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  • Un poème, un livre – Pierre Jean Jouve

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    Un extrait de poème contre le grand crime (1916)

     

     

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    Belgique

     

     

    … Je suis né à proximité de ces canaux et ces nuages,

    De ces bourgs aux rues parfaitement peintes ;

    Je porte dans mon cœur rues, blés mouvants et dunes.

    J’ai l’esprit conforme à ces plaines sans défaut ;

    - Rien que des toits éclatants, çà et là, un vent fort,

    Une pensée raisonneuse pour la terre infinie.

    J’éprouve le désir des arbres vers la mer,

    J’ai le doute et le scrupule des canaux,

    Mon affection n’a de repos que sur le clair horizon.

    Je suis ton enfant – Flandre étale et grasse.

    Ne m’oublie pas, car désormais je demeure tourné vers toi –

    Et toi, Verhaeren, chanteur et vieil homme,

    Dont la force de Flamand et la pensée d’Européen

    Fraternellement sont blessées jusqu’à la mort,

    Je te fais signe et comme un de tes enfants,

    Je me range à tes côtés sans en dire davantage.

     

    P. J. Jouve 

     


    Pierre Jean Jouve, Jacques Darras, poésie, Arfuyen, Flandre, Verhaeren, Guerre 1914-1918, Suisse, GenèvePierre Jean Jouve
    (Arras 1887 – Paris 1876), a renié la première partie de son œuvre, y compris poème contre le grand crime paru à Genève en 1916 (éditions de la revue Demain) et dont seuls des passages ont été re- produits depuis. L’extrait cité ci-dessus figure, à côté d’autres (publiés avec l
    autorisation de Cathe- rine Jouve), dans la magnifique fresque poético-autobiographique de Jacques Darras, Je sors enfin du Bois de la Gruerie, Arfuyen, 2014, p. 81. 

    Le recueil pacifiste de Jouve contient quatre poèmes : « Au soldat tué », « À la Belgique », « Chant de l’Hôpital », « Tolstoy », et présente sur le titre une grande composition macabre du peintre et verrier  Edmond Bille (1878-1959), reprise en couverture. Retourné en Suisse pour raison de santé – il s’était engagé en 1914 pour servir comme infirmier à l’hôpital de Poitiers où l’on soignait des soldats atteints de maladies infectieuses –, Jouve s’affirme comme pacifiste. Poème contre le grand crime poursuit cet engagement amorcé avec Vous êtes des Hommes (1915). « Jouve s’insère dans la communauté des militants pacifistes installés en Suisse et dont Romain Rolland est considéré comme l’âme. Pendant toute la guerre, Jouve va être très actif, à la fois comme écrivain, comme journaliste et comme militant. Jouve et Romain Rolland deviennent réellement amis. Jouve continue à lire Tolstoï. Comme à Poitiers, il s’engage en tant qu’infirmier volontaire à l’hôpital pierre jean jouve,jacques darras,poésie,arfuyen,flandre,verhaeren,guerre 1914-1918,suisse,genèvemilitaire de Montana. Il est très apprécié des soldats malades pour son dévouement. Mais son activité de militant pacifiste est connue et il est interdit de présence à l’hôpital par la hiérarchie militaire. » (source).  C’est au sein de ces cercles pacifistes qu’il côtoiera le Flamand Frans Masereel, lequel illustrera plusieurs de ses livres.

    P. J. Jouve, portrait gravé par F. Masereel pour Prière, 1924

     

