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peinture - Page 13

  • Essais sur les genres en peinture

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    NATURE MORTE, PORTRAIT, PAYSAGE

     

     

    Bart Verschaffel est philosophe, titulaire d’une chaire

    de théorie de l’architecture à l’université de Gand

    et professeur de sémiotique à l’université d’Anvers.

     

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    traduit du néerlandais par Daniel Cunin,

    éd. La Lettre Volée, Bruxelles, 2007

     

     

    LE MOT DE L’ÉDITEUR

     

    Les trois essais qui composent ce volume examinent les genres traditionnels en peinture : la nature morte, le portrait et le paysage. On y verra, en s’appuyant sur des analyses de tableaux, comment la logique qui préside à ces genres conditionne concrètement l’organisation de la peinture : la notion de « vanité » à l’œuvre dans la nature morte du XVIIe siècle qui porte les objets jusqu’aux limites du rien, le regard et la présence du modèle dans le portrait, la compression du monde et du lointain dans le paysage et l’intériorisation du lointain comme sentiment. La portée et la force de ces images individuelles peuvent être le signe de leur aptitude à s’affronter aux possibilités et aux limites d’un genre, et à les mettre en tension. Le livre suggère qu’il est très difficile de sortir des genres traditionnels, et que beaucoup d’images actuelles, implicitement ou de façon affichée, puisent leur signification et leur fonctionnement dans cette logique générique.

     

     

    INTRODUCTION

     

    La classification et la définition traditionnelles des genres en peinture s’expliquent par toutes sortes de considérations et de critères de nature pragmatique ou idéologique : dignité intrinsèque de l’objet représenté (la peinture d’histoire ou le paysage), degré de difficulté artistique (le portrait psychologique par rapport à la nature morte), virtuosité requise (la peinture de fleurs, de personnages, etc.) ou encore facilité à coller une étiquette (paysage sylvestre ou vue de tel lieu, par exemple). Une caractéristique distinctive ou un critère qui autorise à regrouper des tableaux et à leur attribuer un qualificatif ne saurait toutefois se confondre avec le sujet réel du genre. Au fil de trois essais, j’essaie de déterminer l’enjeu de la nature morte, du portrait et du paysage et de formuler la logique qui préside à la conception de ces peintures. Ces définitions ne sauraient bien entendu valoir pour tous les tableaux rangés historiquement – suivant ces motifs pragmatiques et idéologiques – dans l’un ou l’autre de ces genres. Mais elles permettent d’opérer des distinctions dans ces classifications apparues au fil du temps, d’écarter certaines catégories considérées comme atypiques et de comprendre pourquoi d’autres sous-genres occupent une place centrale en développant des variations virtuoses au sein d’une logique générique. Elles nous autorisent par ailleurs à évaluer la part qui revient à certaines peintures dans cette exploration d’un genre. C’est que la portée et la qualité d’une œuvre sont liées à la manière dont l’artiste aborde et explore les possibilités et les limites d’un genre particulier, et de la tradition qu’il suppose.

    Comprendre et juger une œuvre réclame qu’on la rapporte à cette logique. Et il s’avère bien souvent que l’artiste et l’œuvre que l’on considère généralement comme majeurs sont aussi ceux qui témoignent d’une grande compréhension de la logique d’un genre, non sans la remettre en question.

