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  • Clef des songes (1950)

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    Un roman gravé de Frans Masereel

    (Blankenberghe, 1889 - Avignon, 1972)

     

     

    Nous soufflons la cendre et les flammes,

    L’amour, le deuil, la peur, l’espoir ;

    Fermez vos cœurs, hommes et femmes,

    Nous parlons dans l’ombre à vos âmes !

     

    Victor Hugo, « Chant des Songes »

     

     

    Masereel0.png

    Clef des songes. Trente bois originaux suivis d’un répertoire de l’œuvre gravé de l’auteur, [Les Écrivains réunis], Lyon, Armand Henneuse, 1950, in-12, br., couv. rose impr. Tirage unique à 700 exemplaires numérotés (364/700) sur lana teinté après 15 sur chiffon d’Auvergne.

     

     

    « C’était une amusette, un jeu de l’imagination permettant d’illustrer le fait que les rêves ne sont pas forcément des mensonges. Je ne crois pas aux rêves. Le rêve est tromperie, dit-on à Gand, ce à quoi on ajoute quelque chose que je ne peux répéter ici*. Mais c’est probablement ça le plus beau de l’histoire ! » (Frans Masereel dans le cadre d’un entretien en néerlandais de 1961 avec Joos Florquin)

    frans masereel,gravure,joris van parys,victor hugo,armand henneuse,flandre,belgique« Quoique d’origine flamande, ce célèbre artiste a passé la plus grande partie de sa vie à Genève, Paris, Avignon et Nice. Très jeune, il s’est déjà fait un nom comme xylographe. Bien qu’il eût quitté son pays natal très tôt, Masereel est devenu la figure de proue du ‘‘groupe des cinq’’ qui a profondément rénové la gravure sur bois en Flandre. Le jeune artiste impressionnait en particulier par ses gravures d’inspiration expressionniste marquées par un profond engagement social. Le thème de la dénonciation de l’injustice et de l’oppression domine l'œuvre de Masereel. Parfois, une surprenante pointe de satire s’y ajoute. Le grand expressionniste a également joué un rôle prépondérant dans le domaine de la littérature. En effet, il a illustré certaines œuvres d’auteurs flamands et français importants comme É. Verhaeren, M. Maeterlinck, Ch. de Coster, V. Hugo et É. Zola. » (Hans Vanacker, « Commémoration de Frans Masereel à Anvers », Septentrion, n° 2,  1990) 

    frans masereel,gravure,joris van parys,victor hugo,armand henneuse,flandre,belgique« La personnalité la plus marquante du groupe des ‘’Cinq’’ est sans conteste Frans Masereel (1889-1972) : ‘’un gars joyeux, malgré l’amertume qu’on décèle dans plusieurs œuvres, un idéaliste sans cesse meurtri par l’injustice et la violence’’. Cette caractérisation par Roger Avermaete révèle l’influence fascinante que Masereel exerçait sur les jeunes de Lumière. À leurs yeux, il était la voix xylographique qui contribuerait à donner forme et force à leurs idées pacifistes, qui les consolerait, au besoin, de leurs déceptions. Masereel a été extrêmement productif. Pendant la Grande Guerre déjà, il accéda au style qui le marque. Son travail journalistique en Suisse, pour Les Tablettes entre 1916 et 1919 et pour La Feuille entre 1917 et 1920, se caractérisait par le ton agressif qui intéressait Lumière. Son ton lapidaire et direct se retrouve dans les publications ultérieures. Les éditions populaires bon marché de l’Allemand Kurt Wolff furent brûlées par les nazis, qui n’y voyaient que de l’art décadent. Dans les pays de l’Est et en Chine, l’œuvre de Masereel jouit d'une grande popularité, sans doute à cause de son engagement pour les petites gens. Comme d’autres confrères, Masereel a gravé régulièrement de vastes cycles dont le rythme fait songer aux premiers chefs-d’œuvre du cinéma muet. Les 167 gravures de Mon livre d'heures de 1919 constituent un exemple classique du genre. » (Gaby Gyselen, « La gravure sur bois et sur linoléum en Flandre à l’époque de la Grande Guerre », Septentrion, n° 1, 1984)