    Dans Romain Rolland vivant 1914-1919 (1920), Pierre Jean Jouve évoque à nouveau la Belgique et Verhaeren : « Il est à peu près établi pour lui [Romain Rolland] que le gouvernement allemand, aux premières heures de la guerre, joua le plus mauvais rôle. Le crime de la Belgique violée par le Haut Commandement et diffamée ensuite par la diplomatie, ne peut se justifier en aucun temps. Il se retourna d’ailleurs contre son auteur ; car il détermina toute une série de réalités et de fictions tendant à désigner l’Allemagne comme l’agresseur unique et le peuple criminel. Mais les crimes les plus certains et les responsabilités effectives de l’Allemagne n’innocentent pas ses adversaires. […] Quand l’Académie Suédoise laisse entrevoir (à la fin de 1915), son intention de décerner le Prix Nobel de Littérature à Romain Rolland, écrivain français, c’est un tollé dans la presse parisienne ; les injures remontent d’un ton ; on ne craint même pas de jouer du noble et bon Verhaeren, qui n’a pas cessé d’aimer et d’estimer Romain Rolland, d’injurier Rolland à l’aide de Verhaeren. On parle de ‘‘Judas et les trente deniers’’. Ce qui était, remarquons-le, aussi infamant à l’endroit de l’Académie Suédoise qu’abject à l’égard d’un des écrivains les plus désintéressés de notre littérature. La distribution du prix est différée. Mais l’année suivante (novembre 1916) le prix est réellement pierre jean jouve,jacques darras,poésie,arfuyen,flandre,verhaeren,guerre 1914-1918,suisse,genève,belgiqueoffert à Romain Rolland, et à la France la meilleure qu’il représente. Il se fait un demi-silence, par ordre ; le système de l’étouffement officiel et du boycottage commercial commence, avec des actions plus souterraines. » (p. 101 et 240-241)

     Jacques Marx, Verhaeren, biographie d’une œuvre, ARLLFB, 1996

     

     

  • Les Van Eyck

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    Un poème de Verhaeren

     

     

    Van Eyck, Verhaeren, Flandre, poésieÉmile Verhaeren a laissé bien des pages sur sa Flandre natale. Dans le recueil Les Héros (1908), qui appartient à la série Toute la Flandre, il en loue la nature et quelques grandes figures, dont les frères Van Eyck. Les lecteurs de La Belgique Artistique & Littéraire avaient pu découvrir ce poème dès juin 1907. L’auteur l’a d’ailleurs repris, en même temps que le poème « Rubens », dans Parmi les Cendres. La Belgique dévastée (1916), livre-hommage à son pays meurtri par la guerre.

     

     

    LES VAN EYCK

     

     

    L’or migrateur qui passe où s’exalte la force

    Avait choisi jadis, en son vol arrogant,

    Pour double colombier glorieux, Bruge et Gand,

    Dont les beffrois dressaient, au grand soleil, leurs torses.

     

    Les deux cités dardaient un pouvoir inégal,

    Mais un égal orgueil vers l’avenir splendide,

    Comme les deux Van Eyck – vastes cerveaux candides –

    Dressaient d’un double effort leur art théologal.

     

    Ce dont l’âme rêvait devant les tabernacles,

    Ce que la foi montrait de ciel aux yeux humains,

    Ils l’ordonnaient, patiemment, avec leurs mains,

    Pour que leur œuvre fût comme un calme miracle.

     

    La claire vision des paradis nouveaux,

    Ils l’évoquaient en un tranquille paysage ;

    Ils le peuplaient de beaux et solennels visages

    Tournés vers la splendeur et la paix de l’agneau.

     

    Les douces fleurs poussaient dans le tapis de l’herbe ;

    De petits bois montaient, naïfs et recueillis :

    C’était la Flandre, avec ses prés et ses taillis,

    En un cercle de toits et de clochers superbes.

     

    Au milieu, sur un tertre ornementé, l’autel.

    Le Dieu y répandait son sang dans le calice

    Et s’entourait des signes noirs de son supplice :

    Lance, colonne, croix et l’éponge de fiel.

     

    Et vers ce deuil offert comme un banquet de fête

    À la faim de l’extase, à la soif de la foi,

    Les martyrs, les héros, les cent vierges, les rois,

    Les ermites, les paladins et les prophètes,

      

    Toute l’humanité des temps chrétiens marchait.

    Ils arrivaient du fond miraculeux des âges,

    Ayant cueilli la palme aux chemins du voyage,

    Et sur leurs fronts brillaient les feux du Paraclet,

     

    Et tout en haut, régnaient dans l’or du polyptyque,

    Dieu le Père, Marie et Jean le précurseur,

    Traçant, dévotement, avec calme et douceur,

    De lents gestes sacrés, puissants et didactiques.

     

    Et les anges chantaient dans l’air chaste et pieux,

    Tandis qu’Ève et qu’Adam, debout chacun dans l’ombre,

    Sentaient peser sur eux leur faute ardente et sombre,

    Dont le rachat se célébrait devant leurs yeux.

