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Polars / Thrillers - Page 2

  • Mutilez-moi

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    MUTILATIONS, de Patrick DE BRUYN

     

    À côté des polars relativement classiques d’un Pieter Aspe, des enquêtes à faire froid dans le dos d’un Luc Deflo, on relève bien entendu en Flandre des thrillers purs et durs. L’un des maîtres incontestables du genre, c’est Patrick De Bruyn. Invitation à l’automutilation.

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    De même que Je tue à la campagne de Paul Clément (pseudonyme de Jacques-Pierre Amette), Verminkt (Mutilations, 2004) commen- ce par un visage défiguré auquel manque une oreille. Mais la comparaison s’arrête là. Cette fois, pas de narration flegmatique en quelques dizaines de pages ni de maîtresse aux formes plantureuses, mais 400 pages denses, une jeune fille mutilée dans sa chair et un père mutilé dans sa tête : seule la peur qu’inspire cette histoire pourrait amener le lecteur à lâcher le roman, voire à le jeter contre un mur.

    Un home-jacking chez des gens sans histoire tourne mal : avant de prendre la fuite, un des agresseurs plaque un côté de la tête de la jeune fille de la famille dans une poêle brûlante ; la mère elle aussi est amochée. Alors qu’elles sont hospitalisées, le père va se retrouver seul dans la maison du drame, pris en étau entre l’angoisse de voir revenir les deux malfrats d’origine slave et un vif sentiment de culpabilité : il se reproche d’avoir été lâche au moment de l’agression, de n’avoir rien fait pour protéger sa fille et son épouse. Dès lors, cet homme au chômage, qui a tendance à se réfugier dans l’alcool et les films pornos, va être aspiré dans une spirale infernale. Du fait de sa fragilité psychologique, il s’enlise peu à peu dans un univers kafkaïen ; dans ses hallucinations, média, police, entreprises mafieuses, personnalités politiques locales jouent tous et toutes un rôle. Il va finir par douter de tout le monde, y compris de ses proches, et par voir des menaces dans la moindre chose. Autrement dit, en sombrant dans un délire de persécution, il entre en enfer.

    CouvVerminkt.jpgLa grande force de Patrick De Bruyn, c’est de livrer, à partir de données simples, et de gens comme tout le monde – sans déverser qui plus est des flots d’hémoglobine –, une histoire qui fait bien plus peur que le meilleur film d’horreur. Son roman, c’est une voiture au bord de laquelle il vous embarque pour foncer de bout en bout à 200 km/h sans vous donner l’occasion d’en redescendre. Dès les premières pages, cramponnez-vous : l’histoire vous prend d’emblée aux tripes. L’angoisse qui envahit le personnage principal ne tarde pas à vous submerger. Tout comme lui, vous vous retrouvez en plein cauchemar. Cerise sur le gâteau : l’humour est lui aussi au rendez-vous.

     

     

    LE ROMANCIER

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    En une dizaine d’années, le chasseur de têtes Patrick De Bruyn (né à Halle, 1955) s’est affirmé comme l’un des maîtres, si ce n’est le maître du suspense en Flandre. Alors qu’il rêvait de devenir cinéaste, il s’est mis à écrire. Il a 18 ans quand une de ses nouvelles est remarquée. Ce sera également le cas de son premier livre, un roman jeunesse publié en 1977, Angst om de Gijzelaars (Peur des kidnappeurs).

    CouvFile.jpgToutefois, il faudra attendre 1998 pour voir paraître son premier thriller, File (Embouteillage). Il y est question de la peur op- pressante, qu’éprouve un chasseur de tête, de se retrouver dans un bouchon et de finir écrasé sous le chargement d’un poids lourd : deux de ses collègues sont morts peu avant dans des accidents sur l’autoroute. Suivra en 2000 Indringer (Intrusion) dont une version refondue a paru en 2008 aux éditions Manteau : une femme ambitieuse qui aime son travail fait face à des gens qui, peu à peu et subtilement, s’immiscent dans son existence pour lui ravir ce qu’elle a de plus cher. En 2001, Vermist (Porté disparu) narre l’histoire d’une femme qui cherche à comprendre pourquoi son mari a disparu, pourquoi il lui avait caché qu’il avait perdu son emploi et comment il a pu se retrouver parmi les victimes « collatérales » du Concorde qui s’est écrasé près de Paris ; parallèlement, la personne sans scrupules responsable du licenciement de son mari reçoit des menaces de plus en plus inquiétantes. Dans ces pages, la catastrophe aérienne de juillet 2000 est exploitée pour accentuer les tensions. Deux ans après, Verdoemd (Maudit, 2006) s’ouvre sur un accident de la circulation : une femme renverse une passante et prend la fuite ; cette seconde de la vie de ces femmes va déclencher une suite d’événements cauchemar- desques. Verliefd (Amoureux, 2007) met en scène un homme marié qui tombe amoureux d’une femme mariée ; mais quand on tombe amoureux, on est très vulnérable. Entre ces deux personnes qui tiennent à garder le secret sur leur rencontre, tout commence par un banal échange de courriels, mais dès la première page, on comprend que les choses vont prendre un tour inattendu. L’amour, CouvVermist.jpgthème récurrent des œuvres de Patrick De Bruyn, est ici contrarié par un manipulateur hors pair. Après ces 4 livres au titre commençant par le même préfixe, le romancier a publié en 2008 Pas- sie (Passion) : un homme est accusé d’avoir tué un junkie, les preuves qu’il apporte de son innocence se retournent contre lui. Serait-il malgré tout le coupable ? L’auteur lit un passage de son roman :

     

     


    Le premier tirage des livres de Patrick De Bruyn est d'environ 20 000 exemplaires. Sa nouvelle De witte woede (Colère blanche) a fait l'objet d'un court métrage. Le roman Verminkt devrait également être adapté à l'écran.

    sur www.geuzeinfo.com, une mine d’infor- mations en néerlandais sur Patrick De Bruyn

    sur www.radio1.be, Patrick De Bruyn lit une de ses nouvelles (texte en néerlandais)

     

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  • Le Polar en Flandre (1)

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    LE ROMAN POLICIER ET A SUSPENSE EN FLANDRE (1)

     

    Cet article propose en plusieurs volets un aperçu historique du roman policier flamand ainsi qu’un tableau des auteurs contemporains de ce qu’on appelle, de l’autre côté de la fron- tière, misdaadroman ou thriller (polar/roman noir/roman à suspense). Une partie des données de cette présentation est empruntée à certains ouvrages, articles et sites mentionnés dans la bibliographie ci-dessous, l’autre provient tout simplement de la lecture de romans eux-mêmes.

