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  • Le Juif et les révolutionnaires

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    Alexandre Cohen passe à l’attaque

     

     

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    Alexandre Cohen et sa mère Sara Jacobs, 1868

     

    Il y a 150 ans, jour pour jour, naissait Jozef Alexander Cohen – plus connu sous le nom d’Alexandre Cohen – à Leeuwarden, en Frise. À cette occasion, nous reproduisons quelques documents dont l’un des premiers textes que l’anarchiste a publié en français un peu plus de six mois après son installation à Paris, alors qu’il avait fui son pays natal et qu’il avait été expulsé de Belgique.

    Attaque2.pngPublié le 5 janvier 1889 dans L’Attaque. Organe Socialiste Révolutionnaire, l’article dénonce, avec la fougue que l’on connaît au Néerlandais, l’antisémitisme de la gauche radicale française ; il est dirigé contre un fidèle collaborateur de ce même hebdomadaire. Émile Violard, qui devait donner l’ouvrage Le banditisme en Kabylie (1895) puis plusieurs études sur la Tunisie, avait en effet, une semaine plus tôt, fourni une contribution intitulée « En Algérie. Le Juif » (L’Attaque, 29 décembre 1888) qui commençait par ces lignes « C’est là la vraie plaie de l’Algérie. Partout on rencontre le Juif, on le sent dans tous les coins ; ça grouille, ça remue, ça foisonne ; ça vend son vote, ses complaisances, comme Esaü vendait son droit d’aînesse », se poursuivait en enfonçant le clou : « Étonnez-vous, après cela, des émeutes périodiques dirigées contre les marchands de lorgnettes. Mais ce qui nous surprend, nous, c’est que tous ceux qui ont dans les veines autre chose que de l’orgeat, Français ou Arabes, n’aient pas encore jeté à la mer ces fils d’Israël, ces accapareurs du commerce et de la finance, ces crapuleux mendiants qui s’approprient au moyen de complaisances coupables, les plus belles propriétés de l’Algérie ! », avant de se terminer par des invectives empruntées à La Juiverie algérienne (1888), livre d’un autre socialiste anarchiste, Fernand Grégoire : « Mort aux Juifs ! Arrière le peuple de Jéhovah ! »

     

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    LE JUIF ET LES RÉVOLUTIONNAIRES

     

    L’Attaque est véritablement révolutionnaire, c’est-à-dire essentiellement indépendante : je puis donc y écrire quelques lignes en réponse à une étude sur le Juif en Algérie du citoyen Émile Violard paru dans le dernier numéro du journal.

    Pourquoi pousser un cri de haine contre le Juif et vouloir l’extermination de sa race ?

    Athée et socialiste révolutionnaire, d’origine israélite, — juive si vous voulez, – je déteste et hais dans n’importe quel peuple, n’importe quelle race, n’importe quelle classe, la rapacité, l’usure et le vol, bref tous les vices dont la pourriture de la société actuelle est la seule et unique cause. Mais de là à exiger la mort d’une race, d’un peuple entier, il y a loin. Supprimez la propriété individuelle — qui est la cause — et les conséquences disparaîtront forcément avec elle.

    Nous autres, révolutionnaires, nous luttons journellement contre les maux de la société, et c’est là notre devoir, mais nous n’avons pas le droit, — et moins que n’importe qui, humanitaires que nous sommes — de poursuivre de notre haine, de notre mépris, les victimes des institutions sociales.

    A. Cohen (1894, à Londres)

    attaque3.pngPour les Juifs, qui, pendant de longs siècles ont été persécutés, humiliés, chassés de partout, enfermés comme des pestiférés dans les ghettos et de force séparés des autres peuples, et qui, dans ce dix-neuvième siècle, sont encore contemplés comme une race inférieure, la seule revanche, la seule compensation dans le Moyen Âge, a été : amasser de l’or, dominer par les richesses acquises leurs impitoyables persécuteurs, les voir à leurs pieds.

    Aux Indes Néerlandaises, les Chinois jouent encore aujourd’hui le même rôle envers les pauvres Javanais, que le gouvernement de rastaquouères des Pays-Bas leur livre corps et âme, pour les voler et les empoisonner avec de l’opium. Le trésor néerlandais se trouve très bien de ces libéralités et les fonctionnaires du dit gouvernement aussi. Mais est-ce que cela nous autorise à demander l’extermination des Chinois et à vouer à l’anéantissement toute la race jaune ?

    Dans cette époque de putréfaction bourgeoise et de vomissure boulangiste, les consciences se troublent. Certains socialistes, oubliant les juifs Spinoza, Heine, Marx et Lassalle, semblent revenir à des idées et des théories victorieusement réfutées, même par les précurseurs de la bourgeoisie du siècle dernier. La conception esclavagiste « des races supérieures et des races inférieures » est irrévocablement condamnée par les socialistes. Elle ne saurait donc être émise aujourd’hui, vingt-quatre ans après la fondation de l’Internationale, où les paroles inaugurales de cette association de travailleurs furent qu’on poursuivrait l’égalité de tous les êtres humains, sans distinction de race, de couleur et de sexe.

     

    ALEXANDRE COHEN

    L’Attaque, 5 janvier 1889

     

     

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    gravure sur bois de Georges Rohner illustrant l’édition originale de

    In opstand (1932), premier volume des souvenirs de Cohen    

     

     

     Dans la tourmente :

    A. Cohen salué en tant que traducteur

      

    En 1893, A. Cohen a transposé en français sous le titre Âmes Solitaires la pièce de Gerhart Hauptmann Einsame Menschen que Lugné-Poë souhaitait monter ; le Hollandais connaissait le metteur en scène depuis un certain temps et faisait partie des figurants – « avec Fénéon, avec Barrucand, avec plus ou moins tous les collaborateurs de L’En-dehors, et avec une équipe de fidèles du Père Peinard » – du quatrième acte de L’Ennemi du peuple d’Ibsen joué le 11 novembre de la même année. Au moment de la « première » dont parle le jeune critique bruxellois Hippolyte Fierens-Gevaert (1870-1926) dans la chronique ci-dessous, Cohen venait d’être arrêté dans le cadre de la répression des menées anarchistes qui, à la suite de l’attentat de Vaillant du 9 décembre 1893 au Palais Bourbon, devait déboucher sur le retentissant procès des Trente ; qui plus est, le Préfet de police n’allait pas tarder à interdire la représentation d’Âmes Solitaires. Dans un volume de ses souvenirs (In Opstand), le publiciste précise, non sans se tromper légèrement sur la date : « L’interdiction portait moins d’ailleurs sur la pièce que j’avais traduite que sur la personnalité du traducteur qui, le soir de la générale, le 15 ou le 16 décembre, était sous les verrous. » Des auteurs, dont Paul-Napoléon Roinard et Zola, allaient s’employer en faveur du Hollandais.

    alexander cohen,alexandre cohen,anarchisme,antisémitisme,emile violard,algérie,l'attaque,frise,leeuwarden,anniversaire,pays-basToute cette affaire a occupé un certain temps les parlementaires français. Plusieurs périodiques – entre autres Les Annales politiques et littéraires du 28 janvier 1894 – rapportent que « sans une histoire de lettres saisies par la police chez M. Alexandre Cohen, et contre la lecture desquelles les socialistes et l’extrême gauche ont vivement protesté », la prise de parole par le député, médecin et écrivain Paul Vigné d’Octon (1859-1943), n’eût probablement pas fait beaucoup de bruit. « L’auteur de Chaire noire et d’Eternelle blessée a raconté, non sans esprit d’ailleurs, la pièce de Gerhart Hauptmann. C’est une espèce de drame bourgeois, où les personnages échangent des vues sur l’amour immatériel, et qui met en scène l’éternelle lutte du devoir et de la passion. Elle n’a rien de bien subversif en soi ; elle est peu dangereuse et comme l’a très spirituellement dit M. Denys Cochin : ‘‘mieux valait la laisser jouer, elle ne l’eût pas été longtemps ; au bout de quelques représentations les âmes solitaires auraient été celles des spectateurs’’. » Ces mêmes journaux de caricaturer les opinions du Hollandais, inconditionnel de toujours de la France : «  Ce que l’on a voulu surtout, en l’interdisant, c’est empêcher une manifestation des anarchistes, prévenir une apothéose que nous aurions à regretter. En effet, M. Alexandre Cohen professe à l’égard de la France, cette France si généreuse pourtant, si accueillante aux étrangers, des sentiments profondément hostiles. Dans les lettres de lui qui ont été lues par le ministre de l'intérieur, il dit ‘‘qu’il n’a pas assez de crachats pour elle’’, il bafoue l’alliance russe, il traite le maréchal de Mac-Mahon, de ‘‘vieil équarrisseur’’ et ces injures ne sont pas les moindres ; il en est dans sa correspondance, de plus grossières, de plus odieuses : nous les passons, par respect pour le lecteur. »

     

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     Le Journal des débats politiques et littéraires, 14 décembre 1893

     

     

     

    A. Cohen détenu à Amsterdam

     

    L’article suivant évoque le séjour en prison qu’a effectué Cohen à Amsterdam en 1896-1897, après son exil londonien et l’annulation de sa condamnation à 20 ans de travaux forcés : « M. Alexandre Cohen, ce jeune homme de lettres hollandais, traducteur des œuvres de Gérardt (sic) Hauptmann, qui fut expulsé comme anarchiste, puis compris dans le fameux procès des Trente et condamné par défaut à vingt ans de travaux forcés, était revenu récemment en France pour se faire juger sérieusement. Avant-hier, il comparaissait devant la cour d’assises et était acquitté sans grands débats. Mais si M. Cohen a été absous par les jurés, il ne l’a pas été par la police… » (« Expulsion d’Alexandre Cohen. Après l’acquittement, ré-expulsé », Le Radical, 2 septembre 1895).

    Multatuli, par F. Vallotton, La Revue Blanche, 1896

    alexander cohen,alexandre cohen,anarchisme,antisémitisme,emile violard,algérie,l'attaque,frise,leeuwarden,anniversaire,pays-basLa plaidoirie de Me Georges Desplas ainsi que les explications par forcément sincères du prévenu (« Interrogé par le président, il s’est exprimé à peu près en ces termes : ‘‘Je suis Hollandais. Condamné à six mois de prison pour crime de lèse-majesté envers le roi des Pays-Bas, j’ai passé en Belgique, puis je suis venu en France, j’ai collaboré à l’En-dehors, toutefois je n’y ai écrit qu’un seul article. J’ai connu intimement Fénéon et Kampffmeyer, mais dans mes entretiens avec eux il n’a jamais été question d’anarchie. Au moment du procès des XXX, j’étais expulsé de France, j’habitais Londres, j’ai vainement demandé un sauf-conduit pour venir me défendre à côté de mes camarades, que vous avez acquittés. Aujourd’hui, je fais appel à votre justice.’’ » [« L’un des Trente », Le Radical, 1er septembre 1895]) l’emportèrent donc sur le réquisitoire de l’avocat général qui n’avait pourtant pas omis de rappeler l’amitié qui liait Cohen à Émile Henry.

    En novembre 1887, arrêté à La Haye pour majesteitsschennis (insulte à l’égard de la personne du roi Guillaume III qu’il avait traité de « Gorille ! »), l’anarchiste avait été condamné à six mois de prison, peine qu’il n’effectua donc que près de dix ans plus tard puisqu’il avait, à l’époque des poursuites, fui la Hollande. Le chroniqueur salue l’action de Cohen en faveur des lettres bataves ; il allait bientôt donner des pages de Multatuli à la Revue blanche

     

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    Le Radical, 1er septembre 1896 / 15 Fructidor an 105

     

     

     

  • Forces occultes aux Indes néerlandaises

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    Un roman de Louis Couperus

    lu par Alexandre Cohen

     

     

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    S’il existait un concours pour « récompenser » la couverture la plus hideuse de l’histoire de l’édition française, celle de La Force des ténèbres (1) – roman « indonésien » de Louis Couperus (1863-1923) – entrerait en lice avec à coup sûr, à la clé, un premier ou un deuxième accessit. À n’en pas douter, elle aurait affligé l’auteur, homme raffiné extrêmement soucieux de l’aspect que revêtaient ses publications : une bonne part de la correspondance qu’il a échangée avec son éditeur porte sur ces questions esthétiques.

    Stille0.pngLe volume qu’a tenu entre ses mains le critique Alexandre Cohen, paru sous le titre De stille kracht à Amsterdam chez L.J. Veen en novembre 1900, ressemblait sans doute à la reproduction ci-contre (de cette première édition que l’on doit à Chr. Lebeau, il existe différentes reliures). Quand il le reçoit à Paris où il est de retour depuis peu après son exil londonien et un séjour forcé en Hollande, il a déjà eu l’occasion de lire l’œuvre grâce à la prépublication offerte par le périodique De Gids (prépublication qu’il annonce dans la livraison du Mercure de France de juillet 1900 en traduisant le titre par « Les Forces Mystérieuses »). Cohen ne semble pas avoir réellement goûté les romans de Louis Couperus. Un style trop précieux, trop melliflue sans doute pour ce rebelle qui, marqué par la lecture des œuvres de Multatuli, préférait une veine plus caustique.

    Louis Couperus

    Louis Couperus, Alexander Cohen, Alexandre Cohen, De stille kracht, La force des ténèbres, Indonésie, Java, Insulinde, littérature, Mercure de France, Pays-Bas  Il exprime plusieurs réserves auxquelles H. Messet – qui a tenu après lui la chronique des lettres néerlandaises pour le Mercure de France – viendra en ajouter quelques-unes. Ce dernier reconnaît certes à l’écrivain haguenois « richesse de l’imagination », « éclat et velouté de la langue » ainsi qu’« une assez grande virtuosité ». À ses yeux, Couperus « possède à un haut degré l’art de la composition, et c’est bien quelque chose. Il ne manque pas non plus d’un certain talent épique, je veux dire que, dans un même roman, il sait, comme Tolstoï, faire vivre un assez grand nombre de personnages, chacun dans sa propre sphère. Il l’a prouvé jadis dans Eline Vere et récemment encore dans les Livres des petites âmes. On pourrait lui reprocher d’abuser de ce don, mettant quelquefois dans un seul roman autant de personnages que d’autres, et de plus vraiment épiques, en mettent dans tout un cycle. » Mais le chroniqueur – qui porte son admiration sur Israël Querido – lui reproche son emphase, son clinquant, une absence « de profondeur philosophique » : « C’est brillant, oh ! très brillant ; mais souvent cela ressemble étrangement à un beau feu d’artifice ; tant qu’on voit ces soleils tournants et ces lumineuses fusées on admire, on est ébloui parfois ; mais l’impression n’est pas durable ; on s’en revient un peu désillusionné, les sens seuls ont joui, l’âme à peine a été effleurée. » (H. Messet, « La littérature néerlandaise après 1880 (suite) », Mercure de France, 1er décembre 1905, pp. 357 et 358). H. Messet admet toutefois que Louis Couperus a été l’un « des premiers à parler en artiste ému des Indes et de leurs habitants » (« Lettres néerlandaises », Mercure de France, 1er mai 1906, p. 153). (2)

    une des nombreuses rééditions

    louis couperus,alexander cohen,alexandre cohen,de stille kracht,la force des ténèbres,indonésie,java,insulinde,littérature,mercure de france,pays-basOn ne sera pas trop surpris de voir Alexandre Cohen proposer une lecture essentiellement politique de De stille kracht – les passages qu’il donne en traduction sont assez révélateurs (3) –, histoire qui privilégie pourtant la belle langue et dont le vrai sujet, ainsi que le rappelle Jamie James (4), est « la mystique des choses concrètes sur cette île de mystère qu’est Java ». À l’époque, Cohen a en grande partie renoncé à ses convictions anarchistes pour défendre un individualisme forcené. Bien qu’il soit à la veille d’entrer au service du Figaro, il demeure profondément révolté par bien des injustices ; pour ce qui est de la politique coloniale menée par son pays d’origine en Insulinde, son indignation dépasse celle de son maître à penser Multatuli (5).

