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Alexandre Cohen Anarchisme Monarchisme - Page 3

  • Rimbaud à Java

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    Les « aventures épastrouillantes »

    d’un déserteur

     

     

    À propos des sources hollandaises

    du livre de Jamie James

     

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    L’édition française de Rimbaud in Java. The Lost Voyage a été non sans raison remarquée par la critique (1). On a salué cet essai alerte et « réjouissant » d’un Américain établi en Indonésie, parti sur les traces du poète incorporé dans les troupes bataves sous le matricule 71814. Comme on pouvait s’y attendre, sa quête n’a rien appris de bien nouveau aux spécialistes dont une trentaine élabore actuellement le Dictionnaire Rimbaud (Bouquins / Robert Laffont, annoncé pour 2013). Mais l’intérêt de ces 170 pages, lestement traduites par Anne-Sylvie Homassel, réside ailleurs, en particulier dans les horizons de lecture qu’elles ouvrent.

    arthur rimbaud,jamie james,java,indonésie,alexander cohen,louis couperus,m.t.h. perelaer« On perd un peu sa trace », écrivait Verlaine à propos de son ancien amant qui avait renoncé peu avant à la poésie. Entre deux escapades et maintes errances, Rim- baud signe, à l’âge de 21 ans, un engagement de six ans dans l’armée coloniale néerlandaise, qui va le conduire dans son voyage le plus lointain. Cette armée avait constamment besoin de recrues, plus encore depuis 1873 et le début de la guerre d’Atjeh, à la pointe nord de l’île de Sumatra. La plupart des soldats mouraient en réalité loin des combats, certains entre la Hollande et l’Insulinde, en raison d’un manque de salubrité sur les bateaux, beaucoup des suites d’une maladie tropicale dans l’archipel. Les années 1875 et 1876 – celle où Rimbaud s’engagea, sans doute attiré par le montant de la prime revu à la hausse peu avant – se distinguent par le nombre élevé de candidats à la vie de mercenaire : sur environ 3800 qui embarquèrent en 1876 pour cette destination lointaine, 1300 étaient belges, plus ou moins 1100 français, les autres venaient essentiellement d’Allemagne, de Norvège, de Suisse, d’Italie ou du Portugal – les jeunes Néerlandais ne montraient pour leur part guère d’enthousiasme.

    arthur rimbaud,jamie james,java,indonésie,alexander cohen,louis couperus,m.t.h. perelaerL’essentiel de ce que l’on sait sur le passage de Rimbaud à la caserne de Harderwijk et de ses semaines sous l’uniforme des troupes coloniales avant sa désertion – « l’épisode le plus obscur de son existence », selon J. James –, Martin Bossenbroek l’a réuni voici un quart de siècle dans son article « Arthur Rimbaud poète armé », soulignant que la décision du jeune Français – passionné d’armes, attiré par l’uniforme –, de se faire mercenaire ne résultait en rien d’un coup de tête. Quant à celle de déserter dès le 14 ou 15 août 1876, elle pouvait en partie s’expliquer par les aspects peu réjouissants du quotidien du mercenaire (2). De toute façon, il est pour ainsi dire certain, ainsi que l’assure le biographe Jean-Jacques Lefrère, qu’il avait l’intention de jeter l’uniforme aux orties avant même de signer sa feuille d’engagement. Peu après son arrivée sur l’archipel, en s’évanouissant dans la nature avec quelques rudiments de hollandais et sans doute son fusil, le natif de Charleville a laissé un blanc de quelques semaines, blanc sur lequel la végétation indonésienne ou la population de la ville de Samarang s’est refermée. Puis le jeune homme a embarqué, sans doute sur le Wandering-Chief,  pour ne réapparaître qu’à la fin de l’année au sein de sa famille.

    arthur rimbaud,jamie james,java,indonésie,alexander cohen,louis couperus,m.t.h. perelaerPour mieux cerner et dépeindre le cadre javanais et « les pays brûlants de ses souhaits » que Rimbaud a décou- verts lorsque le Prins van Oranje a jeté l’ancre à Batavia le 23 juillet 1876, le critique d’art James s’appuie sur maintes sources dont des ou- vrages de trois auteurs néerlandais. Grâce à un ami, il a appris l’existence des mémoires d’Alexander Cohen (1864 Leeuwarden – 1961 Toulon). Il s’agit de In opstand (En révolte, 1932), premier tome des souvenirs de ce publiciste qui a laissé son nom dans l’histoire de l’anarchisme. Le livre est uniquement disponible en langue originale, mais l’universitaire hollandais naturalisé américain E.M. Beekman (1939-2008) en a traduit des pages dans Fugitive Dreams: An Anthology of Dutch Colonial Literature tout en offrant un exposé détaillé de la vie du juif frison (3).

    arthur rimbaud,jamie james,java,indonésie,alexander cohen,louis couperus,m.t.h. perelaerEn quelques endroits de son récit, J. James base son propos sur des passages de cet ouvrage : « Nous sommes à jamais privés […], écrit-il, de ce que nous aurions tant aimé lire : Java par le regard du poète, à moins que l’on ne retrouve par hasard les journaux per- dus de son voyage. Nous reste une expérience intellectuelle qui n’est pas sans intérêt : chercher quelque Européen à la sensibilité développée qui ait vécu à cette même époque sur cette même île et dont la vision puisse se rapprocher plus ou moins de celle du poète. Et pourquoi pas Alexander Cohen, comme Rimbaud rebelle attentif aux langues exotiques ? Cohen décrit ainsi la jungle, peu après son arrivée à Sumatra en 1882 (4) : ‘‘Jour après jour, me voilé submergé de nouveau par la fascination inlassable de l’aube nacrée, lorsque le soleil émerge d’une mince couche de brume rose, accueilli par les roucoulements languides des colombes ; par celle du crépuscule mélancolique qui s’abat presque immédiatement sur la terre et fond toutes les couleurs, toutes les nuances, en un violet obscur ; et par celle de l’imposant silence de la nuit, que rendent plus profond encore le bourdonnement d’une myriade d’insectes et des sonnements de gong des crapauds géants. Je médite, je rêve, je suis heureux. Je succombe à une foi panthéiste.’’ Superbe écriture teintée de romantisme tardif, gorgée jusqu’à saturation d’une profonde empathie pour la beauté vibrante de la forêt tropicale vue par les yeux d’un homme du Nord. Et cependant, en dépit de l’emphase panthéiste, cela n’a rien à voir avec ce que Rimbaud écrivit après les chants de toute de sa toute première jeunesse » (5).

     

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    gravure sur bois de Georges Rohner

     

    Jamie James appelle aussi à la rescousse A. Cohen et son « précieux témoignage » sur les prisons militaires de Java afin d’exposer les risques qu’encourait Rimbaud en désertant du camp de Salatiga – tout au plus quelques mois de trou en réalité et en aucun cas la peine de mort (6). Entre son arrivée en Insulinde à l’automne 1883 et son départ le 2 janvier 1887 – années qui font l’objet des chapitres VI à IX de In opstand –, le futur propagandiste anarchiste a, il faut dire, passé le plus clair de son temps à écoper de peines corporelles ou privatives de liberté (7). « Il décrit dans son autobiographie une punition que Rimbaud eût pu subir s’il était tombé aux mains de la police militaire : ‘‘La ‘chaine et le boulet’ signifiaient ceci pour le prisonnier puni : un jour durant – ou deux, ou dix, ou trente, ou durant une ‘période indéfinie’ –, il se trouvait contre son gré affublé d’une chaine d’environ un mètre cinquante attachée à une boule de fer de huit kilogrammes, chaîne qui devait être fixée à sa cheville droite ou gauche, suivant son désir, par le moyen d’un anneau de fer de huit centimètres de large, muni d’une solide serrure. Pour être tout à fait honnête, cette babiole, qu’il fallait continuer de porter la nuit, me procura pour commencer des sensations plutôt désagréables. Mais l’on se fait à tout, même au plus déplaisant, pour peu que l’on soit déterminé à ne pas céder.’’ » (8) Alexandre Cohen retournera en Indonésie en 1904-1905, mais cette fois en tant qu’honorable journaliste, à la demande de ministères français pour comparer dans certains domaines les systèmes coloniaux français et néerlandais.

    arthur rimbaud,jamie james,java,indonésie,alexander cohen,louis couperus,m.t.h. perelaerC’est un écrivain hol- landais beaucoup plus policé qui retient ailleurs l’attention de l’auteur de Rimbaud à Java, à savoir Louis Couperus. Un des romans les plus célèbres du dandy haguenois a pour cadre les Indes Orientales Néerlandaises, contrée où il passa une partie de son enfance avant d’y effectuer deux séjours à l’âge adulte. Du premier, il a ramené De stille kracht (1900), où la colonisation hollandaise joue un rôle central à travers le personnage principal Théo van Oudijck. Ce sont les phénomènes occultes qui amènent Jamie James à parler de ce livre, disponible en anglais (The Hidden force) (9) et traduit en français sous le titre La Force des ténèbres : « En 1876, l’on aurait trouvé peu de lieux à la surface du monde où la magie jouait un rôle plus important qu’à Java. Les malédictions et les charmes amoureux, tels que le goona-goona, étaient monnaie courante – c’est encore le cas aujourd’hui. Quelques années plus tard, en 1900, l’écrivain Louis Couperus publia le seul roman des Indes néerlandaises qui puisse rivaliser avec ceux de Joseph Conrad, De Stille Kracht (La Force des ténèbres), grand classique de la littérature néerlandaise moderne, est la chronique gothique d’une famille de colons saisis par une décadence quasi faulknérienne. Le vrai sujet de Couperus est cependant ‘‘la mystique des choses concrètes sur cette île de mystère qu’est Java’’. Théo van Oudijck, le résident hollandais de la ville fictive de Labuwangi, est entraîné malgré lui dans un conflit avec le régent, un membre de la famille royale javanaise manipulé par l’administration coloniale. Les phénomènes surnaturels les plus variés l’assaillent : des pierres se mettent à pleuvoir sur sa majestueuse demeure néoclassique ; sa seconde épouse (qui couche avec son fils) est enduite de jus de bétel dans son bain et des bouches invisibles lui crachent dessus ; les âmes d’enfants morts gémissent et sanglotent dans les branches d’un banian.

    arthur rimbaud,jamie james,java,indonésie,alexander cohen,louis couperus,m.t.h. perelaer« Couperus donne de ces manifestations une inter- prétation sociale : elles sont, dit-il, l’expression de l’âme de l’île. ‘‘Sous toute cette apparence de choses tangibles, l’essence de ce mysticisme silencieux me- nace, comme un brasier sous la terre, comme la haine et le mystère dans le cœur.’’ » (10) Préfacier de l’édition française Philippe Noble précise : « Les manifestations de l’étrange que l’on découvre dans ce roman : apparitions fantomatiques d’un hadji […], pluies de pierres ou inexplicables giclées de sirih, ce liquide rouge provenant de la mastication de feuilles de bétel, ne doivent rien à l’imagination de l’auteur. On les retrouve dans de nombreux témoignages, y compris de très officiels rapports de fonctionnaires coloniaux. » (11)

    Une scène marquante de La Force des ténèbres nous plonge au cœur de ces envoûtements. Léonie van Oudijck gagne la salle de bains, un peu à l’écart de la demeure ; Urip, sa bonne, reste dehors, accroupie devant la porte. À la lumière d’une petite lampe en nickel, la femme européenne contemple son corps dans le miroir. Puis elle s’enduit le corps de savon et verse de l’eau sur son corps. « De longues coulées glissèrent, denses, de ses flancs, et elle brilla comme du marbre, les épaules, la poitrine et les hanches polies par le reflet de la petite lampe. Elle voulait se hâter davantage, levant les yeux vers la fenêtre pour voir si les chauves-souris n’allaient pas entrer… Oui, dorénavant elle ferait mieux de se baigner plus tôt. Dehors la nuit était déjà tombée. Elle se sécha rapidement avec une serviette assez rugueuse. Elle s’enduisit vite de la crème blanche qu’Urip lui préparait, sa pommade magique faite pour lui conserver sa jeunesse, sa souplesse, sa ferme blancheur. À ce moment elle aperçut sur sa cuisse une petite éclaboussure. Elle n’y prit pas garde, l’attribuant à quelque impureté flottant dans l’eau, feuille morte ou insecte. Elle l’enleva en frottant. Mais, ce faisant, elle en vit deux, trois plus grandes, d’un vermillon sombre, sur sa poitrine. Elle se sentit soudain transie : elle ne savait pas, elle ne comprenait pas. À nouveau elle se frotta ; elle prit la serviette déjà maculée d’une sorte de sang épais. Un frisson  la parcourut des pieds à la tête. Et soudain elle vit : des angles de la salle de bains, mais sans qu’elle pût voir comment et par où, arrivaient les éclaboussures, d’abord petites, puis plus grandes, comme crachées par une bouche baveuse pleine de bétel. » (12) Cette dimension occulte mais aussi les scènes sensuelles de La Force des ténèbres ont amené le réalisateur Paul Verhoeven, qui en prépare une adaptation cinématographique, à choisir la Thaïlande plutôt que l’Indonésie – où règne un climat politico-religieux peu propice – pour tourner son film. Dans la série en trois épisodes basée sur le roman (1974), Pleuni Touw joue le rôle de Léonie – il s’agit, dit-on, de la première apparition d’une actrice néerlandaise nue à la télévision :

     

     

    M.T.H. Perelaer

    arthur rimbaud,jamie james,java,indonésie,alexander cohen,louis couperus,m.t.h. perelaerJamie James cite abon- damment un troisième Hollandais : M.T.H. Pere- laer (Maastricht 1831 – La Haye 1901), auquel E.M. Beekman a consacré quelques lignes à la fin de son exposé sur A. Cohen. Deux de ses ouvrages sont disponibles en anglais (I & II). Écrivain aujourd’hui oublié de tous sauf de rares historiens et ethno- logues, Michel Théophile Hubert Perelaer, après avoir renoncé à la prêtrise, se rend à la ville de garnison de Harderwijk en 1854 – de 1815 à 1909, toutes les recrues de l’armée coloniale ont été formées dans la caserne de cette localité – et arrive à Batavia l’année suivante ; là, il grimpe les échelons et devient officier ; ayant atteint le grade de colonel de l’infanterie (majoor) en 1877, il prend sa retraite en 1879. Bien que libre d’esprit et sensible aux thèses très critiques du système colonial que défend Multatuli dans son Max Havelaar, il a servi du mieux possible – montrant à plusieurs reprises sa bravoure au combat et faisant sienne une phrase d’Alfred de Vigny (Servitude et grandeur militaires) : « L’abnégation du guerrier est une croix plus lourde que celle du martyr » – et a dirigé un hebdomadaire qui visait à défendre les intérêts de la Patrie et des colonies. Au cours de sa carrière militaire, Perelaer a aussi reconnu de nombreuses régions (en particulier le centre de Java), réunissant maints documents sur lesquels il basera ses écrits. Il met ainsi à profit quelques-unes des vingt dernières années de sa vie pour partager son savoir. arthur rimbaud,jamie james,java,indonésie,alexander cohen,louis couperus,m.t.h. perelaerDes études et des romans ethnographi- ques voient le jour, dont l’un en partie autobio- graphique (quatre volu- mes), essentiellement dans une visée didac- tique, même si le Hollandais cherche pro- gressivement à s’affirmer comme véritable écri- vain. Alors qu’il s’est fait un nom, sa carrière littéraire connaît presque un coup d’arrêt : la presse l’accuse d’avoir plagié « La fête à Coqueville » de Zola dans Noordwest en Zuidoost (1892) ; Perelaer est obligé de se défendre, ce coup l’affectera beaucoup même s’il n’abandonnera pas tout à fait la plume (13). Dans Rimbaud à Java, le Hollandais est cité abondamment. À travers Bornéo.  Aventures de quatre déserteurs de l’armée indo-néelandaise  récit ébouriffant qui contient « des détails plein d’intérêt sur les Daykas cannibales », ainsi que l’expose un chroniqueur de l’époque – offre, selon J. James, « une version romancée du périple rimbaldien » (14), tant pour ce qui a trait au recrutement de volontaires pour l’armée des Indes néerlandaises que pour la désertion. Quant à Baboe Dalima. Opium roman (1886), traduit en anglais dès 1888 (Baboe Dalima, or The opium Fiend), qui dénonce les méfaits et les ravages du stupéfiant, il s’agit, toujours d’après l’auteur américain, d’ « un roman sur le commerce de l’opium aussi mauvais qu’interminable », « si mélodramatique qu’il en devient ridicule » (15). C’était d’ailleurs déjà l’avis de commentateurs de l’époque, par exemple un certain Werner qui, dans le Soerabaiasch Handelsblad du 16 novembre 1886, affirme que, par manque de talent et abus de digressions, Perelaer a échoué dans son but ; la romancière Beb Vuyk (1905-1991), qui vécut arthur rimbaud,jamie james,java,indonésie,alexander cohen,louis couperus,m.t.h. perelaertrente ans dans l’archipel, et Eddy du Perron (1899-1940) ne diront pas le contraire : à vouloir trop prouver, on ne prouve rien. Accordant malgré tout une certaine valeur à quelques descrip- tions de Perelaer, Jamie James reproduit un long passage sur la visite d’une fumerie d’opium.

