En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.
Une émission de la chaîne Cinaps TV (2008) consacrée à la langue et à la littérature yiddish et à la traduction de cette langue. Présentation : Antoine Spire & Mano Siri.
Invités
Partie 1 : Rachel Ertel (sur l'histoire du yiddish et la littérature yiddish)
Partie 2 (29'30) : Anne-Sophie Dreyfus (traductrice)
Dès le samedi 22 octobre 1808, leJournal des Arts, des Sciences, de Littérature et de Politiqueannonce qu’ « un des meilleurs poëtes hollandais […] publiera bientôt son grand poëme qui a pour sujet l’affranchissement des Pays-Bas ». Ce n’est que quatre ans plus tard, après plus de dix années de labeur, que Jan Frederik Helmers (1767-1813), poète par excellence de la résistance à l’occupation française, fit en réalité paraître l’œuvre en question,De Hollandsche Natie(La Nation Hollandaise, 1812), non sans faire quelques concessions, mais le censeur impérial Jean Cohen (1) ne se montra pas particulièrement sévère. On aurait pu en effet s’attendre à un refus de publication d’un écrit contenant un message aussi ouvertement nationaliste. Et lorsque les autorités changèrent leur fusil d’épaule et décidèrent de procéder à l’arrestation de l’auteur qui mariait une admiration certaine pour les Lumières bataves à une passion fougueuse pour le passé de son pays, notre romantique avant la lettre n’attendit pas la police : il mourut en effet peu avant l’arrivée des représentants de l’ordre.
La Nation Hollandaisedevait être transposée en vers par Auguste Clavareauen 1825. Dès 1820, le lecteur d’expression française avait pu se faire une petite idée du contenu de cette œuvre à la fois généreuse et emphatique. Dans sesMélanges de Poésie et de Littérature des Pays-Bas, l’autodidacte et admirateur de Béranger L.G. Visscher (1797-1859) avait en effet proposé quelques passages traduits en prose. Le texte ci-dessous reprend sa présentation du poème de J.F. Helmers (orthographe modernisée). Est-ce seulement par modestie que l'aède d'Amsterdam nous adresse une mise en garde dès la préface ? « Mon sujet est riche ; oui, trop riche pour la poésie. Ce que j’avance ici ne doit pas être regardé comme un paradoxe : tout poète en conviendra facilement. Il n’est pas de sujet, quelque pauvre, quelque mince qu’il soit, que la poésie ne puisse embellir et rendre intéressant, s’il tombe entre les mains d’un véritable poète. Son imagination brûlante enflamme son cœur ; il verse dans l’âme de ses lecteurs ou de ses auditeurs, le sentiment qui le remplit tout entier. C’est surtout quand la matière n’est pas assez riche d’elle-même, que son génie se développe d’une manière brillante ; c’est alors qu’il peut en effet être poète, c’est-à-dire, créateur. Mais si le sujet est grand par lui-même, plein de faits intéressants par la diversité, le poète est surpassé par la grandeur des objets qu’il veut retracer à notre imagination. À quoi servent les fictions ingénieuses, les ornements de la poésie, quand le simple exposé du fait porte avec soi son mérite et sa louange ? […] Guidé par l’élan de mon cœur, le souvenir de ces grands hommes, tels que la terre n’en avait pas encore vu et n’en verra peut-être plus jamais, m’a fait éprouver tous les sentiments que je voulais faire passer dans l’âme de mes contemporains. Heureux, si j’ai pu atteindre ce but ! plus heureux encore, si mes lecteurs jugent, avec fondement, mes expressions trop faibles, mon enthousiasme trop froid, mes idées et mes vers au-dessous de leur attente ! Comme poète, j’y perdrai sans doute ; mais puis-je m’en plaindre ? quelle haute idée n’aurai-je pas alors de vous, ô mes compatriotes ? comme je vous trouverai dignes de vos ancêtres ! avec quel plaisir ne sacrifierai-je pas ma gloire poétique à l’intime conviction que vous n’avez pas dégénéré de ces héros ? » (2)
D.C.
(1) Anne Jean Louis Philippe Cohen de Vinkenhoef, né à Amersfoort le 17 octobre 1781, mort à Paris le 6 avril 1848. Ce journaliste fut nommé en 1811 censeur impérial pour ce qui concernait les langues étrangères puis devint, en 1824, bibliothécaire de la Bibliothèque Sainte-Geneviève. Il a traduit divers ouvrages de l’allemand, de l’anglais, du suédois, du russe et de l’italien. Il est probablement le premier à avoir transposé Vondel en français (pièces poétiques et deux tragédies : Lucifer et Gysbreght van Aemstel) ; il a d’ailleurs laissé un essai posthume sur l’Altaergeheimenissen (1645), un des chefs-d’œuvre de cette grande figure du Siècle d’or.
(2) Extraits de la préface de l’édition de 1825 dans la traduction d’Auguste Clavareau (disponible dans son intégralité sur Google Books).
Ce poème, dès qu’il parut, fut reçu avec transport ; on en avait conçu la plus haute idée dans l’esquisse que le poète en avait tracée lui-même, et qu’il justifia de la manière la plus victorieuse. Déjà Helmers était connu avantageusement sur notre Parnassé, et ses mâles accents nous consolaient alors qu’envahis par le grand empire, l’horizon politique ne nous offrait dans l’avenir qu’une lueur d’espoir à peine perceptible. C’est vers cette époque que notre digne poète, nous rappelant l’antique gloire de nos ancêtres, reportait notre attention sur leurs exploits, et savait embellir de ses sons harmonieux les rayons d’espérance qu’il faisait briller à nos yeux. C’est à cette époque même que parut son poème intituléla Nation hollandaise.Ce fut un trésor, un baume consolateur qu’il offrit à un peuple soupirant, et la plus sévère critique applaudit elle-même à ce chef-d’œuvre de génie, sauf peut-être quelques légers défauts de correction dans le style, de répétition et d’enthousiasme sans limites, qui se font en général remarquer dans les ouvrages de ce poète célèbre. On peut néanmoins placer son poème au rang de ces productions qui honorent les plus grands génies de l’Europe. Il n’y a que peu d’années que Helmers paya l’inévitable tribut à la nature : les muses éplorées regrettent en lui un poète d’un patriotisme à l’épreuve, et dont une simple et modeste pierre couvre les restes. Aucune épitaphe ni tombeau n’arrêtent les regards des passants ; mais sa mémoire vivra à jamais dans tous les cœurs bien nés.
Son poème dont nous nous occupons dans ce chapitre, est divisé en six chants, consacrés à la gloire d’une nation qu’il chérissait avec transport. Dans le premier, il célèbre l’amour sacré de la patrie et les mœurs d’un pays à qui la nature avait tout refusé, jusqu’à la terre même, qui ne fut pour lui qu’une production de l’art. L’économie de ses habitants, la prudence et la tolérance de leurs prédécesseurs, reçoivent de la part du poète le tribut de son admiration. Les épisodes de De Ruiter, de Cats, d’Hambroek et autres, décorent toute la pompe de ses vers : ces divers sujets, extraits de l’Histoire, inspirent le plus vif intérêt, et sont peints des plus riches couleurs et de toute l’énergie de sa verve poétique.
