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Bart Moeyaert

  • La rue des étoiles

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    Un nouveau roman de Bart Moeyaert

     

     

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    trad. D. Cunin, Le Rouergue, novembre 2013

     

     

    Trois enfants assis sur un mur regardent le monde. Un roman à la fois subtil, profond et drôle d’un auteur d’envergure internationale.

     

    Pendant les chaudes journées d’été, trois enfants s’assoient sur le mur qui sépare l’entrepôt de ferraille de la rue attenante, la rue de Étoiles. C’est ici qu’Oskar, son frère Bossie et leur amie Geesje ont élu domicile pour fonder leur « club ». Drôle de local sans mur ni plafond, mais un lieu idéal pour observer le monde. Même s’il n’y a pas grand monde qui passe rue des Étoiles, à part une grand-mère qui promène son vieux teckel… L’endroit idéal pour se poser des questions essentielles sur la vie, la mort, l’amour, et les adultes…

    bart moeyaert,le rouergue,traduction littéraire,roman,dodo,belgique,flandreDans son style si caractéristique, à la fois filmique et poétique, Bart Moeyaert s’attache à rendre une psychologie très élaborée des personnages. Cet ouvrage, sorti en 2011 aux Pays-Bas a permis à Bart Moeyaert de figurer parmi les six auteurs nominés pour le Prix Andersen 2012. Le rapport du jury précise : « Un roman d’une teneur extrêmement riche, écrit dans une langue tout aussi riche et très suggestive, qui offrira à chaque lecteur une satisfaction propre en fonction de son âge, de son expérience de la vie. »

     

     

    PREMIER CHAPITRE

     

    PROPOSITION

     

    Toutes les deux phrases, mon frère employait l’expression « bordel de shit ». Il ne pouvait pas s’en empêcher. Du pied, il a tapé le pied de Camille. Elle s’est bien gardée de réagir. D’abord parce qu’elle avait eu l’intelligence d’apporter un livre, un gros livre qui l’accaparait beaucoup. Ensuite parce qu’il n’était pas facile de l’agacer, même en tapant toujours plus fort comme le faisait Bossie.

    C’est moi qui ai réagi à sa place :

    — Bossie, arrête.

    Il s’est arrêté, a poussé un profond soupir et répété l’expression « bordel de shit » : Bordel de shit, bordel de shit. Comme si c’était lui qui l’avait trouvée. Pourtant, on sentait dans sa voix qu’elle n’était pas à lui et ne le serait jamais. Elle venait du journal. D’un article consacré à un Irlandais qui, du jour au lendemain, s’était mis à pousser des jurons sans plus jamais parvenir à s’arrêter.

    — Et si on appelait cet endroit Notre Local ? a fait soudain Bossie.

    Camille a levé la tête.

    — Notre Local ? elle a demandé en roulant les yeux. Cet endroit ? C’est bien le premier local sans toit que je vois de l’intérieur.

    — En Italie, il y a des bâtiments sans toit, a dit Bossie.

    L’entendre parler de l’Italie m’a fait sursauter. Maman était en Italie.

    — Oui, mais ils ont des murs, a rétorqué Camille.

    Bossie a fait le sourd.

    bart moeyaert,le rouergue,traduction littéraire,roman,dodo,belgique,flandreMoi, je ne pouvais pas. J’avais toujours une oreille qui traînait. Et je retenais beaucoup de choses.

    Bossie a répété sa proposition : à nous trois, nous formions un club, et pour le Local, il suffisait d’imaginer des murs autour de nous.

    Camille et moi, on a regardé autour de nous. En nous efforçant de nous représenter une maison à laquelle rien ne manquait. Un sacré défi. Il n’y avait pas de murs auxquels accrocher des posters, pas de jeu de fléchettes, pas de table, aucune chaise, pas de frigo pour les boissons, pas de chat ayant élu domicile dans Notre Local, pas de blason pour notre club, pas d’enseigne, pas de radio, pas de chansons à nous que nous aurions pu chanter.

