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  • Le peintre Thomas Cool

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    Années à la Villa Strohl-Fern

     

     

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    En 2010, une exposition rehaussée d’une publication dun format original (1) a permis de redécouvrir le peintre Thomas Cool (1851-1904). Cet homme né en Frise a fait assez tardivement le choix de la vie artistique. Il a placé la Rome ancienne au cœur dune œuvre à laquelle le Stedelijk Museum d’Amsterdam a consacré une rétrospective posthume en janvier-février 1916.

    Th. Cool a laissé quelques traces dans la littérature néerlandaise. On pense que le personnage Duco van der Staal du roman Langs lijnen van geleidelijkheid (2) de Louis Couperus est en partie basé sur la figure de ce Hollandais qui affirmait « ne jamais peindre ce qu’il voyait, mais ce qui transportait ses yeux vers une vie plus élevée ». De son côté, Maurits Wagenvoort (1859-1944) a brossé un portrait du talentueux artiste (sous les traits du peintre Terhaer) et de ses proches dans son roman anarcho-parisien De droomers (Les Rêveurs, 1900). Cet écrivain, contemplant à nouveau des œuvres de son défunt ami en 1930 à l’occasion d’une exposition organisée à La Haye, réitère son admiration en parlant « d’une facette géniale de son inspiration ».

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    Forum Romanum, pastel

     

    Mais c’est essentiellement grâce à Tine, l’une de ses filles, que les lecteurs ont mieux fait connaissance avec Thomas Cool. En 1928, la jeune femme publiait Wij met ons vijven in Rome dont une traduction anglaise a vu le jour récemment grâce à l’initiative d’un homonyme et arrière-petit-fils du peintre (3). Certes, l’ouvrage, qui a connu un réel succès, s’adressait à un jeune lectorat ; mais pour nous, il offre un témoignage sur une famille qui, de 1892 à 1896, a vécu dans le cadre privilégié de la Villa Strohl-Fern. L’Alsacien Alfred Wilhelm Strohl l’avait acquise en 1879 ; il l’aménagea pour en faire un point de chute pour des artistes. Ainsi, Rilke y a séjourné au début du XXe siècle. Légué au gouvernement français, le lieu a abrité à partir de la fin des années cinquante le Lycée Chateaubriand. En 2012, une exposition a remis en mémoire ce passé glorieux où la Villa accueillait nombre de personnages de renom.

    Interieur du Dôme de Milan

    thomas cool,frise,pays-bas, Gabriele D’Annunzio, rené doumic, rome,italie,sculpture,peinture,littérature,louis couperus,cornelis veth,maurits wagenvoort,tine cool,villa strohl-fernÀ l’époque où Th. Cool travaille à Rome, le critique d’art allemand Albert Zacher lui rend visite. Cette rencontre a inspiré à ce dernier une belle page publiée dans le Franfürter Zeitung du 9 juin 1895. Il est permis de penser que les hommes de lettres Gabriele D’Annunzio et René Doumic sont eux aussi passés par l’atelier du Frison. Dans la Ville Éternelle, la colonie hollandaise, que Couperus et Wagenvoort fréquentaient, comptait alors au moins deux autres artistes en vue : le sculpteur Piet Pander (1864-1919) et le paysagiste Romolo Koelman (1847-1920).

     

    D. Cunin 

     

    (1) Willem Winters, Thomas Cool. Een Friesch schilder. 1851-1904, Leeuwarden, Perio, 2010.

    (2) On peut en lire la traduction récente en anglais de la main de Paul Vincent : Inevitable.

    (3) C.A. (Tine) Cool,  The five of us in Rome. An artist’s family in Villa Strohl-Fern in Rome 1892-1896, traduit du  néerlandais par Th. Cool, La Haye, 2011. 


    Quelques images de l’exposition « Artisti a Villa Strohl-Fern » (2012)

     

     

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    The five of us in Rome

    QUATRIÈME DE COUVERTURE

     

    The Five of us in Romeis the delightful story told by a young girl who arrives in Rome in 1892 almost 5 years old and who leaves in 1896 as a 9-year old. Her father is an art painter who rents an atelier with family living quarters in the Villa Strohl-Fern, a mansion full with other artists, situated in a lush park close to Villa Borghese and the Academies of Art - in this period still on the outskirts of Rome. The story received the prize of the best book for girls in 1928 in Holland.

    Given the amassed artistic talent at the Villa Strohl-Fern and its particular role in art history Tine’s book has become a remarkable historical document as well. It relates about life at the Villa in its early years, and the family story connects with historical figures from this special place and period. This first translation in English includes many historical links that do not appear in the 1928 Dutch original.