    Sous la plume du critique d’art, « le voyage perdu » de Rimbaud est devenu une pérégrination à travers textes et paysages d’un passé plus ou moins lointain, à travers les toiles de Raden Saleh, ce peintre javanais qui séjourna de nombreuses années en Europe et devint « peintre du roi de Hollande ». Ici, le lecteur goûte au mythe de l’upas – autre sujet cher à E.M. Beekman – lancé par le docteur hollandais N.P. Foersch dans son article « Beschryving van den vergif-boom, bohon-upas, op het eiland Java », là il entrevoit, à Samarang, ville où Rimbaud fit escale, le quartier « réservé aux vétérans africains de l’armée coloniale néerlandaise » (16), ces soldats dont l’histoire a été relatée récemment en français (17). Élégante incursion dans la vie et l’œuvre du poète, Rimbaud à Java est aussi un jeu de piste qui invite chaque lecteur à prolonger à sa guise les sentiers frayés par Jamie James.

    D.Cunin

     

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    Exorcisme pour guérir un malade chez les Dayaks-Danoms

    (M.T.H. Perelaer, À travers Bornéo, 1891)

     

    (1) Voir : Jamie James, Rimbaud à Java. Le voyage perdu, traduction de Anne-Sylvie Homassel, Paris, Les Éditions du Sonneur, 2011.

    (2) Martin Bossenbroek, « Arthur Rimbaud poète armé », Het oog in ’t zeil, février 1988, p. 1-10. Auteur d’études de référence sur le recrutement et le transport des troupes coloniales hollandaises, M. Bossenbroek apporte, à la suite de quelques-uns de ses compatriotes, des renseignements sur ces mois de la vie du poète. Ils permettent de corriger et compléter certaines données factuelles avancées par maints biographes ainsi, nous semble-t-il, que des points de détail figurant dans De Charleville à Java. Arthur Rimbaud soldat et déserteur de l'armée coloniale des Indes Néerlandaises (Jean Degives & Frans Suasso, préface d’Alain Borer, Hilversum, Radio Nederland Wereldomroep, 1991), texte reproduisant un programme radiophonique de 1982. La biographie Arthur Rimbaud de Jean-Jacques Lefrère (Fayard, 2001), se révèle précise sur le passage du poète en Hollande (voir le chapitre « Le voyageur toqué », p. 747-753). À propos des mercenaires européens qui ont laissé la vie en Insulinde, M. Bossenbroek précise que, pour l’année 1876, moins de 80 d’entre eux sont morts au combat, environ 1400 d’une maladie à type de dysenterie ; plus de 2300 hommes, soit 15% des forces, se trouvaient hospitalisés au même moment.

    arthur rimbaud,jamie james,java,indonésie,alexander cohen,louis couperus,m.t.h. perelaer(3) E. M. Beekman, Fugitive Dreams: An Anthology of Dutch Colonial Literature, University of Massachusetts Press, 1988 (p. 184-209 pour la partie biographique – Cohen est mort en 1961 et non en 1963 – et p. 209-228 pour les passages traduits qui portent sur les années d’A. Cohen en Indonésie, alors qu’il servait à sa façon dans l’armée néerlandaise.).

    (4) Il s’agit en réalité de l’année 1883. Arrivé à Batavia le matin du 15 octobre 1882 à bord du Prinses Wilhemina, A. Cohen, après avoir brièvement servi dans deux quartiers de la capitale (Tandjong Priok et Weltevreden) et avoir été évacué à Sindang-Laya puis à Kampong Makassar où il passe plusieurs mois à se remettre d’une maladie, est envoyé en 1883 dans la garnison de Lahat (sud de Sumatra).

    (5) Rimbaud à Java, op. cit., p. 99-71. Texte original de Cohen : In opstand, chap. 7, p. 82.

    (6) Martin Bossenbroek, « Arthur Rimbaud poète armé », Het oog in ’t zeil, février 1988, p. 6.

    (7) Voir : ici.

    (8) Rimbaud à Java, op. cit., p. 78-79. Texte original de Cohen : In Opstand, chap. VIII, p. 106.

    (9) Il en existe en anglais plusieurs éditions : la traduction d’Alexander Teixeira de Mattos (1921), cette même traduction revue, annotée et présentée par E.M. Beekman (The University of Massachusetts Press, 1985) – celle à laquelle se réfère Jamie James –, enfin une nouvelle traduction récente par Paul Vincent : The hidden force, Pushkin Press, 2012, éditeur qui a dans son fonds plusieurs romans de Couperus.

    (10) Rimbaud à Java, op. cit., p. 130-131.

    (11) Philippe Noble,  « Préface », La Force des ténèbres, traduit du néerlandais par Selinde Margueron, Paris, Éditions du Sorbier, 1986, p. III.

    (12) La Force des ténèbres, op. cit., p. 229-230.

    arthur rimbaud,jamie james,java,indonésie,alexander cohen,louis couperus,m.t.h. perelaer(13) Sources: Rob Nieuwen- huys, Oost-Indische spiegel. Wat Nederlandse schrijvers en dichters over Indonesië hebben geschreven vanaf de eerste jaren der Compagnie tot op heden, Amsterdam, Querido, 1978, p. 197-201; Nieuw Nederlandsch Biogra- fisch Woordenboek, V, A.W. Sijthoff, Leyde, 1921, p. 465-466; la presse de l’époque, par exemple une lettre de M.T.H. Perelaer publiée le 25 décembre 1881 (Nieuwe Amsterdamsche Courant) dans laquelle il se fait le porte-parole de Multatuli afin que les jeunes générations procèdent à une réforme du système colonial. En français : Colonel M. T. H. Perelaer, À travers Bornéo. Aventures de quatre déserteurs de l’armée indo-néelandaisetraduction libre du comte Meyners d’Estrey, Paris, Hachette, 1891, gravures hors texte.

    (14) Rimbaud à Java, op. cit., p. 54-55.

    (15) Ibid., p. 112 et p. 117.

    (16) Ibid., p. 74.

    (17) Claudia Huisman, « Soldats africains dans les Indes orientales néerlandaises. Belanda Hitam », Deshima, 2011, p. 81-96.

     

     

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  • Nouvelles d’Anarchie

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    Alexandre Cohen dans De As


     

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    A. Cohen, gravure sur bois de Georges Rohner


    En septembre 2011, la revue anarchiste néerlandaise De As consacrait un numéro à Alexandre Cohen. En voici le sommaire :

     

    Martin Smit, « Een Fransman uit Friesland : Alexander Cohen » (Un Français de Frise : Alexandre Cohen), p. 1-2.

    Ronald Spoor, « Alexander Cohen. Een portret » (Alexandre Cohen. Un portrait »), p. 3-7. [lire ici en français]

    Alexander Cohen, « Weg met Gorilla ! » (article d’A. Cohen publié en première page du journal de Ferdinand Domela Nieuwenhuis Recht voor Allen le 14 novembre 1887 ; il s’agit du texte de la défense qu’il présenta devant ses juges alors qu’il était poursuivi pour avoir insulté la personne du roi Guillaume III), p. 8-11.

    anarchisme, de as, alexandre cohen, domela nieuwenhuis, félix fénéon, action française, ronald spoor, martin smitRonald Spoor, « De straatlucht van Multatuli. Alexander Cohen et Multa- tuli » (Sur la formation d’autodidacte de Cohen, l’influence que l’œuvre de Multatuli exerça sur lui ; sur le rôle joué par l’anarchiste dans la diffusion des œuvres de Multatuli en Allemagne, en Flandre et en France), p. 12-28.

    Alexander Cohen, « Brief aan Wilhelm Spohr over Multatuli » (« Lettre à Wilhelm Spohr sur Multatuli », original allemand avec traduction néerlandaise), p. 29-31.

    Ronald Spoor, « Geen spotblad, maar een bijtblad. De Paradox (1897-1898) van Alexander Cohen » (Sur le périodique satirique mordant que le polémiste Cohen a publié aux Pays-Bas en 1897-1898), p. 32-36.

    Ronald Spoor, « Zeg maar, dat ik in Vladivostok zit. Alexander Cohen en zijn internationale literaire en politieke contacten » (Sur le réseau d’amis et de connaissances que Cohen se créa dans le monde des lettres et de la politique en Allemagne, en Angleterre, en France et aux Pays-Bas), p. 37-51.

    anarchisme,de as,alexandre cohen,domela nieuwenhuis,félix fénéon,action française,ronald spoor,martin smitAlexander Cohen, « Brief aan Félix Fénéon » (Lettre de Cohen à son ami Félix Fénéon du 2 août 1896, traduction néerlandaise d’un original en français inédit), p. 52-54.

    Simon Carmiggelt, « Rebbel » (recension par le célèbre chroniqueur néerlandais de : Alexander Cohen, Een anderdenkende, anthologie publiée et présentée par Max Nord en 1959), p. 55-56.

    Martin Smit, « Zoeken naar het paradijs. Alexander Cohen en de Action française » (tentative d’explication du parcours de Cohen de l’anarchisme au monarchisme de l’Action française), p. 57-65

    Albert de Jong, « Op bezoek bij Alexander en Kaya » (l’anarcho-syndicaliste Albert de Jong rend hommage à Cohen lors de sa mort en 1961 en se remémorant la visite qu’il lui a rendue en 1954 à Toulon), p. 66-68.

    Rudolf de Jong, « Bij Alexander en Kaya » (bref compte rendu du passage de Rudolf, fils d’Albert de Jong, chez Alexandre et sa compagne Kaya dans les années cinquante), p. 69.

     

    CouvDeAs177-178.pngLe numéro 177-178 (printemps-été 2012) de la même revue contient un autre article de Ronald Spoor : « Een Parijse persrel uit 1911. De zaak Alexander Cohen – Hankes Drielsma » (Sur une querelle entre Alexandre Cohen et son confrère Hankes Drielsma qui a secoué les microcosmes journalistiques parisien et hollandais en 1911), p. 39-48.

     

    Autre publication incontournable dans le domaine de l’histoire du mouvement anarchiste néerlandais, la deuxième biographie de Ferdinand Domela Nieuwenhuis : Jan Willem Stutje, Ferdinand Domela Nieuwenhuis. Een romantische revolutionair, Houtekiet, mai 2012, 552 p.

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    L’esprit de Domela Nieuwenhuis - documentaire (néerlandais/frison) 


     

  • Alexandre Cohen par Ronald Spoor

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    Notice biographique

     

    Pour compléter la présentation d’Alexander Cohen, voici une notice biographique traduite du néerlandais par Jérôme Anciberro. La version originale est de Ronald Spoor : « Josef Alexander Cohen », Biografisch Woordenboek van het Socialisme en de Arbeidersbeweging in Nederland (BWSA), 4, 1990, p. 29-33 (disponible sur le site de l’Institut international d’histoire sociale. Un grand merci à l’auteur et au traducteur pour leur autorisation de mettre ce texte en ligne.

     

     

    Josef Alexander Cohen, dit Sandro (1864-1961)

    Anarchiste, puis monarchiste, né à Leeuwarden (Pays-Bas) le 27 septembre 1864 et décédé à Toulon (France) le 1er novembre 1961. Fils d’Aron Heiman Cohen Jzn, commerçant, et de Sara Jacobs. Épousa le 23 mars 1918 Elisa Germaine Batut (Kaya) avec qui il vivait depuis le 15 août 1893. Ils n’eurent pas d’enfants. Naturalisé Français le 11 novembre 1907. Pseudonymes : Démophile, Demophilos, Demophilus, Kaya, Souvarine.

     

    Elisa Germaine Batut, dite Kaya (1871-1959)

    Couturière auvergnate établie à Paris, fréquentant les milieux anarchistes et la bohème ; artiste (peintre).

     

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    Alexandre & Kaya et page de titre de la correspondance de Cohen

     

    Tout était réuni pour faire de Cohen un rebelle et un empêcheur de tourner en rond : son intelligence, un père autoritaire, une mère aimée et morte jeune, son échec au lycée et ses nombreux projets avortés. Un court séjour en Prusse suffit à nourrir sa haine contre l’Allemagne autoritaire, une haine qui dura toute sa vie. L’expérience fondamentale à la base de son choix de l’anti-autoritarisme fut son séjour, entre 1882 et 1887, dans l’armée royale des Indes néerlandaises (Koninklijk Nederlandsch-Indisch Leger, KNIL). En raison de ses manquements à la discipline – savoureusement décrits dans ses souvenirs –, Cohen passa trois de ces cinq années dans des prisons militaires. N’ayant pas achevé ses études, il était autodidacte. En prison, il lut Multatuli, lecture qui lui permit d’apprendre à écrire dans un néerlandais vivant. Cohen commença sa carrière de publiciste au Groninger Weekblad: radikale courant voor Nederland (l’Hebdomadaire de Groningue : journal radical pour les Pays-Bas), en 1887, avec une série en sept parties « Naar Indië » (« Vers l’Insulinde »), où il racontait des histoires peu reluisantes sur l’armée coloniale. Cohen devint à partir de ce moment un polémiste et mémorialiste de premier plan. Il s’attaqua avec violence à la propagande gouvernementale en faveur de l’engagement dans la KNIL. Peu avant sa majorité, il quitta la maison familiale de Leeuwarden pour s’établir à La Haye qui était alors un des foyers du mouvement socialiste. Il y devint correcteur au journal de Domela Nieuwenhuis, Recht voor Allen (Droit pour Tous), puis rapidement collaborateur à part entière. Cela ne faisait pas quatre jours que Cohen se trouvait à La Haye qu’il traitait déjà l’impopulaire roi Willem III – un Romanov colérique et rigide, un autoritaire à l’état pur – de « gorille ». Cela lui valut en novembre 1887 une condamnation à six mois de prison pour outrage à souverain. Il noua des liens peu communs avec Domela Nieuwenhuis, tout juste sorti de prison lui-même, qui fut impressionné par la fougue révolutionnaire, l’indépendance et l’humour de Cohen. Leur amitié perdura jusqu’à la mort de Domela en 1919. Ses articles violents dans Recht voor Allen, ses discours subversifs au Walhalla de La Haye et la publication d’éléments confidentiels de son dossier pénal le firent haïr des autorités. Son article du 23 mars 1888 signé Souvarine, Een ontboezeming (Confidence), charge classique contre la classe dirigeante, fit déborder le vase. Domela dut livrer son nom à la justice, mais le prévint d’abord, de telle sorte que Cohen put fuir à temps à Gand. Il y trouva provisoirement un travail au quotidien socialiste Vooruit (En avant). Sous la pression du gouvernement néerlandais, Cohen fut expulsé de Belgique. Il choisit la France comme pays d’accueil.

    En mai 1888, Cohen arriva à Paris, où commèrent pour lui cinq années heureuses malgré la dèche. Il vécut cette deuxième période d’apprentissage parmi les anarchistes, les gens de la bohème et les artistes d’avant-garde. Avec ses Parijsche brieven (Lettres parisiennes) publiées dans Recht voor Allen et ses traductions de Domela Nieuwenhuis en français, il ne réussissait pas à se maintenir la tête hors de l’eau. Il lui arrivait d’emprunter son linge. Il entraîna Domela Nieuwenhuis vers l’anarchisme. Cohen prenait à nouveau la parole en public – à la Maison du Peuple – et vilipendait désormais la politique coloniale de la France, manifestant par là qu’il se sentait complètement français. Sa demande de naturalisation de janvier 1890 fut cependant rejetée. Outre Domela Nieuwenhuis, il traduisit Multatuli et Gerhardt Hauptmann en français et Émile Zola en néerlandais. Il fit la connaissance dans un restaurant anarchiste de Kaya Batut, une Auvergnate pleine de tempérament, qui allait devenir sa femme. Leur relation devait durer 68 ans. L’anarchisme de Cohen et ses nombreux contacts avec des étrangers lui valurent, après qu’un attentat à la bombe à l’Assemblée nationale française eut été perpétré, l’exil à Londres en décembre 1893, malgré les protestations de Zola. Suivirent donc six années d’exil. Il ne se plut ni à Londres (1893-1896), ni aux Pays-Bas (1896-1899). Il vivait dans une grande pauvreté. Il fut presque aussi malheureux à Londres que plus tard en prison à Amsterdam, où il purgea sa peine pour crime de lèse-majesté bien que Willem III fût déjà mort depuis six ans. Il refusa de demander sa grâce à la reine-régente, alors qu’on lui proposait de le faire. À Londres, il avait collaboré à The Torch of Anarchy. En 1896, il servit d’interprète à Domela Nieuwenhuis au congrès de l’Internationale socialiste. Après sa libération, il publia à La Haye un petit journal inspiré des écrits de Multatuli et qu’il rédigeait seul : De paradox (Le Paradoxe) (20 numéros 1897-1898).

