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hollande - Page 21

  • La Littérature hollandaise par Louis Bresson

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    Panorama de la littérature hollandaise

    des origines à 1815

     

     

    Suite de la série de documents anciens en langue française proposant un aperçu de la littérature hollandaise. Cette fois un texte du pasteur Louis Bresson dont il a déjà été question à propos de Multatuli. En 1897, la Revue encyclopédique donne son étude intitulée « Le Mouvement littéraire en Hollande. Des origines à 1815 », texte repris dans La Hollande géographie, ethnologie, politique et administrative, religieuse, économique, littéraire, artistique, scientifique, historique, coloniale, etc. (Librairie Larousse, 1900). C'est cette dernière version que nous proposons ci-dessous.

     

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  • Aperçu des lettres hollandaises (1879)

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    La littérature hollandaise,

    appendice de la littérature allemande

     

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    Voici le premier texte d’une série de publications anciennes en langue française donnant un aperçu historique de la littérature néerlandaise. Relevons que son auteur, L.-E. Hallberg, aurait pu éviter certaines erreurs en choisissant des sources plus sûres déjà disponibles à l’époque, par exemple les contributions publiées en français par J.A. Alberdingk Thijm ou Alphonse Esquiros. De même, on aurait pu attendre un jugement un peu plus nuancé ; d’autres auteurs n’avaient-ils pas émis avant lui un jugement moins timoré : « Fort étendue en comparaison de la grandeur du pays, la littérature hollandaise représente dignement la vie morale et le développement intellectuel d’un peuple riche de souvenirs, de savoir et de fidélité à son propre caractère. Sa langue est un dialecte de bas-allemand, épuré par une longue culture et fixé enfin par les travaux de grammairiens savants, à la tête desquels il faut nommer Sigenbeeck. Elle possède l’avantage d’une grande facilité d’expression, due à l’emploi des mots racines dont elle fait un grand usage, mais qui tend peut-être aujourd’hui à s’exagérer. Dans ses formes littéraires on pourrait remarquer une phraséologie un peu solennelle, produite peut être par l’influence du latin, et qui conduirait à l’enflure quand le sujet manquerait d’élévation. En revanche elle possède une foule de tournures naïves et gracieuses, tirées de son propre fonds, et qui permettent à l’écrivain d’être familier sans bassesse.

    C’est l’histoire qui a donné à la Hollande ses prosateurs classiques, Hooft qui s’est modelé sur Tacite, et Simon Styl qu’on peut comparer à Salluste. Un ouvrage plus volumineux, l’histoire de la patrie par Wagenaar, doit plutôt sa célébrité à l’étendue des recherches et à l’exactitude de la narration qu’à un grand mérite littéraire. La science et la critique historique caractérisent également, une foule d’autres écrits consacrés à l’éclaircissement des souvenirs nationaux, et ç’a été là pour les savants hollandais une source d’études inépuisables.

    Parmi les poètes, il faut d’abord citer Cats, conteur, qui tient de la finesse de Marot et de la bonhomie de La Fontaine. Son vieux style offre la langue du peuple dans sa grâce familière, tandis que Vondel, son contemporain, fait parler un langage noble et lyrique à la tragédie encore au berceau (1630). C’est à ce dernier que l’admiration publique assigne la supériorité de génie sur tous ses successeurs : cependant le talent d’écrivain semble porté à une perfection plus savante et plus soutenue chez Tollens, dont le chef-d’œuvre est un poème sur l’hivernement des Hollandais, la Nouvelle-Zemble. Au-dessous de lui par l’élégance et la correction, mais non par la chaleur, Helmers chante aussi sa patrie avec un noble enthousiasme.

    Une nouvelle série de poètes s’ouvre dans les temps modernes avec Feith dont le talent lyrique est d’un ordre élevé. Nous ne pouvons pas indiquer ici plusieurs autres noms qui viennent à la suite du sien mais le plus justement célèbre est celui de Bilderdyck, dont la fécondité rappelle celle de Voltaire et à qui l’esprit et l’imagination ne font jamais défaut dans cette longue suite de productions diverses. Son ouvrage est une histoire du pays, compilation assez curieuse par la nouveauté des opinions qu’il y soutient, mais où règne l’esprit de paradoxe.

