Alexandre Cohen : les années anarchistes (3)
ALEXANDRE COHEN
LES ANNEES ANARCHISTES (3)
Alexandre Cohen dans les cercles anarchistes parisiens
Si le jeune homme de moins de vingt-quatre ans qui s’établit dans « la capitale du XIXe siècle » a un corps déjà marqué par les épreuves, il n’en affiche pas moins une âme intacte. Sa naïveté, son côté enfant et son culot ont certainement surpris mais aussi séduit maints Parisiens. Les yeux rivés sur la Tour Eiffel qui sort tout juste ses jambes du sol, Cohen respire enfin la liberté à pleins poumons. Le jour même de son arrivée, jour de l’Ascension, il est déjà sur la Seine, à Suresnes puis au Bois de Boulogne, une promenade en compagnie d’un typographe allemand social-démocrate (pourtant, Cohen hait déjà à l’époque et les Allemands et la social-démocratie !), Paul Trapp et de l’épouse de ce dernier ; on lui a donné à Gand l’adresse de ce couple, ce sont les seules personnes qu’il connaît à Paris. Le lendemain, il s’installe dans une modeste chambre de l’Hôtel Saint-Louis, au 75 de la rue du même nom.
Quand bien même il est contraint de vivre chichement, le monde lui appartient. Sur les berges de la Seine, il se sent comme un poisson dans l’eau. Lui qui se réclamera tant de la France trahit peut-être lors de ses premières virées parisiennes ses origines en se révélant « un homme qui voit » (36) : « Non ! Je ne m’étais pas fait une trop grande idée de Paris, où, le jour de mon arrivée, à chaque coude, à chaque tortillement de la Seine, j’ai vu surgir quelque chose de noble qui, par la grandeur et la gloire dégagées, m’a foudroyé et dont le charme, en même temps, m’a attendri. » (37)
Le Paris qu’il arpente, le Paris de ses premières mansardes et de ses premières pages écrites en français, c’est le Paris des congrès socialistes : « En 1889, les social-démocrates de divers pays décidèrent, à Paris, de ressusciter, après une longue éclipse, la pratique des congrès socialistes internationaux, ouvrant ainsi la voie à la Deuxième Internationale. Quelques anarchistes crurent devoir participer à cette réunion. Leur présence y donna lieu à de violents incidents. Les social-démocrates, ayant la force du nombre, étouffèrent toute contradiction de la part de leurs adversaires. » (38) Ce congrès fut d’ailleurs préparé chez F. Domela Nieuwenhuis qui tenta, en vain, de réduire les dissensions entre socialistes allemands et socialistes français. À la suite de quoi deux congrès s’ouvrirent le 14 juillet 1889 : celui des marxistes (F. Domela Nieuwenhuis, Fortuyn et Helsdingen représentaient le S.D.B.) et celui des possibilistes (les 2 représentants néerlandais quittèrent ce congrès après le rejet de la proposition de rejoindre les marxistes). (39) Cohen a assisté en tant qu’observateur au congrès tenu à la Salle Pétrelle du 14 au 21 juillet ; il n’en garda pas un très bon souvenir comme le laisse paraître, plus d’un demi-siècle plus tard, cette remarque: « À deux Congrès de l’Internationale, celui de Paris en 1889 – où le délégué-député au Reichstag, le camarade Von Vollmar, parut orné de la croix de Fer, que, officier de l’armée bavaroise, il avait gagnée pendant la guerre de 1870 ! – et à celui de Londres, en 1896, je fus témoin, en “observateur” attentif, des répugnantes manigances de la Sozial-demokratie, et de l’abjecte soumission des chefs de Partis non-allemands, aux chefs d’orchestre teutons. Pouah ! » (40) Sans doute fut-il aussi l’un des acteurs de cette belle cacophonie : « en 1889 à l’occasion de l’Exposition universelle, une “conférence internationale anarchiste” se tient à la salle du Commerce, 94 faubourg du Temple. Personne n’ayant prévu quoi que se soit (aucun bureau ne dirige les débats), la réunion se déroule dans un désordre indescriptible. » (41)
Le Paris qu’il arpente, c’est donc également le Paris de l’Exposition Universelle de 1889 au cours de laquelle on l’embauche pour vendre des meubles ; ses compétences en malais lui permettent par ailleurs de prendre la défense d’Indonésiens exploités par un Belge. C’est aussi le Paris du Sacré-Cœur et des actions anticléricales, le Paris des cabarets, du café-concert et de la rénovation théâtrale, le Paris des écoles littéraires et des grands magasins, le Paris du boulangisme – il se rend en avril 1891 à Bruxelles pour interviewer, à la demande du journal Vooruit, le Général Boulanger mais ne lui pose en fait qu’une seule question ! – , le Paris du scandale de Panama et des premiers 1er mai, des manifestations (Cohen assiste à celle du 8 août 1888 lors des obsèques d’Émile Eudes, il sera aussi dans le cortège accompagnant un an plus tard Félix Pyat à sa dernière demeure), le Paris de la Bourse du Travail et des libres penseurs (tous ces Benoît, Jules, Eugène Clovis et autres Anatole qu’il ne peut souffrir) (42), sans oublier le Paris de la bombance anarchiste. Ce même Paris qui rebute son contemporain et grand esthète Louis Couperus : « Je me trouve dans le Berceau de la civilisation mais la vie m’apparaît ici totalement éculée, en rien appétissante, sans la moindre émanation de juvénile beauté. Paris me laisse l’image d’une ville vieille et sale, dans laquelle tout est vieux : les dorures des cafés et des théâtres, le chaos cosmopolite des boulevards, les fiacres et les cocottes ; un affligeant bazar dans lequel vivre est une torture. Oh ! bien sûr, l’Art et la Civilisation sont au rendez-vous, mon Dieu, bien sûr ! bien sûr que je sais cela, mais il faut y vivre,... et quelle déception on ressent alors en mettant à l’épreuve ses propres idées, ses illusions !... » (43)