    CouvVisserAbel.jpgAucune étude ne saurait proposer un tableau tout à fait exhaustif du roman policier chez nos voisins. Pour être complet, ne faudrait-il d’ailleurs pas remonter au Moyen Âge et au premier chevalier impliqué dans une affaire de meurtre ? Les universitaires flamands et hollandais ne s’intéressant que depuis peu au polar, ce sont, comme bien souvent en la matière, quelques passionnés – en premier lieu Danny De Laet et Chris Vandenbroucke – qui ont rédigé les travaux existants ; dans le nombre, ceux qui portent à la fois sur les Pays-Bas et sur la Flandre privilégient souvent les auteurs néerlandais, publiés chez des éditeurs plus en vue établis à Amsterdam. (Remarquons au passage que lorsqu’on parle du polar hollandais, il ne faut pas oublier de penser à la production en langue néerlandaise venue des Indes néerlandaises/Indonésie : ICI.

    Le succès actuel du roman noir – au sens large du terme – dans la Belgique néerlandophone se traduit par l’organisation de manifestations diverses, la création de prix littéraires, de groupements d’auteurs et l’intérêt croissant des éditeurs. Voici un petit tableau du contexte actuel :

    Le 7 juin 2002, à l’instigation de Bob Mendes, on a assisté à la naissance de l’Association des Auteurs de polars flamands (la GVM), celle des Pays-Bas ayant été créée pour sa part bien plus tôt (1986). Cette association a connu des débuts difficiles, peu d’écrivains y adhérant ; Hubert van Lier avait succédé à Bob Mendes à sa tête avant que Mieke De Loof n’en prenne les rênes en 2008. Aujourd’hui, cet organisme regroupe une soixantaine d’auteurs. Un de ses objectifs est de convaincre les acteurs culturels concernés de mieux défendre la littérature policière, en particulier en encourageant les traductions.

    Certaines manifestations récentes tentent de promouvoir la littérature policière en Flandre :

    • La Journée du Crime (Dag van de Misdaad) : organisée pour la première fois le 21 juin 2009 par la GVM, elle a pour vocation de devenir une rencontre annuelle entre auteurs et lecteurs en présentant des animations très diversifiées (film, théâtre, jeux de rôle, concerts, lec- tures…).
    • L’Été du livre à suspense : une exposition qui se tient du début juillet à la mi-août à la Bibliotheek Tweebronnen de Louvain (en 2009, elle a porté plus particulièrement sur le polar flamand).
    • Aux Pays-Bas, il existe un Mois du Livre de Suspense (De maand van het spannende boek), en juin.
    • En septembre, le festival Sens du Sud (Zuiderzinnen) offre à Anvers un podium aux écrivains d’expression néerlandaise (trop rarement aux auteurs de polars).
    • De même, en novembre, la Boekenbeurs Antwerpen ou Salon du Livre d’Anvers constitue un grand rendez-vous pour les éditeurs, les auteurs et les lecteurs de tout poil.
    • De mai 2004 à avril 2005 a eu lieu une exposition mettant en lumière 29 auteurs flamands de polars dans 29 bibliothèques anversoises (voir le catalogue Misdaad loont).
     
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    Les prix littéraires :

    • Prix Hercule Poirot : décerné tous les ans depuis 1998 au meilleur polar flamand.
    • L’Empreinte d’argent (De Zilveren Vingerafdruk) : prix décerné depuis 2002 par les lecteurs de www.crimezone.nl, il récompense chaque année un polar/thriller de langue néerlandaise.
    • Le Nœud coulant en or (De Gouden Strop) : créé en 1986 par la Société des Auteurs de Polars d’expression néerlandaise (le nom reprend le titre d’un roman de 1982 de l’auteur néerlandais Joop van den Broek), il récompense chaque année le « meilleur » roman à suspense de langue néerlandaise – mais rarement un romancier flamand.
    • Het Schaduwprijs : décerné chaque année depuis 1997, il récompense le meilleur polar/thriller de langue néerlandaise d’un auteur débutant. Au moins un des titres primés à été traduit en français : Groene vrijdag d’Elvin Post (Jour de paie, Le Seuil, 2007).
    • GNM Meesterprijs : prix récent créé par la Société des Auteurs de Polars d’expression néerlandaise pour récompenser un auteur qui a, au fil des années, édifié une œuvre importante.
    • De Diamanten kogel (La Balle de diamant) : créé par l’Association des Auteurs de Polars flamands, décerné tous les ans depuis 2002, il récompense le meilleur roman à suspense de langue néerlandaise (et non plus seulement flamand).

    Éditeurs (flamands et hollandais) publiant des auteurs flamands : Manteau, Bruna, Houtekiet, Davidsfonds, Artus, House of Books, BMP (Book & Media Publishing), Allmedia, Prometheus, De Zuidnederlandsche uitgeverij, Kramat, Q(uerido), Van Halewyck, Boekenplan, Akwastilis, De Arbeiderspers…

    Depuis quelques années, la presse fla- mande propose régulièrement des comptes rendus de polars et de thrillers.

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    LES DÉBUTS DU POLAR : fin XIXe siècle - fin années 1970

     

    Jean Ray / John Flanders nous parle en français

     

    Polar18.jpgSi quelques auteurs de romans policiers néerlandais ont acquis une grande renommée en France et dans d’autres pays – Willy Corsari (1897-1998) et son inspecteur Rod Lund : 6 romans traduits en français entre 1954 et 1970 et de nombreuses rééditions ; Janwillem van de Wetering (1931-2008), Grand Prix de la Littérature Policière 1984 ; le diplomate et sinologue Robert Hans van Gulik (1910-1967) et son juge Ti –, les Flamands sont pour leur part restés jusqu’à présent plutôt en retrait à l’exception d’un Jan Ray ou John Flanders (pseudonymes parmi d’autres du Gantois Raymond De Kremer 1887-1964) qui a écrit tant en français qu’en néerlandais, d’un Frans Van Dooren (1905-1996) (en traduction française : les numéros 89 et 93 de la Collection Jaune sous le pseudonyme Deck Dorval : Un Yacht vogue au large, 1948 et Magie noire, 1949) ou encore, mais dans le domaine du livre d’espionnage, de Martha Cnockaert (1), plus connue sous le nom Marthe McKenna (1892-1966).