    frans masereel,gravure,joris van parys,victor hugo,armand henneuse,flandre,belgique« Il y a tout juste cinquante ans que paraissait à Amsterdam, chez L.J. Veen, une belle édition de Kerstwake (Veillée de Noël) de Stijn Streuvels, agrémentée de bois de Frans Masereel. J’y pensais en feuilletant aujourd’hui la Clef des songes, un joli recueil de trente bois originaux du graveur flamand, publié en 1950 à Lyon par le regretté maître-imprimeur Armand Henneuse. Celui-ci venait de temps en temps me rendre visite à Paris pour me parler de ses auteurs favoris, Couperus, Gezelle, Boutens, ce francophone étant un lecteur fervent de poètes et de romanciers néerlandais qu’il apprit à aimer à La Haye où il avait vécu pendant sa jeunesse studieuse. Il me récitait des vers des Carmina, car ce recueil de Boutens, mon cher Ami, a vu le jour l'année de ta naissance, ou des strophes de Mei de Gorter, pour donner un air de fête à ton involontaire parenté avec ce géant, et il disparaissait pendant un an ou deux non sans m’avoir comblé d’exemplaires de ses éditions rares : un Francis Ponge, un Eluard, un Norge, un Aragon, ou cette Clef des songes. Les bois de Masereel ont d’ailleurs accompagné ma jeunesse. J’avais lu, au sortir de l'enfance, les Jean-Christophe de Romain Rolland dans l’édition d’Albin Michel illustrée de près de 700 planches de notre xylographe. Il me semble que je connais de la main de Masereel plusieurs milliers de bois. De nos jours, sa forme de clair-obscur est délaissée mais je reste imprégné de son œuvre, comme de l’œuvre de tant d’autres marginaux : les vitraux de Joep Nicolaas, les céramiques de Johan van Loon, les typographies de Werkman, les décors de théâtre de Nicolaas Wijnberg, les objets-tableaux de Domela, la chaise de Rietveld, les ornements sculpturaux de Hildo Krop, les affiches de Dick Elffers, les stylisations géométriques d’Oscar Jespers. » (Sadi de Gorter, « Chroniques néerlandaises », Septentrion, n° 4, 1978).

     

    frans masereel,gravure,joris van parys,victor hugo,armand henneuse,flandre,belgique* « Dat was een Spielerei, een fantazie waarin geïllustreerd wordt dat dromen niet altijd bedrog zijn. Ik geloof niet aan dromen. Dromen is bedrog, zeggen ze in Gent, en ze voegen er nog iets bij dat ik hier niet kan vertellen. Dat is het mooiste waarschijn- lijk! » F. Masereel fait allusion à l’expression Dromen zijn bedrog, maar schijt g’in ’t bed dan vindt ge ’t nog. Mot à mot : Les rêves sont des mensonges, mais si jamais on fait caca au lit, il en reste quelque chose. Autrement dit : Même quand on dort, il y a des choses qui ne sont pas de l’ordre du rêve et celles-là ne trompent pas.

      

     

     

     

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    Ouvrage de référence sur le graveur : Joris Van Parys, Frans Masereel. Une biographie, édition française établie en collaboration avec Lydia Beutin & Thérèse Basyn, préface de Jacques De Decker, Bruxelles, Luc Pire/AML, collection Archives du Futur, 2008.

     

     

     

     

     

    Frans Masereel, gravures sur bois des années vingt

     


    Frans Masereel, L’œuvre, 1928, 60 gravures sur bois

     


    Le film L’Idée (1930-1932) de Berthold Bartosch, d’après le livre éponyme de Frans Masereel, musique d’Arthur Honegger

     

     

  • La grande inondation de février 1953

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    Un témoignage français*

     

     

    Retour sur la catastrophe qui a frappé les Pays-Bas

    voici plus de soixante ans

     

     

    Tempête et inondations en Angleterre, en Belgique et en Hollande

      

    Dans la nuit du samedi 31 janvier au dimanche 1er février 1953, 175 000 à 200 000 hectares de terres hollandaises disparaissent sous les eaux. La catastrophe qui coûta la vie à 1836 personnes dans le sud-ouest du pays (on dénombra aussi des victimes en mer, en Belgique et en Angleterre), est gravée dans la mémoire collective batave. Cet évènement a donné lieu a une abondante littérature de la part des météorologues, des spécialistes des digues, des historiens ainsi que des hommes et femmes de lettres, dont un des sommets est sans doute le récent roman de Margriet de Moor, De verdronkene (La Noyée, 2005).