     

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    Extrême droite, choix de textes (1906-1920), éd. Max Nord, 1981

     

    Ses expériences londoniennes et surtout ses mois d’isolement dans les prisons d’Amsterdam lui avaient donné l’occasion de réfléchir sur ses positions politiques. Il prit congé de l’anarchisme et choisit l’individualisme, ce qui au début ne l’empêcha pas de défendre les anarchistes lorsque ceux-ci étaient attaqués. On peut suivre cette évolution dans ses lettres et dans De Paradox. En 1899, il retourna plus ou moins illégalement à Paris. Kaya avait permis ce retour grâce à certains contacts de Cohen au plus haut niveau politique. En 1902, il entra comme second rédacteur au service international du quotidien bourgeois Le Figaro. Il collabora à la revue d’avant-garde La Revue blanche et tint quelque temps la rubrique « Lettres néerlandaises » au Mercure de France. Grâce à ses relations avec Henri de Jouvenel, il fut chargé en 1904 par le gouvernement français d’une enquête comparative en Indochine et dans les Indes néerlandaises portant sur l’éducation et les services sanitaires. Avec un certain plaisir, il visita les prisons où il avait été détenu quelques années plus tôt. Il trouva des arrangements avec les journaux Het Nieuws van den Dag van Nederlandsch-Indië et Soerabaiasch Handelsblad pour des collaborations à partir de Paris. Après son retour, il obtint, en septembre 1905, d’être le correspondant du quotidien indépendant et moderne De Telegraaf. Cohen était un journaliste alerte, muni d’une bonne plume et des contacts nécessaires. En 1905, à l’occasion d’une campagne de presse pour la libération de Domela Nieuwenhuis d’une prison allemande, il se lia avec le journaliste néerlandais H.P.L. Wiessing qui allait devenir procommuniste. Malgré des conflits violents en raison de leurs positions politiques antinomiques, les deux hommes restèrent amis jusqu’à la mort de Wiessing. Un exemple permet de prendre la mesure du caractère fougueux de Cohen. Une querelle secoua les milieux de la presse dans les années 1911-1912 ; elle eut pour point de départ une remarque narquoise de Cohen dans De Telegraaf à propos du style ennuyeux et sans humour de Hankes Drielsma, le distingué correspondant du Nieuwe Rotterdamsche Courant à Paris. Une lettre anonyme contre Cohen, semble-t-il écrite par Drielsma, déclencha une vraie tempête parmi les représentants de la presse internationale, tant à Paris qu’en Hollande. Cohen fut correspondant du Telegraaf jusqu’en décembre 1917 avant d’en rester le collaborateur pendant cinq ans de plus, constamment protégé par le directeur, H.M.C. Holdert, contre la rédaction du journal qui cherchait à caviarder en partie ses textes. Cohen s’était acheté une petite ferme bon marché à Courcelles (hameau de Trélou-sur-Marne). En mai 1918, cette maison fut totalement dévastée par une dernière opération allemande.

    Non sans s’être disputé avec la population locale, il déménagea en 1924 à Marly-le-Roi, à l’ouest de Paris. Il y prépara l’édition d’un choix de ses articles du Telegraaf en un volume, les Uitingen van een reactionnair (Propos d’un réactionnaire, Baarn, 1929) et y rédigea le premier volume de ses souvenirs : In Opstand (En révolte, Amsterdam, 1932, rééd. 1960). En 1932, Cohen gagna le Sud. Il acheta une maisonnette tout près de Toulon, qu’il baptisa avec une certaine autodérision Clos du Hérisson. La vie était encore moins chère dans le Sud. En 1934, il se rendit à Utrecht pour se faire opérer de la cataracte ; là, il fit la connaissance du peintre Leo Gestel qui illustra Van anarchist tot monarchist (D’anarchiste à monarchiste, Amsterdam, 1936, réed. 1961). Les écrivains Menno ter Braak et Jan Engelman saluèrent la sortie de cette seconde partie de ses souvenirs.

     

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    À Toulon, Alexander et Kaya vivaient des produits de leur jardin et des maigres revenus que leur procuraient ses articles. Entre-temps, Cohen glissait encore plus loin sur le spectre politique : de l’extrême gauche (l’anarchisme 1887-1896) à l’extrême droite (Action française, 1932-1961), après être passé par le centre non socialiste (1900-1932). En tant que juif, à cause des lois de Vichy, Cohen – qui était bien partisan de l’Action française mais ne pouvait pas en être membre, puisqu’il avait été naturalisé – dut vendre sa petite maison. Il reçut en échange une rente viagère. Sa maison fut touchée par un bombardement vers la fin de la guerre. Après la Libération, les Cohen souffrirent de la faim du fait de la dévalorisation constante de la monnaie. Le vieil anarchiste Rudolf Rocker leur envoya des États-Unis des paquets de provisions. À partir de 1948, ce furent W. van Ravensteyn puis Henk Kuijper qui prirent le relais. Cohen devait gagner son pain, et comme il ne savait rien faire d’autre, il continua à écrire pour des journaux néerlandais. Il suivait de près les lettres néerlandaises. Il appréciait la poésie d’un vijftiger (poète des années 1950) comme Remco Campert, alors que beaucoup la rejetaient alors. Malgré les années, il n’avait rien perdu de sa hargne. Son anticommunisme restait aussi fort qu’avant. En 1954, une chronique de Simon Carmiggelt dans le quotidien Het Parool suscita une nouvelle vague de reconnaissance ; le ministère de l’Éducation, des Beaux-arts et des Sciences accorda une bourse au vieux publiciste. Son dernier pamphlet parut en 1959 ; il était dirigé contre le critique Victor van Vriesland. Kaya mourut cette année-là, après avoir fait une chute pour empêcher Alexander de tomber. Cohen mourut en 1961, au bout de deux années difficiles, l’année de la réédition de ses mémoires.

    R. Spoor

     

    photos de Cohen, de Kaya, de leurs maisons, des Van Dongen

    ici

     

  • Alexandre Cohen par R. Spoor

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    Une contribution inédite en langue allemande

    sur Alexandre Cohen.

    Le texte a été prononcé par son auteur, Ronald Spoor, à la Deutsche Forschungsgemeinschaft de  Berlin en octobre 2003

     

     

    AlexandreCohen1907.gif

    Alexandre Cohen, 1907

     

    Sag einfach, dass ich in Wladiwostok bin

     

    Alexander Cohen als Vermittler von fortschrittlicher Literatur und Politik 1888-1907 zwischen den Niederlanden, Deutschland, Frankreich und England.

     

    In diesem Beitrag werde ich das literarische und politische Netzwerk von fortschrittlichen Schriftstellern  und Politikern vorstellen, das der niederländische Anarchist Alexander Cohen in den Jahren 1888-1907 in den Niederlanden, Frankreich, England und Deutschland gebildet hat. Mit Hilfe dieses Netzwerkes konnte er literarisches und politisches Gedankengut der Avantgarde zwischen diesen Staaten vermitteln.

     

     

    Alexander Cohen (1864-1961),

    niederländischer Journalist und Anarchist

     

    Der niederländische Journalist und Anarchist Alexander Cohen (1) wurde im Jahr  1864 in der friesischen Hauptstadt Leeuwarden geboren. Spätestens seit 1890 fühlte er sich Franzose, als er sich zum ersten Mal für  die französische Staatsangehörigkeit (2) bewarb, die er erst siebzehn Jahre später erhielt. Sprachbegabt wie er war,  sprach  und las er niederländisch, friesisch, französisch, deutsch, englisch, spanisch, italienisch und malaiisch. Seine Sprachkenntnisse waren von wechselnder Qualität: deutsch, spanisch, italienisch konnte er lesen und verstehen, aber nicht richtig schreiben. Cohen blieb bis zu seinem Tode im Jahr  1961 verliebt in die niederländische Sprache und  Politik. Seine jüdischen Eltern Aron Heiman Cohen Jzn (1837-1919) und die früh verstorbene Sara Jacobs (1842-1873)  hatten ihm den jüdischen Vornamen Jozef und einen nicht-jüdischen Vornamen Alexander gegeben. Cohen hat immer nur seinen Vornamen Alexander benutzt.

    Alexander Cohen war ein Rebell. Er rebellierte gegen die Autorität des Vaters, der Schule in Leeuwarden, des Arbeitgebers im Königreich Preußen, des kolonialen Heeres und des Gerichts in Niederländisch-Indien (jetzt Indonesien) und des Königs Willem III. der Niederlande. Cohen hatte einen genau so autoritären Charakter wie sein Vater. Sein Vater schickte ihn in die Reichs- oberrealschule in Leeuwarden. Dies war damals nur sehr wenigen jungen Leuten vorbehalten. Aron Cohen wollte seinem Sohn eine gute Erziehung bieten. Der junge Cohen musste aber schon  im Jahr 1877 - in seinem ersten Jahr - die Reichsoberrealschule verlassen, weil er an die Wandtafel Sack, Eier und bumsen geschrieben hatte [zak, bal en naaien]. Er hat nie wieder Unterricht erhalten. Zu Hause las er viel. Aron Cohen hatte auf dem Dachboden viele Bücher. Alexander Cohen konnte deshalb Heines Buch der Lieder, Victor Hugo's Les misérables, Walter Scotts Ivanhoe und niederländische Klassiker des 19. Jahrhunderts wie Jacob van Artevelde von Hendrik Conscience, den Roman Lidewijde von Busken Huet  und Gedichten van den Schoolmeester und viele andere Bücher lesen (3). Er pflegte den jüdischen intellektuellen Stil des Lernens.

    Er arbeitete einige Wochen im Fleck Sonsbeck bei Geldern (4) in der preußischen Rheinprovinz  in der Lehre beim Gerbermeister Joseph Oster. Das autoritäre Benehmen des Arbeitsgebers  gefiel ihm überhaupt nicht. Er gewann Einsicht in die damalige deutsche Mentalität und  bildete eine lebenslange Abneigung gegen Formen der Autorität, die er auch  in der Sozialistischen Deutschen Arbeiterpartei von Liebknecht, Bebel und Singer erkannte.

     

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    extrait d'une lettre manuscrite d'A. Cohen

     

    Es gab in den Niederlanden im 19. Jahrhundert einen Ausweg für junge widerspenstige Leute aus allen Europäischen Staaten: sich bei der Indischen Fremdenlegion, dem Königliche Niederländisch-Indischen Heer (KNIL), zu bewerben. Auch der französische Dichter Rimbaud war kurz eingezogen. Cohen verbrachte als Soldat-Schreiber [im 19. Jahrhundert ein Mann, der statt zu tippen, in einer gut leserlichen Handschrift schreibt] fünf Jahre in der asiatischen Kolonie der Niederlande. Drei von diesen fünf Jahren verbrachte er wegen kleiner Verstöße gegen die militärische Disziplin in Militärgefängnissen in Niederländisch-Indien (5). Er blieb ein Rebell. Im Fort Prins van Oranje, einem Militärgefängnis in Semarang auf der Insel Java, bekam er von seinem deutschen Mithäftling Oskar Raffauf am 26.Juli 1885  den Roman Max Havelaar, geschrieben von dem ehemaligen niederländisch-indischen Beamten Multatuli (6). Der junge Häftling begrüßte in diesem klassischen niederländischen Roman des 19. Jahrhunderts die aufrührerische Haltung gegen die niederländische Autorität, aber er entdeckte auch einen persönlichen Stil als Möglichkeit sich zu äußern. Im Jahr 1887 kehrte  Cohen zu seinen Eltern nach Leeuwarden zurück.

    Seine publizistische Laufbahn begann er mit einer Folge von sieben Artikeln über seine Erfahrungen im kolonialen Heer mit dem Titel 'Nach Indien' (7). Diese erschienen in dem radikalen Wochenblatt, Groninger weekblad: radicale courant voor Nederland, das in Groningen herausgegeben wurde. Allerdings schrieb er noch nicht unter seinem Namen Alexander Cohen, sondern unter dem Anfangsbuchstaben C.

    In diesem Debüt zeigte er sich unmittelbar als  Polemiker und Memoirenschriftsteller, der er war. Sein Stil war noch nicht so scharf und witzig wie später, aber schon geprägt von Multatuli. Er nutzte vor allem in seinem Debüt die Argumentationstechnik und Eloquenz  von Multatuli, aber er hatte noch nicht die für seinen Stil typische Lockerheit, Schärfe und seinen Humor gefunden. 'Nach Indien' war ein Angriff  auf die Werbung für das koloniale Heer in Indien. Er stellte seine eigenen Erfahrungen dem Text der Werbung gegenüber. In Anlehnung an Multatuli schrieb er: 'Für die Wahrheit dieser Tatsachen bürge ich und ich werde sie, wenn von sachverständigen Personen befragt, gerne beweisen. Wie unser Meister Multatuli, kann ich sagen: 'die Beweise liegen vor mir.'' (8) Als er Anfang September 1887 mit dreiundzwanzig Jahren gemäß dem damaligen niederländischen Gesetz volljährig wurde, verabschiedete er sich wiederum von seinen Eltern in Leeuwarden.. Das Verhältnis zu den Eltern war nach der Zeit, die er in Asien verbracht hatte,  nicht besser geworden. Die Stadt Leeuwarden war ihm auch zu klein geworden. In dieser Provinzstadt hatte er entdeckt, dass es neben der radikalen Zeitung Groninger weekblad, die sein 'Nach Indien' veröffentlicht hatte, eine noch radikalere Zeitung gab: Recht voor allen [Recht für alle], die sozialistische Zeitung (9).

    Die Bildung seines Netzwerkes, das der junge in die Heimat zurückgekehrte Cohen noch nicht hatte,  begann mit dem Buchhändler Van Belkum, einem Nachbarn der Familie Cohen in Leeuwarden (10). Er lieh Cohen Recht voor allen. Anzunehmen ist, dass er Cohen auch mit dem sozialistischen Buchhändler Jan Fortuyn (1855-1941) in Amsterdam bekannt machte. Cohen  bekam von Fortuyn eine Empfehlung für Domela und für die Zeitung Recht voor allen (11). Diese war die wichtigste Zeitung der niederländischen Arbeiterbewegung im 19. Jahrhundert und gehörte dem Sozialdemokratischen Bund. Sie erschien dreimal in der Woche in Den Haag (12). Domela Nieuwenhuis war der Redakteur.

     

    Ferdinand Domela Nieuwenhuis (1846-1919)

     

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    Brochure de F. Domela Nieuwenhuis, 1885

    (source : www.geheugenvannerderland.nl)

     

    Cohen war von den heftigen Angriffen in der Zeitung auf die Regierung und Richter begeistert. Diese hatten den Sozialistenführer Ferdinand Domela Nieuwenhuis (1846-1919) (13) wegen eines  Artikels, den er in seiner Zeitung Recht voor allen veröffentlicht, aber nicht selbst geschrieben hatte, zu einem Jahr Gefängnisstrafe verurteilt. Alexander Cohen, der noch nichts vom Sozialismus wusste, wollte am liebsten in den Spalten von Recht voor allen gegen das Unrecht mitkämpfen. Das entsprach auch seinem polemischen Charakter.

    Er reiste nach Den Haag, die rote Residenz (14), wo die Erste Internationale von Karl Marx im Jahr 1872 getagt hatte und wo die Anarchisten von Bakunin aus der Arbeiterinternationale ausgeschlossen worden waren.

    Der junge, vehemente Alexander Cohen, der stark auf seiner Unabhängigkeit bestand, traf  Domela zum ersten Mal in den ersten Septembertagen des Jahres 1887 in Den Haag in der Druckerei von Recht voor allen. Domela, ein ehemaliger Pfarrer, der zu einer patrizischen Familie gehörte, war achtzehn Jahre älter als Cohen. Der charismatische Leiter des Sozialdemokratischen Bundes wurde mit seiner großen Gestalt und seinen langen Haaren dargestellt wie Christus über die Wellen gehend. Friedrich Engels schrieb zwei Jahre später an Laura Lafargue-Marx: 'Domela wird völlig unverständlich. Ist er nach allem vielleicht nicht Jesus Christus, sondern Jan van Leiden, le prophète de Meyerbeer? Vegetarismus und Einzelhaft scheinen am Ende sonderbare Resultate hervorzubringen.' (15)

    Bei der ersten Begegnung der beiden ehemaligen Häftlinge in den ersten Septembertagen des Jahres 1887 in Den Haag (Domela war gerade am 30.August (16) aus dem Gefängnis entlassen worden) verhielt sich Domela eiskalt (17). Aber ihre Begegnung war der Anfang einer Freundschaft, die erst mit dem Tode von Domela Nieuwenhuis 1919 endete.

    Jan Meyers schreibt in seiner Biografie von Domela (18), dass mehrere junge Verehrer von Domela wie Willem Vliegen, Cornelis Croll, Christiaan Cornelissen, Alexander Cohen  eine schlechte Beziehung zu ihren Vätern hatten oder vaterlos waren. Es stimmt, dass Cohen eine schlechte Beziehung zu seinem Vater hatte. Es ist ebenfalls richtig, dass Cohen Domela Nieuwenhuis bewunderte, aber Cohen suchte keine Vaterfigur (19). Er suchte auch keinen Meister.

    Domela hat, wie er in seinen Erinnerungen Van christen tot anarchist (20) schreibt, in Cohen 'einen Rebell von Natur aus' gesehen. Die Begegnung des jungen, vehementen und rebellischen Cohen mit dem reservierten und trotz allem bourgeois gebliebenen Sozialistenführer, dessen Entlassung zehntausende Leute auf die Straße gebracht hatte, führte zu einer lebenslangen Freundschaft. Cohen konnte sein Brot als Korrektor von Recht voor allen verdienen. Domela ging in die Schweiz um sich von der Gefangenschaft zu erholen. Einige Tage später, am 16. September 1887, wurde Cohen beim Bahnhof Hollandsche Spoor in Den Haag verhaftet, weil er. als der wenig geliebte König Willem III. vorbei fuhr, geschrieen hatte: 'Nieder mit dem Gorilla! Es lebe der Sozialismus! Es lebe Domela Nieuwenhuis!' Cohens Verteidigungsrede vor den Richtern wurde in Recht voor allen veröffentlicht (21).

