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Peintres-Graveurs - Page 14

  • Jozef Israëls, par Ph. Zilcken (3)

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    Dans la suite de son texte, Ph. Zilcken évoque la place de Jozef Israëls par rapport à la tradition et à la modernité. Il revient brièvement sur les évolutions en matière picturale et littéraire, avant de s’intéresser à la biographie de son maître.

     
     

    Nous nous sommes longuement étendus sur la facture d’Israëls, sur sa manière de peindre, de poser les couleurs, d’exprimer ses sensations au moyen de lignes et de tons, pour faire comprendre le peintre, l’homme de métier, pour tâcher de faire voir la place qu’il prend comme exécutant dans l’école contemporaine de peinture.

    Et cette place qu’il prend tout au premier rang, est encore plus belle lorsque l’on apprécie le sentiment délicat qui s’exhale de ses œuvres, et il est bien difficile d’expliquer ce côté artiste, qui résume son talent spécial, qu’il n’est possible de comprendre qu’en le sentant soi-même.

    Tout en s’inspirant, quant à sa facture, des admirables peintres de l’école hollandaise du XVIIe Siècle, les plus habiles manieurs de pinceau, les plus spirituels et consciencieux peintres de figure et d’accessoires qui aient existé, dont un grand artiste contemporain, Alfred Stevens, a dit qu’ils étaient : « les premiers peintres du monde », Israëls a tâché et réussi à exprimer le sentiment moderne dans ses œuvres, ce sentiment intime, sensitif, subtil, qui caractérise les grandes œuvres d’art de ce siècle.

    Ce sont ces qualités réunies, d’artiste moderne, et de peintre dont le métier parfait se plie à ses moindres intentions, qui font de lui une figure si remarquable et si classée.

    Les tableaux de ses grands ancêtres, les Jan Steen, les Pieter de Hooghe, les Gerard Dow, « peints avec des pierres fines broyées », n’ont pas plus que Manon Lescaut, le Voyage Sentimental ou Candide, cette acuité émue dans le sentiment qui pénètre l’être représenté, sentiment qui domine et caractérise les œuvres d’un Millet, d’un Whistler, d’un Israëls, et la merveilleuse pénétration analyste qui caractérise l’Education sentimentale ou la Faustin.

    Le sentiment exprimé dans les œuvres des siècles précédents est fort différent de celui qui anime les œuvres des grands modernes. Ainsi chaque époque a son sentiment particulier ; prenons les Italiens Primitifs, un Botticelli par exemple ; ce qui domine chez cet artiste exquis c’est une douce piété, humblement amoureuse de l’être à représenter, une intime quiétude devant la nature.

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    Jozef Israëls, photo illustrant un article de Ph. Zilcken dans l'Elzevier's Geïllustreerd Maandschrift


    Plus tard, le sentiment du décor prédomine surtout. Les œuvres du Titien, de Tiépolo, de Rubens sont avant tout pittoresques, riches, brillantes. Costumes brillants et élégants, draperies et couleurs chatoyantes, éclats de palettes d’une virtuosité très grande, exécution pleine de brio, d’habilité, de verve, d’une admirable mise en scène.

    Chez les peintres hollandais, qu’ils soient paysagistes comme Ruysdael ou Hobbema, peintres de figure comme Van der Helst, Frans Hals ou Van der Meer, c’est moins une pénétration psychique de leurs modèles qui caractérise leurs œuvres, qu’une vision superbement rendue de l’aspect des choses. Rembrandt seul a été plus loin, a su rendre en les peignant, non seulement leurs formes, mais en même temps leur caractère intime, et pourtant n’a-t-il pas souvent exprimé un coin de sentiment moral avec l’intensité de Leonard de Vinci, imprégnant sa Gioconde d’une vie spirituelle si merveilleuse.

    L’art moderne ? C’est au contraire cette pénétration psychique, ce sentiment intime et pénétrant qui domine chez ses grands maitres.

    L’exécution, la facture vient en second lieu chez un Millet, un Corot, un Delacroix. Quoique jamais l’exécution ne laisse à désirer chez de très grands artistes, ils ne s’appliquent jamais exclusivement à bien peindre, ils ne pensent pas à imiter les maitres anciens, les plus merveilleux peintres qui aient existé, ayant à dire, à exprimer quelque chose de plus élevé, l’impression morale qui les a frappés. Cette nuance qui domine leur métier est le sentiment.

    Israëls s’est toujours efforcé, dès le complet épanouissement de son talent, d’allier à ses qualités de peintre, ce sentiment délicat, spécial, moderne.

    Comme peintre il a toujours tâché d’égaler les peintres anciens, d’avoir leurs qualités dans le rendu, dans le clair-obscur, dans l’harmonie générale, en un mot de faire de la bonne peinture, d’être un homme du métier sachant traduire ses impressions visuelles comme n’importe quel peintre hollandais d’autrefois.

    Comme artiste, sa conception de poète lui est spéciale et très moderne.

    Pour faire comprendre la place qu’il prend à cet égard nous devons retourner en arrière.

    La génération qui précède la sienne est caractérisée par une sentimentalité excessive, tant dans ses œuvres littéraire que dans les tableaux. Sujets anecdotiques, gravures de keepsake, poésies généralement niaises et creuses, voilà ce que produit la génération de 1820, avant que le Romantisme, puis le Naturalisme viennent tout révolutionner.

    En Hollande les tableaux du dix-huitième siècle sont généralement d’une insignifiance absolue au point de vue de l’art ; ils trahissent souvent une émotion qui se manifeste dans le sujet, mais jamais dans l’exécution.

    Après l’Empire vient en France le Romantisme, avec de Musset, Gautier, puis le Naturalisme avec Flaubert, les Goncourt, Zola. Dans les arts Corot, Millet, Courbet, Delacroix. Et en Hollande Multatuli, Israëls. Alors naissent des œuvres modernes comme sentiment, tant en littérature qu’en peinture.