    CouvMoorCatastrophe.pngTraduite en plusieurs langues, mais malheureusement pas encore en français, cette œuvre nous plonge de façon saisissante en plein drame**. Nous avons retrouvé de nombreuses images, ainsi que le climat dans lequel évolue l’héroïne Lidy, dans la bouche de Claude Hoffert qui nous a rapporté, de façon tout à fait incidente, ce qu’il a vécu les 2 et 3 février 1953. Âgé de 22 ans à l’époque, ce natif de Strasbourg effectue son service militaire comme aspirant au sein d’une unité d’élite de Romainville (région parisienne) dépendant du 401ème Régiment d’Artillerie Antiaérienne. Prévenues semble-t-il dès le 1er février, en fin de journée, les autorités françaises décident d’envoyer des militaires, en particulier des soldats du service du génie. Mais quelqu’un pense aussi aux artilleurs sol-air du 401° RAA, surnommés les « pisse en l’air », qui n’ont rien à voir avec les sapeurs. Au 401°, on confie à un appelé, l’aspirant Hoffert, la tâche de former un convoi. Pourquoi ? Parce qu’un dimanche, ce sont essentiellement des appelés qui sont sur place ; d’autre part, ce dernier est sans doute l’un des rares à parler plusieurs langues : en plus d’être bilingue français-allemand, il s’exprime aussi en anglais. En très peu de temps, l’Alsacien doit former un groupe composé essentiellement de chauffeurs ; même s’il ne peut se faire la moindre idée de la situation dans laquelle il va se retrouver le lendemain, il comprend qu’il aura besoin d’hommes ayant l’esprit pratique. Aussi se rabat-il sur les jeunes chauffeurs de bus parisiens qui remplissent eux aussi leurs obligations militaires. N’ayant reçu que des instructions sommaires, il prépare un convoi comprenant 15 chauffeurs de bus pour conduire des GMC (plus 3 chauffeurs suppléants), 1 chauffeur de camion-citerne et 1 chauffeur de Dodge avec un radio à son bord, qui sont tous des appelés plus jeunes que lui. Le convoi dont il prend la tête se met en route le lundi 2 février et roule une bonne partie de la journée, « les camions chauffaient ». Claude Hoffert ne se souvient pas de la commune où le groupe dont il a la responsabilité arrive en fin de journée en Hollande. Les noms des localités hollandaises ne sont guère faciles à retenir ; qui plus est, plus d’un demi-siècle s’est écoulé. Étant en contact radio avec le P.C. hollandais, le détachement est dirigé par deux motards de la police jusqu’à un lieu, au milieu des eaux, aussi près que possible des digues. En ce lundi soir, cette vingtaine de jeunes français se retrouve brusquement au milieu de l’enfer.

    CouvMoorCatastrophePoche.pngLes images que nous montrent les actualités de l’époque ont été filmées pour la plupart un ou deux jours plus tard, une fois la tempête et le raz-de-marée calmés. Elles restituent la dévastation, le travail des sauveteurs, la détresse des survivants, mais pas la nuit, ni la pluie, ni la neige, ni le déchaînement des éléments. Elles ne nous font entendre ni le grondement de la mer, ni le vent, et ne nous font pas sentir non plus le froid. Tout ce que recrée précisément de façon magistrale le roman Une catastrophe naturelle en plus de l’angoisse terrible éprouvée par les gens qui ont été pris dans l’ouragan et emportés par les eaux, par ceux qui se sont réfugiés sur un toit. La peur, Claude Hoffert et ses hommes vont la ressentir toute la nuit : « La gouaille parisienne avait disparu », dit-il à propos de ses première et deuxième classes. Mais que fait au juste son unité en Hollande, seule, avant que d’autres troupes françaises – les soldats du génie – n’arrivent le mardi matin à Roosendaal ? Quelle peut être la mission d’un détachement d’un régiment d’artillerie antiaérienne au milieu de ce cataclysme naturel qui tourne au scénario catastrophe à cause de la rupture des digues ?

