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poésie

  • Célébrons le vin

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    Un poème de Jan Vos (1610-1667)

      

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    Jan Vos, par Arnoud van Halen 

     

    La confrérie du Clos de Clamart m’ayant approché pour traduire des vers néerlandais du XVIIe siècle, voici l’original (extrait du second volume des Œuvres complètes, vol. 2, 1671, du poète-vitrier Jan Vos, personnalité importante de son temps à Amsterdam) et la transposition en alexandrins.

     

     

    Wijns gebruik en misbruik

     

     

    Zang.

     

    Wie ’t nat van Bacchus wraakt betoont zich zonder reeden:

    De wijn is wetsteen van het dof en stomp verstandt. 

    De disch der wijzen ziet men staâg met wijn bekleeden.

    De wijnstok wordt tot hulp van lijf en geest geplant.

     

     

    Teegenzang.

     

    Wie wijn tot noodtdruft drinkt wordt reedelijk gevonden:

    Maar d’overdaadt betoont hoe Lot door wijn verviel.

    Het gulzig zwelgen is de moeder aller zonden.

    In overmaat verdrenkt men wijsheidt, lijf en ziel. 

     

     

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     chapitre de la confrérie du Clos de Clamart, 29 avril 2023

     

     

    Usage et mésusage du vin

     

     

    Chant.

     

    Insensé qui bannit le verre de Bacchus :

    Le vin stimule la paresse mordicus.

    De vin accompagnons sans fin le mets des sages.

    Étai de l’esprit et du corps, ô toi cépage !

     

     

    Contre-chant.

     

    D’aucuns trouvent sensé qui boit par appétence :

    Or, d’un abus de vin, Loth sombra sans défense.

    Est mère du péché la soif qu’on ne contient.

    Dans la mesure, esprit et corps ont un soutien.

     

     Daniel Cunin

     

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    Portrait de Jan Vos par Karel Dujardin, qui illustre le volume 2 de sa poésie

     

    Merci à Marc Lesk, maître de chai, et aux autres membres de la confrérie pour leur accueil.

     

    page de titre des Œuvres complètes, vol. 1, 1662

     

     

  • Un rêve de garçon

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    Un poème de Marieke Lucas Rijneveld

     


     

     

    À l’occasion de l’exposition David Hockney à Bozar, Marieke Lucas Rijneveld lit son poème « Een jongensdroom » basé sur une œuvre de cet artiste

    (sous-titres en anglais et en français - traductions Michele Hutchison et Daniel Cunin)

     

     

    Een jongensdroom

     

    Misschien is het dit: dat ik je tot in het genottelijke naakt heb

    gekeken, het vruchtensap uit je lippen geknepen, jij die al die

    tijd al op plukhoogte hing als een lijsterbes zo rood en veel,

    in iedere pose zit een kwaad najaar verborgen, het is heerlijk

     

    om je uit lijnen bij elkaar te dromen. Misschien is het dit: dat er

    in de bovenkamer van je hoofd dichtregels opgerold liggen te

    slapen, je oksels zijn net duinpannen waar je uit de wind in het

    helmgras kunt liggen, het is mij vreemd om zo van iemand te

     

    houden maar bij jou komt alles ineens trefzeker uit de doeken.

    Misschien is het dit: dat je hier voor me staat en zo achteloos dit

    portret vult, alsof wij achteloos in het leven staan, probeer niet te

    veel naar de schaamstreek te staren en naar dat wat mij laat

     

    zinderen, je bent een hemelterg, een lieveling, ik heb alles

    weggegumd waar ik te hitsig te werk ging. Misschien is het dit:

    dat je zelfs naakt toch aangekleed blijft, ik kan maar niet blootleggen

    wat ik precies koester, en het idee dat je op een dag bij iemand

     

    in de kamer komt te hangen maakt me jaloers, waarschijnlijk

    houd ik daarom je voeten, je lieflijke tenen, uit beeld. Misschien is

    het dit: dat ik zolang ik je teken je niet hoef te vinden, de blik in

    je ogen ziet al het weerloze in me, mijn vinger glijdt langs je benen,

     

    je dijen, ik peuter de maan uit je navel tevoorschijn. Misschien is het

    dit: dat ik je tot in het genottelijke naakt heb gekeken, het vruchtensap

    uit je lippen geknepen, en ach kon dit zo maar blijven, de boom,

    het rood, en jij zo zoet en te stil om deze droom te beantwoorden.

