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Peintres-Graveurs

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    Un Hollandais parisien : Joris-Karl Huysmans

     

    MARC SMEETS - COUV.jpeg

    Marc Smeets, Een Parijse Hollander. Joris-Karl Huysmans, Hilversum, Verloren, 2021, 226 p[1].

     

     

    Dans l’un de ses écrits sur l’art, J.-K. Huysmans (1848-1907), en admiration devant des gravures de l’artiste et poète amstellodamois Jan Luyken (1649-1712), dont il en possède d’ailleurs certaines, anathématise les richissimes collectionneurs qui préfèrent dépenser des fortunes pour acquérir des toiles imposantes de l’animalier Constant Troyon (1810-1865) ou de l’académique Jean-Léon Gérôme (1824-1904) plutôt que d’en acquérir une seule, serait-ce pour dix fois moins, d’Auguste Renoir (1841-1919) ou de Jean-François Raffaëlli (1950-1924) : « Le propre de l’argent est de parfaire le mauvais goût originel des gens qu’il gorge ; aussi la richesse va-t-elle, en peinture, là où son groin la mène, aux Meissonier et aux Jacquet, aux Munkascy et aux Henner, aux Bourguereau et aux Detaille ! » Et le critique de souhaiter à ces parangons du panurgisme de subir le sort atroce que réservent des catholiques aux réformés représentés par le fervent Luyken sur ses tailles douces : « En songeant à la prodigieuse imbécillité de ces dollars et à la rare infamie de ces toiles, je rêve volontiers devant la vieille planche ‘‘des Martyrs’’ de Jan Luyken. Elle contient, en effet, quelques tortures qu’en imagination j’appliquerais avec une certaine aise, je crois, à la plupart de ces acquéreurs. Celles-ci, peut-être : les attacher, nus, sur une roue qui, emmanchée d’une manivelle, tourne et pose le corps, alors qu’il descend et atteint la terre, sur une rangée aiguë de très longs clous ; ou bien asseoir ces suppliciés sur des chaises rouges et les coiffer délicatement de casques chauffés à blancs ; – les attacher encore par un seul poing à un poteau, après leur avoir lié préalablement les jambes, et leur enfoncer difficilement, presque à tâtons, à cause du va-et-vient du corps qui se recule et cherche à fuir, la spirale ébréchée d’un vilebrequin énorme. » Cependant, Huysmans estime que pareilles représailles nous lasseraient et, au bout du compte, enrichiraient d’autres industriels, en rien eux non plus d’authentiques dilettantes : « Les chevalets, les bassines à poix, les tenailles et les pinces, les doloires et les scies s’useraient à tourmenter la multitude des acheteurs et des peintres. On enrichirait ainsi les manufacturiers de l’acier médical et du fer et comme, eux aussi, ils achèteraient des Gérôme et des Bouguereau, ce serait une chaîne ininterrompue de supplices que prolongeraient, dans les siècles à venir, les générations issues de leur misérable commerce avec des femmes elles-mêmes enfantées, dans des oublis de négociants véreux et repus. »

    JKH - Ecrits-sur-l-art.jpegMéconnu en France à l’époque comme il l’est d’ailleurs encore probablement aujourd’hui, Jan Luyken est l’un des Hollandais auxquels Joris-Karl aime consacrer des pages, ceci même si le bonhomme d’une laideur extrême appartient à « ces ennuyeux huguenots dont la race, si mal arrachée par les jardiniers de Rome, a poussé jusqu’à nos jours ses rejetons d’hypocrites bourgeois et de tristes et de sots pasteurs »[2]. Ainsi, À rebours s’attarde sur la vie aux maints épisodes tragiques de cet artiste : il est en effet l’un des rares dont Des Esseintes agrée des œuvres sur ses murs. Plus attendus, Frans Hals (1582/1583-1666), Adriaen van Ostade (1610-1685) et Rembrandt (1606-1669) occupent eux aussi une place non négligeable dans la production du fils du lithographe néerlandais Godfried Huijsmans (Breda 1815-Paris 1856) et de la Française Malvina Badin (1826-1876). Dès 1874 et le recueil de poésies en prose Le Drageoir aux épices, le jeune homme manifeste un goût pour les peintres du Nord (Paysans de Brauwer, buvant, faisant carrousse, / Sont là. Les prenez-vous ? À bas prix je les vends… ; « La Kermesse de Rubens », « Cornelius Béga »). Point de Johannes Vermeer (1632-1675) toutefois dans l’œuvre, lequel avait pourtant été redécouvert par Théophile Thoré-Bürger, et dont onze des toiles avait été exposées en 1866 au Palais des Champs-Élysées : « Tableaux anciens empruntés aux galeries particulières ».

    Parler de peinture hollandaise relativement à l’œuvre d’écrivains français est symptomatique d’une situation qui, depuis de longues décennies, perdure : on a l’impression qu’à leurs yeux – ceci à de rare exception près, Yves Leclair en étant une[3] –, la Hollande n’existe qu’à travers ses imagiers et aucunement, pour ainsi dire, par l’intermédiaire de ses autres créateurs : compositeurs, poètes, sculpteurs, architectes, écrivains… On le regrette d’autant plus à propos de Huysmans : un destin un peu plus irrévérencieux aurait pu faire de lui un auteur à même de lire ses confrères bataves et d’ainsi, par exemple, transposer en français quelque précieuse prose picturale d’Arij Prins (1860-1922) bien mieux que n’a pu le faire un Georges Khnopff (1860-1927)[4]. Dans la correspondance qu’il échange avec son ami hollandais, non dénuée de passages savoureux, Joris-Karl suppose que seul un Maeterlinck (1862-1949) – lui qui ouvre À rebours sous la forme d’une épigraphe – serait à même de restituer « la personnalité curieuse » du style de l’original[5], Maeterlinck qui a eu le mérite de traduire Die gheestelike brulocht (L’Ornement des noces spirituelles) et Vanden twaelf beghinen (Le Livre des XII béguines) du mystique Ruusbroec, mais qui ne s’est malheureusement pas attaqué à des œuvres de ses contemporains flamands ou néerlandais, pas même à l’une de celles de son intime Cyriel Buysse (1859-1932)[6].

    Arij Prijs, par Willem Witsen (1892)

    ARIJ Prins PAR Witsen 1892.jpgCela dit, malgré une connaissance pas même rudimentaire de l’idiome paternel, Huysmans a, durant une bonne partie de son existence, porté un réel intérêt à quelques provinces hollandaises et non pas seulement à leurs peintres. C’est de cet attachement aux contrées septentrionales dont traite une partie de l’ouvrage Een Parijse Hollander (Un Hollandais parisien) de Marc Smeets. Après plusieurs travaux sur son écrivain de prédilection[7], ce dernier a offert l’an passé au lecteur néerlandais le fruit de maints rapprochements et recoupements qu’il a opérés dans la vie et l’œuvre du créateur de Durtal. Une entreprise exhaustive qui se présente sous forme tripartite : I. Huysmans et la Hollande (biographie) ; II. Huysmans en Hollande (réception) ; III. La Hollande chez Huysmans (l’œuvre). Si le sujet appelait pareille structure, il n’en reste pas moins que ce clin d’œil trinitaire n’eût certainement pas déplu à l’oblat. Il va de soi que certains éléments sont connus de la critique huysmansienne et des lecteurs du Bulletin de la Société J.-K. Huysmans, mais ils n’ont jamais été présentés de la sorte, sous un dénominateur commun, en faisant appel, en plus des textes, aux lettres inédites, aux périodiques néerlandais, etc. L’amateur retrouvera maintes évocations familières quant au passage des prénoms Charles Marie Georges à Joris-Karl, aux voyages aux Pays-Bas, aux péripéties et brouilleries familiales, à l’amitié avec Arij Prins, à l’écriture de Sainte Lydwine de Schiedam… de même que leur seront familiers les chatoiements glanés dans la culture batave au fil des publications du romancier et critique d’art.

    Il n’en est pas moins vrai qu’Un Hollandais parisien remédie à une grosse anomalie : l’absence d’étude digne de ce nom, en néerlandais, sur cet homme de lettres dont le cœur n’a guère cessé de battre pour les terres de son père et de Constant (1810-1888), l’oncle peintre et parent resté le plus proche. Ce livre forme donc un accompagnement plus que bienvenu pour les néerlandophones qui ont été séduits par l’une ou l’autre des traductions existantes, à savoir Marthe, En ménage, À vau-l’eau, À rebours, Là-bas, En route, En rade, En Hollande, La Retraite de monsieur Bougran, Dom Bosco, Les Foules de Lourdes ainsi qu’une partie des essais sur l’art (Félicien Rops, Gustave Moreau, Odilon Redon, Degas, Whistler, Millet, Cézanne, Goya, Turner…)[8].