    Notre Local se résumait à un des murs d’enceinte de VIEILLE FERRAILLE S.A.

    D’un côté s’étirait le toit plat de l’entrepôt. C’était là que travaillaient Petra et Priit. Dans la cour intérieure était entassée la vieille ferraille triée par catégories.

    De l’autre côté, il y avait la rue des Étoiles. Quand on se penchait par-dessus le mur, on ne voyait aucune aventure venir vers nous. On voyait seulement quelques maigres buissons au pied du mur et, à côté, le trottoir gris.

    — D’accord, j’ai dit.

    — Super, a dit Camille, le nez à nouveau dans son livre.

    — Hé ? a fait Bossie en se tenant la poitrine. C’est quand même pas à cause de moi si on s’ennuie, hein ?

    — T’es le plus grand, j’ai dit, c’est à toi de décider ce qu’on fait.

    — Petit frère, il a dit.

    — Grand frère, j’ai dit.

    J’ai remarqué que Camille tournait la tête de notre côté. Elle gardait son sérieux. Mais elle aurait tout aussi bien pu rire. Ses yeux sont passés alternativement de Bossie à moi. À ma surprise, ils sont retournés très vite dans le livre. Sans plus revenir vers nous.

    Le dos de Bossie s’est affaissé.

    — Hé, il a fait en écartant les bras. Ça, c’est la cour du roi et je suis son bouffon, ça vous va ?

    bart moeyaert,le rouergue,traduction littéraire,roman,dodo,belgique,flandreJ’ai levé les yeux, Camille aussi. Nous avons froncé l’un et l’autre les sourcils. Nous pensions l’un et l’autre au soleil brûlant. Peut-être que Bossie ne buvait pas assez d’eau, peut-être que cela expliquait sa façon bizarre de s’exprimer.

    — Vous voulez que je me charge de vous amuser ? il a demandé.

    — On t’oblige à rien, j’ai dit. Mais si tu euh… si tu construis un local, débrouille-toi pour qu’on ne s’y ennuie pas.

    — Bah, a fait Camille, car son livre lui suffisait.

    — Pas de bah qui tienne, j’ai répliqué. Tu fais partie de notre club ou t’en fais pas partie ?

    Camille a cligné les yeux. Elle cherchait une réponse appropriée. Depuis quelques semaines, elle ne passait plus toutes ses journées avec nous : il lui arrivait de rendre visite à sa tante. Une tante qui avait de fortes chances de mourir.

    Elle a refermé lentement son livre et a dit :

    — Bien entendu que je fais partie de notre club.

    — Donc, j’ai fait en regardant dans la direction de Bossie.

    — Donc quoi ? il a demandé.

    — Si ça, c’est Notre Local, faut qu’on se comporte à partir de maintenant comme un club.

    Camille a haussé les sourcils et fait mine de rouvrir son livre.

    — Comment tu veux que je me comporte comme un club ? a-t-elle demandé en se montrant du doigt. Un club ? Je ne suis pas un club. Je suis seule.

     

     

    bart moeyaert, le rouergue, traduction littéraire, roman, dodo, belgique, flandre

    couverture de l'édition originale De melkweg

    Amsterdam, Querido, 2011

     

     


    entretien avec Bart Moeyaert

    (filmé en Provence, 2003, en néerlandais)

     

     

  • Bart Moeyaert sur les planches

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    Le Théâtre des Trois Clous met en scène Oreille d'homme

     

     

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    spectacle tout public à partir de 9 ans

     

     

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    Oreille d’homme ou comment on a failli tuer Stina est un spectacle adapté du roman éponyme de l’auteur flamand Bart Moeyaert (trad. D. Cunin, Le Rouergue, 2006). Dans l’ambiance plombée d’un repas de famille, trois enfants se retrouvent ensemble : la narratrice, son cousin Nisse et leur cousine Stina « la pâlotte ». Il se passe des choses autour d’eux, ils entendent des paroles d’adultes dont le sens leur échappe. Ils entendent des mots qui claquent, des silences qu’ils ne comprennent pas. Les parents n’ont pas toujours les mots pour expliquer les choses aux enfants « et puis de toute façon ils sont trop jeunes ».