    Cohen wurde wegen  Majestätsbeleidigung zu sechs Monaten Gefängnisstrafe verurteilt. Domela bezeichnete in seinen Erinnerungen diese Verteidigungsrede von Cohen als geistreich und humorvoll (22). Geist, Humor und ein lebendiger Stil sind Qualitäten von Cohen, die Domela fehlten. Cohen  hatte den Ruf l'homme qui a fait rire Domela zu sein, der  Domela zum Lachen brachte. Cohen blieb Korrektor, aber veröffentlichte auch unter dem Decknamen Souvarine (der Anarchist in Emile Zola's Roman Germinal , der nur an die Gewalt glaubt, also ein Deckname wie ein Programm) (23) Artikel in Recht voor allen.Er schrieb am 1. Januar 1894 in einem Brief an Zola: '  'Germinal', das ich vor einigen Jahren in der Gefangenschaft  in Niederländisch Indien gelesen habe, hat aus mir den bewussten und  unheilbaren Rebell gemacht, der ich bin.' (24)

    Alexander Cohen rief in seinem Artikel 'Een ontboezeming' [Ein Bekenntnis] (25) in Recht voor allen zur Revolution auf: 'Auf, ihr Männer und Frauen, Mädchen und Jünglinge, auf, im Kampf gegen Unrecht und Knechtung, gegen Hunger und Misshandlung.' Und die Justizbehörde konnte auch lesen: 'Nimmt, sage ich Euch, was Euch zusteht.' Der Artikel bedeutete das Ende seines Aufenthaltes in den Nieder- landen. Domela wurde zum  Staatsanwalt gebeten, der eine neue Strafverfolgung gegen Cohen einleiten wollte. Domela weigerte sich den Namen von Alexander Cohen zu nennen, aber er wollte auch nicht wieder  für einen Artikel, den er nicht geschrieben, wohl aber veröffentlicht hatte, ins Gefängnis gehen. Er gab Cohen den Rat die Niederlanden zu verlassen und stattete ihn mit einem Empfehlungsschreiben aus für die sozialistische Zeitung Vooruit (Vorwärts) in der belgischen Stadt Gent.

    Alexander Cohen flüchtete nach Gent, und wurde freier Mitarbeiter der Vooruit.  In dieser Zeitung erschien ab Mai 1888 bis Anfang 1889 Cohens Übersetzung In 't geluk der damen von Emile Zola's Roman Au bonheur des dames , Band 15 aus dem Zyklus Les Rougon-Macquart, Geschichte einer Familie im Zweiten Kaiserreich (Second Empire) (26). Mit dieser Übersetzung des Romans des wahrscheinlich wichtigsten  Schriftstellers des letzten Jahrzehntes des 19. Jahrhunderts in Frankreich debütierte Alexander Cohen als Übersetzer und Vermittler von fortschrittlicher Literatur. Cohen hatte Zola um seine Zustimmung gebeten (27), die er bei einem Besuch in seiner Pariser Wohnung erhielt. Zola wollte für die Übersetzung in einer sozialistischen Zeitung (28) nicht bezahlt werden. Im Archiv Zola befindet sich ein zwei Jahre später geschriebener Brief vom 11. Juni 1890 (29). Cohen wollte diesmal die Geschichte 'Le sang' (Das Blutt)  aus dem Sammelband Contes à Ninon in die niederländische Sprache übersetzen. Zola gab Cohen dazu die Genehmigung. 'Le Sang' erschien im selben Jahr in Recht voor allen (30). Cohen bekam dadurch eine Beziehung zu Zola, der sich wenige Jahre später zweimal zu Gunsten von Cohen bei der französischen Regierung eingesetzt hatte. Die niederländische Regierung fand Cohens Aufenthaltsort bereits im April 1888 heraus. Zwar erreichte sie seine Ausweisung aus dem Königreich Belgien, aber Cohen hatte, als ein  für ein politisches Verbrechen Verurteilter, das Recht ein Land seiner Wahl zu wählen. Er wollte nach Frankreich ausgewiesen werden.

     

    Paris: Félix Fénéon, Le père Peinard,

    Bernhard Kampffmeyer (Die Jungen),

    La revue blanche

     
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    Am 12. Mai 1888 stieg Cohen auf der Gare du Nord in Paris aus dem Zug. Paris, die Hauptstadt der Welt, wie Cohen die Stadt in seiner ersten Pariser Korrespondenz in Recht voor allen im August 1888 nannte (31). Er verbrachte mehr als fünf arme und glückliche Jahre in der Stadt bis er am 25.Dezember 1893 als Anarchist nach  London ausgewiesen wurde. Paris war schon lange nicht mehr das Machtszentrum der Welt, das hatte sich nach London verlegt, aber Paris war immer noch die Stadt der Modernität. Sie bestimmte die fortschrittlichen Künste, Literatur, Mode, Philosophie und  das politische Gedankengut. Cohen verkehrte mit der politischen und literarischen Avantgarde in der französischen Hauptstadt. Cohens Verbindung mit Domela Nieuwenhuis brachte ihm Übersetzungsaufträge von Domela, und die Pariser Korrespondenz von Recht voor allen. Im Auftrag von Domela pflegte er politische Kontakte in Paris.

    Cohen bewegte sich wie ein Fisch im Wasser in der Avantgarde in Montmartre. Seine erste Begegnung in Paris hatte er mit dem deutschen sozialistischen Schriftsetzer Paul Trapp und seiner Frau Frieda (32). Selbstverständlich  kümmerte er sich um die Politik: als Auslands- korrrespondent und freier Mitarbeiter von Recht voor allen , manchmal als Vertreter von Domela Nieuwenhuis, aber auch als Aktivist . Und wie immer polemisierte er. In der revolutionär-sozialistischen Zeitung L'attaque [Der Angriff] kritisierte er im Januar 1889 das anti-semitische Buch Le juif en Algérie [Der Jude in Algerien] von Emile Violard, der die These vertrat, dass alle Juden ausgerottet werden sollten (33). Vom 14.-21. Juli 1889 war er Beobachter beim Kongress der Sozialistischen Internationale in Paris. Am 10. Juli 1892 kritisierte er laut eines Berichtes eines geheimen Polizisten (34) im Pariser Maison du Peuple [Volkshaus] den Gemeinderat von Marseille, weil dieser dem französischen kolonialen Eroberer General Dodds einen großen Empfang bereitet hatte. Cohen zeigte sich als  entschiedener Gegner der französischen Kolonialpolitik. Am 15. Februar 1892 polemisierte er mit dem bekannten Essayisten und Tolstoj-Übersetzer Teodor de Wyzewa, Stifter von der Revue wagnérienne, in Le Figaro über die These, dass Domela , sowie Gerhart Hauptmann, Bruno Wille, William Morris und Walter Crane Marx verlassen hatten und Tolstoj folgten (35). Cohen machte deutlich, dass Domela die Analyse von Karl Marx teilte, aber nicht dessen politische Taktik. Den Unterschied zwischen Domela und Tolstoj markierte Alexander Cohen scharf: „l’‚Abêtissez-vous’ de Pascal et le ‚Heureux les pauvres d’esprit’ du Christ sont l’antithèse la plus absolue de la moderne conception communiste. Domela Nieuwenhuis (pas plus que William Morris et que tous les véritables communistes) ne veut nullement supprimer le luxe, le bien-être et le développement intellectuel, mais il en préconise au contraire la généralisation pour que tous les êtres humains en jouissent…“ Cohen machte auch deutlich, dass Domela links von Marx stand. Selbstverständlich hatte Cohen  damit auch seine eigene politische Position formuliert.

    In seinem Artikel 'Die Sozialdemokraten und ihre Propaganda' (36), erschienen in der bürgerlichen Zeitung Le figaro vom 31. Mai 1893, kritisierte Alexander Cohen den Personenkult in der Sozialistischen Deutschen Arbeiterpartei um Bebel, Singer und Lasalle. Dieser Personenkult widersprach seiner Meinung nach der Gleichberechtigungsdoktrin des Sozialismus. Ebenso war er der Meinung, dass Wilhelm Liebknecht seine Erklärung ' wer parlementirt pactirt und wer pactirt trahirt' eingeschluckt hatte. Die deutschen Sozialisten haben Cohen diesen Artikel immer nachgetragen, und haben zum Beispiel vergebens versucht ihm noch Jahre später den Zugang zum Kongress der Sozialistischen Arbeiterinternationale in London im Jahr 1896 zu versperren.

    Cohen hatte geringe Einnahmen aus literarischen Übersetzungen. Für viele fortschrittliche Zeitschriften wie La révolte, Le revue de l'évolution, die einflussreiche La société nouvelle und auch für etablierte Monatshefte wie Mercure de France übersetzte er Texte des niederländischen Schriftstellers Multatuli. Als der junge belgische Multatuli-Experten Julius Pée (1871-1951) ihn im Juni 1893 nach seinen Multatuli-Übersetzungen in die französische Sprache befragte, konnte er schon eine ganze Reihe angeben (37). Cohen wollte fortschrittliche niederländische Literatur in Frankreich bekannt machen. Er war für die Multatuli-Rezeption in Frankreich und Deutschland um der Jahrhundertwende 1900 und in Deutschland der bestimmende Faktor. Es gab sowohl in Deutschland als auch in Frankreich eine Multatuli-Welle (1892-1902). In Frankreich war Alexander Cohen verantwortlich,  in Deutschland Wilhelm Spohr, wobei Alexander Cohen der Vermittler war.

    In der Auseinandersetzung während des dritten Kongresses der Sozialistischen Arbeiterinternationale in Zürich im Juni 1893 zwischen den freiheitlichen und den autoritären Sozialisten wählte Domela die Seite der Freiheitlichen. So notierte  Fénéon das in seinen Notizen 'Des Faits' [Tatsachen] in La revue anarchiste vom 18. August 1893: 'Sympathie für Domela Nieuwenhuis, der für uns protestiert hat.'(38)

    Die Schlüsselbegegnung in Paris war für Cohen jedoch das Zusammentreffen mit dem drei Jahre älteren  Kunstkritiker Félix Fénéon (1861-1944) (39), der im Verteidi- gungsministerium arbeitete und auch an der anarchistischen Zeitung L'endehors (Der Aussenseiter) von Zo d'Axa beteiligt war. Cohen hatte schon in 1891 seinen Artikel 'Filles et souteneurs' ['Nutten und Zuhälter'] (40) in L'endehors veröffentlicht. Fénéon korrigierte die Zeitung  jeden Woche  Donnerstag, Cohen begleitete ihn. Der Pamphletist  und anarchistische Journalist Zo d'Axa (1864-1930), Pseudonym von Alphonse Gallaud, war der Chefredakteur und Herausgeber von L'endehors, das kein anarchistisches Organ war wie zum Beispiel La révolte von Jean Grave (1854-1939), an der Cohen auch mitgearbeitet hatte. L'endehors hatte einen mehr legeren Ton als La révolte. Junge fortschrittliche Intellektueller und Künstler wie der Schriftststeller Octave Mirbeau (1848- 1917) (41), der Kritiker und Anarchist  Bernard Lazare (1865-1903), der  1894 nach dem Urteil über Dreyfus als erster an einem Fehlurteil dachte und auch darüber publizierte, selbstverständlich Félix Fénéon , der anarchistische Sozialist Augustin Hamon (1862-1945), Emile Henry, und der Dichter und Musiker Victor Barrucand (1866-1934) waren Mitarbeiter, Bekannter und Freunde von Alexander Cohen. (42)

    Wo Cohen Fénéon begegnet hatte, ist nicht bekannt, aber wahrscheinlich traf er ihn  im anarchistischen Speiselokal von Constant Martin in Montmartre im Herbst des Jahres 1892. Beide wohnten in der Rue Lepic in Montmartre (43), dem Quartier von fortschrittlichen Künstlern. In seinen Erinnerungen schreibt Cohen: 'Wir waren dicke Freunde, und wohnten nahe beieinander. Linguistisch und literarisch habe ich ihm viel zu verdanken, und was in mir an Gefühl für die Kunst schlummerte, ist von ihm hervorgerufen wurden. Vom ruhigen, feinen, bescheidenen Fénéon ging ein großer Charme aus, und von allen Entfremdungen, die sich im Laufe der Zeit vollzogen haben, ist die mit ihm die bitterste gewesen…. Adieu! Félix.' (44) Sie waren Busenfreunde, die einander tagtäglich sahen. Fénéon war 1880 nach Paris gekommen und seitdem mit allen neuen Entwicklungen in der Malerei und Politik eng verbunden. Fénéon stiftete mehrere Zeitschriften wie La libre revue (1883) und La revue indépendante (1884), in der er die litterarische Avantgarde wie Mallarmé und Rimbaud veröffentlichte und die Avantgarde in der Malerei verteidigte. Er schrieb über Maler wie Cézanne, Van Gogh, Seurat und Bonnard. Fénéon war auch Mitarbeiter des einflussreichen, fortschrittlichen Monatsheftes La revue blanche, ab 1896 war er Chefredakteur.

    Cohen hat in diesem Monatsheft in den Jahren 1897-1898 auch Multatuli-Übersetzungen veröffentlicht (45). Seit ihrer Begegnung las Fénéon Cohens Multatuli-Übersetzungen noch einmal und brachte manchmal noch Korrekturen an. Von 1904-1906 waren Cohen und Fénéon Mitarbeiter der großbürgerlichen Pariser Zeitung Le figaro, die Mitarbeiter von jeder politischen Richtung hatte (46).

    Cohen und Fénéon gehörten zu den theoretischen Anarchisten. Aber beiden waren auch mit aktiven Anarchisten wie mit dem jungen Emile Henry (1872-1894) (47) befreundet. Cohen hatte ihn im Spätsommer des Jahres 1892 in dem Speiselokal von Constant Martin kennen gelernt. Am 8. November 1892 hatte Henry in der eleganten Avenue de l'Opéra in Paris beim Hauptsitz von der Carmaux-Bergbaugesellschaft  ein Bombenattentat versucht. Die Bombe explodierte jedoch auf der Polizeiwache in der Rue des Bons-Enfants und der Täter blieb unbekannt. Cohen hatte viele Kontakte mit Henry, der manchmal  bei ihm  in der Rue Lepic (48) in Montmartre übernachtete. Seit 1893 las Cohen mit Fénéon die Korrekturen von l'Endehors. Das Attentat auf das großbürgerliche Café Terminus (49) im Jahr 1894 brachte Henry vor Gericht. Seine Aussage vor Gericht machte einen großen Eindruck und wurde von Cohen ins  Niederländische übersetzt (50). Cohen als Vermittler von fortschrittlichem Gedankengut.

    Cohen traf auch im Speiselokal van Constant Martin in Montmartre den Friedrichshagener Bernhard Kampffmeyer (1867-1942), der zu den Jungen gehörte. Die Jungen waren die links-radikale Opposition in der Sozialistischen Deutschen Arbeiterpartei (SDAP), die auch gegen den Parlamentarismus waren. Nach dem Parteitag in Erfurt (1891) traten viele aus der Partei aus: Bruno Wille, Albert Auerbach (51), Wilhelm Werner, der Drucker von Der Sozialist, Organ der unabhängigen Sozialisten (52),  und Bernhard Kampffmeyer. Auch Bernhard Kampffmeyer mietete ein Zimmer in der Rue Lepic, in der Nähe von Cohens Zimmer. Kampffmeyer war ebenso einer  den besten Freunde von Cohen in Paris und London. Er war finanziellbesser gestellt als Cohen und unterstützte ihn gelegentlich, da Cohen manchmal sogar seine Wäsche ins Leihhaus bringen musste. Kampffmeyer war zur  dieser Zeit ebenso Vermittler von fortschrittlicher Literatur und Politik Er war es sicherlich, der Cohen auf das Schauspiel Einsame Menschen von Gerhart Hauptmann (1862-1946) hingewiesen hatte, dass Cohen ins Französische übersetzte als Ames solitaires (53). Am 13. Dezember 1893 fand die Generalprobe von Hauptmanns Theaterstück im Theater Bouffes-du-Nord in Paris statt, aufgeführt von der Gruppe L'œuvre [die Arbeit] unter der Regie von Aurélien-Marie Lugné-Poe (1869-1940) (54). Die Uraufführung wurde verboten, weil Cohen  nach dem Bombenattentat auf das Palais Bourbon, das französische Abgeordenetenhaus, am 10.Dezember 1893 verhaftet worden war. Es gab eine Protestdemonstration zu seinen Gunsten, Emile Zola besuchte vergebens den französischen Innenminister und Lugné-Poe den französischen Kultusminister. Cohen wurde am 24.Dezember bei Nacht auf ein Boot nach England gesetzt.

    In London schrieb er einen Artikel über Hauptmanns Theaterstücke Vor Sonnenaufgang, Einsame Menschen und Die Weber, dass er im fortschrittlichen Wochenblatt Morgenrood 1895 veröffentlichte (55).

    Die Übersetzung veranlasste den Berliner Verleger Salomon Fischer selbst noch vier Jahre später die Urheberrechte von Cohen ein zu fordern. In einem unveröffentlichten Brief von Alexander Cohen an Félix Fénéon heisst es: 'Dieser Herr Paul Jonas oder Jonas Paul will wahrscheinlich meine Adresse haben um im Namen des Buchhändlers und Juden Fischer in Berlin die Urheberrechte für die Übersetzung von Einsame Menschen zu fordern. Paul und Moise Fischer können darauf lange warten… Sag ihm, wenn er dich nochmals fragt, dass ich in Wladiwostok Katzen züchte' (56).

    Rudolf Rocker, der in 1945 Cohen mit Lebensmittel aus Amerika unterstützte, gab in seinen Erinnerungen Aus den Memoiren eines deutschen Anarchisten (57) ein kritische Porträt von Cohens erste Pariser Periode: 'Dieser Cohen war ein Kapitel für sich, denn wenn er es schon verstand, auf fremde Kosten ein ziemlich freies und ungebundenes Leben zu führen, so musste man doch zugeben, dass der Verkehr mit ihm für manches entschädigte. Alexander Cohen war ein begabter und geistreicher Mensch, der die französische Sprache in Wort und Schrift beherrschte, wie man es selten bei einem Ausländer finden kann.' Rocker meinte, dass Cohen gut von seinen schriftlichen Arbeiten leben konnte. 'Doch er war ein geborener Zigeuner, dem jede Selbstzucht fehlte. Obgleich er außer dem Französischen  und seiner holländischen Muttersprache noch deutsch, italienisch, spanisch und malaiisch sprach, machte er von seinen Sprachkenntnissen nur selten Gebrauch und bequemte sich erst dann zur Arbeit, wenn er niemanden fand, der ihm etwas pumpen wollte. Er hatte diese Art des Lebens zu einer vollständigen Weltanschauung  entwickelt und war aufrichtig genug, mit seinen Grundsätzen nicht hinter dem Berge zu halten.'