     

     

     

    JONGEN - DAVID - RIJNEVELD.jpg

     

     

  • Résistance

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    Un poème de Remco Campert

     

    Remco Campert, De Bezige Bij, poésie, Hollande, Ukraine

    photo Charlotte Odijk

     

     

    Fils d’un écrivain résistant mort en déportation, auteur depuis toujours de la maison d’édition De Bezige Bij née en 1943 dans la clandestinité, Remco Campert est l’auteur d’une œuvre imposante. De Bezige Bij a retenu quelques-uns de ses vers – lesquels figurent d’ailleurs sur l’une des façades du siège de la maison d’édition – pour les faire traduire en 14 langues pour protester contre la guerre qui touche l’Ukraine.

     

     

    Résistance

     

     

    La résistance s’amorce non par de grands discours

    mais par de minimes actes

     

    de même que la tempête par un bruissement dans le jardin

    ou le chat soudain pris de folie

     

    de même que les fleuves

    par une imperceptible source

    tapie dans la forêt

     

    de même qu’un embrasement

    par l’allumette

    qui allume une cigarette

     

    de même que l’amour par un simple regard

    un frôlement l’inflexion d’une voix

     

    se poser à soi-même une question

    ainsi s’amorce la résistance

     

    que l’on poursuit en la posant à autrui

     

     

     

     

    traduit du néerlandais par Daniel Cunin

     

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    documentaire de 2016 sur et avec Remco Campert (NL)

     

     

     

  • Gieser Wildeman

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    Un poème de Radna Fabias

    dit par Laurence Vielle

     

     

    extrait du recueil Habitus, éditions Caractères, 2019

     

     

     

  • LE DÉMON VANDERPYL

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    Fritz Vanderpyl à travers les yeux de Max Jacob

     

     

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    Parmi les nombreux artistes que Fritz Vanderpyl a côtoyé au cours des premières décennies du XXe siècle, il y eut ceux de l’entourage de Guillaume Apollinaire, par exemple Max Jacob. Le 23 décembre 1908, le Hollandais note dans son journal intime : « Chez Apollinaire : Blum [?], Halpert, Salmon, Max Jacob, Cremnitz, Stein et sa sœur, une autre dame, Mme Picasso, Picasso. » La compagnie se retrouvait aussi assez souvent chez le père Azon : « Je retrouvais Derain dans un petit restaurant, en haut de la rue de Ravignan, se souvient Maurice de Vlaminck dans Tournant dangereux. C’était un petit bistrot pour cochers ou maçons qui se trouvait en face de l’atelier où habitaient Picasso et Van Dongen. Venaient prendre leurs repas dans cet endroit beaucoup de camarades connus ou morts à l’heure actuelle : Picasso et Max Jacob qui ne se quittaient pas, Apollinaire et Derain, Braque et Ollin l’acteur, Dupuis, capitaine de frégate ès lettres, Fritz Vanderpyl, André Salmon. Tous étaient pauvres mais pleins d’enthousiasme, de jeunesse. Le patron faisait crédit, jouait ses portions sur l’avenir de ses clients. Pauvre Azon ! Comme il n’avait pas les fonds nécessaires pour attendre bien longtemps, une faillite banale vint fermer son établissement. À deux heures du matin, l’air de la salle était irrespirable. La fumée épaisse des pipes et des cigarettes, l’alcool et le vin blanc, l’énervement général rendaient délirants les esprits surchauffés. C'est dans cette salle que naquit le cubisme. »