    Cohen rentrant des Indes, avril 1905

    louis couperus,alexander cohen,alexandre cohen,de stille kracht,la force des ténèbres,indonésie,java,insulinde,littérature,mercure de france,pays-basSes prises de position tiennent pour une part au traitement que lui ont réservé la justice française (Procès des Trente) et la justice hollandaise (six mois de prison pour outrage à la personne du roi Guillaume III), mais elles ont surtout leurs sources dans ce qu’il a vécu en Indonésie : « L’expérience fondamentale à la base de son choix de l’anti-autoritarisme fut son séjour, entre 1882 et 1887, dans l’armée royale des Indes néerlandaises (Koninklijk Nederlandsch-Indisch Leger, KNIL). En raison de ses manquements à la discipline – savoureusement décrits dans ses souvenirs –, Cohen passa trois de ces cinq années dans des prisons militaires. » (6) Les épreuves en question et l’impétuosité de sa nature (7) expliquent sans doute le ton de sa recension du roman de Couperus. Si ce livre revêt une certaine valeur, nous dit-il en quelque sorte, c’est parce qu’il prophétise la fin de la période coloniale. Alexandre Cohen a vécu suffisamment longtemps pour célébrer, près d’un demi-siècle plus tard, depuis Toulon, la fin de la domination batave sur l’archipel indonésien. À moins qu’il n’ait opéré entre-temps un revirement sur cette question comme il a pu le faire sur bien d’autres.

    une des traductions en anglais

    louis couperus,alexander cohen,alexandre cohen,de stille kracht,la force des ténèbres,indonésie,java,insulinde,littérature,mercure de france,pays-basLa stille kracht ou « force silencieuse », « traduc- tion du malais guna-guna, désigne les pratiques de magie noire qui sont au centre d’une intrigue où transparaissent les inquiétudes coloniales hollandaises […] Le protagoniste, Van Oudijck, consciencieux résident de la région de Labuwangi, à Java, va déchaîner la ‘‘force silencieuse’’ en demandant la destitution d’un haut fonctionnaire javanais corrompu. Aussitôt, des phénomènes inexplicables vont accabler sa famille. Il parviendra un moment à les juguler, mais son épouse Léonie va alors se livrer à la débauche. Son inconduite va finalement provoquer le démembrement et le déshonneur de sa famille. En butte à l’hostilité javanaise et à la corruption de son propre milieu familial, Van Oudijck renonce à ses idéaux. Il finit par démissionner pour se retirer dans un village de Java en compagnie d’une jeune métisse ». (8)

    D.C.

     

    (1) Louis Couperus, La Force des ténèbres, traduit du néerlandais par Selinde Margueron, préface de Philippe Noble, Paris, Le Sorbier, 1986. Il existe une nouvelle traduction anglaise de la main de Paul Vincent : The Hidden force, Pushkin Press, 2012. Paul Ver- hoeven projette de porter le roman à lécran.

    louis couperus,alexander cohen,alexandre cohen,de stille kracht,la force des ténèbres,indonésie,java,insulinde,littérature,mercure de france,pays-bas(2) Il faudra semble-t-il attendre un J.-L. Walch pour entendre une voix vraiment enthousiaste dans le Mercure de France : « J’ai déjà précédemment parlé de la grande diversité de cet écrivain : Herakles en est un nouveau témoignage. C’est un récit dans lequel l’auteur nous fait pénétrer à sa suite dans le monde mythologique. Toute l’Antiquité revit dans sa grâce, sa clarté, sa beauté puissante et consciente d’elle-même. C’est le monde mythique dans toute sa joie, dans sa splendide candeur. Toute grandiloquence est évitée ; le sujet est traité d’une façon réaliste. L’auteur y donne libre cours à la joie que lui-même il éprouve à créer ces fables, et l’élan qui l’anime nous fait oublier la longueur de son récit. La langue si fine et si sensible de Couperus maniée avec la plus grande souplesse détaille toutes les nuancés de sa pensée. Des livres comme Dionysos et Herakles représentent des spécimens tout à fait isolés dans notre littérature ; aucune œuvre ne peut leur être comparée. » (« Lettres néerlandaises », Mercure de France, 16 novembre 1914, p. 869.)

    Couperus en Indonésie (1899)

    louis couperus,alexander cohen,alexandre cohen,de stille kracht,la force des ténèbres,indonésie,java,insulinde,littérature,mercure de france,pays-bas(3) Alexander Cohen traduit  quelques phrases de la section 2 du chapitre 4 : « En het is alsof de overheerschte het weet en maar laat gaan de stuwkracht der dingen en afwacht het heilige oogenblik, dat komen zal, als waar zijn de geheimzinnige berekeningen. Hij, hij kent den overheerscher met eén enkelen blik van peildiepte; hij, hij ziet hem in die illuzie van beschaving en humaniteit, en hij weet, dat ze niet zijn. Terwijl hij hem geeft den titel van heer en de hormat van meester, kent hij hem diep in zijn democratische koopmansnatuur, en minacht hem stil en oordeelt hem met een glimlach, begrijpelijk voor zijn broeder, die glimlacht als hij. Nooit vergrijpt hij zich tegen den vorm van de slaafsche knechtschap, en met de semba doet hij of hij de mindere is, maar hij weet zich stil de meerdere. Hij is zich bewust van de stille kracht, onuitgesproken: hij voelt het mysterie aandonzen in den ziedenden wind van zijn bergen, in de stilte der geheimzwoele nachten, en hij voorgevoelt het verre gebeuren. Wat is, zal niet altijd zoo blijven: het heden verdwijnt. Onuitgesproken hoopt hij, dat God zal oprichten, wat neêr is gedrukt, eenmaal, eenmaal, in de ver verwijderde opendeiningen van de dageradende Toekomst. Maar hij voelt het, en hoopt het, en weet het, in de diepste innigheid van zijn ziel, die hij nooit opensluit voor zijn heerscher. » (p. 181-182 de l’édition originale, 1900). Il y accole quelques lignes de l’avant-dernier paragraphe du roman : « dat wat blikt uit het zwarte geheimoog van den zielgeslotenen inboorling, wat neêrkruipt in zijn hart en neêrhurkt in zijn nederige hormat, dat wat knaagt als een gift en een vijandschap aan lichaam, ziel, leven van den Europeaan, wat stil bestrijdt den overwinnaar en hem sloopt en laat kwijnen en versterven, heel langzaam aan sloopt, jaren laat kwijnen, en hem ten laatste doet versterven, zoo nog niet dadelijk tragisch dood gaan » (ibid., p. 211)

    (4) Jamie James, Rimbaud à Java. Le voyage perdu, traduction de Anne-Sylvie Homassel, Paris, Les Éditions du Sonneur, 2011.

    (5) En cette même année 1901, A. Cohen publie à la Société du Mercure de France une traduction de textes de Multatuli sous le tire Pages choisies.

    (6) Ronald Spoor, « Alexandre Cohen ». A. Cohen devait effectuer un autre séjour dans l’archipel : « Grâce à ses relations avec Henry de Jouvenel, il fut chargé en 1904 par le gouvernement français d’une enquête comparative en Indochine et dans les Indes néerlandaises portant sur l’éducation et les services sanitaires. Avec un certain plaisir, il visita les prisons où il avait été détenu quelques années plus tôt. Il trouva des arrangements avec les journaux Het Nieuws van den Dag van Nederlandsch-Indië et Soerabaiasch Handelsblad pour des collaborations à partir de Paris. » (ibid.)

    stille3.png(7) Il est amusant de voir que Cohen, prompt à en découdre par la plume comme avec les poings, s’en est pris un jour à un adjoint d’un frère de Louis Couperus. Dans une lettre du 26 janvier 1905 qu’il envoie de Solo (sur l’île de Java) à sa compagne Kaya Batut, il écrit : « […] j’ai copieusement engueulé l’assistent-résident de Djocdja […] Figure-toi que ce mufle – à qui j’avais à demander une introduction pour le directeur de l’École normale – non content de me laisser debout dans son bureau (lui restant assis) me parla sur un ton absolument inconvenant. Après m’être emparé d’une chaise, j’ai dit son fait à ce monsieur… À Paris les détails ». (Alexander Cohen. Brieven 1888-1961 [Correspondance d’Alexandre Cohen. 1888-1961], éd. Ronald Spoor, Amsterdam, Prometheus, 1997, p. 291). Cohen se demandera plus tard sil sagissait ou non dun frère de Louis Couperus, mais ça ne semble pas être le cas.

    (8) Jean-Marc Moura, « L’(extrême-)orient selon G. W. F. Hegel - philosophie de l’histoire et imaginaire exotique », Revue de littérature comparée, 2001, n° 297, p. 27.  L’analyse « idéologique » de l’œuvre a été menée par Henri Chambert-Loir, « Menace sur Java : La Force silencieuse de Louis Couperus (1900) », in D. Lombard et al. (eds), Rêver l’Asie. Exotisme et littérature coloniale aux Indes, en Indochine et en Insulinde, Paris, EHESS, 1993, p. 413-421. 

     

    Stille1.png

     première page manuscrite du roman

     

     

    Louis Couperus : De Stille kracht

     

     

    téléfilm basé sur le roman (1974)

    louis couperus,alexander cohen,alexandre cohen,de stille kracht,la force des ténèbres,indonésie,java,insulinde,littérature,mercure de france,pays-basLa Force silencieuse, c'est – « dans cette terre de mystère qu’est l’île de Java » – la force occulte qui un jour assurera à la race vaincue la victoire sur ses oppresseurs… « L’indigène le sait et il laisse aller les choses en attendant l’heure sa- crée… Quant a lui, il a sondé son oppresseur d’un seul regard. Il l’a pénétré dans son illusion de civilisation et d’humanité, qui, il le sait, ne sont pas. Et tandis qu’il lui donne le titre de seigneur et le hormat (les honneurs) dû au maître, il l’a deviné dans son bas mercantilisme, et il le méprise, et il le juge d’un sourire dédaigneux, intelligible seul pour son frère, qui sourit comme lui. Il ne se révolte jamais contre ces formes extérieures de la soumission absolue, et par son sembah (salut), il semble reconnaître son infériorité. Mais dans le plus intime de son âme il se sait le supérieur. Il a conscience de la force silencieuse, sans jamais en parler. Il en devine la présence dans les vents torrides de ses montagnes, dans l’étrange silence des nuits tièdes, et il pressent les événements encore lointains. Ce qui est, ne sera pas toujours : le Présent s’évanouira. Il sait que Dieu relèvera ce qui est abaissé. Il le sait, et il le sent, et il l’espère dans le plus profond de son âme que jamais il n’ouvre à son dominateur. […] C’est la force silencieuse qui luit dans le regard sombre de l’indigène, qui se tient cachée dans son cœur et qui s’accroupit dans son salut humilié. C’est elle qui corrode, tel un poison et comme une inimitié implacable, le corps et l’âme et la vie de l’Européen ; qui, silencieusement, lutte contre le vainqueur ; qui le mine, et le fait dépérir pendant de longues années, lentement, si toutefois elle ne le tue pas directement d’une façon tragique. »

    Couperus et son épouse (1923)

    louis couperus,alexander cohen,alexandre cohen,de stille kracht,la force des ténèbres,indonésie,java,insulinde,littérature,mercure de france,pays-basC’est cette « force silencieuse » qui, après une longue lutte mouvementée, vainc le Résident hollandais Van Oudyck, que, malgré son énergie et son intrépidité, elle contraint à se démettre de ses fonctions et à liquider sa famille. Il est vrai que cette victoire de la « force » est attribuable, en partie, à Léonie van Oudyck, la femme du Résident, une gourgandine qui s’oublie au point de prendre pour amant le jeune Theo van Oudyck, fils du premier lit de son mari.

    scène de la salle de bains

    louis couperus,alexander cohen,alexandre cohen,de stille kracht,la force des ténèbres,indonésie,java,insulinde,littérature,mercure de france,pays-basCe roman de M. Couperus – qui n’a de déplaisant que le style tourmenté et cahoté – possède des qualités louables. Les personnages ont tous de l’originalité, sans en rien être invraisemblables. Léonie van Oudyck, notamment, est joliment réussie. Eva Eldersma, la femme du secrétaire, est délicieuse. Le Résident van Oudyck est un rude bonhomme et sa retraite dans la vallée de Lellès, où il se crée une famille nouvelle, d’une conception charmante. La scène de la salle de bains, où une bouche invisible crache des baves sanguinolentes sur Léonie terrifiée, est très belle. – M. Couperus me paraît assez bien connaître l’âme indigène… Une réserve : je ne sais pas jusqu’à quel point l’entrevue de Van Oudyck avec la Raden-Ayou, la mère du Régent indigène de Ngadyiwa, est vraisemblable. L’humiliation suprême de la vieille princesse, qui se met sur la nuque le pied du Résident, me semble difficile à admettre. Il est vrai que je suis de parti pris ! Il y a si longtemps que le Blanc marche sur la nuque aux autres, que je voudrais voir ces autres : Noirs, Jaunes et Café-au-Lait – les Rouges, hélas ! ne pourront déjà plus être de la fête ! – piétiner un peu – un peu beaucoup ! – les Blancs. C’est bien leur tour. Je serais assez facilement un fervent de la « force silencieuse », telle que la définit M. Couperus. Mais je demande à voir. Je ne demande qu’à voir ! À quand la Revanche ? La vraie, la seule ?

     

    Alexandre Cohen

    « Lettres néerlandaises. De Stille kracht »

    Mercure de France, juillet 1901, p. 276-277.

     

     

     

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    Alexandre Cohen (décembre 1918)

     

     

  • Multatuli, par Léon Bazalgette

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    La vache d’Insulinde

     

     

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    On les enveloppait d’un linceul blanc et les mettait dans la terre…

    « Si je meurs à Badour, et qu’on m’enterre hors de la dessah (village), sur le versant est du coteau, où l’herbe est haute…

    « Alors Adindah passera par là, et le bord de son sarong (pagne) frôlera doucement l’herbe…

    « Je l’entendrai… »

    Ces lignes sont de Multatuli, l’écrivain néerlandais du siècle dernier, très peu connu chez nous où l’on (1) n’a traduit que de minces fragments de son œuvre.

    Récemment, notre camarade Habaru rappelait fort à propos son œuvre dans le Drapeau Rouge, à la suite du soulèvement à Java, dans la région de Bantam, où Multatuli dut quitter son poste pour avoir pris la défense des indigènes contre les exploiteurs coloniaux.

    Pages Choisies, trad. A. Cohen, 1901

    multatuli,léon bazalgette,augustin habaru,l'humanité,insulinde,alexander cohen,herman gorter,stijn streuvels,littérature néerlandaiseNé le 2 mars 1820 à Amsterdam, Multatuli, fils de marin, part pour les Indes à dix-huit ans, entre dans l’administration coloniale et y fait son chemin. Au bout de treize ans, il est sous-résident dans les Moluques, et un peu plus tard remplit un poste analogue à Java, dans le district de Bantam.

    Là il se mêle de ce qui ne le regarde pas. Dès qu’un sous-résident ne se contente plus d’exécuter les ordres de ses supérieurs et d’agir dans leur esprit, vous comprenez bien qu’il ne lui reste plus qu’à faire son paquet. Fonctionnaire audacieux, Multatuli dénonce auprès de son chef hiérarchique les exactions du régent indigène, exploiteur de paysans. Avec la plus haute candeur, il s’obstine et va jusqu’au gouverneur général. Naturellement, le petit fonctionnaire assez indigne de son rôle pour s’occuper du bien-être de l’indigène, est déplacé. Il donne sa démission et rentre en Europe, après dix-huit ans d’absence, ayant fait la grosse expérience de sa vie.

    Multatuli s’est installé à Bruxelles où il publie, en 1860, son grand livre Max Havelaar. C’est le livre de la beauté de Java et de la révolte d’un homme contre les procédés européens pour faire suer le « plus doux peuple de la terre » – d’un homme qui crie : « au voleur ! »

    Le livre est étouffé. Mais une autre édition, dix ans plus tard, a un gros succès. La réputation de l’auteur s’établit comme celle d’un monstre, d’un iconoclaste, d’un négateur des vérités les plus saintes : l’honnêteté du bourgeois, la bonté du bourgeois, la magnifique intelligence du bourgeois. C’est sûrement à lui-même que le réprouvé songe dans son poème du Crucifiement :

     

    Venez, accourez tous, on crucifie un homme !

    Un beau spectacle vous attendu à Golgotha.

    Je vous le dis, cet homme est résistant,

    Il ne penchera pas trop vite la tête

    Et sur la croix il n’expirera pas muet !

