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selinde margueron

  • L’homme de l'eau

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    Quelques points de vue

    sur l’un des romans majeurs

    d’Arthur van Schendel

     

     

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    L’homme de l’eau

    traduit du néerlandais par Selinde Margueron

    Paris, Gallimard, 1984

     

     

    Né à Batavia, élevé en Hollande, puis professeur en Angleterre, Arthur van Schendel (1874-1946) devait passer une bonne partie de son existence près de Paris et surtout à Sestri Levante. Au début du XXe siècle, ses romans Un vagabond amoureux et Un vagabond égaré font sensation. L’auteur suivra sur cette lancée. Ses héros seront des figures solitaires, rêveuses, vivant dans des conditions de temps et de lieu assez imprécises. Il amorce une nouvelle période en 1930 en signant La Frégate Jeanne-Marie, livre populaire s’il en fut. Deux ans plus tard, Jan Compagnie évoque la colonisation des Indes orientales, avec son cortège d’héroïsme et de cruautés. Deux romans qui mettent en scène des Hollandais. Les suivants, à commencer par L’homme de l’eau qui dépeint la rude vie sur les péniches au cours de la première moitié du XIXe siècle, nous amènent en Hollande même, dont Les Oiseaux gris (1937) qui reprend le motif éternel de Job. Par la suite, tout se passe comme si Van Schendel, renonçant à comprendre une réalité décidément impénétrable, considérait les choses en simple spectateur. Relevons que L’homme de l’eau a inspiré un opéra.*

     

    * Ces lignes sont pour une bonne part empruntées à Pierre Brachin

    La littérature néerlandaise, Paris, Armand Colin, p. 138-139.

     

     

    LE MOT DE L’ÉDITEUR

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    LE POINT DE VUE

    DE SONJA VANDERLINDEN 

     

    Gallimard sortait en 1984, dans sa collection « Du monde entier », la traduction française du roman néerlandais De waterman écrit par Arthur van Schendel en 1933. Il aura donc fallu plus de 50 ans pour que ce chef-d’œuvre de la littérature néerlandaise se fraie un chemin vers le public francophone !

    L’homme de l’eau, c'est là le titre que la traductrice, S. Margueron, a choisi. C’est, à mon avis, le seul titre qui convienne pour définir l’histoire d'un homme dont toute la vie jusqu’à la mort est intimement associée à l’eau. L’eau est omniprésente dans ce roman : quelques rivières ou fleuves des Pays-Bas constituent le cadre géographique de l’action ; ils sont parcourus par le marinier Maarten Rossaart qui en connaît tous les bienfaits, mais aussi tous les écueils (glace, neige, brouillard, inondations, etc.) ; l’eau est pour lui un élément à la fois familier et secret : elle recèle le mystère de la vie et de la mort, deux pôles dont elle réalise et transcende la synthèse.

    A. van Schendel par Jan Toorop (1912), Stedelijk Museum Amsterdam

    schendel-toorop1912.pngToutefois, comme l’explique S. Margueron dans son excellente préface, L’homme de l’eau n'est pas seulement un « roman d’eau ». La religion, associée symboliquement à l’eau, joue en effet un rôle important et, par là aussi, le roman est typiquement hollandais. Dans un climat de querelles dogmatiques entre diverses sectes protestantes plus ou moins rigides, Rossaart incarne le non-conformisme religieux ; pour lui, une foi vécue, profonde et simple, à l’exemple de celle des premiers chrétiens, est de loin préférable à la conformité à un dogme. En d’autres termes, l’esprit l’emporte sur la lettre.

    La vie du héros se déroule dans la Hollande du XIXe siècle, entre 1800 en 1870 environ, sous l’occupation française. Mais l’essentiel du roman ne s’inscrit pas dans l’évocation historique. Van Schendel a bien plutôt incarné le Hollandais type. Rossaart est un personnage taciturne et secret ; un homme sérieux (il rit rarement !), honnête, consciencieux ; un obstiné et un travailleur acharné ; il est tout intériorisé et profondément religieux (au sens étymologique du terme) ; retenons encore sa générosité, sa confiance dans la vie (c’est là d'ailleurs le nom de son bateau) et son attachement profond à sa terre, à la femme qu’il aime et, bien entendu, à l’eau. Un individu qui va son chemin, sans se préoccuper des convenances sociales.