Michiel de Ruyter
Le poète élève la voix au second chant pour comparer la Belgique au Rhin, qui n’est à sa source qu’un faible ruisseau, mais qui, croissant bientôt en s’élargissant, devient enfin un fleuve considérable. C’est alors que, parcou- rant les principaux faits de l’Histoire, il s’arrête au tombeau de Guillaume Ier, pour chanter les exploits de ses ancêtres, en les considérant tant sous le double point de vue de la bravoure militaire que de la moralité.
Le troisième est celui de tous ses chants le plus patriotique, et qui se distingue par plus de hardiesse. Il s’agit de la gloire que s’acquirent sur toutes les mers les De Ruiter, les Tromp, les Van Galen, les Piet Hein et autres, qui répandirent au loin la terreur d’un pavillon qui, à cette époque, fut respecté par toutes les nations du globe. Ce tableau, des plus mâles, et digne de son sujet, suffirait seul pour nous donner du talent poétique de Helmers l’idée la plus distinguée. Ce ne sont pas seulement l’élévation du style, les pensées sublimes et la vérité des expressions qu’on admire le plus en lui, et qui font l’ornement précieux de ses vers, mais encore sa manière originale de chanter les prestiges de l’imagination dans le 4echant, où il se plaît à décrire principalement les voyages et découvertes de nos marins, dont la description est peut-être moins détaillée que laLusiade, mais qui est plus frappante d’images. Le sujet de ce chant est pour nous ce que fut pour les Portugais le chef-d’œuvre du Camoëns. Enfin, ses deux derniers chants célèbrent des noms précieux aux sciences et aux arts, ainsi que l’amour des Belges pour les productions du génie. Cependant le poète ne s’y perd pas en de vains détails ; il rend hommage à la mémoire des grands noms que toute l’Europe cite avec orgueil, et termine son brillant poème en s’adressant à ses enfants, leur offre les prémices de son précieux travail, en s’inquiétant seulement si on reconnaîtra ses propres sentiments dans ses vers. « Si un jour, leur dit-il, vous rassemblez mes cendres près des urnes où reposent celles de nos pères, et que vous reconnaissez mon âme dans mes chants, si alors une larme de reconnaissance s’échappe de vos yeux, vous pourrez dire avec orgueil : «Oui mon père chérissait sa patrie !»
L.G. Visscher
On peut certes critiquer l’aspect pompeux deLa Nation Hollandaise; néanmoins, certaines pages ne manquent pas de brio. Pour goûter un peu ces vers, reprenons l’un des deux passages traduits par L.G. Visscher en le faisant précéder de l’original et suivre de la transposition en vers du Luxembourgeois Clavareau. Ce fragment du Chant 3 – qui fut mis en musique par Edzard Grefe une cinquantaine d’années après sa parution – évoque la mort héroïque du vice-amiral Reinier Claassens et de ses hommes le 6 octobre 1606 près du cap Saint-Vincent.
’t Was Neerland niet genoeg, dat, aan het Spaansche strand,
Philippus vloten zijn veroverd en verbrand,
Aan ’s aardrijks ander eind’ ontving hij dieper wonden:
Naar ’t westerdeel der aard’ werd Claasens afgezonden.
Zijn zinspreuk is: « voor God! verwinnen of vergaan! »
Zijn naam heeft reeds den schrik verspreid langs d’Oeeaan.
Wie durft dien dappren Zeeuw bestrijden? wie zal ’t wagen?
’t Is de overmagt alleen, die schriklijk op komt dagen.
Acht schepen, zwaar van bouw, omsinglen thans den held;
Hij staat alleen, maar vast, gelijk een rots ’t geweld
Der eeuwen, ’t woest gebrul des donders fier blijft trotsen,
Schoon stormen aan zijn’ voet in wilde golven klotsen,
Schoon schip bij schip, met kracht geslingerd op zijn borst,
Verbrijzeld henen stuift, staat hij, met kracht omschorst,
Belacht het woeden van de orkanen en van de eeuwen;
Zoo staat ook Claasens nu; de dolle Spanjaards schreeuwen
En tieren, daar men hem in eenen kring besluit;
(Zoo brult het ongediert’ der woestenij naar buit.)
Men tracht, schoon vruchtloos, hem tot de overgaaf te nopen;
Neen, duur wil hij de zege aan ’slands tiran verkoopen.
Tot d’ongelijken strijd maakt hij zich straks gereed,
Hij denkt aan God, aan Spanje, aan Neêrland, en zijn’ eed.
Nu barst de dood eensslags uit duizend kopren monden;
Zijn masten, zeil en roer zijn ras in zee verslonden;
Het reddelooze schip geeft vreeslijk krak bij krak;
Twee dagen strijdt hij nog op ’t halfgesloopte wrak.
Nu roept hij ’t volk bijeen, en zegt, met vonklende oogen:
« Gij, die nooit hebt gebukt voor Spanjes dwangvermogen,
Die hem de zege hebt in strijd bij strijd ontroofd,
Spitsbroeders! zult gij nu, met nederhangend hoofd,
Beschimpt, gesmaad, geboeid, u schandlijk overgeven?
Uw’ beulen danken voor een afgebedeld leven?
Of kiest gij, nevens mij, den dood voor ’t Vaderland?
Beslist: dan steekt dees lont ons luttel kruid in brand!
Dan zal dit brandend wrak aan ’s vijands vloot zich hechten,
En stervend zult gij dus uw’ beulen nog bevechten. »
Hij zwijgt; – hij grijpt de lont; ’t volk roept vol geestdrift uit:
« Ja! sterven wij met roem; steek, steek den brand in ’t kruid! »
Nu wijdt zich elk ter dood; er wordt niet meer gestreden,
Maar knielend storten zij heur allerlaatste beden;
En Claasens, daar hij ’t hart verheft tot zijnen God,
Smeekt voor zijn gade en kroost, in heur ondraaglijk lot:
Hij ziet haar wanhoop, ziet haar tranen, hoort haar klagen,
Zijn’ zoon de moeder naar de komst des vaders vragen!
Hij stoot dit denkbeeld weg, bidt vurig, rijst en zucht,
En werpt de lont in ’t kruid, en ’t schip barst in de lucht!
(J.F. Helmers,Volledige Werken, T. 1, 1844, p. 58-59)
La Hollande, peu satisfaite de ses triomphes sur la flotte royale, obtenus près des côtes d’Espagne, se plaît à la poursuivre jusques dans les mers les plus-éloignées. Claassens est expédié vers le pôle occidental du globe ; déjà son nom a répandu la terreur sur la surface de l’Océan. Sa devise estvaincre ou mourir; Dieu et la patrie. La bravoure du capitaine est connue au point que nul n’oserait accepter les chances d’un combat sans être protégé par une force supérieure. Le héros, entouré à-la-fois par huit vaisseaux de la première force, n’a de ressource que dans sa fermeté ; il est seul ; mais ainsi qu’un rocher en butte à l’action destructive des siècles, affrontant la foudre et les coups redoublés du tonnerre, insensible à l’effort des tempêtes et des vagues agitées qui se brisent à ses pieds, ainsi que les vaisseaux que précipitent les vents impétueux.