    Douze des quinze GMC convoient sur une remorque un projecteur antiaérien ainsi qu’une génératrice (les 3 autres transportent des pièces de rechange). Bien entendu, il ne s’agit pas cette fois pour les militaires de diriger le faisceau lumineux de leurs projecteurs vers le ciel pour repérer des avions. On leur demande d’éclairer au ras du sol, sur dix à quinze kilomètres, le paysage dévasté, noyé, en direction de la mer, afin que les secours puissent travailler de nuit, que militaires et volontaires hollandais puissent consolider tant bien que mal les digues. Car il semble bien qu’avec l’obscurité, plus rien n’ait été possible dans la quasi-totalité des endroits sans un tel type d’éclairage. Or, ce genre de projecteurs était apparemment très peu répandu dans les armées qui sont intervenues. Si le génie était doté de moyens d’éclairages conséquents, ils étaient sans commune mesure pour ce qui est de la puissance et de la portée à ceux du 401° RA. Ces projecteurs moins puissants, les militaires néerlandais paraissent les avoir utilisés pour orienter les hélicoptères qui voulaient se poser ou CouvParisMatch1953.pngencore pour éclairer les digues, mais sans doute après-coup, ainsi que semble le montrer la photo pleine page publiée dans le n° 205 de Paris Match : « Du village d’Halsteren (province du nord Brabant), un projecteur surveille de sa lumière bleutée des kilomètres de digues » (p. 23).

    Claude Hoffert commence par installer 4 projecteurs sur la digue d’acheminement sur laquelle son convoi s’est engagé de manière à permettre aux pompiers de colmater au loin une digue avec des sacs blancs. En retrait, il place ses deux autres batteries de 4 projecteurs de manière à éclairer le rayon le plus large possible sur une distance de 15 km, autrement dit il les place en position « divergente » pour qu’ils éclairent à gauche et à droite, la troisième batterie élargissant l’étendue éclairée par la deuxième. Chaque projecteur est placé devant le GMC. La pluie est incessante, des vagues viennent lécher la chaussée surélevée, des bourrasques secouent hommes et matériel. L’aspirant décide alors de relier chaque remorque à son camion avec un treuil. Si le détachement dispose d’un camion-citerne pour assurer son autonomie et de pièces de rechange pour faire fonctionner projecteurs et génératrices, les hommes sont pour leur part mal équipés : ils n’ont pas de vêtements de pluie, ils n’ont rien à manger ni à boire. La logistique française sur laquelle ils comptaient n’a pas suivi. De nombreux témoignages prouvent d’ailleurs que les opérations de secours se sont déroulées dans la pagaille, tant l’ampleur de la catastrophe a surpris.