    […]

    Tous ceux qui portent un veau d’or sur leur blason,

    Tous ceux qui rongent la carcasse d’Insulinde,

    Tous ceux qui tètent la vache d’Insulinde,

    Tous ceux qui pendent au pis sanguinolent,

    Tous ceux que gonfle le sang soutiré :

    Accourez tous…

     

    multatuli,léon bazalgette,augustin habaru,l'humanité,insulinde,alexander cohen,herman gorter,stijn streuvels,littérature néerlandaiseBien volontiers, Multatuli accepte ce rôle de réprouvé et toutes les critiques que l’on peut soulever contre son livre. Ce qu’il a voulu, ce n’est pas écrire un livre pour la bibliothèque, mais être lu, être entendu.

    « Si on s’obstinait à ne pas me croire ?

    « Alors je traduirais mon livre dans les quelques langues que je sais, et dans les nombreux idiomes que je pourrai apprendre, pour demander à l’Europe ce qu’en vain j’aurai cherché dans les Pays-Bas. 

    « Et dans les capitales on chanterait des chansons avec des refrains comme celui-ci : Il est un royaume de pirates au bord de la mer, entre la Westphalie et l’Escaut !

    « Et si cela non plus ne devait servir de rien ?

    « Alors, je traduirais mon livre en malais, en javanais, etc., et je précipiterais des hymnes provocateurs de révoltes dans les âmes de ces pauvres martyrs à qui j’ai promis secours, moi, Multatuli.

    « Aide et secours par des moyens légaux, si possible ; par la voie légitime de la violence, s’il le faut.

    « Et cela serait fort préjudiciable aux ventes de café de la Compagnie commerciale Néerlandaise ! »

     

     *

    *        *

     

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     Multatuli, gravure sur bois de J. Aarts

     

    Après Max Havelaar, Multatuli a publié divers livres, parmi lesquels sept volumes d’Idées, qui forment une critique féroce de la société bourgeoise sous toutes ses faces. Il aiguise ses attaques dans une parabole ou une fable. Il est amer, puissant, d’une verve chaude et abondante. C'est l’un des grands types de l’ère des démolisseurs.

    Multatuli n’est jamais aussi féroce que lorsqu’il expose l’hypocrisie de la vertu ou les sacro-saintes traditions sur lesquelles se fonde le rigide équilibre de la famille bourgeoise. Il écrit pour ses enfants :

    « …De l’affection parce que à un certain moment j’ai fait certaine chose, sans penser le moins du monde à vous… bien avant que vous n’existiez !

    « Si jamais je vous demande de l’affection à cause de cela, jetez-moi des ordures !

    « Riez-moi au nez, moquez-vous de moi, jetez-moi des ordures, si jamais j’exige de vous du respect ou de l’affection… pour cela ! »

    Dans la même note, voici la cynique leçon du père Pignouf, épicier, à son fils. Tenir sa langue. Ne jamais prononcer une parole imprudente qui soit votre condamnation. « Donne des coups de pied à ta femme, mon fils, si tu es sûr de frapper plus vigoureusement qu’elle. Mais, mon fils, ne dis jamais : ‘‘Je voudrais qu’elle fût morte !’’… Arrache un œil à quelqu’un, s’il le faut absolument, mon fils ; mais ne dis jamais : ‘‘Cet homme louche.’’ Et si tu découvres des ordures sur ton chemin, dis alors : ‘‘Il y avait beaucoup de poisson au marché, aujourd’hui’’… Ou bien encore ne dis rien du tout, mon fils, mais à aucun prix ne parle des immondices que tu vois. »

    En juillet 1870, devant la vision de la guerre franco-allemande qui se prépare pour la joie des vieux généraux et des deux cours impériales, Multatuli rédige une litanie des mensonges qui sont l’armature du monstre guerrier. Héroïsme… enthousiasme général… trépignement des bravoures… Dieu est avec nous… L’ennemi est un capon… À Paris, à Berlin en un tournemain… Vaincre ou mourir, rantanplan… Et chaque verset de la litanie se termine par le mot : mensonge !

    Précédant la litanie, cette petite remarque :

    « La route est large qui mène des contes de nourrice, par les écoles, les catéchismes, les sermons, les écrivailleries des journaux, les manuels de vertu et d’histoire, à la frénésie guerrière. »

    multatuli,léon bazalgette,augustin habaru,l'humanité,insulinde,alexander cohen,herman gorter,stijn streuvels,littérature néerlandaiseNous voudrions pouvoir épingler des exemples de la façon magistrale dont il lacère les nippes des vieilles maquerelles de la haute, et met à nu leur sale peau. En procédant à cette exécution il fait sonner un rire diablement joyeux et vengeur. Il y a parfois chez cet homme qui sait être si fin une violence d’ouragan. Sûrement il va tout briser sur son passage.

    Dans un « Dialogue japonais », rempli de pointes barbelées et dont le ton se rapproche assez de celui de Mirbeau dans ses satires au vitriol, notons seulement au passage :

    « - Dis-moi donc, combien de dieux y a-t-il ?

    - Je ne saurais vous le dire exactement. Voyons… La Norvège, la Suède, le Danemark, la Russie, la Pologne, Anhalt-Dessau, Hildburghausen, Monaco…

    - Mais c’est de la géographie, cela ! Je t’ai demandé les dieux… Vous appelez cela ici, je crois, de la théologie.

    - Parfaitement. Mais la théologie est basée sur la géographie, et plus spécialement sur la géographie politique. Chaque État a son dieu particulier… parfois deux… un antique et un moderne. Si la principauté de Hechingen déclare la guerre à la Russie, il en résulte un conflit entre les dieux respectifs de ces pays… Le dieu de la Néerlande est le meilleur.

    - Qu’en sais-tu ?

    - Cela se trouve imprimé dans tous les livres de classe hollandais. »

    Je voudrais laisser le lecteur sur l’impression de cette remarque que Multatuli a écrite au terme d’un bref apologue qui embrasse tous les aspects de sa pensée militante.

    « Car le devoir de l’homme est d’être ‘‘homme’’. »

    « Cette conclusion vous semble-t-elle trop simpliste ? Oh ! je vous en supplie, méfiez-vous des conclusions qui ne le sont pas. »

     

    Léon Bazalgette

    « Littératures étrangères. La vache dInsulinde »

    L’Humanité, 12 janvier 1927, p.  4

     

     

    (1) Le traducteur, d’ailleurs remarquable, de ces Pages Choisies (Mercure de France, 1901) s’est acquis, depuis la guerre, le droit à ce que nous ne prononcions plus son nom. [Ce traducteur dont on ne saurait prononcer le nom est Alexandre Cohen qui ne partageait alors plus en rien les convictions plutôt libertaires et pacifistes de Léon Bazalgette ; ce dernier le cite en retranchant par endroits quelques mots.]

     

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    Léon Bazalgette, d'après un dessin de Berthold Mahn 

     

    Léon Bazalgette (1873-1928). Traducteur de Walt Whitman en français, directeur de la collection « Prosateurs étrangers modernes » aux éditions Rieder. Il a fondé Le Magazine en 1894, collaboré à L’Effort libre, tenu la chronique « Littératures étrangères » de L’Humanité et, entre janvier 1925 et sa disparition en décembre 1928, contribué à ouvrir la revue Europe – où il a succédé à Paul Colin – aux littératures des autres pays. Avec le temps, cet homme de lettres a noué des liens privilégiés avec plusieurs artistes belges. Voir entre autres à son sujet : Maria Chiara Gnocchi, Le Parti pris des périphéries. Les « Prosateurs contemporains français » des éditions Rieder (1921-1939), préface de Valérie Tesnière, Bruxelles, Le multatuli,léon bazalgette,augustin habaru,l'humanité,insulinde,alexander cohen,herman gorter,stijn streuvels,littérature néerlandaiseCri/Ciel, 2007 ; Joris van Parys, « Verre neven, naaste vriend. Cyriel Buysse, Frans Masereel en hun Franse vriend Léon Bazalgette », « Cher Bazal » et « Een portret in brieven van Léon Bazalgette (1873-1928) », Mededelingen van het Cyriel Buysse genootschap, XIII, 1997, p. 7-86 ; le numéro 78 (Hommage à Léon Bazal- gette) de la revue Europe du 15 juin 1929 (contributions de R. Rolland, S. Zweig, G. Duhamel, R. Arcos, J. Dos Passos, C. Buysse, J. Géhenno, A. Crémieux, M. Martinet…). Le romancier Cyriel Buysse a narré avec verve ses pérégrinations en automobile avec son ami Bazalgette.

     

     

    À propos du journaliste communiste Augustin Habaru (1898-1944), que L. Bazalgette mentionne dans son article, relevons le papier que ce Belge, mort en France sous les balles nazies, a consacré à Multatuli à l’occasion du cinquantenaire de la disparition de ce dernier :

    Multatuli, par Habaru.png

     A. Habaru, « Un cinquantenaire. Multatuli »

    Le Midi socialiste, 22 février 1937, p. 4.

     

    Max Havelaar, éd. 1860

    multatuli,léon bazalgette,augustin habaru,l'humanité,insulinde,alexander cohen,herman gorter,stijn streuvels,littérature néerlandaisePour souligner la complexité du personnage Multatuli / Eduard Douwes Dekker et les enjeux qu’il a suscités et suscite encore sur le plan idéologique, reprenons un bref passage de la préface de Philippe Noble à sa traduc- tion Max Havelaar ou les ventes de café de la Compagnie commerciale des Pays-Bas (Actes Sud, 1991) : « Aventurier, mari volage et joueur invétéré pour les uns, penseur révolutionnaire ou prophète christique pour les autres, Multatuli divisait naturellement ses contemporains. Mais il partage aussi la postérité : les plus grands écrivains de son pays ont vu en lui, depuis la fin du XIXe siècle, une figure tutélaire ou un repoussoir, ou à tout le moins un mystère à éclaircir. Le centenaire de sa naissance – en 1920 –, le cinquantième et de le centième anniversaire de sa mort – en 1937 et 1987 – donnèrent lieu à des affrontements parfois homériques, comme si le procès de l’homme était encore à instruire, à l’image d’une œuvre qui, achevée pourtant depuis plus d’un siècle, n’en ressemble pas moins à un immense bouillon. » Un survol biographique en français, qui permettra de rectifier certaines erreurs qu’on pu commettre les critiques d’expression française du passé, est aisément accessible dans la même édition du Max Havelaar sous la plume de Guy Toebosch.

    multatuli,léon bazalgette,augustin habaru,l'humanité,insulinde,alexander cohen,herman gorter,stijn streuvels,littérature néerlandaisePour revenir à Augustin Habaru et à lintérêt quil a pu porter à certains écrivains septentrionaux, mentionnons quil a préfacé L’Août (Stock, 1928), recueil de nouvelles du romancier flamand Stijn Streuvels, traduites par Georges Khnopff, le frère du célèbre peintre. Dans cette préface, il écrit : « Jusqu’ici, la littérature flamande n’était connue en France que par les œuvres de Cyrille Buysse, Félix Timmermans, Vermeylen et Baekelmans. Streuvels les dépasse tous. Il est de la taille de Bjoernson, Linnankoski, Reymont, Gorki. » Sur le même auteur, très lu en Allemagne, il a donné un article : « Ein flämischer Bauerndichter - Bemerkungen über Stijn Streuvels », Die neue Bücherschau, 1928, 1-6, p. 298-300. Autre écrivain d’expression néerlandaise qui a retenu son attention, le poète Herman Gorter, dont il ne cite toutefois pas le titre majeur, à savoir Verzen, lequel ne sinscrit certes pas dans le genre de la poésie prolétarienne : A. Habaru, « Littératures étrangères. Herman Gorter », L’Humanité, 28 septembre 1927.

     

     

    Max Havelaar (film de Fons Rademakers, 1976)

    sous-titres en anglais


     

     

    Couvertures

    Dirk van der Meulen, Multatuli. Leven en werk van Eduard Douwes Dekker [Multatuli. Vie et œuvre d’Eduard Douwes Dekker], Nimègue, SUN, 2002, 912 p.

    Cyriel Buysse, Reizen van toen: met de automobiel door Frankrijk [Voyage de jadis : en auto à travers la France], textes réunis et présentés par Luc van Doorslaer, Anvers/Amsterdam, Manteau, 1992.

     

     

     

  • Rimbaud à Java

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    Les « aventures épastrouillantes »

    d’un déserteur

     

     

    À propos des sources hollandaises

    du livre de Jamie James

     

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    L’édition française de Rimbaud in Java. The Lost Voyage a été non sans raison remarquée par la critique (1). On a salué cet essai alerte et « réjouissant » d’un Américain établi en Indonésie, parti sur les traces du poète incorporé dans les troupes bataves sous le matricule 71814. Comme on pouvait s’y attendre, sa quête n’a rien appris de bien nouveau aux spécialistes dont une trentaine élabore actuellement le Dictionnaire Rimbaud (Bouquins / Robert Laffont, annoncé pour 2013). Mais l’intérêt de ces 170 pages, lestement traduites par Anne-Sylvie Homassel, réside ailleurs, en particulier dans les horizons de lecture qu’elles ouvrent.

    arthur rimbaud,jamie james,java,indonésie,alexander cohen,louis couperus,m.t.h. perelaer« On perd un peu sa trace », écrivait Verlaine à propos de son ancien amant qui avait renoncé peu avant à la poésie. Entre deux escapades et maintes errances, Rim- baud signe, à l’âge de 21 ans, un engagement de six ans dans l’armée coloniale néerlandaise, qui va le conduire dans son voyage le plus lointain. Cette armée avait constamment besoin de recrues, plus encore depuis 1873 et le début de la guerre d’Atjeh, à la pointe nord de l’île de Sumatra. La plupart des soldats mouraient en réalité loin des combats, certains entre la Hollande et l’Insulinde, en raison d’un manque de salubrité sur les bateaux, beaucoup des suites d’une maladie tropicale dans l’archipel. Les années 1875 et 1876 – celle où Rimbaud s’engagea, sans doute attiré par le montant de la prime revu à la hausse peu avant – se distinguent par le nombre élevé de candidats à la vie de mercenaire : sur environ 3800 qui embarquèrent en 1876 pour cette destination lointaine, 1300 étaient belges, plus ou moins 1100 français, les autres venaient essentiellement d’Allemagne, de Norvège, de Suisse, d’Italie ou du Portugal – les jeunes Néerlandais ne montraient pour leur part guère d’enthousiasme.

    arthur rimbaud,jamie james,java,indonésie,alexander cohen,louis couperus,m.t.h. perelaerL’essentiel de ce que l’on sait sur le passage de Rimbaud à la caserne de Harderwijk et de ses semaines sous l’uniforme des troupes coloniales avant sa désertion – « l’épisode le plus obscur de son existence », selon J. James –, Martin Bossenbroek l’a réuni voici un quart de siècle dans son article « Arthur Rimbaud poète armé », soulignant que la décision du jeune Français – passionné d’armes, attiré par l’uniforme –, de se faire mercenaire ne résultait en rien d’un coup de tête. Quant à celle de déserter dès le 14 ou 15 août 1876, elle pouvait en partie s’expliquer par les aspects peu réjouissants du quotidien du mercenaire (2). De toute façon, il est pour ainsi dire certain, ainsi que l’assure le biographe Jean-Jacques Lefrère, qu’il avait l’intention de jeter l’uniforme aux orties avant même de signer sa feuille d’engagement. Peu après son arrivée sur l’archipel, en s’évanouissant dans la nature avec quelques rudiments de hollandais et sans doute son fusil, le natif de Charleville a laissé un blanc de quelques semaines, blanc sur lequel la végétation indonésienne ou la population de la ville de Samarang s’est refermée. Puis le jeune homme a embarqué, sans doute sur le Wandering-Chief,  pour ne réapparaître qu’à la fin de l’année au sein de sa famille.

    arthur rimbaud,jamie james,java,indonésie,alexander cohen,louis couperus,m.t.h. perelaerPour mieux cerner et dépeindre le cadre javanais et « les pays brûlants de ses souhaits » que Rimbaud a décou- verts lorsque le Prins van Oranje a jeté l’ancre à Batavia le 23 juillet 1876, le critique d’art James s’appuie sur maintes sources dont des ou- vrages de trois auteurs néerlandais. Grâce à un ami, il a appris l’existence des mémoires d’Alexander Cohen (1864 Leeuwarden – 1961 Toulon). Il s’agit de In opstand (En révolte, 1932), premier tome des souvenirs de ce publiciste qui a laissé son nom dans l’histoire de l’anarchisme. Le livre est uniquement disponible en langue originale, mais l’universitaire hollandais naturalisé américain E.M. Beekman (1939-2008) en a traduit des pages dans Fugitive Dreams: An Anthology of Dutch Colonial Literature tout en offrant un exposé détaillé de la vie du juif frison (3).

    arthur rimbaud,jamie james,java,indonésie,alexander cohen,louis couperus,m.t.h. perelaerEn quelques endroits de son récit, J. James base son propos sur des passages de cet ouvrage : « Nous sommes à jamais privés […], écrit-il, de ce que nous aurions tant aimé lire : Java par le regard du poète, à moins que l’on ne retrouve par hasard les journaux per- dus de son voyage. Nous reste une expérience intellectuelle qui n’est pas sans intérêt : chercher quelque Européen à la sensibilité développée qui ait vécu à cette même époque sur cette même île et dont la vision puisse se rapprocher plus ou moins de celle du poète. Et pourquoi pas Alexander Cohen, comme Rimbaud rebelle attentif aux langues exotiques ? Cohen décrit ainsi la jungle, peu après son arrivée à Sumatra en 1882 (4) : ‘‘Jour après jour, me voilé submergé de nouveau par la fascination inlassable de l’aube nacrée, lorsque le soleil émerge d’une mince couche de brume rose, accueilli par les roucoulements languides des colombes ; par celle du crépuscule mélancolique qui s’abat presque immédiatement sur la terre et fond toutes les couleurs, toutes les nuances, en un violet obscur ; et par celle de l’imposant silence de la nuit, que rendent plus profond encore le bourdonnement d’une myriade d’insectes et des sonnements de gong des crapauds géants. Je médite, je rêve, je suis heureux. Je succombe à une foi panthéiste.’’ Superbe écriture teintée de romantisme tardif, gorgée jusqu’à saturation d’une profonde empathie pour la beauté vibrante de la forêt tropicale vue par les yeux d’un homme du Nord. Et cependant, en dépit de l’emphase panthéiste, cela n’a rien à voir avec ce que Rimbaud écrivit après les chants de toute de sa toute première jeunesse » (5).