Les Espagnols irrités l’entourent et le serrent de près ; ils vomissent des hurlemens comme des animaux farouches au moment d’atteindre leur proie. C’est en vain qu’on lui offre une capitulation ; il prévoit le triomphe de l’ennemi mais, résolu de vendre chèrement sa vie, il ne se souvient plus que de ses sermens ; l’amour sacré de la patrie, la confiance en son Dieu, la haine contre l’Espagne, tout enfin le porte à livrer un combat inégal : bientôt mille bouches d’airain vomissent la mort ; sa mâture, ses voiles et son gouvernail tombent à la mer. En cet état déplorable, le vaisseau lui-même, après deux jours de combat le plus meurtrier, n’offre plus que des débris ; c’est alors que, rassemblant le reste de ses braves, et fixant sur eux des yeux étincelans… « Compagnons, leur dit-il, jamais vos fronts glorieux ne se courbèrent sous la tyrannie des Espagnols, vos ennemis ; toujours, et dans toutes les actions que nous engageâmes avec leur pavillon, la victoire couronna votre valeur, et dans ce moment même, oseriez-vous la déshonorer en courbant vos têtes sous leur joug odieux ? souffririez-vous qu’on vous enchaîne, qu’on vous insulte et vous outrage ? Si vous étiez assez lâches pour vous rendre, vous mériteriez l’humiliation que vos tyrans vous préparent ? Si comme moi vous préférez la mort à la honte de subir leur joug, mourons ensemble pour la patrie ; un mot, et cette mèche va embraser à l’instant le peu de poudre qui nous reste. Décidez-vous, et que notre pont embrasé couvre de ses débris la flotte de vos ennemis, et, tout en expirant, sachons combat- tre encore nos vils oppres- seurs !... » Il se tait et prend la mèche… À l’instant, tout l’équipage, animé du plus digne enthousiasme, s’écrie : « Oui, oui, mourons avec honneur, qu’on mette le feu aux poudres ! »
A. Storck, Bataille des Quatre Jours, Rijksmuseum
On se prépare à la mort ; le combat cesse ; tous les matelots à genoux adressent à l’Éternel leurs derniers soupirs. Claassens lui offre aussi les siens, en recommandant à sa divine clémence son digne équipage, sa femme et ses enfans, dont il prévoit les larmes et le désespoir. Il repousse cette affligeante idée, invoque de nouveau son Dieu, se lève en soupirant, et précipite la mèche à travers les poudres.
(trad. L.G. Visscher, 1820, p. 71-73)
Ce n’était point assez que l’Espagne éperdue
Vît tomber sur ses bords sa puissance vaincue :
Sous de brûlans climats, sur les flots mexicains,
Claassens vole à la gloire et commande aux destins.
Vaincre ou mourir ! voilà sa devise sacrée.
La terreur de son nom, de contrée en contrée,
A déjà fait pâlir ses lâches ennemis.
Dans ses hardis projets ses soldats affermis
Provoquant l’Espagnol sur les eaux mugissantes,
Affrontent, courageux, huit poupes menaçantes.
Tel qu’un rocher vainqueur des outrages du temps,
Brave l’assaut de l’onde et l’effort des autans,
Il reste inébranlable. On l’attaque, on le presse :
Il excite des siens la fureur vengeresse,
Et, sommé de se rendre, isolé, sans secours,
Certain de succomber, veut vendre cher ses jours.
Il s’apprête au combat : dans sa mâle assurance,
Sa Patrie et son Dieu soutiennent sa vaillance.
Mille bouches d’airain vomissant le trépas,
Renversent tout à coup ses voiles et ses mâts.
Le vaisseau crie, éclate ; et le fougueux Borée
Disperse ses débris sur la plaine azurée.
Déjà le dieu du jour, sur son trône de feux,
Pour la seconde fois reparaît dans les cieux ;
Claassens combat encore ! il assemble ses braves,
Et l’œil étincelant : « invincibles Bataves,
Vous, dont l’ardent courage et la noble fierté
Ont su briser le joug d’un tyran détesté,
Vous qui, par vos exploits, à la gloire fidèles,
Avez couvert vos noms de clartés immortelles,
Voulez-vous aujourd’hui, chargés d’indignes fers,
Montrer vos fronts honteux aux yeux de l’univers ?
Compagnons ! voulez-vous, avec ignominie,
Implorer vos bourreaux et mendier la vie,
Ou, bravant près de moi les caprices du sort,
À des jours avilis préférez-vous la mort ?
Décidez ! à l’instant, cette mèche allumée
Nous ravit, pleins d’honneur, à leur rage affamée,
Et, lancés dans les airs, nos débris embrasés
Vont frapper l’ennemi sur ses vaisseaux brisés. »
Il dit ; et sur les flots ces mots se font entendre :
«Nous! céderau vainqueur et lâchement nous rendre!
Jamais... La mort ! la mort ! » – À ce cri glorieux,
Ils adressent au ciel leur prière et leurs vœux.
Accusant malgré lui la fortune jalouse,
Claassens pleure en secret son enfant, son épouse.
Il partage leur peine, il voit leur désespoir.
Ô destin rigoureux ! ô nature ! ô devoir !
Il entend les soupirs, les sanglots d’une mère
Demander à son fils le retour de son père !...
Mais, chassant des pensers qui font frémir son cœur,
Poète, auteur (à succès) de livres pour les enfants et d’œuvres en prose d’inspiration autobiographique, Hans Andreus a été souvent rapproché des Vijftigers (poètes expérimentaux des années 1950 liés au mouvement CoBrA), même s’il s’est en réalité montré très éclectique et a connu un parcours bien différent de celui de son ami de jeunesse Lucebert. À 17 ans, Andreus s’est engagé pour aller combattre sur le front de l’Est. Alors qu’il vivait à Paris au début des années cinquante, il est tombé amoureux d’une Française, Odile Liénard, avec qui il vivra en Italie, une liaison tumultueuse qui constitue la trame du romanDenise(1962). Rentré en Hollande, Andreus traversera de graves crises, mais sa nature dépressive aura pour pendant une exubérance sensuelle dont regorgent certains de ses recueils. Son biographe, Jan van der Vegt, a révélé de nombreuses facettes cachées de cet homme qui fait sans doute partie des poètes les plus lus (et les plus chantés) aux Pays-Bas.
Un entretien avec Isabelle Reinharez... où il est question d'un roman sans aucun personnage humain et de chapitres qui comptent tous le même nombre de mots. Parmi les innombrables livres qu’elle a traduits de l’anglais, on en recense plusieurs de l’auteur néerlandais Janwillem van de Wetering (1931-2008), Grand Prix de la Littérature Policière 1984 pour Le Massacre du Maine (Het werkbezoek, 1979). Van de Wetering a souvent donné et une version anglaise et une version néerlandaise de ses ouvrages.
Si c’est toujours une énorme difficulté, lorsque deux langues diffèrent autant d’esprit et de caractère que le français et le hollandais, de transporter de l’une dans l’autre, d’une façon harmonieuse et correcte, des ouvrages de prose, que dire de l’audacieux qui ne craint pas de traduire des vers hollandais en français et, ce qui est mieux encore, en vers français ?