    fritz vanderpyl,max jacob,poésie,diable,apollinaireOutre les repas et les conversations, on partage des lectures : « 7 août 1914 – Je viens de voir le peintre Halpert chez lui, Bd Saint-Jacques. Il me prête le livre de poèmes bretons de Max Jacob et me montre une carte postale venue de Fontarabie, sur laquelle Delaunay l’engage à passer en Espagne, où l’on peut attendre les événements sans crainte. » (Cf. « Pages du journal inédit de Vanderpyl », présentées par Henri Certigny, Que vlo-ve, janvier-mars 1993). On est alors au tout début de la guerre. À l’instar d’un Blaise Cendrars, Fritz ne va pas tarder à s’engager dans les rangs de la Légion étrangère. Ce que Max Jacob apprend. Dans une lettre du 22 septembre à Daniel-Henry Kahnweiler, il transmet au marchand des nouvelles de leurs amis communs : « Guillaume Apollinaire est (à Orléans) à la Légion Étrangère avec Serge et Galanis. Ils y souffrent de voisinages peu agréables. Vanderpyl y est aussi et, je crois, Canudo. Aucune nouvelle de Salmon ; Mac Orlan blessé au pied est revenu puis reparti. » (Béatrice Mousli, Max Jacob, 2005, p. 154).

    fritz vanderpyl,max jacob,Apollinaire,poésie,diableRelevons au passage que le premier livre que Kahnweiler publiera une fois le conflit terminé, dans sa nouvelle série aux éditions de la Galerie Simon, sera le recueil Voyages de Fritz rehaussé de dix-huit gravures sur bois de Maurice de Vlaminck. Il s’agit d’ailleurs du premier volume illustré par ce dernier. « L’ingénuité et la violence de Vanderpyl, l’auteur des poèmes, s’accordent à merveille avec le tempérament de Vlaminck », estime Claude Roger-Max (« Vlaminck illustrateur », in Plaisir de bibliophilie, 1927, p. 79).

    En quelques occasions, Max et Fritz publient dans la même revue. Leurs noms sont ainsi réunis sur la couverture de Nord-Sud n° 6-7 (août-septembre 1917) à côté de ceux de Soupault, Apollinaire, Reverdy, Breton, etc. Dans le n° 4 d’Action. Cahiers individualistes de philosophie et d’art (juillet 1920 p. 4), Jacob publie un poème en prose intitulé « Jamais plus ! ». À compter de 1924, cette page relèvera des Visions infernales, recueil paru aux éditions Gallimard, que l’auteur lui-même regardait comme un « Cornet à dés chrétien ». Il s’agit d’une « traversée du démoniaque dans une confusion entre rêve, vision et réalité ; une ‘‘ethnographie du démon’’, comme il le précise dans le poème liminaire. L’atmosphère onirique est résolument placée sous le signe du cauchemar qui envahit l’individu laissé sans défense dans la nuit. » (Antonio Rodriguez, in Max Jacob, Œuvres, Quarto, 2012, p. 641)

    Le visage du démon (portrait de F. Vanderpyl par Jean Marchand)

    fritz vanderpyl,max jacob,poésie,diable,apollinaireDans la deuxième partie du poème, Fritz René apparaît : un démon ricanant qui lui ressemble invite Max Jacob tourner le dos à Dieu et à ses anges pour sombrer dans la nuit éternelle qui n’offre plus aucun accès ni à la Terre ni au Ciel. Faut-il voir dans ces lignes une provocation à l’égard de l’ancien légionnaire ? une goguenardise ? une forme de représailles ? Il faut dire que Vanderpyl ne prenait pas toujours des gants : « Sa franchise d’accent bien connue, sa verve parfois un peu rude et qui n’hésite pas à bousculer au besoin ses amis eux-mêmes, nous incitent à le suivre. » (R.C., « Chronique. Bibliographie », Art et décoration, janvier 1931, p. VII)La pique se fonde-t-elle sur le « rire, insolemment dionysiaque » de Fritz ? Sur le diable qui s’emparait de lui et « le précipitait dans les abîmes de la fureur », ainsi que l’évoque son ami André Salmon dans Souvenirs sans fin (1903-1940) ?