Durant ces années, l’anarchiste déterminé qu’est devenu Cohen participe de cette mouvance qui a résolument rejeté la sociale démocratie. Le premier anarchiste de renom qu’il rencontre, c’est Élisée Reclus à qui il rend visite, rue des Fontaines à Sèvres, en compagnie de Domela Nieuwenhuis (1890) ; puis, au 140 de la rue Mouffetard, il fera la connaissance de Jean Grave, vêtu « de son éternelle blouse noire de typographe » et c’est dans les locaux de La Révolte qu’il sympathise avec Frédéric Stackelberg, Russe fortuné, plus blanquiste qu’anarchiste. Les deux hommes habitant dans le même quartier, ils se retrouvent souvent. Alexandre dîne une ou deux fois par semaine chez les époux Stackelberg, où d’autres invités ont pour nom Alexandre Millerand, Stéphen Pichon ou encore Aristide Briand, que Cohen, devenu correspondant parisien du plus grand quotidien néerlandais retrouvera en 1910 et en 1916, lui soutirant même une interview factice.
Jean Allemane (1843-1935)
Le jeune Hollandais se débat tant et plus dans la « poussière de groupuscules », groupuscules qui donnent alors vie à l’anarchisme dans une capitale suintant encore des stigmates de la Commune. « Les groupes répondaient à un besoin : ils redonnaient identité à tous ceux que l’évolution en cours était en train de marginaliser. L’anarchie ne donnait pas naissance à une contre-société ni même à de micro-contre-sociétés, elle mémorisait simplement une nostalgie et un espoir. » (44) Paris compte alors – en 1889 – dix-neuf de ces cercles très hétéroclites et étanches dans lesquels évoluent environ cinq cents personnes, des hommes pour la plupart. Une centaine d’entre eux forment le noyau dur de la contestation libertaire. Selon une statistique policière de l’époque, à côtés des adeptes – le plus souvent des artisans – se manifestent en tant que propagandistes 25 typographes (peu après son arrivée à Paris, Cohen apprend ce métier auprès de Jean Allemane qu’il appréciera beaucoup et qu’il tutoyait malgré son peu de sympathie pour les socialistes), 2 correcteurs et une dizaine de journalistes. Alexandre Cohen est de ceux là. Qu’il écrive en néerlandais ou en français, sa plume déverse une bile mal digérée par les partisans de l’ordre social et les amis de W. Liebknecht.
Manieur et manipulateur de mots, il fréquente le beau monde de l’avant-garde littéraire, une avant-garde qui précisément s’épanche volontiers dans les revues libertaires. « De Mirbeau au jeune Barrès, l’engouement des intellectuels pour l’anarchisme a marqué une génération entière. » (45) Dans ces temps où rares sont les écrivains qui ne s’engagent pas sur le terrain politique, le vers libre n’empêche personne de faire rimer symbolisme et anarchisme. « Ce n’est pas un hasard si, précisément durant cette période 1891-1895, les idées anarchistes étaient en vogue dans les milieux littéraires et artistiques. Non seulement leur individualisme et attachement à la liberté rapprochaient les symbolistes des romantiques ; mais ils en avaient aussi hérité l’amour des grandes figures, des individus d’exception et des actions d’éclat. » (46) Si on en croit les lignes qui suivent, publiées l’année même où le « parti » anarchiste s’affiche ouvertement contre les autres écoles socialistes, ces poètes étaient des héritiers de Théophile Gautier : « N’opprimer personne et s’affranchir de toute autorité en accomplissant sa tâche rigoureusement et même avec joie, telle était la morale de Théophile Gautier ; ainsi, n’admettant la tyrannie et le commandement ni pour lui ni pour les autres, il était essentiellement et dans le sens le plus absolu du mot : un anarchiste. » (47) Un auteur comme J.-K. Huysmans ne cache pas pour sa part – dans les lettres qu’il adresse à son ami néerlandais Arij Prins –, une certaine sympathie pour les anarchistes, qui résulte surtout de son dégoût de la société française et des scandales politiques : « Ici, Paris est terrifié par la dynamite. Les bourgeois foirent dans leurs choses ; c’est la seule chose qui m’égaie un peu », lui écrit-il par exemple le 30 mars 1892, ou encore, le 26 décembre 1893 : « L’infâme année fatidique 1893 prend fin. Elle n’a été, en France, du moins, qu’un tel amas d’immondices qu’elle a rendu sympathiques les anarchistes fichant des bombes dans ce Parlement qui est l’image avariée d’un pays, en décomposition, renommant les voleurs du Panama et Wilson, témoignant ainsi d’un état d’âme de filous qu’aucune ordure n’arrête. » (48) Alexandre Cohen n’omet pas de rappeler que Paul Adam a consacré plusieurs textes à Ravachol, Ravachol qui fut durant de nombreuses semaines au centre des conversations des « mardis du Mercure de France » dont le jeune hollandais était un des habitués. Rachilde ne dédicaçait-elle pas ses romans en signant Ra(va)childe ?
