Lucas Cranach l'Ancien en poésie (25/10/2010)

 

Un poème d’Astrid Lampe

 

 

CranachExpo.pngÀ l’occasion de l’exposition The World of Lucas Cranach au Palais des Beaux-Arts de Bruxelles, les visiteurs peuvent découvrir des peintures parlantes : « Au XVIe  siècle, le tableau vivant était considéré comme un genre “littéraire” dans les cercles de rhéteurs. Dans l’exposition de Cranach, ce n’est plus l’homme qui est considéré comme une sculpture humaine mais les tableaux qui sont “anthropomorphisés”, au propre comme au figuré. Ce concept est un clin d’œil au peintre anversois Jan Cox qui avait un jour déclaré qu’il fallait savoir écouter ses peintures pour en saisir le sens. Cinq poètes de renom, issus de Belgique et des Pays-Bas se sont chacun inspirés d’une peinture de Cranach pour lui insuffler vie sous la forme d’un poème. Ils ont ainsi donné le jour à cinq poèmes audio uniques qui donnent la parole à la peinture. Les cinq poètes ont tous des atomes crochus avec le monde de Cranach. Certains ont préféré laisser libre cours au personnage du tableau, d’autres ont choisi de donner vie à la peinture elle-même. »

Les poètes en question sont Stefan Hertmans (Belgique), Astrid Lampe (Pays-Bas), Lucienne Stassaert (Belgique), Gwenaëlle Stubbe (Belgique) et Han Van der Vegt (Pays-Bas). On peut entendre les poèmes en 3 langues : traductions de Piet Joostens pour le néerlandais, Daniel Cunin pour le français, Cole Swensen et Willem Groenewegen pour l’anglais.

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Lucas Cranach l’Ancien, Lucrèce, vers 1510-1513, collection particulière © www.humanbios.com, Human Bios GmbH, Suisse 

 

 

Le poème d’Astrid Lampe inspiré du tableau Lucrèce

 

 

weer valt mijn vacht op dezelfde plek open

kan het blote oog bloter: neem bezit van mijn wit

neem bezit van dit wit, sla het op sla me open

room me af met je blik voel je vingers

weer lopen: niets verzinnen manmijn

de wol die ik spon tot jij mij weer liet spinnen

was de wol die ik kaarde o en wit was die wol

o en witter mijn tint nu, de teint die ik trouw met de room voor je

spaarde: uit! nu die droom, vals de dag

 

weer valt de nacht op dezelfde plek open

kon het boze oog bozer

al het zwart kruipt zo naar boterzwaar in me op

kan je blote oog bloter kón ik maar blozen liefste o en dolk

stoot me rozen al bleef ik dood in zijn grafkou, nog trekt de slaap

het halve werk van die lafaard nu simpel voltooien

open en bloot rond me af neem bezit van dit wit o

en hart noem me diertje jouw Lucretia totaal ( )

blind leid ik je staal stoot o en stoot nog éénmaal

 

 

 

encore même endroit encore ma fourrure s’entrouvre

l’œil nu peut-il se faire plus nu

prends ma blancheur prends

possession de ma peau blanche peau

couve-la des yeux allaite-toi

ouvre-moi de tes doigts cours et parcours – sans minauder

la laine que j’ai filée pour filer doux

entre tes doigts, laine ô combien blanche

ô combien plus blanc mon teint

teinte et lait que j’ai gardés fidèlement

pour toi : fini ! d’abord le rêve, faux jour

 

encore même endroit encore la nuit s’entrouvre

le mauvais œil peut-il se faire plus mauvais

tout le noir grimpe caillé en moi

ton œil nu peut-il se faire plus nu

et moi rougir ô tendre et dague

poignarde-moi de roses même si je gis

dans le froid de sa tombe le sommeil attire

histoire de finir le boulot bâclé de ce couard

ouverte et nue achève-moi prends possession de cette blancheur ô

cœur appelle-moi biche ta Lucrèce toute (  )

 aveugle je guide ton acier frappe oh poignarde et frappe encore 

 

 

traduit du néerlandais par Daniel Cunin

 

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Lucas Cranach l'Ancien, Le Suicide de Lucrèce, 1538, Bamberg, Neue Residenz 


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