Henry Havard
Tombe de Clavareau à Maastricht (photo : J. Verbij-Schillings)
Né à Luxembourg le 17 septembre 1787, Antoine Joseph Théodore Auguste Clavareau a grandi dans une famille catholique. Il a reçu une éducation essentiellement française à Namur puis à Mayence et semblait se destiner à une carrière militaire. Mais il préféra suivre les traces de son père né à Halluin en travaillant lui aussi dans l’administration des contributions ; il occupa des postes dans différentes localités (Gand, Bois-le-Duc, Liège, Ostende, Bruges…) avant d’être nommé à Maastricht – ville où beaucoup de gens parlaient encore français et où près de 50% des ouvrages imprimés l’étaient dans cette langue –, où il officiera pendant plus de vingt ans (début 1823 – fin 1844). Au 1erjanvier 1845, il prend, plus ou moins forcé, sa retraite. Il avait épousé courant 1823 une femme de bonne famille hollandaise qui lui donna quatre enfants.
Clavareau se voulait fidèle à Dieu et au Roi, autrement dit, et malgré l’incompatibilité apparente, à l’Église catholique et à Guillaume Ier, souverain auquel il a dédié bien des vers. Ainsi s’explique en partie son envie de traduire des pièces patriotiques. Il fait partie de ces gens qui, une fois sujets de Guillaume Ier, décidèrent de le rester même alors que la Belgique et le Grand-Duché avaient acquis leur indépendance. D’ailleurs, quand il commence à traduire des poètes d’expression néerlandaise, il s’inscrit dans une mouvance favorisée par le monarque : dans sa volonté d’étendre la langue néerlandaise à l’ensemble de son royaume (plus ou moins l’actuel Benelux), celui-ci ne peut voir en effet que d’un bon œil toutes les initiatives qui permettent de répandre la littérature néerlandaise – entre autres à travers des publications en français – dans les contrées francophones. C’est d’ailleurs un autre membre de l’administration fiscale, contrôleur des impôts directs, Lodewijk Gerard Visscher (1797-1859) qui publia en 1820 le premier manuel présentant les belles lettres néerlandaises aux élèves francophones :Mélanges de poésie et de littérature des Pays-Bas(1).
Ce n’est là que le premier d’une centaine d’ouvrages qui, en l’espace d’une quinzaine d’années, iront dans le même sens. Clavareau a lui-même collaboré à plusieurs éditions scolaires.Outre son désir de faire connaître quelques-uns des poètes néerlandais majeurs aux lettrés d’expression française (« Depuis 10 ans, je me suis imposé la tâche de faire connaître à l’étranger la littérature hollandaise, et mes succès ont enfin ouvert les yeux à nos détracteurs : nos voisins vont sérieusement s’occuper, dans leurs Revues, des richesses littéraires de notre pays » écrit-il dans une lettre du 13 février 1835 à l’éditeur Van Terveen) – notons que certaines de ses publications restèrent toutefois limitées au marché batave –, le Luxembourgeois, rangé dans de nombreuses publications de son temps parmi les « auteurs belges » (2), a en effet œuvré dans un souci pédagogique et d’édification comme en témoignent certaines traductions destinées à la jeunesse, par exemplel’Histoire de la patrie : en cinquante deux leçons à l’usage de la jeunesse et des écoles des Pays-Bas(1837) ou divers recueils de poésies. Les petites pièces de théâtre de son cru sont en réalité des manuels pieux pour « jeunes élèves des pensionnats de demoiselles » ainsi que le montre la légende placée sous une gravure d’un volume (ci-contre) réunissant deux comédies et un drame de sa main : « De quel livre avez-vous tiré cette histoire ? Je l’ai trouvée dans mon cœur repentant»(3). Il convient de relever que ses traductions « à l’usage de l’enfance » s’adressaient en premier lieux aux petits Bataves auxquels on apprenait très tôt la langue française dans les « écoles françaises », c’est-à-dire ces écoles primaires où une partie, voire la totalité de l’enseignement était dispensé en français. Ainsi, dans la préface à sa traduction desPetits poèmesde Hieronymus (Jérôme) van Alphen (1746-1803) – le recueil de poésies pour enfants le plus célèbre des lettres néerlandaises, réédité il y a peu encore –, il nous explique :« En Hollande, les maîtres, chargés d’instruire les enfans de cinq à six ans, possèdent, comme pour l’âge suivant, tous les livres hollandais qu’ils peuvent désirer, tandis qu’ils se trouvent bien souvent embarrassés pour leur choix, lorsqu’ils doivent apprendre le français à leurs petits élèves ; car ils se gardent bien de mettre dans la mémoire des enfans, des fables ou des contes au-dessus de leur intelligence, qu’ils récitent presque toujours ou comme des perroquets, ou avec une affectation étudiée. J’ai préféré traduire Van Alphen à tout autre ; parce que, selon moi, dans ce genre, Van Alphen a remporté le prix ; et que tous ses poèmes sont excellens pour tous les pays. » Citons un de ces petits poèmes sur une pêche hollandaise devenue une orange en français :
L’ORANGE
De Papa je tiens cette orange :
Pour ma leçon je la reçus ;
Et quand, tout joyeux, je la mange,
Son goût me plaît encore plus.
La gaité sied à la jeunesse,
Quand le temps est bien employé ;
Et l’enfant qui fuit la paresse,
De son travail est bien payé.
DE PERZIK
Die perzik gaf mijn vader mij,
Om dat ik vlijtig leer.
Nu eet ik vergenoegd en blij,
Die perzik smaakt naar meer.
De vrolijkheid past aan de jeugd
Die leerzaam zig betoont.
De naarstigheid, die kinderdeugd,
Wordt altoos wel beloond.
« De pruimeboom » / « Le prunier »
poème lu en néerlandais puis en français
(dans la traduction d’A. Clavareau)
Portrait de H. van Alphen
Toutefois, Clavareau ambitionnera aussi d’instruire la jeunesse des autres pays : « Dans l’intention d’être utile aux établissements d’instruction publique, et saisissant toutes les occasions de faire plus connaître à l’étranger les monumens de la gloire de ma Patrie, je viens de publier une seconde édition de ma traduction deLa Nation hollandaise(4)», annonce-t-il ainsi au ministre Van Maanen dans une lettre du 29 novembre 1834.
Outre ce souci patriotique en faveur d’une nation qui n’est pas, à l’origine, la sienne, on relève une autre chose étonnante dans le parcours de Clavareau : on le voit traduire essentiellement des auteurs néerlandais et non pas flamands alors qu’il a passé la première moitié de son existence ailleurs qu’en Hollande et que, à l’époque où il s’installe à Maastricht, cette ville n’est pas à proprement parler une vraie cité hollandaise. Cette prépondérance s’explique sans doute en partie par les relations que le traducteur a pu entretenir avec les écrivains bataves qu’il côtoyait dans certains cercles de lettrés ; il convient de relever d’autre part que la poésie flamande renaissait alors à peine de ses cendres, la figure de Gezelle se profilant tout juste à l’horizon. Privilégiant donc la défense de la nation, Auguste Clavareau ne s’est toutefois guère intéressé à transposer en français les textes antirévolutionnaires du juif converti Isaäc da Costa (1798-1860) – proches à certains points de vue de la littérature catholique française contre-révolutionnaire –, sans doute trop marqués à son goût par le calvinisme. Dans l’œuvre de Willem Bilderdijk, père spirituel du poète susmentionné, ce qu’il a surtout goûté, ce sont les contes.