    Ce n’est plus le sujet, le roman, l’anecdote gaie ou triste qui fait l’intérêt d’une œuvre d’art, mais l’intensité de pénétration, l’amour de l’artiste pour ce qu’il exécute. Germinie Lacerteux intéresse passionnément pour elle-même, pas pour ses aventures, qui sont banales et ont été cent fois décrites.

    Une jeune fille cousant, assise à sa fenêtre, d’Israëls, intéresse aussi pour elle-même, parce que le peintre a mis dans son œuvre je ne sais quelle caresse ambiante, quelle saveur de sensation ; quelque, chose de profondément et intimement humain. Les grands artistes de notre époque peuvent tous dire avec Térence : « homo sum : humani nihil a me alienum puto ».

    Et c’est l’intensité dans le sentiment qui explique le charme extrême des œuvres d’un Israëls, qui sait émouvoir avec les sujets les plus simples, les plus insignifiants en apparence.

    Israëls n’a pas été le premier à peindre les pêcheurs de nos plages et les pauvres campagnards de nos bruyères. Teniers, Van Ostade, Jan Steen, d’autres maîtres anciens encore, avaient admirablement peint des misérables de toute espèce, des loqueteux, des mendiants. Mais ces peintres n’avaient jamais pénétré intimement dans l’existence d’un être vulgaire ni su le rendre intéressant et sympathique par l’analyse et la compréhension de tout son être, de toute sa vie, de son milieu. Ce qui fait regarder longuement et aimer leurs œuvres, c’est la facture, les qualités d’exécution avant toute autre chose : le coup de pinceau savant et habile, le dessin soigné des formes, la belle peinture de l’ensemble, la pâte habilement travaillée plutôt que des qualités suggestives. On admire certaines de ces œuvres presque au même point de vue qu’un bibelot artistique, une délicate porcelaine de Chine, un laque Japonais ou un bronze antique à la patine exquise.

    Mais le côté humain, ému, la sympathie de l’artiste pour l’existence de son modèle, cette sympathie vibrante transmise sur la toile, caractérisant les grandes œuvres modernes, n’est pas visible dans la plus grande partie des œuvres d’art des siècles précédents. Certes ce furent des peintres très grands, des artistes consommés qui les exécutèrent, mais ils ne furent pas autant poètes que peintres, comme le sont les maîtres de notre époque.

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    Cette qualité suprême, la poésie vraie, intimement confondue avec l’exécution, produit une impression rare, parfois sublime ; elle fait battre le cœur plus vite, les yeux s’humecter de larmes.

    Apanage seulement de l’art le plus élevé, ce sentiment moderne, intense fait qu’on est ému jusqu’à la douleur par Flaubert ou de Goncourt, par Millet ou par Israëls, tandis que l’on ne fait que s’apitoyer sur l’héroïne d’un livre du dix-huitième siècle, ou sur une figure de Greuze.

    Duranty, dans un mot célèbre bien connu des artistes, a admirablement exprimé le sentiment qui domine dans les œuvres d’Israëls, qui plane au-dessus de ses qualités de peintre et de dessinateur, lorsqu’il a dit de lui, je ne me souviens plus au juste à propos de quelle toile, qu’elle était « peinte d’ombre et de douleur ». Jamais en conséquence la fabulation, l’anecdote ne prend chez lui la première place, mais c’est le sentiment en question qui empoigne, profondément triste dans ses tableaux tristes, enterrements, veilles silencieuses ; ou gai parfois, exubérant de lumière dans les toiles représentant des enfants de pêcheurs jouant au bord des flaques sur la plage baignée d’une atmosphère opaline, doucement éclairés par un soleil blond, qui donne au ciel et à la mer une tonalité laiteuse et tendre, à l’ensemble un charme exquis, et dont on pourrait dire, en variant le mot de Duranty, qu’elles sont peintes « avec du soleil et de la joie ».

    Parmi ces dernières œuvres dont nous voulons parler, bien connue est la série des Enfants de la mer, dont il a été publié des albums avec poésies, et qui ont été souvent reproduits par la gravure.

    Jozef Israëls naquit de parents juifs, le 27 Janvier 1827 à Groningue, une petite ville de commerce au Nord de la Hollande.

    Sa première éducation fut strictement guidée par les traditions religieuses de la famille ; ses parents le destinant à devenir rabbin, dans son enfance il étudia l’hébreux et tout en approfondissant le Talmud il dessinait à ses moments perdus. C’est ainsi, comme cela arrive avec la plus grande partie des artistes, que son talent se révéla par hasard, et fut d’abord en opposition avec son éducation première et la carrière qu’on lui avait tracée.

    Tranquillement il passa ainsi des années dans la petite ville, au milieu de sa famille, allant à l’école, où il apprenait les tout premiers éléments du dessin, sous la direction de meester Brugsma, en dessinant avec une touche sur son ardoise.

    Mais son père, qui était un petit agent de change, eut bientôt besoin de son aide dans les affaires, et jeune, il quitta l’école, pour aller dans le bureau à ses côtés. Il allait parfois aussi toucher de l’argent, et raconte volontiers lui-même que, gamin, il sortait avec le traditionnel petit sac de toile grise pour les pièces de grosse monnaie, et que souvent à cette époque il allait au bureau de Mesdag & Fils. Le père Mesdag était un homme extraordinairement fin et intelligent ; aujourd’hui ses fils sont devenus les collègues d’Israëls, et bien connu partout est le grand mariniste H.W. Mesdag.

