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Le polar en Flandre (2)

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Le roman policier et à suspense en Flandre (2)

 

LE SURSAUT : années 1980-1995

 

CouvLAmbassadeur.jpgOn entre donc ensuite dans une ère beaucoup plus riche, inaugurée en premier lieu par Jef Geeraerts (né à Anvers en 1930), qui s’était déjà fait un nom dès les années soixante en particulier grâce à des romans où instincts primitifs, érotisme et Afrique occupent une place centrale (Je ne suis pas un nègre et les 4 volumes de Gangrène) (9). Son Kodiak .58 (1979) symbolise le point de départ de décennies riches en publications de qualité qui ont incité des éditeurs comme Manteau et Houtekiet - et plus récemment Davidsfonds - à bâtir un fonds « suspense ». Après avoir reçu le premier prix Gouden Strop en 1986 pour De zaak Alzheimer (porté à l’écran sous le titre La Mémoire du tueur, 2003), Jef Geeraerts a ajouté plus d’une douzaine de titres rangés dans le genre « polar » ou « thriller » ; souvent très documentées, témoignant d’une belle maîtrise, ses œuvres abordent des sujets politiques, traitent de la corruption, dénoncent les pratiques de la grande bourgeoisie et de certaines institutions, plongent dans l’univers de la  mafia (Dossier K sur la mafia albanaise). On a souvent droit à une belle peinture des hautes sphères corrompues de la société belge, à des dialogues pleins d’allant et savoureux, même si certains personnages, par exemple Albert Savelkoul et Nazim Tahir, dans De PG (Le Procureur) et Dossier K., paraissent parfois bien naïfs et si l’auteur, dans ces deux romans, propose une vision un peu trop manichéenne des choses.

 

Trailer La Mémoire du tueur

 

Anversois lui aussi, comme d’ailleurs beaucoup de ses confrères, Bob Mendes (né en 1928) est considéré, avec près de 20 titres, comme l’un des maîtres du roman à suspense. Deux de ses meilleurs titres ont été traduits par Emmanuèle Sandron pour les éditions belges Luce Wilquin. (La Force du feu, 2002 et Les Diamants du sang, 2004). « Un quart de siècle de passion et de vengeance, c’est ce que nous propose La Force du feu. Évoquant avec finesse les luttes d’influence qui déchirent le Moyen-Orient avant la chute du Shah d’Iran, Mendes dérouleCouvDiamantsSang.jpgtous les fastes de la tragédie. Présenté comme thriller, il s’agit plutôt d’un passionnant roman de politique fiction de grande envergure, écrit  avec maestria dans un style haletant et précis. Par l’étendue et la précision de sa documentation (notamment dans le domaine du zoroastrisme) et son sens architectonique de la construction, il s’apparente tout naturellement à des maîtres du genre tels que Ludlum, Clavell et surtout Forsyth, lequel a déjà fait appel à Mendes pour une anthologie américaine. » (H.-F. Jespers) Bob Mendes a promu en Flandre le faction-thriller ; son œuvre a été récompensée par quelques-uns des prix les plus prestigieux. (10)

Né pour sa part en 1941 – eh oui ! à Anvers –, John Vermeulen a fait ses débuts en littérature dès l’âge de 15 ans en publiant un roman de science fiction (11), genre qu’il a continué de pratiquer sans délaisser les autres. Son premier polar date de 1981 ; le romancier l’a revisité pour reformuler sa critique de l’industrie du nucléaire : De gele dood (La Mort jaune, BMP, 2001). En tout, il en a écrit une quinzaine.