    ARIJ PRINS - HUYSMANS - LETTRES.jpegDans Un Hollandais parisien, la cinquantaine de pages consacrées à la réception de l’œuvre aux Pays-Bas du vivant de l’auteur ou juste après sa disparition sont donc sans aucun doute celles qui renferment le plus de données nouvelles pour les aficionados. Elles mettent d’abord en lumière les avis, souvent contrastés et non moins évolutifs, émis au fil du temps par quelques figures majeures du renouveau littéraire des années 1880, à savoir le « guide » Willem Kloos (1859-1938)[9], l’esthète Lodewijk van Deyssel (1864-1952), le compositeur Alphons Diepenbrock (1862-1921) et le francophile Frans Erens (1857-1935)[10] –, mouvance au sein de laquelle évoluait Arij Prins lui-même, certes parfois depuis Hambourg. Dès le début, Arij Prins fait preuve de plus de « lucidité critique » que ses compatriotes dont il va d’ailleurs gagner certains à sa cause : la défense de Huysmans qui s’est démarqué du naturalisme. Marc Smeets prolonge et enrichit le propos qu’il tenait en 2008[11] et en 2011[12], son exposé abordant la perception de l’œuvre de Joris-Karl sous la plume d’un professeur et critique respecté, à savoir Jan ten Brink (1834-1901)[13], thuriféraire de Zola au même titre que l’un des correspondants de ce dernier, Jacob van Santen Kolff (1848-1896)[14]. Difficile en effet de lire le premier Huysmans sans faire un passage par Médan, même si là se déversent, selon nombre de commentateurs hollandais, les égouts des belles-lettres françaises. Au fil du temps, pour une part sous l’influence de Prins est-on en droit de penser, Jan ten Brink, ou « Preste-Plume » ainsi qu’on a pu le surnommer, a fini, sans pour autant renier les principes zoliens, par reconnaître la singularité de l’auteur des Sœurs Vatard, qui, à chaque nouvel ouvrage, cherche à se renouveler, « à percevoir quelque chose de tout à fait extraordinaire ». C’est ce que l’on comprend en lisant la quarantaine de pages datant de 1887 dans lesquelles l’érudit aux proéminentes bacchantes passe en revue tous les écrits de Joris-Karl alors publiés. Comme d’autres avant lui et surtout après lui, le critique souligne le fait que l’écrivain est, pour moitié, néerlandais, et que « les deux nationalités se reflètent dans son œuvre », ce qui est d’autant plus vrai qu’il professe un réel « antiméridionalisme ».

    À la même époque, « Hollande » retient l’attention d’une plume anonyme qui réduit ce récit de voyage à un pur échantillon d’« insipides saletés » naturalistes. Après une première phase d’extrême frilosité[15], le raffiné prosateur Lodewijk van Deyssel va se reconnaître, à partir de la toute fin des années 1880, une réelle parenté avec plusieurs titres de son confrère parisien. À tel point qu’il bondit sur Là-bas pour répandre au plus tôt, dans les revues et sa correspondance, ses éloges en ayant pris soin de proclamer, peu avant, la mort du naturalisme. En 1895, il s’empressera pareillement de lire puis de commenter sa lecture d’En route, même s’il émet en l’occurrence certaines réserves. La facette « mystique » du roman, restituée dans une palette trop naturaliste, dérange de même Frits Lapidoth (1861-1932) : « on ne peut pas se jeter dans le mysticisme comme d’autres dans l’occultisme », écrit à propos de Durtal, ce littérateur, correspondant pendant une dizaine d’années (vers 1884-1894) d’un grand journal hollandais dans la capitale française, très au fait des pratiques occultistes parisienne ainsi que le prouve Goëtia (1893), son roman à clef tout imprégné de la lecture de Là-bas[16]. Malgré donc des réserves, cet auteur salue le talent de Huysmans dans un long article portant essentiellement sur En route.

    Frins-Gendelettre-scaled.jpgDe son côté, le catholique Limbourgeois Frans Erens se réjouit du virage « spirituel » que révèle le roman en question, « l’un des livres les plus importants de ce dernier quart de siècle ». Ayant constaté qu’À vau-l’eau n’a bénéficié de quasiment aucune attention, il consacre par ailleurs quelques pages à cette œuvre plus courte qui, à son avis, survivra mieux que la plus grande partie de la production littéraire du XIXe siècle. Par la suite, il va considérer La Cathédrale, ainsi que quelques autres titres, comme des monuments bien plus imposants que la Rome, le Paris ou la Lourdes de Zola ; il souligne alors l’essence de la mystique au sens huysmansien du terme, à savoir « une œuvre d’art qui prend vie grâce à la force galvanisante de l’artiste croyant[17] ».

    Toutefois, on le sait, l’enthousiasme de la plupart des Hollandais – dont Arij Prins – s’est refroidit sensiblement à la toute fin du XIXe siècle, à compter justement de la parution de La Cathédrale[18]. Revue socio-culturelle de qualité, De Kroniek (La Chronique, 1895-1907), au sein de laquelle on peut distinguer un courant catholique et un courant socialiste, est le seul périodique confessionnel à faire état des nouvelles publications de Joris-Karl, sans pour autant leur consacrer de réelles recensions. Au demeurant, il faudra attendre la mort du converti pour réentendre Arij Prins et Frans Erens s’exprimer sur « la plus importante figure littéraire de la France moderne[19] ». Selon ce dernier, Huymans est celui qui a préparé le terrain au symbolisme. Point commun entre le Limbourgeois et le seul Néerlandais à avoir entretenu une longue correspondance avec le romancier : le silence quasi total sur les œuvres de celui-ci postérieures à La Cathédrale. Cette extrême discrétion et cette défiance de la critique s’expliqueraient-elles par la prééminence de la mentalité réformée ? par la frilosité des milieux catholiques devant des écrits que bien des dévots estiment immoraux ?

    Il se trouve que c’est justement la sphère catholique, au sein de laquelle d’aucuns classifiaient les livres en fonction de leur degré d’indécence, qui va assumer la relève, donnant, bien plus qu’on ne le croyait jusqu’à présent et pas forcément aussi négativement qu’on ne le supposait[20], des commentaires sur les œuvres postérieures au retour à la foi de Joris-Karl. Marc Smeets relève une bonne poignée de périodiques confessionnels et autant d’auteurs qui s’attardent plus ou moins longuement sur ces nouveaux titres. Pour son propos, il retient De Katholiek, qui se distingue par une réelle curiosité et par son lectorat choisi. À propos du Hollandais parisien, ce mensuel donne la parole à trois chroniqueurs[21] :

    - en 1896, le journaliste Jan van der Lans (1855-1928) est le premier à situer par le menu l’œuvre de Joris-Karl dans un contexte proprement catholique, ceci à propos d’En route. Il se réjouit de voir le romancier quitter les cloaques du naturalisme pour faire « une apologie du christianisme » guidée par la célébration du beau.

    FRANS POELHEKKE.gif- en 1900, le prêtre de Schiedam Frans Poelhekke (1846-1902)[22] – l’« encyclopédie » à laquelle a puisé Huysmans après son séjour en 1897 dans cette cité pour se documenter sur sainte Lydwine – publie « Eene oprechte bekeering » (Une conversion sincère), article dans lequel il défend son ami, essentiellement sur la base des Pages catholiques (1899), contre les allégations tendant à le comparer à l’imposteur Léo Taxil, lequel, après avoir été reçu en audience par le pape, a fait savoir que sa conversion n’était que pure blague. Ainsi, le curé infirme la parole de ceux qui réclament à l’écrivain de renier ses écrits passés. Et s’oppose à l’idée selon laquelle il aurait, dans sa nouvelle vie, changé de style. En juillet 1901, toujours dans la même revue, le père Poelhekke propose une anlyse de Sainte Lydwine, qui est un peu son bébé. La lecture de cette hagiographie est « magnificence », d’autant que l’auteur inscrit son propos dans la dimension mystique telle que l’entend l’Église : « la relation de l’homme au surnaturel ». Grâce à lui, conclut le membre du clergé, la littérature est de retour dans le giron de la catholicité. Cependant, après la mort de ce serviteur de Dieu survenue 1902, De Katholiek va rester muet au sujet de Huysmans.

    - il faudra attendre le trépas de ce dernier pour que le mensuel sorte de cette léthargie, ceci par l’intermédiaire de Louis B.M. Lammers (1863-1923) qui, vivant à Paris, a eu l’occasion de rencontrer l’écrivain. En pas moins de 7 livraisons qui couvrent 66 pages – le plus grand article jamais consacré, aux Pays-Bas, à l’auteur d’À rebours[23] –, cet ancien religieux atteste du dépit qu’éprouvait Joris-Karl devant le scepticisme de nombre de ses contemporains relativement à sa conversion. Non sans observer une certaine prudence, Lammers se refuse à scinder les deux Huysmans, à parler d’un homme qui aurait rompu avec son style ou qui devrait abjurer ses écrits passés. Son style n’est ni naturaliste, ni catholique, assure-t-il, c’est son style, un style qui lui est propre. Le critique est par ailleurs le premier en Hollande à commenter dans la presse Les Foules de Lourdes, qu’il qualifie de « chant du cygne » ; un curieux livre, mal composé, mal structuré et, malgré tout, sauvé par la qualité de la palette et la beauté de l’écriture. Par son argumentation, le défroqué annonce en réalité l’exégèse récente selon laquelle, l’auteur, en quête d’une nouvelle formule vers la fin de sa carrière, a opéré, à plus d’un titre, un retour au terreau naturaliste.

    LYDWINE - HUYSMANS - DEDICACE.jpgMalgré les efforts de ces différents laudateurs, ce sont les romans de la première période de Huysmans qui ont conservé la faveur des lecteurs bataves, ceci jusqu’à nos jours où, par exemple et malgré quelques tentatives, Sainte Lydwine n’a toujours pas été traduit non plus d’ailleurs que L’Oblat.