    Le matériau est historique, l’approche ne l’est pas. Pourtant, je suis convaincu qu’il est possible d’écrire l’histoire d’un genre sur la base de ces idées. Les historiens de l’art s’en tiennent bien souvent aux sous-genres connus (peinture de fleurs, de cuisines, de vanités ; paysage de montagne, de forêt, de ruine, etc.) en les classant chronologiquement par écoles nationales. La plupart des publications et des expositions consacrées à la nature morte renvoient, jusque dans leur intitulé, à un simple découpage en sous-genre, école et période. Il est pourtant très frappant de constater qu’au début du XVIIe siècle, durant une vingtaine d’années à peine, en Italie comme en Espagne ou en Hollande, à Paris et à Anvers, des peintres vont travailler à partir d’un même espace pictural – qu’ils peignent des fleurs, des poissons ou des livres. On pourrait écrire une histoire de la nature morte sur base de cet espace pictural, qui sera porté une dernière fois à son paroxysme au début du XVIIIe siècle dans un coin perdu de la Hollande par Adriaen Coorte avant d’être soumis à des variations virtuoses par des artistes tels que Desportes et Chardin, et de se figer en une simple forme traditionnelle dépouillée de ses significations initiales. Goya, par exemple, ne peint plus ses natures mortes dans cet espace pictural traditionnel, ses images ne sont plus théâtrales ; il flanque ses « objets-acteurs » par terre, ses représentations sont cinétiques et monumentales. Estimer que peindre une nature morte revient tout simplement à peindre des choses d’après nature, et voir sur cette base une continuité de Pieter Aertsen jusqu’à l’art objectal ou jusqu’aux boîtes Brillo de Warhol, c’est donc occulter des différences essentielles et négliger la logique qui a été à l’œuvre dans l’histoire : l’espace pictural de la nature morte naît à vrai dire au début du XVIIe siècle pour se prolonger jusqu’aux images théâtrales de De Chirico et de Magritte.

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    T.J. Canneel, Autoportrait, 1844,

    Musée des Beaux-Arts de Gand, p. 68

     

     

    Le portrait et le paysage sont des genres qui connaissent une postérité proprement artistique mais qui prospèrent également dans la culture visuelle de masse. Il est surprenant de constater combien le passage d’un médium à un autre – de la peinture et du dessin à la photographie – a eu aussi longtemps si peu d’incidence sur la composition : les portraits et paysages photographiques ne transgressent guère les codes qui ont pu être développés par ces genres en peinture. À tel point qu’on peut se demander s’il est possible d’échapper aux genres, et si oui, comment. L’enjeu du portrait comme genre engage la façon d’attribuer une vérité à un visage humain : aujourd’hui encore, il est difficile de photographier un visage sans en faire un portrait. Quant à l’histoire du paysage, elle ne porte pas seulement sur la manière de développer les possibilités du genre dans un contexte ou une tradition donnés, elle touche surtout à la façon dont une variante – le « paysage romantique » – s’est approprié le genre jusqu’à lui conférer des modèles précis. Là encore, il s’avère difficile de photographier le monde sans montrer tout de suite des paysages. Si l’on admet, avec Adorno, que le contenu de l’histoire sombre dans les grands fonds du temps pour subsister en tant que forme, et qu’il est possible de comprendre un genre comme une empreinte ou une forme produite par un emploi séculaire dans la matière brute de l’existence – comme les lieux communs et le kitsch, l’aversion et l’ennui ou le goût –, alors interpréter cette forme reviendrait à préciser l’enjeu d’un genre pictural et, par là même, greffer celui-ci, comme histoire, sur le présent et sur notre manière de regarder la peinture.

     

    Le thème de ce livre a fait l’objet de trois séries de cours à l’université d’Anvers-UIA, entre 1996 et 2001, qui ont à leur tour donné lieu à trois essais publiés dans la revue d’art de langue néerlandaise De Witte Raaf. […] Les essais sur la nature morte et le portrait ne diffèrent qu’en de rares points des versions publiées dans De Witte Raaf. Celui sur le paysage a été en grande partie revu et augmenté.

     

     

    Du même auteur en français

    à propos de Balthus. Le Roi des chats. Le regard sondeur, Gand, A&S/books, 2004.

    Pygmalion ou rien. Œuvres photographiques de Jan Vercruysse, Palais des Beaux-Arts de Bruxelles, 1998.

     

    Une conférence en anglais

     

     

     

  • Le peintre Matthijs Maris

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    MATTHIJS MARIS, par Philippe ZILCKEN

     

    Philippe Zilcken a consacré plus d’un article aux peintres de la famille Maris. Dans la revue L’Art et les Artistes de mars 1911, il livre les quelques pages reproduites ci-dessous sur le cadet Matthias (Matthijs, Matthys ou encore Thys).