    couvoreilled'homme.pngBart Moeyaert raconte comment des enfants, dans leur jeu de papa et maman, mettent en scène des violences et humiliations liées à leurs expériences, leur héritage familial et leur vision du monde adulte en allant jusqu’à franchir les limites du jeu. Ses romans proposent de partager un univers autour de la famille, et mettent des jeunes en interaction avec le monde des adultes. L’auteur a voulu que son récit Oreille d’homme soit « miroir du monde des jeunes, et miroir du monde des adultes […] Je suis resté à l’époque où je trouvais que tout était difficile, quand j’avais douze ans, et encore vingt ans, trente ans […] même si la jeunesse est en même temps le plus beau temps de la vie, où tout est possible, où on peut choisir ce qu’on veut. À vingt ans, on est tourné vers le futur, alors que dans l’enfance, on est plus tourné vers la découverte, ce qui inclut douleur et tristesse ».


    Création le 30 avril 2013 à l’Espace Malraux / Scène Régionale de Touraine 
- Joué-lès-Tours

    Mise en scène : Geneviève Thomas

    Jeu : Steve Brohon, Lucie Thomas

    Musique et Jeu : Olivier Bosseron [égü]

    Voix d’enfants : Louise Gonin-Neveu, Arthur Latapie

    Création et régie lumière : Jean-Raphaël Schmitt

    Décorateur : Luc Boissinot

    Costumes : Pauline Legros

    Affiche : Dorothy-Shoes

    Communication et Diffusion : Elsa Maupeu

     

    Théâtre des Trois Clous

    44 rue Louis Blanc

    37000 Tours

     

     

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     Introspection as a state of motion

     Bart Moeyaert sur les planches (en anglais)



  • Bart Moeyaert et son œuvre

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    Portrait de Bart Moeyaert par Marie-Ange Pompignoli

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    Le jeudi 4 décembre 2008, dans le cadre de la Saison culturelle européenne, en partenariat avec la Maison des écrivains, la Joie par les livres recevait Bart Moeyaert, interviewé par Anne-Laure Cognet.

    Si en France, cinq de ses romans pour adolescents et quatre de ses albums sont traduits, son œuvre publiée en flamand est bien plus importante avec des romans pour adultes, du théâtre, des scripts, d’autres albums et romans pour enfants… En France, Bart Moeyaert est apparu dans le paysage éditorial au tournant des années 2000 comme une autre voix, un autre ton.

    couvamainsnues.jpgIl réalise son premier livre à neuf ans, alors qu’il est malade. Intitulé L’Enfant aux médicaments, il compte douze chapitres d’une page chacun tapés à la machine. Pour lui, faire un livre s’apparentait à un bricolage, car il était convaincu que les auteurs fabriquaient eux-mêmes leurs livres et ne se contentaient pas de les écrire. Il était également convaincu qu’il ne pouvait écrire que sur ce qu’il connaissait : c’est ainsi qu’il a abandonné l’histoire d’une fille qui partait en voyage, parce qu’il n’avait jamais pris l’avion...

    À douze ans, il écrit un deuxième livre, de quarante pages ; malgré ses six frères, il est très solitaire, ne participant guère aux jeux de ses aînés, en tant que benjamin de la fratrie. Il ne peut discuter de ses problèmes d’adolescence ni avec ses parents, trop vieux, ni avec ses frères, qui le considèrent comme celui avec qui on peut rire, encore moins avec ses camarades de classe (il fréquente une école de garçons où l’on ne montre rien de son ressenti, car c’est jugé « un truc de filles »).