     

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    gravure sur bois de Georges Rohner

     

    Jamie James appelle aussi à la rescousse A. Cohen et son « précieux témoignage » sur les prisons militaires de Java afin d’exposer les risques qu’encourait Rimbaud en désertant du camp de Salatiga – tout au plus quelques mois de trou en réalité et en aucun cas la peine de mort (6). Entre son arrivée en Insulinde à l’automne 1883 et son départ le 2 janvier 1887 – années qui font l’objet des chapitres VI à IX de In opstand –, le futur propagandiste anarchiste a, il faut dire, passé le plus clair de son temps à écoper de peines corporelles ou privatives de liberté (7). « Il décrit dans son autobiographie une punition que Rimbaud eût pu subir s’il était tombé aux mains de la police militaire : ‘‘La ‘chaine et le boulet’ signifiaient ceci pour le prisonnier puni : un jour durant – ou deux, ou dix, ou trente, ou durant une ‘période indéfinie’ –, il se trouvait contre son gré affublé d’une chaine d’environ un mètre cinquante attachée à une boule de fer de huit kilogrammes, chaîne qui devait être fixée à sa cheville droite ou gauche, suivant son désir, par le moyen d’un anneau de fer de huit centimètres de large, muni d’une solide serrure. Pour être tout à fait honnête, cette babiole, qu’il fallait continuer de porter la nuit, me procura pour commencer des sensations plutôt désagréables. Mais l’on se fait à tout, même au plus déplaisant, pour peu que l’on soit déterminé à ne pas céder.’’ » (8) Alexandre Cohen retournera en Indonésie en 1904-1905, mais cette fois en tant qu’honorable journaliste, à la demande de ministères français pour comparer dans certains domaines les systèmes coloniaux français et néerlandais.

    arthur rimbaud,jamie james,java,indonésie,alexander cohen,louis couperus,m.t.h. perelaerC’est un écrivain hol- landais beaucoup plus policé qui retient ailleurs l’attention de l’auteur de Rimbaud à Java, à savoir Louis Couperus. Un des romans les plus célèbres du dandy haguenois a pour cadre les Indes Orientales Néerlandaises, contrée où il passa une partie de son enfance avant d’y effectuer deux séjours à l’âge adulte. Du premier, il a ramené De stille kracht (1900), où la colonisation hollandaise joue un rôle central à travers le personnage principal Théo van Oudijck. Ce sont les phénomènes occultes qui amènent Jamie James à parler de ce livre, disponible en anglais (The Hidden force) (9) et traduit en français sous le titre La Force des ténèbres : « En 1876, l’on aurait trouvé peu de lieux à la surface du monde où la magie jouait un rôle plus important qu’à Java. Les malédictions et les charmes amoureux, tels que le goona-goona, étaient monnaie courante – c’est encore le cas aujourd’hui. Quelques années plus tard, en 1900, l’écrivain Louis Couperus publia le seul roman des Indes néerlandaises qui puisse rivaliser avec ceux de Joseph Conrad, De Stille Kracht (La Force des ténèbres), grand classique de la littérature néerlandaise moderne, est la chronique gothique d’une famille de colons saisis par une décadence quasi faulknérienne. Le vrai sujet de Couperus est cependant ‘‘la mystique des choses concrètes sur cette île de mystère qu’est Java’’. Théo van Oudijck, le résident hollandais de la ville fictive de Labuwangi, est entraîné malgré lui dans un conflit avec le régent, un membre de la famille royale javanaise manipulé par l’administration coloniale. Les phénomènes surnaturels les plus variés l’assaillent : des pierres se mettent à pleuvoir sur sa majestueuse demeure néoclassique ; sa seconde épouse (qui couche avec son fils) est enduite de jus de bétel dans son bain et des bouches invisibles lui crachent dessus ; les âmes d’enfants morts gémissent et sanglotent dans les branches d’un banian.

    arthur rimbaud,jamie james,java,indonésie,alexander cohen,louis couperus,m.t.h. perelaer« Couperus donne de ces manifestations une inter- prétation sociale : elles sont, dit-il, l’expression de l’âme de l’île. ‘‘Sous toute cette apparence de choses tangibles, l’essence de ce mysticisme silencieux me- nace, comme un brasier sous la terre, comme la haine et le mystère dans le cœur.’’ » (10) Préfacier de l’édition française Philippe Noble précise : « Les manifestations de l’étrange que l’on découvre dans ce roman : apparitions fantomatiques d’un hadji […], pluies de pierres ou inexplicables giclées de sirih, ce liquide rouge provenant de la mastication de feuilles de bétel, ne doivent rien à l’imagination de l’auteur. On les retrouve dans de nombreux témoignages, y compris de très officiels rapports de fonctionnaires coloniaux. » (11)

    Une scène marquante de La Force des ténèbres nous plonge au cœur de ces envoûtements. Léonie van Oudijck gagne la salle de bains, un peu à l’écart de la demeure ; Urip, sa bonne, reste dehors, accroupie devant la porte. À la lumière d’une petite lampe en nickel, la femme européenne contemple son corps dans le miroir. Puis elle s’enduit le corps de savon et verse de l’eau sur son corps. « De longues coulées glissèrent, denses, de ses flancs, et elle brilla comme du marbre, les épaules, la poitrine et les hanches polies par le reflet de la petite lampe. Elle voulait se hâter davantage, levant les yeux vers la fenêtre pour voir si les chauves-souris n’allaient pas entrer… Oui, dorénavant elle ferait mieux de se baigner plus tôt. Dehors la nuit était déjà tombée. Elle se sécha rapidement avec une serviette assez rugueuse. Elle s’enduisit vite de la crème blanche qu’Urip lui préparait, sa pommade magique faite pour lui conserver sa jeunesse, sa souplesse, sa ferme blancheur. À ce moment elle aperçut sur sa cuisse une petite éclaboussure. Elle n’y prit pas garde, l’attribuant à quelque impureté flottant dans l’eau, feuille morte ou insecte. Elle l’enleva en frottant. Mais, ce faisant, elle en vit deux, trois plus grandes, d’un vermillon sombre, sur sa poitrine. Elle se sentit soudain transie : elle ne savait pas, elle ne comprenait pas. À nouveau elle se frotta ; elle prit la serviette déjà maculée d’une sorte de sang épais. Un frisson  la parcourut des pieds à la tête. Et soudain elle vit : des angles de la salle de bains, mais sans qu’elle pût voir comment et par où, arrivaient les éclaboussures, d’abord petites, puis plus grandes, comme crachées par une bouche baveuse pleine de bétel. » (12) Cette dimension occulte mais aussi les scènes sensuelles de La Force des ténèbres ont amené le réalisateur Paul Verhoeven, qui en prépare une adaptation cinématographique, à choisir la Thaïlande plutôt que l’Indonésie – où règne un climat politico-religieux peu propice – pour tourner son film. Dans la série en trois épisodes basée sur le roman (1974), Pleuni Touw joue le rôle de Léonie – il s’agit, dit-on, de la première apparition d’une actrice néerlandaise nue à la télévision :

     

     

    M.T.H. Perelaer

    arthur rimbaud,jamie james,java,indonésie,alexander cohen,louis couperus,m.t.h. perelaerJamie James cite abon- damment un troisième Hollandais : M.T.H. Pere- laer (Maastricht 1831 – La Haye 1901), auquel E.M. Beekman a consacré quelques lignes à la fin de son exposé sur A. Cohen. Deux de ses ouvrages sont disponibles en anglais (I & II). Écrivain aujourd’hui oublié de tous sauf de rares historiens et ethno- logues, Michel Théophile Hubert Perelaer, après avoir renoncé à la prêtrise, se rend à la ville de garnison de Harderwijk en 1854 – de 1815 à 1909, toutes les recrues de l’armée coloniale ont été formées dans la caserne de cette localité – et arrive à Batavia l’année suivante ; là, il grimpe les échelons et devient officier ; ayant atteint le grade de colonel de l’infanterie (majoor) en 1877, il prend sa retraite en 1879. Bien que libre d’esprit et sensible aux thèses très critiques du système colonial que défend Multatuli dans son Max Havelaar, il a servi du mieux possible – montrant à plusieurs reprises sa bravoure au combat et faisant sienne une phrase d’Alfred de Vigny (Servitude et grandeur militaires) : « L’abnégation du guerrier est une croix plus lourde que celle du martyr » – et a dirigé un hebdomadaire qui visait à défendre les intérêts de la Patrie et des colonies. Au cours de sa carrière militaire, Perelaer a aussi reconnu de nombreuses régions (en particulier le centre de Java), réunissant maints documents sur lesquels il basera ses écrits. Il met ainsi à profit quelques-unes des vingt dernières années de sa vie pour partager son savoir. arthur rimbaud,jamie james,java,indonésie,alexander cohen,louis couperus,m.t.h. perelaerDes études et des romans ethnographi- ques voient le jour, dont l’un en partie autobio- graphique (quatre volu- mes), essentiellement dans une visée didac- tique, même si le Hollandais cherche pro- gressivement à s’affirmer comme véritable écri- vain. Alors qu’il s’est fait un nom, sa carrière littéraire connaît presque un coup d’arrêt : la presse l’accuse d’avoir plagié « La fête à Coqueville » de Zola dans Noordwest en Zuidoost (1892) ; Perelaer est obligé de se défendre, ce coup l’affectera beaucoup même s’il n’abandonnera pas tout à fait la plume (13). Dans Rimbaud à Java, le Hollandais est cité abondamment. À travers Bornéo.  Aventures de quatre déserteurs de l’armée indo-néelandaise  récit ébouriffant qui contient « des détails plein d’intérêt sur les Daykas cannibales », ainsi que l’expose un chroniqueur de l’époque – offre, selon J. James, « une version romancée du périple rimbaldien » (14), tant pour ce qui a trait au recrutement de volontaires pour l’armée des Indes néerlandaises que pour la désertion. Quant à Baboe Dalima. Opium roman (1886), traduit en anglais dès 1888 (Baboe Dalima, or The opium Fiend), qui dénonce les méfaits et les ravages du stupéfiant, il s’agit, toujours d’après l’auteur américain, d’ « un roman sur le commerce de l’opium aussi mauvais qu’interminable », « si mélodramatique qu’il en devient ridicule » (15). C’était d’ailleurs déjà l’avis de commentateurs de l’époque, par exemple un certain Werner qui, dans le Soerabaiasch Handelsblad du 16 novembre 1886, affirme que, par manque de talent et abus de digressions, Perelaer a échoué dans son but ; la romancière Beb Vuyk (1905-1991), qui vécut arthur rimbaud,jamie james,java,indonésie,alexander cohen,louis couperus,m.t.h. perelaertrente ans dans l’archipel, et Eddy du Perron (1899-1940) ne diront pas le contraire : à vouloir trop prouver, on ne prouve rien. Accordant malgré tout une certaine valeur à quelques descrip- tions de Perelaer, Jamie James reproduit un long passage sur la visite d’une fumerie d’opium.

    Sous la plume du critique d’art, « le voyage perdu » de Rimbaud est devenu une pérégrination à travers textes et paysages d’un passé plus ou moins lointain, à travers les toiles de Raden Saleh, ce peintre javanais qui séjourna de nombreuses années en Europe et devint « peintre du roi de Hollande ». Ici, le lecteur goûte au mythe de l’upas – autre sujet cher à E.M. Beekman – lancé par le docteur hollandais N.P. Foersch dans son article « Beschryving van den vergif-boom, bohon-upas, op het eiland Java », là il entrevoit, à Samarang, ville où Rimbaud fit escale, le quartier « réservé aux vétérans africains de l’armée coloniale néerlandaise » (16), ces soldats dont l’histoire a été relatée récemment en français (17). Élégante incursion dans la vie et l’œuvre du poète, Rimbaud à Java est aussi un jeu de piste qui invite chaque lecteur à prolonger à sa guise les sentiers frayés par Jamie James.

    D.Cunin

     

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    Exorcisme pour guérir un malade chez les Dayaks-Danoms

    (M.T.H. Perelaer, À travers Bornéo, 1891)

     

    (1) Voir : Jamie James, Rimbaud à Java. Le voyage perdu, traduction de Anne-Sylvie Homassel, Paris, Les Éditions du Sonneur, 2011.

    (2) Martin Bossenbroek, « Arthur Rimbaud poète armé », Het oog in ’t zeil, février 1988, p. 1-10. Auteur d’études de référence sur le recrutement et le transport des troupes coloniales hollandaises, M. Bossenbroek apporte, à la suite de quelques-uns de ses compatriotes, des renseignements sur ces mois de la vie du poète. Ils permettent de corriger et compléter certaines données factuelles avancées par maints biographes ainsi, nous semble-t-il, que des points de détail figurant dans De Charleville à Java. Arthur Rimbaud soldat et déserteur de l'armée coloniale des Indes Néerlandaises (Jean Degives & Frans Suasso, préface d’Alain Borer, Hilversum, Radio Nederland Wereldomroep, 1991), texte reproduisant un programme radiophonique de 1982. La biographie Arthur Rimbaud de Jean-Jacques Lefrère (Fayard, 2001), se révèle précise sur le passage du poète en Hollande (voir le chapitre « Le voyageur toqué », p. 747-753). À propos des mercenaires européens qui ont laissé la vie en Insulinde, M. Bossenbroek précise que, pour l’année 1876, moins de 80 d’entre eux sont morts au combat, environ 1400 d’une maladie à type de dysenterie ; plus de 2300 hommes, soit 15% des forces, se trouvaient hospitalisés au même moment.

    arthur rimbaud,jamie james,java,indonésie,alexander cohen,louis couperus,m.t.h. perelaer(3) E. M. Beekman, Fugitive Dreams: An Anthology of Dutch Colonial Literature, University of Massachusetts Press, 1988 (p. 184-209 pour la partie biographique – Cohen est mort en 1961 et non en 1963 – et p. 209-228 pour les passages traduits qui portent sur les années d’A. Cohen en Indonésie, alors qu’il servait à sa façon dans l’armée néerlandaise.).

    (4) Il s’agit en réalité de l’année 1883. Arrivé à Batavia le matin du 15 octobre 1882 à bord du Prinses Wilhemina, A. Cohen, après avoir brièvement servi dans deux quartiers de la capitale (Tandjong Priok et Weltevreden) et avoir été évacué à Sindang-Laya puis à Kampong Makassar où il passe plusieurs mois à se remettre d’une maladie, est envoyé en 1883 dans la garnison de Lahat (sud de Sumatra).