    Tout comme ses frères Jacob et Willem, Matthijs Maris (La Haye, 1839 - Londres 1917) a appris à dessiner en copiant des gravures que leur père, qui travaillait dans une imprimerie, rapportait à la maison. Les trois Maris ont appartenu à l’École de La Haye ; à l’instar de ses frères, Matthijs a passé plusieurs années à Paris (1).


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    Portrait de Jacob Maris par son frère Matthijs

     

    Pour voyager et compléter sa formation (à Anvers) après ses années haguenoises, il a bénéficié de l’aide de la famille royale néerlandaise sous la forme d’une bourse et de commandes de portraits. Appréciant l’hospitalité qu’on lui faisait en France, il se porta volontaire dans la Garde nationale au cours du siège de Paris fin 1870 – début 1871 (2). Malgré une situation précaire, il resta dans la capitale française après la guerre tandis que son frère Jacob rentrait aux Pays-Bas. Au cours de ces années 1870, il jouissait déjà d’un grand prestige auprès de ses confrères. Van Gogh lui rendit visite mais Matthijs refusa de lui donner des cours. En 1877, à la demande d’un marchand, il s’établit à Londres où il vécut le restant de ses jours dans un certain isolement, mais en jouissant d’une renommée certaine. Grand lecteur, il goûtait l’œuvre d’Erasme, celle de Balzac ainsi que celle des symbolistes.

    Après avoir subi l’influence des romantiques allemands L. Richter en A. Rethel, il apprécia l’art des préraphaélites. On lui doit nombre de toiles d’inspiration religieuse, mais aussi beaucoup de paysages. Il travaillait lentement, surtout dans la dernière partie de sa vie. Matthijs Maris a aussi laissé une importante correspondance (3).

    Philippe Zilcken est l’un des premiers à avoir publié sur les frères Maris. Dans l’article ci-dessous, parmi les œuvres reproduites, on relève deux baptêmes : au cours d’un séjour en Suisse, Matthijs avait aimé dessiner la ville de Lausanne ; il y avait aussi réalisé une aquarelle d’un cortège se rendant à un baptême, une thématique qu’il allait reprendre dans de nombreuses œuvres en employant diverses techniques.

     

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    ces mêmes pages en PDF : 1, 2, 3, 4, 5, 6 

     

     

    (1) Un article de J.F. Heijbroek traite de la période parisienne de M. Maris : « Matthijs Maris in Parijs », Oud Holland, 1975, p. 266-289 ; un autre du même auteur détruit le mythe du Maris communard : « Matthijs Maris - een communard? », Spieghel Historiael, 1976, p. 302-307.

    (2) Het demonise eiland (L’Île démoniaque, 1923), roman de l’écrivain néerlandais P.H. van Moerkerken (1877-1951) évoque le destin de Floris Merel, un peintre idéaliste hollandais qui vit à Paris à l’époque de la Commune.

    (3) Ces lignes reprennent une partie de la notice biographique de M. van Delft sur insight.nl : ici

    Sur Matthijs Maris, il existe un petit catalogue : Matthijs Maris. Expositie in het Haags Gemeentemuseum, introduction Anna Wagner, La Haye, 1974. Un ouvrage de 1945 : W. Arondéus, Matthijs Maris : de tragiek van den droom. D’autres éléments figurent dans les ouvrages consacrés à l’École de La Haye. En français : Philippe Zilcken, Peintres Hollandais Modernes, Amsterdam, J.M. Schalenkamp, 1893 (p. 79-88) et Les Maris : Jacob, Matthijs, Willem, 1896. Une plaquette de P. Haverkorn van Rijsewijk : Matthijs Maris à Wolfhezen et à Lausanne (1907). Il existe également plusieurs publications en anglais.


    MatthijsMarisLAttenteNationalMuseumWales.jpg

    L'Attente, National Museum Wales


    Des toiles de Matthijs Maris sur la toile


    Lien permanent Imprimer Catégories : Peintres-Graveurs, Philippe Zilcken 0 commentaire
  • La lumière de Rembrandt

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    Dans la série des écrits de Philippe Zilcken, voici un texte publié en français dans L’Art moderne du 19 juillet 1903

     

     

    À propos de la lumière de Rembrandt

     

    L’observation que je décris ici est, je crois, neuve.