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    À quatorze ans, alors qu’il se sent mal dans sa peau, il commence un journal intime, parce qu’il a lu le roman d’un garçon qui fait le tour du monde, écrit sous la forme d’un journal de bord. Il ne se doute absolument pas que ce n’est qu’un procédé d’écriture pour un récit fictif. Il achète un cahier, écrit des choses sur lui-même mais trouve que sa vie quotidienne n’est pas assez intéressante, aussi y met-il du piquant : des accidents, une certaine Judith, personnage inventé, censée être dans sa classe et dont il est amoureux…

    « Personne ne savait que j’écrivais un roman, même moi, je ne le savais pas. » Trois cahiers et presque trois ans plus tard, il tape le tout sur une vieille machine à écrire (142 pages) et montre le résultat à ses parents qui le félicitent. Ce que ses parents détestaient par-dessus tout, c’était la paresse et l’oisiveté : jouer au foot, écrire des cartes postales ou un roman, « c’était très bien. »

    couvGroteOmas.jpgComme son père avait écrit des manuels scolaires, Bart Moeyaert trouve naturel d’envoyer son roman à des éditeurs. Le premier le refuse, le second lui répond, six mois plus tard : « Nous allons probablement l’éditer » ; on lui propose de corriger un certain nombre de points, dont le titre, car Duo, alors qu’il n’y a que quatre chapitres, ça ne convient pas… Mais il refuse de modifier le titre, et préfère réécrire entièrement le texte, ce qu’il fait un été durant, enfermé dans sa chambre. Cela donne finalement trente-sept chapitres, chacun étant, en alternance, le point de vue de Liselot et celui de Lander, qui forment bien, cette fois, un duo. Il a dix-neuf ans, et son livre est édité sous le titre Duet met valse noten [Duo avec fausses notes], en 1983. Il sera maintes fois réédité.

     

    Quand il découvre La Danse du coucou d’Aidan Chambers, il comprend que « tout est possible avec un livre ». À l’occasion d’un travail de recherche sur cet auteur, il le rencontre pendant un quart d’heure dans le taxi entre Amsterdam et l’aéroport de Schiphol – quelques mois plus tard il lui rend visite en Angleterre. Leur rencontre durera trois jours : « Je suis arrivé comme étudiant, je suis reparti adulte. »

    La même maison d’édition le suit pour quatre romans, mais comme il n’a pas envie d’être étiqueté « jeunesse », au troisième livre, ils se disputent, car Bart veut aussi écrire pour d’autres publics. « C’est comme un mariage qui ne marche plus : ça fait très mal, mais à un moment, il faut passer un cap », se séparer. Ensuite, quand on se voit, on s’entend mieux.

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    En 1991, Jacques Dohmen, qui était l’un des rédacteurs les plus importants de la maison d’édition Querido aux Pays-Bas, lui propose d’être édité chez lui ; ce qu’il fait effectivement en 1995. Il publie Blote handen qui sera traduit en français sous le titre À mains nues, puis un petit texte (qui n’a pas encore été traduit en français), Afrika achter het hek [Afrique, au-delà de la barrière], illustré par Anna Höglund, une illustratrice qu’il apprécie. « J’ai beaucoup appris avec Anna Höglund », souligne-t-il. En effet, pour l’édition allemande, c’est un autre illustrateur qui a été choisi « parce que Anna Höglund n’est pas facile à vendre », et le livre a reçu une mauvaise critique et ne s’est pas vendu ; un an plus tard, un deuxième éditeur allemand publie l’album avec les illustrations d’Anna Höglund, et ça marche. Pour les albums suivants, Bart Moeyaert imposera son illustrateur(trice): «C’est mon livre qui est dans les magasins, je dois vraiment en être fier.»