    Étranges changements de position que le cours de la vie amène ! Jamais alors les Mesdag, chez qui le gamin juif allait toucher des traites, ne se seraient doutés qu’un jour viendrait où une toile de l’un d’eux, une vaste vue de la Mer du Nord, ornerait l’atelier de celui qui est devenu Jozef Israëls.

    Au-dessus du bureau d’affaires, Jozef avait une petite chambre, où il pouvait dessiner à son aise, tout en étant à la portée de son père ; quand celui-ci avait besoin de lui il l’appelait, le travail était interrompu par une course, et aussitôt celle-ci finie, on lui permettait de recommencer son travail. À cette époque il ne faisait encore que dessiner ; il n’était pas encore question de peinture. Il dessinait tout ce qu’il voyait, faisait surtout des copies, d’après des gravures et des lithographies, dirigé par deux maîtres, l’un nommé Buijs, l’autre van Wicheren ; ce dernier vit encore, très âgé, à Leeuwarden, et a pu suivre avec un légitime orgueil la brillante carrière de son élève.

     

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    Plus tard, sous la direction de ces maîtres, Israëls commençait la peinture à l’huile. Il allait travailler dans une grande chambre, en compagnie de quelques peintres en bâtiments qui y préparaient leurs couleurs, et a fait là beaucoup d’études, de dessins d’après nature ; il copiait aussi des paysages, des lithographies, à l’huile, en imaginant les couleurs. Là aussi il a fait ses premiers tableaux, entre autres un juif qui vendait des couvercles de pipes, un type de la petite ville, et de nombreux portraits aux trois crayons, noir, rouge et blanc, de toutes ses connaissances et de ses parents.

    Son père voyait bien qu’il n’avait pas les aptitudes et les goûts qu’il fallait pour le commerce et les affaires, et après des hésitations nombreuses, quoique trouvant le métier de peintre, d’artiste, quelque chose de fort problématique, il consentit à ce que Jozef allât à Amsterdam, pour y étudier sérieusement.

    Ce qui contribua beaucoup à lui laisser faire cela, ce furent les instances d’un mécène de la ville, un M. de Wit, qui finit par le convaincre et envoya le jeune homme chez Jan Kruseman, qui avait un atelier où travaillaient un grand nombre d’élèves, et qui était à cette époque (nous sommes en 1840) le grand peintre du jour. Il peignait de vastes toiles, conventionnelles et froides, des sujets historiques et des tableaux de genre, ceux-ci représentant généralement des Italiens et des Italiennes ; et une copie qu’Israëls fit à ses débuts était justement un de ces sujets italiens, un brigand calabrais. Avant de quitter sa ville natale, Israëls vendit au père Mesdag, pour quarante florins, un tableau, une italienne en robe de velours noirs, avec une étoffe blanche sur la tête. Celui-ci, philosophiquement, lui dit un mot profond et fin, qu’Israëls n’a jamais oublié : « Puissiez-vous toujours avoir le même plaisir en travaillant ! »

    Nous croyons qu’Israëls, à part quelques années dures à ses débuts, a toujours eu la même joie, la même saine gaité en travaillant, car artiste comme il l’est, son travail est son plus grand plaisir. Nous nous souvenons d’avoir une fois entendu sa femme dire de lui qu’il n’était heureux qu’avec sa boite à couleurs.

    Sous ce rapport il est un heureux peintre ; cherchant un idéal qu’il sait traduire sur ses toiles, ayant un but dont il ne s’écarte jamais, il a su réaliser ce qu’il voulait, du moins après les premières années de recherches et de doutes. Comme tous les vrais talents, le sien s’est développé successivement, lentement au commencement, mais sans défaillance, et alors le plaisir dans le travail est la conséquence toute naturelle du travail.

    Amsterdam le retenait deux années bien employées à faire assidûment des études, plus ou moins bien dirigées, tant chez Jan Kruseman qu’à l’Académie de dessin où il suivait les cours.

    Il ne faisait pas des tableaux, rien que des études ; surtout beaucoup de dessins d’après modèle, le meilleur genre de travail à cet âge, et dont il profita beaucoup. Ses premiers succès un peu sérieux datent de l’Académie (École des Beaux-Arts) où ses confrères lui trouvaient déjà des qualités qui les frappaient.

    Toutefois à cette époque Israëls ne savait pas encore le moins du monde ce qu’il chercherait un jour, et il ne faisait que servilement dessiner, sans aucune idée arrêtée, sans aucun but de recherches.

    Il se rappelle ces années avec satisfaction, surtout à cause du plaisir qu’il avait à se promener dans le quartier où il habitait. Ses parents l’avaient recommandé à une famille de Juifs très pieux, qui le soignaient fort bien, et qui demeuraient dans la Jodenbreêstraat, la large rue des Juifs, en plein milieu de ce Ghetto, ce vaste quartier des Juifs, bien connu de tous ceux qui ont vu Amsterdam.

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    Ce dédale, ce fouillis de ruelles étroites dont les habitants peuvent par places se donner la main d’une fenêtre à l’autre, grouillant d’une vie intense, d’une animation bruyante toute orientale, le ravissait. Des étoffes qui pendent à des cordes d’une façade à l’autre, des chiffons aux couleurs éclatantes, tantôt plongés dans une ombre vague, tantôt attrapant un rayon de soleil, donnent à ces ruelles un attrait tout particulier, et qu’on ne retrouve qu’en Orient. La foule bigarrée qui les anime d’un va-et-vient continu, bruyant, éclatant de couleurs qui rappellent Rembrandt (qui lui aussi habita et aima ce quartier), les types des marchands de toutes choses, de vieilles ferrailles, de foies de poissons, de fruits, de pommes, d’oranges, aux brillantes fanfares de jaune et de rouge ; les Juives, souvent jolies, toujours pittoresques, aimant à accrocher à leurs épaules un chiffon vermillon ou émeraude, cet ensemble curieux et plein de vie le ravissait, l’enthousiasmait au plus haut degré.