    Les moulins en Hollande ne sont pas, en général, comme dans d’autres pays, destinés à moudre le blé, mais, juchés sur les digues, ils servent, comme l’a dit Verlaine dans ses Quinze jours en Hollande, « à élever l’excédent d’eau dans des canaux qui vont généralement à la mer par quelque grand fleuve ». Nos polders sont le plus souvent des terrains situés au-dessous du niveau de la mer, et il faut un « pompage » presque continu et très considérable pour maintenir un niveau régulier, sans lequel ils seraient rapidement submergés. Ces nombreux et pittoresques moulins aux vastes ailes colorées ont servi de motifs à bien des tableaux, depuis Ruysdael jusqu’à Jacob Maris, Jongkind ou Gabriël (1).

    Combien de peintres étrangers, Daubigny, Claude Monet, Whistler, etc., les ont contemplés, ces moulins, mais n’ont jamais songé à y entrer ! Quelques-uns seulement de ces peintres ont pénétré au rez-de-chaussée, où se trouvent les chambres du meunier et de sa famille, mais fort peu d’entre eux sont montés par les escaliers en échelle jusque dans la coupole, là où grondent les lourds et puissants engrenages de bois mus par les ailes.

    eau-forte originale de Zilcken d’après J. Maris, 1899

    ZilckenMoulin.jpgIl y a quelques années, le hasard me conduisit, par un beau jour de juin tout bruissant de blonde lumière, jusqu’à ces étages élevés où, sauf le meunier parfois pour certaines manœuvres, personne ne va. Le soleil dorait les interminables prairies où l’herbe haute, drue, diaprée, rougie par les fleurs d’oseille sauvage, attendait les coups de faux de la fenaison.

    Dès le premier étage, au-dessus du rez-de-chaussée, je fus surpris de remarquer qu’à l’intérieur du moulin il flottait une buée subtile ; la femme du meunier, qui me servait de guide, me dit qu’il n’existait, dans ces moulins entièrement recouverts de chaume, aucune cheminée, et que la fumée du foyer, comme dans certaines maisons de pêcheurs (Marken, Edam, etc.), s’élevait librement de l’âtre vers la toiture.

    Il y avait quelques années, me disait la meunière, quand on ne brûlait presque pas de charbon de terre et souvent uniquement de la tourbe ou du bois, la quantité de fumée était si considérable dans le moulin qu’en certaines saisons elle avait pu faire fumer pour des cinquantaines de florins de lard et de jambon, ce qui représente une quantité considérable de charcuterie !

    Cette fumée flottante, très légère et continuelle, recouvre à la longue toutes les boiseries, poutres, solives, plafonds et planchers d’une belle teinte d’un blond doré, léger, transparent, et qui parait lumineux au travers de la buée bleuâtre, presque couleur d’aubergine. Je rappelle ici qu’il s’agit d’un moulin à eau et qu’un moulin à farine ne pourrait rien présenter d’analogue.

    À chaque étage, de rares et très petites fenêtres éclairent seules ces locaux assez vastes. À certains moments de la montée, lorsqu’on vient de dépasser une de ces fenêtres et qu’on se retrouve dans la pénombre, la lumière qui entre ne vient pas du ciel, mais est une lumière de reflet, qui, par un temps de soleil, crée un jour fauve, chaud, couleur peau de lion, venant des prairies ensoleillées.

    Cette lumière frappant brusquement, de côté, la tête de la vieille meunière, coiffée d’un bonnet blanc, me fut une révélation : immobile un instant devant une de ces lucarnes, elle fut un vivant Rembrandt, absolument exact, sonore, rutilant, étincelant, s’harmoniant avec son fond aux profondeurs violacées, mystérieuses, baignées d’atmosphère. Et dans ces pénombres du fond, les moindres objets – sacs en grosse toile, planches, meubles frustes – prenaient ces tons roussis et lumineux des objets dans les fonds du maître, dans ce que l’on nomme son « clair obscur », – par exemple de la Ronde de nuit, de son Siméon, des Pèlerins d’Emmaüs, de ses eaux-fortes (Résurrection de Lazare, Christ guérissant, etc.) – de presque toutes, si pas de toutes ses œuvres.