    (5) Rimbaud à Java, op. cit., p. 99-71. Texte original de Cohen : In opstand, chap. 7, p. 82.

    (6) Martin Bossenbroek, « Arthur Rimbaud poète armé », Het oog in ’t zeil, février 1988, p. 6.

    (7) Voir : ici.

    (8) Rimbaud à Java, op. cit., p. 78-79. Texte original de Cohen : In Opstand, chap. VIII, p. 106.

    (9) Il en existe en anglais plusieurs éditions : la traduction d’Alexander Teixeira de Mattos (1921), cette même traduction revue, annotée et présentée par E.M. Beekman (The University of Massachusetts Press, 1985) – celle à laquelle se réfère Jamie James –, enfin une nouvelle traduction récente par Paul Vincent : The hidden force, Pushkin Press, 2012, éditeur qui a dans son fonds plusieurs romans de Couperus.

    (10) Rimbaud à Java, op. cit., p. 130-131.

    (11) Philippe Noble,  « Préface », La Force des ténèbres, traduit du néerlandais par Selinde Margueron, Paris, Éditions du Sorbier, 1986, p. III.

    (12) La Force des ténèbres, op. cit., p. 229-230.

    arthur rimbaud,jamie james,java,indonésie,alexander cohen,louis couperus,m.t.h. perelaer(13) Sources: Rob Nieuwen- huys, Oost-Indische spiegel. Wat Nederlandse schrijvers en dichters over Indonesië hebben geschreven vanaf de eerste jaren der Compagnie tot op heden, Amsterdam, Querido, 1978, p. 197-201; Nieuw Nederlandsch Biogra- fisch Woordenboek, V, A.W. Sijthoff, Leyde, 1921, p. 465-466; la presse de l’époque, par exemple une lettre de M.T.H. Perelaer publiée le 25 décembre 1881 (Nieuwe Amsterdamsche Courant) dans laquelle il se fait le porte-parole de Multatuli afin que les jeunes générations procèdent à une réforme du système colonial. En français : Colonel M. T. H. Perelaer, À travers Bornéo. Aventures de quatre déserteurs de l’armée indo-néelandaisetraduction libre du comte Meyners d’Estrey, Paris, Hachette, 1891, gravures hors texte.

    (14) Rimbaud à Java, op. cit., p. 54-55.

    (15) Ibid., p. 112 et p. 117.

    (16) Ibid., p. 74.

    (17) Claudia Huisman, « Soldats africains dans les Indes orientales néerlandaises. Belanda Hitam », Deshima, 2011, p. 81-96.

     

     

    arthur rimbaud,jamie james,java,indonésie,alexander cohen,louis couperus,m.t.h. perelaer

     

     

     

  • Alexandre Cohen par R. Spoor

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    Une contribution inédite en langue allemande

    sur Alexandre Cohen.

    Le texte a été prononcé par son auteur, Ronald Spoor, à la Deutsche Forschungsgemeinschaft de  Berlin en octobre 2003

     

     

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    Alexandre Cohen, 1907

     

    Sag einfach, dass ich in Wladiwostok bin

     

    Alexander Cohen als Vermittler von fortschrittlicher Literatur und Politik 1888-1907 zwischen den Niederlanden, Deutschland, Frankreich und England.

     

    In diesem Beitrag werde ich das literarische und politische Netzwerk von fortschrittlichen Schriftstellern  und Politikern vorstellen, das der niederländische Anarchist Alexander Cohen in den Jahren 1888-1907 in den Niederlanden, Frankreich, England und Deutschland gebildet hat. Mit Hilfe dieses Netzwerkes konnte er literarisches und politisches Gedankengut der Avantgarde zwischen diesen Staaten vermitteln.

     

     

    Alexander Cohen (1864-1961),

    niederländischer Journalist und Anarchist

     

    Der niederländische Journalist und Anarchist Alexander Cohen (1) wurde im Jahr  1864 in der friesischen Hauptstadt Leeuwarden geboren. Spätestens seit 1890 fühlte er sich Franzose, als er sich zum ersten Mal für  die französische Staatsangehörigkeit (2) bewarb, die er erst siebzehn Jahre später erhielt. Sprachbegabt wie er war,  sprach  und las er niederländisch, friesisch, französisch, deutsch, englisch, spanisch, italienisch und malaiisch. Seine Sprachkenntnisse waren von wechselnder Qualität: deutsch, spanisch, italienisch konnte er lesen und verstehen, aber nicht richtig schreiben. Cohen blieb bis zu seinem Tode im Jahr  1961 verliebt in die niederländische Sprache und  Politik. Seine jüdischen Eltern Aron Heiman Cohen Jzn (1837-1919) und die früh verstorbene Sara Jacobs (1842-1873)  hatten ihm den jüdischen Vornamen Jozef und einen nicht-jüdischen Vornamen Alexander gegeben. Cohen hat immer nur seinen Vornamen Alexander benutzt.

    Alexander Cohen war ein Rebell. Er rebellierte gegen die Autorität des Vaters, der Schule in Leeuwarden, des Arbeitgebers im Königreich Preußen, des kolonialen Heeres und des Gerichts in Niederländisch-Indien (jetzt Indonesien) und des Königs Willem III. der Niederlande. Cohen hatte einen genau so autoritären Charakter wie sein Vater. Sein Vater schickte ihn in die Reichs- oberrealschule in Leeuwarden. Dies war damals nur sehr wenigen jungen Leuten vorbehalten. Aron Cohen wollte seinem Sohn eine gute Erziehung bieten. Der junge Cohen musste aber schon  im Jahr 1877 - in seinem ersten Jahr - die Reichsoberrealschule verlassen, weil er an die Wandtafel Sack, Eier und bumsen geschrieben hatte [zak, bal en naaien]. Er hat nie wieder Unterricht erhalten. Zu Hause las er viel. Aron Cohen hatte auf dem Dachboden viele Bücher. Alexander Cohen konnte deshalb Heines Buch der Lieder, Victor Hugo's Les misérables, Walter Scotts Ivanhoe und niederländische Klassiker des 19. Jahrhunderts wie Jacob van Artevelde von Hendrik Conscience, den Roman Lidewijde von Busken Huet  und Gedichten van den Schoolmeester und viele andere Bücher lesen (3). Er pflegte den jüdischen intellektuellen Stil des Lernens.

    Er arbeitete einige Wochen im Fleck Sonsbeck bei Geldern (4) in der preußischen Rheinprovinz  in der Lehre beim Gerbermeister Joseph Oster. Das autoritäre Benehmen des Arbeitsgebers  gefiel ihm überhaupt nicht. Er gewann Einsicht in die damalige deutsche Mentalität und  bildete eine lebenslange Abneigung gegen Formen der Autorität, die er auch  in der Sozialistischen Deutschen Arbeiterpartei von Liebknecht, Bebel und Singer erkannte.

     

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    extrait d'une lettre manuscrite d'A. Cohen

     

    Es gab in den Niederlanden im 19. Jahrhundert einen Ausweg für junge widerspenstige Leute aus allen Europäischen Staaten: sich bei der Indischen Fremdenlegion, dem Königliche Niederländisch-Indischen Heer (KNIL), zu bewerben. Auch der französische Dichter Rimbaud war kurz eingezogen. Cohen verbrachte als Soldat-Schreiber [im 19. Jahrhundert ein Mann, der statt zu tippen, in einer gut leserlichen Handschrift schreibt] fünf Jahre in der asiatischen Kolonie der Niederlande. Drei von diesen fünf Jahren verbrachte er wegen kleiner Verstöße gegen die militärische Disziplin in Militärgefängnissen in Niederländisch-Indien (5). Er blieb ein Rebell. Im Fort Prins van Oranje, einem Militärgefängnis in Semarang auf der Insel Java, bekam er von seinem deutschen Mithäftling Oskar Raffauf am 26.Juli 1885  den Roman Max Havelaar, geschrieben von dem ehemaligen niederländisch-indischen Beamten Multatuli (6). Der junge Häftling begrüßte in diesem klassischen niederländischen Roman des 19. Jahrhunderts die aufrührerische Haltung gegen die niederländische Autorität, aber er entdeckte auch einen persönlichen Stil als Möglichkeit sich zu äußern. Im Jahr 1887 kehrte  Cohen zu seinen Eltern nach Leeuwarden zurück.

    Seine publizistische Laufbahn begann er mit einer Folge von sieben Artikeln über seine Erfahrungen im kolonialen Heer mit dem Titel 'Nach Indien' (7). Diese erschienen in dem radikalen Wochenblatt, Groninger weekblad: radicale courant voor Nederland, das in Groningen herausgegeben wurde. Allerdings schrieb er noch nicht unter seinem Namen Alexander Cohen, sondern unter dem Anfangsbuchstaben C.

    In diesem Debüt zeigte er sich unmittelbar als  Polemiker und Memoirenschriftsteller, der er war. Sein Stil war noch nicht so scharf und witzig wie später, aber schon geprägt von Multatuli. Er nutzte vor allem in seinem Debüt die Argumentationstechnik und Eloquenz  von Multatuli, aber er hatte noch nicht die für seinen Stil typische Lockerheit, Schärfe und seinen Humor gefunden. 'Nach Indien' war ein Angriff  auf die Werbung für das koloniale Heer in Indien. Er stellte seine eigenen Erfahrungen dem Text der Werbung gegenüber. In Anlehnung an Multatuli schrieb er: 'Für die Wahrheit dieser Tatsachen bürge ich und ich werde sie, wenn von sachverständigen Personen befragt, gerne beweisen. Wie unser Meister Multatuli, kann ich sagen: 'die Beweise liegen vor mir.'' (8) Als er Anfang September 1887 mit dreiundzwanzig Jahren gemäß dem damaligen niederländischen Gesetz volljährig wurde, verabschiedete er sich wiederum von seinen Eltern in Leeuwarden.. Das Verhältnis zu den Eltern war nach der Zeit, die er in Asien verbracht hatte,  nicht besser geworden. Die Stadt Leeuwarden war ihm auch zu klein geworden. In dieser Provinzstadt hatte er entdeckt, dass es neben der radikalen Zeitung Groninger weekblad, die sein 'Nach Indien' veröffentlicht hatte, eine noch radikalere Zeitung gab: Recht voor allen [Recht für alle], die sozialistische Zeitung (9).

    Die Bildung seines Netzwerkes, das der junge in die Heimat zurückgekehrte Cohen noch nicht hatte,  begann mit dem Buchhändler Van Belkum, einem Nachbarn der Familie Cohen in Leeuwarden (10). Er lieh Cohen Recht voor allen. Anzunehmen ist, dass er Cohen auch mit dem sozialistischen Buchhändler Jan Fortuyn (1855-1941) in Amsterdam bekannt machte. Cohen  bekam von Fortuyn eine Empfehlung für Domela und für die Zeitung Recht voor allen (11). Diese war die wichtigste Zeitung der niederländischen Arbeiterbewegung im 19. Jahrhundert und gehörte dem Sozialdemokratischen Bund. Sie erschien dreimal in der Woche in Den Haag (12). Domela Nieuwenhuis war der Redakteur.

     

    Ferdinand Domela Nieuwenhuis (1846-1919)

     

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    Brochure de F. Domela Nieuwenhuis, 1885

    (source : www.geheugenvannerderland.nl)

     

    Cohen war von den heftigen Angriffen in der Zeitung auf die Regierung und Richter begeistert. Diese hatten den Sozialistenführer Ferdinand Domela Nieuwenhuis (1846-1919) (13) wegen eines  Artikels, den er in seiner Zeitung Recht voor allen veröffentlicht, aber nicht selbst geschrieben hatte, zu einem Jahr Gefängnisstrafe verurteilt. Alexander Cohen, der noch nichts vom Sozialismus wusste, wollte am liebsten in den Spalten von Recht voor allen gegen das Unrecht mitkämpfen. Das entsprach auch seinem polemischen Charakter.

    Er reiste nach Den Haag, die rote Residenz (14), wo die Erste Internationale von Karl Marx im Jahr 1872 getagt hatte und wo die Anarchisten von Bakunin aus der Arbeiterinternationale ausgeschlossen worden waren.

    Der junge, vehemente Alexander Cohen, der stark auf seiner Unabhängigkeit bestand, traf  Domela zum ersten Mal in den ersten Septembertagen des Jahres 1887 in Den Haag in der Druckerei von Recht voor allen. Domela, ein ehemaliger Pfarrer, der zu einer patrizischen Familie gehörte, war achtzehn Jahre älter als Cohen. Der charismatische Leiter des Sozialdemokratischen Bundes wurde mit seiner großen Gestalt und seinen langen Haaren dargestellt wie Christus über die Wellen gehend. Friedrich Engels schrieb zwei Jahre später an Laura Lafargue-Marx: 'Domela wird völlig unverständlich. Ist er nach allem vielleicht nicht Jesus Christus, sondern Jan van Leiden, le prophète de Meyerbeer? Vegetarismus und Einzelhaft scheinen am Ende sonderbare Resultate hervorzubringen.' (15)

    Bei der ersten Begegnung der beiden ehemaligen Häftlinge in den ersten Septembertagen des Jahres 1887 in Den Haag (Domela war gerade am 30.August (16) aus dem Gefängnis entlassen worden) verhielt sich Domela eiskalt (17). Aber ihre Begegnung war der Anfang einer Freundschaft, die erst mit dem Tode von Domela Nieuwenhuis 1919 endete.

    Jan Meyers schreibt in seiner Biografie von Domela (18), dass mehrere junge Verehrer von Domela wie Willem Vliegen, Cornelis Croll, Christiaan Cornelissen, Alexander Cohen  eine schlechte Beziehung zu ihren Vätern hatten oder vaterlos waren. Es stimmt, dass Cohen eine schlechte Beziehung zu seinem Vater hatte. Es ist ebenfalls richtig, dass Cohen Domela Nieuwenhuis bewunderte, aber Cohen suchte keine Vaterfigur (19). Er suchte auch keinen Meister.

    Domela hat, wie er in seinen Erinnerungen Van christen tot anarchist (20) schreibt, in Cohen 'einen Rebell von Natur aus' gesehen. Die Begegnung des jungen, vehementen und rebellischen Cohen mit dem reservierten und trotz allem bourgeois gebliebenen Sozialistenführer, dessen Entlassung zehntausende Leute auf die Straße gebracht hatte, führte zu einer lebenslangen Freundschaft. Cohen konnte sein Brot als Korrektor von Recht voor allen verdienen. Domela ging in die Schweiz um sich von der Gefangenschaft zu erholen. Einige Tage später, am 16. September 1887, wurde Cohen beim Bahnhof Hollandsche Spoor in Den Haag verhaftet, weil er. als der wenig geliebte König Willem III. vorbei fuhr, geschrieen hatte: 'Nieder mit dem Gorilla! Es lebe der Sozialismus! Es lebe Domela Nieuwenhuis!' Cohens Verteidigungsrede vor den Richtern wurde in Recht voor allen veröffentlicht (21).

    Cohen wurde wegen  Majestätsbeleidigung zu sechs Monaten Gefängnisstrafe verurteilt. Domela bezeichnete in seinen Erinnerungen diese Verteidigungsrede von Cohen als geistreich und humorvoll (22). Geist, Humor und ein lebendiger Stil sind Qualitäten von Cohen, die Domela fehlten. Cohen  hatte den Ruf l'homme qui a fait rire Domela zu sein, der  Domela zum Lachen brachte. Cohen blieb Korrektor, aber veröffentlichte auch unter dem Decknamen Souvarine (der Anarchist in Emile Zola's Roman Germinal , der nur an die Gewalt glaubt, also ein Deckname wie ein Programm) (23) Artikel in Recht voor allen.Er schrieb am 1. Januar 1894 in einem Brief an Zola: '  'Germinal', das ich vor einigen Jahren in der Gefangenschaft  in Niederländisch Indien gelesen habe, hat aus mir den bewussten und  unheilbaren Rebell gemacht, der ich bin.' (24)

    Alexander Cohen rief in seinem Artikel 'Een ontboezeming' [Ein Bekenntnis] (25) in Recht voor allen zur Revolution auf: 'Auf, ihr Männer und Frauen, Mädchen und Jünglinge, auf, im Kampf gegen Unrecht und Knechtung, gegen Hunger und Misshandlung.' Und die Justizbehörde konnte auch lesen: 'Nimmt, sage ich Euch, was Euch zusteht.' Der Artikel bedeutete das Ende seines Aufenthaltes in den Nieder- landen. Domela wurde zum  Staatsanwalt gebeten, der eine neue Strafverfolgung gegen Cohen einleiten wollte. Domela weigerte sich den Namen von Alexander Cohen zu nennen, aber er wollte auch nicht wieder  für einen Artikel, den er nicht geschrieben, wohl aber veröffentlicht hatte, ins Gefängnis gehen. Er gab Cohen den Rat die Niederlanden zu verlassen und stattete ihn mit einem Empfehlungsschreiben aus für die sozialistische Zeitung Vooruit (Vorwärts) in der belgischen Stadt Gent.