    Mais ce quartier si mouvementé, si rempli de types divers ne faisait que l’amuser ; il aimait voir la vie animée s’y dérouler, s’y promener, y flâner ; néanmoins il n’était pas inspiré par les figures qu’il voyait ; il ne faisait que suivre assidûment les cours de l’Académie et peindre à l’atelier.

    En 1845, des tableaux venant de Paris attirèrent son attention. Entre autres une Marguerite au rouet d’Ary Scheffer, fit vaguement comprendre à l’élève de Kruseman que ses maîtres peignaient avec une correction bien froide et conventionnelle, et ce tableau célèbre le frappa vivement. D’autres œuvres venant de France avaient déjà fait entrevoir au jeune artiste qu’il y avait une autre voie dans la peinture que celle qu’il suivait, et un désir croissant germa en lui, d’aller en France, à Paris, au centre de la vie artistique.

    Quoique très pauvre, ne gagnant encore guère d’argent par son travail, il décida en lui-même qu’il ferait le voyage, et la décision prise, il partit sans se soucier de l’incertain dans lequel il se lançait.

    Pour subvenir aux plus strictes exigences, son père lui faisait une pension de cinq cents florins (mille francs) par an, avec quoi il parvint, plus riche encore que beaucoup de ses camarades, à passer deux années, qui lui furent précieuses, en plein mouvement artistique de Paris. Pas la grande vie des artistes aisés, de soirées littéraires et de fêtes ; mais la vie dure de jeune peintre, travaillant de huit heures du matin à six heures du soir, sans relâche, mangeant au hasard, mal logé, mal nourri.

    Israëls me dit un jour combien il s’étonnait que c’était là cette ville où tout le monde venait tous les ans pour s’amuser, et qu’il la trouvait un enfer où les grands hommes marchaient sur les pauvres gens sans talent, du nombre desquels il se croyait être.

    Il fréquentait l’atelier de Picot, un vieux membre de l’Institut, de l’école de David, dont l’influence resta grande jusque vers sa trentième année ; Israëls dessinait et peignait selon les vieilles méthodes, dans cet atelier qui comptait environ cent cinquante élèves.

    Inhabile, assez gauche et maladroit, il vivait retiré, tranquillement par nécessité, et ne connaissait personne en dehors de ses camarades d’atelier et du graveur de Mare.

    Il suivait consciencieusement les cours de l’atelier de Picot et concourut plusieurs fois pour entrer à l’École des Beaux-Arts. À ces concours se présentaient cinq cents jeunes peintres, dont seulement une centaine étaient admis. Une fois il eut le numéro 85, une deuxième fois, plus heureux, il atteignit le numéro 18.

    Mais comme le remarque fort judicieusement M. Jan Veth dans son étude sur Israëls (Jozef Israëls, Haarlem, 1890, 198 p.), il devait mettre du temps à s’affranchir de l’influence de ces maîtres académiques, et il est clair que les noms de Buijs, Pieneman, Kruseman, Scheffer, Picot n’expliquent rien lorsque l’on considère la place à part qu’Israëls prend actuellement dans l’art moderne.

    Parmi les maîtres qu’il eut alors, il se souvient de Horace Vernet, de Pradier et de Paul Delaroche. De ce dernier, Alfred Sensier dit dans son livre sur Millet qu’ « il était le maître à la mode. Son autorité était grande en matière d’art ; son caractère morose et obstiné en avait fait un homme important, ses succès du Salon, un vainqueur jaloux de sa gloire. En outre son esprit, toujours en méfiance de lui-même, le mettait en crainte de voir bientôt disparaitre cette fragile popularité qui était son ambition et sa vie ».

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    une des dernières photos de J. Israëls


    Il est facile à comprendre que le jeune homme, venant de quitter son pays, se sentait parfois dérouté dans ce milieu si différent de ce qu’il avait connu jusqu’alors, et que les moindres choses faisaient grande impression sur lui. Ainsi il se souvient de la colère de Paul Delaroche contre lui, une fois qu’il avait mal dessiné le genou de l’Achille, colère qui fit d’autant plus d’effet, que déjà son tempérament personnel, sa facture sui generis commençaient à poindre. Si Delaroche était violent, Picot par contre, qui connaissait sa position peu fortunée, n’a jamais voulu permettre qu’il payât sa contribution à l’atelier, parce que, tout foncièrement académique qu’il était, il aimait son travail.

    Ce n’était pas du reste, comme d’ordinaire, de ses maîtres qu’Israëls apprenait le plus, mais de ses camarades, en les voyant travailler, des critiques qu’ils se faisaient respectivement. Parmi ceux-ci, il en connut plus particulièrement deux, qui ont quelque notoriété, Pils et Lenepveu.

    Après une couple d’années de ce séjour à Paris, qui lui apprit beaucoup, pendant lequel il fut souvent très misérable, il eut envie de retourner chez lui.

    Il avait vu comment on travaillait en France, étudié longuement le Louvre, et vu une quantité de tableaux. Un jour il avait été visiter les Galeries de Versailles, à pied, et ayant passé des heures dans le musée, il était revenu à pied encore, une pareille fatigue lui valut trois jours d’épuisement.

    À peine était-il revenu à Amsterdam que la Révolution de 1848 éclata. Il regretta de ne pas y avoir assisté.



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  • Van Eyck

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    L’AGNEAU MYSTIQUE

     

     

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    L’ouvrage de Harold Van de Perre - Van Eyck, L'Agneau mystique - publié dans la collection « Maîtres de l’Art » (Gallimard/Electa, 1996) présente deux qualités majeures : une analyse poussée de l’œuvre mariée à des reproductions d’une rare qualité. L’auteur établit par ailleurs des liens entre certains panneaux et détails du polyptyque et des œuvres de peintres des derniers siècles.