    Plus tard dans la journée, lorsque le soleil, plus bas, approche de l’horizon, touche presque les cimes des arbres, et que ses rayons pénètrent horizontalement par une de ces petites fenêtres, un rais d’or pur – cet effet de lumière dans lequel réside l’âme même des œuvres de Rembrandt – traverse le poudroiement d’or sombre. Sur les blancs des vêtements de la vieille femme se projettent alors des « ombres portées » violentes, plus foncées que les ombres profondes et transparentes du fond, qui s’estompe en architectures de rêve, mystérieuses et vagues comme en tant de tableaux du grand peintre.

     

    GabrielMoisDeJuilletRijksMuseum.jpg

    P.J.C. Gabriël, Le Mois de juillet, Rijksmuseum

     

    Un jour déjà, en wagon, un peu avant le coucher du soleil, j’avais, sur deux religieuses assises devant moi, observé cet effet de lumière qui dore et orange les chairs et découpe sur les blancs des ombres intenses, et déjà alors j’avais mieux compris certains effets de Rembrandt. Mais ici, dans ce moulin datant d’un siècle et demi, sans aucun doute semblable en tous points à celui où Rembrandt passa son enfance, moulin identique à ceux du XVIIe siècle, je vis en un instant, et si clairement ! toute la genèse de son œuvre.

    Enfant, il avait passé sa vie dans ce milieu très spécial, d’une couleur et d’une lumière si particulières et si harmonieuses. Il avait vu son entourage, sa mère, son père, son oncle souvent éclairés ainsi, et il est bien probable que sa vision individuelle des êtres et des choses, qu’il développa avec un talent tout à fait unique, provint de ces impressions premières, d’enfance et d’adolescence, si durables. Plus tard, dans son atelier, il a eu le goût de créer un éclairage analogue, semblable un peu aussi à celui des appartements de son époque, à fenêtres relativement petites, – mais le point de départ, l’origine même de sa conception de la lumière dans ses œuvres doit, selon moi, être cherchée à l’intérieur du moulin où il naquit, ou d’un moulin pareil, où, enfant, il joua.

    ThereseSchwartzePaulJosephConstantinGabriël.jpgTout ceci pour détruire cette légende de lumière fantastique, irréelle et spectrale, conçue par son cerveau seul, tandis qu’en vérité cette lumière n’est que celle, toute naturelle, du milieu où il vécut ses premières années, – lumière et couleur dont alors, inconsciemment, il s’imprégna et dont il subit l’influence durant toute sa vie.

    Rembrandt a été un très grand artiste, un peintre de génie avant tout, dont les nerfs vibrèrent avec une rare intensité (et nullement un esprit fantasque), qui fut inspiré par le soleil de son admirable pays, dont lui seul sut enchâsser un rayon dans ses œuvres.

    J’ai interrogé plusieurs personnes au sujet de ce qui précède. Jozef Israëls, qui connaît l’œuvre de Rembrandt comme personne, Bauer, Breitner, M. Durand-Gréville (2), d’autres encore trouvèrent mon explication plausible.

    Ph. Zilcken

     

    (1) Paul Joseph Constantin Gabriël (1828-1903), peintre considéré comme l’un des maîtres de l’École de La Haye. (portrait de l'artiste ci-dessus par Therese Schwartze)

    (2) Émile Alix Durand-Gréville (1838-1913), homme de lettres français, spécialiste de littérature russe, mais aussi de mathématiques, de physique et d’art. Il s’est intéressé aux procédés techniques de Rembrandt ; on lui doit plusieurs publications sur la peinture flamande et hollandaise.

     

     

    musique : Tchaïkovski Allegro con fuoco

     

     

  • Penser est une jouissance

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    Willem Jan Otten,

    brillant touche-à-tout

     

    Né à Amsterdam en 1951, Willem Jan Otten excelle dans tous les genres : poésie, théâtre, roman, essai, critique… Passionné de cinéma auquel il a consacré de nombreux textes, il a publié ces dernières années des essais sur des thèmes éthiques, par exemple l’euthanasie. Dans son œuvre imposante, la philosophie, l’Antiquité ne sont jamais très loin. Voici une dizaine d’années, sa conversion au catholicisme a ébranlé l’intelligentsia hollandaise devant laquelle il s’est expliqué en tenant un discours au sous-titre emprunté à Friedrich Schleiermacher : Le Miracle des éléphants en liberté. Discours aux personnes cultivées d’entre les mépriseurs de la religion chrétienne.