     

    London: The torch of anarchy, die Familie Rossetti,

    Errico Malatesta, Peter Kropotkin

     

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    Alexander Cohen kam am 25. Dezember 1893 in der gastfreundlichen englischen Hauptstadt 'pretty' (58) London an. Auch der Friedrichhagener Bernhard Kampffmeyer flüchtete nach  London, wie so viele andere, die aufgrund der Jagd der französischen Polizei auf  Anarchisten mit ihrer Verhaftung rechnen mussten. Kampffmeyer fand ein Zimmer für Cohen in Percy Street, in der Nähe von Tottenham Court Road und Grafton Street, wo die Anarchisten ihr Lokal hatten (59). Cohen traf seine französische Lebensgefährtin Kaya Batut (60) letzten Endes auch in London. Cohen begegnete in der damaligen liberalen britischen Hauptstadt viele französische Anarchisten wie Zo d'Axa, italienische wie Errico Malatesta, russische wie Peter Kropotkin, deutsche bzw. österreichische wie Max Nettlau und vor allem englische: die junge Geschwister Olivia, Helen, Mary und Arthur Rossetti. Olivia und Helen Rossetti finanzierten  die Herausgabe von The torch of anarchy, a revolutionnary journal of anarchist-communism wie der Untertitel lautete. Olivia Frances Madox Rossetti (1875-1960) war die älteste Tochter  des  Kunstkritikers und  Schriftstellers William Michael Rossetti (1829-1919), der mit seiner Familie in einem großen Haus auf Primrose Hill (61) beim Hyde Park lebte. Cohen war dort oft zu Gast, aber die meiste Zeit verbrachte er im Torch-office in Ossulston Street, wo die Torch-Gruppe zusammen kam. William Michael Rossetti besorgte Cohen die Eintrittsgenehmigung für  den Reading Room des British Museum, jetzt British Library. Er schrieb am 27.September 1895 an den Bibliothekar: ' I have some personal knowledge of Mr. Cohen (who is perfectly well known to other members of my family), and I hereby certify that he is quite sure to make proper use of the Reading-room[…]' (62). William Michael Rossetti  war der Bruder des präraffelitischen Dichters und Malers Dante Gabriel Rossetti und der Dichterin Christina Rossetti. Helen Maria Madox Rossetti (1879-1969) war seine zweite Tochter, Mary Elisabeth Madox Rossetti (1881-1947) seine dritte. Der Sohn Arthur Rossetti hatte weniger politisches Interesse.

    In seinen Erinnerungen beschreibt Cohen das Torch-office in Ossulston Street (63), eine ärmliche Nebenstraße von Euston Road: unten die Druckerei, im ersten Stock das Redaktionsbüro, in dem auch eine Zeit lang, die Londoner Ausgabe der Père Peinard gemacht wurde. Der legere Ton von The torch erinnerte ihn an L'endehors. In der Druckerei hausten viele meist sonderliche Anarchisten, wobei die Mehrheit nicht aus dem Vereinigten Königreich kam, sondern aus Italien wie Edoardo Milano und Pietro Gori.

    Als er in London ankam, konnte Cohen sich noch nicht in der englischen Sprache ausdrücken, aber nach einem Jahr veröffentlichte er schon zwei fortschrittliche Artikel in The torch. Sein Artikel 'Oscar Wilde' (64) wählte die Seite des homosexuellen Schriftstellers, der wegen seiner Homosexualität  1895 zu zwei Jahren Zwangsarbeit verurteilt wurde, und er kritisierte die englische Hypokrisie in dieser viktorianischen Sittenauffassung.Er übersetzte Wildes Essay 'The soul of man under socialism' (65) in gekürzter Form. Seine Übersetzung erschien in Morgenrood (66). Cohen schrieb am 17. Oktober 1895 aus dem Redaktionsbüro von The torch an Domela Nieuwenhuis, dem Herausgeber von Morgenrood: 'Ich finde diesen Artikel ausgezeichnet und übersetzte das Fragment auch um nachweisen zu können dass der unglücklichen Oscar Wilde durchaus nicht der 'Bourgeois' ist, den manche engstirnigen Sozialisten oder Anarchisten in ihm sehen.'(67) Oscar Wildes Ansichten schließen an bei den Ansichten, die Cohen in seiner Antwort an Teodor de Wyzewa in Le Figaro formuliert hatte, aber Wilde's Ideen gehen noch weiter, was Cohen auch  mit seinem niederländischen Titel: 'Individualisme' betonte. Eine Entwicklung, die auch Cohen  nachvollzog. Oscar Wilde meinte: wir sollen die Gesellschaft so ändern, dass Armut unmöglich sein wird. Unter dem Sozialismus wird alles anders werden, jedes Mitglied der Gesellschaft wird seinen Anteil haben  an dem allgemeinen Wohlstand. Der Sozialismus hat an sich schon einen Wert, weil er zum Individualismus leitet. Der neue Individualismus, für den sich der Sozialismus unzweifelbar einsetzt, wird die vollkommene Harmonie sein. Er wird vollständig sein und jedermann kann mit dem Sozialismus seine ganze Entfaltung entwickeln. Wilde Schlussfolgerung lautet: der neue Individualismus ist der neue Hellenismus.

    Cohens Artikel 'The case of Mrs Eden' (68) war das erste Plädoyer in der englischen Sprache für das Recht von Frauen auf Abtreibung (Abortus). Weil Sarah Eden einer Frau bei einer gesetzeswidrigen Abtreibung geholfen hatte, und weil diese Frau dabei ums Leben kam, sprach der Richter das Todesurteil aus. Cohen sagte dazu: 'Now if at any time, there existed a right of property, then most indisputably it is that which a woman has over her unborn child. And would it be just as reasonable to hang a surgeon who, by amputating a broken limb, causes the death of his patient, as to condemn to death a Sarah Eden, under whose more or less experienced hands a woman dies after undergoing a so-called illegal abortion.

    But let us look at the question from an other point of view: the most important one. Why should not women, even when they are not in a weak state of health, as Mrs. Sinister [sic] is said to have been , and do not dread the physical pain of child-birth, abort, if they choose to do so. How, in such a case, can the interference of judges, as representatives of Society - that rotten abstraction - be justified?' Paul Robin (1837-1912), der sich stark machte für die Koedukation, wollte Cohen begegnen nach der Lektüre dieses Artikels. Der kommunistisch-anarchistische „Prinz“ W. Tscherkesoff (1846-1925), den Cohen in London begegnet hatte bei Kropotkin, brachte Cohen und Robin in London zusammen (69).

    Der kanadische Forscher Angus McLaren (70) meinte  1997, dass 'Cohen's defense of abortion , because of its daring originality, deserves quotation in full.', und er zitierte Cohens  Artikel vollständig in seiner Monographie The trials of masculinity. 'Daring originality' ist eine gute Charakteristik von Alexander Cohen.

    Cohen und seine Lebensgefährtin Kaya Batut verband eine warme Freundschaft mit Olivia, Helen und Mary Rossetti, wie man auch in seinen Briefen aus dem Amsterdamer Strafgefängnis  1896-1897 lesen kann (71), als auch in seinen Erinnerungen (72). Kaya Batut wohnte auch einige Zeit  im Haus der Rossetti's  auf Primrose Hill in London, während Cohen im Gefängnis war.

    In dem Roman A girl among the anarchists (73) von Isabel Meredith, laut Cohen ein Pseudonym von Olivia Rossetti (74), laut Jennifer Shaddock  jedoch ein Pseudonym von Helen und Olivia Rossetti (in dieser Folge) (75), und auch laut John Quail in seiner Monographie über die englische Anarchisten The slow burning fuse (76) ein Pseudonym von Olivia Rossetti, ist die Epoche der Torch of anarchy beschrieben. Alexander Cohen und John Quail haben unbezweifelbar Recht in ihrer Meinung, dass Olivia Rossetti den Roman geschrieben hat. Cohen aus erster Hand, Quail auf Grund seiner Forschung.

    Alexander Cohen  spielt im achtem Kapitel von diesem Roman 'The dynamitard's escape" eine Rolle als der Franzose Armand Silvestre. Silvestre  orchestrierte mit Erfolg eine Farce um die Verhaftung im Torch-Büro (77) eines französischen Anarchisten, der wegen eines Bombenattentats verhaftet werden sollte, zu verhüten (78). Seine Gefährtin Kaya Batut spielt eine Nebenrolle als Marie. Jennifer Shaddock hat in ihrer Einführung nur eine Analyse aus feministischer Sicht gemacht, aber keine Analyse aus historischer Sicht. Wir wissen also nicht wer, den französischen 'dynamitard' war, den Silvestre half.

    Alexander Cohen verbrachte wie Karl Marx und viele andere Revolutionären den Tag  im Lesesaal des British Museums in London. Dort begegnete er den Anarchist und Historiker des Anarchismus Max Nettlau (1865-1944), den er auch bei Kropotkin und selten im Lokal vom Torch traf (79). Nettlau war der Biograf (80) und Bibliograf von Michael Bakunin, dem anarchistischen Gegenspieler von Marx. Nettlau war auch ein Friedrichshagener. Er brachte  eine große Sammlung von Büchern, Zeitschriften, Dokumenten, Briefen und Archiven auf dem Gebiet des Sozialismus und Anarchismus zusammen. In seinen Erinnerungen (81) teilte Cohen mit, dass Max Nettlau seine Entscheidung, seine Sammlung dem British Museum zu vermachen, nach den Burenkriegen in Süd-Afrika zurückgenommen hatte. Im Jahr 1935 verkaufte Nettlau seine Sammlung an das Internationale Institut für Sozialgeschichte in Amsterdam, wo sie sich noch immer befindet.

    Als Cohen seine eigene Publikation De paradox in den Jahren 1897-1898  in Den Haag herausgab, war Nettlau Abonnent und  subventionierte er die Publikation. Später trafen sie sich in Paris. Nettlau ätzte ein kleines Porträt von Cohen: ' Er war ein witziger Kopf und verstand gewisse Großen der damaligen Kreise, besonders A[ugustin]. H.[amon]* und A[milcare]. C[ipriani]* köstlich zu verulken. Er hatte es auf die deutsche Sozialdemokratie abgesehen und schrieb jenen Artikel über die Produkte des Geschäftssozialismus, den er u.a. durch die Abbildung einer Schnapsflasche illustrierte,  die 'Proletarier aller Länder vereinigt euch' im Glasdruck zeigte; ich habe die Flasche selbst gesehen. Die Sozialdemokratie forderte durch ihren Dünkel solche Bloßstellungen heraus. Er schrieb später 'L'Allemagne irrespectueuse' (Revue blanche, 15.Nov. 1901, S. 413- 432) über die Simplizissimuszeit.' Nettlau war ein guter Beobachter, aber er irrte sich in den Beweggründen Cohens sich vom Anarchismus zu verabschieden: 'Unseren Kreisen fehlte zu sehr die Aufnahmefähigkeit für Witz und Satire und so ging er verloren. Ich kannte auch seine Schwächen, aber trotzdem war es schade um ihn und er hat seinen damaligen Freunden heitere Stunden bereitet.' (82) Die Analyse von Nettlau ist richtig. Cohen kannte zum Beispiel beide anarchistische russische Fürsten in ihrem Londoner Exil. Wegen seines Gefühls für Humor hatte er eine Vorliebe für Kropotkin, obwohl er auch Tscherkesoff einen noblen Menschen fand (83).

     

    Amsterdam - Paris 1896 -1907

     

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    Cohen konnte in London kein Geld verdienen, er hasste auch die schmutziggraue viktorianische Großstadt. In November 1896 ging er zurück nach Holland. Obwohl König Willem III. schon in 1890 gestorben war, sollte Cohen doch seine Gefängnisstrafe aussitzen, weil er - unabhängig wie er immer war - sich weigerte der jungen Königin Wilhelmina um Begnadigung zu bitten. In dem Strafgefängnis in Amsterdam entschied er sich für den Individualismus, eine Entwicklung, die schon in London in Gang war. Cohen blieb ein Radikal. Als die österreichische Kaiserin Elisabeth ermordet wurde von einem italienischen Anarchisten, schrieb Cohen in seiner Haager Publikation De paradox kein Artikel zum Andenken an die ermordete Kaiserin, sondern 'Voor [Für] Luccheni' (84). Cohen war nicht einverstanden mit dem Ziel, dass Luccheni gewählt hatte, trotzdem verstand er die Beweggründe des Mörders:die Unterdrückung durch die Polizei.

    Im Jahre 1899  kehrte er wieder nach Paris. Zwei Jahre später erschien sein Auswahl aus Multatuli unter den Titel Pages choisies mit einer Einführung von Anatole France (85). Cohen arbeitete als Auslandsredakteur für mehrere Pariser Zeitungen wie die fünf Groschenzeitung Le sou und Le figaro. Seine Sprachkenntnisse bestimmten ihn für solche Stellen.

    Ab 1906 wird er Auslandskorrespondent der Amsterdamer Zeitung De telegraaf in Paris. Cohen berichtete über die Korruption in der III. Republik und über den schnellen Regierungswechsel: jede neun Monate eine neue Regierung.

    Schon in 1900 begegnete er den  jungen Niederländischen Maler Kees van Dongen (1877-1968). Cohen fand für ihm eine Wohnung: 10, Impasse Girardon, Paris VIII.  Van Dongens  Zeichnungen hatten eine soziale Thematik: er war Mitarbeiter von Het volk, La revue blanche, Les temps nouveaux und L'asiette au beurre. Félix Fénéons kritische Aufsätze über sein malerisches Werk besorgten Van Dongen das grosse Erfolg als Maler. Ab 1904 war Van Dongen  ein bedeutender Maler in Paris, seine sozialen Ansichten spielten keine Rolle mehr.

    Im zweiten Band von seiner Picasso-Biografie erzählt der Amerikaner John Richardson (86), dass Picasso und seine damalige Geliebte Fernande Olivier  in 1907 ein kleines Mädchen adoptierten. Am 9. April 1907 gingen sie zu einem katholischen Waisenhaus in der Rue Caulaincourt (Montmartre) um ein Mädchen aus zu suchen. Sie wählten Raymonde, ein Mädchen, dass um die dreizehn Jahre alt war. Auch der französischer Schriftsteller André Salmon (87) gibt ihr Alter in seinem  fictionalen Bericht wie dreizehn. Nach Apollinaire war sie neun.  Eine Schönheit, die Tochter einer französische Hure, die in einem tunesischen  Freudenhaus arbeitete, gerettet von dem niederländischen Journalist Alexander Cohen. Apollinaire beschuldigte Cohen nach Richardson  mehr aus  eigener Interesse als aus Mitleid verfahren zu haben: die Cohens hatten das Kind gezwungen Geige spielen zu lernen so daß sie die Cohens in ihrem Alter amüsieren konnten mit ihrem Spiel. Als Raymonde kein muzikalisches Talent bessas, haben die Cohens sie im Stich gelassen. Raymonde ist nicht nachgewiesen in der Biographie von Cohen (88). Picasso, Salomon, Apollinaire und Richardson ist der Humor von Cohen entgangen. >

    Von Anarchist wird er Monarchist, von radikal links radikal rechts, und Anhänger der nationalistischen und monarchistischen Bewegung Action Française. Cohen konnte kein  Mitglied werden, weil er nicht in Frankreich geboren war. Diese Bewegung nam nie an der Regierung teil und hatte deshalb saubere Hände, die politische Analysen waren scharf und elegant geschrieben. Cohen war ein Gegner von Hitler und Stalin, und Anhänger von  Marschall Pétain, weil er in Verdun gesiegt hatte, aber auch ein Verteidiger von Pétain als Haupt des französischen Staates (die Vichy-Regierung) im zweiten Weltkrieg. Gegenüber Mussolini, Franco und Salazar war Cohen mild.

    Linksradikale wie Mussolini und Georges Sorel  haben im vorigen Jahrhundert oft radikal links und rechts gewechselt. Sie teilten ein revolutionäres Temperament und eine große politische Leidenschaft. Die Geschwister Olivia und Helen Rossetti wanderten nach Rom aus (89). Sie waren begeisterte Anhänger von Mussolini.

    RONALD SPOOR

     

     
     
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    A. Cohen, Courcelles sous Tréloup, 23 september 1923
     
     

    (1) Ronald Spoor, 'Jozef Alexander Cohen' in Biografisch woordenboek van het socialisme en de arbeidersbeweging in Nederland, Amsterdam, IISG, 1990, Band  4, S. 29-33.

    (2) Alexander Cohen, Brief vom 26. Januar 1890 an den Französischen Justizminister in: Alexander Cohen, Brieven 1888-1961 [herausgegeben von Ronald Spoor], Amsterdam 1997, S. 39-40.

    (3) Alexander Cohen, In opstand: met houtsneden van Georges Rohner, Amsterdam [1932], S.31.

    (4) Alexander Cohen, In opstand, S. 51-54.

    (5) Alexander Cohen, In opstand, S. 83-133.