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    DVDVanEyck.jpgNé en 1937, Harold Van de Perre est peintre verrier, dessinateur, pastelliste et aquarelliste. Il a enseigné dans sa région natale, la Flandre belge, ainsi qu’en Russie, pays avec lequel il entretient des liens privilégiés. Outre son ouvrage sur Van Eyck, il a publié en néerlandais un Rubens, prophète de l’art moderne et un Bruegel, visionnaire pour tous les temps. Sa série d’émissions en 6 parties consacrée à ces trois peintres est disponible en DVD.

     

     

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    LE MOT DE L'EDITEUR

    peinture,flandre,traduction,van eyck

     

    L’AGNEAU MYSTIQUE, 1939

      

     

      

    à lire aussi sur L'Agneau mystique le livre de Fabrice Hadjadj

    peinture,flandre,traduction,van eyck

     
     
     
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  • Theo van Doesburg : à Dada

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    Theo van Doesburg & Dada en Hollande en 1923 (en anglais)

     

     

    archives dada / chronique

     
     

    littérature,doesburg,dada

     

     

    LE MOT DE L’ÉDITEUR (Hazan, 2005)

     

     

    Dada désigne plus que des personnes, des événements, des attitudes, des procédures,des lieux et des moments éphémères, volatiles, insaisissables avec une seule base d'entendement, l'art comme arme contre la société c'est-à-dire la mort. Propos de ces Archives : montrer à quel réservoir puisent des œuvres « droites, précises et à jamais incomprises », divulguer Dada comme une création continue de pensées et de concepts et non pas des images récupérables alors qu'elles appartiennent à la plus formidable protestation, la plus intense affirmation. Ces Archives, augmentées d'une chronique détaillée, dressent une topographie des circonstances, pensées, images, manifestes, histoires d'individus et de groupes, intensités collectives. Solitudes, amitiés, exclus, élus et disparus. Dada : révolution absolue, soustraction intégrale à la folie de son temps, « défiance envers la communauté », refus de « l'anéantissement prochain de l'art » en faveur « d'un art plus art ».

    Marc Dachy met à la disposition du lecteur les textes originaux, déclarations théoriques et manifestes, souvenirs et témoignages, qui permettent de lire dans les mots mêmes des protagonistes l'histoire de ce mouvement, et de voir se dessiner le territoire de dada à partir de témoignages et de nombreux inédits, hors d'atteinte, épars, complétés par une impressionnante chronologie commentée de 1915 à 1968. Ces Archives sont une arme « contre l'oubli organisé », pour la vie et la liberté à réinventer.

     

    THEO VAN DOESBURG

    On sait que Theo van Doesburg (1883-1931), qui a écrit sous d’autres pseudonymes (les dadaïstes I.K. Bonset et Aldo Camini) – il s’appelait en réalité Christian Emil Marie Küpper – a laissé une œuvre de théoricien, d’architecte, de peintre et d’écrivain. Principale figure de la mouvance Dada en Hollande, il a été entre autres à l’origine de la revue De Stijl ou encore rédacteur de la publication dadaïste Mecano à laquelle ont pu collaborer Arp, Schwitters, Picabia et Tzara (entretien). On lui doit l’Aubette (Strasbourg), une demeure qui porte son nom à Meudon… ou encore certaines chaises de cafés alsaciens.

    photo : Theo van Doesburg à l'Aubette, 1927

    littérature,doesburg,dadaOutre ses innombrables essais écrits en plusieurs langues, Van Doesburg a écrit les ouvrages suivants : Volle maan (Pleine lune, poèmes, 1913), Caminoscapie (« roman » antiphilosophique) Nieuwe woordbeeldingen (1975), Het andere gezicht van I.K. Bonset (L’Autre visage de I.K. Bonset, 1983). En 2000, une exposition lui a été consacrée aux Pays-Bas ; à cette occasion, on a publié le catalogue de son œuvre pictural : Ik heb weer veel nieuwe denkbeelden opgedaan. Theo van Doesburg. Oeuvre catalogus, (réd.) Els Hoek,Utrecht/Otterlo/ Bussum, Centraal Museum, Kröller-Möller Museum, Uitgeverij Toth, 2000.

     

     

     

     Vue d'ensemble de l'œuvre

     

    Dans archives dada / chronique, publié par les éditions Hazan en 2005, on peut lire un chapitre illustré consacré à Dada Pays-Bas qui présente les textes suivants : « Qu’est-ce que Dada ? » (Theo van Doesburg), « Dada Hollande I.KB. Manifeste 0,96013 » (I.K.  Bonset), « Van Doesburg » (Kurt Schwitters), « La soirée dada de Haarlem, 11 janvier 1923 » (W. de Graaf) et « Dada à Amsterdam, 27 janvier 1923 » (L.J. Jordaan).

     

    Nous proposons ci-dessous ce dernier article, compte rendu plutôt hilarant d’un journaliste qui a assisté à l’une des soirées lors de la tournée dada en Hollande

     

     

    DADA À AMSTERDAM

     

    Qu’est-ce que Dada ? : « Dada, c’est la hantise du bourgeois-fauteuil-club, du critique d’art, de l’artiste, du cuniculiculteur, du vandale. Dada, c’est un visage. Dada veut être vécu.