    La troisième partie de l’ouvrage de Marc Smeets, qui détaille la présence de la Hollande dans l’œuvre de Huysmans, revient pour l’essentiel et sur le catholicisme – à travers la figure de Lydwine de Schiedam – et sur les peintres septentrionaux dont fourmillent les écrits de Joris-Karl, tant Rembrandt et les plus anciens que quelques contemporains, par exemple Jozef Israëls (1824-1911), membre de l’École de La Haye qui avait suivi une partie de sa formation à l’École nationale des beaux-arts de Paris[24]. Dans ces pages, il est entre autres question d’une aspiration de Huysmans – et donc du Durtal de L’Oblat –, laquelle marie art et foi : « vivre au milieu de coreligionnaires amoureux des arts au sein d’une phalanstère monacal d’artistes ». Songeant au passé médiéval, Durtal n’a-t-il pas la nostalgie d’une fusion des âmes qui prend corps dans une alliance spirituelle entre artistes ? Il se trouve qu’un Hollandais ayant souvent séjourné en France, peintre de surcroît, aurait pu permettre à l’écrivain et à son double littéraire de concrétiser leur rêve. Au cours de la dernière décennie du XIXe siècle, Jan Verkade (1868-1946), rejeton d’une famille de biscuitiers connue de tous aux Pays-Bas, se convertit puis devient oblat à l’abbaye de Beuron – pas très loin du lac de Constance –, communauté bénédictine et, à l’époque, véritable foyer de création artistique. Ami de Maurice Denis (1870-1943), de Paul Sérusier (1864-1927), d’Émile Bernard (1868-1941), de Paul Gauguin (1848-1903)[25] ou encore de l’artiste néerlandais Richard Roland Holst (1868-1938), membre assez oublié des Nabis bien que sa stature lui eût valu le surnom de « nabis obéliscal », Verkade[26] finit par être ordonné prêtre en 1902 en choisissant le prénom Willibrod, celui de l’apôtre des Pays-Bas. On peut regretter que les chemins de Jan et de Joris-Karl, eux qui ont, chacun à leur manière, enrichi artistiquement et spirituellement France et Hollande, ne se soient semble-t-il jamais croisés. Ne partageaient-ils pas le même idéal ? « Cela restait mon rêve, écrit Dom Willibrod, ne plus demeurer seul dans ma faiblesse individuelle, mais recevoir ma part de la force et de la consolation qui émanent d’une aspiration à vivre et œuvrer en communauté. » Pour lui, cet ardent désir ne se concevait pas sans la possibilité de s’inscrire dans une tradition artistique au sein de laquelle l’individu se fond dans une universalité, là où il lui est donné de s’adonner à l’art religieux.

     

    Daniel Cunin

     

     

     

     

     

    [1] L’auteur évoque son livre dans une vidéo (ci-dessus) mise en ligne par son éditeur. Recensions publiées à ce jour : Marc van Oostendorp, « Nergens dansen de boeren en boerinnen » ; Martin de Haan, « Het Hollandse van de on-Hollandse schrijver Joris-Karl Huysmans », De Volkskrant, 27 janvier 2022 ; Roeland Dobbelaer, « Een Parijse Hollander, Joris-Karl Huysmans. Van Rembrandt naar de heilige Lidwina van Schiedam en weer terug » (https://deleesclubvanalles.nl/recensie/een-parijse-hollander-joris-karl-huysmans/) ; Peter Nissen, « Huysmans in Nederland, Nederland in Huysmans », Nieuws van Zuid, n° 7, mars 2022, p. 17-19.

    [2] Toutes les citations sont tirées de « Des Prix. – Jan Luyken », in Écrits sur l’art. L’Art moderne. Certains. Trois primitifs, présentation, notes, chronologie, bibliographie et index de Jérôme Picon, GF Flammarion, Paris, 2008, p. 313-322.

    [3] Daniel Cunin, « Rutger Kopland dans L’Autre vie. De Bruges à Groningue sur les pas d’Yves Leclair ». Du côté des rares écrivains belges francophones au fait des lettres néerlandaises, relevons les noms de Jean-Claude Pirotte, qui a par exemple rendu hommage à Eddy du Perron dans son recueil Hollande, et de Xavier Hanotte, traducteur de Hubert Lampo.

    [4] Sur Georges Khnopff traducteur, voir Clément Dessy, « Georges Khnopff ou la reconversion cosmopolite de l’homme de lettres », Textyles, n° 45, 2014, p. 47-67.

    [5] Lettre 217, 26 juillet 1904, in Joris-Karl Huysmans, Lettres inédites à Arij Prins. 1885-1907, publiées et annotées par Louis Gillet, Librairie Droz, Genève, « Textes littéraires français », 1977, p. 386-387.

    HUYSMANS - EXPO - COUV.jpg[6] Cyriel Buysse a pu être traduit en français en particulier grâce à son grand ami Léon Bazalgette qui occupait d’importantes fonctions éditoriales à Paris.

    [7] On rappellera, parmi les articles que Marc Smeets a signés, « Huysmans de retour au pays : brèves remarques sur la réception de l’œuvre », Cahiers de l’Association internationale des études françaises, n° 60, 2008, p. 343-357 ; « ‘Ter verdediging van den Franschen bekeerling’. De receptie van J.-K. Huysmans in De Katholiek », Nederlandse Letterkunde, n° 3, décembre 2016, p. 235-255 ; « Dix lettres retrouvées de J.-K. Huymans à son oncle Constant », Revue d’Histoire littéraire de la France, n° 3, juillet-septembre 2019, p. 671-694 et « Le testament de Constant Huijsmans. Les dessous d’un héritage », Bulletin de la Société J.-K. Huysmans, 2020, p. 5-19. Auparavant, Marc Smeets avait consacré sa thèse à la conversion de l’écrivain : Huysmans l’inchangé : histoire d’une conversion, 2003 ; la même année, puis en 2009, il a réuni différentes études sous les titres Joris-Karl Huymans et J.-K. Huysmans chez lui. Par ailleurs, l’universitaire, qui enseigne à l’Université Radboud de Nimègue, collabore à l’édition des Œuvres complètes de Huysmans dans la collection « Garnier Classiques ». On peut considérer que cette collaboration et Een Parijse Hollander constituent l’aboutissement de vingt-cinq ans de recherches sur Huysmans.

    [8] Il convient de relever que la plupart de ces traductions, non rééditées, sont pour ainsi dire introuvables et que certaines mériteraient d’être retraduites.

    [9] Relativement à la détestation de l’œuvre du Français chez W. Kloos, auteur du sonnet « Contre J.-K. Huysmans », l’essentiel a été écrit en français. Voir : Joseph Daoust, « Huysmans et W. Kloos », Bulletin de la Société J.-K. Huysmans, n° 25, 1953, p. 275-280 et Marc Smeets, « Huysmans de retour au pays : brèves remarques sur la réception de l’œuvre », art. cit., p. 356-351.

    Brachin-ChatNoir.jpg[10] À propos du Mouvement de 1880 aux Pays-Bas et des liens de Frans Erens avec les lettres françaises, on consultera en français : Pierre Brachin, Un Hollandais au Chat noir. Souvenirs du Paris littéraire 1880-1883, textes de Frans Erens, choisis et traduits par Pierre Brachin avec la collaboration de P.-G. Castex pour les annotations, La Revue des Lettres modernes, n° 52-53. En néerlandais, on se reportera à la thèse soutenue récemment à Groningue par Jean Frins, Gendelettre. De vormende jaren van Frans Erens (1857-1893), 2021, Literaire reeks moddersproak, n° 28. Gendelettre est le titre d’un roman parisien d’un ami d’Erens, le journaliste Paul Belon (1860-1933) ; le jeune Limbourgeois a servi de modèle pour en façonner le personnage central, André Morand.

    [11] Marc Smeets, « Huysmans de retour au pays : brèves remarques sur la réception de l’œuvre », art. cit. Les 216 notes qui accompagnent cette partie du livre témoignent du souci d’entrer dans le moindre détail.

    [12] Marc Smeets, « À l’aune du Naturalisme : J.-K. Huysmans aux Pays-Bas », in Figures et fictions du naturalisme. Joris-Karl Huysmans, textes réunis et présentés par Jérôme Solal, Minard, Caen, « La Revue des lettres modernes », Série Huysmans, n°1, 2011, p. 69-82.

    [13] Historien de la littérature de son pays, observateur et chroniqueur de la vie de La Haye et de celle de Batavia, Jan ten Brink a trouvé l’énergie de rédiger nombre de contributions sur les lettres françaises dans lesquelles il lui arrive de traduire de longs passages des œuvres qu’il évoque ; maints volumes de ses Letterkundige schetsen (Croquis littéraires) réunissent ainsi bien des pages, non seulement sur J.-K. Huysmans, mais aussi sur Honoré d’Urfé, Madeleine de Scudéry, Chateaubriand, Lamartine, Hugo, Stendhal, Théophile Gautier, Jules Janin, Alexandre Dumas, Eugène Goblet d’Alviella, Eugène Sue, Balzac, George Sand, Octave Feuillet,  Edmond About, Ernest Feydeau, Arsène Houssaye, Flaubert, Alphonse Daudet, Jules Verne, Louisa Stiefert, Victorien Sardou, Henri Rochefort, Léon Hennique, Raoul Vast et Gustave Ricouard, Paul Déroulède, Émile Augier, Eugène Scribe, Henry Havard, Eugène Fromentin, Albert Millaud, Alfred Bourgeault, Eugène Gellion-Danglar, Adolphe Thiers, François-Auguste Mignet, les caricaturistes de l’époque…Par ailleurs, en 1879, Ten Brink a laissé des impressions de voyage : Van Den Haag naar Parijs. Reisgeheugenissen (De La Haye à Paris. Souvenirs de voyage), réimprimées à plusieurs reprises dans le volume Drie reisschetsen (Trois récits de voyage). Un chapitre, le quinzième, est consacré à la soirée qu’il a passée chez Victor Hugo (« À la table de Victor Hugo », texte traduit en français par Bertrand Abraham).