    Thomas Cool

    thomas cool,frise,pays-bas,peinture,littérature,louis couperus,cornelis veth,maurits wagenvoort,tine coolAround 1895 countries had kings and emperors, people rode in horse drawn carriages and steam trains, the telephone was only an invention. Nations had the Prix de Rome for their best young art talents to study in the Eternal City. Many of them later made a name. The painter from Holland is older and comes with his wife and three children, all paid for by his father, a manufacturer. He has his aim in art: “Rembrandt opened our eyes by painting directly what the world offers. He taught us his effects of light and dark. Above all, according to me, he embodies the phenomena in nature and the dramatic sentiment by which I experience the world.” When his daughter Dientje gets ill with malaria perniciosa he has to choose between his family and his desire of artistic fulfillment in Italy. All the while Tine’s eye and heart record how it is to be a young girl in a foreign land and in that garden between artists.

    Tine’s style in Dutch is lofty and tinges on the formal. This English translation is more fluid but the lofty Father and Mother have been retained. This edition is not intended as a children’s book but is for readers with an interest in cultural history and the joy in life.

    Tine Cool (1887-1944) was a garden architect and writer.

     

     

    UN EXTRAIT

    «The Pantheon », p. 111-114

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    Panthéon, Rome, huile

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    Th. Cool, Messe à Saint-Pierre 

     

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    Cornelis Veth, « Architectuurschilder van beteekenis »

    De Telegraaf, 3 juillet 1930

     

     

     

  • Un monde à explorer

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    Réflexions luxembourgeoises

    sur la traduction littéraire

     

     

     

    « Et il y a les traductions. Ah, si on ne traduisait que les œuvres vraiment représentatives et dignes de rendre témoignage ! Mais vous savez trop bien que cela n’est pas et qu’ici comme ailleurs le scandale fait prime. On est en train de traduire le Voyage au bout de la Nuit de Céline. Voulez-vous mon avis ? On peut aimer ce livre d’une probité certaine, mais plutôt faisandé et relevé d’un haut-goût un peu particulier. Il est certain cependant que la traduction de ce livre n’ajoutera rien à la gloire de la France. Ce Voyage n’est pas, ne devrait pas être un article d’exportation. »

    Philinte

    « Probité littéraire », Escher Tageblatt, 2 septembre 1933

     

     

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    Dans un supplément de l’Atlantic Monthly, consacré principalement à la littérature de la Belgique et des Pays-Bas, l’écrivain néerlandais Adriaan van der Veen raconte que, peu avant la guerre, son compatriote, le grand essayiste Menno ter Braak, participait à Paris à un congrès international d’écrivains. De nombreux orateurs avaient pris la parole avant lui et l’audience était passablement fatiguée, lorsqu’il lui fut donné d’intervenir à son tour dans le débat. La soif avait fait émigrer vers le bar la quasi-totalité des hommes de lettres. Tandis que Ter Braak exposait ses vues pertinentes la salle continuait de se vider. Bientôt, il ne resta plus de l’auditoire que l’écrivain Heinrich Mann et le président du Congrès. L’auteur de Professor Unrat se pencha vers le président et lui glissa dans l’oreille une phrase qu’entendit Ter Braak : « Mon Dieu, qui cela peut-il bien être ? » Et le président de répondre : « Réellement, je n’en sais rien. »

    couv-Perron.pngCette anecdote, Adriaan van der Veen la tient du regretté Ed. du Perron, l’un des écrivains contem- porains néerlandais qui fait honneur à la littérature universelle, et il rapporte la morale que Du Perron tirait de cette histoire : « C’est une chose terrible que d’écrire dans un langage secret. »

    Langage secret, langue confidentielle, le néerlandais n’a pas l’audience auquel il a droit de par le caractère des œuvres littéraires qui paraissent aux Pays-Bas.

    Certes, on n’ignore pas entièrement la prose néerlandaise à l’étranger. Des écrivains comme Antoon Coolen, Den Doolaard, Fabricius, Jan de Hartog, J. W. Hofstra, Arthur van Schendel ont été traduits en français, pour ne citer que quelques romanciers au fil de l’alphabet. Mais on ne peut prétendre que la littérature des Pays-Bas est « illustrée » en Europe grâce aux œuvres de ces écrivains. À de rares exceptions près, les romans traduits l’ont été en fonction d’un critère régionaliste. C’est ainsi que le roman Bartje – d’inspiration et d’exécution essentiellement régionalistes – à été traduit en vingt-deux langues, et que Hilde, également de la main d’Anne de Vries, n’est pas loin du compte.

    couv-Doolaard.pngAvec amertume, Adriaan van der Veen constate que ce serait un stimulant non négligeable pour les écrivains néerlandais les plus doués si le petit groupe international des éditeurs consacrait un peu plus d’intérêt à la véritable littérature hollandaise qui, assurément, comporte quel- ques-unes des beautés qu’on admire dans la peinture de ce pays.