CouvGeleDood.jpgUn de ses personnages de prédilection, Ansen Wagner, membre des services secrets européens, est une sorte de James Bond peu machiste ; les lecteurs ont pu suivre ses aventures publiées par l’éditeur d’Utrecht Bruna. Sans forcément abandonner la veine érotique ou humoristique, Vermeulen a ensuite quitté ce personnage pour s’attacher à des sujets « plus sérieux », en particulier l’écologie (Gif, Poison, 1999). Solo Race, qui évoque la pollution des mers, a reçu le Prix du Grand Jury (1988) ; Beau crime (1998) présente une juge d’instruction attirée tant par les hommes que par les femmes ; elle doit trouver le meurtrier d’une femme très sexy qui dirigeait une émission radiophonique nocturne consacrée à l’amour et à la sexualité. Quant à De Kat in het aquarium (Le Chat dans l’aquarium, 2003), il narre le cauchemar de couples qui ont gagné un séjour dans un endroit qu’ils croient idyllique. Bien que dénigré dans son pays, John Vermeulen a connu de grands succès de librairie, vendant des centaines de milliers de livres à l’étranger. John Vermeulen s’est éteint en août 2009. Dans les dernières années de sa vie, il a écrit pour l’essentiel des romans historiques (sur Bruegel, Bosch, Mercator, Nostradamus, Vinci) dont l’un a été mis en scène en Allemagne sous forme d’opéra.

L’annonce de sa mort dans la presse francophone : « BRUXELLES 24/08/2009 (BELGA). L’auteur néerlandophone John Vermeulen est décédé le week-end dernier à l’âge de 68 ans, a annoncé l’éditeur Kramat. John Vermeulen a essentiellement écrit des thrillers et des romans de science-fiction. Il a également signé des livres pour enfants, des scénarios de films et de pièces de théâtre, des romans de fantasy et des romans historiques. Il a également publié, sous le pseudonyme féminin Tessy Bénigne, quelques romans érotiques. Ses œuvres ont été traduites en allemand, espagnol, hongrois, français, japonais et anglais. »

CouvRoséProvence.jpgDe la même génération, on compte aussi Axel Bouts (né en 1938) qui, depuis près de trente ans, élabore une œuvre littéraire de qualité en choisissant parfois le roman policier : avec l’inspecteur Jan Toets, on découvre Courtrai, ville natale de l’auteur, ou bien un village flamand (Nieuwemaan, Nouvelle lune, 2001) ; on séjourne, avec entre autres Georges Simenon en personne, dans le Sud de la France (Rosé de Provence, 1992), entre Saint-Tropez et Aix-en-Provence. Au fil de ces romans « placides » qui sont aux antipodes des épais thrillers en vogue, on explore l’homme dans ses défauts et ses manquements. Sens de l’atmosphère et de l’intrigue également au rendez-vous dans Wolven (Loups, 1988), Het paradigma (Le Paradigme, 1991) qui a été porté à l’écran par la BRT, Résidence Elckerlyc (1996) et Elektrocutie (2003), des titres (ré)édités chez Davidsfonds. (12)

CouvRubensRood.jpgQuant à l’Anversois Staf Schoeters (Merksem, 1949), il accorde lui aussi beaucoup d’attention au style tout en dénonçant dans sa dizaine de titres certains aspects de la société. Il fait partie des quelques Flamands qui s’adonnent au roman policier historique, par exemple dans le récent Rubens Rood (2007) où l’on voit le célèbre peintre faire planer, peu après sa mort, le mystère sur sa ville. Avec De schaduw van de adelaar (L’Ombre de l’aigle, 1998), premier volet d’une trilogie – les deux autres étant De wandelgangen van de macht (Les Couloirs du Pouvoir, 1999) et De wegen naar ontvoogding (Les Chemins de l’émancipation, 2002) – dont l’action se situe à Anvers à l’époque napoléonienne, Schoeters a remporté le prix Hercule Poirot. En lisant Ochrana (1994), le lecteur se retrouve dans le milieu des services secrets tsaristes. Rust in onvrede (1991) propose un bel équilibre entre suspense, littérature et politique. Dans Belegerd verleden (Passé assiégé, Allmedia, 2004), la quête d’un historien nous ramène à Anvers à l’époque de la Première guerre mondiale : souffrance, trahison et terreur sont au menu.

Ses autres titres : Het gelag wordt betaald (1982) ; De draak achterna (1984) ; Het perspectief van de worm (1986) ; De seismograaf, of Drie dagen uit het leven van Donald Hartman (1990); Labiele basis (1992).