    Polar17.jpgIl faut dire que dans la Flandre encore faiblement peuplée d’il y a peu où la prépondérance du français se faisait largement sentir, il a d’abord été question – grosso modo entre 1830 et 1940 – de faire renaître la littérature de ses cendres avant de songer à rivaliser avec l’étranger ou avec un Steeman ou un Simenon dans le domaine du roman policier. Comme aucun auteur d’avant-guerre n’est parvenu à réellement s’imposer ni à imposer un héros détective, la tradition du polar est plus récente encore que chez les voisins bataves. Il est possible d’avancer d’autres éléments d’explication de ce retard : à la différence de la Hollande, où la collection de poche Zwarte Beertjes (Oursons noirs, éditions Bruna), créée en 1955, favorisa la diffusion du polar, l’édition flamande, malgré quelques tentatives dès les années 1940, n’a pas connu une collection reconnue et reconnaissable ; de plus, une certaine censure imposée par la société bourgeoise belge a pu contrarier la production et la diffusion du genre policier : de nos jours encore, malgré Internet, les ouvrages qui sont tus par les media et pas commandés par les bibliothèques trouvent plus difficilement un lectorat. Il convient par ailleurs de tenir compte du fait que la pratique des langues étrangères et l’existence de nombreuses traductions ont fait que, comme aux Pays-Bas, la tradition anglo-saxonne et, dans une moindre mesure, la tradition française, ont occupé la place laissée libre en exerçant une influence considérable.

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    Le commissaire Maigret dans la collection Zwarte Beertjes

    Si certains considèrent que l’histoire du polar flamand commence seulement en 1928 avec De verdwenen koerier (Le Courrier disparu) de l’Anversois Theo Huet (1890-1969) (2), d’autres la font remonter à la fin du XIXe siècle et aux feuilletons publiés par Raf Verhulst (1866-1941), dont certains sous le pseudonyme Koen Ravestein (Robert en Bertrand, 1890, et surtout Jack-the-Ripper, 1891 ; Robert en Bertrand in Antwerpen, 1904…) et par Jan Bruylants jr. (1871-1928) qui donna entre autres, sous les pseudonymes J.B. Janszoone et Auctor, plusieurs suites à Robert et Bertrand (3). Avant et encore par la suite, on relève surtout des romans et des feuilletons basés sur des faits historiques relatant les méfaits de (bandes de) malfaiteurs – ainsi que des histoires parues dans les pulps ou les journaux pour les jeunes, par exemple celles d’Edmund Bell écrites par John Flanders. Au cours de ces premières décennies, l’influence anglo-saxonne est déjà patente.

    Polar8.jpgAprès ces pionniers, il faudra attendre les années quarante pour assister à un premier élan du polar flamand alors même que la période de la guerre est marquée par la diffusion d’une avalanche de titres en langue française. De leur côté, les Pays-Bas connaissaient quelques auteurs à succès (d’abord Ivans, puis Willy Corsari et Havank…) et un écrivain renommé, Eddy du Perron, l’ami de Malraux, venait de consacrer un essai au genre policier.

     

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    Pour cette période du conflit mondial, Danny de Laet relève un roman policier relatant l’enquête menée suite au vol d’un tableau de Rubens (4). Frans de Roeck (1882-1973) fut un assez piètre styliste, trop présent sous divers pseudonymes dans d’innombrables pulps pour faire figure de père du polar flamand, malgré un incontestable talent à développer ses intrigues dans 14 romans policiers publiés entre 1942 et 1947. Pas non plus forcément tout à fait convaincants : De zeven dwazen d’Albrecht Ram (n° 65 de la Bibliothèque Jaune sous le titre Sept fous jouent avec la mort) (5) et Het Geheim van de Groendreef (1943) du jeune journaliste Marcel De Ceulener (1902-1982). Les titres de Frans Van Dooren (mentionné plus haut) et du journaliste Anton Van Casteren (1911-1997), qui lancera le premier véritable duo d’enquêteurs anversois, Beek et Stoffels (Onvolooide Rhapsodie, 1948) sont plus aboutis. Malheureusement, les auteurs qui montrent un certain talent ne persévèreront pas – par exemple Frans Buyle (1913-1977), auteur d’un seul roman de qualité – ou leur production, publiée uniquement sous forme de feuilleton, disparaîtra sans avoir été réellement remarquée.

     

    Polar19Calvaire.jpgDans la décennie suivante, Roger d’Exsteyl (1926-1979) a captivé les lecteurs par quelques romans empreints d’une atmosphère hagarde et sadique, en par- ticulier De Dames Verbrug- ge (1953) qui se déroule dans les milieux de la bourgeoisie francophone gantoise (adapté à l’écran par Jean Daskalidès : 6, rue du Calvaire, 1973, après que le livre eut été traduit sous le titre Le Mystère de la rue du Calvaire, Bruxelles, Wellprint, 1966). Citons encore Per Ceptor (pseudonyme d’Emil Verhaert) qui met en scène un détective nommé Socras (6), Philippe Wouters ou encore Ludovic Leysen.

    Au cours des années 1950-1960, un auteur se dégage : après avoir soutenu une thèse de philosophie, Aster Berkhof (pseudonyme de Louis Paulina Vandenbergh, 1920) va incarner presque à lui seul le genre policier en Flandre en signant au moins une quinzaine de polars dont certains autour de l’inspecteur Markus. En 1945, son premier roman policier, paru en 1944, avait été traduit en français (L’Homme au manteau gris, Bruges/Paris, Librairie Saint-Charles/Desclée de Brouwer) (7). Auteur incroyablement prolifique qui a abordé en 60 ans plus ou moins tous les genres, il deviendra l’un des écrivains les plus populaires de Flandre. Un autre auteur flamand jouira également à la même époque d’une certaine considération aux Pays-Bas, Louis De Lentdecker (Moord in de krant, 1960 ; Horens voor de stier, 1964).