    « Dada, c’est la négation la plus forte de toute valeur culturelle déterminée ; Dada, c’est… », enfin, voici le genre de ronflants non-sens grâce auxquels l’animateur hollandais de la glorieuse soirée dada a rempli plus d’une une demi-heure avant de finir par une question ironique à l’adresse du public : « Alors, vous avez compris ce que c’est, Dada ? » J’en doute fort ! Car l’animateur a omis d’énumérer quelques-uns des qualificatifs parmi les plus intéressants. Il s’est par exemple abstenu de dire : « Dada, c’est des boniments à la graisse d’oie. » « Dada, c’est de l’escroquerie de bas étage. » « Dada, c’est bafouer et humilier toutes les honorables personnes ici présentes. » « Dada, c’est une clownerie dispendieuse – un attentat perpétré contre vos florins hollandais ! »

    littérature,doesburg,dadaEt même s’il avait dit tout cela, je doute que la foule ait eu un autre comportement que celui qui a été le sien : des hurlements émerveillés d’Indiens et d’infernaux miaulements de matous en rut. Car depuis notre fauteuil, à la tribune de la presse, nous disposions d’une vue imprenable sur le participant le plus intéressant à cette soirée : le public.

    Et cette vue n’avait rien de réjouissant… Un ecce homo à en pleurer.

     À sept heures et demie, la salle a commencé à se remplir. Et on a compris bien vite qu’il y avait quelque chose de bizarre dans l’air – que l’on n’avait pas affaire au public auquel on a habituellement affaire. La présence d’éléments artistiques et révolutionnaires sautait également aux yeux, à croire que ces gens s’étaient collés une étiquette sur la poitrine pour signaler la conception qu’ils se font de la vie et les mœurs qui sont les leurs. C’est ça, on porte quelque chose sur soi pour se distinguer du vulgaire, ne serait-ce qu’un attribut vestimentaire ou un couvre-chef ! Il est éminemment instructif et intéressant de voir la « tête » qu’un tel s’est faite ou le costume que tel autre a choisi pour montrer le type d’homme qu’ils… aimeraient bien incarner. C’est ainsi qu’on vit apparaître l’homme fruste et vigoureux qui se fout du monde et méprise le snob, habillé d’un costume côtelé, mal rasé et coiffé d’un tweed-hat déformé. Quant à l’homme de culture raffiné et érudit jusqu’aux ongles, il s’exhibait à l’inverse avec des cheveux longs soigneusement ramenés en arrière, portant la raie au milieu, une chemise noire et des chaussettes de soie, et on lui aurait vu un monocle s’il avait eu le culot et la perspicacité d’en porter un. Et puis il y avait les fanatiques, les prophètes, à l’œil exalté et aux mâchoires creuses. Ils sont en général plutôt hauts sur pattes et portent invariablement une barbe bienfournie (noire de préférence) et un chapeau à larges bords ; quant à la pèlerine, pour autant que l’on puisse encore se procurer ces vieilleries chez le fripier, elle est grandement recommandée pour faire grand effet. À défaut, une cape fait l’affaire, mais on risque alors de présenter quelque fâcheuse ressemblance avec un gardien de nuit ou un agent à cheval.

    littérature,doesburg,dadaVoyez là les principaux types de la soirée au milieu desquels cela fourmillait de toutes sortes d’hybrides et de métis. Pour sa part, l’élément féminin affichait systématiquement une tête de mouton ou une coiffure à la Jeanne d’Arc, l’incontournable cigarette et cette effronterie aguichante sous laquelle somnole la probité bonhomme et rassurante de la femme hollandaise, probité garante – une fois la période des frasques révolue – d’un indéfectible mariage petit-bourgeois.

    À propos du « bourgeois ». – Avez-vous déjà remarqué, lors d’une exposition de tableaux, comme deux courants picturaux peuvent se « tuer » l’un l’autre – c’est-à-dire se nuire du simple fait de leur présence concomitante dans le même lieu ? Eh bien ! Quelque chose de similaire s’est produit ici (et au sens strictement littéral !). On jurerait que le bourgeois, au milieu de ces m’as-tu-vu artistico-révolutionnaires, va s’en tirer à son avantage. Rien n’est moins vrai. Avec son melon, son chaud manteau de ratine au col en velours et sa figure de prêt-à-porter, on a l’impression qu’il paraît plus misérable, plus coincé et plus infatué qu’il ne l’est d’habitude.

    Et cette illustre assemblée d’agneaux et de brebis se préparait donc à entendre l’évangile de Dada.

    littérature,doesburg,dadaLe début fut assez prometteur. Un monsieur vêtu en noir là où on attendait du blanc et en blanc là où on attendait du noir, vint s’asseoir à une table où se dressait une lampe à abat-jour ; il commença alors son exposé sur Dada en hollandais. Immédiatement, l’assistance offrit sa coopération bénévole : quand elle voyait une occasion d’interrompre l’animateur, elle la saisissait sans se faire prier, se chargeant essentiellement d’entrelarder le propos de ce dernier de toutes sortes de cris d’animaux. Quand le chahut et le vacarme empêchaient l’animateur de poursuivre, il laissait tomber son monocle, buvait une gorgée d’eau et souriait. Et même ce sourire – une gifle éhontée à la figure des personnes présentes – ne les incita pas à se ressaisir. Les gens ne se ruèrent pas de colère vers le monsieur en noir et blanc pour l’envoyer balader dans les coulisses, ils ne manifestèrent pas non plus leur désapprobation en décidant, par exemple, de quitter la salle – ils riaient la bouche grande ouverte et criaient « dada » et « miaou ».

    Mais ces interruptions avaient de quoi décevoir, tant elles étaient affligeantes. On a tous déjà vu une foule qui, en proie à une émotion, se soulage à vrai dire en se manifestant haut et fort, autant de cris qui doivent, comme des éclairs, détendre l’atmosphère pesante. Une boule d’émotion prête à exploser. Hélas ! Quand l’animateur vint à parler du désir de domination qui habite l’homme, quelqu’un cria « double six » - et quand il aborda les actes contre-nature, on lança : « Il y a des dames dans la salle !. »

    littérature,doesburg,dadaPour le reste, ce fut une explosion de bons mots du genre « Vas-y, attrape-moi ! » « Courage, mon gars ! » et « Willem Broekhuis ». Une fois toute la gamme de l’humour populaire passée en revue, les meuglements et les miaulements reprirent de plus belle – mais même cela n’eut l’air de convaincre personne puisque dès qu’on fit la lumière, les cris d’animaux cessèrent, et chacun dévisagea son voisin d’un sourire bêta.