    Alexander Cohen flüchtete nach Gent, und wurde freier Mitarbeiter der Vooruit.  In dieser Zeitung erschien ab Mai 1888 bis Anfang 1889 Cohens Übersetzung In 't geluk der damen von Emile Zola's Roman Au bonheur des dames , Band 15 aus dem Zyklus Les Rougon-Macquart, Geschichte einer Familie im Zweiten Kaiserreich (Second Empire) (26). Mit dieser Übersetzung des Romans des wahrscheinlich wichtigsten  Schriftstellers des letzten Jahrzehntes des 19. Jahrhunderts in Frankreich debütierte Alexander Cohen als Übersetzer und Vermittler von fortschrittlicher Literatur. Cohen hatte Zola um seine Zustimmung gebeten (27), die er bei einem Besuch in seiner Pariser Wohnung erhielt. Zola wollte für die Übersetzung in einer sozialistischen Zeitung (28) nicht bezahlt werden. Im Archiv Zola befindet sich ein zwei Jahre später geschriebener Brief vom 11. Juni 1890 (29). Cohen wollte diesmal die Geschichte 'Le sang' (Das Blutt)  aus dem Sammelband Contes à Ninon in die niederländische Sprache übersetzen. Zola gab Cohen dazu die Genehmigung. 'Le Sang' erschien im selben Jahr in Recht voor allen (30). Cohen bekam dadurch eine Beziehung zu Zola, der sich wenige Jahre später zweimal zu Gunsten von Cohen bei der französischen Regierung eingesetzt hatte. Die niederländische Regierung fand Cohens Aufenthaltsort bereits im April 1888 heraus. Zwar erreichte sie seine Ausweisung aus dem Königreich Belgien, aber Cohen hatte, als ein  für ein politisches Verbrechen Verurteilter, das Recht ein Land seiner Wahl zu wählen. Er wollte nach Frankreich ausgewiesen werden.

     

    Paris: Félix Fénéon, Le père Peinard,

    Bernhard Kampffmeyer (Die Jungen),

    La revue blanche

     
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    Am 12. Mai 1888 stieg Cohen auf der Gare du Nord in Paris aus dem Zug. Paris, die Hauptstadt der Welt, wie Cohen die Stadt in seiner ersten Pariser Korrespondenz in Recht voor allen im August 1888 nannte (31). Er verbrachte mehr als fünf arme und glückliche Jahre in der Stadt bis er am 25.Dezember 1893 als Anarchist nach  London ausgewiesen wurde. Paris war schon lange nicht mehr das Machtszentrum der Welt, das hatte sich nach London verlegt, aber Paris war immer noch die Stadt der Modernität. Sie bestimmte die fortschrittlichen Künste, Literatur, Mode, Philosophie und  das politische Gedankengut. Cohen verkehrte mit der politischen und literarischen Avantgarde in der französischen Hauptstadt. Cohens Verbindung mit Domela Nieuwenhuis brachte ihm Übersetzungsaufträge von Domela, und die Pariser Korrespondenz von Recht voor allen. Im Auftrag von Domela pflegte er politische Kontakte in Paris.

    Cohen bewegte sich wie ein Fisch im Wasser in der Avantgarde in Montmartre. Seine erste Begegnung in Paris hatte er mit dem deutschen sozialistischen Schriftsetzer Paul Trapp und seiner Frau Frieda (32). Selbstverständlich  kümmerte er sich um die Politik: als Auslands- korrrespondent und freier Mitarbeiter von Recht voor allen , manchmal als Vertreter von Domela Nieuwenhuis, aber auch als Aktivist . Und wie immer polemisierte er. In der revolutionär-sozialistischen Zeitung L'attaque [Der Angriff] kritisierte er im Januar 1889 das anti-semitische Buch Le juif en Algérie [Der Jude in Algerien] von Emile Violard, der die These vertrat, dass alle Juden ausgerottet werden sollten (33). Vom 14.-21. Juli 1889 war er Beobachter beim Kongress der Sozialistischen Internationale in Paris. Am 10. Juli 1892 kritisierte er laut eines Berichtes eines geheimen Polizisten (34) im Pariser Maison du Peuple [Volkshaus] den Gemeinderat von Marseille, weil dieser dem französischen kolonialen Eroberer General Dodds einen großen Empfang bereitet hatte. Cohen zeigte sich als  entschiedener Gegner der französischen Kolonialpolitik. Am 15. Februar 1892 polemisierte er mit dem bekannten Essayisten und Tolstoj-Übersetzer Teodor de Wyzewa, Stifter von der Revue wagnérienne, in Le Figaro über die These, dass Domela , sowie Gerhart Hauptmann, Bruno Wille, William Morris und Walter Crane Marx verlassen hatten und Tolstoj folgten (35). Cohen machte deutlich, dass Domela die Analyse von Karl Marx teilte, aber nicht dessen politische Taktik. Den Unterschied zwischen Domela und Tolstoj markierte Alexander Cohen scharf: „l’‚Abêtissez-vous’ de Pascal et le ‚Heureux les pauvres d’esprit’ du Christ sont l’antithèse la plus absolue de la moderne conception communiste. Domela Nieuwenhuis (pas plus que William Morris et que tous les véritables communistes) ne veut nullement supprimer le luxe, le bien-être et le développement intellectuel, mais il en préconise au contraire la généralisation pour que tous les êtres humains en jouissent…“ Cohen machte auch deutlich, dass Domela links von Marx stand. Selbstverständlich hatte Cohen  damit auch seine eigene politische Position formuliert.

    In seinem Artikel 'Die Sozialdemokraten und ihre Propaganda' (36), erschienen in der bürgerlichen Zeitung Le figaro vom 31. Mai 1893, kritisierte Alexander Cohen den Personenkult in der Sozialistischen Deutschen Arbeiterpartei um Bebel, Singer und Lasalle. Dieser Personenkult widersprach seiner Meinung nach der Gleichberechtigungsdoktrin des Sozialismus. Ebenso war er der Meinung, dass Wilhelm Liebknecht seine Erklärung ' wer parlementirt pactirt und wer pactirt trahirt' eingeschluckt hatte. Die deutschen Sozialisten haben Cohen diesen Artikel immer nachgetragen, und haben zum Beispiel vergebens versucht ihm noch Jahre später den Zugang zum Kongress der Sozialistischen Arbeiterinternationale in London im Jahr 1896 zu versperren.

    Cohen hatte geringe Einnahmen aus literarischen Übersetzungen. Für viele fortschrittliche Zeitschriften wie La révolte, Le revue de l'évolution, die einflussreiche La société nouvelle und auch für etablierte Monatshefte wie Mercure de France übersetzte er Texte des niederländischen Schriftstellers Multatuli. Als der junge belgische Multatuli-Experten Julius Pée (1871-1951) ihn im Juni 1893 nach seinen Multatuli-Übersetzungen in die französische Sprache befragte, konnte er schon eine ganze Reihe angeben (37). Cohen wollte fortschrittliche niederländische Literatur in Frankreich bekannt machen. Er war für die Multatuli-Rezeption in Frankreich und Deutschland um der Jahrhundertwende 1900 und in Deutschland der bestimmende Faktor. Es gab sowohl in Deutschland als auch in Frankreich eine Multatuli-Welle (1892-1902). In Frankreich war Alexander Cohen verantwortlich,  in Deutschland Wilhelm Spohr, wobei Alexander Cohen der Vermittler war.

    In der Auseinandersetzung während des dritten Kongresses der Sozialistischen Arbeiterinternationale in Zürich im Juni 1893 zwischen den freiheitlichen und den autoritären Sozialisten wählte Domela die Seite der Freiheitlichen. So notierte  Fénéon das in seinen Notizen 'Des Faits' [Tatsachen] in La revue anarchiste vom 18. August 1893: 'Sympathie für Domela Nieuwenhuis, der für uns protestiert hat.'(38)

    Die Schlüsselbegegnung in Paris war für Cohen jedoch das Zusammentreffen mit dem drei Jahre älteren  Kunstkritiker Félix Fénéon (1861-1944) (39), der im Verteidi- gungsministerium arbeitete und auch an der anarchistischen Zeitung L'endehors (Der Aussenseiter) von Zo d'Axa beteiligt war. Cohen hatte schon in 1891 seinen Artikel 'Filles et souteneurs' ['Nutten und Zuhälter'] (40) in L'endehors veröffentlicht. Fénéon korrigierte die Zeitung  jeden Woche  Donnerstag, Cohen begleitete ihn. Der Pamphletist  und anarchistische Journalist Zo d'Axa (1864-1930), Pseudonym von Alphonse Gallaud, war der Chefredakteur und Herausgeber von L'endehors, das kein anarchistisches Organ war wie zum Beispiel La révolte von Jean Grave (1854-1939), an der Cohen auch mitgearbeitet hatte. L'endehors hatte einen mehr legeren Ton als La révolte. Junge fortschrittliche Intellektueller und Künstler wie der Schriftststeller Octave Mirbeau (1848- 1917) (41), der Kritiker und Anarchist  Bernard Lazare (1865-1903), der  1894 nach dem Urteil über Dreyfus als erster an einem Fehlurteil dachte und auch darüber publizierte, selbstverständlich Félix Fénéon , der anarchistische Sozialist Augustin Hamon (1862-1945), Emile Henry, und der Dichter und Musiker Victor Barrucand (1866-1934) waren Mitarbeiter, Bekannter und Freunde von Alexander Cohen. (42)

    Wo Cohen Fénéon begegnet hatte, ist nicht bekannt, aber wahrscheinlich traf er ihn  im anarchistischen Speiselokal von Constant Martin in Montmartre im Herbst des Jahres 1892. Beide wohnten in der Rue Lepic in Montmartre (43), dem Quartier von fortschrittlichen Künstlern. In seinen Erinnerungen schreibt Cohen: 'Wir waren dicke Freunde, und wohnten nahe beieinander. Linguistisch und literarisch habe ich ihm viel zu verdanken, und was in mir an Gefühl für die Kunst schlummerte, ist von ihm hervorgerufen wurden. Vom ruhigen, feinen, bescheidenen Fénéon ging ein großer Charme aus, und von allen Entfremdungen, die sich im Laufe der Zeit vollzogen haben, ist die mit ihm die bitterste gewesen…. Adieu! Félix.' (44) Sie waren Busenfreunde, die einander tagtäglich sahen. Fénéon war 1880 nach Paris gekommen und seitdem mit allen neuen Entwicklungen in der Malerei und Politik eng verbunden. Fénéon stiftete mehrere Zeitschriften wie La libre revue (1883) und La revue indépendante (1884), in der er die litterarische Avantgarde wie Mallarmé und Rimbaud veröffentlichte und die Avantgarde in der Malerei verteidigte. Er schrieb über Maler wie Cézanne, Van Gogh, Seurat und Bonnard. Fénéon war auch Mitarbeiter des einflussreichen, fortschrittlichen Monatsheftes La revue blanche, ab 1896 war er Chefredakteur.

    Cohen hat in diesem Monatsheft in den Jahren 1897-1898 auch Multatuli-Übersetzungen veröffentlicht (45). Seit ihrer Begegnung las Fénéon Cohens Multatuli-Übersetzungen noch einmal und brachte manchmal noch Korrekturen an. Von 1904-1906 waren Cohen und Fénéon Mitarbeiter der großbürgerlichen Pariser Zeitung Le figaro, die Mitarbeiter von jeder politischen Richtung hatte (46).

    Cohen und Fénéon gehörten zu den theoretischen Anarchisten. Aber beiden waren auch mit aktiven Anarchisten wie mit dem jungen Emile Henry (1872-1894) (47) befreundet. Cohen hatte ihn im Spätsommer des Jahres 1892 in dem Speiselokal von Constant Martin kennen gelernt. Am 8. November 1892 hatte Henry in der eleganten Avenue de l'Opéra in Paris beim Hauptsitz von der Carmaux-Bergbaugesellschaft  ein Bombenattentat versucht. Die Bombe explodierte jedoch auf der Polizeiwache in der Rue des Bons-Enfants und der Täter blieb unbekannt. Cohen hatte viele Kontakte mit Henry, der manchmal  bei ihm  in der Rue Lepic (48) in Montmartre übernachtete. Seit 1893 las Cohen mit Fénéon die Korrekturen von l'Endehors. Das Attentat auf das großbürgerliche Café Terminus (49) im Jahr 1894 brachte Henry vor Gericht. Seine Aussage vor Gericht machte einen großen Eindruck und wurde von Cohen ins  Niederländische übersetzt (50). Cohen als Vermittler von fortschrittlichem Gedankengut.

    Cohen traf auch im Speiselokal van Constant Martin in Montmartre den Friedrichshagener Bernhard Kampffmeyer (1867-1942), der zu den Jungen gehörte. Die Jungen waren die links-radikale Opposition in der Sozialistischen Deutschen Arbeiterpartei (SDAP), die auch gegen den Parlamentarismus waren. Nach dem Parteitag in Erfurt (1891) traten viele aus der Partei aus: Bruno Wille, Albert Auerbach (51), Wilhelm Werner, der Drucker von Der Sozialist, Organ der unabhängigen Sozialisten (52),  und Bernhard Kampffmeyer. Auch Bernhard Kampffmeyer mietete ein Zimmer in der Rue Lepic, in der Nähe von Cohens Zimmer. Kampffmeyer war ebenso einer  den besten Freunde von Cohen in Paris und London. Er war finanziellbesser gestellt als Cohen und unterstützte ihn gelegentlich, da Cohen manchmal sogar seine Wäsche ins Leihhaus bringen musste. Kampffmeyer war zur  dieser Zeit ebenso Vermittler von fortschrittlicher Literatur und Politik Er war es sicherlich, der Cohen auf das Schauspiel Einsame Menschen von Gerhart Hauptmann (1862-1946) hingewiesen hatte, dass Cohen ins Französische übersetzte als Ames solitaires (53). Am 13. Dezember 1893 fand die Generalprobe von Hauptmanns Theaterstück im Theater Bouffes-du-Nord in Paris statt, aufgeführt von der Gruppe L'œuvre [die Arbeit] unter der Regie von Aurélien-Marie Lugné-Poe (1869-1940) (54). Die Uraufführung wurde verboten, weil Cohen  nach dem Bombenattentat auf das Palais Bourbon, das französische Abgeordenetenhaus, am 10.Dezember 1893 verhaftet worden war. Es gab eine Protestdemonstration zu seinen Gunsten, Emile Zola besuchte vergebens den französischen Innenminister und Lugné-Poe den französischen Kultusminister. Cohen wurde am 24.Dezember bei Nacht auf ein Boot nach England gesetzt.

    In London schrieb er einen Artikel über Hauptmanns Theaterstücke Vor Sonnenaufgang, Einsame Menschen und Die Weber, dass er im fortschrittlichen Wochenblatt Morgenrood 1895 veröffentlichte (55).

    Die Übersetzung veranlasste den Berliner Verleger Salomon Fischer selbst noch vier Jahre später die Urheberrechte von Cohen ein zu fordern. In einem unveröffentlichten Brief von Alexander Cohen an Félix Fénéon heisst es: 'Dieser Herr Paul Jonas oder Jonas Paul will wahrscheinlich meine Adresse haben um im Namen des Buchhändlers und Juden Fischer in Berlin die Urheberrechte für die Übersetzung von Einsame Menschen zu fordern. Paul und Moise Fischer können darauf lange warten… Sag ihm, wenn er dich nochmals fragt, dass ich in Wladiwostok Katzen züchte' (56).