Les plus romantiques de ces idéalistes anars prennent le message de 1789 au pied de la lettre et n’acceptent pas de laisser le sang des communards se coaguler : ils travaillent à essayer d’ouvrir les yeux du peuple sans pour autant oublier la joie qui est à la base de l’existence. Ils ne veulent pas encore croire que les paroles de l’irréductible révolté Georges Darien sont irrévocables : « Gueux des villes et gueux des champs, serfs de la glèbe et esclaves de l’atelier, sont comme autrefois taillables et corvéables à merci. Tout l’antique système de servitude continue à peser sur eux. Quatre-vingt-neuf a peint en rouge leurs chaînes, d’un rouge qui s’appelle le minimum et qui empêche le fer de se rouiller. » (49)
Affiche de Jules Chéret
Cohen, comme beaucoup de ses camarades qui œuvrent d’arrache-pied sous divers pseudonymes, noircit quantité de papier ; il se refait une santé dans les locaux exigus et enfumés qui abritent les publications de Zo d’Axa (L’Endehors), de Jean Grave (La Révolte) et d’Émile Pouget (Le Père Peinard) ou dans le restaurant du compagnon Constant Martin, un repaire d’anarchistes près de la place de la Bourse où l’on mange à la française (c’est-à-dire sans se soucier des estomacs végétariens), où l’on discute ferme doctrine, où l’on entonne Je suis le vieux Père la Purge, Dynamitons tous les gavés, Dame Dynamite Que l’on danse vite et où l’on séduit de jeunes couturières ! (50) « Qui désire faire (...) une étude – une étude sans prétention aucune – d’un milieu à 100% anarchiste, ne peut mieux choisir que cet endroit où s’exprime la conception a-cratique du monde dans toutes les nuances concevables : la philosophie de l’anarchisme communiste, de l’anarchisme individualiste, la philosophie humaniste et, dans toutes les bouches également, l’anarchisme mystique. Là se réunit une communauté hétérogène qui se renouvelle peu ; tout en mangeant – certains s’attablent deux fois par jour et d’autres plus irrégulièrement – on discute, dispute et refait le monde sur des bases inébranlables, monde auquel on a fait faire peau neuve. » (51)
À côté des « étoiles de l’Anarchie », de ceux qui « tranchent par leur vivacité physique et intellectuelle » (52), « les hommes de base de l’anarchie, (...) aiment à se réunir entre amis chez l’un d’eux ou dans l’arrière boutique d’un marchand de vin pour discuter ensemble, commenter le journal et chanter Le Père la Purge, La Révolte de Sébastien Faure ou L’Internationale Noire de Louise Michel [que Cohen a vue et entendue la première fois lors d’une manifestation anarchistes au Mur des Fédérés]. André Salmon nous les montre fidèles aux réunions, ouvertes ou secrètes, se cotisant pour s’abonner au Père Peinard ou à La Révolte. Ils sont de toutes les manifestations, débordant d’ardeur contre la police, défendant éperdument le drapeau noir, quitte à le fouler ostensiblement aux pieds lorsque l’affrontement s’éteint, pour montrer que l’on se moque des symboles. Heureux souvent d’être arrêtés, de comparaître en procès, de faire de la prison, car c’est un certain prestige qui s’y gagne, une certaine supériorité sur les “intellectuels” du mouvement qui ne prennent pas toujours de tels risques. Parmi eux, quelques exaltés sans doute, mais aussi assurément un bon nombre de tendres, de doux, “l’anarchie au fond du cœur, sensibles à la magnificence de redoutables expressions”. Tendres et graves parfois, mais en même temps joyeux et provocateurs toujours, “mauvaises têtes”, amateurs de farce et de dérision, en attendant pire, contre l’ennemie autorité. » (53)
Alexandre Cohen fait dans cet univers le trait d’union entre les dompteurs d’auditoires et les compagnons anonymes. Ses capacités intellectuelles, sa position d’étranger (il est l’un des rares Néerlandais à laisser son nom dans l’histoire du mouvement anarchiste en France) et sa grande gueule l’autorisent à côtoyer les grandes figures du mouvement et à jouer de temps à autre un rôle de premier plan. S’il écrit à Zola qu’il n’a pas mis les pieds dans une réunion publique entre le 2 mai 1892 et le 10 décembre 1893, il oublie en fait de dire qu’il a parfois pris la parole dans des réunions et meetings comme lors du 10 juin 1892 à la Maison du Peuple où il condamna sans détour l’intervention française au Dahomey