    [14] On se reportera à leur correspondance. Voir aussi : Romain Debbaut, « Émile Zola chez Jacques van Santen Kolff », Les Cahiers naturalistes, n° 63, 1989, p. 39-50.

    [15] Marc Smeets, « Huysmans de retour au pays : brèves remarques sur la réception de l’œuvre », art. cit., p. 350 sqq.

    GOETIA - COUV LAPIDOTH.png[16] Sur ce roman fin-de-siècle par excellence, voir, par exemple : Jacqueline Bel, « Satan in Holland : over Goëtia, de salon sataniste van Frits Lapidoth », in Th.A.P Bijvoet, S.A.J van Faassen, Anton Korteweg, C. van Toledo en Dick Welsink (réd.), Teruggedaan. Eenenvijftig bijdragen voor Harry G.M. Prick ter gelegenheid van zijn afscheid als conservator van het Nederlands Letterkundig Museum en Documentatiecentrum, Nederlands Letterkundig Museum en Documentatiecentrum, La Haye, 1988, p. 27-35. Et pour une première approche en anglais : Sander Bink, « Satan is a friend of my mine : the forgotten occult novel Goëtia (1893) ». Frits Lapidoth mérite sans doute un article de fond quant aux parentés de certains de ses écrits avec ceux de Huysmans.

    [17] Marc Smeets, Een Parijse Hollander. Joris-Karl Huysmans, Verloren, Hilversum, 2021, p. 84.

    [18] Pour les lectures que fait Van Deyssel des œuvres de Huysmans, on se reportera aux traductions françaises suivantes : « Lodewijk van Deyssel, trois comptes rendus (de Là-bas [De Nieuwe Gids, octobre 1891], En route [Tweemaandelijksch Tijdschrift, juillet 1895] et La Cathédrale [Tweemaandelijksch Tijdschrift, mai 1898]), traduits du néerlandais et annotés par Jan Landuydt, Bulletin de la Société J.K. Huysmans, n° 100, 2007, p. 64-85, et, dans le même numéro : Jan Landuydt, « Huysmans lu par Lodewijk van Deyssel », p. 87-102.

    [19] L’expression est de Frans Erens, dans une nécrologie écrite à Locarno : « J.-K. Huymans », De Amsterdammer, 26 mai 1907, p. 6-7. Quant à Arij Prins, il est revenu sur son amitié avec l’écrivain dans un entretien documenté qu’il a accordé, dans son salon de Schiedam, à Herman Robbers : « Charles-Marie-Georges (dit : Joris-Karl) Huysmans, een gesprek met Ary Prins », Elseviers Geïllustreerd Maandschrift, 1908, p. 36-50. Voir en français : « Interview retrouvée : Herman Robbers, ‘‘J.‑K. Huysmans et Arij Prins’’, Amsterdam, Elseviers Geïllustreerd Maandschrift, juin 1908 (l’interview a eu lieu en 1907), traduction par Charles Gemmeke, avec des lettres de J.‑K. Huysmans, première partie, précédée d’une note préliminaire de Pierre Lambert », Bulletin de la Société J.K. Huysmans, n° 38, 1959, p. 417-430.

    [20] Ce que constate Marc Smeets par rapport à ce qu’avancent Jef van Kempen et Ed Schilders, « Estheet tussen vier muren. De bekering van Joris-Karl Huysmans », De Parelduiker, n° 5, 1996, p. 50-59.

    JKH - TOME 6.jpeg[21] Marc Smeets reprend pour l’essentiel son article néerlandais « ‘‘Ter verdediging van den Franschen bekeerling’’. De receptie van J.-K. Huysmans in De Katholiek », consacré à la réception de l’œuvre de Huysmans par la presse catholique des Pays-Bas. En voici le résumé anglais qu’il propose : « Until recently very little was known about the reception in the Netherlands of the French novelist J.-K. Huysmans (1848-1907), an “inexplicable amalgam of a Parisian aesthete and a Dutch painter” as he called himself. When scholars referred to this question, they did so in a very circumstantial way and hence created several misunderstandings : in the Dutch Catholic press for example, critics hardly showed any interest in J.-K. Huysmans’ later, post-conversion writings. This article seeks to rectify this impression and, to this end, uses a case study to clarify this issue : De Katholiek, one of the major Catholic journals in the Netherlands at the turn of the century, almost systematically reviewed the latter part of Huysmans’ oeuvre. »

    [22] Voir en français au sujet de ce prêtre amateur d’art : Jaap Goedegebuure, « Les relations néerlandaises de Joris-Karl Huysmans », Septentrion, n° 3, 1976, p. 53-62.

    [23] Sous le titre « Joris-Karl Huysmans, de kunstenaar en de bekeerling [l’artiste et le converti] ».

    [24] Quant aux artistes néerlandais (et belges) ayant vécu ou séjourné assez longuement à Paris entre 1850 et 1950, on se reportera à l’imposant et récent ouvrage de l’historien d’art Eric Min, Gare du Nord. Belgische en Nederlandse kunstenaars in Parijs (1850-1950), Pelckmans, Kalmthout, 2021.

    [25] Parmi les rares articles de Jan Verkade, relevons celui dans lequel il a consigné ses souvenirs portant sur Gauguin : « Erinerrungen an Paul Gauguin », Hochland, 1922, p. 7-27.

    VERKADE - COUV.jpeg[26] Verkade est revenu sur son parcours dans Van ongebondenheid en heilige banden, herinneringen van een schildermonnik (1919), livre traduit en français sous le titre Le Tourment de Dieu (1926). Les publications à son sujet ne son guère nombreuses. À l’occasion d’une exposition itinérante (Rijksmuseum d’Amsterdam, musée des Beaux-Arts de Quimper et Städtische Galerie d’Albstadt, ville proche de l’abbaye de Beuron), Caroline Boyle-Turner a donné un Jan Verkade, disciple Hollandais de Gauguin, avec des contributions de J.A. van Beers, Adolf Smitmans et Tim Huisman, Waanders/Musée des Beaux-Arts de Quimper, Zwolle/Quimper, 1989. Dans la conclusion de son essai, cette historienne de l’art, se reportant à Durtal, relève de surprenants parallèles entre la conversion de Huysmans et celle de Verkade, toutes deux advenues d’ailleurs au cours de l’été 1892.

     


     

     

  • Un rêve de garçon

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    Un poème de Marieke Lucas Rijneveld

     


     

     

    À l’occasion de l’exposition David Hockney à Bozar, Marieke Lucas Rijneveld lit son poème « Een jongensdroom » basé sur une œuvre de cet artiste

    (sous-titres en anglais et en français - traductions Michele Hutchison et Daniel Cunin)

     

     

    Een jongensdroom

     

    Misschien is het dit: dat ik je tot in het genottelijke naakt heb

    gekeken, het vruchtensap uit je lippen geknepen, jij die al die

    tijd al op plukhoogte hing als een lijsterbes zo rood en veel,

    in iedere pose zit een kwaad najaar verborgen, het is heerlijk

     

    om je uit lijnen bij elkaar te dromen. Misschien is het dit: dat er

    in de bovenkamer van je hoofd dichtregels opgerold liggen te

    slapen, je oksels zijn net duinpannen waar je uit de wind in het

    helmgras kunt liggen, het is mij vreemd om zo van iemand te

     

    houden maar bij jou komt alles ineens trefzeker uit de doeken.

    Misschien is het dit: dat je hier voor me staat en zo achteloos dit

    portret vult, alsof wij achteloos in het leven staan, probeer niet te

    veel naar de schaamstreek te staren en naar dat wat mij laat

     

    zinderen, je bent een hemelterg, een lieveling, ik heb alles

    weggegumd waar ik te hitsig te werk ging. Misschien is het dit:

    dat je zelfs naakt toch aangekleed blijft, ik kan maar niet blootleggen

    wat ik precies koester, en het idee dat je op een dag bij iemand

     

    in de kamer komt te hangen maakt me jaloers, waarschijnlijk

    houd ik daarom je voeten, je lieflijke tenen, uit beeld. Misschien is

    het dit: dat ik zolang ik je teken je niet hoef te vinden, de blik in

    je ogen ziet al het weerloze in me, mijn vinger glijdt langs je benen,

     

    je dijen, ik peuter de maan uit je navel tevoorschijn. Misschien is het

    dit: dat ik je tot in het genottelijke naakt heb gekeken, het vruchtensap

    uit je lippen geknepen, en ach kon dit zo maar blijven, de boom,

    het rood, en jij zo zoet en te stil om deze droom te beantwoorden.