    Rudolf Rocker, der in 1945 Cohen mit Lebensmittel aus Amerika unterstützte, gab in seinen Erinnerungen Aus den Memoiren eines deutschen Anarchisten (57) ein kritische Porträt von Cohens erste Pariser Periode: 'Dieser Cohen war ein Kapitel für sich, denn wenn er es schon verstand, auf fremde Kosten ein ziemlich freies und ungebundenes Leben zu führen, so musste man doch zugeben, dass der Verkehr mit ihm für manches entschädigte. Alexander Cohen war ein begabter und geistreicher Mensch, der die französische Sprache in Wort und Schrift beherrschte, wie man es selten bei einem Ausländer finden kann.' Rocker meinte, dass Cohen gut von seinen schriftlichen Arbeiten leben konnte. 'Doch er war ein geborener Zigeuner, dem jede Selbstzucht fehlte. Obgleich er außer dem Französischen  und seiner holländischen Muttersprache noch deutsch, italienisch, spanisch und malaiisch sprach, machte er von seinen Sprachkenntnissen nur selten Gebrauch und bequemte sich erst dann zur Arbeit, wenn er niemanden fand, der ihm etwas pumpen wollte. Er hatte diese Art des Lebens zu einer vollständigen Weltanschauung  entwickelt und war aufrichtig genug, mit seinen Grundsätzen nicht hinter dem Berge zu halten.'

     

    London: The torch of anarchy, die Familie Rossetti,

    Errico Malatesta, Peter Kropotkin

     

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    Alexander Cohen kam am 25. Dezember 1893 in der gastfreundlichen englischen Hauptstadt 'pretty' (58) London an. Auch der Friedrichhagener Bernhard Kampffmeyer flüchtete nach  London, wie so viele andere, die aufgrund der Jagd der französischen Polizei auf  Anarchisten mit ihrer Verhaftung rechnen mussten. Kampffmeyer fand ein Zimmer für Cohen in Percy Street, in der Nähe von Tottenham Court Road und Grafton Street, wo die Anarchisten ihr Lokal hatten (59). Cohen traf seine französische Lebensgefährtin Kaya Batut (60) letzten Endes auch in London. Cohen begegnete in der damaligen liberalen britischen Hauptstadt viele französische Anarchisten wie Zo d'Axa, italienische wie Errico Malatesta, russische wie Peter Kropotkin, deutsche bzw. österreichische wie Max Nettlau und vor allem englische: die junge Geschwister Olivia, Helen, Mary und Arthur Rossetti. Olivia und Helen Rossetti finanzierten  die Herausgabe von The torch of anarchy, a revolutionnary journal of anarchist-communism wie der Untertitel lautete. Olivia Frances Madox Rossetti (1875-1960) war die älteste Tochter  des  Kunstkritikers und  Schriftstellers William Michael Rossetti (1829-1919), der mit seiner Familie in einem großen Haus auf Primrose Hill (61) beim Hyde Park lebte. Cohen war dort oft zu Gast, aber die meiste Zeit verbrachte er im Torch-office in Ossulston Street, wo die Torch-Gruppe zusammen kam. William Michael Rossetti besorgte Cohen die Eintrittsgenehmigung für  den Reading Room des British Museum, jetzt British Library. Er schrieb am 27.September 1895 an den Bibliothekar: ' I have some personal knowledge of Mr. Cohen (who is perfectly well known to other members of my family), and I hereby certify that he is quite sure to make proper use of the Reading-room[…]' (62). William Michael Rossetti  war der Bruder des präraffelitischen Dichters und Malers Dante Gabriel Rossetti und der Dichterin Christina Rossetti. Helen Maria Madox Rossetti (1879-1969) war seine zweite Tochter, Mary Elisabeth Madox Rossetti (1881-1947) seine dritte. Der Sohn Arthur Rossetti hatte weniger politisches Interesse.

    In seinen Erinnerungen beschreibt Cohen das Torch-office in Ossulston Street (63), eine ärmliche Nebenstraße von Euston Road: unten die Druckerei, im ersten Stock das Redaktionsbüro, in dem auch eine Zeit lang, die Londoner Ausgabe der Père Peinard gemacht wurde. Der legere Ton von The torch erinnerte ihn an L'endehors. In der Druckerei hausten viele meist sonderliche Anarchisten, wobei die Mehrheit nicht aus dem Vereinigten Königreich kam, sondern aus Italien wie Edoardo Milano und Pietro Gori.

    Als er in London ankam, konnte Cohen sich noch nicht in der englischen Sprache ausdrücken, aber nach einem Jahr veröffentlichte er schon zwei fortschrittliche Artikel in The torch. Sein Artikel 'Oscar Wilde' (64) wählte die Seite des homosexuellen Schriftstellers, der wegen seiner Homosexualität  1895 zu zwei Jahren Zwangsarbeit verurteilt wurde, und er kritisierte die englische Hypokrisie in dieser viktorianischen Sittenauffassung.Er übersetzte Wildes Essay 'The soul of man under socialism' (65) in gekürzter Form. Seine Übersetzung erschien in Morgenrood (66). Cohen schrieb am 17. Oktober 1895 aus dem Redaktionsbüro von The torch an Domela Nieuwenhuis, dem Herausgeber von Morgenrood: 'Ich finde diesen Artikel ausgezeichnet und übersetzte das Fragment auch um nachweisen zu können dass der unglücklichen Oscar Wilde durchaus nicht der 'Bourgeois' ist, den manche engstirnigen Sozialisten oder Anarchisten in ihm sehen.'(67) Oscar Wildes Ansichten schließen an bei den Ansichten, die Cohen in seiner Antwort an Teodor de Wyzewa in Le Figaro formuliert hatte, aber Wilde's Ideen gehen noch weiter, was Cohen auch  mit seinem niederländischen Titel: 'Individualisme' betonte. Eine Entwicklung, die auch Cohen  nachvollzog. Oscar Wilde meinte: wir sollen die Gesellschaft so ändern, dass Armut unmöglich sein wird. Unter dem Sozialismus wird alles anders werden, jedes Mitglied der Gesellschaft wird seinen Anteil haben  an dem allgemeinen Wohlstand. Der Sozialismus hat an sich schon einen Wert, weil er zum Individualismus leitet. Der neue Individualismus, für den sich der Sozialismus unzweifelbar einsetzt, wird die vollkommene Harmonie sein. Er wird vollständig sein und jedermann kann mit dem Sozialismus seine ganze Entfaltung entwickeln. Wilde Schlussfolgerung lautet: der neue Individualismus ist der neue Hellenismus.

    Cohens Artikel 'The case of Mrs Eden' (68) war das erste Plädoyer in der englischen Sprache für das Recht von Frauen auf Abtreibung (Abortus). Weil Sarah Eden einer Frau bei einer gesetzeswidrigen Abtreibung geholfen hatte, und weil diese Frau dabei ums Leben kam, sprach der Richter das Todesurteil aus. Cohen sagte dazu: 'Now if at any time, there existed a right of property, then most indisputably it is that which a woman has over her unborn child. And would it be just as reasonable to hang a surgeon who, by amputating a broken limb, causes the death of his patient, as to condemn to death a Sarah Eden, under whose more or less experienced hands a woman dies after undergoing a so-called illegal abortion.

    But let us look at the question from an other point of view: the most important one. Why should not women, even when they are not in a weak state of health, as Mrs. Sinister [sic] is said to have been , and do not dread the physical pain of child-birth, abort, if they choose to do so. How, in such a case, can the interference of judges, as representatives of Society - that rotten abstraction - be justified?' Paul Robin (1837-1912), der sich stark machte für die Koedukation, wollte Cohen begegnen nach der Lektüre dieses Artikels. Der kommunistisch-anarchistische „Prinz“ W. Tscherkesoff (1846-1925), den Cohen in London begegnet hatte bei Kropotkin, brachte Cohen und Robin in London zusammen (69).

    Der kanadische Forscher Angus McLaren (70) meinte  1997, dass 'Cohen's defense of abortion , because of its daring originality, deserves quotation in full.', und er zitierte Cohens  Artikel vollständig in seiner Monographie The trials of masculinity. 'Daring originality' ist eine gute Charakteristik von Alexander Cohen.

    Cohen und seine Lebensgefährtin Kaya Batut verband eine warme Freundschaft mit Olivia, Helen und Mary Rossetti, wie man auch in seinen Briefen aus dem Amsterdamer Strafgefängnis  1896-1897 lesen kann (71), als auch in seinen Erinnerungen (72). Kaya Batut wohnte auch einige Zeit  im Haus der Rossetti's  auf Primrose Hill in London, während Cohen im Gefängnis war.

    In dem Roman A girl among the anarchists (73) von Isabel Meredith, laut Cohen ein Pseudonym von Olivia Rossetti (74), laut Jennifer Shaddock  jedoch ein Pseudonym von Helen und Olivia Rossetti (in dieser Folge) (75), und auch laut John Quail in seiner Monographie über die englische Anarchisten The slow burning fuse (76) ein Pseudonym von Olivia Rossetti, ist die Epoche der Torch of anarchy beschrieben. Alexander Cohen und John Quail haben unbezweifelbar Recht in ihrer Meinung, dass Olivia Rossetti den Roman geschrieben hat. Cohen aus erster Hand, Quail auf Grund seiner Forschung.

    Alexander Cohen  spielt im achtem Kapitel von diesem Roman 'The dynamitard's escape" eine Rolle als der Franzose Armand Silvestre. Silvestre  orchestrierte mit Erfolg eine Farce um die Verhaftung im Torch-Büro (77) eines französischen Anarchisten, der wegen eines Bombenattentats verhaftet werden sollte, zu verhüten (78). Seine Gefährtin Kaya Batut spielt eine Nebenrolle als Marie. Jennifer Shaddock hat in ihrer Einführung nur eine Analyse aus feministischer Sicht gemacht, aber keine Analyse aus historischer Sicht. Wir wissen also nicht wer, den französischen 'dynamitard' war, den Silvestre half.

    Alexander Cohen verbrachte wie Karl Marx und viele andere Revolutionären den Tag  im Lesesaal des British Museums in London. Dort begegnete er den Anarchist und Historiker des Anarchismus Max Nettlau (1865-1944), den er auch bei Kropotkin und selten im Lokal vom Torch traf (79). Nettlau war der Biograf (80) und Bibliograf von Michael Bakunin, dem anarchistischen Gegenspieler von Marx. Nettlau war auch ein Friedrichshagener. Er brachte  eine große Sammlung von Büchern, Zeitschriften, Dokumenten, Briefen und Archiven auf dem Gebiet des Sozialismus und Anarchismus zusammen. In seinen Erinnerungen (81) teilte Cohen mit, dass Max Nettlau seine Entscheidung, seine Sammlung dem British Museum zu vermachen, nach den Burenkriegen in Süd-Afrika zurückgenommen hatte. Im Jahr 1935 verkaufte Nettlau seine Sammlung an das Internationale Institut für Sozialgeschichte in Amsterdam, wo sie sich noch immer befindet.

    Als Cohen seine eigene Publikation De paradox in den Jahren 1897-1898  in Den Haag herausgab, war Nettlau Abonnent und  subventionierte er die Publikation. Später trafen sie sich in Paris. Nettlau ätzte ein kleines Porträt von Cohen: ' Er war ein witziger Kopf und verstand gewisse Großen der damaligen Kreise, besonders A[ugustin]. H.[amon]* und A[milcare]. C[ipriani]* köstlich zu verulken. Er hatte es auf die deutsche Sozialdemokratie abgesehen und schrieb jenen Artikel über die Produkte des Geschäftssozialismus, den er u.a. durch die Abbildung einer Schnapsflasche illustrierte,  die 'Proletarier aller Länder vereinigt euch' im Glasdruck zeigte; ich habe die Flasche selbst gesehen. Die Sozialdemokratie forderte durch ihren Dünkel solche Bloßstellungen heraus. Er schrieb später 'L'Allemagne irrespectueuse' (Revue blanche, 15.Nov. 1901, S. 413- 432) über die Simplizissimuszeit.' Nettlau war ein guter Beobachter, aber er irrte sich in den Beweggründen Cohens sich vom Anarchismus zu verabschieden: 'Unseren Kreisen fehlte zu sehr die Aufnahmefähigkeit für Witz und Satire und so ging er verloren. Ich kannte auch seine Schwächen, aber trotzdem war es schade um ihn und er hat seinen damaligen Freunden heitere Stunden bereitet.' (82) Die Analyse von Nettlau ist richtig. Cohen kannte zum Beispiel beide anarchistische russische Fürsten in ihrem Londoner Exil. Wegen seines Gefühls für Humor hatte er eine Vorliebe für Kropotkin, obwohl er auch Tscherkesoff einen noblen Menschen fand (83).

     

    Amsterdam - Paris 1896 -1907

     

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    Cohen konnte in London kein Geld verdienen, er hasste auch die schmutziggraue viktorianische Großstadt. In November 1896 ging er zurück nach Holland. Obwohl König Willem III. schon in 1890 gestorben war, sollte Cohen doch seine Gefängnisstrafe aussitzen, weil er - unabhängig wie er immer war - sich weigerte der jungen Königin Wilhelmina um Begnadigung zu bitten. In dem Strafgefängnis in Amsterdam entschied er sich für den Individualismus, eine Entwicklung, die schon in London in Gang war. Cohen blieb ein Radikal. Als die österreichische Kaiserin Elisabeth ermordet wurde von einem italienischen Anarchisten, schrieb Cohen in seiner Haager Publikation De paradox kein Artikel zum Andenken an die ermordete Kaiserin, sondern 'Voor [Für] Luccheni' (84). Cohen war nicht einverstanden mit dem Ziel, dass Luccheni gewählt hatte, trotzdem verstand er die Beweggründe des Mörders:die Unterdrückung durch die Polizei.

    Im Jahre 1899  kehrte er wieder nach Paris. Zwei Jahre später erschien sein Auswahl aus Multatuli unter den Titel Pages choisies mit einer Einführung von Anatole France (85). Cohen arbeitete als Auslandsredakteur für mehrere Pariser Zeitungen wie die fünf Groschenzeitung Le sou und Le figaro. Seine Sprachkenntnisse bestimmten ihn für solche Stellen.

    Ab 1906 wird er Auslandskorrespondent der Amsterdamer Zeitung De telegraaf in Paris. Cohen berichtete über die Korruption in der III. Republik und über den schnellen Regierungswechsel: jede neun Monate eine neue Regierung.

    Schon in 1900 begegnete er den  jungen Niederländischen Maler Kees van Dongen (1877-1968). Cohen fand für ihm eine Wohnung: 10, Impasse Girardon, Paris VIII.  Van Dongens  Zeichnungen hatten eine soziale Thematik: er war Mitarbeiter von Het volk, La revue blanche, Les temps nouveaux und L'asiette au beurre. Félix Fénéons kritische Aufsätze über sein malerisches Werk besorgten Van Dongen das grosse Erfolg als Maler. Ab 1904 war Van Dongen  ein bedeutender Maler in Paris, seine sozialen Ansichten spielten keine Rolle mehr.

    Im zweiten Band von seiner Picasso-Biografie erzählt der Amerikaner John Richardson (86), dass Picasso und seine damalige Geliebte Fernande Olivier  in 1907 ein kleines Mädchen adoptierten. Am 9. April 1907 gingen sie zu einem katholischen Waisenhaus in der Rue Caulaincourt (Montmartre) um ein Mädchen aus zu suchen. Sie wählten Raymonde, ein Mädchen, dass um die dreizehn Jahre alt war. Auch der französischer Schriftsteller André Salmon (87) gibt ihr Alter in seinem  fictionalen Bericht wie dreizehn. Nach Apollinaire war sie neun.  Eine Schönheit, die Tochter einer französische Hure, die in einem tunesischen  Freudenhaus arbeitete, gerettet von dem niederländischen Journalist Alexander Cohen. Apollinaire beschuldigte Cohen nach Richardson  mehr aus  eigener Interesse als aus Mitleid verfahren zu haben: die Cohens hatten das Kind gezwungen Geige spielen zu lernen so daß sie die Cohens in ihrem Alter amüsieren konnten mit ihrem Spiel. Als Raymonde kein muzikalisches Talent bessas, haben die Cohens sie im Stich gelassen. Raymonde ist nicht nachgewiesen in der Biographie von Cohen (88). Picasso, Salomon, Apollinaire und Richardson ist der Humor von Cohen entgangen. >

    Von Anarchist wird er Monarchist, von radikal links radikal rechts, und Anhänger der nationalistischen und monarchistischen Bewegung Action Française. Cohen konnte kein  Mitglied werden, weil er nicht in Frankreich geboren war. Diese Bewegung nam nie an der Regierung teil und hatte deshalb saubere Hände, die politische Analysen waren scharf und elegant geschrieben. Cohen war ein Gegner von Hitler und Stalin, und Anhänger von  Marschall Pétain, weil er in Verdun gesiegt hatte, aber auch ein Verteidiger von Pétain als Haupt des französischen Staates (die Vichy-Regierung) im zweiten Weltkrieg. Gegenüber Mussolini, Franco und Salazar war Cohen mild.

