.

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Pour compléter cette évocation, il n’est pas inutile de redire (voir « La Hollande amie ») que Zilcken, grand francophile, a fait partie de ce noyau d’intellectuels hollandais qui, durant la Première Guerre mondiale, ont défendu bec et ongle la France en prenant des initiatives éditoriales, culturelles et de propagande. Barrès le rappelle dans un volume de ses Chroniques de la Grande Guerre : « … Van der Hem, Albert de Hahn, Jean Sluyters, qui expriment quotidiennement leur mépris pour les Boches, ou bien encore les peintres graveurs Ph. Zilcken, Bauer, qui s’attachent à faire connaître notre art ».

Ayant été exproprié de sa villa de La Haye à cause de l’extension de la ville, le Haguenois va s’installer avec sa femme à Nice dans une dépendance du Château du Mont-Boron, une tour « hantée » donnant sur la mer. Par la suite, obligé de quitter ce lieu, le couple s’établit à Villefranche-sur-Mer où Zilcken finira ses jours sans abandonner ni le dessin ni l’écriture. Il termine ses mémoires par cette phrase : « Lorsque je regarde en arrière, je trouve le chemin parcouru bien long et la seule chose que j’aie apprise, c’est que tout est vanité, – que personne ne sait rien, – que la vie est un mystère… » avant de citer Hugo : « Il n’y a sous le ciel qu’une chose devant laquelle on doive s’incliner : le génie, et qu’une chose devant laquelle on doive s’agenouiller : la bonté. »

Daniel Cunin

 

 

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couverture de l'édition italienne de Jozef Israëls

 

(1) Dans cette page datée du 3 avril 1895, l’écrivain poursuit : « Il me parle d’un article fait sur moi par un littérateur de ses amis, article intraduisible en français, parce que la langue hollandaise est beaucoup plus riche que la langue française et ayant cinq ou six expressions pour rendre une chose qui n’en a qu’une chez nous, – et cet article, à son dire, serait un débordement d’épithètes, ressemblant à une éruption volcanique. » Il s’agit d’un essai de Lodewijk van Deyssel consacré aux frères Goncourt, paru dans De Nieuwe Gids, juin 1888, p. 205-228. Philippe Zilcken a lui aussi écrit sur Edmond de Goncourt (Elsevier’s geïllustreerd maandschrift, juillet-décembre 1896, p. 223-233).



Lodewijk van Deyssel en 1934

 

(2) Dans sa thèse soutenue en 2004 à Amsterdam : Kunst in reproductie : de reproductie van kunst in de negentiende eeuw en in het bijzonder van Ary Scheffer (1795-1858), Jozef Israëls (1824-1911) en Lourens Alma-Tadema (1836-1912), publiée en anglais sous le titre Art in Reproduction. Nineteenth-Century Prints after Lawrence Alma-Tadema, Jozef Israëls and Ary Scheffer, Amsterdam University Press, 2007, Robert Maarten Verhoogt évoque la personnalité de Zilcken en tant que « reproducteur » d’œuvres de peintres, notamment de celles de Jozef Israëls.

(3) Adriaan Pit a publié lui aussi en français : La gravure dans les Pays-Bas au XVe siècle et ses influences sur la gravure en Allemagne, en Italie et en France, Paris, Desclée de Brouwer, 1891-1892 (ouvrage qui reprend des articles de la Revue de l’art chrétien) ; Les origines de l’art hollandais, Paris, H. Champion, 1894 ; La sculpture hollandaise au Musée National d’Amsterdam, Amsterdam, Van Rijkom, 1903. Présentant le premier catalogue descriptif des eaux-fortes de Zilcken, L’Art Moderne écrit : « Ce catalogue, très coquet et rédigé avec grand soin, mentionne deux cent et une pièce différentes, d’une variété extraordinaire. Il y a des paysages, des portraits, des études de figures, des croquis de fleurs, des reproductions de tableaux, des fantaisies, etc. On est surpris de voir un œuvre aussi considérable accompli par un artiste qui est encore classé parmi les jeunes. »

 

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(4) P.A. Haaxman, « Philip Zilcken », Elsevier’s Geillustreerd Maandschrift, juillet-décembre 1896, p. 1-21. (une partie des éléments de cette notice sont empruntés à ce précieux article qui nous offre une visite de la demeure de Zilcken).

(5) Pour cette exposition « à domicile », Zilcken a demandé conseil à Jean-François Rafaëlli. La lettre que ce dernier lui a envoyée figure dans Au Jardin du Passé ; elle avait déjà été publiée dans le catalogue de cette exposition originale - il était rare à l'époque de voir un artiste organiser une exposition de ses oeuvres dans son propre atelier - et dans L’Art Moderne du 20 septembre 1903.

(6) Catalogue of Etchings By Ph. Zilcken of the Hague, Holland. Exhibited at the Grolier Club, New-York April, 1892. Voir l’encart du New York Times du 10 avril 1892.

(7) www.kunstpedia.com/authors/68/Versteegh,-Jaap

 

certaines reproductions de cette page figurent sur le site www.geheugenvannederland.nl

 

 

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