    Ce qui est certain, c’est que la physionomie et la corpulence de Vanderpyl, sa barbe en bataille et sa pipe, ont marqué ses contemporains tout autant que sa faconde, sa jovialité, sa générosité ou encore ses emportements. Certains de ses amis l’affublaient du surnom Ratapouf. Un journaliste de La Petite République voyait en lui « un réjouissant Hollandais-méridional que tout le quartier Latin a connu. Le gros Fritz, comme on l’appelait familièrement, fut célèbre de la Closerie des Lilas aux Deux Magots. Il doit être même naturalisé petit Parisien. Ce qui lui donnerait du poids. » Le célèbre critique Louis Vauxcelles le décrit comme le « meilleur des garçons avec ses airs de sanglier » (« Souvenirs d’un vieux critique. Joachim Gasquet et le dîner des Tourelles », Beaux-Arts, 28 avril 1939, p. 5).

    Le 7 janvier 1933, un journaliste, descendant en flammes dans L’Œil de Paris le portrait de Fritz peint par Charles Blanc, souligne le contraste entre bonhomie et disgrâce physique chez Vanderpyl, « le plus charmant des hommes, [qui ] n’a rien d’un Apollon. Il est coquettement obèse et son visage est de ceux dont les artistes disent poliment qu’il a du ‘‘caractère’’ ». Un autre commentateur défend le même tableau en recourant à un qualificatif pas forcément très flatteur pour l’intéressé : « Le Vanderpyl de Charles Blanc mérite une mention particulière par sa ressemblance frappante. La lèvre, les yeux, le nez sont ceux d’un bourru, du bourru bienveillant qu’est le poète gastronome. » (H.F., « Une visite au Salon d’Automne. La contribution des artistes algériens », L’Écho d’Alger, 9 novembre 1933, p. 2.) De même, toujours à propos de cette toile, L. Vauxcelles relève les manières rudes de son confrère qu’il connaissait bien : « Son Vanderpyl est beau de vie intérieure et de vérité. Le caractère intime de notre confrère, cette douloureuse tendresse qui se cache sous les éclats de la brusquerie, est ici senti et restitué. » (« Les salons d’automne », Excelsior, 1er novembre 1933, p. 6.)

    F. Vanderpyl, par F. Desnos

    fritz vanderpyl,max jacob,poésie,diable,apollinaireEn une autre occasion, le même auteur livre l'un des portraits les plus précis de son confrère : « J’aime Vanderpyl parce qu’il est un des très rares artistes de notre corporation encombrée de cuistres ; artiste qui sent et s’exprime avec une libre violence ; personnel en ses opinions, injuste parfois, passionné, sectaire, mais artiste jusqu’aux moelles. Vanderpyl – célèbre par ailleurs en tant que gastronome et critique érudit des choses de gueule ; Vanderpyl avec qui l’on aime faire un bon repas, parce qu’il sait l’arôme des bourgognes et la saveur des daubes, chérit la peinture comme il aime les bons plats : j’entends sensuellement, en gourmet ; et c’est ainsi – non en théoricien – qu’on doit goûter les arts plastiques ; Gasquet aimait la peinture de cette manière, qui est la vraie. Vanderpyl adore les tempéraments généreux, un Segonzac, un Dufresne, un Vlaminck ; il est, ne l’oublions pas, de souche hollandaise ; le truculent, la matière onctueuse, la belle coulée des pâtes, voilà son affaire ; ne lui parlez pas des doctes cubistes hyper-constipés : son rire, insolemment dionysiaque, éclaterait et sa voix rauque (‘‘ma voix de vieille mouette écrit-il en ses délicieuses Gouttes dans l’eau) s’enflerait jusqu’à l’imprécation. Vanderpyl est un être malaisé à pénétrer, pour qui l’aborde ; on ne le comprend – on ne le devine – que si on l’a un peu pratiqué. Vous le jugeriez, à la première rencontre, paysan du Danube, ours mal léché, infumable ; sa tête ronde enfoncée en de costaudes épaules, son allure de vieux marin, ce je ne sais quoi d’abrupt, de rugueux, déconcerte, éloigne le raseur aimable. Mais que de finesse en ce regard triste ! Et quelle tendresse, qu’elle ferveur mêlées, dont il semble avoir honte ! Quel affectueux enthousiasme Vanderpyl dépense lorsqu’il est nécessaire de défendre les artistes qu’il apprécie, le poète Guy Charles Cros, le peintre Jean Marchand – décoré le même jour que lui – le céramiste catalan Durrio, des jeunes, tel Demeurisse… Ah ! le personnage étrange et paradoxal ! Il est lourd d’aspect, tangue en déambulant : or, Vanderpyl est un dandy (monocle, bagues, cravates amusantes) ; il affecte un langage haut en couleurs, dru, cynique, débraillé ; or, il est délicat, voire précieux ; grossier à l’occasion, coléreux en diable – et c’est un tendre… Il sera furieux, notez-le, que j’essaie de montrer au public le vrai Vanderpyl ; il me décochera un petit bleu d’engueulade : ‘‘Pourquoi dis-tu ça ? D’abord ce n’est pas vrai... Et puis, ça ne les regarde pas, etc… » (« Le Carnet des ateliers », Le Carnet de la semaine, 18 septembre 1927, p. 16.)

