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Ferveur des hivers

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Claude-Henri Rocquet,

mémoire éternelle !

 

 

« Nous tenons tête, nous gardons cœur, la fumée bleue prie sur notre toit sans qu’on y pense, et tout l’hiver, tant il est dur parfois, est la saison de la plus grande tendresse. »

 

« Tout me porte à aimer la clarté d’esprit et à la désirer. »

 

« La nuit est mère des fleurs et des fruits. »

 

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main de Claude-Henri Rocquet posée sur le manuscrit de

Bruegel, la Ferveur des hivers

 

 

La voix si chaude et attentive de Claude-Henri Rocquet vient de s’éteindre, lui qui a tenu, à travers ses poèmes, à prolonger l’œuvre de l’ami Norge et qui reconnaissait en son compatriote, le Flamand Emmanuel Looten, l’un des poètes les plus rares de notre XXe siècle.

 

CHR-couv2013.png« Penser à la mort. Penser la mort. Penser l’impensable, l’horizon absolu de toute pensée, de toute parole, et que je ne saurais franchir sans entrer dans un silence incomparable à tout silence d’en deçà de ma mort, à tout silence d’un vivant. Penser l’impensable, cet impensable qu’est d’être mort ; mais n’est-ce pas, cependant, cet impensable qui est le cœur de toute pensée : ce qui la rend possible, humaine ? Cette fin de toute pensée qui, par un étonnant renversement dont nous n’avons que rarement conscience, donne à la pensée sa capacité de vérité.

La pensée de la mort serait ce qui nous sauve de la distraction, du divertissement, du néant. Or, si j’écris ma pensée sur la mort, cherchant le mot le plus juste, voire le plus beau, voici que ma pensée se distrait de la mort, se leurre, prend plaisir. Voici que déjà je me suis fui, et que vivant, mortel, je m'ignore vivant, mortel, – je m’ignore. Tu graves ton épitaphe, tu souffles sur la poussière du marbre ou de la pierre, tu considères l’incision à l’heureuse lumière du jour, et tu es heureux de « la belle ouvrage » ! Artiste ! Artiste, et qui peignant d’un pinceau suave l’ivoire du crâne de la nature morte, et l’ombre de l’orbite creuse, te délectes, te régales. Sur le fruit qui se décompose, blet, déjà pourri, – mais quel coloris d’automne ! la vermine que tu peins comme à la loupe, précieuse, le ver aveugle, c’est toi, mais tu signes de ton nom, vaniteux, ce Triomphe de la mort, ton chef-d’œuvre, ton testament. Et tu passes à autre chose, à un autre sujet, comme si tu avais le temps de peindre encore, de vivre toujours. Tu t’es perdu dans la surface. Mais il est vrai, pourtant, que l’amour de la beauté, sur le plan qui est le sien, et ce désir d’une œuvre, l’emporte sur la mort, la combat, la nie. L’amour de la beauté, sur son plan, est un salut.

Si je suis chrétien, si je me signe du signe de la croix et récite avec l’Église des chrétiens le Credo, inaltérable, et si quelqu’un m’interroge sur ma pensée de la mort, sur la façon dont je vis la nécessité d’avoir à mourir, l’arrêt inéluctable, je ne puis répondre comme si je ne croyais pas au Christ, comme si je n’espérais pas en sa promesse de vie éternelle. Et exspecto resurrectionem mortuorum... Mais quand réciterai-je le Credo, non des lèvres, mais du profond du cœur, de tout mon être ? À la dernière heure, au dernier souffle ? »

 

C.-H. Rocquet, « Le voile de l’iconostase »,

Les racines de l’espérance,

Paris, L’œuvre, 2013, p. 11-12.

 

 

 

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NORGE

UNE FÊTE

 

La folle mouche d’octobre

Qu’exaltait l’amour de vivre

Sent déjà pincer le givre

Qui va lui blanchir la robe.

 

Mais elle ne gémit pas

Et nous zézaye à tue-tête,

Mordant au raisin muscat

Que la mort est une fête.

 

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 Emmanuel Looten parle en looten

 

 

EMMANUEL LOOTEN

POÉSIE

 

Cris terrifiés accrochant au ciel gris,

Plaintes au ventre intime des souffrances,

Extrême éventration et l’humain décerné.

 

Ô nom de mon poison, de ces toxines prestes,

Scaphandre harmonieux, ah tout vient de l’Ether !

En ardentes spirilles, je brûle d’origine…

 

Je viens devant la race avec mon corps impropre,

Ces plaies d’une impudeur, sang qui ne sèche point,

Je verse mon symbole aux cratères ivrognes.

 

Je crois et plus encore, à charité multiple,

Mon cœur s’est confondu, toutes plaies débridées

Aux morts de mille vies, exclamantes de ciel.

 

Couchant perdu, nuit-sable, enlisé de mon geste,

Déperdu de souffrir et la Dette enrichie…

Un autre pèlerin a retenti mes pas.

 

Sert-il de poésie aux éternels silences ?

Un autre pèlerin sur ma dépouille torse

A recouvert ce drap, continue le chemin…

 

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Claude-Henri Rocquet

à propos des Racines de l’espérance

 

 

 

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