    Digue rompue © Beeldbank V en W

    Watersnoodramp_1953_dijkdoorbraak_Den_Bommel.jpgL’aspirant fait marcher les batteries en utilisant 60% de l’essence dont il dispose. Toutes les 40 minutes, il faut changer le charbon + de chaque projecteur, ce charbon qui génère la flamme sur le miroir d’acier. Pour cette opération délicate, les soldats disposent d’un équipement particulier et de lunettes spéciales. La tâche est bien entendu compliquée par les conditions météorologiques. Entre minuit et une heure du matin, celles-ci empirent. Sur leur langue de terre, les militaires risquent leur vie. Ils souffrent du froid, sont trempés jusqu’aux os. Sur sa droite, Claude Hoffert voit des digues s’écrouler. Les autorités civiles et militaires hollandaises lui donnent l’ordre de tenir, mais devant le danger qui se précise, il prend la décision de faire marche arrière : « Nein, ich gehe zurück. » Il n’a pas alors la possibilité d’établir le moindre contact radio avec Paris. Grâce au radar qui permet de repérer en principe les avions, il sait avant tout le monde à quelle distance se trouve la mer : il sait qu’elle ne cesse de se rapprocher, qu’elle n’est plus qu’à 10 km. Les soldats français voient au loin des bateaux pneumatiques projetés en l’air ainsi que les sauveteurs qui sont à leur bord ; dans ces sortes de Zodiacs, ces hommes transportent des sacs de sable. Ils voient aussi les fermes disparaître en totalité ou en partie sous les eaux, flotter des cadavres de vaches et de chevaux, ils entendent les cris de détresse. Au milieu des eaux, sur la digue d’acheminement perpendiculaire aux digues de protection, les GMC ne peuvent faire demi-tour. Aussi l’aspirant fait-il « riper » en marche arrière la première position de 500 mètres à 1 km, puis la deuxième, puis la troisième, le tout en catastrophe. Quand la première effectue son retrait, l’eau environnante éclabousse déjà les projecteurs. Pendant cette opération de repli, les projecteurs restent allumés. Le reste de la nuit se passe dans les mêmes conditions : Claude Hoffert fait reculer ses batteries de projecteurs à tour de rôle de 500 mètres en 500 mètres, tout en essayant de continuer d’éclairer en permanence les digues ou ce qu’il en reste. À un moment donné, il n’y a en effet plus aucune digue au loin. La digue d’acheminement sur laquelle les soldats se trouvent disparaît elle aussi progressivement sous l’eau.

    Jan de Hartog, De kleine ark (1953), roman

    CouvHartogArk.pngDes centaines de fois cette nuit-là retentit le « Verdami ! » alsacien ; l’aspirant et ses hommes craignent bien entendu que la violence des éléments ne vienne la rompre à un endroit qui empêcherait tout repli. Quand le jour se lève, les ¾ de cette digue sont sous les eaux. Eux-mêmes ont reculé sous la pluie et la neige jusqu’à ne plus être très éloignés de la terre ferme. Le matin, alors que les autorités hollandaises souhaitent que son unité reste, l’aspirant reçoit de Paris l’ordre de rentrer. Cette action lui vaudra les félicitations de ses supérieurs.

                                           

                                                                        Daniel Cunin

     

     

    La Petite arche, traduction française de De kleine ark

    HartogArche.png* Publié dans la revue Deshima (n° 2, 2008), ce texte est basé sur le témoignage de Claude Hoffert ; alors que nous nous entretenions de choses et d’autres, j’ai évoqué le roman De verdronkene que je venais de lire et la forte impression laissée par les descriptions de la catastrophe de février 1953 ; c’est à ce moment-là qu’il m’a dit avoir vécu de près ce drame. C’est la première fois, en plus de 50 ans, qu’il évoquait ce souvenir. Il n’a jamais cherché à se documenter sur la question. Le rapport qu’il a rédigé à son retour, début février 1953, se trouve peut-être dans les archives de l’armée.

    ** La traduction française a paru depuis : Margriet de Moor, Une catastrophe naturelle, Libella/Maren Sell, 2010.

     


     

     

     

  • James Ensor et les Japonais sur la Lune

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    Coupure de presse qui jaunissait dans un volume consacré à J.K. Huysmans

     

    EnsorJaponais.png

     

    René Huyghe (1906-1997), auteur d’un James Ensor (Liège, Dynamo, 1973, 18 p.), a pris la parole à Bruxelles, sans doute à la fin des années soixante, dans le cadre des Grande Conférences catholiques qui existent depuis 1931.

     

    René Huyghe parle de son livre Formes et forces

     

     

    À propos d’Ensor, mentionnons l’existence d’une biographie d’une très grande richesse en langue néerlandaise : Eric Min, James Ensor, Een biografie, Amsterdam/Antwerpen, Meulenhoff/Manteau, 2008. Eric Min est également l'auteur de la biographie de référence sur le peintre et sculpteur Rik Wouters (2011) ainsi que d'une biographie culturelle de Bruxelles à travers la figure des grands artistes et autres personnalités qui ont vécu dans cette capitale entre 1850 et 1914 : De eeuw van Brussel (Le siècle de Bruxelles, 2013).