    À côté de ces littérateurs qui emploient l’idiome national, la Hollande compte aussi une foule de poètes et de prosateurs latins trop remarquables pour être passés sous silence. Elle avait eu autrefois le moine Thomas à Kempis, auteur aujourd’hui bien avéré de l’Imitation du Christ. Erasme, Janus Donsa, Grotius (qui excellait aussi à manier la langue nationale), tiennent la première place parmi ces adorateurs de l’Antiquité qui en firent renaître les grâces et le génie au moment où les littératures modernes sortaient peine de l’enfance » (Encyclopédie du dix-neuvième siècle : répertoire universel des sciences, des lettres et des arts, avec la biographie de tous les hommes célèbres, T. 14, 1852, p. 108-109).

    CouvHallberg1.jpgNé dans le grand duché de Bade, Louis-Eugène Hallberg (1839-1921) était issu d’une famille protestante d’origine suédoise ; il sera baptisé catholique à sa naissance. Fils d’un universitaire ayant émigré en France, il deviendra lui-même professeur de littérature étrangère à la Faculté des Lettres de Dijon avant d’aller enseigner à Toulouse. Grand connaisseur de la littérature allemande, sur laquelle il a écrit nombre d’études, il publia, sous le nom de H. Grimm, une collection d’auteurs allemands classiques, et traduisit le Laocoon de Lessing (ainsi que des Morceaux choisis de Platon, 1871).

    Son Histoire des littératures étrangères, nous dit un de ses confrères de l’Académie des Jeux Floraux de Toulouse, est un « manuel, très plein d’idées et de faits, de biographies, d’analyses, de chronologies, utile à posséder et à lire et à consulter, plus maniable et plus dense sous sa forme scolaire que celui d’Heinrich, antérieur à celui de Bossert ». Malheureusement, il « n’a pas été répandu comme il devait l’être. Deux volumes, entièrement composés, de littérature italienne et espagnole, sont restés inédits ».

    À la fin de son premier volume, l’auteur consacre un peu plus d’une vingtaine de pages à la littérature hollandaise. Les voici.

     

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    Appendice à l'appendice

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  • Willem Sandberg

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    Un Hollandais qui a marqué l’art et l’histoire de l’art du XXe siècle

     

    Fin 2007 - début 2008, l'Institut Néerlandais a organisé une belle rétrospective consacrée à Willem Sandberg, homme peu connu du grand public : ce graphiste et directeur de musée a pourtant joué un rôle considérable dans l'évolution de l'art contemporain. En proposant un essai biographique détaillé et richement illustré, l'ouvrage publié à cette occasion permet de mieux mesurer son action et l'influence qu'il a pu avoir sur le monde de l'art dans la seconde moitié du siècle passé. Un parcours d'autant plus intéressant qu'il peut éclairer le lecteur sur ce qui sépare les idéaux d'un artiste des dérives de l'art d'aujourd'hui.

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    Ad Petersen, Sandberg, graphiste et directeur du Stedelijk Museum, Paris, Institut Néerlandais/Xavier Baral, 2007, 224 p.

     