     

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    La création artistique, le doute pétrinien, l’incarnation, le regard lévinassien sont au cœur de sa seule œuvre disponible en français : La Mort sur le vif, roman publié aux éditions Gallimard en 2007, qui narre, à travers les yeux d’une toile, la crise que traverse un artiste peintre.

     

    « Objets de contemplation voués à la passivité ? Pauvres peintures ! Mais que se passerait-il si elles pouvaient “voir” et, surtout, dire ce qu’elles voient ? Donner la parole à une simple toile, c’est l’option qu’a choisie Willem Jan Otten. Du rouleau entreposé chez un marchand jusqu’à l’atelier du peintre où, après une pose sur cadre et une attente angoissante, les premiers coups de pinceau se posent sur sa surface, c’est à une narration pour le moins atypique que nous convie l’écrivain hollandais, à mi-chemin entre un récit impersonnel – ce n’est qu’un objet – et subjectif, puisque la toile n’est pas dénuée d’affects. Le support, doué d’un sens assez aigu de l’observation puisque c’est son seul passe-temps, décrit ainsi scrupuleusement – parfois jusqu’au voyeurisme – toutes les étapes de son achèvement entre les mains de “Créateur”, artiste ambitieux et à la mode, spécialisé dans le portrait réaliste de commande. Le paradoxe, c’est que si la toile “voit”, elle ne peut se contempler elle-même et ainsi suivre les progrès concrets de la dernière mission de son démiurge : rendre à la vie un jeune garçon décédé pour un vieux et riche collectionneur. L’art, plus fort que la mort ? Dangereuse question. »

    Boris Senff

     

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    «Pris dans la toile», La Gazette Nord-Pas-de-Calais, 19 avril 2007

     

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    « Le tableau qui parle et qui juge », Le Temps, 7 avril 2007 

     

      

    « Une toile est née », Mathieu Lindon

    www.liberation.fr/livres/010195348-une-toile-est-nee

     

    couverture d'une réédition néerlandaise du roman

    peinture,création,willem jan otten,roman,gallimard« L’énigme et la question de la mise en scène, voilà bien les deux thèmes centraux de l’œuvre de Willem-Jan Otten. Il est possible de les scinder en deux : le savoir opposé à l’ignorance, le choix opposé à la contrainte. Le premier couple occupe la place principale dans la première période de l'écrivain ; il se rapporte au désir paradoxal qui habite l’homme. Ce dernier veut tout savoir en même temps qu’il veut garder bien des secrets. Il craint en effet que ce qu’il sait ne lui offre aucun surcroît de bonheur. L’amour est aveugle et quiconque pose un regard perçant sur les choses ne peut plus aimer. Le savoir ultime porte sur les choses dernières, la mort. Un savoir qui se fait mission : “La connaissance est sentence, dit le docteur Loef [personnage d’un roman de W.-J. Otten]. L’impossibilité de guérir quelqu’un, ce n’est pas seulement un fait, c’est aussi une décision. Qu’il faut exécuter.” Ceci nous amène au second couple, la tension entre vouloir et devoir qui occupe la place centrale dans les œuvres d’Otten depuis 1997. Dans sa conférence De fuik van Pascal (Le Piège de Pascal, 1997), Otten critique la croyance contemporaine dans le libre choix et dans la toute-puissance de l’individu. Il suggère que l’homme “n’est pas sa propre œuvre”, autrement dit qu’il existe des puissances qui le dépassent. »

    Bart Vervaeck,

    « Respecter l’énigmatique : l’œuvre de Willem Jan Otten »

    Septentrion, 2007, n° 1, p. 25-31

     

     

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    La revue Deshima publie dans son numéro du printemps 2009

    un récit de Willem Jan Otten portant sur le thème de la paternité

    « Chronique d'un fils qui devient père »