     

    Ainsi la claire et tendre et divine légende

    Avec ses fleurs de sang, d’ardeur et de piété,

    Déroulait son humaine et divine beauté

    Parmi les prés, les bois, les ravins et les landes.

     

    Comme un grand livre peint et largement ouvert,

    Elle enfermait, en ses pages claires ou blondes

    Et dans ses textes d’or quatre mille ans du monde :

    Tout le rêve de l’homme en proie à l’univers.

     

    L’œuvre dardait dans l’art une clarté suprême,

    Comme celle du Dante à Florence, là-bas,

    Mais cette fois deux noms flamands brillaient, au bas

    De l’ascétique et pur et merveilleux poème.

     

     

    Émile Verhaeren


     

     


    la voix d'Émile Verhaeren

     

     

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  • The Black Herald

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    De Rodenbach à Onno Kosters en passant par Verhaeren

     

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    La nouvelle revue littéraire bilingue (anglais/français) The Black Herald qui regroupe de la poésie, des fictions courtes, des essais et des traductions accorde une place à deux des grands auteurs flamands d’expression française du passé (Georges Rodenbach et Emile Verhaeren) et à un poète néerlandais contemporain (Onno Kosters). Leurs poèmes sont présentés en version originale avec une traduction anglaise en regard. Co-fondateur du Black Herald avec Blandine Longre, le poète Paul Stubbs expose dans son « Éditorial » l’ambitieux projet du périodique qui fait l’objet d’une mise en page très soignée : « On July 2nd, 1914, the inaugural issue of Blast magazine was published in England, a project begun by the writer Wyndham Lewis, who hoped it would cement the reputation of the new ‘Vorticist’ movement - an English-speaking response to the new Italian avant-garde and futurist movement founded and preached by Marinetti. The editorial of this first issue of Blast declared: ‘‘Beyond Action and Reaction we would establish ourselves’’; and while our intent for The Black Herald does not mirror this rather outlandish aim, its birth is, in some way, similar to the Blast one: a response to what has gone before. For me it certainly is, having tired of the insular and island-bound verbiage of my own country’s literary magazines and the secular way in which the majority of the ‘contributors’ have seemed at times ‘handpicked’. The ‘mainstream’ exists in all countries and cultures, but in England especially it has become something of a ghost-ship, one shipwrecked onto the rocks of its own self-delusion and mediocrity, completely unaware of its soon-to-be obsolete passengers. […]

    There has always been something of an obsession between critics and readers on just what constitutes ‘modern’ writing, but modernity of course has not one birth-certificate, and each epoch continually fills in a new date and hour to constitute its own ‘birth’. Original writing is born of the stone-watch, for it has no birth or death, and it is hoped that the many writings in this magazine will remain ‘outside’ of any modish epoch. The ‘historicizing’ of literature, though it exists in all countries and languages, is not always helpful to the writer, and seems to be no more than a transient progression of the human consciousness, something merely to tether the reader to the frozen post of each existential ‘I’. To usher in the 20th century, Apollinaire cried: ‘‘À la fin tu es las de ce monde ancien’’, and in the end, yes, all of us grow weary of what has come before (even if the past remains unsurpassed by the future) and so when the 21st century awoke to the rubble (mostly) of the grandiose ruins of the failed utopias of the previous century (a regressive sensation of time that occurs in every new century), a new set of human minds became ready again to ‘assimilate’ its languages, to recreate that artificial memory that occurs in words, and in which most of us re-remember ourselves and our species on earth.

    Science and technology have progressed many aspects of what it means to be human, but neither have the ability to alter the natural consciousness of being alive; even in the worst of times it is the writer, neither conscious of himself or what he writes, who ‘progresses’ the human mind the most, and when ‘being alive’ is as precarious and as chimerical as it is in today’s world it can often fall onto the shoulders of the writer to confirm Shelley’s declaration that poets and writers are ‘‘the true legislators of their time’’. Every age holds on to something of ‘‘an hallucinatory image of itself which persists until it has been dispelled by other, alternative events,’’ (John Gray), ‘events’ in language mostly that I am confident the reader will find in the following pages. »

    Longue vie au Black Herald !

     

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