    LE MOT DE L’ÉDITEUR

    W.J.H.B. Sandberg (1897-1984) était un graphiste néerlandais qui, à quarante ans, fut nommé conservateur du Musée Stedelijk d’Amsterdam. Sa carrière fut bientôt interrompue par la Seconde Guerre mondiale. Il s’engagea activement dans la résistance des artistes à l’occupation allemande des Pays-Bas, ce qui le contraignit à vivre dans la clandestinité pendant deux ans. En 1945, après la Libération, Sandberg fut nommé directeur du Stedelijk et le resta jusqu’en 1963. En plus de 15 ans, et avec peu de moyens à sa disposition, il transforma le musée Stedelijk en un centre international d’art contemporain qui joua un rôle exemplaire dans le monde muséographique de toute l’Europe et même au-delà. Cela n’était pas uniquement dû à la conception que Sandberg s’en faisait, c’est-à-dire d’un musée ouvert, accueillant, offrant un programme d'expositions varié et constamment renouvelé, mais cela venait aussi et surtout de ce que Sandberg se chargeait personnellement, comme graphiste, de la quasi-totalité des catalogues, affiches et autres supports de communication. Son style typographique est d’une sobriété raffinée, caractérisé par une asymétrie systématique, une prédilection pour les minuscules, l'utilisation généreuse de couleurs unies vives, principalement du rouge et du bleu, l’usage multiple de papier kraft combiné avec du papier couché, et l’emploi de lettres déchirées dans du papier. Il en résulte une typographie extrêmement personnelle, aisément reconnaissable, l’œuvre généreuse d’un graphiste et directeur à la fois qui était son propre commanditaire, disposant ainsi d’une rare liberté.

    Ce livre est consacré à la typographie de Sandberg et à ses activités au Stedelijk. L’auteur de cet ouvrage, Ad Petersen (né en 1931), fut conservateur du Musée Stedelijk d’Amsterdam de 1960 à 1990 et un proche de Sandberg.

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    Willem Sandberg & Jean Tinguely, 1982, jaquette d'un livre de photographies d'Ad Petersen, préfacé par Roland Topor, Kempen Pers, 1993

     

    AVANT-PROPOS (extrait)

    Graphiste douée, directeur de musée pragmatique, homme d’action, Sandberg a marqué les milieux de l’art de l’après 1945 par un nombre considérable de réalisations qui ont ouvert les yeux de bien de personnes sur l’art moderne.

    L’idéaliste en lui caressait l’espoir utopique de voir l’art contemporain jouer un rôle naturel et significatif dans la société et non plus d’y occuper une position marginale et élitaire. Comme il ne perdait pas le sens des réalités, il n’attendait toutefois pas trop de ses continuels efforts. Il ne garda pas moins une foi inébranlable en l’art.

    CouvSandbergdésigne.jpgÊtre un directeur de musée énergique, optimiste et axé sur l’avenir en même temps qu'un designer réunissant les mêmes qualités relevait selon lui de sa mission. Son œuvre typographique, à laquelle la majeure partie de ce livre est consacrée, nous en fournit une preuve tangible aujourd’hui encore.

    Ad Petersen (né en 1931) a bien connu Sandberg. Il a été l’un de ses plus proches collaborateurs au Stedelijk Museum au cours des dernières années de son directorat. Par la suite, de 1963 jusqu’à la mort du graphiste, les deux hommes ont entretenu des liens plus personnels.

    Sa connaissance de l’œuvre de Sandberg l’a amené à publier un premier livre en 1975 : Sandberg, een documentaire / a documentary, qu’il a signé avec Pieter Brattinga, en collaboration avec Sandberg lui-même.

    Le présent ouvrage a été réalisé grâce à une initiative commune de l’Institut Néerlandais, qui fête ses cinquante ans d’existence, et des éditions Xavier Barral. Tout comme le livre susmentionné, celui-ci est basé sur les innombrables entretiens que l’auteur a eu avec Sandberg, sur les voyages qu’ils ont effectués ensemble, sur leur collaboration, une sympathie réciproque et sur des observations de ce personnage d’exception qu’a été Sandberg.

     

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    photos de l’exposition Sandberg à l'Institut Néerlandais (28 novembre 2007 - 20 janvier 2008) : ici

    à lire sur la Toile

    Willem Sandberg : Graphiste et amoureux d’art : ici

    Willem Sandberg: inventeur du musée moderne en Europe : ici

    Sandberg, l’exemple Hollandais* : ici

    Willem Sandberg : Double casquette : ici

     

     

    exposition Het affiche (L’Affiche) au Stedelijk Museum d’Amsterdam (1950)

     

     

     

    exposition de photographies Wij mensen (Nous les hommes) au Stedelijk Museum d’Amsterdam (1956)

     

     

    arrivée de La Porte de l’Enfer de Rodin au Stedelijk Museum d’Amsterdam (1956)

     

     

    exposition G.H. Breitner au Stedelijk Museum d'Amsterdam, 1958

     

    * cet article orthographie mal le prénom de l'auteur du livre.