en terminant son discours par un « À bas la patrie. Vive l’Anarchie ! » qui n’échappa pas aux oreilles des fliquadards. (54) Rares sont d’autre part les personnages marquants de l’anarchisme qu’il n’a pas côtoyés de près. D’un autre côté, son vécu et sa nature portée aux joies simples le conduisent à partager des moments graves et d’autres burlesques avec les inconnus de la bannière noire. Aux stériles congrès des théoriciens, il préfère ceux réunissant mineurs et autres ouvriers (55). Il est le premier à s’amuser, à faire des farces sur le dos de la police (56) ou des bourgeois en les réveillant et terrorisant en pleine nuit aux cris de « Ravachol ! Ravachol ! » (57) Durant l’hiver 1896, dans le froid d’une cellule, il se remémore quelques-unes de ces farces et les transcrit à l’attention de Kaya dans l’argot de Montmartre :
gravure de Georges Rohner dans In Opstand
Voilà qu’une blague avec ce bon Bernard me revient dans le coco. J’avais à Pantin un aminche qui était... pipelet. Mais un chouette pipelet qui prenait dans sa turne une trifouillée de déchards sous condition qu’ils n’abouleraient jamais un radis au probloque. Sa gonzesse (du pipelet) était très mariolle aussi et plus d’une fois elle avait lavé les esgourdes au vautour d’une façon suiffarde. À la fin cette vache de probloque en avait plein le dos et il foutit ses huit jours au pipelet. Celui-ci devait décanailler au proc hain terme. J’ai oublié de te dire qu’il était gniaf. Étant déchard il se mit à la déniche d’un autre cordon. Et en même temps il tendit un piège à son probloque. Il était sûr que celui-ci aboulerait de très mauvais renseignos sur le compte de son ancien pipelet ! S’il pouvait en avoir la preuve, ce serait une affaire de dommages et intérêts à porter devant les enjuponnés à faux poids. Et un beau matin je me rendis, accompagné de Bernard chez le probloque. Bernard avait mis des frusques d’un noir intense, gibus noir (emprunté à Félix [Fénéon]) et des gants idem. Puis une petite cravate blanche. Il était grand proprio autrichien, à Pantin pour quelques jours seulement et venu exprès pour y dénicher un pipelet à la hauteur. Le gniaf lui avait offert ses services et il venait pour en savoir plus long sur son compte. Il lui fallait un pipelet énergique, dur aux locatos etc. etc. Et nous voilà en route. Malheureusement le probloque n’était pas à la turne, et nous n’y trouvâmes que sa ménagère. On nous fit entrer et assis sur le sofa j’accouchai de ma petite histoire. J’étais le traducteur pour Bernard qui ne jaspinait, disais-je, que le bulgare. Et voilà la commère à nous débagouliner des bourdes sur l’aminche. Oui, il était un bon zigue, mais pas énergique du tout. Les locatos ne casquaient pas et décanillent presque tous à la cloche de bois. Puis, elle croyait qu’il était entaché de marmitisme. Il lisait le P(ère) P(einard) et autres canetons casseroleux. Je disais que c’était fort mal et Bernard opinait dans ce sens en bulgare. Puis, voyant le trac de la donzelle de tout ce qui frisait de près ou de loin les marmites, je lui annonçai une grande entreprise avec à peu près quatre-vingt mille kilos de marchandise à la clé. Pantin ouvrirait la danse et puis Asnières (C’est là que le probloque perchait l’été). Bernard se tordait et de temps en temps seulement il disait : Oui, naturellement, en français. Il se tordait littéralement, car il ne pouvait pas s’esclaffer. Après une jaspinade d’à peu près une demi-plombe, nous partîmes et Bernard, dès qu’il était dehors, fut pris d’un éclat de rire en contradiction absolue avec son habillement solennel. Tout le monde le reluquait en pensant qu’il était saoul. J’en ris encore. Ensuite nous sommes allés raconter au père Simon, le pipelet gniaf, le résultat de nos démarches. Il en était bien content. – Autre blague. C’était dans la turne de Bernard qui habitait alors rue de Dunkerque. C’était après la glorieuse campagne du Dahomey. On ne parlait que de Bèhanzin et de Dodds, le brav’ général. Nous étions chez Bernard, Félix, Hélène et moi à prendre le thé et à rigoler. Tout à coup j’eus la riche idée de jouer au conquérant. Je dis un mot à Bernard et j’allai avec lui derrière le paravent. Là, B. se déshabillait tout à fait, je le passai au cirage – pas tout uni, mais tigré – et pour tout