    Dans la grande production du romancier et scénariste né en 1929, Fernand Auwera, on retiendra In memoriam A.L. (1968) qui se déroule dans les milieux artistiques de l’avant-garde anversoise (8). Signalons en- core Moordenaar met vakantie (Meurtrier en vacances, 1ère éd. 1952 sous un autre titre) de Jos Ghysen, Atltijd op zongag (Toujours le dimanche, 1963) d’Eugène Bosschaerts, De blikken dood (1966, première éd. sous un autre titre en 1962) de Frans De Bruyn, Het geheim van de dubbele muur (Le Secret du double-mur, 1968) deValère Depauw.

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    La décennie soixante-dix se révéla assez pauvre – d’aucuns avancent même qu’avant 1979, la tradition du polar flamand se faisait remarquer par son absence. On relèvera quand même De zondvloed (Le Déluge, 1972) de Marc Andries (né en 1939) qui bâtit depuis 1960 une œuvre très variée privilégiant plutôt ces dernières années les biographies romancées comme celle de Maximilien et de son épouse Charlotte. On peut aussi retenir Een sterke geur van terpentijn (1978) de Frans Sierens, que certains considèrent comme le meilleur polar flamand écrit avant les années quatre-vingt. Freddy De Vree. Dans l’imposante production de Robin Hannelore, on relève aussi quelques enquêtes policières.

    Couvkodiak.jpgMais c’est Kodiak .58, le premier polar du romancier confirmé Jef Geeraerts, que l’on a coutume de considérer comme le point de départ d’une nouvelle ère. Il s’agit de l’histoire d’un Américain qui, ayant perdu une grande partie de ce qu’il possédait au Zaïre, va tout mettre en œuvre, avec un soin diabolique, pour se venger. Plusieurs romans, polars et autres, de ce romancier réputé ont été traduits en français : ici. (D. Cunin, à suivre)

     

     

    NOTES

    (1) Titres en français : Souvenirs d’une espionne, Paris, Payot, 1933 ; Les Espions que j’ai connus, Bruxelles/Paris, Editions Excelsior, 1934 ; Comment on devient espion, Paris, Payot, 1935 ; Un rôle dangereux, Paris, Baudinière, 1937 ; Le Lancier espion, Paris, Baudinière, 1938 ; L’Agent Three Three, Paris, Baudinière, 1938 ; Espion double, Paris, Librairie des Champs Elysées, 1940 [Le Masque, n° 290].

    Polar4.jpg(2) Autres titres de cet auteur : De vredesmensch in het Jaar 3000 (roman futuriste, 1933), Het  komplot der flamingranten (1935) qui met également en scène le détective James Pemberton, De bende van de gouden narcisten(1935), Het mysterie van de roode ballons(1935), De blauwe terreur (1940), In de klauwen van de opiumduivel (1946-1947).

    (3) La version longue de Robert en Bertrand, dont certaines pages sont dues à Jan Bruylants, a été traduite en français dès 1894 : Robert et Bertrand ou les joyeux vagabonds.

    Polar11.jpg(4) Maxim Kröjer, De verdwenen kindermoord(1944, après une parution en feuilletons dès 1941 ; traduit en français). Cet auteur dramatique, de son vrai nom Paul Collet (1901-1979), n’écrira aucun autre roman policier. De même, De noodlottige N, paru à la même époque, sera la seule tentative de Luc Prins.

    (5) Autres titres traduits en français : Le Rat, 1949 ; Le Révolté, 1953.

    (6) Probleem met drie onbekenden (1957), De volmaakte moord (1957), Vallende stenen (1958), De moordenaar was blond (1958) Beretta, kaliber 6.35 (1964).

    (7) Suivra le roman psychologique Une mousson d’espoir, trad. Cecile Seresia, Casterman, 1965 (titre original : Dood van een missionaris).

    (8) De cet auteur, disponible en français, un roman de 1994 :Les Nuits d’Andreas Richter, trad. Louise de Gursé, Éditions Talus d’approche, 1997.

     

     

    la romancière néerlandaise Willy Corsari

     

    BIBLIOGRAPHIE

    Ab Visser, Kaïn sloeg Abel. Een handleiding voor de Detective-lezer, Utrecht, Bruna, 1963 [Zwarte Beertjes, n° 687].

    Polar20Kreatief.jpgAb Visser, Wie is de dader? De Misdaadliteratuur van Edgar Allan Poe tot Heden, Leyde, Sijthoff, 1971.

    Danny De Laet, Les Anarchistes de l’Ordre, étude anthropologique sur la littérature policière belge (1908-1980), Bruxelles, Recto-Verso, 1980.

    Zefier, n° 9, 1988, numéro thématique « De Vlaamse misdaadroman ».

    Kreatief, n° 3/4, 1991, numéro thématique : « Vlaanderen moordt… Misdaadliteratuur in Vlaanderen ».

    Cor Doctor, Grossiers in Moord en Doodslag: veelschrijvers in Nederland en Vlaanderen, Amsterdam, Meulenhoff, 1997.

    Jan C. Roosendaal, Bert Vuijsje en Chris Rippen, Moorden met woorden: honderd jaar Nederlandstalige misdaadliteratuur, La Haye, Biblion, 2000 (voir : Chris Vandenbroucke, « Vlaanderen moordt ook » p. 47-56)

    Polar12.jpgSabine Vanacker, « A History of Crime Fiction in Flanders and the Netherlands », History of Dutch Studies, University Press of America, 2003.

    Lukas De Vos, Schrillers. De stille, de stoere en de schoft. Aanzet tot een beknopte geschiedenis van het Vlaamse misdaadverhaal (1898-2003), Gand, Academia Press, 2003. [Studia Germanica Gandensia].

    Jos Van Cann, Moordgids: het spannende boek in de lage landen, Utrecht, Signature, 2004.

    Danny De Laet, Daar is de dader! Vlaamse krimi-bibliografie 19de en 20ste eeuw, Bruxelles, 2004 (des mises à jour ont paru depuis).

    Polar20VLaanderen.jpgVlaanderen, numéro thématique : Moord & doodslag: over misdaadliteratuur, n° 302, sept. 2004, p. 201-245 (en particulier : Danny De Laet,  « Misdaadliteratuur in Vlaanderen: de eerste stappen » et « Vlaamse misdaadliteratuur tijdens de jaren veertig: waarover men niet spreekt… » ; Staf Schoeters, « Thriller- en misdaadliteratuur in Vlaanderen na de Tweede Wereldoorlog »).