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  • Louis Couperus par Renée d’Ulmès

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    UNE VISITE CHEZ LOUIS COUPERUS

     

     

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    Nature morte de Marie Vlielander Hein

     

     

    Le nom de la femme de lettres Renée d’Ulmès reste attaché à certaines contributions sur Guy de Maupassant, Flaubert ou encore Jean Lorrain ainsi qu’à l’édition (avec Tony d’Ulmès, sa sœur), en 1901, du Nouveau Journal inédit de Marie Bashkirtseff. Les spécialistes de l’œuvre de Louis Couperus la connaissent un peu eux aussi : elle a en effet publié un témoignage sur le romancier néerlandais dans L’Éclaireur de Nice du 2 janvier 1904 après l’avoir interviewé à son domicile niçois. Louis Couperus a en effet vécu près de la baie des Anges avec son épouse les dix premières années du XXe siècle. Ce témoignage a en réalité paru dès décembre 1903 dans Le Carnet Historique et Littéraire (6ème année, n° 12). C’est ce texte qui figure ci-dessous ; il ne présente que d’infimes différences avec la version ultérieure (nous conservons l’accent dont Renée d’Ulmès orne le nom de Couperus et ajoutons quelques notes). Relevons, à la suite de Caroline de Westenholz, que Renée d’Ulmès a publié en 1913 chez A. Lemerre un roman intitulé Histoire d’une petite âme, titre maeterlinckien qui n’est pas sans rappeler Een zieltje (Une petite âme), nouvelle de Louis Couperus dont il existait des traductions ou encore Le Livre des Petites Âmes, roman en 4 volets dont il est question dans l’article « Un Romancier hollandais ». Derrière Madame Renée d’Ulmès, chroniqueuse à ses heures de la vie niçoise,  se cachait une certaine Mlle Rey (ou Ray) d’origine parisienne : a-t-elle eu recours, au fil de sa carrière littéraire, à d’autres pseudonymes ? Parmi les revues et journaux très variés auxquels cette femme aux traits plutôt masculins a collaboré vers 1900 sous le nom de Renée d’Ulmès, citons Les Annales de la jeunesse laïque (mensuel de propagande de la libre-pensée), La Nouvelle revue, La Plume, Le Petit Journal, La Gazette de France, La Vraie mode, La Revue Forézienne illustrée, Le Feu, le Journal des instituteurs, Touche à tout, La Revue, Le Mois littéraire et pittoresque

    CouvEnDérive.jpgOutre le compte rendu de la visite à Couperus dans son appartement de la Villa Jules, le numéro du Carnet historique et littéraire de décembre 1903 présente (p. 339-347) une nouvelle de l’écrivain hollandais, « La Princesse aux cheveux bleus » (titre original : « Van de princes met de blauwe haren » du recueil de 1902 Over lichtende drempels), une traduc- tion qui a semble-t-il échappé jusqu’ici à l’attention des chercheurs. Ce conte est « adapté du hollandais par Marie Vielander (sic) Hein et Renée d’Ulmès ». Peintre, Marie Vlielander Hein (1871-1955), surnommée Mies, est l’un des nombreux enfants de Catharina, une des sœurs du romancier. Couperus appréciait parti- culièrement cette nièce avec qui, ainsi que le souligne le biographe Frédéric Bastet, il a entretenu une correspondance suivie et chaleureuse. Savoir que Renée d’Ulmès a traduit au moins un texte du grand romancier nous permet-il de la confondre avec cette mystérieuse Mlle Wassilieff avec qui Couperus a songé, pour ainsi dire à la même époque, traduire une partie de son œuvre en français ? Laissons pour l’instant cette question en suspens et contentons-nous d’avancer que Mlle Wassilieff et Jacques Sorrèze – traducteur de Dimitri Merejkovski, critique d’art et auteur de quelques romans plutôt médiocres comme En dérive (1903) n’étaient – ainsi que le confirment diverses sources – qu’une seule et même personne. (D.C.)