    Il aura fallu attendre pratiquement la fin de la soirée pour voir quelqu’un retrouver une lueur de lucidité et s’écrier : « Remboursez ! »

    Mais les dames et les messieurs de l’assistance, qui riaient de tout, puisqu’il n’y avait rien de drôle, s’en donnèrent à cœur joie en poussant des hurlements, sans se préoccuper des agents de police qui étaient les seuls à ne pas rire – sans doute parce qu’ils n’avaient pas payé le prix d’entrée et qu’ils n’appartenaient pas au groupe des « intellectuels ».

    À dix heures et demie, comme la fête était finie, le public qui s’attendait à un « foutoir » généralisé fit passer sa déception en criant « dada »…

    littérature,doesburg,dadaSur la scène ? Ah oui, c’est vrai – il y avait là un certain sieur Kurt Schwitters qui débitait des galimatias. Mais ça n’intéressait personne – et lui de débiter des non-sens en faisant une tête d’enterrement et avec un air quelque peu mélancolique. Il aura retrouvé le sourire, je suppose, en comptant et en recomptant la recette de la soirée.

     

    L.J. Jordaan, Het Leven, 27 janvier 1932 (trad. D.Cunin)

     

     

  • Rik Wouters, peintre et sculpteur flamand

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    Un catalogue
     
     

    peinture,sculpture,flandre,belgique,poésie

    Rik Wouters : des origines à l’œuvre,  catalogue d’exposition : Palais des Beaux-Arts de Bruxelles du 23 févier au 26 mai 2002

     

    Plus de 250 pages, des centaines de reproductions (huiles, aquarelles, dessins, sculptures…) : le catalogue bilingue français/néerlandais de la rétrospective Rik Wouters organisée en 2002 est un émerveillement pour les yeux.

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    Survol de l’œuvre en images

     

     

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    « On y lira notamment une "Minuscule phénoménologie de l’influence chez Wouters", par Gérard Audinet, Conservateur au musée d'art moderne de la Ville de Paris. L’adjectif pêche par modestie, car ce savant regard extérieur – je veux dire non belge – aide à la compréhension de l’œuvre et montre comment Rik Wouters s’insère dans son époque, se prévaut d’illustres prédécesseurs (Ensor y compris) ou des écoles étrangères – l’art chinois qu’il découvre, tout en créant un style personnel. On apprendra ainsi que Wouters adulait Cézanne, tout en se méfiant de sa tendance "à l’abstraction" (…) L’ouvrage comporte aussi une analyse de l’influence d’Ensor sur Wouters, et des rapports que les deux artistes entretinrent. Elle est de Herwig Todts du Musée des Beaux-Arts d’Anvers. Surpre- nantes révélations aussi quand on lit l’estime qu’Ensor portait à Wouters au point de s’en méfier parfois, ou d’avoir des craintes de "diva". » (E. MdR, www.art.memoires.com)

     

    exposition virtuelle

    http://www.lemusee.be/orangerie.html

    le catalogue raisonné

    http://www.art-memoires.com/lmter/l3436/35rwoutersob.htm

    sur la sculpture de Rik Wouters

    http://www.art-memoires.com/lmter/l3436/34uclwouters.htm

    sur le catalogue

    http://users.skynet.be/pierre.bachy/wouters_rik.html

    guide du visiteur exposition Malines

    pdf

     

    Animation à partir du poème Hulde aan Rik Wouters (Hommage à Rik Wouters) du poète néerlandais Jacques Hamelink, par Lucette Braune



     

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  • Essais sur les genres en peinture

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    NATURE MORTE, PORTRAIT, PAYSAGE

     

     

    Bart Verschaffel est philosophe, titulaire d’une chaire

    de théorie de l’architecture à l’université de Gand

    et professeur de sémiotique à l’université d’Anvers.

     

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    traduit du néerlandais par Daniel Cunin,

    éd. La Lettre Volée, Bruxelles, 2007

     

     

    LE MOT DE L’ÉDITEUR

     

    Les trois essais qui composent ce volume examinent les genres traditionnels en peinture : la nature morte, le portrait et le paysage. On y verra, en s’appuyant sur des analyses de tableaux, comment la logique qui préside à ces genres conditionne concrètement l’organisation de la peinture : la notion de « vanité » à l’œuvre dans la nature morte du XVIIe siècle qui porte les objets jusqu’aux limites du rien, le regard et la présence du modèle dans le portrait, la compression du monde et du lointain dans le paysage et l’intériorisation du lointain comme sentiment. La portée et la force de ces images individuelles peuvent être le signe de leur aptitude à s’affronter aux possibilités et aux limites d’un genre, et à les mettre en tension. Le livre suggère qu’il est très difficile de sortir des genres traditionnels, et que beaucoup d’images actuelles, implicitement ou de façon affichée, puisent leur signification et leur fonctionnement dans cette logique générique.

