Le réveil géopolitique de l'Europe
L’Europe géopolitique – actes et paroles
Quatre conférences prononcées au Collège de France
Luuk van Middelaar, Le réveil géopolitique de l’Europe,
Paris, éditions du Collège de France, janvier 2022
Né en 1973 à Eindhoven, Luuk van Middelaar est un historien et philosophe néerlandais. Il occupe la chaire « Fondements et pratique de l’Union européenne et de ses institutions » à l’Université de Leyde. Il est par ailleurs chroniqueur au principal quotidien néerlandais, le NRC. De 2010 à 2014, il a été la plume et l’un des conseillers du premier président du Conseil européen, Herman Van Rompuy. Politicide, son premier livre, propose une étude critique de la pensée philosophique française de l’après-guerre. En 2015, avec Philippe Van Parijs, il a edité After the Storm. How to save democracy in Europe. Deux des ouvrages de Luuk van Middelaar ont paru à ce jour en traduction française, aux éditions Gallimard : Le Passage à l’Europe. Histoire d’un commencement (2012 ; Socrates Prijs 2010, Prix du Livre européen 2012, Prix Louis Marin 2012 de l’Académie des Sciences morales et politiques) et Quand l’Europe improvise. Dix ans de crises politiques (2018).
Dans ses écrits, l’auteur néerlandais tente de cerner et d’analyser au plus près les plus récentes évolutions qui secouent nos sociétés tout en prenant la mesure de leurs répercussions sur l’Europe, c’est-à-dire tant sur les institutions bruxelloises que sur chaque gouvernement des pays membres. En ce printemps 2021, il a été invité par le Collège de France à inaugurer le « Cycle Europe » en prononçant quatre conférences sous l’intitulé « L’Europe géopolitique – actes et paroles ». L’occasion de s’interroger sur la place et l’action du Vieux continent sur la scène géopolitique qui a connu, ces dernières décennies, de véritables chamboulements. Comment se définir et se penser, dans le temps et dans l’espace, face à la Chine, face à la Russie, face aux États-Unis ou encore face à la Turquie alors que ces puissances conquérantes remélangent les cartes stratégiques ?
Présentation : « Nous aborderons dans ce cycle Europe les aspirations de l’Union européenne, en tant qu’ensemble, à se montrer comme un acteur respecté sur la scène mondiale et à peser davantage sur le cours des événements. Ce vœu d’une Europe plus "géopolitique", plus ''stratégique", voire "souveraine", exprimé depuis quelques années par de nombreux dirigeants (dont le président français et la présidente de la Commission), ne se traduit que difficilement dans les actes. Afin de remédier à cette situation, la doctrine bruxelloise tend à regarder du côté des réformes institutionnelles ou d’une adaptation des politiques. Nous suggérons, au contraire, qu’il convient en premier lieu d’effectuer un changement d’ethos, de mentalité et de vision du monde. Afin de retrouver un rôle d’acteur, l’Europe doit sortir de la pensée universaliste et intemporelle où elle a trouvé refuge après 1945, tant sur le plan des valeurs que sur celui de l’économie. Elle doit assumer la finitude de l’espace et du temps, réapprendre le langage du pouvoir, entamer, en somme, une vraie métamorphose libératrice – aussi douloureuse soit-elle. L’expérience enseigne toutefois que seule la nécessité pourra faire sortir les Européens de leur place privilégiée dans les coulisses de l’Histoire ; choc après choc, pas à pas. Plutôt que d’ajouter au chœur des exhortations qui se font entendre régulièrement, nous examinerons comment les Européens réagissent depuis 2015 aux événements disruptifs et réorganisent leur Union en conséquence.
» Quatre thèmes principaux illustrent ce réveil à contrecœur : découverte de la finitude territoriale, dans la reconnaissance d’une frontière extérieure commune, notamment à l’occasion des crises ukrainienne (2014-2015) et migratoire (2015-2016), et lors de l’intimidation turque en Méditerranée orientale (2020) ; découverte de la finitude économique, vivement ressentie sous le choc de la rareté médicale lors de la pandémie de la covid 19, et, plus largement, dans une nouvelle dépendance vis-à-vis de la Chine de Xi Jinping ; découverte de la finitude temporelle et de la solitude, enfin, qui se joue dans le lent abandon par les États-Unis de leur rôle de protecteur du continent européen. Ces découvertes, tâtonnements et pertes d’innocence successifs ne pourront déboucher sur une Europe actrice et maîtresse de son destin que s’ils sont accompagnés d’un récit. N’est-ce pas là la plus ancienne façon de s’inscrire dans le temps, le meilleur moyen de transformer la douleur de la finitude en une force ? Sans souveraineté narrative, pas d’autonomie stratégique. Ces quatre exercices de géopolitique seront reliés par quelques thèmes transversaux : nouvelle importance de la publicité et de l’espace public ; glissements de pouvoir entre États européens, notamment entre la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni ; réformes institutionnelles et rapport droit/politique au sein des instances de l’Union. »
Une version légèrement revue de ces conférences, fruit de la collaboration entre l’auteur et son traducteur Daniel Cunin, a été éditée sous le titre Le réveil géopolitique de l’Europe aux éditions du Collège de France (collection Conférences, janvier 2022).
L'Europe face aux voisins russe et turc : la frontière (1)
L'Europe face à la Chine : la rareté (2)
L'Europe et les États-Unis : la solitude (3)
L'Europe et l'entrée dans l'Histoire : le récit (4)
RTBF - Le Grand Oral de Luuk van Middelaar