Gieser Wildeman
Un poème de Radna Fabias
dit par Laurence Vielle
extrait du recueil Habitus, éditions Caractères, 2019
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Un poème de Radna Fabias
dit par Laurence Vielle
extrait du recueil Habitus, éditions Caractères, 2019
Le premier recueil de Radna Fabias
Née en 1983 à Curaçao, dans les Caraïbes néerlandaises, où elle a d’ailleurs grandi, Radna Fabias publie son premier recueil Habitus en 2018 aux éditions De Arbeiderspers, œuvre qui fait tout de suite sensation et que viennent récompenser, tant aux Pays-Bas qu’en Flandre, plusieurs prix prestigieux. Du jamais vu. La traduction française de ce volume plein de verve a paru sous le même titre aux éditions Caractères à l’occasion du Marché de la Poésie 2019 auquel la jeune femme était conviée. Quelques-uns de ses poèmes figurent également dans deux anthologies récentes : Nunc (n° 47, printemps 2019, « Cahier Poésie néerlandaise ») et Poésie néerlandaise contemporaine (préface de Victor Schiferli, édition bilingue, Le Castor Astral, 2019).
Radna Fabias lit le poème « oorlog » (guerre)
à l’occasion de la Nuit de la Poésie (Utrecht, 28/09/2018)
guerre
avec mon ennemi je vole
à vrai dire rien que de grandes organisations
il me dit ce r au début de ton prénom n’est pas celui de robin des bois mais celui de r kelly
à vrai dire ici tout le monde est majeur et je vole uniquement de grandes organisations
mon ennemi ne croit pas en mon innocence
puisque je vole avec lui du flatbread suédois dans un magasin de meubles
il a sans aucun doute
raison
avec mon ennemi je partage une bouteille d’alcool sur la piste de danse titube
dans la nuit regarde
la mort mais plus encore la folie dans les yeux leur fais un clin d’œil
à la mort la folie mon ennemi il a les plus beaux yeux
du même marron que l’eau d’un chemin d’eau
dans ces yeux je ne suis pas une belle personne
à vrai dire tout le monde à l’air sale dans l’eau d’un chemin d’eau
sur une échelle de 1 à 10
il gratifie mon cul d’un 48
avec mon ennemi je traîne sur les terrasses il inspire
expire son gain de cause fictif mon ennemi vit déjà il n’a
pas besoin d’oxygène quand personne ne le regarde il me glisse
une paille dans la colonne vertébrale et me boit sans se presser
se presser car mon ennemi me trouve délicieuse
avec mon ennemi je cuisine des plats riches en glucides
il empile fécule sur fécule car il en sait un rayon sur la guerre
avec mon ennemi je me remets à danser jusqu’au petit jour
déshydratée me rétablis me remémore comment
souffrir une main dans le pantalon d’autrui et
je fume je brûle je crache à nouveau projette avec mon ennemi
des flammes sur sols lits chaises tabourets canapés
contre placards portes murs sous l’œil vigilant
des voisins d’en face sur le dos de femmes innocentes
suspendue au-dessus de l’abîme bien entendu il le faut
quand on couche avec l’ennemi
c’est bien de dormir à côté de l’ennemi a pu dire une mère
pourtant mieux vaut de loin dormir avec lui
à ceci près que ça ne ressemble à rien car dans ce peu de lumière
il n’a pas de visage sans compter que son ombre
ressemble un peu à la mienne
Radna Fabias au Marché de la Poésie 2019 (photo Anna V.)
Radna Fabias, Habitus, traduit du néerlandais par Daniel Cunin, Paris, Caractères, 2019, 118 p.