     

     

     

    JONGEN - DAVID - RIJNEVELD.jpg

     

     

  • à propos de Balthus

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    MONDRIAN, SELON BALTHUS

     

    En lisant les Mémoires de Balthus

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    À la différence d’un Nicolas de Staël, Balthus ne montre pas – du moins dans ses Mémoires recueillis à la fin de sa vie par Alain Vircondelet – une grande prédilection pour les peintres du Nord. Son amour va entièrement pour ainsi dire aux Italiens, en particulier à Pierro della Francesca, Mantegna et Giotto. Pour réaliser ses Grands Paysages, il a certes cherché le frémissement de la lumière, de la mordorure, non peinture,philosophie,balthus,flandre,bart verschaffelseulement chez Vélasquez, mais aussi dans la contemplation de Rembrandt. Pour le reste, le seul peintre hollandais qu’il évoque est Piet Mondrian (1872-1944), qu’il a bien connu, de même qu’il a été proche d’un Georges Bataille, d’un Antonin Artaud ou encore d’un Pierre Jean Jouve. Mais des moments passés en compagnie du natif d’Amersfoort, il ne conserve guère d’impressions positives. Balthus, qui estime que « peindre, c’est prier », regarde Breton, Miró et Mondrian comme des traîtres en ce sens que, le mot « Dieu » les faisant frémir, ils ne se vouent pas à restituer la beauté de la Création, « la chair du monde, non point le corps mort de ce monde, mais son corps pulpeux, plein de sève et de puissance vitale ». Les productions postérieures du collaborateur du Stijl lui paraissent incompatibles avec la tension du regard intérieur dont doit faire preuve l’artiste, dans son souci d’aller au-delà de ce que montre le réel. Il est ahurissant, à son sens, que Mondrian ait préféré aux paysages « ses petits carrés de toutes les couleurs ».

    P. Mondrian, Soleil de printemps, musée de Dallas

    peinture,philosophie,balthus,flandre,bart verschaffelToujours à propos du Hollandais, soulignant ce qu’il considère comme les échecs de la peinture moderne, Balthus « a le regret de tout ce qu’il faisait autrefois, de très beaux arbres par exemple. Il regardait la nature. Il savait la peindre. Et puis un jour, il est tombé dans l’abstraction. J’étais allé le voir avec Giacometti par une très belle journée vers le soir quand la lumière commence à peine à décliner. Alberto et moi avons regardé cette magnificence qui passait devant la fenêtre. Les déclinaisons de la lumière crépusculaire. Mondrian a tiré les rideaux et a dit qu’il ne voulait plus voir cela… J’ai toujours regretté pour lui cette mutation, ce bouleversement. Et ces combinaisons que l’art moderne a ensuite produites, agencements de pseudo-intellectuels qui négligeaient la nature et devenaient aveugles à elle. » Le Français éprouve d’ailleurs une semblable réticence à l’égard de la poésie de son temps, malgré son amitié pour René Char. En d’autres mots : « L’intellectualisme, la conceptualisation du monde ont fini par dessécher la peinture et la rapprocher ainsi de la technologie. Voyez les errances des cubistes et les peintures optiques de Vasarely par exemple… »

     


    Dans l’atelier du peintre

     

     

     

    LE ROI DES CHATS

    suivi du REGARD SONDEUR

     

     

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    En 2004, le philosophe flamand Bart Verschaffel publiait aux éditions A&S/books à propos de Balthus : deux essais sur Balthasar Kłossowski. « Le Roi des Chats » et « Le regard sondeur » ont paru à l’origine dans De Witte Raaf (en 2002 en 2003) sous les titres « Gemengde gedachten. Over Balthus » et « De peilende blik: Carracci, Balthus (& Vercruysse) ».

    Traduits du néerlandais par Daniel Cunin, ils sont en accès libre.

     

     

    LE MOT DE L’EDITEUR

     

    peinture,philosophie,balthus,flandre,bart verschaffelParmi toutes les publications qui, ensemble, donnent une image somme toute prudente et contrôlée de Balthus, a paru récemment un livre qui semble aller à contre-courant et dont l’importance reste à définir relativement à la compréhension de l’œuvre : la Correspondance amoureuse de Balthus et sa première épouse (Buchet/Chastel, 2001), Antoinette de Watteville. Cette correspondance fournit une idée de la veine sentimentale et affective qu’exploitait l’artiste. Le peintre qui estimait que toute étude de son œuvre se devait de commencer par la phrase : « Balthus est un peintre dont on ne sait rien », pour ne se soucier ensuite que de l’œuvre et de rien d’autre, est le même que celui qui a donné son accord à la publication de documents parmi les plus intimes, lesquels, manifestement, nous en disent beaucoup trop, y compris sur l’œuvre.

    Le tableau monumental La Chambre a fait l’objet de maints commentaires. Virginie Monnier constate dans le Catalogue Raisonné que « Up to now, investigations to locate the sources, either literary or pictural, of La Chambre, have failed. ». Ce livre démontre que la source principale de La Chambre et de quelques autres tableaux de Balthus, n’est ni un roman ni un texte quelconque, mais Les Lascives, une série de gravures d’Augustin Carrache.

    peinture,philosophie,balthus,flandre,bart verschaffelLe Roi des chats s’intéresse à certaines images fondatrices de l’Enfance, à travers la personne d’Antoinette et de livres comme Wuthering Heights ou encore de certaines œuvres de Witold Gombrowicz (Ferdydurke, La Pornographie).

    Quant au Regard sondeur, il propose donc de rapprocher les toiles énigmatiques du peintre sur lesquelles figurent « une jeune fille soit nue soit mi-nue, plus ou moins allongée sur une banquette, en diagonale sur la toile, penchée en arrière et jouant avec un chat », en particulier La Chambre, de gravures érotiques de la Renaissance.

     

     

    voir aussi de Bart Verschaffel

    Essais sur les genres en peinture

     

     


     

     

     

     

  • L’Égyptien du Nord

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    Jean van Dongen : « l’Égyptien du Nord »

     

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    Petit à petit, à mesure que des documents oubliés se dévoilent, on parvient à cerner un peu mieux la personne du céramiste Jean van Dongen (1883-1970, photo ci-dessus), frère du célèbre Kees. Il apparaît d’ailleurs dans un documentaire d’environ 45 mn réalisé sur ce dernier par l’ORTF.

    jean van dongen,kees van dongen,peinture,céramique,henri wiessing,hollande,pays-bas,france,marly-le-roi,sculptureÀ la présentation intitulée « L’autre Van Dongen », ajoutons quelques éléments. On apprend par exemple que le sculpteur espagnol Paco Durrio (1868-1940), après avoir été expulsé de l’impasse Girardon, a légué son four à Van Dongen (cf. Le Vieux Montmartre, n° 76, décembre 2006, p. 30). Par ailleurs, aux articles déjà répertoriés, il convient d’ajouter les suivants : de la main de Pierre Berthelot, « Les poteries de Jean Van Dongen » (Beaux-Arts, septembre 1929, p. 14), et de celle d’Ernest Tisserand, « La céramique française en 1928 » (L’Art vivant, 1er septembre 1928, p. 753-754 et illustrations p. 758), contribution que nous reproduisons ci-dessous.

    Ainsi qu’on l’avait déjà mentionné, le mensuel Ons Eigen Tijdschrift a consacré quelques pages à Jean van Dongen (novembre 1932, p. 21-23) sous la plume d’un certain Van den Eeckhout : « Jan van Dongen, pottebakker » (Jean van Dongen, céramiste). Cet auteur est probablement le journaliste H.P.L. Wiessing (1878-1961) dont le père avait épousé une dame Van den Eeckhout, nom sous lequel leur fils a publié maints papiers. Lié pendant de longues années à Alexandre Cohen, Henri Wiessing, qui a vécu et travaillé à Paris pendant plusieurs années entre 1902 et 1908, a peut-être fait la connaissance des frères Van Dongen par l’intermédiaire de l’anarchiste frison.

    jean van dongen,kees van dongen,peinture,céramique,henri wiessing,hollande,pays-bas,france,marly-le-roi,sculptureDans son article de 1932, Wiessing nous dit qu’il est resté de longues années sans revoir Jean. Il l’a connu alors que le jeune homme, après avoir rejoint Kees à Paris - il s’est d’ailleurs lui aussi essayé à la peinture -, travaillait dans le bâtiment. Le critique considère que les deux frères sont assez individualistes et bien peu expansifs. Avançons-nous donc à Marly-le-Roi au début des années trente : « Sur l’un des flancs de Marly se dresse un ‘‘atelier’’ ; après avoir emprunté un sentier en pente et être passé à côté de puits cimentés, on se retrouve devant la grange pollinisée de chaux et de plâtre où travaille Jean van Dongen. » Malgré les évolutions, et contrairement à son mondain aîné, ce dernier est resté « un artisan », s’ancrant ainsi dans l’âme française. « Il conçoit des figurines qu’il cuit ensuite : beaucoup de statuettes d’animaux, des vases de toutes formes, les grands pour le jardin et les petits pour les étagères ; il copie des œuvres d’art anciennes connues ou inconnues, se livrant à toutes les facettes du travail de la céramique. »

    JVD8.jpgLa photographie du four (ci-contre) que la revue reproduit ne donne qu’une idée partielle de cette sorte « d’énorme poêle allemand » en briques réfractaires placé au milieu de l’atelier. « Devant ce four, il y a un petit banc de bois brut. Dessus, à gauche, de l’argile enveloppée dans des chiffons humides. Juste au-dessus, on distingue la truelle avec laquelle, tout à l’heure, au moment de refermer sur l’ouverture béante une sorte de porte en pierre et en fer, Van Dongen scellera celle-ci à renfort d’argile (car lorsque la chaleur monte à plusieurs centaines de degrés là-dedans, il convient que le four soit fermé hermétiquement de tous côtés !). » Comme d’autres commentateurs, Wiessing, auquel l’artisan montre ses autres outils et moules, évoque un travail traditionnel non dénué d’influences égyptiennes. Malgré les siècles qui passent et les progrès de la technologie, l’homme aspire à acquérir la maîtrise des choses avec ses simples mains.

    jean van dongen,kees van dongen,peinture,céramique,henri wiessing,hollande,pays-bas,france,marly-le-roi,sculptureFernande Olivier (1881-1966, photo) a été une habituée de l’atelier du céramiste. Proche de Roger Karl (1882-1984), amant de l’ancienne compagne de Picasso, Paul Léautaud nous apprend que celle-ci, dans les années trente, séjournait de temps à autre chez « ses amis Van Dongen ». Le 24 août 1938, l’auteur du Journal littéraire nous rapporte une partie de l’entretien qu’il a eu avec elle la veille : « Elle sait que je connais Maillol. Je lui dis : ‘‘Mais dites donc, le Van Dongen chez qui vous allez, c’est le praticien de Maillol ?’’ Elle me répond : ‘‘Oui. Il est même bien content de l’avoir. C’est lui qui fait tout. Maillol sait à peine faire un bras. Maillol lui dit : ‘Tenez, arrangez-moi donc ce bras, là. Vous voyez ?’’’ De son côté, Maillol quand il parle de Van Dongen : ‘‘C’est un pauvre diable, qui ne sait rien faire. Je l’emploie par charité.’’ » (T. XII, p. 165 ; voir aussi T. IX, p. 52, 14 juin 1931).