    (6) Alexander Cohen, 'Multatuli-souvenirs' in De Amsterdammer, weekblad voor Nederland , 1. Mai 1910, auch in: Alexander Cohen, Uitingen van een reactionair (1896-1926): voorafgegaan door een schets van den persoon des schrijvers door een zijner vrienden [H.P.L.Wiessing]. Met een portret naar een teekening van Kees van  Dongen, Baarn 1929, S. 51-54, siehe auch In opstand [1932], S. 111. Über Cohen und Multatuli, siehe: Ronald  Spoor, 'De straatlucht van Multatuli: Alexander Cohen en Multatuli', zu erscheinen in der Zeitschrift Multatuli 52 (Frühling 2004). Über Cohen und Wiessing, siehe: Ronald  Spoor, 'Cohen en Wiessing: vakbroeders, vrienden en politieke vijanden'  in Nieuw letterkundig magazijn 9 (1991), 1 (Juli), S. 14-21.

    (7) v.L [von Leeuwarden, also: Alexander Cohen], 'MdR!' in Groninger weekblad, radicale courant voor Nederland, 1 (1887) 39 (25. Juni),weiter: C., 'Naar Indië',  1 (1887) 40 - 46 (2.Juli - 13.August), auch in Alexander Cohen, Uiterst links: journalistiek werk 1887-1896, herausgegeben von Ronald  Spoor, Amsterdam 1980, S.53- 68.

    (8) Alexander Cohen, Uiterst links, S.56.

    (9) In opstand, S. 136.

    (10) In opstand, S, 137.

    (11) In opstand, S. 137.

    (12) Seit 1886. Im Jahr  1879 erschien sie als Wochenblatt, siehe Ronald Spoor, 'Recht voor allen' in Uiterst links, S. 69-70.

    (13) Ronald Spoor, 'De bohémien en de burger: Alexander Cohen en Ferdinand Domela Nieuwenhuis 1887-1919' in Het oog in 't zeil 9 (1991), 1 (Oktober), S. 54-60, vormals erschienen in: De as 89 (März 1990), S. 3-13.

    (14) Siehe Marten Buschman und Marie Christine van der Sman (Herausgeber), Rode residentie: geïllustreerde geschiedenis van honderd jaar sociaal-democratie in Den Haag, Den Haag 1994.

    (15) Friedrich Engels an Laura Lafargue geb. Marx am 27. August 1889 in:  Karl Marx und Friedrich  Engels, Werke, Berlin 1891-1983, Band 57, S. 240 -241.

    (16) Die junge Königin Wilhelmina (1880-1962), Königin der Niederlande (1898-1948), hatte am 31. August  Geburtstag.

    (17) In opstand, S. 139.

    (18) Jan Meyers, Domela een hemel op aarde : leven en sterven van Ferdinand Domela Nieuwenhuis, Amsterdam [1993], S. 124-125.

    (19) Vgl. Uiterst links, S.14 und  'De bohémien en de burger' S. 54-55.

    (20) F. Domela Nieuwenhuis,Van christen tot anarchist, Amsterdam [1910], S.185.

    (21) Alexander Cohen, 'Verdediging - Cohen' in Recht voor allen 9  (1887) 110 (14 November), S. 1-2, auch in Uiterst links, S. 71-74.

    (22) F.Domela Nieuwenhuis, Van christen tot socialist, S. 202-203.

    (23) Emile Zola, Germinal, Paris 1885. Siebzehnter Roman aus dem Zyklus Les Rougon-Maquart: histoire naturelle et sociale d' une  famille sous le Second Empire. Zola schildert den Alltag, das Leben und Leiden der Bergarbeiter in Nord-Frankreich, sowie ihre Streiks und Kämpfe gegen die Bergbaugesellschaft und die Gendarmerie. Er zeigt den wachsenden Einfluss von Sozialismus und Anarchismus.

    (24) Alexander Cohen, Brieven 1888-1961, S. 64 und S. 696.

    (25) Alexander Cohen, 'Een ontboezeming' in Recht voor allen 10 (1888) 36 (23 März), S. 1-2, auch in Uiterst links, S. 77-85.

    (26) Emile Zola, Au bonheur des dames, Paris 1883. Fünfzehnter Roman aus dem Zyklus Les Rougon-Macquart. Im Kaufhaus Au bonheur des dames arbeitet eine junge Frau die eine Liebesbeziehung mit dem Inhaber hat. Zola beschreibt das Leben in der Mitte des 19. Jahrhunderts.

    (27) Siehe Alexander Cohen, Brieven 1888-1961, Amsterdam 1997, S.64 und S.  696.

    (28) In opstand , S. 160.

    (29) Siehe Alexander Cohen, Brieven 1888-1961,  Amsterdam 1997, S.40.

    (30) Emile Zola, 'Het bloed', uit het Fransch door Alexander Cohen' erschien in vier Fortsetzungen in Recht voor allen 12 (1890), von Nr.216 (14. und 15. September) bis einschließlich Nr. 234 (5.und 6.Oktober).

    (31) Souvarine [Alexander Cohen], 'Parijsche brieven I' , Paris 18.VIII.1888, in: Recht voor allen 10 (1888) 102 (27.August), S. 2, auch in Uiterst links, S. 88.

    (32) Alexander Cohen, In opstand, S. 155-168.,

    (33) Alexandre Cohen, 'Le juif et les révolutionnaires'.

    (34) Archiv von der Préfecture de la Police in Paris, dossier Alexandre Cohen.

    (35) Alexandre Cohen, 'À Monsieur le Rédacteur en chef du Figaro', in Le figaro, 12. Februar 1892. Auch in Alexander Cohen, Brieven 1888-1961, S. 40-42 und S.682-684.

    (36) lexandre Cohen, 'Les social démocrates et leur propagande' in Le figaro, 31. Mai 1893. Auch in Recht voor allen 17 (1895), 87 (23. Juli), S. 1-2.

    (37) Siehe Alexander Cohen, Brieven 1888-1961, S. 686, Anmerkung 2  beim Brief vom 6.Juni 1893 an Pée, und die Bibliografie von Cohens Multatuli-Übersetzungen ins französische in meinem Artikel 'De straatlucht van Multatuli: Alexander Cohen en Multatuli', zu erscheinen in Multatuli 52 (Frühling 2004).

    (38) Félix Fénéon, Oeuvres plus que complètes,textes réunis et présentés par Joan U. Halperin, Band II, Genf 1970, S. 934.

    (39) Siehe Joan Ungersma Halperin, Félix Fénéon, art et anarchie dans le Paris Fin de siècle, Paris 1991.

    (40) Alexandre Cohen, 'Filles et souteneurs' in L'endehors 26 (1891), S. 2-3.

    (41) Der Schriftsteller Octave Mirbeau engagierte sich später für die Wahrheit und Gerechtigkeit in der Angelegenheit des jüdischen Kapitäns des Französischen Generalstabes Alfred Dreyfus (1859-1935). Seine Romane Le jardin des supplices (1899) und Le journal d'une femme de chambre (1900)  sind Klassiker der französichen Literatur.

    (42) Cohen schrieb über d'Axa und das Lokal in dem L'endehors zusammengestellt  wurde im Kapitel XIII von In opstand, S. 197-206.

    (43) Fénéon lebte seit 1886 mit seinen Eltern in einem kleinen Appartement in der Rue Lepic 78.

    (44) In opstand, S. 30. Am 2. Juni 1894 schrieb Cohen an Domela über 'die Festnahme von Félix Fénéon, meinem besten Freund in Paris.', siehe Brieven 1888-1961, S. 73.

    (45) Brieven 1888-1961, S. 790.

    (46) Alexander Cohen, Van anarchist tot monarchist, verluchtingen door Leo Gestel, Amsterdam 1936, S. 187.

    (47) In demselben Brief an Domela vom 2. Juni 1894 nannte er auch Henry 'einen meiner besten Freunde', Brieven 1888-1961, S. 73.

    (48) Rue Lepic 59. Cohen mietete ein kleines Zimmer im sechsten Stock. In dem Haus war kein Aufzug wie das damals in den Pariser  Mietshäusern üblich war.

    (49) Das Café Terminus neben dem Bahnhof  St. Lazare in Paris gibt es noch immer.

    (50) Emile Henry, 'La déclaration' vor den Assisen in Paris am 27. April 1894 , wurde in der Übersetzung von Cohen  in einer Beilage des  niederländischen anarchistisch-kommunistischen Organs Anarchist 7 (1894) 54 ( 2. Juni) veröffentlicht.

    (51) Cohen begegnete Auerbach mehrfach in Paris , aber er hatte keine hohe Meinung von ihm, siehe den Brief an Domela vom  15. November 1893 in Brieven 1888-1961, S. 58. Auerbach hatte eine Broschüre von Domela, Die verschiedenen Strömungen in der deutschen Sozialdemokratie, Berlin 1892 aus dem Französisch übersetzt.

    (52) Wilhelm Werner (*1856) flüchtete im Februar 1892 aus Berlin nach London um sich der Verhaftung zu entziehen.

    (53) Gerhart Hauptmann, Ames solitaires, Fünfter Akt, in: Mercure de France, Teil 9 (1893), S.50-62. Cohens Übersetzung von Ames solitaires erschien in 1894 bei L. Grasillier in Paris.

    (54) Aurélien-Marie Lugné-Poe, La parade, Paris 1931. Im zweiten Teil, S. 64-65 beschreibt Lugné-Poe die Schwierigkeiten bei der Erstaufführung von Ames solitaires.

    (55) Alexander Cohen, 'Gerhart Hauptmann' in Morgenrood; 3 (1895), S. 220-222.

    (56) Alexander Cohen an Félix Fénéon, Amsterdam 2. Juli 1896. Das Zitat ist aus dem Französischen übersetzt. Der Brief von Cohen befindet sich in Archives Jean Paulhan in Paris.

    (57) Rudolf Rocker, Aus den Memoiren eines deutschen Anarchisten, Edition Melnikow/Duerr, 1974., S.96-100.

    (58) In opstand, S.255.

    (59) Van anarchist tot monarchist, S.17. In Grafton Hall kamen auch die Mitglieder des Communistischen Arbeiter-Bildungsvereins zusammen. Cohen lernte hier Ferdinand Gilles kennen.

    (60) Elisa Germaine Marie (Kaya) Batut, geboren am 28. September  1871, Tochter von Antoine Batut und Marie Batut geb. Blanc, in Coubison (dép. Aveyron) lebte seit dem 15. August 1893 mit Alexander Cohen. Sie war Kostümnäherin. Am 23. März 1918 heiratete sie Alexander Cohen im Rathaus des XVIII. Arrondissement von Paris (Montmartre).  Sie starb am 16.Oktober 1959 in  St. Roman de Bellet nach einem gelungenen Versuch ihren Mann am 10.Oktober bei einem Sturz von einer Treppe zu retten.

    (61) Das Haus  38, Edmunds Terrace, London  wurde im Zweiten Weltkrieg zerstört.

    (62) Brieven 1888-1964, S. 717.

    (63) Ossulston Street 127, siehe auch Van anarchist tot monarchist, S.28, mehr über The torch of anarchy, S. 25-37.

    (64) Alexander Cohen, 'Oscar Wilde' in The torch of anarchy 2 (1895-1896), 1 , S. 1-2. Siehe auch Van anarchist tot monarchist, S. 67-69.

    (65) Oscar Wilde, ‚The soul of man under socialism' in The fortnightly review 1891 (Band 49), S. 292-213.

    (66) 'Individualisme' in Morgenrood 3 (1895)  47 (S. 370-372) und 48 (S. 378-379).

    (67) Brieven 1888-1961, S. 107.

    (68) Alexander Cohen, 'The case of Mrs. Eden' in The torch of anarchy 2 (1895-1896), 7, S. 107.

    (69) Cohen beschrieb seine Begegnung in einem unveröffentlichten Brief von 20. November 1896 an Kaya Batut.

    (70) Siehe Angus McLaren, The trials of masculinity: policing gender 1870-1930, Chicago 1997, S. 81 - 84. Cohens Artikel 'Oscar Wilde' auf den Seiten 81-82.

    (71) Z.B. Brieven 1888-1961, S. 127-128. Die vielen Briefe von Olivia und Arthur Rossetti, die Cohen im Amsterdamer Strafgefängnis bekam, sind leider nicht aufbewart.

    (72) Van anarchist tot monarchist, S.93-94

    (73) Isabel Meredith, A girl among the anarchists, London 1903. Reprint mit einer 'Introduction to the Bison Book Edition by Jennifer Shaddock', Lincoln und London, [1993].

    (74) Van anarchist tot monarchist, S. 27.

    (75) A girl among the anarchists: introduction by Jennifer Shaddock, S. V.

    (76) John Quail, The slow burning fuse [the lost history of British anarchists], London [1978], S. 204.

    (77) In A girl among the anarchists heisst es Tocsin Office.

    (78) A girl among the anarchists , Kapitel VIII, S. 155-186. Armand Silvestre  wird vorgestellt auf  Seite 172, Marie auf Seite 173.

    (79) Van anarchist tot monarchist, S.40.

    (80) Max Nettlau, The life of Michael Bakunin. Michael Bakunin. Eine Biografie, London 1896-1900, drei Bände.

    (81) Van anarchist tot monarchist, S. 40.

    (82) Max Nettlau, Anarchisten und Syndikalisten (Geschichte der Anarchie, Band V), Vaduz 1984, S. 359.

    (83) Van anarchist tot monarchist, S. 41-42.

    (84) De paradox Nr. 14 (4.Juni 1898), S 161-163.

    (85) Multatuli, Pages choisies, traduites par Alexandre Cohen, préface d'Anatole France, Paris, Mercure de France, 1901. Eine zweite Auflage erschien im selben Jahr.

    (86) John Richardson in Zusammenarbeit mit Mary McCullin, A life of Picasso: Band II 1907-1917, The painter of modern life , London (1996), S. 29.

    (87) André Salmon, Souvenirs sans fin: deuxième  époque (1908-1920), Paris 1956, S. 328. Siehe auch Salmon, La négresse  du Sacré Coeur, Paris 1968 (ursprünglich: 1920), S. 167.

    (88) Cohen hat in den Jahren 1892-1903 kein Anzeige getan von einem Adoptivkind beim Standesamt  des  XVIII. Arrondissement  (Montmartre) in Paris . Mit freundlichen Dank an die Mairie vom XVIII. Arrondissement.

    (89) Die Verbindung von Cohen mit der Rossettis ging in den zwanziger Jahren verloren. In April 1949 wurde sie wieder hergestellt.

     

    Merci à Jérôme Anciberro & Gaël Cheptou

     

  • Figaro première

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    Alexandre Cohen

    et l'idolâtrie social-démocrate 

     

    Dans la série des documents concernant le publiciste frison Alexandre Cohen, voici le premier article - non dénué d'humour - qu'il a publié dans Le Figaro, journal dont il deviendra plus tard l'un des correspondants. Le texte a été transcrit et annoté par Gaël Cheptou.

     

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    Les Social-Démocrates

    et leur propagande (1)

     

    Le mouvement électoral bat son plein en Allemagne.

    Les partis politiques, de la Reichspartei (2) aux social-démocrates, déploient une fiévreuse activité et tout fait prévoir que ces derniers rentreront au Reichstag plus nombreux qu‘ils en sont sortis.

    Depuis 1884, le nombre de voix obtenues par les social-démocrates est toujours allé en augmentant dans des proportions considérables et de 540998 suffrages dévolus, cette année-là, aux candidats du parti, ils sont arrivés au chiffre de 1341587 lors des dernières élections générales, le 20 février 1890.

    Est-ce à dire, comme le prétendent les quatrième-étatistes français, que le socialisme mette en danger la forme gouvernementale de l’Allemagne et que les jours de l’Empire soient comptés ?

    La question est intéressante et, pour l’élucider, les manifestations extérieures du parti et ses procédés de propagande nous semblent avoir leur importance.

     

    Car il en est des groupements politiques comme des individus. Ils se caractérisent extérieurement par des tics, des manies, des ridicules, qui, pour l’observateur superficiel, ne sont qu’amusements, mais qui, interprétés, fournissent à l’historien d’utiles éléments pour une enquête plus profonde : c’est sur le canevas de l’anecdote qu’un jour sera brodée l’histoire du boulangisme.

    Les chefs social-démocrates qui se sont tant gaussés de l’engouement du peuple français pour le panache d’un général, font eux-mêmes, en Allemagne comme ailleurs, tout ce qui est en leur pouvoir pour se mettre en relief par quelque peu de charlatanisme.

    Peu leur importe que l’adulation de leurs personnes, ouvertement encouragée par la fraction social-démocrate du Reichstag (3), soit contraire aux principes essentiels de ce socialisme qu’ils prétendent toujours professer. Cette doctrine est, en effet, ou plutôt était, impersonnelle et égalitaire et n’admettait nullement l’élévation d’une individualité quelconque au-dessus des masses populaires.

    Or, tout cela a changé. Au cours des années les Bebel et les Liebknecht (4) – pour ne citer que les deux chefs les plus connus du socialisme allemand – ces fougueux et intransigeants révolutionnaires d’antan, sont devenus de plus en plus modérés et de plus en plus ambitieux. L’ambition surtout de M. Bebel est légendaire dans le parti et incommensurable. Ses succès électoraux réitérés, l’influence qu’il a acquise sur les foules par une éloquence facile, l’ont complètement grisé, nous dirions volontiers : ahuri. Plus jeune que Liebknecht – appelé couramment : « le vieux soldat » par ses amis – il a depuis longtemps refoulé au second plan ce dernier, qui est moins habile et moins fort politicien. L’amitié grande que partout ils affichent n’est qu’apparente et seul l’intérêt du parti – de la fraction – les contraint à dissimuler leur animosité réciproque.