    CouvEnsor.png

     « Au début de cette année, j’ai lu la biographie de James Ensor écrite par Eric Min. Un livre formidable. » Arno

     

     

  • Un poème de Bredero (1585-1618)

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    Un sonnet en français

      

    Bredero, poème, théâtre, Amsterdam, Pays-Bas, comédie

    Seul portrait connu de G.A. Bredero

    (gravure de Hessel Gerritsz., 1619)

     

     

    Fils d’un cordonnier relativement aisé d’Amsterdam, Gerbrand Adriaensz. Bredero a été surtout connu de son vivant comme auteur de théâtre. Sa comédie Spaanschen Brabander (Le Brabançon espagnol, 1617) est particulièrement savoureuse : « la pièce vaut par son réalisme intense. Adaptés ou inventés, les personnages sont pétillants de vie : petits vieux à l’esprit caustique, fossoyeur, fileuses babillardes, exempts à la main lourde… Chacun parle le langage qui convient […] Le comique revêt des aspects très variés, depuis la gaudriole jusqu’à l’humour le plus fin* ». « Il veut peindre le vice avec assez de relief pour le faire détester », a-t-on pu écrire à son sujet. Ce qui est sûr, c’est que l’Amstellodamois n’avait aucun rival dans le genre de la farce.

    Même s’il disait ne posséder que quelques rudiments de français : « een slechte Amstelredammer (die maar een weynich kints-School-frans in 't hoofd rammelde) », ceux-ci lui ont permis d’adapter en néerlandais la tragicomédie Lucelle de Louis Le Jars (1576), de traduire de la poésie, de s’inspirer d’une traduction française de L’Eunuque de Térence pour composer une de ses meilleures comédies : Moortje (La Petite Négresse, 1615) ou encore d’écrire le sonnet – certes pas forcément irréprochable – que nous reproduisons ci-dessous (extrait du volume posthume Groot Lied-Boeck).

     

    * Pierre Brachin, La Littérature néerlandaise, Armand Colin, 1962, p. 43-44.

     

    Bredero, poème, théâtre, Amsterdam, Pays-Bas, comédie

    Journal des Arts, des Sciences et de Littérature, 15 Messidor an 13

     

     

    SONNET

     

    Orsus Adieu Amour, adieu Espoir & Crainte,

    Vous troubleras non plus mon Ame ni mon Cœur.

    Alors, je prie toy mon Dieu & mon Sauveur !

    Allumez mon Esprit d’Amour devot & Saincte :

     

    L’Amour du Monde n’est que tromperie & fainte

    Leger & inconstant, vollant, & sans valeur,

    Sans rayson, sans Conseil, accompagnie de peur,

    En amitie faus, contrefaict par contrainte.

     

    Mays l’Amour de vertu est seulement fondée

    A l’unique de la Divine Trinitée,

    Qui gouverne le Ciel, qui gouverne la Terre !

     

    O Pere eternel scrivez avecq tes doicts

    Au millieu de mon Cœur, tes belles bonnes Loys,

    Que je t'en puis servir d’un amour volontaire.

     

     

    Bredero, poème, théâtre, Amsterdam, Pays-Bas, comédie

    page de titre d'un ouvrage posthume de Bredero (1621)

     

     

     

  • Nono Reinhold

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    Œuvre graphique

     

     

     

    CouvNono2013.png

     

    En plus de 250 pages, le livre d'artiste Nono Reinhold, publié par Lecturis & Peter Foolen Editions dans une maquette de Wim & Remco Crouwel, propose un voyage à travers soixante années de gravure. Des notes consignées par Edy de Wilde, le mari de Nono Reinhold, ainsi que des poèmes de leurs amis Lucebert, Jean-Clarence Lambert, Bert Schierbeek et Simon Vinkenoog agrémentent les nombreuses reproductions. Le texte de la monographie est de la main d’Andrea Müller-Schirmer.