    Laissons à présent la parole à Ernest Tisserand, cet écrivain qui, dans ses articles consacrés à l’art, a pu qualifier le Hollandais d’Égyptien du Nord. A-t-il publié un jour, ainsi qu’il se le proposait, un article sur Jean van Dongen sculpteur ?

     

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    La céramique française en 1928

    Jean van Dongen

     

     

    jean van dongen,kees van dongen,peinture,céramique,henri wiessing,hollande,pays-bas,france,marly-le-roi,sculptureC’est entre Marly-le-Roi et Saint-Germain, dans un coin où l’on pourrait se croire à cent lieues de Paris, que se dressent les ateliers de Jean van Dongen, sculpteur et céramiste. Ancien collaborateur de Durrio (auquel nous consacrerons sous peu une étude particulière), ayant débuté en 1904 à Alfortville, Jean van Dongen ne tarda pas à vouloir exercer son art pour ainsi dire en plein air. Cet art recèle trop de santé, trop de joie, trop d’expansion pour pouvoir être élaboré dans le resserrement progressif des proches banlieues. Nous nous abstenons ici – et le désordre voulu dans lequel nous présentons les céramistes le prouve bien – de faire des classifications, de distribuer des palmes et des médailles, mais s’il fallait attribuer à l’œuvre d’un céramiste le prix de bonne humeur, c’est sans doute à celle de Jean van Dongen que nous le décernerions.

    N’entendez pas par là que les pièces de Jean van Dongen sont traitées dans le mode comique ou que l’artiste lui-même présente un naturel particulièrement joyeux. Nous ne le croyons pas morose, mais c’est un homme sérieux qui fait des choses sérieuses, où la bonne humeur est interne, ainsi que la santé. En un mot, rien d’un art de décadence. Jean van Dongen est même le premier céramiste qui nous ait exprimé des craintes sur l’avenir de l’art qu’il aime entre tous. Il s’inquiète de voir employer tant d’or par plusieurs de ses confrères, estimant que la matière céramique est trop belle pour avoir besoin d’une parure de clinquant ; il déplore aussi que la céramique « soit devenue le refuge des ersatz du cubisme ». Nous citons son opinion sans la discuter, pour bien montrer les tendances de cet artiste qui, dans sa partie, oppose les méthodes des primitifs à celles des « décadents » et suit jalousement les premières, avec toute sa sincérité, tout son tempérament, toute son âme.

    jean van dongen,kees van dongen,peinture,céramique,henri wiessing,hollande,pays-bas,france,marly-le-roi,sculptureIl y a d’ailleurs deux artistes dans Jean van Dongen : un sculpteur, un céramiste. Nous traiterons plus tard de la sculpture céramique et nous le retrouverons alors. Disons déjà qu’il possède sur la plupart de ses confrères traduits en matière cuite, l’énorme supériorité de savoir ce que c’est que le feu, ses effets, le retrait et les déformations terribles qu’il apporte à l’œuvre modelée. Il sait concevoir son œuvre en tenant compte du four, le plus grand nombre des autres doivent accepter que les leurs y soient mutilées.

    Pour aujourd’hui, nous ne nous occuperons que du céramiste. Il est d’ailleurs puissant et savant, bien qu’il se défende d’être un homme de science. Comme nous l’interrogions sur ses recherches, sur ses secrets, il nous répondit un jour : « En céramique, il n’y a plus de secrets, il n’y a que des tours de main. Les progrès que nous pouvons faire sont lents et pénibles, car on ne saurait être à la fois un chimiste véritable et un artiste. Faire des essais sur des tessons et obtenir des résultats intéressants, cela nous arrive à tous lorsque nous nous en donnons la peine. Mais la difficulté commence quand il faut appliquer cet essai à la pièce véritable, difficulté telle que le plus souvent il faut renoncer à la surmonter. »

    jean van dongen,kees van dongen,peinture,céramique,henri wiessing,hollande,pays-bas,france,marly-le-roi,sculptureTechniquement, malgré son extrême modestie, Jean van Dongen est un des céramistes les plus avertis que nous ayons. Il a trouvé et décoré la faïence, le grès, la porcelaine et les terres réfractaires, en cuisant au bois dans un four du système L’Hospied qui lui permet d’obtenir et de maintenir toutes les températures nécessaires. C’est aux terres réfractaires que vont ses préférences. Il a été conduit à les employer et à s’y attacher par son art de sculpteur-céramiste. Les terres réfractaires n’ont pour ainsi dire pas de retrait et, bien cuites, elles offrent l’apparence de la pierre. Bien souvent, dans ses œuvres, des personnes pourtant renseignées ont même cru reconnaître une taille directe de la pierre. En poterie, les terres réfractaires se prêtent aussi à un tournage ou à un moulage facile et donnent aux émaux majoliques un accent très particulier.

    Jean Van Dongen, Kees Van Dongen, peinture, céramique, Henri Wiessing, Hollande, Pays-Bas, France, Marly-le-Roi, sculptureLes recherches techniques de Jean van Dongen ont donc porté essentiellement sur l’amélioration, la combinaison des terres réfractaires et l’adaptation des émaux aux matières retenues.

    Esthétiquement, il cherche à faire des choses simples, vigoureuses, amples. Il prétend qu’il ne fait rien de « bien nouveau » encore que toutes ses pièces accusent la plus forte personnalité. Grand admirateur des Persans et des Égyptiens (il en possède quelques pièces d’une beauté exceptionnelle), il s’est mis résolument à leur école, mais avec toute l’indépendance, toute la richesse débordante qui lui viennent de race.

    C’est ainsi que nous connaissons de lui de grands vases en terre réfractaire blanche portant un léger décor de lignes brisées d’un noir métallique, des vases et pots où il a employé un fond rouge-brun qui n’appartient qu’à lui, un plat jaune au large dessin étoilé noir métallique, un plat ondé chargé d’un fin poisson, dont l’inspiration, si l’on veut, peut se retrouver du côté de l’Égypte sinon de la Perse. Mais d’où viennent ces grands vases recouverts d’un seul émail bleu roi, nous dirons même bleu Marly, tant il est nouveau ? D’où viennent ces objets qui ne sont pas tout à fait de la sculpture mais qui échappent à la céramique de décor plan : les coupes-tortues, les serpents lovés ? D’où viennent ces vases au décor en relief, caravelles ou galères, que Jean van Dongen modèle avec amour et revêt d’émaux qui rappellent des couleurs profuses sur les côtes néerlandaises ?

    jean van dongen,kees van dongen,peinture,céramique,henri wiessing,hollande,pays-bas,france,marly-le-roi,sculpturePhysionomie singulièrement attirante, celle de cet originaire des plaines nordiques adapté aux mœurs et à l’esprit de notre pays, formé dans son art à l’école des vieilles civilisations méditerranéen- nes.

    L’abondance et la variété de son œuvre s’expliquent par les réactions de tous ces facteurs, unis par une forte volonté, retenus par une personnalité souple et généreuse.

    Malgré vingt-quatre ans d’efforts, Jean van Dongen ne se déclare d’ailleurs pas satisfait de son œuvre. Il rêve d’autre chose. Il voudrait mieux. Nous ne doutons pas qu’il ne nous donne encore, tant dans le domaine de la poterie que dans celui de la sculpture, des pièces inattendues, des choses surprenantes. Mais nous tenons à lui faire ici tous nos éloges pour ce qu’il a fait jusqu’à présent, avec une conscience et une indépendance pleines de mérite.

    jean van dongen,kees van dongen,peinture,céramique,henri wiessing,hollande,pays-bas,france,marly-le-roi,sculptureJean van Dongen s’est peu montré dans les expositions, jusqu’à présent, et nous espérons qu’il changera d’avis sur leur utilité. Nous ne connaissons guère que celle qu’il fit avec son frère, le peintre, chez Bernheim, avant la guerre, la vitrine qu’il envoya aux Indépendants, il y a trois ans, et l’Exposition de la « Crémaillère » en mai 1926. Son œuvre, avant-guerre, a été étudiée dans un article intéressant d’Alexandre Cohen, au Telegraaf, et dans quelques articles de Van der Pyl* puis de la revue Art et Maison. Ses œuvres sont en vente à la Crémaillère, chez Berberian, à la galerie Schotte (rue Saint-Georges), où il s’occupe en plus de la décoration générale – et nous aurons l’occasion d’en reparler. Elles se sont beaucoup répandues en Amérique.