    Les Oiseaux gris, trad. Marie Gevers, Plon, 1939

    schendel-oiseaux.pngTout cela, S. Margueron l’a très bien compris et sa traduction en témoigne. Elle a saisi l’esprit du roman et est parvenue à évoquer aux yeux du lecteur francophone aussi bien ce personnage si éloigné du Français moyen que les hivers rigoureux et durs dans un pays qui doit se défendre contre l’eau. Elle a aussi trouvé le vocabulaire adéquat pour exprimer l’austérité de ce calvinisme culpabilisant qui s’oppose à la foi rayonnante et bon enfant de la tante Jans. Elle a perçu le pouvoir suggestif du style de Van Schendel et en respecte la subtile discrétion. De merveilleux passages à cet égard sont ceux qui évoquent la mort: du douanier (p. 12), de la mère de Maarten et de sa petite sœur (p. 34), de Nel (p. 102), du fils de Rossaart (p. 154). Ou ceux qui suggèrent la relation amoureuse entre Maarten et Marie (par exemple p. 111). C’est comme si les grands moments de l'existence ne pouvaient être dits, les mots n’étant pas capables d’exprimer de manière adéquate les sentiments éprouvés. La fin du roman, qui évoque la mort de Maarten dans l’eau, est splendide aussi bien dans la traduction que dans la version originale.

    Quelques détails me semblent moins heureux dans le texte de S. Margueron. Ainsi, par exemple, la transposition française des toponymes. S. Margueron maintient la plupart du temps les noms néerlandais, ce qui me semble être un bon choix ; je regrette qu’elle se soit écartée de cette règle en traduisant « Grote Markt » et « Grote Kerk », d’autant plus que la traduction ne me semble pas très heureuse (à savoir « Grand Marché » et « Grand Temple » ; j’aurais préféré « Grand-Place » ou « Place du Marché » et « Grande Église »). Ces toponymes doivent être accompagnés d’un article défini, et ici je ne comprends pas le système utilisé : comment justifier le Plein, le Dreef, le tjalk, le schuyt, la Havendijk, la Langendijk, l’étroit Oude Brug, etc. ? J’avoue que « la dijk » et « le brug » choquent mes oreilles… D’autre part, « mijn beste man », paroles adressées par Marie à Maarten, qui vit délibérément en dehors de l’institution conjugale, ne peuvent, à mes yeux, être traduites par « mon cher mari » ce qui, de surcroît, restreint considérablement le sens de l’expression néerlandaise. Mais ce ne sont là que des vétilles face à l’excellente qualité de cette traduction.

    Merci à S. Margueron et à Gallimard de permettre au public francophone l’accès à un beau roman qui constitue une introduction de choix à l’âme néerlandaise et à une littérature trop peu connue à l’étranger !

     

    Sonja Vanderlinden, « Arthur van schendel, L’homme de l’eau », Septentrion, 1985, n° 2, p. 77-78. La préface de la traductrice situe l’action dans son contexte historique et s’arrête sur quelques termes propres à la navigation dans les Pays-Bas.

     

    le début de l’opéra De Waterman
     

     

    LE POINT DE VUE

    DE FRANÇOIS DENOËL

    Études, décembre 1985, p. 699

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    LE POINT DE VUE

    DE CLAUDE-HENRI ROCQUET

     

    Claude-Henri Rocquet a lui aussi salué la sortie de L’homme de l’eau dans une chronique donnée au quotidien La Croix, texte repris avec de légères modifications dans Lecture écrite 1. Carnets d’Hermès, n° 7, Paris, juillet 2014, p. 104-105. C’est cette dernière version que nous reproduisons.

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    Henri Thomas, dans le Magazine littéraire, et Laurand Kovacs, dans la NRF (mars 1985, p. 114-116), ont eux aussi commenté cette parution.