    Considérés universellement comme faisant contrepoids au pouvoir quasi-absolu de l’empereur, ils ont créé un Etat dans l’Etat avec son Parlement, ses décrets, sa presse, sa police, ses nominations, ses révocations et « last not least » son caporalisme outrancier.

    Tous les « Genossen » (citoyens) marchent au doigt et l’œil et ils sont menés à la baguette. Toute tentative d’opposition contre le despotisme du comité directeur est immédiatement et rigoureusement réprimée.

    « Wer nicht zufrieden ist, fliegt hinaus ! » Voilà la devise de M. Liebknecht, qui est plus spécialement chargé de la police du parti. « Qui n’est pas content, à la porte ! » Que dans une réunion où pérore un membre de la « fraction » ou un orateur officiellement investi, un malencontreux contradicteur ouvre la bouche, et aussitôt des centaines de mains s’abattent sur lui pour le mettre dehors avec toute la délicatesse due à un adversaire. Comme on voit, l’infortuné n’a même pas le temps voulu pour devenir « contradicteur » de fait.

     

    *

    *   *

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    Alexander Cohen (portrait publié en 1894)

     

    Ce que, dans de pareilles conditions et dans un tel milieu, deviennent « l’éducation libertaire et l’émancipation du peuple », inscrites dans tous les programmes social-démocrates qui se respectent et ressassées à tous les congrès, on le devine aisément.

    Les exclusions du parti pour cause d’ « indiscipline » sont très fréquentes et comportent souvent les plus graves préjudices matériels pour les victimes de ces mesures de rigueur. Parfois, cependant, l’excommunication est rapportée. Un M. Bruno Geiser, gendre de Liebknecht, exclu du parti il y a dix ans, vient d’être solennellement réhabilité sur la proposition de son beau-père et il a repris son rang dans les cadres (5). Ne faut-il pas laisser une porte ouverte au repentir ?

     

    Nulle part on ne trouve autant d’étroitesse d’esprit et de pharisaïsme que dans le parti social-démocrate allemand, qui, cependant, se targue d’être le parti le plus avancé de l’Empire.

    Un exemple entre mille :

    Quelques temps avant la scission du parti et la sortie en masse des « jeunes » (6), il avait été question de poser la candidature de M. Werner (7) dans la circonscription Feltow-Beskow-Storkow. Mais M. Werner était père d’un enfant naturel ! Et quoiqu’au su de tout le monde il subvint largement aux besoins de l’enfant et de la mère, il fut jugé indigne d’un mandat électoral à cause de son « immoralité notoire ».

    Quant au niveau intellectuel du parti, on peut s’en faire une idée si l’on sait que, sur la demande de ses lecteurs, le Vorwaerts, le moniteur officiel du 4e Etat allemand, dut cesser la publication en feuilleton de Germinal, jugé trop « immoral ».

     

    Les instruments de propagande correspondent à merveille aux préoccupations de parti et à l’intellectualité des leaders.

    Des innombrables objets servant, sinon à propager des idées, au moins à populariser messieurs les chefs, nous nous sommes procurés quelques types. Ils sont si invraisemblables parfois que nous aurions hésité à les mentionner si nous n’avions pu les mettre sous les yeux du public.

    Nous exposons donc cette collection dans la salle des dépêches du Figaro.

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    Voici d’abord une grande tasse sur laquelle s’épanouit la niaise figure de M. Singer, le financier et le financeur du parti. (Cette figure rappelle, favoris en plus, le banquier que Lautrec nous montre dans une de ses violentes et satyriques affiches). D’une absolue insignifiance, M. Singer s’est acquis, grâce à sa situation matérielle, une place prépondérante dans le comité directeur (8). Il est troisième dans la trinité : Bebel-Liebknecht-Singer.

    Les petits social-démocrates, aussitôt sevrés, boivent leur lait et leur chocolat dans les tasses-Singer, Dreesbach, Auer, Molkenbuhr (9)... afin de se familiariser, dès le début de leur carrière, avec l’effigie des grands hommes. En outre on les débarbouille avec du « savon du peuple » (Volksseife) qui porte, en relief, les traits bien-aimés des membres de la « fraction ». Ce savon nous paraît quelque peu corrosif, à en juger d’après l’odeur. Mais cela ne l’empêche pas de se vendre beaucoup, débité par les épiciers qui pullulent dans le parti et colporté dans les campagnes par des propagandistes-hygiénistes. Jusqu’ici, cependant, aucun décret officiel n’a rendu obligatoire le décrassage au « savon du peuple ».

    Innombrables sont les variétés de pipes et de porte-cigares socialistes. Nous en exhibons quatre spécimens : une grande pipe en porcelaine avec les portraits de MM. Bebel, Lassalle (10), Singer et Liebknecht, aux yeux tirés, aux yeux pochés. Ces messieurs ont l’air de sortir d’un terrible combat... ou des affres d’un ballotage. Un Bebel en écume de mer, agrémenté d’un petit cordon vert, un Lassalle encadré de fer-blanc sur fond bleu jaspé et un porte-cigare en merisier avec la photographie microscopique des trente-six députés socialistes, complètent notre collection fumivore.

    Nombreuses également sont les boites à allumettes en fer-blanc, pourvues, bien entendu, des portraits des chefs du parti.

    Nul social-démocrate bien pensant qui ne porte, dimanches et jours de fête, une paire de grotesques boutons de manchettes en cuivre, illustrés naturellement, et une épingle de cravate.

    La parure des citoyennes n’est pas non plus négligée. Elles portent des broches et des boucles d’oreille en verroterie ou en ambre, munies d’une célébrité quelconque.

    Les fidèles s’adressent leurs souhaits à l’occasion du nouvel an, d’un anniversaire ou d’un mariage, au moyen de cartes mirobolantes, estampillées de portraits qu’encadrent des lauriers. Au-dessus, la devise : Durch Kampf zum Sieg (par la lutte à la victoire) et au-dessous : Die besten Glückwünsche (les meilleurs souhaits).

    Comme la propagande ne perd jamais ses droits, même auprès des ivrognes, un ingénieux verrier socialiste a mis dans la circulation des flacons à « schnapps » avec des inscriptions empruntées à l’Evangile des social-démocrates : das Kapital. Le nôtre porte les deux devises suivantes : Ihr habt die Macht in Handen wenn Ihr nur einig seid ! (Unis, vous aurez le pouvoir), et : Proletarier aller Länder vereingt euch ! (Prolétaires de tous les pays, unissez-vous). Marx a-t-il voulu dire que les braves social-démocrates doivent s’unir autour d’une bouteille de schnapps pour conquérir l’univers ?

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    August Bebel (1840-1913), Deutsches Bundesarchiv

     

    D’autres flacons portent en relief les traits austères de Bebel et de Liebknecht, surmontés de deux mains fraternellement serrées. Et lorsqu’un citoyen offre un « petit Liebknecht » à un coreligionnaire, celui-ci accepte avec empressement. C’est un petit verre d’eau-de-vie, versé chez un cabaretier du parti – ils fourmillent ! – d’une bouteille « fractionnelle ».

    Rien n’échappe à la folie décoratrice et fétichiste des social-démocrates : cannes, parapluies, lampes, encriers, pendules, foulards, montres. Des cadrans enluminés de portraits sont très fréquents. Il y a des montres Bebel, Lassalle, Marx et Singer ; et, pour la modique somme de deux marks, on peut faire peinturlurer, sur un chronomètre encore neutre, le chef de ses rêves.

    Des canevas en carton, à devises brodées et à médaillons enguirlandés de fleurs séchées, font souvent face, dans les intérieurs socialistes, au chromo de l’empereur et aux images saintes. Le socialisme allemand est essentiellement éclectique et parvient à concilier les choses les plus disparates. Aussi les chefs du parti ne se prononcent-ils jamais contre l’empereur ni contre l’Eglise. Ils sont bien avec tout le monde et nullement intransigeants.

    Surtout dans ces derniers temps, l’idolâtrie social-démocrate a revêtu des formes absolument inouïes. Aucun parti politique, dans aucun pays et à aucune époque, n’a poussé à un tel excès le culte des personnes.

     

    Un M. Auguste Heine (11), fabricant de chapeaux à Halberstadt, a lancé dans le commerce toute une série de couvre-chefs. Il y a le chapeau « Demokrat », le « Congress », le « Gleichheit » (Egalité), le « Maifeier » (Fête de mai) et enfin le chapeau « Auf zur Wahl » (Allons voter !). Tous ces chapeaux, nous dit l’alléchant prospectus de la maison, sont munis de plumes rouges et garnis – intérieurement ! – des masques obsédants des « hommes populaires les plus éprouvés ». Ces « hommes populaires » ne sont autres que les députés social-démocrates, et l’inventeur de toute cette chapellerie, M. Auguste Heine, étant lui-même membre de la fraction socialiste au Reichstag, vend couramment des « melons » avec, au fond, sa propre image. Voilà donc ces messieurs directement à l’œuvre !

    C’est ce même Heine qui adressait à ses principaux électeurs, à la suite d’un discours qu’il avait prononcé au Reichstag, une carte postale ainsi libellée : « J’ai prononcé un grand discours. Immense succès : Bismarck est écrasé. Je recommencerai demain. A. Heine » (12). On se demande pourquoi M. Heine, après avoir « écrasé » le prince de Bismarck, voulait encore s’acharner sur la victime.

     

    La gloire chapelière de M. le député socialiste Heine avait banni le sommeil du chevet d’un brave cordonnier de Mayence, le citoyen Braun. Au chapitre des chapeaux, il opposa le chapitre des... pantoufles. Ce pilier du quart-Etat fournit aux électeurs des pantoufles illustrées. On peut voir, dans la salle des dépêches, une paire d’énormes pantoufles, décorées d’un Liebknecht très rébarbatif. Tellement, qu’il en est presque méconnaissable. En outre, l’éclat de ces luxueuses chaussures est rehaussé par des drapeaux rouges écartelés d’une croix – sans doute pour piper les socialistes-chrétiens – et par des têtes de requins qui, vues de près, ont une vague ressemblance avec des bonnets phrygiens.

    Il n’est pas rare, les jours d’élection, de voir galoper aux urnes, en rangs serrés, des citoyens coiffés de feutres « Allons voter » et chaussés de pantoufles-Liebknecht ou Bebel.

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    Wilhelm Liebknecht (1826-1900)

     

    *

    *   *

     

    Il est de toute évidence que, si le comité directeur voulait mettre un terme à ces pratiques, il n’aurait qu’à s’y montrer formellement hostile. (Rien ne serait plus facile. Nous nous rappelons que, il y a quelques années, un fabricant de cigares de La Haye demanda à M. Domela Nieuwenhuis (13) l’autorisation de mettre en vente des « cigares-Domela ». M. Nieuwenhuis refusa catégoriquement et tout était dit.)

    Lorsqu’au congrès d’Erfurt un délégué des « jeunes » interpella M. Bebel à ce sujet, celui-ci répondit que ses collègues et lui ne croyaient pas devoir intervenir (14).

     

    D’ailleurs, les chefs social-démocrates ne nous paraissent pas se rendre bien compte du ridicule dont continuellement ils se couvrent. C’est ainsi que dans l’ordre du jour réglant le Congrès de Zurich qui doit avoir lieu au mois d’août prochain, on peut lire ceci :

    4° « Les représentants au bureau des différentes nationalités désignent parmi eux et pour chaque jour DEUX PRESIDENTS D'HONNEUR »

    Voit-on ces présidents d’honneur réglementairement imposés par des « démocrates » et des « égalitaires » ?

     

    *

    *   *

     

    Les craintes, qu’à un moment donné le socialisme a pu inspirer au gouvernement, sont depuis longtemps dissipées.

    L’empereur Guillaume s’est montré fort habile, le jour où il a mis à la retraite M. de Bismarck et où il a renoncé aux lois d’exception contre les social-démocrates. Ces derniers s’en sont montrés reconnaissants et de plus en plus ils ont abandonné leur tactique d’opposition farouche.

    A plusieurs reprises ils ont même offert, par la bouche autorisée de M. Liebknecht et du haut de la « tribune nationale », leur concours au gouvernement, pour aider à mettre à la raison les « perturbateurs », « jeunes » ou anarchistes. Il y a quelques mois, M. Liebknecht offrait de capturer, si on voulait seulement mettre à sa disposition quelques policiers et une couple de « paniers-à-salade », tous les anarchistes du territoire (15). Pieds et poings liés il les déposerait sur le bureau de la Chambre ! (M. Andrieux n’inventait donc rien lorsqu’il faisait ses offres de services au gouvernement pour arrêter Arton).

     

    Pendant les émeutes de février 1892, lorsqu’à Berlin, à Dantzig et à Hanovre des bandes de meurt-de-faim pillaient quelques boulangeries et boucheries – émeutes provoquées, d’après le témoignage même des journaux « bourgeois », par une effroyable misère – M. Liebknecht écrivait, dans le Vorwaerts, que ces émeutiers étaient de la « canaille » et des « souteneurs », et que les socialistes convenables n’avaient rien de commun avec cette lie de la population sortie d’on se sait où. Plus royaliste que le Roi – qui s’était contenté, pour la répression de quelques charges de police –, M. Liebknecht rappela aimablement que pendant les révolutions de 1848 et de 1871, on collait tout simplement au mur les pillards, « an die Mauer gestellt und erschossen » (16).

    ImageCohenFigaro16.png

    Pillage d’un magasin de denrées coloniales,

    Berlin, soir du 25 février 1892

    (Illustrierte  Zeitung, n° 2541, 12 mars 1892, p. 27)

     

    En temps d’élection, le langage de ces messieurs est tout autre. La « lie de la population, sortie d’on ne sait où », devient alors subitement estimable, et les candidats sollicitent à qui mieux mieux les suffrages de ces souteneurs de la veille.

    Dans son prospectus électoral, distribué cette semaine à Halle, M. Kunert député social-démocrate sortant, dit :

    « ...Donc tous dehors ! Toi, prolétariat, sors de tes caves, de tes mansardes, de tes tanières ! ».

    « Descends dans la rue, pâle misère, et montre-toi à la bourgeoisie effrayée. Conquiers, ton bulletin de vote à la main, un autre sort ! Ne te laisse pas rogner encore plus ton peu de droits, ton droit d’élire tes représentants au Reichstag, mais conquiers encore plus de droits politiques ».

     

    Tout comme M. Bebel a la haine du Russe, contre lequel, de temps à autre, il prêche la croisade, M. Liebknecht a la haine de l’anarchiste. L’anarchiste est sa terreur, son cauchemar. Oublieux d’avoir écrit : « Qui parlemente transige et qui transige trahit (Wer parlementiert pactirt und wer pactirt trahirt) » (17), il traite « d’anarchistes » tous ceux qui pensent aujourd’hui comme il pensait lui-même en d’autres temps. Et, pour M. Liebknecht, d’anarchiste à « mouchard », il n’y a que l’épaisseur d’un cheveu.

     

    Il est vrai que la fâcheuse habitude d’appeler « mouchards » des adversaires ne lui est pas spéciale. Nous voyons tous les jours le même phénomène se produire en France, surtout chez les marxistes qui, en ceci comme en tout le reste, copient servilement le maître : Marx.

    Nous nous rappelons, à ce propos, une anecdote que nous tenons d’un compagnon d’exil de Bakounine.

    Marx et Bakounine, longtemps avant la grande brouille de 1872, fréquentaient l’un et l’autre chez George Sand. Marx qui déjà redoutait la concurrence du précurseur anarchiste, répandait sur son compte les bruits les plus perfides. A George Sand il avait confié que Bakounine était un agent provocateur et un policier international. Elle n’en crut rien. Mais un jour que tous deux étaient chez elle, indignée de voir Marx s’entretenir amicalement avec Bakounine, elle dit brusquement à celui-ci :

    - Savez-vous que M. Marx parle de vous comme d’un agent provocateur ?

    Une explication s’ensuit : Marx essaye d’abord de nier le fâcheux propos ; mais mis au pied du mur par George Sand, il finit par avouer en disant que c’était une plaisanterie. Son attitude fut tellement piètre que Bakounine eut pitié de lui ; il pardonna à Marx sa petite infamie, l’engageant cependant à ne plus recommencer (18).

     

    Les organes officiels de la « fraction », le Vorwaerts en tête, insinuent que les « jeunes » dont font partie MM. Auerbach, Kampffmeyer, Werner, Wildberger et Bruno Wille (19) – pour la plupart déjà connus en France par les articles de M. de Wyzewa dans le Figaro (20) – sont des « mouchards », ou que, pour le moins, ils sont payés par les « bourgeois » pour désorganiser le parti et faire échouer les candidatures social-démocrates (21).

    Or, on a pu en juger, les leaders du parti donnent l’impression d’une navrante médiocrité, nullement faite pour inspirer la moindre frayeur au bourgeois. Seuls, parmi les trois douzaines de députés du quatrième état, MM. von Vollmar et Schippel (22) sont d’une intelligence supérieure, ce qui, du reste, est la raison principale pour laquelle leurs collègues les détestent cordialement.

    M. Schippel, qu’un jour M. Bebel déclara vouloir « écraser », « pulvériser » (zertreten, zerschmettern !), et qui vient de purger une condamnation à plusieurs mois de prison pour délit de paroles, est un écrivain de talent, épris de choses d’art.

    Or, être artiste ou avoir des goûts artistiques est considéré comme folie pure dans les milieux social-démocrates où, sous prétexte de « science », on ne professe autre chose qu’un matérialisme des plus grossiers.

     

    « Le socialisme est une question de ventre et de sous-ventre » – voilà l’élégante formule donnée par un des chefs collectivistes français (23).