     

     

    INTRODUCTION

     

    La classification et la définition traditionnelles des genres en peinture s’expliquent par toutes sortes de considérations et de critères de nature pragmatique ou idéologique : dignité intrinsèque de l’objet représenté (la peinture d’histoire ou le paysage), degré de difficulté artistique (le portrait psychologique par rapport à la nature morte), virtuosité requise (la peinture de fleurs, de personnages, etc.) ou encore facilité à coller une étiquette (paysage sylvestre ou vue de tel lieu, par exemple). Une caractéristique distinctive ou un critère qui autorise à regrouper des tableaux et à leur attribuer un qualificatif ne saurait toutefois se confondre avec le sujet réel du genre. Au fil de trois essais, j’essaie de déterminer l’enjeu de la nature morte, du portrait et du paysage et de formuler la logique qui préside à la conception de ces peintures. Ces définitions ne sauraient bien entendu valoir pour tous les tableaux rangés historiquement – suivant ces motifs pragmatiques et idéologiques – dans l’un ou l’autre de ces genres. Mais elles permettent d’opérer des distinctions dans ces classifications apparues au fil du temps, d’écarter certaines catégories considérées comme atypiques et de comprendre pourquoi d’autres sous-genres occupent une place centrale en développant des variations virtuoses au sein d’une logique générique. Elles nous autorisent par ailleurs à évaluer la part qui revient à certaines peintures dans cette exploration d’un genre. C’est que la portée et la qualité d’une œuvre sont liées à la manière dont l’artiste aborde et explore les possibilités et les limites d’un genre particulier, et de la tradition qu’il suppose.

    Comprendre et juger une œuvre réclame qu’on la rapporte à cette logique. Et il s’avère bien souvent que l’artiste et l’œuvre que l’on considère généralement comme majeurs sont aussi ceux qui témoignent d’une grande compréhension de la logique d’un genre, non sans la remettre en question.

    Le matériau est historique, l’approche ne l’est pas. Pourtant, je suis convaincu qu’il est possible d’écrire l’histoire d’un genre sur la base de ces idées. Les historiens de l’art s’en tiennent bien souvent aux sous-genres connus (peinture de fleurs, de cuisines, de vanités ; paysage de montagne, de forêt, de ruine, etc.) en les classant chronologiquement par écoles nationales. La plupart des publications et des expositions consacrées à la nature morte renvoient, jusque dans leur intitulé, à un simple découpage en sous-genre, école et période. Il est pourtant très frappant de constater qu’au début du XVIIe siècle, durant une vingtaine d’années à peine, en Italie comme en Espagne ou en Hollande, à Paris et à Anvers, des peintres vont travailler à partir d’un même espace pictural – qu’ils peignent des fleurs, des poissons ou des livres. On pourrait écrire une histoire de la nature morte sur base de cet espace pictural, qui sera porté une dernière fois à son paroxysme au début du XVIIIe siècle dans un coin perdu de la Hollande par Adriaen Coorte avant d’être soumis à des variations virtuoses par des artistes tels que Desportes et Chardin, et de se figer en une simple forme traditionnelle dépouillée de ses significations initiales. Goya, par exemple, ne peint plus ses natures mortes dans cet espace pictural traditionnel, ses images ne sont plus théâtrales ; il flanque ses « objets-acteurs » par terre, ses représentations sont cinétiques et monumentales. Estimer que peindre une nature morte revient tout simplement à peindre des choses d’après nature, et voir sur cette base une continuité de Pieter Aertsen jusqu’à l’art objectal ou jusqu’aux boîtes Brillo de Warhol, c’est donc occulter des différences essentielles et négliger la logique qui a été à l’œuvre dans l’histoire : l’espace pictural de la nature morte naît à vrai dire au début du XVIIe siècle pour se prolonger jusqu’aux images théâtrales de De Chirico et de Magritte.

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    T.J. Canneel, Autoportrait, 1844,

    Musée des Beaux-Arts de Gand, p. 68

     

     

    Le portrait et le paysage sont des genres qui connaissent une postérité proprement artistique mais qui prospèrent également dans la culture visuelle de masse. Il est surprenant de constater combien le passage d’un médium à un autre – de la peinture et du dessin à la photographie – a eu aussi longtemps si peu d’incidence sur la composition : les portraits et paysages photographiques ne transgressent guère les codes qui ont pu être développés par ces genres en peinture. À tel point qu’on peut se demander s’il est possible d’échapper aux genres, et si oui, comment. L’enjeu du portrait comme genre engage la façon d’attribuer une vérité à un visage humain : aujourd’hui encore, il est difficile de photographier un visage sans en faire un portrait. Quant à l’histoire du paysage, elle ne porte pas seulement sur la manière de développer les possibilités du genre dans un contexte ou une tradition donnés, elle touche surtout à la façon dont une variante – le « paysage romantique » – s’est approprié le genre jusqu’à lui conférer des modèles précis. Là encore, il s’avère difficile de photographier le monde sans montrer tout de suite des paysages. Si l’on admet, avec Adorno, que le contenu de l’histoire sombre dans les grands fonds du temps pour subsister en tant que forme, et qu’il est possible de comprendre un genre comme une empreinte ou une forme produite par un emploi séculaire dans la matière brute de l’existence – comme les lieux communs et le kitsch, l’aversion et l’ennui ou le goût –, alors interpréter cette forme reviendrait à préciser l’enjeu d’un genre pictural et, par là même, greffer celui-ci, comme histoire, sur le présent et sur notre manière de regarder la peinture.

     

    Le thème de ce livre a fait l’objet de trois séries de cours à l’université d’Anvers-UIA, entre 1996 et 2001, qui ont à leur tour donné lieu à trois essais publiés dans la revue d’art de langue néerlandaise De Witte Raaf. […] Les essais sur la nature morte et le portrait ne diffèrent qu’en de rares points des versions publiées dans De Witte Raaf. Celui sur le paysage a été en grande partie revu et augmenté.

     

     

    Du même auteur en français

    à propos de Balthus. Le Roi des chats. Le regard sondeur, Gand, A&S/books, 2004.

    Pygmalion ou rien. Œuvres photographiques de Jan Vercruysse, Palais des Beaux-Arts de Bruxelles, 1998.

     

    Une conférence en anglais