vêtement je lui mis autour des reins une large embrasse-rideau, et sur la tête le chapeau haut de forme de Félix. Sur le nez un lorgnon. Ensuite j’abandonnai un moment Bernard pour transformer Félix et Hélène en Mossieu et madame Carnot. Moi, je pris le rôle du brav’ général Dodds avec le poker en guise de « sabre vainqueur ». Puis j’introduisis Bernard. Bernard se prosternait profondément aux pieds du couple présidentiel et ensuite exécuta quelques danses dahoméennes sur la table. Nous étions tous malades de rire. Finalement, Félix et Hélène tenant Bernard entre eux deux se mirent au balcon et moi je commençai à crier dans la rue : Vive le général Dodds, Vive Carnot, Vive Béhanzin en montrant le balcon. Dans quelques minutes il y eut là au moins 500 personnes à regarder et à se montrer le trio au balcon. Félix saluait gravement et Bernard dansait. À la fin la police arrivait, mais le trio était déjà rentré et moi aussi. Mais le lendemain la patronne de l’hôtel donna congé à Bernard qui n’en était pas à son premier coup. C’est à dire que nous autres nous venions toujours faire du bruit chez lui jusqu’à des heures fort avancées de la nuit. (...) Quelquefois Souple comme un chat était de la partie. Il devait nous chanter : « Il était une bergère et tin tin tin, sonnons le tocsin » etc. Ou bien on lui faisait lire à haute voix quelque article très épicé du P.P. Une fois nous l’avons fait monter sur les épaules de Bernard pour arracher une affiche de Saxoléine, mais il avait le trac de tomber. et il n’a pas fait qu’arracher des affiches, une nuit, en décembre 1892, avec un froid terrible, il nous a aidés à en coller dans la rue des Abesses et à Montmartre. F.F. faisait le guet, Totor aussi, Souple comme un chat portait le pot à colle et moi je collais les flanches aux murs. (58)
Cohen collectionnait en effet ces affiches – une nouveauté alors – et, bien que connaissant Lautrec et Jules Chéret, il préférait les chiper dans la rue et les monter dans sa mansarde, encore plus ou moins dégoulinantes de colle même s’il prenait soin de les rincer. Ce sont ces mêmes affiches qui décoreront quelques années plus tard les murs des premiers cabarets amstellodamois dans le quartier De Pijp. (59) Outre celles dessinées par les susnommés ou par Jean-Louis Forain et Adolphe Léon Willette, Cohen devait aussi en avoir de l’artiste franco-néerlandais Georges de Feure (1868-1943), de son vrai nom Georges Joseph van Sluÿters, qui vivait également à cette époque sur la butte Montmartre. (60) En plus d’en décoller, lui est ses amis en collaient donc parfois ; dans ses mémoires, il se souvient ainsi d’une nuit où lui et Félix Fénéon tirèrent de son lit son médecin, le docteur Sallazin – homme très respectable d’une soixantaine d’année et sympathisant anarchiste – pour aller coller des affiches portant la mention « Panama et dynamite » : Fénéon enduisait les affiches de colle, le docteur faisait office d’échelle, et Cohen, perché sur les épaules de ce dernier, les collait sur les murs.
Toujours à propos de Cohen et de Kampffmeyer, de leur passion pour les dessins et les affiches, de la vie qu’ils menaient, de l’esprit qui les animait, lisons ce qu’écrit non sans verve un de leurs amis, Rudolf Rocker :
C’est à l’Association des socialistes indépendants que je fis ma première rencontre avec Bernhard Kampffmeyer, qui, à cette époque, habitait à Paris. Lui et son frère Paul avaient participé à tout le mouvement des Jeunes ( olor: #000000;">Jungen) en Allemagne et connaissaient tous les camarades de Berlin. Wilhelm Werner m’avait recommandé dans une lettre et nous devînmes bientôt de véritables amis. Durant son séjour à Paris, Bernhard se familiarisa avec les théories anarchistes et consacra dès lors toute son énergie au mouvement libertaire. Lorsque je fis sa connaissance, il était en train de traduire en allemand La conquête du pain de Kropotkine, traduction qui devait paraître plus tard à Zürich sous le titre Wohlstand für alle. Kampffmeyer était un personnage extrêmement aimable et serviable, qui avait dépensé pour le mouvement une part non négligeable de sa modeste fortune. Comme il était toujours prodigue de son argent, il était sans cesse assailli par des « nécessiteux » de toute espèce qui profitaient ainsi de sa générosité.