    À mains nues, son premier livre traduit en français, en 1999 aux éditions du Seuil, l’a été par une traductrice qui n’« accrochait » pas à sa manière d’écrire ; le succès de l’ouvrage en France a d’ailleurs été très mitigé, ce qu’il attribue au fait qu’il n’a pas été traduit de manière adéquate. « La leçon, dit-il, c’est qu’il faut une bonne entente entre le traducteur et l’auteur. »

    Par la suite, ses livres ont été traduits en français par Daniel Cunin, qui avait lu en néerlandais un certain nombre de ses ouvrages et qui l’a recommandé à Danielle Dastugue, directrice éditoriale du Rouergue, la maison d’édition principale de Bart Moeyaert aujourd’hui en France.

    CouvOlek.jpgAvec Daniel Cunin, Bart Moeyaert échange parfois quelques méls, mais, affirme Bart Moeyaert, « si je peux lire le français, comprendre le français, je pense que le traducteur connaît mieux sa langue que moi » : il se contente donc de donner son avis sur un nom ou un détail.

    Lui-même a une activité de traducteur, pour des auteurs qu’il apprécie, tels Chris Donner ou Jürg Schubiger : « Il y a mon nom dedans, je veux être fier de ce que je fais. »

    Quatre de ses albums sont traduits en français : Moi, Dieu et la création et Olek a tué un ours, illustrés par Wolf Erlbruch, Le Conte de Luna, illustré par Gerda Dendooven (traduit par Maurice Laumré), et Le Maître de tout, par Katrien Matthys.

    On lui a proposé de faire un livre musical, ce qu’il a accepté avec enthousiasme, parce qu’il étouffe s’il reste entre ses quatre murs d’écrivain. En néerlandais, un cd accompagne effectivement chacun de ces albums.

    On lui propose d’écrire un livre sur la Genèse, ce qui n’a pas été facile mais finalement, Moi, Dieu et la création est apprécié autant par une Église très stricte que par les non-croyants !

    De même pour Olek a tué un ours, un compositeur le sollicite : Wim Henderickx, dont Bart Moeyaert trouve la musique (contemporaine) intéressante. Jeunesse Musicales lui propose d’adapter L’Oiseau Feu, et Bart en fait un conte sur un homme qui cherche à discerner le bien du mal ; et le compositeur fait une musique d’accompagnement de 40 minutes.

    Si Le Conte de Luna, adapté d’un conte slovaque, est très différent d’Olek, c’est que « ça ne m’intéresse pas de refaire deux fois la même chose ».

    couvcontedeluna.jpgLe Maître de tout (en l’occurrence, l’histoire d’un chat qui se pose la question de son emprise sur le monde) est un conte imprimé sur des pages noires, dont les images et le texte sont phosphorescents et peuvent donc être vus dans le noir… parce que finalement, le maître de tout, c’est la lumière… et l’histoire commence. « J’aime bien ne pas tout dire, donner de la matière à penser aux enfants, qu’ils se demandent : “Mais qu’est-ce qu’il dit ?” »

    Pourquoi proposer des albums qui appartiennent plutôt au genre du conte ? C’est un hasard, il a d’autres projets dans son escarcelle, auxquels il veut donner le temps de mûrir. Il a écrit des poèmes (dont deux recueils ont été publiés), sans qu’il se sente spécialement poète, il a aussi rempli des carnets de petits dessins…

    Si être auteur donne une image de sérieux, il aime casser cette image, notamment en écrivant du théâtre : « il y a une distance, mais il n’y a pas de distance ». « Je veux essayer jusqu’à ce qu’on me dise : “C’est moche, arrête”, alors peut-être j’arrêterai, mais pas avant. »

     

    Ses romans proposent de partager un univers autour de la famille, et mettent des jeunes en interaction avec le monde des adultes. Pourquoi ? Il a voulu que son récit Oreille d’homme soit « miroir du monde des jeunes, et miroir du monde des adultes. » « Je suis resté à l’époque où je trouvais que tout était difficile, quand j’avais douze ans, et encore vingt ans, trente ans » (par exemple, comment communiquer, avec un père très sévère, quand on a appris à dire « Oui, ça va » même quand ça ne va pas ?), même si la jeunesse, c’est en même temps « le plus beau temps de la vie, où tout est possible, où on peux choisir ce qu’on veux ». À vingt ans, dit-il, on est tourné vers le futur, alors que dans l’enfance, on est plus tourné vers la découverte, ce qui inclut douleur, tristesse.