Isaäc da Costa par J.G. Schwartze/D.J. Sluyter
Avec ses nombreuses traductions – y compris d’œuvres allemandes, italiennes et anglaises –, et ses propres œuvres – dont beaucoup de pièces de circonstances –, Clavareau gagnera une réelle reconnaissance dans son pays d’adoption. Membre de la société littéraire de Leyde, correspondant de l’Institut des Pays-Bas, il sera fait chevalier de l’ordre du Lion des Pays-Bas. Il sera aussi membre de diverses sociétés (Gand, Liège, Athènes…). Chateau- briand, Lamartine ou encore Xavier Marmier ont reconnu ses talents. Le 29 juin 1842, Victor Hugo lui adressait la lettre suivante : « Je vous remercie, Monsieur, de vos beaux vers. La noble et haute poésie est de tous les peuples, comme elle est de tous les temps. Vos belles strophes nous font compatriotes. L’art et la pensée, comme la religion, sont des patries, de saintes patries sans frontières, qui rallient toutes les âmes tournées vers l’infini. » (5) Le Luxembourgeois lui avait envoyé les strophes suivantes :
Le Poète
À M. Victor Hugo.
« Qu’est-ce que l’art des vers ? Qu’est-ce que le poète ?
« Comment le reconnaître ? à quel titre ? à quel trait ? »
– Froid profane ! la lyre est sœur de la palette :
Écoute ! quelques mots te feront son portrait.
Le poète est un être au-dessus du vulgaire,
Qui jette sur la foule un regard de pitié,
Et qui, de tous les biens de cette pauvre terre,
N’en encense que deux : l’amour et l’amitié !
Le poète est un être, habitant d’autres sphères,
Qui, sur les voix d’en haut, module ses accords,
Vit avec sa pensée, et ne s’informe guères
Si les fous d’ici-bas amassent des trésors.
Le poète est un être ami de la nature,
Qui chante les plaisirs, ou console les pleurs,
Soupire sur les bords d’une onde qui murmure
Ou tonne avec l’orage au milieu des horreurs !
C’est un être nourri d’éther et d’ambroisie.
Qu’un rameau de laurier garantit des revers
Qui voit se consumer le flambeau de sa vie
Dans des rêves divins, charmes de l’univers !
C’est Homère, Virgile, et Milton et le Tasse,
Et quelques héritiers de ces morts immortels.
Que la Fable eût placés au sommet du Parnasse,
À qui l’Histoire érige en tous lieux des autels.
Oui ! c’est un être où Dieu mit un modèle d’âme,
Un magique miroir qui darde mille feux,
Un foyer d’où jaillit une éternelle flamme,
Pour éclairer la terre aux purs rayons des cieux !
Malgré les louanges exprimées par ces grands auteurs – sont-elles en partie feintes ? –, malgré l’éloge que fera de lui Daniël François van Alphen, fils de Hieronymus, à La Haye, dans l’hémicycle du Parlement (séance du 25 novembre 1834), Clavareau n’a pas toujours été ménagé par les critiques : « Le poème est faiblement conçu. Les vers, en général d’une bonne facture, ne sont pas exempts d’enflure et de monotonie. L’auteur réussit mieux dans la poésie légère », affirme laRevue encyclopédique(1822, T. 14, p. 139) dans un commentaire lapidaire deLa Mort du Comte d’Egmond, alors que quelques pages plus loin, sesPoésies(1821) recueillent un jugement plus clément : « De la facilité, de la correction dans le style, voilà ce qui distingue ce recueil, où le bon l’emporte sur le mauvais. Il apporte une nouvelle preuve que la langue française n’est pas cultivée avec moins de succès dans les Pays-Bas qu’en France. » (p. 370) C’est semble-t-il sa traduction de laHollandsche Natie(1912) de Jan Frederik Helmers qui sera le plus sévèrement jugée pour des motifs sans doute plus politiques que littéraires. Clavareau prendra soin de répondre longuement à ces critiques, en particulier dans la préface au volume 2 de sesŒuvres dramatiques(1828) : « […] il est juste que je prenne une fois la défense de mes ouvrages, que certains critiques se plaisent à déchirer, depuis que ma Muse a osé ouvrir les trésors de la littérature hollandaise. J’espère qu’il ne me viendra jamais la bizarre idée de chercher à réfuter des articles de journaux dictés par la malveillance ; mais il m’a paru que les suffrages d’hommes éclairés et impartiaux répondraient victorieusement à toutes ces animosités personnelles que réprouvent à la fois et l’honnêteté et le bon goût. Je cultive les Lettres par plaisir et par délassement : il m’eût été si agréable de ne rencontrer que des personnes bienveillantes qui m’eussent averti, sans amertume et sans injures, des défauts de mes ouvrages : plusieurs ont répondu à mes désirs ; d’autres ont pris un chemin tout contraire, et en sont venus au point de ne pouvoir entendre parler de mes moindres succès sans éprouver une fureur qui semble tenir de l’hydrophobie. Je souhaite de tout mon cœur qu’ils se guérissent de cet état de convulsions ; aussi nuisible à leurs talens qu’à leur santé ».
Des amateurs de lettre français, lecteurs de ses traductions, l’ont remercié ainsi qu’en témoigne une lettre d’un certain Armand Clavier de décembre 1847 qui compare les mérites de Clavareau à ceux de Jacques Delille, traducteur de Virgile : « […] je puis ajouter, sans craindre de blesser votre modestie, que vous avez rendu un éminent service à la littérature hollandaise, en éditant, en faveur de l’étranger, de ces œuvres de premier rang, que nous autres, Français, nous connaissons si peu, ce qui est un tort réel ».
Ce sont peut-être les liens que le traducteur entretenait avec Lamartine, Marmier ou encore Hugo qui lui ont permis de publier à quelques reprises dans l’Echo du Vaucluse, bihebdomadaire avignonnais dont une partie non négligeable des quatre pages était alors remplie par ces trois auteurs. Il a donné à ce périodique tant des traductions que des poésies de sa main : un poème de Da Costa (jeudi 18 juillet 1833), une« Ode à M. Alphonse de Lamartine après la mort de sa fille » (traduction sans nom d’auteur, dimanche 25 juillet 1833), le poème de Feith « La Conscience », (jeudi 19 septembre 1833), « À Madame de Lamartine, sur la mort de sa fille » (jeudi 5 juin 1834),« Napoléon à Sainte-Hélène » (jeudi 26 juin 1834),« Poésie encore un jour » (jeudi 11 décembre 1834).L’Écho du Vaucluselui a par ailleurs décerné des éloges dans un papier paru en pages 1 et 2 le dimanche 1erjuin 1834 sous le titre « Petits Poëmes à l’usage de l’Enfance, traduits du hollandais en vers français par M. Auguste Clavareau, Maestricht, chez M. Bury-Lefebvre, Imp.-Libraire » : « […] comme la mémoire est la première faculté intellectuelle, éveillée chez les enfants, l’emploi de la poésie convient parfaitement dans les livres destinés à cet âge. Il faut donc féliciter M. Auguste Clavareau, sur son heureuse idée de traduire en vers français, les poèmes néerlandais de Van Alphen. Ce n’est pas le premier service de ce genre que M. Auguste Clavareau rend à la France et à la Hollande. À lui seul nous devrons de connaître sous un nouvel aspect, la physionomie de ce peuple, qui n’est pas uniquement remarquable par son industrie, son commerce, son héroïque résistance contre le joug de fer de l’Espagne, par ses grands marins, par ses peintres au pinceau si précieux, si fini ; le peuple hollandais a aussi d’admirables poètes […] ». Le même auteur anonyme consacre une recension à la traduction du poème de Van der Hoop intitulée « Le Roi de Rome, poèmes par M. Auguste Clavareau » (dimanche 3 août 1834).