    Les social-démocrates allemands y ont ajouté la si troublante question des pantoufles.

     

    ALEXANDRE COHEN

     

    P.S. – Les objets de propagande socialiste dont M. Cohen parle dans son article seront exposés à partir de demain dans notre Salle des dépêches.

     

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    Recueil d'articles d'Alexandre Cohen

    couvrant trente années de journalisme

     

    (1) L’article d'A. Cohen a paru dans Le Figaro du 31 mai 1893, p. 3.

    (2) La Reichspartei était un parti conservateur prussien qui représentait les intérêts des grands propriétaires terriens et des industriels. Elle fut un soutien inconditionnel de Bismarck, notamment lorsque celui-ci fit adopter une législation d’exception contre la social-démocratie entre 1878 et 1890 (Sozialistengesetz).

    (3) Le terme de « fraction » désigne le groupe parlementaire du parti social-démocrate.

    (4) August Bebel (1840-1913) : ouvrier tourneur, puis petit patron, il fut l’un des fondateurs du parti social-démocrate allemand dont il fut jusqu’à sa mort le plus grand dirigeant, et occupa une place de premier plan dans le mouvement socialiste international. Wilhelm Liebknecht (1826-1900), surnommé le « soldat de la révolution », instituteur et journaliste, fonda avec Bebel le parti social-démocrate.

    (5) Bruno Geiser (1846-1898), journaliste et député de 1881 à 1887, fut l’un des meneurs de l’aile réformiste du parti social-démocrate. En 1887, après avoir refusé d’approuver l’organisation d’un congrès clandestin par le parti - et suite à la faillite de la publication Die Neue Welt (le Nouveau Monde) qu’il dirigeait -, il se vit retirer toutes ses fonctions officielles… qu’il retrouva cinq plus tard. Liebknecht dira que Geiger, qui était aussi son gendre, avait été son plus grand malheur.

    (6) Après la levée des lois d’exception contre les socialistes (1890) se forma au sein du parti social-démocrate une opposition dite des « Jeunes » contre la direction. Elle reprochait aux dirigeants un trop grand légalisme et un attachement immodéré au parlementarisme. Les principaux meneurs furent exclus au congrès d’Erfurt en 1891. Ils fondèrent alors l’Association des socialistes indépendants. Une partie d’entre eux finit par rejoindre le giron social-démocrate ; les autres par passer dans le camp anarchiste.

    Voici une liste de ses griefs contre les « vieux » dirigeants :

    1) L’esprit révolutionnaire du parti est systématiquement tué par certains chefs.

    2) La dictature exercée étouffe tout sentiment et toute pensée démocratique.

    3) Le mouvement entier a perdu de plus en plus son allure virile [sic] et il est devenu purement et simplement un parti de réformes à tendances « petites-bourgeoises ».

    4) Tout est mis en oeuvre pour arriver à une conciliation entre prolétaires et bourgeois.

    5) Les projets de loi demandant une législation ouvrière et l’établissement de caisses de retraite et d’assurances, ont fait disparaître l’enthousiasme parmi les membres du parti.

    6) Les résolutions de la majorité de la fraction sont généralement adoptées en tenant compte de l’opinion des autres partis et classes de la société et facilitent ainsi des virements à droite.

    7) La tactique est mauvaise et néfaste.

    Voir Ferdinand Domela Nieuwenhuis, « Les divers courants de la démocratie socialiste allemande », in : Le socialisme en danger, Paris, Stock, 1897, p. 26.

    (7) Wilhelm Werner (1859-1941), ouvrier imprimeur, adhéra à la social-démocratie en 1883. Délégué au congrès de fondation de la II. Internationale à Paris en 1889, il fut candidat aux élections en 1890 dans la circonscription de Teltow (Berlin). Leader des « Jeunes », éditeur du Sozialist, il devint l’un des pionniers du mouvement anarchiste en Allemagne. De 1894 à 1915, il résida en Angleterre avant de rentrer à Berlin. Au congrès d’Erfurt (1891), Werner fut exclu du parti.

    CouvPaulSinger.jpg(8) Depuis 1885, Paul Singer (1844-1911), riche industriel berlinois, était membre de la direction du parti social-démocrate. C’est grâce à sa fortune que le parti avait pu en 1884 se doter d’un organe central (Berliner Volksblatt). A partir du congrès de Halle en 1890, il devint l’un des deux présidents du parti. Très populaire, il fut député de 1884 à sa mort.

    (9) August Dreesbach (1844-1906), ébéniste, puis petit commerçant, fut député au Reichstag de la ville de Mannheim.

    Ignaz Auer (18746-1907), ouvrier sellier de métier ; membre influent de la direction du parti ; député réformiste à partir des années 1890.

    Hermann Molkenbuhr (1851-1927), ancien ouvrier cigarier, émigré aux Etats-Unis entre 1881-1884 ; journaliste, haut responsable du parti social-démocrate, il fut député au Reichstag entre 1890 et 1918.

    (10) Ferdinand Lassalle. (1825-1864). Socialiste autoritaire, national et réformiste, F. Lassalle fonda en 1863 l’Association générale des travailleurs allemands (Allgemeiner Deutscher Arbeiterverein), qui fusionna en mai 1875, à Gotha, avec le Parti ouvrier social-démocrate (« marxiste ») d’A. Bebel et de W. Liebknecht, fondé à Eisenach, en août 1869.

    (11) August Heine (1842-1919), chapelier de Halberstadt, député de 1884 à 1887 et de 1890 à 1893, fut l’un des dirigeants de l’aile réformiste du parti. Il compta ses premiers clients parmi les sociaux-démocrates de Halberstadt : le premier mai, « on reconnaissait les sociaux-démocrates à leurs chapeaux à large bord qu’ils avaient achetés dans la Haute-rue, chez le chapelier August Heine ». Ses chapeaux eurent un tel succès qu’il se décida à faire paraître dans la presse socialiste des annonces publicitaires. Heine put ainsi développer un système de vente par correspondance, « une symbiose originale entre publicité commerciale et agitation politique » selon l’un de ses descendants ! Cf. K. Heinrich Heine, Damals in Halberstadt. Die Schicksale einer demokratischen Familie von 1800 bis 1950, Karlsruhe, Corona Verlag, 1981, pp. 102-103.

    (12) C’est avéré. Voir Horst Karasek, Belagerungszustand ! Reformisten und Radikale unter dem Sozialistengesetz 1878-1890, Berlin, Wagenbach, 1878, p. 130 (Magdeburger Volksstimme, n°245/1891).

    PhotoFerdinandDomelaNieuwenhuis.jpg(13) « Ma vie est l’évolution d’un pasteur un peu croyant à un anarchiste par voie de la libre pensée et de la social-démocratie, un dévelop- pement des idées graduellement et organiquement ». C’est en ces termes que Ferdinand Domela-Nieuwenhuis (1846-1919), socialiste libertaire hollandais, résumait son évolution intellectuelle dans une lettre adressée à Victor Dave le 28 avril 1907. Présent au congrès du parti social-démocrate allemand à Halle (1890), il se prononça en faveur des « Jeunes » et devait reprendre leurs positions contre W. Liebknecht au congrès international de Bruxelles en 1891. Cf. F. D. N., Die verschiedenen Strömungen in der deutschen Sozialdemokratie, traduit du français par Albert Auerbach : Les divers courants de la démocratie socialiste allemande (Bruxelles, 1892), Berlin, O. Harnisch, 1892, 31 p. ; Bert ALTENA, « Kritik wegen der Praxis. F. Domela-Nieuwenhuis und der Marxismus » [A l’origine de la critique : la praxis. F. D.-N. et le marxisme], in : Marcel van der Linden (éd.), Die Rezeption der marxistische Theorie in den Niederlanden, Trèves, Kral-Marx-Haus, 1992, pp. 47-85.

    (14) L’exposition de Cohen correspondait à l’une des principales critiques à l’égard des « vieux » dirigeants, « le culte de la personnalité », au sein du parti. Au congrès d’Erfurt en 1891, deux délégués avaient déposé la motion qui suit : « Considérant qu’il y va de la dignité et de l’intérêt du parti que de lutter contre le culte des personnes, le congrès considère qu’il est nécessaire de restreindre la diffusion d’images représentant des camarades encore vivants sous quelque forme que ce soit ; qu’à l’avenir il ne sera plus fabriqué ou vendu d’objets avec de telles illustrations par des membres du parti ; à leur place doivent circuler des représentations allégoriques en rapport avec les efforts du prolétariat ou, à la rigueur, des images de camarades disparus ». L’un d’eux précisa : « Ces derniers temps, on retrouve partout, à chaque occasion, des fume-cigare, des cannes de marche, des images, des timbres, etc. avec les portraits des actuels députés. Le congrès doit déclarer sans ambiguïté qu’il désapprouve de tels usages ». Mais cette proposition fut repoussée après un discours de Bebel qui, pourtant d’accord sur le fond, estimait qu’il était utile de diffuser les portraits des grands chefs pour satisfaire la curiosité (!) des prolétaires allemands. Cf. Wilhelm Schröder, Handbuch der sozialdemokratischen Parteitage von 1863 bis 1909, Munich, G. Birk u. Co., 1910, pp. 420-421.

    (15) La citation est sans doute empruntée à l’étude de Ferdinand Domela Nieuwenhuis, Le socialisme en danger, op. cit., p. 22.

    (16) Dès l’année 1891, Berlin avait été le théâtre d’importantes manifestations d’ouvriers réduits au chômage. Ces assemblées de chômeurs avaient, à plusieurs reprises, adopté des résolutions qui furent toutes repoussées par les autorités municipales. Et, en février 1892, une réunion organisée par des ouvriers du bâtiment au chômage fut suivie de pillages à Berlin pendant près de deux jours. Le Vorwärts, l’organe du parti social-démocrate, décrivit ces émeutes de la faim comme étant l’œuvre de « canailles » et du « Lumpenprolétariat » et, dans un appel aux ouvriers berlinois publié le 27 février, enjoignait de rester à l’écart des troubles pour ne pas discréditer les « efforts légitimes de la classe ouvrière ». Voir « Lettre d’August Bebel à Friedrich Engels du 27 février 1892 », in : August Bebels Briefwechsel mit Friedrich Engels, herausgegeben von Werner Blumenberg, Londres-La Haye-Paris, Mouton, 1965, pp. 513-516 et « Lettre de Friedrich Engels à August Bebel du 8 mars 1892 », in : Ibid, pp. 516-521 ; Eduard Bernstein, Die Berliner Arbeiterbewegung 1890-1905, Berlin, Dietz Nachf., 1924, pp. 177-178.

    Engagée dans les luttes de chômeurs, les Socialistes Indépendants condamnèrent avec virulence les déclarations du Vorwärts et organisèrent des meetings de protestation : « Si la social-démocratie se plaît à représenter les repus, nous autres, nous défendrons encore plus énergiquement la cause des affamés. Nous n’avons pas peur d’être traités de "protecteurs du Lumpenprolétariat" : nous sommes sûrs que c’est là notre voie. Mais la social-démocratie repue doit s’attendre à être bientôt dévorée par ce prolétariat mourrant de faim ». (« Die Sozialdemokratie und die Arbeitslosen », Der Sozialist, 6 mars 1892).

    Au congrès du parti à Berlin en novembre 1892, le délégué Wartmann proposa la motion suivante : « Le congrès désapprouve la conduite du Vorwärts dans l’affaire de février et récuse fermement le terme de "Lumpenprolétariat", car ainsi il ne semble pas exclu que nous nous considérions comme appartenant à une catégorie supérieure de prolétaires. » Liebknecht se chargea de répondre : « Le mot lumpenprolétariat est un terme scientifique, il a été employé d’abord par Marx en opposition au prolétariat révolutionnaire qui affronte en tant que classe, avec conscience de classe, la classe dominante [...]. Le Lumpenprolétariat, ce sont les déclassés, les victimes du capitalisme qui n’ont pas été refoulées dans la classe ouvrière, les réprouvés dont les moyens de subsistance sont, d’après la morale dominante, souvent malhonnêtes. Ceux que l’on appelle les Ballonmützen [Casquettes à soufflets] appartiennent au lumpenprolétariat. Je ne sais pas si les délégués de province [sic] savent ce que sont les Ballonmützen. Ce sont les souteneurs, ceux qui vivent de la prostitution, ceux qui exploitent la femme poussée à la prostitution par la société pour mener la belle vie. Ce sont des exploiteurs qui, de notre point de vue, ne sont pas plus mauvais que les autres, mais des exploiteurs quand même, et le prolétariat révolutionnaire combat toute exploitation et tous les exploiteurs ». Voir Wilhelm Schröder, Handbuch, op. cit., p. 559.

    (17) Wilhelm Liebknecht, « Über die politische Stellung der Sozialdemokratie, insbesondere mit Bezug auf den Nordddeutschen ‘Reichstag’ (1869) », in : Kleine politische Schriften, Francfort/Main, Röderberg, 1976, pp. 14-30, ici p. 18 : « Wer mit Feinden Parlamentelt, parlamentiert ; wer parlamentiert, paktiert ».

    Couvbakounine1.jpg(18) Amédée Dunois, dans son Michel Bakounine [Portrait d’hier – Les hommes du jour, 1er juin 1909], écrit : « Quand, le 12 juin [1848], la lutte se fut engagée dans les faubourgs de Prague entre le peuple soulevé et l’armée impériale du féroce Windischgraetz, Bakounine, plantant là le congrès, saisit un fusil et se jeta dans la mêlée. Il combattit jusqu’au dernier moment et ne consentit à s’enfuir que lorsque tout espoir fut perdu. Il réussit à gagner Breslau. L’atroce calomnie qui le représentait comme un agent du gouvernement russe l’y attendait : elle émanait du journal socialiste que Marx éditait à Cologne. Bondissant sous l’injure, Bakounine exigea des preuves ; et comme Georges Sand avait été mise en cause par le calomniateur, il en appela à son témoignage. Celui-ci fut formel : jamais la romancière n’avait mis en doute la loyauté de caractère ni la franchise d’opinion du révolutionnaire russe. Marx, en fin de compte, dut désavouer son informateur ». Voir aussi la mise au point récente de Wolfgang Eckhardt sur cette affaire, premier grand différend entre Marx et Bakounine : « Bakunin, Marx und George Sand: Die Affäre "Neue Rheinische Zeitung" (1848) », IWK, Nr. 3, 2001, pp. 281–369.

    (19) Albert Auerbach (disparu en 1925), l’un des meneurs du mouvement des commis de magasin, présenta au nom des « Jeunes » les revendications de l’opposition lors du congrès d’Erfurt.

    Paul Kampffmeyer (1864-1945), publiciste, l’un des meneurs de l’opposition, resta cependant dans le SPD, évoluant vers le révisionnisme, et devint un auteur très prolixe sous la république de Weimar.

    Carl Wildberger (1855-1939), ouvrier tapissier de Berlin, fut exclu en même temps que W. Werner ; il réintégra, quant à lui, le parti socialiste en 1902.

    Bruno Wille (1860-1928), écrivain-philosophe et dramaturge, co-fondateur en 1890 de la Freie Volksbühne. A partir de 1892, il dirigea le journal des libres-penseurs allemands, Der Freidenker.

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    T. de Wyzewa par J.-E. Blanche, détail

    (20) Les articles de Teodor de Wyzewa (1862-1917, Théodore-Etienne de Wyżewski dit), musicologue, écrivain et traducteur d’origine polonaise, qui ont paru dans le Figaro entre le 12 juillet et le 14 octobre 1891, ont été rassemblés dans un ouvrage : Le Mouvement socialiste en Europe, les hommes et les idées, Paris, Perrin, 1892, 283 p. (sur les « Jeunes » : « Les origines du schisme - Bruno Wille », pp. 75-92 et « Les jeunes socialistes - M. Werner et ses compagnons », pp. 93-108). Voir la critique qu’en fit l’organe des Socialistes Indépendants : « Sozialistische "Portraits" aus und von einem bürgerlichen Pinsel », Der Sozialist, 10 avril 1892 : « Nous étions encore sous le choc des récentes émeutes de la faim, lorsque le livre de Th. de Wyzewa, Le mouvement socialiste en Europe, nous tomba entre les mains. Sa lecture nous a fait beaucoup rire et comme joie partagée compte double, nous avons décidé d’en faire profiter nos lecteurs ». Le livre de Wyzewa, constitué d’une série de portraits des « meneurs » socialistes, est en effet bourré de clichés, de confusions et d’erreurs parfois comiques [Wilhelm Werner ressemble à un étudiant pauvre, Bruno Wille à l’empereur Guillaume II., etc.]

    (21) Le conflit tomba très vite, en effet, au niveau de l’invective : au congrès de Halle en 1890, le délégué Grillenberger déclara qu’à Berlin – le fief des « Jeunes » – « sur trois camarades, on était jamais sûr de ne pas tomber sur un mouchard ». Cf. Wilhelm Schröder, Handbuch, op. cit., p. 422.

    (22) Georg von Vollmar (1850-1922) : ancien officier, d’abord social-démocrate de gauche, il évolua vers le réformisme à partir des années 1890. Vollmar fut député de 1881 à 1886 et de 1890 à 1918. Il était surnommé le « roi non couronné de Bavière », son fief électoral.

    Max Schippel (1859-1928), économiste, social-démocrate depuis 1886, fut l’un des porte-parole des « Jeunes », avant de devenir, à partir du tournant du siècle, l’un des théoriciens en vue du réformisme. Schippel fut député de 1890 à 1905.

    (23) Il s’agit ici sans doute de Jules Guesde (1845-1922), fondateur du Parti Ouvrier Français.