    couvNiddeguepes.jpgAinsi dans Nid de guêpes, paru en 1997, il est question d’apprendre à connaître les « vraies frontières ». « Ce qui me choque parfois, insiste Bart Moeyaert, c’est que beaucoup de gens ne découvrent pas leurs frontières. » « Quand je vais dans d’autres pays, je veux être choqué, je veux voir mes propres frontières, les voir bouger », « Je veux être toujours en mouvement ». « Passer les frontières, ou pas, c’est ce que nous devons faire ». Nid de guêpes, qui raconte l’histoire de Suzanne, une jeune fille en révolte, met en scène un personnage qui décide de faire quelque chose, pour la première fois, parce que la situation est intenable ; à la fin de l’ouvrage, c’est accompli. Parallèlement, l’auteur nous dit : « j’ai osé faire des choses, passer des frontières ».

    Dans À mains nues, le héros est aussi poussé à faire quelque chose. Et de plus en plus, dans les livres de Bart Moeyaert, ses héros agissent, parce que « j’ai compris dans ma propre vie que quand je fais quelque chose, le monde change, et quand je ne fais rien, rien ne bouge ».

    Un enfant de huit ans ne comprendra certainement pas tout de ce qu’il lit, mais « tout va ensemble ». Lui-même se souvient d’être allé, jeune, à une représentation de La Mouette de Tchekov, en français, dont il n’a pas compris tous les dialogues, mais il a été enthousiasmé par l’atmosphère et le cadre qui formaient un ensemble.

    Il refuse de réduire la culture enfantine aux séries télévisées, et pense qu’en matière culturelle, on peut proposer à un enfant ce que l’on propose à un adulte – même si c’est peu à peu que l’enfant en assimilera la richesse.

    Couvlamourquenous.jpgSon père ne lui ayant jamais dit qu’écrivain, ça pouvait être une profession, Bart Moeyaert n’en a jamais eu l’idée. Entre son premier roman (1983) et Nid de guêpes (1997), il a compris qu’il pouvait écrire un « kaléidoscope » : ce qu’on veut, « mais tucomprends que ta voix est la bonne ».

    Aujourd’hui, il est beaucoup plus libre. Être libre n’empêche pas de se poser des questions du type : « Est-ce que ce que je fais est bien ? »

    À dix-neuf ans, les adultes émettaient ce jugement à son égard : « Bon travail, mais on n’obtiendra plus rien de ce jeune », or, son roman a eu un grand succès (trois tirages en un an). Trois ans plus tard, il publiait son deuxième livre, complètement différent – les critiques furent heureux, et les lecteurs, déçus. « Tout le monde ne peut pas être content », disait son premier éditeur : l’important pour Bart Moeyaert étant de faire ce qu’il veut.

    Il a écrit et dessiné une histoire, Grote oma’s [Les Grandes grand-mères], (qui n’est pas traduite), donnée en cadeau, puis republiée avec des illustrations de Kitty Crowther.

    Il a été également nommé « poète de la ville d’Anvers » en 2006 et 2007. Sa tâche consistait à suivre la vie de la ville et à écrire douze poèmes (en deux ans) sur le sujet. Pendant ces deux années, il n’est pas arrivé à écrire autre chose ; il devenait cynique, trouvait que le monde était noir et la vie, lourde. Quand sa fonction a cessé, il a voyagé pendant six mois, et a compris qu’il était libre lorsqu’il écrivait des histoires – ce qu’il a fait depuis, sans négliger les poèmes ou le théâtre, choses secondaires mais qui sont une respiration pour lui.