    Danny De Laet, Misdaad loont: 29 Vlaamse misdaadauteurs infiltreren in de openbare bibliotheken Antwerpen (mei 2004-april 2005), Anvers, ABC, 2004.

    Henri-Floris Jespers & Jos Van Cann, De Diamanten Kogel 2002-2006, Anvers, VZW De Diamanten Kogel, 2006.

    Jos van Cann & Henri-Floris Jespers, Thriller versus roman, Anvers, Garant Uitgevers, 2006 (contient des contributions de René Appel, Jos van Cann, Jim Madison Davis, Jooris van Hulle, Henri-Floris Jespers, Jan Lampo, Mieke de Loof, Elvin Post, Matthijs de Ridder, Charles den Tex en Felix Thijssen).

    Chris Vandenbroucke, Papieren moorden: een encyclopedisch lexicon van de Vlaamse Misdaadliteratuur, Courtrai, 2007 (Encyclopédie du roman policier flamand qui recense plus de 720 titres).

     

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    Depuis 1980, l’hebdomadaire néerlandais Vrij Nederland propose chaque été un guide sur le roman policier et le thriller. Autres sources : voir les liens.

     

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  • Le polar en Flandre (2)

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    Le roman policier et à suspense en Flandre (2)

     

    LE SURSAUT : années 1980-1995

     

    CouvLAmbassadeur.jpgOn entre donc ensuite dans une ère beaucoup plus riche, inaugurée en premier lieu par Jef Geeraerts (né à Anvers en 1930), qui s’était déjà fait un nom dès les années soixante en particulier grâce à des romans où instincts primitifs, érotisme et Afrique occupent une place centrale (Je ne suis pas un nègre et les 4 volumes de Gangrène) (9). Son Kodiak .58 (1979) symbolise le point de départ de décennies riches en publications de qualité qui ont incité des éditeurs comme Manteau et Houtekiet - et plus récemment Davidsfonds - à bâtir un fonds « suspense ». Après avoir reçu le premier prix Gouden Strop en 1986 pour De zaak Alzheimer (porté à l’écran sous le titre La Mémoire du tueur, 2003), Jef Geeraerts a ajouté plus d’une douzaine de titres rangés dans le genre « polar » ou « thriller » ; souvent très documentées, témoignant d’une belle maîtrise, ses œuvres abordent des sujets politiques, traitent de la corruption, dénoncent les pratiques de la grande bourgeoisie et de certaines institutions, plongent dans l’univers de la  mafia (Dossier K sur la mafia albanaise). On a souvent droit à une belle peinture des hautes sphères corrompues de la société belge, à des dialogues pleins d’allant et savoureux, même si certains personnages, par exemple Albert Savelkoul et Nazim Tahir, dans De PG (Le Procureur) et Dossier K., paraissent parfois bien naïfs et si l’auteur, dans ces deux romans, propose une vision un peu trop manichéenne des choses.

     

    Trailer La Mémoire du tueur

     

    Anversois lui aussi, comme d’ailleurs beaucoup de ses confrères, Bob Mendes (né en 1928) est considéré, avec près de 20 titres, comme l’un des maîtres du roman à suspense. Deux de ses meilleurs titres ont été traduits par Emmanuèle Sandron pour les éditions belges Luce Wilquin. (La Force du feu, 2002 et Les Diamants du sang, 2004). « Un quart de siècle de passion et de vengeance, c’est ce que nous propose La Force du feu. Évoquant avec finesse les luttes d’influence qui déchirent le Moyen-Orient avant la chute du Shah d’Iran, Mendes dérouleCouvDiamantsSang.jpgtous les fastes de la tragédie. Présenté comme thriller, il s’agit plutôt d’un passionnant roman de politique fiction de grande envergure, écrit  avec maestria dans un style haletant et précis. Par l’étendue et la précision de sa documentation (notamment dans le domaine du zoroastrisme) et son sens architectonique de la construction, il s’apparente tout naturellement à des maîtres du genre tels que Ludlum, Clavell et surtout Forsyth, lequel a déjà fait appel à Mendes pour une anthologie américaine. » (H.-F. Jespers) Bob Mendes a promu en Flandre le faction-thriller ; son œuvre a été récompensée par quelques-uns des prix les plus prestigieux. (10)

    Né pour sa part en 1941 – eh oui ! à Anvers –, John Vermeulen a fait ses débuts en littérature dès l’âge de 15 ans en publiant un roman de science fiction (11), genre qu’il a continué de pratiquer sans délaisser les autres. Son premier polar date de 1981 ; le romancier l’a revisité pour reformuler sa critique de l’industrie du nucléaire : De gele dood (La Mort jaune, BMP, 2001). En tout, il en a écrit une quinzaine.

    CouvGeleDood.jpgUn de ses personnages de prédilection, Ansen Wagner, membre des services secrets européens, est une sorte de James Bond peu machiste ; les lecteurs ont pu suivre ses aventures publiées par l’éditeur d’Utrecht Bruna. Sans forcément abandonner la veine érotique ou humoristique, Vermeulen a ensuite quitté ce personnage pour s’attacher à des sujets « plus sérieux », en particulier l’écologie (Gif, Poison, 1999). Solo Race, qui évoque la pollution des mers, a reçu le Prix du Grand Jury (1988) ; Beau crime (1998) présente une juge d’instruction attirée tant par les hommes que par les femmes ; elle doit trouver le meurtrier d’une femme très sexy qui dirigeait une émission radiophonique nocturne consacrée à l’amour et à la sexualité. Quant à De Kat in het aquarium (Le Chat dans l’aquarium, 2003), il narre le cauchemar de couples qui ont gagné un séjour dans un endroit qu’ils croient idyllique. Bien que dénigré dans son pays, John Vermeulen a connu de grands succès de librairie, vendant des centaines de milliers de livres à l’étranger. John Vermeulen s’est éteint en août 2009. Dans les dernières années de sa vie, il a écrit pour l’essentiel des romans historiques (sur Bruegel, Bosch, Mercator, Nostradamus, Vinci) dont l’un a été mis en scène en Allemagne sous forme d’opéra.