L’écrivain hollandais Alexander Cohen était alors un de ceux qui coûtait le plus cher au brave Bernhard. À force de fréquenter Kampffmeyer, je le connus bientôt très bien, car il était son inséparable compagnon à Paris. Ce Cohen mérite qu’on s’attarde sur son cas, parce que s’il s’entendait bien à couler aux dépends d’autrui une vie libre et sans attaches, il faut avouer que sa fréquentation remboursait largement les dépenses qu’il occasionnait. Alexandre Cohen était un homme doué et intelligent, qui maîtrisait la langue française aussi bien à l’oral qu’à l’écrit, ce qui est rare chez les étrangers. Il avait traduit en français les Einsame Menschen (Les Solitaires) de Gerhart Hauptmann et également, si je ne me trompe pas, Die Weber (Les Tisserands). La qualité de son travail lui avait permis de se faire un nom qui aurait pu lui permettre de gagner confortablement sa vie en tant qu’écrivain. Mais c’était un bohème de naissance, auquel manquait toute idée d’autodiscipline. Alors qu’en plus du français et de sa langue maternelle, le hollandais, il parlait aussi l’allemand, l’italien, l’espagnol et le malais, il ne faisait que rarement usage de ses connaissances et ne condescendait à travailler que s’il ne trouvait personne à taper. Il avait développé à partir de cet art de vivre toute une vision du monde et il était assez sincère pour ne pas s’en cacher.
Lorsque je fis sa connaissance, il avait environ trente ans. Tout jeune, il s’était engagé, contre la volonté de ses parents, dans l’armée coloniale hollandaise et avait servi comme soldat quelque part à Sumatra ou à Java jusqu’à ce qu’il commençât à en avoir assez et abandonnât son poste. Il n’oublia pas cependant d’emporter son fusil avec lui. Lorsque j’allai lui rendre visite dans son appartement de la rue Lepic, ce fusil était suspendu au-dessus de son lit comme un trophée et il attira tout de suite mon attention. Cet appartement méritait le détour. Il y régnait un étonnant désordre difficilement descriptible. Le bureau, les chaises, le lit, le sol, tout était recouvert de livres, de brochures et de journaux. Des vêtements émergeaient par endroit, des chemises sales, des chaussettes, des chaussures ainsi que toutes sortes d’objets domestiques. Sur les murs de cette chambre spacieuse, des portraits de Ravachol, Vaillant, Pallas étaient accrochés bien en évidence, avec à côté d’eux des affiches améliorées par quelques traits artistiques, ainsi que de précieux dessins originaux de Steinlen, Luce, Pissaro et d’autres, car Cohen avait des relations dans les milieux artistiques parisiens.
De temps en temps, Kampffmeyer essayait de donner un peu de mesure à ce chaos que son amour germanique de l’ordre ne pouvait souffrir, mais le lendemain, on avait à nouveau l’impression que le déluge était passé par-là. Ni Cohen ni sa compagne française Kaya, aussi bohème que lui, ne comprenaient les efforts déployés par leur ami allemand. Ils se sentaient visiblement bien dans ce capharnaüm sans formes ni mesure. Cela dit, on ne pouvait pas dire que l’appartement était sale. J’avais surpris Kaya plusieurs fois en train de nettoyer les lieux. Sa façon de procéder était très particulière. Elle dégageait d’abord un coin de la pièce, le nettoyait, puis elle balançait tout ce qu’elle avait dégagé auparavant au même endroit, comme elle l’avait trouvé. Puis elle continuait jusqu’à ce que toute la pièce soit récurée sans que rien de ce fatras épouvantable ne fût changé.
Après que Kampffmeyer eut soutenu à coups de sommes assez importantes son insouciant ami durant des mois, sans que celui-ci ne se sentît obligé de se mettre à faire les travaux que lui confiaient des éditeurs français, il lui fit gentiment des reproches et lui suggéra d’essayer enfin de subvenir seul à ses besoins. Ce à quoi Cohen lui répondit en toute quiétude : « Tu sais bien, mon cher Bernhard, que Bismarck a soutiré six milliards à la France après la guerre qu’elle avait perdu. Il est donc tout à fait normal que tu contribues, toi, en tant qu’Allemand, à réparer ce dommage et que tu me rendes ma part de cet argent volé. Quand ce sera fait, j’aurai toujours le temps de chercher du travail. »
Cohen avait une répugnance absolue pour tout ce qui était allemand. L’Allemand était pour lui le Philistin dans toute sa splendeur, né avec un bonnet de nuit sur la tête. « Les Allemands ne feront jamais la révolution, disait-il, parce que le gouvernement l’a interdit. » Le mot verboten était pour lui la composante la plus importante du vocabulaire de la langue allemande et il affirmait que toute l’histoire allemande pouvait être résumée par ce seul mot. Il en avait en particulier aux Allemands pour leur respect de l’autorité qu’il prenait pour un signe de déficience mentale. « Parlez de liberté à un Allemand, disait-il, et il s’imagine aussitôt un enclos. » Naturellement, il n’estimait pas beaucoup le mouvement socialiste allemand et y voyait « du petit-bourgeois traduit en prolétarien ».