     


    Nono Reinhold au travail dans son atelier (2019)

     

     

    Curaçao I, 1969

    nono reinhold,gravure,livre d'artiste,poésie,pays-bas« Benjamine d’un couple de géologues, Nono Reinhold grandit près de Haarlem, dans la localité de Heemstede.
    Il ne fait pas de doute que la profession de ses parents l’influence. Son intérêt pour la géologie transparaît clairement dans les sujets qu’elle retient au cœur d’œuvres où l’on relève une fascination pour les surfaces qu’offrent la nature et les paysages. De 1947 à 1951, elle suit des cours d’architecture intérieure à l’Institut des arts d’Amsterdam (Instituut voor Kunstnijverheidsonderwijs). Dès cette période de formation, cherchant à rendre des espaces imaginaires, elle s’essaie aux techniques de l’impression et au collage. Toutefois, élaborer des éléments techniques et dessiner des plans ne lui dit trop rien ; aussi, au terme de ces années d’étude, elle décide de s’établir à Paris pour devenir graveur. Ses parents lui apportent leur soutien et, en octobre 1951, la jeune femme de 22 ans arrive dans la métropole, alors foyer de l’art européen. Au tout début, pendant trois mois, l’atelier du peintre d’origine russe Nicolas de Staël, à proximité du métro Montparnasse, lui sert de toit. Au cours des premières années qu’elle passe dans la capitale française, Nono Reinhold réalise entre autres des affiches pour les Galeries Lafayette et des dessins pour Mandril, mensuel satirique hollandais conçu sur le modèle du New Yorker, auquel collaborent également le peintre et poète Lucebert et l’écrivain Remco Campert. Ses dessins de cette période se caractérisent par de joyeuses lignes continues et dansantes.

    Terre de Pierres, 1961

    Nono Reinhold-TerredePierres-1961.pngJacques Houplain est son premier professeur. Ce graveur français né en 1920 est surtout connu pour les illustrations qu’il a faites de certains livres, par exemple une édition des Chants de Maldoror de Lautréamont. Auprès de lui, au cours d’une période relativement brève, Nono Reinhold apprend la technique classique de l’eau-forte. Parallèlement, elle se rend les jeudis soirs à l’Académie de la Grande Chaumière où elle suit les cours de dessin de Zadkine. Pour sa part, Stanley William Hayter (1901-1988), considéré aujourd’hui comme le fondateur des techniques modernes de la gravure, va avoir une importance capitale sur son évolution. »

    Andrea Müller-Schirmer

     

     

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    les plaques de Tombent les feuilles, 2012

     

     

    « Nono est un artiste graveur pur-sang. Sans transition, elle dirige sa pensée sur les possibilités qu’offre la plaque, le matériau lui-même. Ses eaux-fortes ne sont pas des dessins transposés sur la plaque, elles sont d’emblée conçues comme des gravures.

    […]

    Au cours du chemin qui mène à la métamorphose de la donnée d’origine s’interpose à chaque fois l’imagination. Jusqu’à la fin, la plaque reste le champ de nouvelles idées et associations, la plupart suscitées par la plaque elle-même. Par exemple, une pierre que Nono a trouvée quelque part et qui lui sert de point de départ, évolue progressivement en un paysage. Ou bien le sol gorgé d’eau, derrière la maison, se fait poétiquement pierre isolée dans l’espace, sillonnée sous l’effet du ruissellement de l’eau.

    Souvent aussi, le sujet retenu reçoit une signification ambiguë. Sur l’estampe, la feuille d’une plante se trouve être également une île au milieu d’un lac. Ou les lentilles d’eau se font, vues du ciel, gracieux archipel. » 

    Edy de Wilde

     

     

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    Tombent les feuilles, 2012

     

     

    Nono Reinhold

    Graphic work-Carvings-Prints

    An artist book by Nono Reinhold

     

    Author(s) 
Edy de Wilde & Andrea Müller-Schirmer 


    Language 
dutch-english-french 


    Pages 
264 


    Size 
295 x 225 mm 


    ISBN 
978-94-6226-014-6 


    Print/edition 
1e druk / first impression 


    Year 
2013 


    Photography 
Peter Cox

    Translations Daniel Cunin, Donald Gardner, Charles McGeehan, Beth O’Brien, Delphine de Pury & Laurens Vancrevel

    Publisher 
Lecturis & Peter Foolen Editions 


    Design 
Wim Crouwel & Remco Crouwel 


    Price 
€ 37,50

     

     

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     Nono Reinhold près de sa presse (photo : MHC, juin 2013)

     

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