    L’annonce de sa mort dans la presse francophone : « BRUXELLES 24/08/2009 (BELGA). L’auteur néerlandophone John Vermeulen est décédé le week-end dernier à l’âge de 68 ans, a annoncé l’éditeur Kramat. John Vermeulen a essentiellement écrit des thrillers et des romans de science-fiction. Il a également signé des livres pour enfants, des scénarios de films et de pièces de théâtre, des romans de fantasy et des romans historiques. Il a également publié, sous le pseudonyme féminin Tessy Bénigne, quelques romans érotiques. Ses œuvres ont été traduites en allemand, espagnol, hongrois, français, japonais et anglais. »

    CouvRoséProvence.jpgDe la même génération, on compte aussi Axel Bouts (né en 1938) qui, depuis près de trente ans, élabore une œuvre littéraire de qualité en choisissant parfois le roman policier : avec l’inspecteur Jan Toets, on découvre Courtrai, ville natale de l’auteur, ou bien un village flamand (Nieuwemaan, Nouvelle lune, 2001) ; on séjourne, avec entre autres Georges Simenon en personne, dans le Sud de la France (Rosé de Provence, 1992), entre Saint-Tropez et Aix-en-Provence. Au fil de ces romans « placides » qui sont aux antipodes des épais thrillers en vogue, on explore l’homme dans ses défauts et ses manquements. Sens de l’atmosphère et de l’intrigue également au rendez-vous dans Wolven (Loups, 1988), Het paradigma (Le Paradigme, 1991) qui a été porté à l’écran par la BRT, Résidence Elckerlyc (1996) et Elektrocutie (2003), des titres (ré)édités chez Davidsfonds. (12)

    CouvRubensRood.jpgQuant à l’Anversois Staf Schoeters (Merksem, 1949), il accorde lui aussi beaucoup d’attention au style tout en dénonçant dans sa dizaine de titres certains aspects de la société. Il fait partie des quelques Flamands qui s’adonnent au roman policier historique, par exemple dans le récent Rubens Rood (2007) où l’on voit le célèbre peintre faire planer, peu après sa mort, le mystère sur sa ville. Avec De schaduw van de adelaar (L’Ombre de l’aigle, 1998), premier volet d’une trilogie – les deux autres étant De wandelgangen van de macht (Les Couloirs du Pouvoir, 1999) et De wegen naar ontvoogding (Les Chemins de l’émancipation, 2002) – dont l’action se situe à Anvers à l’époque napoléonienne, Schoeters a remporté le prix Hercule Poirot. En lisant Ochrana (1994), le lecteur se retrouve dans le milieu des services secrets tsaristes. Rust in onvrede (1991) propose un bel équilibre entre suspense, littérature et politique. Dans Belegerd verleden (Passé assiégé, Allmedia, 2004), la quête d’un historien nous ramène à Anvers à l’époque de la Première guerre mondiale : souffrance, trahison et terreur sont au menu.

    Ses autres titres : Het gelag wordt betaald (1982) ; De draak achterna (1984) ; Het perspectief van de worm (1986) ; De seismograaf, of Drie dagen uit het leven van Donald Hartman (1990); Labiele basis (1992).

    Pour sa part, l’écrivain Ward Ruyslinck, auteur entre autres de Golden Ophélia, a commis trois romans qui peuvent être rangés dans le genre policier. Wurgtechnieken (Techniques d’étranglement, 1983) traduit par Xavier Hanotte sous le titre Ultimes étreintes (La Longue vue,1986) a pour thème l’emploi de la torture comme moyen d’amadouer l’homme. On suit l’itinéraire d’un tortionnaire ; après avoir servi le pouvoir en place en Bolivie, il vient se cacher en Europe. De Claim van de Duivel (La Doléance du Diable, 1993) narre l’histoire d’un écrivain raté qui se retrouve accusé du meurtre de sa femme. Poussé par la force diabolique qui l’habite, l’homme, une fois en prison, se met à écrire pour se défendre. Le grand pessimiste – ou réaliste ? – qu’est Ruyslinck propose une vision des choses plus noire encore dansTraumachia (1999), son dernier roman.

    CouvUltimesEtreintes.jpg 

    Entre 1985 et 1990, Bart Holsters (né en 1953) a publié 4 polars prometteurs avant d’écrire sur le genre pour le quotidien De Morgen. Il met en scène un antihéros, le détective Jean-Pierre Willems. Son troisième titre, Koude Kunstjes, est un persiflage du roman policier.

    CouvTarentula1.jpg

     

    CouvPaarseDijen.jpg

    Entre deux voyages et diverses publications, le biologiste et journaliste Dirk Draulans (né en 1956) a édité chez Manteau un thriller érotique Paarse dijen (Cuisses violacées, 1990) – où un personnage qui sort du rêve de l’héroïne du roman devient un criminel – et un polar Gele modder (Boue jaune, 1992) qui aborde la question des armes chimiques. Dans un autre livre à dominante scientifique, De rode Koningin (La Reine rouge, 1994), l’auteur imagine un monde où une guerre biologique menée par une femme vise à supprimer tous les mâles : les femmes n’ont plus besoin des hommes pour vivre puisque la science leur permet de se reproduire par un système proche de la parthénogénèse.

    Relevons encore pour les années quatre-vingt deux romans qui s’apparentent au roman policier : sous le pseudonyme Conny Couperus, le célèbre Hugo Claus (1929-2008) et son ami Freddy De Vree (1939-2004) ont écrit Sneeuwwitje en de leeuwerik van Vlaanderen (Blanche neige et l’alouette de Flandre, 1985), une satire de la Flandre, de la politique et de la littérature néerlandaise – Hugo Claus devait reconnaître plus tard qu’écrire un polar n’était pas dans ses cordes (13) ; quant à l’écrivain Bruno Bartels, il a pour sa part commis De kikker ging dood (La Grenouille est morte, 1983) : le personnage principal et narrateur raconte comment il a tué sa femme et ses enfants. (D.C)

     

    quelques images de Hugo Claus

     

      

    NOTES

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    (9) Plusieurs romans de Jef Geeraerts ont été traduits par Marie Hooghe : Gangrène I. Black Venus, Éditions Labor, 1984 et Babel n° 178, 1995 ; Été indien, Éditions Complexe, 1990 ; Chasses, Éditions La Longue vue, 1984 ; Le Plus gros diamant du Zaïre, trad. Marie-Françoise Dispa, Hatier, 1988 ; Opération Sigma sur la Belgique, Hatier, 1987 ; Suite romaine, trad. Marie-Françoise Dispa, Hatier, 2000 ; L’Ambassadeur, Éditions des Syrtes, 2002 ; Oiseau de nuit, Le Castor Astral, 2002 ; Marcellus, Le Castor Astral, 2003 ;Sanpaku, Le Castor Astral, 2003 ; Le Récit de Matsombo, Le Castor Astral, 2005.