Dans d’assez nombreux cas, Clavareau « imite » les poètes plus qu’il ne les traduits. Il laisse souvent place à ses propres sentiments et conceptions littéraires, conférant au texte une connotation et une couleur bien différentes de celles de l’original.Le Tombeau, sa transposition du poèmeHet grafde Feith compte près de cinq fois plus de vers que la version néerlandaise (environ 2000 contre 436 !). Mais sur ce sujet aussi, il lui arrive de parer aux reproches dans la préface de ses productions : « Ceux qui chercherons à disséquer mon ouvrage avec le scalpel d’une critique sévère, y pourront trouver des passages où je m’écarte un peu de l’original ; mais je supplie ces aristarques de se rappeler, dans leurs comparaisons, que je n’ai pas la prétention de donner mon travail comme une traductionlittérale, et d’avoir la bonne foi de convenir qu’il est souvent impossible de suivre Helmers fidèlement. Un traducteur, qui s’est imposé la tâche de faire connaître le génie d’un écrivain, doit s’occuper surtout du fond des idées, s’il veut approcher de l’effet que produit l’original » (6). Mais il lui arrive souvent aussi de coller d’assez près, voire de très près, l’original.
A. van der Hoop Jr, parA.J. Ehnle/P. Blommers
À propos de Lamartine, avec qui il a correspondu, Clavareau relève queLe Ciel étoiléetOrion, deux œuvres qu’il a traduites « ont précédé de bien longtemps les belles poésies de Lamartine, qui, à leur apparition, ont fait tant de bruit dans le monde littéraire » (lettre à Van Maanen, 27 janvier 1836).
Il lui est arrivé d’envoyer ses traductions – et parfois des poèmes de sa main, voire des lettres dans lesquelles il préconisait des remèdes susceptibles de soulager certains maux ! – à Louis Philippe et à d’autres souverains européens. Mais il s’est bien entendu dispensé de faire parvenir au roi des Français celles qui auraient pu lui déplaire : à propos de l’attaque de la forteresse d’Anvers au cours de laquelle les troupes françaises jouèrent un rôle, il aurait été malvenu de faire lire au monarque des vers vantant l’héroïsme des soldats bataves.
Un autre de ses correspondants fut Chateaubriand. Ainsi, le Vicomte lui adressa-t-il cette courte lettre datée du 9 avril 1845 : « Monsieur, Je me rappelle très-bien de l’honneur que vous fîtes de m’adresser une lettre en 1827. Depuis cette époque, je suis devenu bien vieux et il ne me reste plus qu’à mourir. Je vous prie de recevoir avec mes remerciemens sincères pour les beaux vers que vous voulez bien m’envoyer l’expression de ma considération la plus distinguée. »
Une grande partie des revenus qu’Auguste Clavareau tirait de ses traductions allaient à des fonds d’aide à des victimes de catastrophe : « mon entreprise est toute basée sur la générosité et le patriotisme » (lettre à Van Maanen, 24 août 1836). Sa correspondance permet de montrer combien il s'employait pour faire publier sa nombreuse production : souvent, il prend les choses en main, envoie des courriers pour trouver des souscripteurs, entre en contact avec des éditeurs-libraires, engage parfois son propre argent, se charge d’obtenir des illustrations, etc. À quelques reprises, il entreprend des démarches en vue de faire diffuser des traductions à assez grande échelle en France ; dans une lettre du 6 juin 1834, il fait ainsi allusion à la possibilité d’envoyer 6000 exemplaires desPetits poèmesde Van Alphen qui pourraient intéresser l’instruction publique ; dans une autre (30 octobre 1836), il affirme s’être « entendu avec le premier libraire de Paris pour répandre »Varsovieen France. Une autre fois, il s’efforce d’obtenir la diffusion de cette même œuvre qui prend le parti de la Russie face à l’insurrection polonaise. Il est assez difficile de suivre son « parcours » éditorial : de nombreuses traductions ont connu plusieurs rééditions dont les dates ne sont pas toujours faciles à situer ; certains livres imprimés dans un premier temps dans une ville ont en réalité paru chez un éditeur-imprimeur d’une autre localité. Qui plus est, Clavareau a bien souvent changé d’éditeurs même s’il a bien des fois travaillé avec une maison de Maastricht, Bury-Lefèbvre.
Auguste Clavareaus’est éteint le 6 mars 1864. Environ un siècle après sa mort, la ville de Maastricht, où il a passé la plus grande partie de sa vie, a donné son nom à l’une de ses rues. À une époque, sa ville d’adoption a aussi compté une Société Auguste Clavareau (voir ci-dessous), cercle culturel qui organisait des manifestations littéraires.L’œuvre qu’il a laissée en français – dont des pièces pour œuvres musicales – est aujourd’hui totalement oubliée.
Daniel Cunin
L’Art Moderne, 24 décembre 1905, p. 419
(1) Sur ces questions, voir l’ouvrage très instructif de Guy Janssens & Kris Steyaert,Het onderwijs van het Nederlands in de Waalse provincies en Luxemburg onder koning Willem I (1814-1830), Bruxelles, VUBPress, 2008. Dans la préface des Mélanges de Poésie et de Littérature des Pays-Bas, L.G. Visscher écrit que sa publication« est composée de fragments d'une riche littérature, et cependant méconnue, que je cherche à faire connaître à ceux de mes compatriotes qui ignorent la langue hollandaise ou flamande, et qui désirent s'instruire par un moyen plus analogue aux connaissances qu'ils ont déjà acquises. Ce n'est pas un ouvrage d'opinion ni de parti ; je ne prétends rien insérer contre le goût et les habitudes d'un peuple que j'aime autant que je l'estime ; je ne défends point l'idiome d'une partie de la nation, quoiqu'il soit ma langue maternelle, comme je n'attaque point la langue française, parce que je ne saurais assez l'admirer ; j'aime donc à me persuader que je ne blesse ici les opinions de personne en émettant les miennes. »
(2)Relevons qu'à l'époque (avant 1830), quand on parlait du royaume, on disait aussi bien les Pays-Bas que la Belgique ; l'expression « les Belges » pouvait désigner l'ensemble des habitants du royaume, les Hollandais et les Flamands les seuls habitants des provinces dont ils tenaient leur nom.