    Nous quittons à regret cet artiste original et fort, nous réservant de revenir sur certains points que nous avons dû traiter un peu brièvement, lorsque nous serons venu à cette partie de nos études : la sculpture céramique.

     

    Ernest Tisserand, « La céramique française en 1928 », L’Art vivant, 1er septembre 1928, p. 753-754 et illustrations p. 758.

     

     

    jean van dongen,kees van dongen,peinture,céramique,henri wiessing,hollande,pays-bas,france,marly-le-roi,sculpture* Fritz René Vanderpyl (La Haye, 1876 - Lagnes, 1965, portrait par Ferdinand Desnos). Né à La Haye dans une famille bourgeoise, cultivée et catholique, il quitta son pays pour Paris en 1900 où, après de petits emplois, il fut tour à tour journaliste, poète, critique d’art, chroniqueur culinaire. Auteur de plusieurs recueils de poésie et d’ouvrages de réflexion sur l’art, il écrivait dans de nombreux journaux et revues dont Paris Midi, Paris Soir, Le Petit Parisien, Mercure de France, et L’Intransigeant.

    Les artistes lui étaient reconnaissants pour ses critiques même si parfois il froissait leurs ego. Jean Du Marboré, avec lequel Vanderpyl ne fut pas toujours très tendre dans ses articles, dit de lui en 1927 dans le magazine Mediterranea : « Une des sommités de la critique picturale d’aujourd’hui, F. Vanderpyl, se double d’un chaleureux poète d’une ardente vitalité. » Auguste Chabaud, dans une lettre à Vanderpyl datée d’octobre 1926, lui écrit : « Bravo Vanderpyl, poète subtil ! » au sujet de la parution de l’un de ses recueils. « Irascible, barbu et doux comme un mouton, Fritz Vanderpyl, comme on peut naître bossu, est né poète », ajoute Vlaminck qui le connaissait bien.

    signature de J. van Dongen

    jean van dongen,kees van dongen,peinture,céramique,henri wiessing,hollande,pays-bas,france,marly-le-roi,sculptureSon entourage parisien se composait de peintres (Vlaminck, Van Dongen, Chabaud, J. Marchand, Dunoyer de Segonzac…) mais aussi d’écrivains (Apollinaire, Paul Fort, Guy-Charles Cros…). Il a écrit des articles avec les uns, les autres ont illustré ses ouvrages.

    Curieux personnage que ce Vanderpyl. À sa demande, en 1915, il est naturalisé pour participer aux combats (on apprend dans une lettre de Du Marboré qu’il est promu dans l’ordre de la Légion d’honneur). Dans l’entre-deux-guerres, certains articles où il affichait ses opinions politiques ne furent pas toujours bien vus. Vlaminck le qualifia d'« arriviste à rebours ». Toutes ces années dans le milieu artistique parisien lui ont permis d’acquérir un certain nombre d’œuvres d’art, autant de témoins d’une époque où les artistes refaisaient le monde en inventant de nouveaux styles, leurs propres styles. Et Vlaminck d’écrire : « Et sur sa tombe on pourra graver cette épitaphe : il a vécu, il a aimé, il a écrit de beaux poèmes. Il a fait ce qu’il a pu. » (Caroline Barbaroux) Précisons que ce sont plus encore les positions de Vanderpyl pendant la Seconde Guerre mondiale qui ont dû lui susciter des inimitiés. À cette époque, il a collaboré, comme critique, à plusieurs publications et ne s’est semble-t-il pas opposé à la réédition de son essai L’Art sans patrie, un mensonge : le pinceau d’Israël. À ses débuts à Paris, sur lesquels il revient dans Le Guide égaré, il a été entre autres guide au Louvre. On relève dans sa poésie – bien plus mièvre que le personnage, elle n’a guère résisté au temps – quelques pièces en néerlandais, en anglais ou encore en allemand. (D. C.)

     

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    toile de Jean van Dongen

     

     

  • « Le beau, c’est le laid »

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     Le Paris du peintre hollandais Jan Sluijters

    (1881-1957)

     

     

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    Jan Sluijters, autoportrait, 1924 (coll. Stedelijk Museum Amsterdam)

     

     

    Essayiste et critique d’art belge d’expression néerlandaise, Eric Min a signé de nombreux essais (sur les arts plastiques, la photographie et la littérature) ainsi que plusieurs riches biographies : James Ensor. Een biografie (Amsterdam/Anvers, Meulenhoff/Manteau, 2008), Rik Wouters. Een biografie (Amsterdam/Anvers, De Bezige Bij Antwerpen, 2011), De eeuw van Brussel. Biografie van een wereldstad 1850-1914 (Le Siècle de Bruxelles. Biographie d’une métropole 1850-1914, Amsterdam/Anvers, De Bezige Bij Antwerpen, 2013), Een schilder in Parijs. Henri Evenepoel [1872-1899] (Un peintre à Paris. Henri Evenepoel [1872-1899], Amsterdam, De Bezige Bij, 2016). Enfin, avec la complicité de Gerrit Valckenaers, il a donné une histoire culturelle de Venise (Anvers, Polis, 2019).

    En cette année 2021 paraît de sa main Gare du Nord, un ouvrage consacré à des écrivains et artistes belges ou néerlandais ayant vécu à Paris dans la seconde moitié du XIXe siècle ou dans la première du XXe, certains très connus (Jongkind, Simenon, Rops, Verhaeren, Van Dongen, Masereel…), d’autres beaucoup moins. C’est un passage de ce livre que nous proposons ci-dessous avec l’aimable autorisation des éditions anversoises Pelckmans.

     

     

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    Le style radical du Kees van Dongen (1877-1968) des années 1905-1906 a inspiré plus d’un de ses confrères. Son premier héritier direct n’est autre que son compatriote Jan Sluijters, originaire de Bois-le-Duc. En 1906 justement, celui-ci visite le Salon des Indépendants ; les œuvres que son aîné y expose l’impressionnent. À 24 ans, Sluijters rentre d’Espagne où il a effectué un voyage d’étude grâce à la bourse annuelle qu’il perçoit en tant que lauréat du prix de Rome (1904), prix institué aux Pays-Bas un siècle plus tôt par Louis Bonaparte, roi de Hollande. Encore engoncé dans les styles académiques, le jeune artiste se permet tout au plus quelques excursions dans le symbolisme de Burne-Jones ou les lignes gracieuses des affiches de Chéret[1]. Un Prix de Rome ne peut se permettre de se défouler à sa guise, il continue de s’inscrire dans la tradition. Deux ans plus tard, le peintre revient sur ses débuts : « Un tel voyage est inestimable. On y apprend ce qu’on n’a pas le droit d’apprendre et on désapprend ce qu’on a appris. Magnifique[2] ! »

    J. Sluijters, Portrait de Bertha Langerhorst (1903)

    ERIC6.pngPlonger sans transition dans un Salon dont tout le monde parle constitue un tout autre apprentissage. Bien qu’il ait déjà réalisé un petit nombre de travaux modernistes, Jan vit les Indépendants comme une véritable révélation. Il constate que les fauves vont un peu plus loin que les membres de leur génération : sous leurs pinceaux, il relève un emploi sans retenue de couleurs vives ainsi que des formes familières fortement déformées – il n’est plus besoin de représenter les figures de manière réaliste, rien n’empêche de gros grumeaux de vermillon ou d’azur d’éclabousser la toile. La ville où il contemple ces expérimentations a elle aussi son importance. Sur le chemin qui l’a conduit au prix de Rome, Sluijters a eu l’occasion de se rendre à quelques reprises à Paris : tel l’aimant, la capitale l’attire. Début 1904, il écrivait à Bertha Langerhorst (1882-1955), sa bien-aimée qu’il portraiturera maintes fois, que Paris est une fête. Un soir, lui et son ami Leo Gestel descendent quatre bouteilles de vin : « À Paris, une bouteille de vin que l’on boit sur l’un des plus grands boulevards coûte la somme de 1 franc et 50 centimes – inutile de t’en dire plus. À Paris, tout est grandiose, vraiment. C’est extraordinaire…[3] »

    jan sluijters,eric min,paris,peinture,kees van dongen,leo gestel,daniel cunin,gare du nord,hollande,prix de romeEn plus de se saouler dans les bistrots et brasseries, les peintres se grisent d’inspiration. Sur les boulevards et dans les cafés-concerts, Jan déniche les motifs qui font la différence et qu’on ne trouve ni au Louvre, ni au Prado. Aussi a-t-il hâte de retourner dans la Ville lumière ; cependant, la commission qui gère l’argent du prix de Rome l’envoie en Espagne pour y copier des toiles dans les musées. Sur place, le Néerlandais s’empresse de boucler son programme imposé de façon à arriver dans la métropole française juste avant la fermeture du Salon des Indépendants. En ce début d’année, cette exposition qui fait souvent scandale accueille des innovateurs tels Henri Matisse, Albert Marquet et Henri Manguin – tous viennent d’ailleurs de l’atelier de Gustave Moreau, symboliste qui ne témoigne pas moins d’une grande ouverture d’esprit, atelier où Henri Evenepoel[4] a vécu ses plus beaux jours. Ces trois artistes, avec lesquels Van Dongen noue des liens, forment le noyau dur des fauves.

    jan sluijters,eric min,paris,peinture,kees van dongen,leo gestel,daniel cunin,gare du nord,hollande,prix de romeCependant, ces derniers ne s’approprient qu’une place relativement modeste au sein d’une manifestation où plus de cinq mille œuvres et plus de huit cents artistes se disputent l’attention des visiteurs. Avec six peintures et deux aquarelles, Kees van Dongen n’occupe certes qu’un espace restreint, mais pour Jan Sluijters, les créations en question constituent un vrai choc, en particulier Le Moulin de la Galette (photo). Cette scène de bal aux chatoiements électriques éblouissants et à « la foule des danseurs qui se démène dans les profondeurs de la salle », ainsi que l’écrit le quotidien Het Nieuws van den Dag, représente une pièce de résistance sur laquelle visiteurs et critiques se cassent les dents – à moins qu’elle ne suscite leurs gros rires : après tout, une sortie aux Indépendants, c’est un peu effectuer un voyage de distraction. Une sortie au zoo.