L’effrayant culte de la personnalité auquel on se livrait en Allemagne avec les vieux dirigeants et que des commerçants exploitaient sans vergogne à l’intérieur et à l’extérieur du mouvement donna à ce farceur de Cohen une idée singulière. Il organisa dans l’atelier d’un peintre connu du Quartier Latin une exposition de tous les objets fabriqués en Allemagne dont on faisait la réclame dans les journaux socialistes pour encourager ce culte rouge. C’était une riche collection de reliques, un trésor du socialisme en quelque sorte, dont l’étendue m’étonna moi-même et me permit de voir des choses que je n’avais jamais vues auparavant. On y trouvait des épingles à cravates et des boutons de manchettes avec les portraits de Bebel, Liebknecht ou Singer, des pantoufles, des bâtons de marche, des tasses à café, des chopes, des cruches, des boîtes à couture, des coffrets à bijoux, des médailles, des vases, des boucles de ceinture, des colifichets, des parapluies, des pipes, des fume-cigare, des brosses à vêtements, des couteaux de poche, des boîtes de tabac à priser, des abat-jour, des cornets à dés, des broches, des boîtes à musique, des mouchoirs, des carnets, des boîtes d’allumettes, des étuis à cigares, des maximes illustrées et une masse d’autres objets, tous décorés avec les portraits de Marx, Lassalle ou d’autres « Hommes du peuple » fameux. Tous ces objets étaient d’un kitsch effrayant de la plus pitoyable sorte. Parmi les plus charmants d’entre eux, il y avait une bouteille de schnaps sur laquelle était gravé en relief le portrait de Marx au-dessus de deux mains serrées l’une dans l’autre ; en dessous, on pouvait lire la devise « Prolétaires de tous pays, unissez-vous ! » Quelques-uns des fameux « chapeaux de démocrates », fabriqués à Halberstadt par l’entreprenant chapelier et député du Reichstag Heine, avec le portrait de socialistes contemporains célèbres sur la doublure, étaient aussi représentés dans cette collection. À côté de ça, on pouvait voir des images et des dessins extraits de la presse socialiste allemande ou tirés à part. La plupart de ces « produits artistiques » faisaient une impression effrayante. Il y avait là une image où Lassalle, renversant le Veau d’Or, faisait une telle grimace qu’on l’aurait crû atteint d’une rage de dents. Une carte postale originale présentait aussi Marx qui, moderne Moïse, descendait du Mont Sinaï pour porter à son peuple les deux tables des nouveaux Dix Commandements. Il y avait également deux imprimés particulièrement profonds qui illustraient l’opposition entre l’économie capitaliste contemporaine et l’ordre communiste à venir. Sur la première feuille, on voyait un troupeau de cochons à moitié morts de faim qui louchaient vers une auge remplie à laquelle ils ne pouvaient manger ; car quelques verrats bien gras les empêchaient d’y accéder, de telle sorte qu’ils devaient se contenter des maigres épluchures qui tombaient à côté. La deuxième feuille montrait une porcherie joliment ordonnée, où chaque cochon avait son propre espace et pouvait manger dans son auge personnelle - ce qui permit au Figaro de parler d’un « socialisme des cochons ». (61)
Parmi ses meilleurs amis auxquels Alexandre Cohen consacre plusieurs pages, mentionnons encore Émile Henry, rencontré à la fin de l’été 1892 au restaurant de Constant Martin. Henry se rendait souvent à la rue Lepic où les deux hommes, qui partageaient les mêmes points de vue sur l’anarchisme, parlaient surtout littérature et peinture. Il leur arrivait de réciter de la poésie une partie de la nuit, Cohen optant pour Baudelaire, Henry, imprégné du « romantisme mortifère » des Misérables, pour Hugo.
oeuvre de Georges de Feure
(36) Voir A. Romein-Verschoor, « Caractère et culture des hollandais », Septentrion, II, 1973, 3, p. 5-22. Dans cet article, l’historienne insiste en particulier sur la « prédominance du visuel chez le Hollandais ». Dans une lettre à Kaya datée du 1er février 1905, Cohen, fasciné par les paysages des Indes néerlandaises, écrit : « Que la terre est belle et la vie aussi. Et quelle horreur de devoir disparaître = de ne plus voir. »
(37) A. Cohen, op. cit., 1976, p. 144.
(38) D. Guérin, L’Anarchisme : de la doctrine à la pratique suivi de Anarchisme et Marxisme, Gallimard, Paris, 1981, p. 105.
(39) Voir l’historique de ces activités du mouvement au niveau international pour l’année 1889 entre autres dans la section « De internationale beweging », in B. Bymholt, op. cit., p. 584-595.