(3)Le Présent le plus agréable au cielsuivi deJenny ou la petite Espiègleet deMarie ou l’Amour filial, Lille, Lefort, 1858.
(4) Dans le volumeLa Nation Hollandaise(notes au Chant III), Clavareau donne une traduction d’un long poème sur les héros Bataves de Gisius Nanning,Dévouement sublime ou Tableau national. Et une autre deLa Fille infanticidede Schiller ! Il en profite pour faire une sévère critique de Spinoza et un éloge de la nation.
(5) Lettre reproduite dansÉchos Limbourgeois, 1842, p. 79, citée également dans la réponse du traducteur au directeur deL’Astrée.
(6) « Préface du traducteur »,La Nation Hollandaise, poème en six Chants avec des notes, traduit de Helmers d’après la sixième édition, Bruxelles, P.J. De Mat, 1825, p. II.
Biographie nationale du pays de Luxembourg
depuis ses origines jusqu’à nos jours. Fascicule n° 3, 1951.
Le poème « De pruimeboom » (« Le prunier »)
de Hieronymus van Alphen
chanté par l’ Ensemble Pont de la Virtue
dans une adaptation de Christian Ernst Graf
Bibliographie
(non exhaustive)
Œuvres traduites
(du néerlandais et d’autres langues)
Portrait de J. F. Helmers
Lord Byron,La Fiancée d’Abydos, poëme en deux chants, avec des notes, 1823.
Soupir vers l’Italie, 1824.
Études poétiques, imitées de divers auteurs Hollandais, 1824.
J.F. Helmers,La Nation Hollandaise, poëme en six chants, avec des notes, traduit d’après la sixième édition, 1825.
R. Feith,Le Tombeau, poëme en quatre chants, traduit d’après la quatrième édition, et suivi de quelques poésies diverses, 1827.
H. Tollens,Les Bataves à la Nouvelle-Zemble, poëme en deux chants, traduit
de Tollens, suivi de poésies diverses de Tollens, de Bilderdijk et du Traducteur, 1828, réédition en 1838 (avant d’autres) sous le titre :L’Hivernage des Hollandais à la Nouvelle-Zemble, 1596-1597. Une édition scolaire (1851) comprendra une introduction historique. Une édition de luxe a paru en 1839 avec un portrait du traducteur. Relevons, pour ce qui est de Willem Bilderdijk, l'existence d'une traduction française d'un long passage de son Histoire de la Patrie dans : Nicolas Châtelain, Histoire du synode de Dordrecht, 1841 (sans nom de traducteur).
J. de Kruiff,L’Espérance de se revoir, poëme en deux chants, 1829.
R. Feith,Thirsa, ou le triomphe de la Religion, tragédie en cinq actes et en vers, traduite d’après la cinquième édition, 1830.
A. van der Hoop Jr,La Canonnière, ballade dédiée aux marins hollandais, 1832.
A. van der Hoop Jr,La Campagne de dix jours, couronne de victoire, offerte à S.A.R. le Prince d’Orange et à ses braves, poëme, 1832.
H. van Alphen,Petits poëmes à l’usage de l’enfance, 1832.
H. Tollens,Le Jour de prière générale dans la Néérlande (2 décembre 1832), 1832.
H. Tollens,L’Anniversaire du prince d’Orange (déc. 1833), chant populaire, s.d (1833).
H.A. Spandaw,Les Femmes, poëme en quatre chants, 1833.
A. van der Hoop Jr,Varsovie, tableaux guerriers et poétiques, 1833 (œuvre dédiée au Tsar).
H. van Alphen,Petits poëmes, à l’usage de l’enfance, 1834 (l’édition comprend en outre quelques poèmes de M. van Heijningen-Bosch).
A. van der Hoop Jr.,Le Roi de Rome, 1834.
J. Bellamy,Marie (Roosje), romance, 1835.
H. van Alphen,Le Ciel étoilé, cantate, 1835.
Françoise (Francyntje) De Boer,Petits poëmes, à l’usage de l’enfance, dédiés à mes petites filles Adèle, Sophie, Thérèse, ornés de quatre dessins lithographiés par Nolthénius de Man, 1835.
E.A. Borger,À mon enfant, dédié à Mme de Lamartine, 1836.
Petits poèmes à l’usage de la jeunesse hollandaise, poèmes deFeith, Immerzeel, Lulofs, P.Moens, Nierstrasz, de Visser, Warnsinck et Wiselius,1836.
P. Nieuwland,Orion, ode, dédiée à Mr. Alphonse de Lamartine, 1836.
La Nouvelle Abeille du Parnasse, ou choix de morceaux tirés des meilleurs poètes (dontLe Réveilde J. van Lennep), à l’usage des maisons d’éducation, suivie des extraits deLa Nation hollandaisede Helmers, 1836.
J. van Wijk,Histoire de la patrie, en cinquante deux leçons, 1837.
lt;/span>
Étrennes nationales, chants patriotiques, dédiés à son Altesse Royale le Prince d’Orange, 1839.
Impressions de l’âme, Mélange de traductions du Hollandais, de l’Allemand, de l’Anglais, et de poésies du Traducteur, au profit des quatre veuves et des dix-neuf orphelins, victimes du naufrage du flibotVrouw Pieternella Pronk, 1841.
A. van der Hoop,La Mort d’un joueur, tableau dramatique, 1847.
Souvenirs poétiques, recueil de poésies traduites et originales, dédié à Chateaubriand, 1847.
À Monsieur Donker Curtius, Ministre de la Justice, au moment des discussions sur la révision de la loi fondamentale des Pays-Bas, 1848.
Fr. Forster,Guillaume d’Orange ou l’Union d'Utrecht,drame lyrique en quatre actes et sept tableaux, 1848.
Silvio Pellico,Françoise de Rimini, tragédie en cinq actes et en vers, 1849.
Prudens van Duyse,Chant de l’Esclave germain, dithyrambe, 1849.
A. Manzoni,Le Comte de Carmagnola, tragédie en cinq actes et en vers, 1851.
T. Körner,Toni, drame en trois actes et en vers, 1852.
C.G. Withuys,Le Parjure, épisode tiré de l’histoire de l’Amérique du Nord, 1852.
T. Körner,Deux cœurs de femme, ou le Domino vert, comédie en un acte et en vers, 1855.
Jan van Beers (1821-1888)
Jan van Beers,L’Aveugle, 1856.
E.W. van Dam van Isselt,Herman, poème, 1856.
G.J. Sieburgh,Java, poème, 1856.
Jan van Beers,L’Enfant du pauvre, 1857.
Thomas Moore,Le Paradis et la Péri, conte oriental, 1857.
Thomas Moore,Les Amours des Anges, poëme oriental, 1858.
Thomas Moore,La Lumière du Harem, ou la fête des roses, poëme oriental, 1859.
L. Van den Broek,Petits poëmes, à l’usage de l’enfance et dédiés à Sa Majesté la Reine des Pays-Bas, 1859.
J. Heye,Petites poésies, à l’usage de l’enfance, 1859.
Fleurs de famille, avec des pièces du traducteur, 1860.