    Linksradikale wie Mussolini und Georges Sorel  haben im vorigen Jahrhundert oft radikal links und rechts gewechselt. Sie teilten ein revolutionäres Temperament und eine große politische Leidenschaft. Die Geschwister Olivia und Helen Rossetti wanderten nach Rom aus (89). Sie waren begeisterte Anhänger von Mussolini.

    RONALD SPOOR

     

     
     
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    A. Cohen, Courcelles sous Tréloup, 23 september 1923
     
     

    (1) Ronald Spoor, 'Jozef Alexander Cohen' in Biografisch woordenboek van het socialisme en de arbeidersbeweging in Nederland, Amsterdam, IISG, 1990, Band  4, S. 29-33.

    (2) Alexander Cohen, Brief vom 26. Januar 1890 an den Französischen Justizminister in: Alexander Cohen, Brieven 1888-1961 [herausgegeben von Ronald Spoor], Amsterdam 1997, S. 39-40.

    (3) Alexander Cohen, In opstand: met houtsneden van Georges Rohner, Amsterdam [1932], S.31.

    (4) Alexander Cohen, In opstand, S. 51-54.

    (5) Alexander Cohen, In opstand, S. 83-133.

    (6) Alexander Cohen, 'Multatuli-souvenirs' in De Amsterdammer, weekblad voor Nederland , 1. Mai 1910, auch in: Alexander Cohen, Uitingen van een reactionair (1896-1926): voorafgegaan door een schets van den persoon des schrijvers door een zijner vrienden [H.P.L.Wiessing]. Met een portret naar een teekening van Kees van  Dongen, Baarn 1929, S. 51-54, siehe auch In opstand [1932], S. 111. Über Cohen und Multatuli, siehe: Ronald  Spoor, 'De straatlucht van Multatuli: Alexander Cohen en Multatuli', zu erscheinen in der Zeitschrift Multatuli 52 (Frühling 2004). Über Cohen und Wiessing, siehe: Ronald  Spoor, 'Cohen en Wiessing: vakbroeders, vrienden en politieke vijanden'  in Nieuw letterkundig magazijn 9 (1991), 1 (Juli), S. 14-21.

    (7) v.L [von Leeuwarden, also: Alexander Cohen], 'MdR!' in Groninger weekblad, radicale courant voor Nederland, 1 (1887) 39 (25. Juni),weiter: C., 'Naar Indië',  1 (1887) 40 - 46 (2.Juli - 13.August), auch in Alexander Cohen, Uiterst links: journalistiek werk 1887-1896, herausgegeben von Ronald  Spoor, Amsterdam 1980, S.53- 68.

    (8) Alexander Cohen, Uiterst links, S.56.

    (9) In opstand, S. 136.

    (10) In opstand, S, 137.

    (11) In opstand, S. 137.

    (12) Seit 1886. Im Jahr  1879 erschien sie als Wochenblatt, siehe Ronald Spoor, 'Recht voor allen' in Uiterst links, S. 69-70.

    (13) Ronald Spoor, 'De bohémien en de burger: Alexander Cohen en Ferdinand Domela Nieuwenhuis 1887-1919' in Het oog in 't zeil 9 (1991), 1 (Oktober), S. 54-60, vormals erschienen in: De as 89 (März 1990), S. 3-13.

    (14) Siehe Marten Buschman und Marie Christine van der Sman (Herausgeber), Rode residentie: geïllustreerde geschiedenis van honderd jaar sociaal-democratie in Den Haag, Den Haag 1994.

    (15) Friedrich Engels an Laura Lafargue geb. Marx am 27. August 1889 in:  Karl Marx und Friedrich  Engels, Werke, Berlin 1891-1983, Band 57, S. 240 -241.

    (16) Die junge Königin Wilhelmina (1880-1962), Königin der Niederlande (1898-1948), hatte am 31. August  Geburtstag.

    (17) In opstand, S. 139.

    (18) Jan Meyers, Domela een hemel op aarde : leven en sterven van Ferdinand Domela Nieuwenhuis, Amsterdam [1993], S. 124-125.

    (19) Vgl. Uiterst links, S.14 und  'De bohémien en de burger' S. 54-55.

    (20) F. Domela Nieuwenhuis,Van christen tot anarchist, Amsterdam [1910], S.185.

    (21) Alexander Cohen, 'Verdediging - Cohen' in Recht voor allen 9  (1887) 110 (14 November), S. 1-2, auch in Uiterst links, S. 71-74.

    (22) F.Domela Nieuwenhuis, Van christen tot socialist, S. 202-203.

    (23) Emile Zola, Germinal, Paris 1885. Siebzehnter Roman aus dem Zyklus Les Rougon-Maquart: histoire naturelle et sociale d' une  famille sous le Second Empire. Zola schildert den Alltag, das Leben und Leiden der Bergarbeiter in Nord-Frankreich, sowie ihre Streiks und Kämpfe gegen die Bergbaugesellschaft und die Gendarmerie. Er zeigt den wachsenden Einfluss von Sozialismus und Anarchismus.

    (24) Alexander Cohen, Brieven 1888-1961, S. 64 und S. 696.

    (25) Alexander Cohen, 'Een ontboezeming' in Recht voor allen 10 (1888) 36 (23 März), S. 1-2, auch in Uiterst links, S. 77-85.

    (26) Emile Zola, Au bonheur des dames, Paris 1883. Fünfzehnter Roman aus dem Zyklus Les Rougon-Macquart. Im Kaufhaus Au bonheur des dames arbeitet eine junge Frau die eine Liebesbeziehung mit dem Inhaber hat. Zola beschreibt das Leben in der Mitte des 19. Jahrhunderts.

    (27) Siehe Alexander Cohen, Brieven 1888-1961, Amsterdam 1997, S.64 und S.  696.

    (28) In opstand , S. 160.

    (29) Siehe Alexander Cohen, Brieven 1888-1961,  Amsterdam 1997, S.40.

    (30) Emile Zola, 'Het bloed', uit het Fransch door Alexander Cohen' erschien in vier Fortsetzungen in Recht voor allen 12 (1890), von Nr.216 (14. und 15. September) bis einschließlich Nr. 234 (5.und 6.Oktober).

    (31) Souvarine [Alexander Cohen], 'Parijsche brieven I' , Paris 18.VIII.1888, in: Recht voor allen 10 (1888) 102 (27.August), S. 2, auch in Uiterst links, S. 88.

    (32) Alexander Cohen, In opstand, S. 155-168.,

    (33) Alexandre Cohen, 'Le juif et les révolutionnaires'.

    (34) Archiv von der Préfecture de la Police in Paris, dossier Alexandre Cohen.

    (35) Alexandre Cohen, 'À Monsieur le Rédacteur en chef du Figaro', in Le figaro, 12. Februar 1892. Auch in Alexander Cohen, Brieven 1888-1961, S. 40-42 und S.682-684.

    (36) lexandre Cohen, 'Les social démocrates et leur propagande' in Le figaro, 31. Mai 1893. Auch in Recht voor allen 17 (1895), 87 (23. Juli), S. 1-2.

    (37) Siehe Alexander Cohen, Brieven 1888-1961, S. 686, Anmerkung 2  beim Brief vom 6.Juni 1893 an Pée, und die Bibliografie von Cohens Multatuli-Übersetzungen ins französische in meinem Artikel 'De straatlucht van Multatuli: Alexander Cohen en Multatuli', zu erscheinen in Multatuli 52 (Frühling 2004).

    (38) Félix Fénéon, Oeuvres plus que complètes,textes réunis et présentés par Joan U. Halperin, Band II, Genf 1970, S. 934.

    (39) Siehe Joan Ungersma Halperin, Félix Fénéon, art et anarchie dans le Paris Fin de siècle, Paris 1991.

    (40) Alexandre Cohen, 'Filles et souteneurs' in L'endehors 26 (1891), S. 2-3.

    (41) Der Schriftsteller Octave Mirbeau engagierte sich später für die Wahrheit und Gerechtigkeit in der Angelegenheit des jüdischen Kapitäns des Französischen Generalstabes Alfred Dreyfus (1859-1935). Seine Romane Le jardin des supplices (1899) und Le journal d'une femme de chambre (1900)  sind Klassiker der französichen Literatur.

    (42) Cohen schrieb über d'Axa und das Lokal in dem L'endehors zusammengestellt  wurde im Kapitel XIII von In opstand, S. 197-206.

    (43) Fénéon lebte seit 1886 mit seinen Eltern in einem kleinen Appartement in der Rue Lepic 78.

    (44) In opstand, S. 30. Am 2. Juni 1894 schrieb Cohen an Domela über 'die Festnahme von Félix Fénéon, meinem besten Freund in Paris.', siehe Brieven 1888-1961, S. 73.

    (45) Brieven 1888-1961, S. 790.

    (46) Alexander Cohen, Van anarchist tot monarchist, verluchtingen door Leo Gestel, Amsterdam 1936, S. 187.

    (47) In demselben Brief an Domela vom 2. Juni 1894 nannte er auch Henry 'einen meiner besten Freunde', Brieven 1888-1961, S. 73.

    (48) Rue Lepic 59. Cohen mietete ein kleines Zimmer im sechsten Stock. In dem Haus war kein Aufzug wie das damals in den Pariser  Mietshäusern üblich war.

    (49) Das Café Terminus neben dem Bahnhof  St. Lazare in Paris gibt es noch immer.

    (50) Emile Henry, 'La déclaration' vor den Assisen in Paris am 27. April 1894 , wurde in der Übersetzung von Cohen  in einer Beilage des  niederländischen anarchistisch-kommunistischen Organs Anarchist 7 (1894) 54 ( 2. Juni) veröffentlicht.

    (51) Cohen begegnete Auerbach mehrfach in Paris , aber er hatte keine hohe Meinung von ihm, siehe den Brief an Domela vom  15. November 1893 in Brieven 1888-1961, S. 58. Auerbach hatte eine Broschüre von Domela, Die verschiedenen Strömungen in der deutschen Sozialdemokratie, Berlin 1892 aus dem Französisch übersetzt.

    (52) Wilhelm Werner (*1856) flüchtete im Februar 1892 aus Berlin nach London um sich der Verhaftung zu entziehen.

    (53) Gerhart Hauptmann, Ames solitaires, Fünfter Akt, in: Mercure de France, Teil 9 (1893), S.50-62. Cohens Übersetzung von Ames solitaires erschien in 1894 bei L. Grasillier in Paris.

    (54) Aurélien-Marie Lugné-Poe, La parade, Paris 1931. Im zweiten Teil, S. 64-65 beschreibt Lugné-Poe die Schwierigkeiten bei der Erstaufführung von Ames solitaires.

    (55) Alexander Cohen, 'Gerhart Hauptmann' in Morgenrood; 3 (1895), S. 220-222.

    (56) Alexander Cohen an Félix Fénéon, Amsterdam 2. Juli 1896. Das Zitat ist aus dem Französischen übersetzt. Der Brief von Cohen befindet sich in Archives Jean Paulhan in Paris.

    (57) Rudolf Rocker, Aus den Memoiren eines deutschen Anarchisten, Edition Melnikow/Duerr, 1974., S.96-100.

    (58) In opstand, S.255.

    (59) Van anarchist tot monarchist, S.17. In Grafton Hall kamen auch die Mitglieder des Communistischen Arbeiter-Bildungsvereins zusammen. Cohen lernte hier Ferdinand Gilles kennen.

    (60) Elisa Germaine Marie (Kaya) Batut, geboren am 28. September  1871, Tochter von Antoine Batut und Marie Batut geb. Blanc, in Coubison (dép. Aveyron) lebte seit dem 15. August 1893 mit Alexander Cohen. Sie war Kostümnäherin. Am 23. März 1918 heiratete sie Alexander Cohen im Rathaus des XVIII. Arrondissement von Paris (Montmartre).  Sie starb am 16.Oktober 1959 in  St. Roman de Bellet nach einem gelungenen Versuch ihren Mann am 10.Oktober bei einem Sturz von einer Treppe zu retten.

    (61) Das Haus  38, Edmunds Terrace, London  wurde im Zweiten Weltkrieg zerstört.

    (62) Brieven 1888-1964, S. 717.

    (63) Ossulston Street 127, siehe auch Van anarchist tot monarchist, S.28, mehr über The torch of anarchy, S. 25-37.

    (64) Alexander Cohen, 'Oscar Wilde' in The torch of anarchy 2 (1895-1896), 1 , S. 1-2. Siehe auch Van anarchist tot monarchist, S. 67-69.

    (65) Oscar Wilde, ‚The soul of man under socialism' in The fortnightly review 1891 (Band 49), S. 292-213.

    (66) 'Individualisme' in Morgenrood 3 (1895)  47 (S. 370-372) und 48 (S. 378-379).

    (67) Brieven 1888-1961, S. 107.

    (68) Alexander Cohen, 'The case of Mrs. Eden' in The torch of anarchy 2 (1895-1896), 7, S. 107.

    (69) Cohen beschrieb seine Begegnung in einem unveröffentlichten Brief von 20. November 1896 an Kaya Batut.

    (70) Siehe Angus McLaren, The trials of masculinity: policing gender 1870-1930, Chicago 1997, S. 81 - 84. Cohens Artikel 'Oscar Wilde' auf den Seiten 81-82.

    (71) Z.B. Brieven 1888-1961, S. 127-128. Die vielen Briefe von Olivia und Arthur Rossetti, die Cohen im Amsterdamer Strafgefängnis bekam, sind leider nicht aufbewart.

    (72) Van anarchist tot monarchist, S.93-94

    (73) Isabel Meredith, A girl among the anarchists, London 1903. Reprint mit einer 'Introduction to the Bison Book Edition by Jennifer Shaddock', Lincoln und London, [1993].

    (74) Van anarchist tot monarchist, S. 27.

    (75) A girl among the anarchists: introduction by Jennifer Shaddock, S. V.

    (76) John Quail, The slow burning fuse [the lost history of British anarchists], London [1978], S. 204.

    (77) In A girl among the anarchists heisst es Tocsin Office.

    (78) A girl among the anarchists , Kapitel VIII, S. 155-186. Armand Silvestre  wird vorgestellt auf  Seite 172, Marie auf Seite 173.

    (79) Van anarchist tot monarchist, S.40.

    (80) Max Nettlau, The life of Michael Bakunin. Michael Bakunin. Eine Biografie, London 1896-1900, drei Bände.

    (81) Van anarchist tot monarchist, S. 40.

    (82) Max Nettlau, Anarchisten und Syndikalisten (Geschichte der Anarchie, Band V), Vaduz 1984, S. 359.

    (83) Van anarchist tot monarchist, S. 41-42.

    (84) De paradox Nr. 14 (4.Juni 1898), S 161-163.

    (85) Multatuli, Pages choisies, traduites par Alexandre Cohen, préface d'Anatole France, Paris, Mercure de France, 1901. Eine zweite Auflage erschien im selben Jahr.

    (86) John Richardson in Zusammenarbeit mit Mary McCullin, A life of Picasso: Band II 1907-1917, The painter of modern life , London (1996), S. 29.

    (87) André Salmon, Souvenirs sans fin: deuxième  époque (1908-1920), Paris 1956, S. 328. Siehe auch Salmon, La négresse  du Sacré Coeur, Paris 1968 (ursprünglich: 1920), S. 167.

    (88) Cohen hat in den Jahren 1892-1903 kein Anzeige getan von einem Adoptivkind beim Standesamt  des  XVIII. Arrondissement  (Montmartre) in Paris . Mit freundlichen Dank an die Mairie vom XVIII. Arrondissement.

    (89) Die Verbindung von Cohen mit der Rossettis ging in den zwanziger Jahren verloren. In April 1949 wurde sie wieder hergestellt.

     

    Merci à Jérôme Anciberro & Gaël Cheptou