Habitus (26/06/2019)

 

 

Le premier recueil de Radna Fabias

 

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Née en 1983 à Curaçao, dans les Caraïbes néerlandaises, où elle a d’ailleurs grandi, Radna Fabias publie son premier recueil Habitus en 2018 aux éditions De Arbeiderspers, œuvre qui fait tout de suite sensation et que viennent récompenser, tant aux Pays-Bas qu’en Flandre, plusieurs prix prestigieux. Du jamais vu. La traduction française de ce volume plein de verve a paru sous le même titre aux éditions Caractères à l’occasion du Marché de la Poésie 2019 auquel la jeune femme était conviée. Quelques-uns de ses poèmes figurent également dans deux anthologies récentes : Nunc (n° 47, printemps 2019, « Cahier Poésie néerlandaise ») et Poésie néerlandaise contemporaine (préface de Victor Schiferli, édition bilingue, Le Castor Astral, 2019).

 


Radna Fabias lit le poème « oorlog » (guerre)

à l’occasion de la Nuit de la Poésie (Utrecht, 28/09/2018)

 

 

guerre

 

 

avec mon ennemi je vole

à vrai dire rien que de grandes organisations

il me dit ce r au début de ton prénom n’est pas celui de robin des bois mais celui de r kelly

à vrai dire ici tout le monde est majeur et je vole uniquement de grandes organisations

 

mon ennemi ne croit pas en mon innocence

puisque je vole avec lui du flatbread suédois dans un magasin de meubles

il a sans aucun doute

raison

 

avec mon ennemi je partage une bouteille d’alcool sur la piste de danse titube

dans la nuit regarde

la mort mais plus encore la folie dans les yeux leur fais un clin d’œil

à la mort la folie mon ennemi il a les plus beaux yeux

du même marron que l’eau d’un chemin d’eau

dans ces yeux je ne suis pas une belle personne

à vrai dire tout le monde à l’air sale dans l’eau d’un chemin d’eau

sur une échelle de 1 à 10

il gratifie mon cul d’un 48

 

avec mon ennemi je traîne sur les terrasses il inspire

expire son gain de cause fictif mon ennemi vit déjà il n’a

pas besoin d’oxygène quand personne ne le regarde il me glisse

une paille dans la colonne vertébrale et me boit sans se presser

se presser car mon ennemi me trouve délicieuse

 

avec mon ennemi je cuisine des plats riches en glucides

il empile fécule sur fécule car il en sait un rayon sur la guerre

 

avec mon ennemi je me remets à danser jusqu’au petit jour

déshydratée me rétablis me remémore comment

souffrir une main dans le pantalon d’autrui et

je fume je brûle je crache à nouveau projette avec mon ennemi

des flammes sur sols lits chaises tabourets canapés

contre placards portes murs sous l’œil vigilant

des voisins d’en face sur le dos de femmes innocentes

suspendue au-dessus de l’abîme bien entendu il le faut

quand on couche avec l’ennemi

 

c’est bien de dormir à côté de l’ennemi a pu dire une mère

pourtant mieux vaut de loin dormir avec lui

à ceci près que ça ne ressemble à rien car dans ce peu de lumière

il n’a pas de visage sans compter que son ombre

ressemble un peu à la mienne

 

 

 Radna Fabias au Marché de la Poésie 2019 (photo Anna V.)

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Radna Fabias, Habitus, traduit du néerlandais par Daniel Cunin, Paris, Caractères, 2019,  118 p. 

 

 

 

 

 

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