    Jan Sluijters, Vue de Paris

    jan sluijters,eric min,paris,peinture,kees van dongen,leo gestel,daniel cunin,gare du nord,hollande,prix de romeEn mai 1906, Sluijters est donc de retour, et cette fois-ci, Bertha, qu’il a entre-temps épousée, l’accompagne – autrement dit, Paris est plus que jamais pour le peintre un rêve devenu réalité. Jusqu’à la mi-octobre, le couple loue une chambre crasseuse de l’hôtel Chaptal, rue de la Rochefoucauld, entre la Nouvelle Athènes et Pigalle – base idéale pour partir à la découverte des réjouissances qui se déroulent dans le triangle d’or que forment le Bal Tabarin, le café du Rat-Mort et le Moulin Rouge[5]. Le peintre ne se soucie guère de l’état de délabrement de l’hôtel, étant donné qu’il a pour dessein « de réaliser des études de la vie des boulevards, des cafés et des quartiers intéressants de la ville[6] ». Ce à quoi il s’adonne avec empressement. De la fenêtre de sa chambre, il peint le tumulte de la rue ainsi que les toits plantés de cheminées – pour quiconque pose des yeux gourmands sur l’existence, chaque motif vaut la peine d’être retenu. On peut être sûr que les membres du Comité du prix de Rome, en lisant son programme, ont été à deux doigts de s’étouffer : si leur protégé se propose de peindre des vues de la capitale (le pont Alexandre-III construit en 1900), il entend aussi s’atteler à des scènes dans une brasserie du boulevard des Italiens ainsi que dans un bistrot des Halles où les maraîchers se retrouvent la nuit. Au café du Rat-Mort, Sluijters croque au pastel et à l’aquarelle un soldat qu’une prostituée est en train d’appâter (photo tout en bas, coll. particulière). Dans ses travaux, on voit ainsi défiler pour ainsi dire tous les styles : un impressionnisme tardif ensoleillé, quelques touches pointillistes, une facture à la Van Gogh et – finalement – un prudent fauvisme. Sous l’impitoyable soleil de juillet, il peint un coin de Montmartre : « Les maisons d’un blanc jaunâtre cuisent sous les vibrations d’un ciel d’un bleu violet, parsemé de petits nuages orange ; sur le sol, les ombres offrent un fort contraste avec les pavés d’un jaune lumineux[7]. »

    jan sluijters,eric min,paris,peinture,kees van dongen,leo gestel,daniel cunin,gare du nord,hollande,prix de romeMais c’est au milieu des kermesses et dans les cafés à la nuit tombée que l’artiste brille au sens littéral du terme, tel un épigone virtuose de son concitoyen Van Dongen. La légende veut qu’il ait mis en scène, sur place, au Bal Tabarin, les personnages du tableau Café de Nuit, lancés dans une danse frénétique ; certes, pourquoi ne pas l’imaginer, retiré dans un coin de l’établissement, brossant au minimum une ébauche préparatoire sur les 30 x 40 cm de la toile ? Le blanc et le jaune éclatant des lampes se répercutent sur le bleu du fond. Le frou-frou des robes suggère le mouvement. Dans le monumental Bal Tabarin (photo) que l’artiste mettra en forme l’année suivante, une foule en fête danse avec enthousiasme sous une cascade de lumière, les lampes paraissant des guirlandes de feu – il suffit d’entrer « Bal Tabarin » dans un moteur de recherche pour voir surgir et tourbillonner d’innombrables reproductions de cette œuvre. Bientôt, les futuristes italiens prendront le relais des fauves en avançant des notions telles que simultanéité et synesthésie. Tout comme dans les créations parisiennes de Jan, les leurs retentiront des bruits de la rue et de la musique des bals. Où les peintres modernes auraient-ils pu rencontrer l’effervescence de la fête à son comble si ce n’est au Tabarin, là où les femmes étaient peu farouches et où de vrais Noirs écumaient la piste de danse ? En cette même année bénie de 1906, le peintre italien Gino Severini[8] échoue à Montmartre où il va élaborer sa toile révolutionnaire Hiéroglyphe dynamique au Bal Tabarin ; entre-temps, le virus du futurisme l’a contaminé.

    jan sluijters,eric min,paris,peinture,kees van dongen,leo gestel,daniel cunin,gare du nord,hollande,prix de romeLe Paris de Sluijters, c’est une ville dans la nuit éclairée par une lumière artificielle. Près de la Porte Maillot, il surprend des fêtards en pleine kermesse – sur les manèges, les lampes clignotent, s’allument et s’éteignent (photo). Dans ses études pour le portrait d’une danseuse espagnole qu’il entend réaliser pour le Comité du prix de Rome, il se lâche, capturant des formes dynamiques dans des boucles et de grands à-plats. Pourquoi les bras de cette femme ne seraient-ils pas verts, sa poitrine jaune et ses cuisses bleu clair ? N’est-ce pas ce qu’ont fait Gauguin et Matisse ? Ce qu’il voit début octobre, au Salon d’Automne, ne fait que renforcer son intuition. Plus tard, rentré aux Pays-Bas, il exploitera ses esquisses pour en tirer des œuvres abouties. Après son tableau « scandaleux » Deux femmes s’embrassant, le jury du prix de Rome décide de ne pas lui renouveler sa bourse. Autrement dit, l’homme qui aime tant mettre dans sa bouche l’expression : « Le beau, c’est le laid » s’est trop tôt précipité sur la voie de la modernité.

    jan sluijters,eric min,paris,peinture,kees van dongen,leo gestel,daniel cunin,gare du nord,hollande,prix de romeTout au long de sa carrière, l’artiste va vivre sur ce qu’il a vu et expérimenté à Paris. Il retourne quelques fois dans la capitale française pour y retrouver la nuit qui lui manque tant à Amsterdam et pour découvrir du côté de Montparnasse, pas à pas, le cubisme. C’est ainsi que l’art moderne cherche et se fraie un chemin : à force de contempler, de regarder en arrière, de trouver, d’oublier, de se souvenir et de répéter. Tout cela non sans des variations, des changements de rythme, des succès et des échecs. Où, selon la formulation propre à Jan Sluijters : « Je ne peins pas des objets, je peins mon émotion, la sensation des objets. […] Si le musicien est à même de trouver des sons qui restituent une image pure de son émotion, pourquoi pareille émotion ne pourrait-elle pas être traduite par des couleurs et des formes ? Et pourquoi le peintre se tromperait-il dans son dessin et ses couleurs lorsqu’il donne une représentation de couleurs et de lignes qui soulignent la forme cristallisée de cette abstraction ou qui s’écartent de la réalité photographique[9] ? »

     

    traduit du néerlandais par Daniel Cunin

     


    Jan Sluijters parisien, luministe puis cubiste

     

     

    [1] Edward Burne-Jones (1833-1898), peintre anglais appartenant aux « préraphaélites ». Jules Chéret (1836-1932), peintre et dessinateur français, surtout connu pour ses affiches ; Jan Sluijters en dessinera lui aussi.

    [2] Anita Hopmans, Helewise Berger, Karlijn de Jong & Wietse Coppes, Jan Sluijters. De wilde jaren, WBooks, Zwolle, 2018, p. 7.

    [3] Ibid, p. 12. Leo Gestel (1881-1941), peintre néerlandais.

    ERIC5.png[4] Henri Evenepoel, peintre, dessinateur et graveur belge, né à Nice le 2 octobre 1872 et mort à Paris le 27 décembre 1899. En 2016, Eric Min lui a consacré une biographie : Een schilder in Parijs – Henri Evenepoel (1872-1899).

    [5] Le Bal Tabarin était situé au 36, rue Victor-Massé, le café du Rat-Mort à l’angle de la place Pigalle et de la rue Frochot. Quant au Moulin Rouge, il trône toujours sur la place Blanche.

    [6] Lettre de Jan Sluijters à Jérôme Alexander Sillem, 22 mai 1906 (Archives de Hollande septentrionale, Haarlem).

    [7] Lettre de Jan Sluijters à Vincent Cleerdin, 2 décembre 1906 (Bibliothèque universitaire, Leyde).

    [8] Gino Severini (1883-1966), peintre futuriste italien. Dans son sillage, l’Anversois Jules Schmalzigaug a réalisé en 1913 et 1914 de nombreuses « expressions dynamiques du mouvement » de danseuses, d’intérieurs de cafés et de salles de bal baignés de lumière électrique.

    [9] Jan Sluijters, « Nieuwe schilderkunst », lettre envoyée à la rédaction de l’hebdomadaire politico-culturel De Amsterdammer, publiée dans la livraison du 17 mai 1914 (citée par ailleurs dans Jan Sluijters. De wilde jaren, p. 124).

     

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