     

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    UN ROMANCIER HOLLANDAIS

    Louis Coupérus

     

    Ce jeune écrivain, depuis longtemps célèbre en Hollande, a édifié une œuvre considérable. Deux de ses romans ont été transcrits en français : Majesté et Paix universelle. Il faut espérer que des traductions prochaines populariseront chez nous les livres qui nous intéressent doublement. D’abord, l’auteur a conservé l’intégralité du génie national. Sans subir ni l’influence russe, ni l’influence allemande, il garde son caractère profondément hollandais, évoquant les êtres d’une race très différente de la nôtre avec assez d’art pour nous les faire comprendre. Puis il ajoute à la sympathie que lui acquiert son talent un hommage qui flatte notre patriotisme en prenant comme résidence d’élection Nice, la ville lumineuse où il oublie les hivers brumeux de sa patrie, et où il vit silencieusement, n’entr’ouvrant sa porte qu’à de rares amis.

    L’habitation d’un artiste n’est point chose indifférente. Dans l’arrangement du décor amical où fleurissent les rêves d’art se révèle la personnalité secrète que certains cèlent jalousement.

    CouvNiceMuze.jpgLouis Coupérus, s’éloignant de la ville mondaine et tapageuse, a gagné la lointaine avenue Saint-Maurice, bordée de hauts platanes qui, l’été, forment une voûte fraîche et verte, l’automne, semblent se vêtir d’or bruni, l’hiver, se dressent, décharnés comme des fantômes d’arbres. D’instinct, le romancier a choisi, pour y vivre, le site le moins méridional. On le devine troublé par le soleil trop violent, les nuances brutales du plein midi. Il ne retrouve son âme intégrale qu’à l’heure nocturne où le jour s’empoussière de noir impalpable. Alors les rideaux clos l’isolent de l’atmosphère extérieure. Sous la lueur discrète des lampes, l’appartement apparaît en son ordre précis de logis hollandais avec les luisances des bahuts et des tables, d’un art moderne curieux, les mollesses des sièges aux tons atténués, les formes précieuses des faïences de Delft, les fragilités exquises d’un service de vieux Chine gravé aux armes de l’écrivain. Et, parmi ces choses de nuances assourdies, une étoffe javanaise, manteau de roi ou robe de princesse, déroule sa splendeur au-dessus du bureau.

    Cette étoffe symbolise l’âme du romancier. Sur le fond d’un gris doux de brume solidifiée, des brins d’or s’enchevêtrent, et la trame presque voilée adoucit ce que l’or seul aurait d’excessif. De même, les minutes ensoleillées de Louis Coupérus recèlent une mélancolie. Car il a hérité de ses ancêtres une âme soucieuse, mais des séjours aux colonies et en Europe méridionale l’ont empêché de trop s’attarder dans la tristesse, et, à côté d’œuvres d’une vérité d’observation amère, il a écrit des contes de fées exquisement poétiques.

    Une stricte élégance, une parfaite grâce de manières donnent au romancier svelte et blond (*) cette séduction qu’on croit, à tort, l’apanage des seuls mondains. Il y ajoute la douceur presque féminine d’un regard mordoré, le charme d’une parole un peu alentie par un tout léger accent étranger et une sorte de scepticisme courtois que dénonce le sourire fatigué. Il ne parle point de lui et, lorsqu’on le questionne, répond avec réticence, modestie ou peut-être bien dédain de celui qui ne juge pas utile de se raconter, pensant que l’œuvre suffit pour affirmer une personnalité.

    Nous résumerons ici brièvement les traits essentiels de sa vie.