(40) Lettre en français à W. van Ravesteyn, 18 février-7 mars 1940. Cohen vomit la social-démocratie, symbole pour lui de tout ce qui est vulgaire et bas, il vomit Jules Guesde, « prophète hirsute du dieu Marx plus hirsute encore », qu’il a entendu dire de sa voix graillante : « L’Art ? Qu’est-ce que c’est que ça ? Nous n’avons pas besoin d’art ! La question sociale est une question de ventre et de bas-ventre ! » (In Opstand, p. 159). Ces aversions ne font que conforter l’individualiste invétéré qu’il est dans son attirance pour l’anarchisme.
(41) A. Nataf, La Vie quotidienne des anarchistes en France 1880-1910, Hachette, Paris, 1986, p. 134-135.
(42) Voir A. Cohen, « Van de mislijke vrijdenkerij », De Paradox, p. 74-75.
(43) Extrait d’une lettre du romancier cité par F. Bastet, « Met Louis Couperus op reis », in Al die verloren paradijzen… Van & over Louis Couperus, Querido, Amsterdam, 2001, p.17.
(44) A. Nataf, op. cit., p. 124.
(45) M. Ragon, « Les chantres de l’anarchisme », Magazine Littéraire, dossier « Les énervés de la Belle-Époque », mai 1991.
(46) J. Moulaert, De vervloekte staat: Anarchisme in Frankrijk, Nederland en België 1890-1914, Epo, Berchem, 1981, p. 77.
(47) T. de Banville, Mes Souvenirs, Editions d’Aujourd'hui, 1980, p. 460-461.
(48) J.-K. Huysmans, Lettres inédites à Arij Prins (1885-1907), publiées et annotées par Louis Gillet, Droz, Genève, 1977. Notons que Cohen évoque Huysmans dans In Opstand (p. 151), Huysmans fonctionnaire qui, au sein du ministère de l’Intérieur, nous dit-il, était chargé de contrôler le courrier de cœur du général Boulanger.
(49) G. Darien, La Belle France, p.107, cité par F. Richard, L’Anarchisme de droite dans la littérature contemporaine, P.U.F., Paris, 1988, p.134.
(50) Alexandre Cohen a rencontré la compagne de sa vie dans ce restaurant ; il évoque ces premières heures d’une longue relation dans sa lettre à Kaya du 4 octobre 1896. C’est aussi dans ce lieu qu’il a vu et entendu Sébastien Faure, son « lieutenant-adjudant » Armand Matha – la plus belle barbe au sein de l’anarchisme militant – qui évoquait les nombreuses conquêtes féminines de son chef, « la camarade Camille » – grande partisane de la prostitution –, Mortinet – un employé de banque –, Georges Regard et Boriot, trois « anarcho-mouchards », sans oublier Émile Henry.
(51) A. Cohen, op. cit., 1976, p. 206.
(52) A. Pessin, La Rêverie anarchiste (1848-1914), Librairie des Méridiens, Paris, 1982, p. 52.
(53) Ibid., p. 53.
(54) Voir lettre à Émile Zola, 1er janvier 1894 et les notes correspondantes.
(55) Voir lettre à F. Domela Nieuwenhuis, 15 juin 1893.
(56) Voir par exemple ses aventures avec Bernhard Kampffmeyer dans A. Cohen, op. cit., 1976, p. 201-205. (Cohen écrit parfois Bernhard à la française et Kampffmeyer avec un seul f). Cohen parvient à sortir son ami du commissariat alors qu’il a été arrêté par la police pour vol d’une affiche.
(57) A. Cohen, ibid., p. 194.
(58) Lettre à Kaya, 6 décembre 1896.
(59) Alexandre Cohen raconte sa passion pour les affiches dans In opstand, 1976, p. 198-201. Voir au sujet des cabarets et autres lieux de rencontre à Montmartre : R.D. Sonn. Anarchisme and Cultural Politics in Fin de Siècle France, University of Nebraska Press, Lincoln and London, 1989, p. 84-87. Voir au sujet de cet apport du monde parisien à la vie du cabaret néerlandais : P.J.A. Winkels e.a., Ten tijde van de Tachtigers. Rondom De Nieuwe Gids. 1880-1895, Nijgh en Van Ditmar, ’s-Gravenhage, 1985, p. 51-55.
(60) Voir sur cet artiste Ian Millman, Georges De Feure, Maître du symbolisme et de l’art nouveau, ACR, Paris, 1992.
(61) Rudolf Rocker, Aus den memoiren eines deutschen Anarchisten, éd. Magdalena Melnikow & Hans Peter Duerr, Francfort/Main, Suhrkamp, 1974, trad. Jérôme Anciberro et Gaël Cheptou (merci à ce dernier pour la caricature). Relevons que Cohen, lorsqu’il gagnera bien sa vie, saura de son côté se montrer généreux vis-à-vis de ses amis (voir par exemple le témoignage de son ami communiste H.P.L. Wiessing, Bewegend portret, Amsterdam, Moussault, 1960, p. 223).