    Louis Vauxcelles, par Pierre Choumoff (INHA)

    fritz vanderpyl,max jacob,poésie,diable,apollinaireLa présence de Fritz dans le poème en prose de Max Jacob a été relevée par un critique des Nouvelles littéraires, artistiques et scientifiques (11 décembre 1926) qui compose avec humour sur le recueil du Haguenois Des gouttes dans l’eau : « Et je sais tous les sons, et j’ignore les mots. Nous voici avertis : ces gouttes dans l’eau sont des notes de musique. Aucune ne se perd, toutes sont pour le moins curieuses, quelques-unes très pures. En marge de ce petit livre, des mots indiquent et expliquent la façon de lire qui lui convient : alerte, digne, avec force, explicatif joyeusement, avec passion, très lentement. Pour l’acteur des soirées poétiques de l’Odéon ou de la Comédie-Française, très bien. Vanderpyl a inventé le poème - coquetail (selon l’orthographe de M. Eugène Marsan.) Quelques mots d’italien, deux ou trois vers en hollandais, deux strophes en anglais, un peu d’allemand, secouez fort et avalez d’un trait. La poésie vous monte à la tête. Ce qu’il faut dire aussi c’est que M. Vanderpyl n’est pas qu’un poète particulièrement original, c’est aussi un gourmet. Il sait cuisiner et le prouve, même, avec des gouttes d’eau. D’ailleurs Max Jacob a écrit que Vanderpyl, qui se révolte contre tant de choses, ressemblait au diable et c’est tout dire. »

    D. Cunin

     

     

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    JAMAIS PLUS !

     

    Tu as vécu en face de l’Église, dans des salles bien cirées où de chers vieillards t’enseignent la vertu sans lunettes et par l’exemple. Tu as vécu sous l’Arc de Triomphe avec des échelles et des jeunes gens blonds.

    Tu as vécu dans les hôtels meublés où les plantes des jardins sont artificielles et où tout sent le moisi même les conversations nocturnes.

    Tu as bu des nuits entières dans d’autres hôtels, avec des compagnies et des divans.

    Et tu n’as pas songé que ton Père Céleste te regardait, que tes frères célestes qui sont les anges te regardaient.

    Maintenant tu crois que la vie terrestre continue parce qu’un démon qui ressemble au poète Fritz Vanderpyl t’invite, t’a invité : il ouvre une soupente pour toi en ricanant et là, tu es dans une nuit sans lucarne et sans espoir. Serait-ce… ? Horreur ! quoi mon Dieu, mes larmes ne vous toucheront-elles pas ?

    Il est trop tard ! ma tête heurtera le toit et le mur et cela sera la nuit toujours. La terre, la chère terre, le soleil, le cher soleil, jamais plus !

      

    Max Jacob

     

     

    MAX JACOB - JAMAIS PLUS - VANDERPYL.jpg

    Action. Cahiers individualistes de philosophie et d’art,

    n° 4, juillet 1920, p. 4.