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    En 2009 paraît Embrasse-moi (en mars, traduction française de Kus me publié en 1991) et Graz [Graz], roman pour adultes. Il a été cité plusieurs fois pour le Prix Andersen, en 1998, 2002, 2004, et a obtenu divers prix, dont le Hibou d’or (De Gouden uil, prix néerlandophone) : trois fois, il a été nominé, on lui a dit « Bart, tu es jeune, ça viendra un jour », et la quatrième, il l’a eu, en 2001, pour Le Conte de Luna, un conte qu’il a réécrit. Il comme nte avec humour : « Tu reçois le prix pour une histoire qui n’est pas vraiment de toi ! »

    Un auteur qui nous a fait partager avec simplicité un peu de ce qui lui tient à cœur, et que l’on peut retrouver dans ses livres… ou sur son site : http://www.bartmoeyaert.com.

     

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    Source : Bibliothèque nationale de France, CNLJ - La Joie par les livres. Merci à Marie-Ange Pompignoli et Bart Moeyaert pour l’autorisation de reproduire ce texte.

     

     

  • Embrasse-moi

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    Le nouveau roman de Bart Moeyaert

     

     

    Les éditions du Rouergue inaugurent la nouvelle présentation de la collection doAdo en publiant Embrasse-moi, roman en 12 scènes de l’auteur flamand.

     

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    couverture Frank Secka

     

     

    Un après-midi d’été, Molly et la Fausse Blonde se retrouvent sur la butte qui donne sur le lac. L’une est moche et grosse, l’autre a tout pour elle. Depuis le début de la journée, l’ambiance va de travers. La Fausse Blonde a promis de montrer un secret à Molly, mais ce secret, caché dans une caisse, a disparu... Au jeu des secrets, les deux filles vont découvrir que chacune a le sien et que les plus gros, les plus grands, ne sont pas faits pour être divulgués. Sauf si…

     

    « Alors que j’étais en train d’écrire Embrasse-moi, les personnages ont décrété assez vite qu’ils souhaitaient rester au même endroit, près du lac, et que l’histoire se déroulerait sur une durée limitée : un après-midi. Ces choses-là se font naturellement : un tel espace-temps suffit à ces personnages. L’histoire se lit presque comme une pièce de théâtre. Les chapitres sont devenus des scènes, on passe de l’une à l’autre sans entracte. Rien de surprenant donc à ce qu’Embrasse-moi ait été adapté pour le théâtre et pour le cinéma (court-métrage). »     Bart Moeyaert

     

     

  • L'écrivain flamand Bart Moeyaert

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    Les éditions du Rouergue présentent dans la plaquette ci-dessous, à l'occasion d'un entretien entre Sylvie Gracia et Bart Moeyaert, l'essentiel de ce qu'il faut savoir sur cet auteur d'albums jeunesse, de romans qu'on peut lire de 9 à 99 ans, de pièces de théâtre et de recueils de poésie

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    site de l'auteur

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    quelques lignes du prochain roman qui paraîtra ce printemps en français au Rouergue, Embrasse-moi

     

     

    Molly resta plantée sur place, le souffle coupé. La colère lui nouait la gorge au point de lui faire peur. Elle avait hissé ses kilos jusque-là pour une vieille caisse en bois. Une fois de plus, elle était tombée dans le traquenard tendu par cette blondasse. Elle et son secret qui n’était pas là.

    - Tu te grouilles ? cria la Fausse Blonde qui, d’un bond, atterrit sur le sentier bordant le lac.

    Molly ferma les yeux et détourna la tête. La Blonde, elle l’aurait étranglée. Ce n’était pas la première fois que cette dernière la laissait en plan. Ce n’était pas la première fois qu’elle laissait quelqu’un en plan. Elle débitait des mensonges comme des petits pains. Les garçons du village, il suffisait qu’elle siffle pour qu’ils bondissent hors de leur pantalon ; elle leur tournait pour ainsi dire la tête. Le monde entier grouillait de petits chiens qu’elle dressait à s’asseoir.