    (10) Henri-Floris Jespers a consacré une monographie à cet écrivain : Bob Mendes, meester in misdaad, Manteau, 2005.

    (11) De John Vermeulen, Albin Michel a publié en 1983Le Bouffon binaire, un livre de S.-F. Pour une présentation sommaire de la littérature « fantastique » de langue néerlandaise : PDF

    (12) Axel Bouts est par ailleurs l'auteur d'un beau et court roman intitulé Dood in Arles (Mort en Arles, 1987) qui mêle, dans (les arènes de) la cité romaine et sous un voile de mystère, les thèmes de la beauté et de la mort.

    (13) Hugo Claus a par ailleurs laissé quelques nouvelles policières.



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  • Pitbull

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    Décharges d’adrénaline à Malines

     

    Un assez grand nombre de polars flamands ont pour décor la ville d’Anvers (par le passé ceux d’Anton Van Casteren, dans les vingt dernières ceux de Patrick Conrad, de Piet Teigeler, de Hubert van Lier… ou encore l’Anvers de l’époque de Rubens ou de l’époque napoléonienne dans ceux de Staf Schoeters), au point qu’on a pu parler d’ « école anversoise ». Pieter Aspe situe les siens, on le sait, à Bruges ; Jos Pierreux a élu la célèbre cité balnéaire de Knokke, Marthe Maeren la ville de Gand, le policier Christian De Coninck Bruxelles. Courtrai sert souvent de cadre aux livres du romancier Axel Bouts. Pour sa part, Luc Deflo a retenu une autre ville au riche passé, celle où il est né, Malines. En 2008, son roman Pitbull a reçu le Prix Hercule Poirot qui, depuis 1998, récompense tous les ans le meilleur polar flamand.

    CouvPitbull.jpg

    Vous avez une maîtresse belle et sensuelle. Problème : elle menace de révéler son existence à votre épouse. Un homme avec qui vous échanger quelques mots dans un café se propose d’éliminer la gêneuse à condition que, de votre côté, vous tuiez la femme dont il souhaite lui-même se débarrasser. Voilà le marché – clin d’œil à L’Inconnu du Nord-Express – qu’accepte à demi-voix Benjamin Delaedt, un soir où il a un peu trop bu. Deux crimes parfaits en perspective puisque ceux qui projettent de tuer n’ont aucun lien avec leur future victime et qu’ils pourront par ailleurs disposer d’un alibi en béton. Quelques jours plus tard, Benjamin ouvre le journal et découvre que sa maîtresse a été tuée dans des conditions atroces. Pour ne pas s’attirer les foudres de l’assassin, un homme au physique imposant, il sait qu’il va lui aussi devoir passer à l’acte.

    Voici les données de départ du roman avant que la police ne s’en mêle et que ne se révèle la nature véritable d’un tueur en série qui mord ses victimes – de là le surnom qu’on va lui donner : Pitbull. Un homme en apparence quelconque – un chômeur alcoolique parmi tant d’autres –, mais qui dispose d’appui dans les plus hautes sphères judiciaires, une véritable force de la nature en même temps qu’un individu plein de charme. L’homme est tellement infatué qu’il va lui-même prendre les choses en main pour se faire co-narrateur, ce qui se traduit par des passages hilarants. On se glisse dans la cerveau de ce monstre, on en suit les méandres entre réflexions loufoques et pensées qui glacent.

    CouvSluipendGif.jpgLuc Deflo mêle avec talent intrigue en apparence classique et descente aux enfers : le lecteur est invité à entrer dans les esprits les plus sombres, les plus maléfiques, les plus pervers ; ses tueurs, qui ont pour la plupart vécu une expérience traumatique dans leur jeunesse, déploient des qualités insoupçonnées pour torturer leurs victimes : des serial killers qui aiment qui plus est jouer avec la police et se jouer d’elle. Pitbull va pousser le jeu jusqu’à la dernière page et même plus loin. Le romancier excelle à mettre en scène l’inéluctable des pulsions criminelles.

    Côté enquête, c’est surtout la figure de Dirk Deleu qui se dégage – Deflo reconnaît d’ailleurs que le physique du policier n’est pas sans rappeler le sien. Cet homme sombre fait équipe avec Nadia Mendonck, une femme qu’il aime, mais leur liaison est d’autant plus compliquée qu’il ne parvient pas à oublier tout à fait son épouse Barbara dont il est séparé. Les épisodes sur la vie amoureuse de Deleu se glissent dans le récit ; ils permettent à l’enquêteur et au lecteur de reprendre un peu leur souffle, mais il n’est pas rare que cet aspect de son existence prenne une part dans l’intrigue même. Par exemple dans Sluipend gif, Barbara et Nadia se retrouvent aux mains d’un tueur en série que tout le monde croyait mort (le « Désosseur » du premier roman de Deflo : Âmes nues) ; de même, dans Pitbull, le serial killer va s’approcher dangereusement de Nadia.

    Autre personnage incontournable d’une dizaine de thrillers de Luc Deflo : le juge Jos Bosmans qui couvre parfois les méthodes peu catholiques de son ami de Deleu. L’équipe qui entoure Deleu compte par ailleurs Walter Vereecken, policier qui se déplace en fauteuil roulant depuis qu’il a été grièvement blessé par le Désosseur, Pierre Vindevogel dit Pierre le Bigleux, le médecin légiste Van Grieken…

    Maniant un style sûr et souple, Luc Deflo marie intrigue haletante et atmosphère oppressante. On ne se lasse pas de ses descriptions des crimes. Jusqu’à la fin, le lecteur ignore qui, du tueur ou des policiers, va l’emporter.

