JEAN GIONO
Un poème de Gerrit Achterberg (1905-1962)
Gerrit Achterberg à l’âge de 19 ans
Quand je lis Jean Giono, la vie s’arroge
une nouvelle place en moi, mon corps s’emplit
de véloces poissons ; sans avoir à décider
de rien, me voici tout entier offert aux rivières.
La pluie et le soleil sont d’énormes tamis
à travers lesquels je tombe ; l’iris des marais
aiguise ses doux couteaux aux membranes
qui m’élèvent à d’insoupçonnées hauteurs.
Les saumons se blottissent contre mon dos.
Je suis le gobie de cette contrée, Lubéron,
un étang à canards, qui préserve le pâle
clair de lune sous le pont arrondi des feuillées,
des heures durant, jusqu’à la Méditerranée.
Ici, tous les singes font l’ascension avec nous.
Sans doute composé en 1948, ce poème a paru dans le recueil Hoonte (1949). En 1937, Gerrit Achterberg avait apprécié la traduction néerlandaise du Chant du monde. « Lis Giono, goûte-le, écrit-il, depuis sa cellule de prison, à la femme dont il est tombé amoureux peu avant. Tout est bon, page après page, si je ne me trompe. » Notons au passage que l’on doit à Jean Giono la traduction d’une œuvre du dramaturge hollandais Vondel (1587-1679) : Joseph à Dothan, pièce jouée au théâtre d’Orange en 1952. Il a par ailleurs préfacé la traduction française d’un roman de son confère Antoon Coolen : Le Bon assassin, réédité en 1995 sous le titre La Faute de Jeanne Le Coq.
Un choix de la poésie de Gerrit Achterberg paraîtra bientôt en langue française sous le titre L’ovaire noir de la poésie.
Chez l’auteur de Que ma joie demeure, à propos de la nouvelle... vague