    CouvForceTénèbres.jpgNé à La Haye, il est fils d’un conseiller à la cour. Sa petite enfance s’écoula dans une de ces calmes demeures hollandaises où une entente raffinée du confort défend de la tristesse ambiante. Puis il suivit sa famille à Java, et ce fut la vie que mènent les fonction- naires aux colonies, vie brillante et insoucieuse, au milieu de la sourde hostilité d’une populace dont la religion et les coutumes sont sans cesse froissées par une domination étrangère. Là, le jeune homme recueillait des documents pour son roman javanais La Force Silencieuse (**). Il rentrait dans son pays qu’il examinait avec un regard neuf et qui lui apparaissait alors dans sa juste signification. Car les choses et les êtres qu’on voit chaque jour ne semblent plus nets, mais flous, comme estompés.

    La vocation de Louis Coupérus se manifestait dès l’âge de neuf ans, il s’essayait en de petits poèmes. Mais on le destinait au fonctionnarisme, comme ses frères aînés. Il se rappelle encore l’angoisse qu’il éprouvait à s’entendre dire : « Seras-tu magistrat ? officier ? » Il lui semblait qu’une profession anéantirait sa vie individuelle. Tout en poursuivant ses études, il édifiait ce premier recueil : Printemps de poésie, qu’il publia avec succès à l’âge de seize ans. Et sa mère eut ce délicieux mot de tendresse naïve : « Je ne comprends pas ton livre, mais je t’adore de l’avoir écrit puisqu’il te rend heureux. »

    Cependant Louis Coupérus, par déférence pour ses parents, obtenait les diplômes de professeur, avec le secret désir de ne pas les utiliser. Et il publiait Les Orchidées et se vouait définitivement aux lettres. Il connut le succès immédiat à l’heure jeune, où l’on en jouit complètement.

    Son mariage fut heureux, avec une femme d’une grâce compréhensive et souple (***).

    Renée d'Ulmès

    RenéeDulmès.pngIl délaissa les coteries littéraires, et lui qui n’a été le disciple de personne, n’ambitionne point, pour plus tard, la gloire d’être le « cher maître » d’une petite chapelle. Aussi satisfait-il son goût pour les voyages, explore-t-il tour à tour l’Italie et la Suisse en édifiant son œuvre.

    Est-ce dire que cet errant soit un international ? Non point. Il conserve intact en son âme le culte de son pays, de sa langue qui, malgré ses sons rugueux, a une délicatesse de vocabulaire lui permettant d’exprimer toutes les gradations du sentiment. En face des horizons d’un bleu illimité, il songe à l’atmosphère grise, presque opaque, qui, là-bas, enclôt la vie. Le souffle léger, dans le feuillage des oliviers, lui rappelle la voix sinistre du vent, éternelle menace pour son pays conquis sur les flots.

    Par la brève nomenclature des livres de Louis Coupérus, nous donnerons l’idée d’un labeur obstiné, mis au service d’une imagination merveilleusement riche. En quelques années ont été publiés :

    Printemps de Poésie, Les Orchidées, volume de vers d’un art très personnel ; puis des romans : Éline Vere, Fatalité, Extase, Illusion, Majesté, Paix universelle, Métamorphose. Trois contes symboliques : Psyché, Fidessa, Babel. D’autres romans : Le Long des Lignes de la Vie, La Force silencieuse.

    Sous le titre général : Les Livres des Petites Âmes, Louis Coupérus vient de réunir quatre volumes : Les Petites Âmes, La Vie tardive, Le Crépuscule des Âmes, La Sagesse sacrée. Enfin, récemment, il a publié des contes symboliques : Le Fils du Soleil, Jahvé, Dionysos, et des romans mythologiques.

    À travers l’œuvre de Louis Coupérus, nous remarquons qu’il ne communie point avec le pauvre, ne se penche pas sur sa misère, son esprit le plaint avec son esprit mais non avec son cœur. Il réserve sa pitié pour les peines que l’on pourrait qualifier d’aristocratiques.

     

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    Comme les maladies du corps, les maladies de l’âme sévissent différentes suivant les classes sociales. Certaines peines demandent des loisirs que le pauvre n’a pas, obsédé par l’immédiat souci du pain à gagner. Mais leur élégance, leur faste ne dérobent point au romancier les regards souffrants des privilèges de la fortune. Et dans un admirable livre il nous a conté la misère exceptionnelle que crée la situation exceptionnelle d’un enfant de rois.