    D.Cunin

     

    Le vrai Pitbull présenté par l’auteur (à partir de 5’45)



     

     

    L’AUTEUR

     

    Après avoir beaucoup écrit pour le théâtre, Luc Deflo (né à Malines en 1958) s’est affirmé comme un des principaux représentants du thriller flamand et un des auteurs phares des éditions Manteau : dans Naakte zielen (Âmes nues, 1999) apparaissent le magistrat Jos Bosmans et l’enquêteur Dirk Deleu qui ont affaire à un tueur en série. Un duo de Malines que le lecteur retrouve souvent au fil de l’impressionnante série de livres publiée depuis : Bevroren hart (Cœur gelé, 2000), Lokaas (Appât, 2001), Kortsluiting (Court circuit, 2002) ; Sluipend gif (Poison furtif, 2003), Onschuldig (Innocent, 2004), Copycat (2005), Hoeren (Putes, 2006), Weerloos (Sans défense, 2007), Ademloos (Sans souffle, 2007), Spoorloos (Sans trace, 2007), Angst (Peur, 2008), Pitbull (2008), Lust (Désir, 2009) et Schimmen (Ombres, 2009). Mensonge, désir, folie, violence, sexe, perversité sont au menu de ces thrillers psychologiques. Plusieurs ont été traduits en allemand. Outre la dizaine d’enquêtes conduites par Deleu, il a écrit une trilogie portant sur la pédophilie. Certains livres sont en cours d’adaptation à l’écran. Le succès que rencontrent les livres de Deflo dans le monde néerlandophone lui permet de se consacrer entièrement à l’écriture.

     

    Le début de Pitbull en version anglaise : PDF


    Les livres de Luc Deflo en allemand (avec des extraits) : ici

     

     

  • Pieter Aspe

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    UN PHENOMENE DE L'EDITION


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    Plus de deux millions, tel est le nombre de livres que Pieter Aspe a vendu en Flandre et aux Pays-Bas. En France, ses romans partent déjà par dizaines de milliers. Soit dit en passant, un peu moins que les Duvel que descend le commissaire Van In. La Toile francophone se fait l’écho de ce phénomène. Les aventures du commissaire Van In sont traduites par Emmanuèle Sandron, parfois en collaboration avec Marie Belina-Podgaetsky.


     


    Pieter Aspe parle (en français) de son dernier roman paru en France

    Même chose en podcast : ici



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    Le commissaire Van In en gros caractères, éd. Feryane



    Rencontre avec Pieter Aspe

    « Histoires franchouillardes et kermesse perpétuelle aux relents de friture : être belge relèverait presque de la gageure. Sous la plume acerbe du Flamand Pieter Aspe, des histoires pleines “de bières et de drames” – pour paraphraser Brel – racontent que tout n’est pas rose au pays du Manneken Pis. » (lire la suite)


    Pieter Aspe en bref et présentation de 3 de ses livres

    « Toutes les enquêtes écrites par Aspe mettent en scène les sympathiques policiers Van In et Versavel, assistés de la substitut Martens (cerveau d’Einstein dans corps de mannequin !). Elles sont pleines d’humour, de tendresse mais également de petites touches de réflexion sur le fonctionnement des administrations belges, sur la vie sociale en Belgique. » (lire la suite)


    À propos du premier roman de Pieter Aspe

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    « Van In est un flic buté, étranglé par ses dettes au point de négliger son hygiène dentaire. Versavel, jumeau d’Hercule Poirot à l’homosexualité revendi- quée, lui sert de comparse. Ils enquêtent tous deux sur le cambriolage d’une bijouterie prestigieuse. Stupeur : le précieux butin n’a pas été volé, mais simplement dissout dans un bain d’acide. “Avec ce premier roman, je m’étais lancé un défi, se souvient Pieter Aspe : pas de meurtre, pas de sexe. Les jeunes auteurs de polar désirent toujours rompre avec les modèles du genre. Mais je vous rassure, ces principes n’ont pas survécu bien longtemps !“ Hannelore Martens, substitut du procureur fraîchement nommée, accompagne Van In et Versavel dans leur quête du mystérieux alchimiste. Elle apparaît d’abord comme une ravissante idiote, puis dévoile une ambition sans scrupules. “ Je voulais donner une image réaliste de la justice, explique Aspe. Les hommes de loi restent des êtres humains. Ils ne se comportent pas autrement dans le prétoire.” Van In et Martens vont clore l’affaire de manière peu académique. “Les forces de l’ordre échouent souvent dans leur travail. Pourquoi le cacher ? Dans les volumes qui suivent, mes personnages se montreront nettement plus efficaces.” » (Delphine Moreau, Le Figaro Magazine, 11/07/2008)



    À propos du dernier roman publié en traduction française


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     « "La plupart des meurtres sont des crimes passionnels. Et en général, ils ne sont pas assez intéressants, ou pas assez spectaculaires, pour en faire un livre", admet Pieter Aspe. Aussi son secret est-il d'inscrire une intrigue rocambolesque dans une description minutieuse de la cité flamande. Sans sombrer dans le pastiche, et en respectant toujours une relative vraisemblance, l'auteur joue avec humour des codes du roman policier. » (Gérard Meudal, Le Monde des Livres, 21/08/2009)

     



    Une critique du Carré de la vengeance

    « Pieter Aspe connaît ses classiques, il utilise des ingrédients traditionnels constitutifs du roman policier, mais il les met à sa sauce, pour rester dans l’imagerie culinaire… Il a un vrai sens du détail qui rend crédibles les faits ou les personnages, et il orchestre plutôt bien les clichés du genre : en effet, on repère le cliché, mais on ne s’en formalise pas car il est justifié et prend sa place dans l’ensemble pour donner du sens au récit. » (lire la suite)


    Au Rayon polar, d'autres lectures des romans de Pieter Aspe

    « Après Le Carré de la vengeance (2007), voici la deuxième aventure du singulier commissaire Van In. Avec ses excès, ce policier (bien assisté par ses proches) s’avère diablement attachant. Au cœur de la ville historique et touristique de Bruges, il mène une double enquête captivante. L’auteur nous glisse quelques indices, mais entretient le suspense grâce à une intrigue bien construite. Plus nuancés qu’on pourrait le croire, les personnages sont fort crédibles. On ne manque pas d’évoquer les désaccords entre Flamands et Wallons, qui ont grossi depuis l’époque. Plus souriant, Van In nous explique même l’origine de son juron habituel, “Benson im Himmel”. Et, malgré ses incartades sexuelles, sa relation avec Hannelore progresse vers une normalisation. Un roman très entraînant. » (lire la suite)


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