Pour sa part, l’écrivain Ward Ruyslinck, auteur entre autres de Golden Ophélia, a commis trois romans qui peuvent être rangés dans le genre policier. Wurgtechnieken (Techniques d’étranglement, 1983) traduit par Xavier Hanotte sous le titre Ultimes étreintes (La Longue vue,1986) a pour thème l’emploi de la torture comme moyen d’amadouer l’homme. On suit l’itinéraire d’un tortionnaire ; après avoir servi le pouvoir en place en Bolivie, il vient se cacher en Europe. De Claim van de Duivel (La Doléance du Diable, 1993) narre l’histoire d’un écrivain raté qui se retrouve accusé du meurtre de sa femme. Poussé par la force diabolique qui l’habite, l’homme, une fois en prison, se met à écrire pour se défendre. Le grand pessimiste – ou réaliste ? – qu’est Ruyslinck propose une vision des choses plus noire encore dansTraumachia (1999), son dernier roman.

CouvUltimesEtreintes.jpg 

Entre 1985 et 1990, Bart Holsters (né en 1953) a publié 4 polars prometteurs avant d’écrire sur le genre pour le quotidien De Morgen. Il met en scène un antihéros, le détective Jean-Pierre Willems. Son troisième titre, Koude Kunstjes, est un persiflage du roman policier.

CouvTarentula1.jpg

 

CouvPaarseDijen.jpg

Entre deux voyages et diverses publications, le biologiste et journaliste Dirk Draulans (né en 1956) a édité chez Manteau un thriller érotique Paarse dijen (Cuisses violacées, 1990) – où un personnage qui sort du rêve de l’héroïne du roman devient un criminel – et un polar Gele modder (Boue jaune, 1992) qui aborde la question des armes chimiques. Dans un autre livre à dominante scientifique, De rode Koningin (La Reine rouge, 1994), l’auteur imagine un monde où une guerre biologique menée par une femme vise à supprimer tous les mâles : les femmes n’ont plus besoin des hommes pour vivre puisque la science leur permet de se reproduire par un système proche de la parthénogénèse.

Relevons encore pour les années quatre-vingt deux romans qui s’apparentent au roman policier : sous le pseudonyme Conny Couperus, le célèbre Hugo Claus (1929-2008) et son ami Freddy De Vree (1939-2004) ont écrit Sneeuwwitje en de leeuwerik van Vlaanderen (Blanche neige et l’alouette de Flandre, 1985), une satire de la Flandre, de la politique et de la littérature néerlandaise – Hugo Claus devait reconnaître plus tard qu’écrire un polar n’était pas dans ses cordes (13) ; quant à l’écrivain Bruno Bartels, il a pour sa part commis De kikker ging dood (La Grenouille est morte, 1983) : le personnage principal et narrateur raconte comment il a tué sa femme et ses enfants. (D.C)

 

quelques images de Hugo Claus

 

  

NOTES

CouvDoodInArles.jpg

(9) Plusieurs romans de Jef Geeraerts ont été traduits par Marie Hooghe : Gangrène I. Black Venus, Éditions Labor, 1984 et Babel n° 178, 1995 ; Été indien, Éditions Complexe, 1990 ; Chasses, Éditions La Longue vue, 1984 ; Le Plus gros diamant du Zaïre, trad. Marie-Françoise Dispa, Hatier, 1988 ; Opération Sigma sur la Belgique, Hatier, 1987 ; Suite romaine, trad. Marie-Françoise Dispa, Hatier, 2000 ; L’Ambassadeur, Éditions des Syrtes, 2002 ; Oiseau de nuit, Le Castor Astral, 2002 ; Marcellus, Le Castor Astral, 2003 ;Sanpaku, Le Castor Astral, 2003 ; Le Récit de Matsombo, Le Castor Astral, 2005.

(10) Henri-Floris Jespers a consacré une monographie à cet écrivain : Bob Mendes, meester in misdaad, Manteau, 2005.

(11) De John Vermeulen, Albin Michel a publié en 1983Le Bouffon binaire, un livre de S.-F. Pour une présentation sommaire de la littérature « fantastique » de langue néerlandaise : PDF

(12) Axel Bouts est par ailleurs l'auteur d'un beau et court roman intitulé Dood in Arles (Mort en Arles, 1987) qui mêle, dans (les arènes de) la cité romaine et sous un voile de mystère, les thèmes de la beauté et de la mort.

(13) Hugo Claus a par ailleurs laissé quelques nouvelles policières.



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