    Le bon plaisir paternel brise ses amours, décide son mariage, peut l’enfermer dans un cloître ou dans un asile d’aliénés. Il semble au-dessus de la justice, mais, en réalité, la justice n’existe plus pour lui.

    Qu’on imagine un être sans orgueil, considérant la monarchie comme une religion morte dont il est le prêtre incrédule, et l’on comprendra l’âme douloureuse de son héros. De ce peuple qu’il plaint, il recueille l’héritage de haines qui se manifestent par une lâche tentative d’assassinat. Ce triste adolescent aimé, d’un douloureux amour dans lequel « ils mêlèrent l’amertume de leur commune souffrance, chacun cherchant dans l’autre la consolation de la vie ». La maîtresse n’est pas triomphante, sachant, hélas ! « qu’il serait son dernier amour ». Cette liaison n’a pas même droit au mystère et au silence, avilie dès l’aube par les complicités nécessaires. Puis viennent la rupture et le mariage, imposés par raison d’État, et la fiancée apparaît, meurtrie encore d’un récent rêve brisé. Ils ne s’aiment pas et le savent, victimes résignées d’avance à la servitude royale. Et tout ce livre est infiniment mélancolique, affreusement.

    D’autres fois, Louis Coupérus recherche des misères plus proches de nous, il peint la femme à l’heure émouvante où sa jeunesse agonise, où celle qui a aimé regrette et se souvient, où celle qui n’a pas aimé prolonge désespérément l’attente de rien. Et ces silencieux drames d’âme s’inscrivent en rides menues sur les visages pâlis, détruisent les précieux restes de jeunesse, et si parfois l’amour arrive enfin, on l’accueille par les mots navrants : « Trop tard ! »

    À côté de ces douloureuses vies modernes, Louis Coupérus évoque toute l’Antiquité dont, à Rome, il a subi l’envoûtement. Le prosateur consciencieux se révèle poète au lyrisme exalté par la joie des choses.

    En ces lignes brèves, nous ne prétendons pas porter un jugement définitif sur une œuvre qui évolue sans cesse. Nous avons seulement tâché d’esquisser le charme délicat et mystérieux d’une âme étrangère, rapprochée de nous par le souci de l’art qui crée la vraie fraternité.

    Renée d’Ulmès

     

    (*) Les cheveux de Couperus ont-ils blondi sous le soleil méditerranéen ?

    (**) C’est en réalité surtout à l’occasion d’un séjour ultérieur aux Indes néerlandaises que le romancier réunira les éléments qui lui permettront d’écrire ce roman.

    (***) Mariage pas forcément heureux pour Elisabeth, plutôt amie chaste qu’épouse comblée.

     

     

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    Les documents reproduits

    En Dérive, roman de Jacques Sorrèze (pseud. d'une certaine Mlle Wassilieff ou Mme Y. de Bréhal) ; Nice, muze van azuur (publication hollandaise dirigée par Dirk Leyman et consacrée à la ville de Nice : en plus d'un texte de Caroline de Westenholz sur Couperus, elle comprend entre autres une contribution de J.-M. Le Clézio, éd. Bas Lubberhuizen, Amsterdam, 2004 ) ; La Force des ténèbres, trad. française du roman indonésien de Couperus De stille kracht (trad. Selinde Margueron, préface Philippe Noble, Le Sorbier, Paris, 1986) ; Les Mille Nouvelles Nouvelles, n° 9, octobre 1910, revue mensuelle qui comprend Une petite âme de Louis Couperus (des versions légèrement différentes avait paru dans La Revue des Revues, 15 juin 1894 et dans  La Vogue, Paris, 15 février & 15 mars 1900, trad. Georges Khnopff). La photo de Renée d'Ulmès figure dans le Dictionnaire Biographique des Alpes Maritimes et de la Principauté de Monaco, Paris, Flammarion, 1903 (la notice bio-bibliographique aux pages  425-426).

     

     

  • Cees Nooteboom

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