    Or, qu’entend retirer le lecteur étranger d’un livre traduit d’une « langue confidentielle » ? Bien souvent, avant tout, le secret d’une mentalité qui n’est pas la sienne, une vision qui lui permette d’accéder à l’âme d’un peuple inconnu, aussi, une certaine « couleur locale ». C’est en fonction de ce critérium qu’ont été traduites les œuvres néerlandaises qui passent à tort pour représentatives de la littérature des bas pays. Dans cette nation de vieille culture, l’élément anecdotique régional fait la plupart du temps défaut. Le roman néerlandais – pour ne parler que de lui – est axé principalement sur des conceptions de vie universelles, sur des instants humains immuables, que la barrière des langues ni même la géographie ne transforment dans leur essence. C’est ce qui oblige Mme A. Romein-Verschoor, dans un essai sur la littérature hollandaise contemporaine (1), à se demander s’il y a vraiment un esprit hollandais. Il y en a un, déclare-t-elle, et il est d’une nature peut-être plus personnelle que tout autre esprit national, et aux racines plus profondes. « Il n’est pas moins déterminé par l’histoire que par le climat et le paysage et il ne s’apparente guère visiblement aux sabots ni aux moulins. Un de ses caractères réside précisément dans la faculté d’adaptation qu’un petit pays de commerçants a acquise au cours des siècles par la fréquentation assidue des nations environnantes et, comme conséquence, dans un nationalisme plutôt faible ou du moins critique. L’écrivain hollandais d’aujourd'hui est Hollandais parce qu’il ne peut faire autrement, mais le but conscient qu’il poursuit est plutôt d’atteindre un niveau européen que d’exprimer l’âme nationale. Il se rend parfaitement compte que la prérogative d’exprimer de façon consciente l’âme nationale est l’apanage des grands peuples culturels, mais que si un petit peuple s’y aventure, il tombe aisément dans un chauvinisme creux. Et il y a peu de choses qu’il craigne davantage. Mais cela conduit d’autre part à un isolement étroit, à une conversation littéraire sans partenaire, qui nous accable d’autant plus que nous sortons de cinq années de solitude absolument complète. »

    couv-vestdijk.pngCes considérations n’enlè- vent rien à l’urgence du problème de la traduction d’œuvres parues dans une langue de peu de rayon- nement. En prenant comme base l’année 1952, l’on constate qu’aux États-Unis un seul livre néerlandais a pu atteindre le grand public : le Journal d’Anne Frank, paru comme pocket-book. Deux romans néerlandais ont eu une édition courante : The Great Ordeal, de Fabricius, et Joachim, de l’auteur flamand Marnix Gijsen. En Angleterre, au cours de la même année, a paru un livre de Jan de Hartog ; en France, un De Hartog également (Jan Wandelaar), et un Albert Helman. Ce n’est qu’en Allemagne qu’une vingtaine de romans néerlandais ont paru en traduction, dont six livres de Simon Vestdijk. Cette situation, plus satisfaisante ici qu’ailleurs, ne peut cependant être considérée comme la preuve d’un réel succès de la littérature néerlandaise dans ce pays, du fait qu’il ne s’agit que d’un très faible pourcentage d’œuvres traduites du néerlandais dans la masse de livres étrangers parus en Allemagne (30% de la production totale).

    Ces chiffres, empruntés à une étude  de G. Söteman sur le problème des  traductions (2), donnent peut-être une image trop sombre de la situation. L’auteur lui-même indique d’ailleurs que la littérature néerlandaise est loin  d’être absente dans le monde. En effet, un écrivain important comme Louis Couperus a été traduit soixante-dix fois ; Arthur van Schendel, vingt fois ; Frederik van Eeden, quarante fois ;  Johan Fabricius, cinquante fois ; Madelon Székely-Lulofs, trente fois ; Antoon Coolen, trente fois, etc.

    couv-coolen.pngIl n’en demeure pas moins vrai que l’importante contri- bution littéraire d’un Slauerhoff, d’une Clare Lennart, d’un Belcampo, d’une Carry van Bruggen, d’un Bordewijk, d’une Top Naeff, d’un Artur van Schendel ou d’un Simon Vestdijk, pour nous borner à quelques écrivains contem- porains « établis », mérite d’être enfin connue de l'étranger.

     

    N. H., « La littérature néerlandaise, un monde à explorer », d’Letzeburger Land, 16 juillet 1954, pp. 9 et 11

     

     

    (1) Alluvions et Nuages, éd. Querido, Amsterdam, 1947.

    (2) Article dans Maatstaf (juin 1954).

     


    Le romancier F. Bordewijk reçoit le Prix P.C. Hooft 1953 au château Muiderslot