Six poèmes deJan Pieter Heije, dans J.P. Heije,Al de kinderliederen, 1861
B.H. Lulofs,Plaintes de la jeune Claire, sur la mort de sa mère,
Nicolas Becker,Le Rhin Germanique, chant national.
J. van Lennep,Le Réveil, traduit de Van Lennep, musique de Van Bree.
À une mère, sur la mort de sa fille, traduit du manuscrit d’un inconnu.
Œuvres d’A. Clavareau
Poésies fugitives suivies des projets de bonheur, comédie en trois actes et en vers, 1813 (ou 1814).
Le Catonpar amour, comédie en un acte et en vers, 1819.
Valmore, drame héroïque en trois actes, 1820.
Poésies, 33 pièces de vers, 1821.
Les Médisantes, comédie en trois actes, en vers (vers 1821).
La Mort du Comte d’Egmond, poëme inspiré de l’œuvre de M. Camberlyn, 1821.
Un jour de fortune, ou les Projets de bonheur, comédie en 3 actes et en vers, 1822.
Mauvaise tête et bon cœur, comédie en un acte et en vers, 1822.
Les héros de Huisduinen, par un philanthrope, 1824.
L’Amour de la patrie, poème, 1826.
Derrière le Tombeau de Feith, quelques pièces, 1827.
Œuvres dramatiques, 2 vol., 1828.
Pièces ajoutées auxBataves à la Nouvelle-Zemble de Tollens, 1828.
Les Harmonies de la nature, poème en cinq chants, suivi deL’Amour de la patrie,poème, 1829.
Chant guerrier au général Chassé, 1832.
Pièces dansÉtrennes nationales, 1839.
Quelques pièces dansImpressions de l’âme, 1841.
Échos Limbourgeois, publiés au bénéfice des Incendiés de Hambourg, dont quelques pièces traduites, 1842.
Lauriers et cyprès, poésies détachées, dédiées à la Reine des Pays-Bas, 1849.
Marie, ou l’amour filial, petite pièce de théâtre, 1853.
L’Inconnu ou le merle blanc, comédie en un acte et en vers, 1854.
L’Étudiant aux arrêts, intermède, dédié aux jeunes étudiants des Collèges, 1854.
Églantines, Pervenches et Cyprès, poésies religieuses, 1854.
La Veille des vacances, petite pièce de théâtre, 1855.
La Répétition interrompue, petite pièce de théâtre, 1855.
L’Inondation de 1855 dans la Néerlande, au profit des victimes de l’inondation, 1855.
Deux cœurs de femme, comédie en un acte, 1855.
Jenny, ou la petite Espiègle, comédie en un acte et en prose, à l’usage des jeunes demoiselles, 1856.
L’Ange sur les ruines du temple Saint-Martin à Wyck-Maestricht, 1856.
La Pose de la première pierre de l’Église Saint-Martin à Wyck-Maestricht, 1857
Le Pêcheur de Blankenberghe, légende du XIIesiècle, dédiée à Mr. Eugène Van Meerbeke, 1857.
Le Présent le plus agréable au ciel, petite pièce de théâtre, 1858.
Fleurs de famille, 1860.
La Pensionnaire en retenue, intermède à l’usage des pensionnats de jeunes demoiselles, 1861.
Ode aux dieuxde la Grèce, posthume.
Autres textes : les préfaces à ses recueils (traités ou esquisses autobiographiques) ; des articles et feuilletons : « Invention de l’Imprimerie », repris sous le titre « Laurent Coster » ; « Lafontaine » ; « Des jeux de la vie » ; « Être maître » ; « Le Diable » ; « Quelques pages des tablettes d’une jeune femme » ; « Quelques réflexions sur le Suicide » ; « De l’amour et des amours » ; « La Tête et le cœur » ; « La Mode » ; « De l’Honneur » ; « Luxe et Indigence » ; « Du Charlatanisme » ; « De l’Esprit » ; « La Langue » ; « Les yeux et les oreilles » ; « L’Eau et le feu » ; « Nous le sommes tous » ; « Sur l’Epigramme » ; « Du Madrigal »…
Des poèmes (ou autres contributions) de Clavereau ont paru dans les revues et journaux suivants :
Journal de la Haye(1848) ;Astrea/L’Astrée;La Sylphide(revue bordelaise, 1863) ;L’Écho de Vaucluse(1833 et 1834) ;L’Écho des feuilletons(« La Jeune aveugle », 13èmeannée), Journal de Liège et de la Province(1854) ;Le Journal du Limbourg;Nederlandsche Muzen-Almanak(1838) ;Le Courrier de la Meuse;Journal du Limbourg;Annuaire de la littérature et des beaux-arts;Mémoires et Annuaire de la Société libre d’émulation de Liège;Provinciale Friesche Courant(1854 et 1855) ;De Noordbrabanter(1855)…
Poèmes (de circonstance, la plupart non datés) :Le Jour de l’An;Aux ennemis de la paix;Dieu, donne nous la paix !;À l’occasion de l’Exposition des fleurs à Maestricht;Pour les pauvres;À l’industrie, à l’occasion du XIecongrès national agricole, à Maestricht, le 26 Juin 1856;À l’occasion de l’inauguration de l’éclairage au gaz de la ville de Maestricht;La Jeune malade, 10 Octobre;À Son Altesse Royale, Monseigneur le Prince d’Orange, héritier de la Couronne du Royaume des Pays-Bas, le jour de sa majorité, 4 Septembre 1858;Ode à l’occasion de l’ouverture du chemin de fer d’Aix-La-Chapelle à Maastricht;La Naissance du Sauveur;L’Enthousiasme, ode ;Fête de l’Immaculée Conception;Les Rogations, ode dédiée aux Pasteurs de village ;La Pentecôte;L’Assomption;Le Mois de Marie…
Sources
L’exposé le plus complet sur la vie (et la bibliographie) de Clavareau figure dans un mémoire de fin d’études de Leanne Vroomen que nous remercions vivement :Auguste Clavareau : un missionnaire : achtergronden bij de beweegredenen van een dichter en vertaler, 1997, Scriptie Faculteit der Letteren, Radboud Universiteit Nijmegen, sous la direction du professeur André Hanou. Ce mémoire a par ailleurs le mérite de reprendre une partie de la correspondance du traducteur (63 lettres portant sur la période 1824-1847). C'est à ce travail que nous empruntons la plupart des passages de diverses lettres.
Voir aussi la postface de l’édition bilingue en ligne desKleine gedigten voor Kinderende H. van Alphen :ICI
E. Jeanné, « Een Limburgsdichter van Franse expressie : Auguste Clavareau (1787-1864) »,Tijdschrift voor taal en letteren, 1937, p. 257-285.
Johan Wilhelm Marmelstein, « Een Franse bewerking van Van AlphensKleine gedichten»,Levende talen : berichten en mededelingen van de Vereniging van Leraren in Levende Talen, juin 1943, p. 181-184.
P.L. van Eck Jr., « Van Alphen in ’t Frans »,Levende talen, oct. 1943, p. 227-230.
Publications de la Société d'Archéologie du duché de Limbourg,