Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

rimbaud

  • Discours de réception

    Pin it!

     

     

    Discours de réception de Daniel Cunin

    à l’Académie Royale de Langue

    et de Littérature néerlandaises (KANTL),

    prononcé par Frank Willaert à Gand le 15 mai 2024

     

    KANTL - PIET VERDONK.png

    KANTL, Gand, 15 mai 2024 (photo : Piet Verdonk) 

     

     

    Chers consœurs et confrères,

    Mesdames et messieurs,

    Chers amis et parents de Daniel,

    chère Anna,

    bien cher Daniel,

     

     

    Depuis 2018 et l’entrée en vigueur d’un nouveau décret, notre Académie (la KANTL) se trouve dans l’heureuse situation de pouvoir désormais nommer en son sein, comme membres « à plein titre » et non plus seulement comme membres « étrangers », des universitaires et des auteurs de nationalité étrangère, pour autant qu’ils sont – je cite l’article 8 du texte en question – « actifs en Belgique dans le domaine de la langue et de la littérature néerlandaises, par leur fonction ou leur présence dans le débat public ».

    Frank Willaert

    FRANK WILLAERT - PHOTO.jpegNous pouvons sincèrement nous réjouir de cette généreuse ouverture : en plus de mettre fin à un manque d’égards vis-à-vis de littérateurs et de chercheurs non moins méritants que leurs homologues belges, elle signifie un enrichissement pour l’Académie elle-même. En effet, les membres d’origine étrangère sont particulièrement bien placés pour attirer notre attention sur des évidences trompeuses ou des choses qui finissent par nous échapper, à nous Flamands de souche, dès lors que nous abordons notre langue et notre littérature.

    Hadewijch, Liederen, edition V. Fraeters, F. Willaert & L.P. Grijp

    LIEDEREN - HADEWIJCH - COUV NL.pngEt si quelqu’un possède les qualités en question, c’est bien toi, Daniel. En tant que traducteur français d’œuvres néerlandaises, tu poses manifestement un œil aiguisé sur des phénomènes qu’un néerlandophone ne perçoit plus parce que ceux-ci lui paraissent aller de soi. Il peut s’agir de choses en apparence banales, comme – pour reprendre un exemple que tu mentionnes dans un entretien – ces mots courts qui fourmillent dans notre langue : nog, wel, even, dan, al, ook ou maar, et qui, en français, ne peuvent, dans bien des cas, être restitués correctement que par un usage créatif de la syntaxe. Cela donne parfois un texte plus littéraire, plus élégant peut-être, mais aussi plus précieux et sans doute moins direct que l’original néerlandais. Ce n’est probablement pas un hasard si le français connaît l’expression : « C’est de la littérature » quand on cherche à qualifier un discours un peu trop nébuleux ou artificiel. Prenons encore – pour retenir cette fois un problème que nous avons rencontré alors que tu traduisais notre édition des Liederen (Chants) de Hadewijch – le simple fait que le désuet minne ainsi que liefde sont tous les deux féminins alors que le mot « amour », leur équivalent français, est un masculin. Comment dès lors traduire un vers comme Die minne es joncfrouwe ende coninghinne (L’Amour est damoiselle et reine) ? Mais, bien entendu, les défis que j’évoque ici dépassent la langue et la littérature ; ils couvrent la culture dans son ensemble. Les Pays-Bas, raconte-tu dans une interview, sont pour toi, comme pour Baudelaire dans son « Invitation au Voyage », la Chine de l’Europe. « Tout y est différent de ce que je connaissais. La langue, la culture, la mentalité, les paysages… » Cette affirmation m’amène à poser la question suivante : quelle est ta perception de la Flandre, de la Belgique, celles-ci si différentes des Pays-Bas ? Sans doute t’entendrons-nous un jour évoquer cela, et tu me vois curieux de savoir à quel pays exotique tu nous compareras.

    Hadewijch, Les Chants, (Albin Michel, 2022)

    CHANTS - HADEWIJCH - COUV.pngC’est précisément dans la fascination qu’entraîne la rencontre de l’Autre que peut naître l’amour, qui est toujours, après tout et en même temps, un désir de connaître cet Autre. Significatif à ce sujet est ce que tu m’as rapporté un jour à propos des prémices de ton amour pour le néerlandais : c’est la rencontre, pendant tes études à Aix-en-Provence, de deux ravissantes Hollandaises qui les ont déclenchés. De peur de paraître trop curieux, je n’ai pas osé te demander si ton engouement valait aussi pour ces jeunes filles, ou uniquement pour les Pays-Bas et pour le néerlandais. Je me plais à imaginer que c’était et pour ces derniers et pour elles deux. Après tout, quand on tombe amoureux, tout ce qui a trait à l’être aimé ne devient-il pas beau ? Certes, les amourettes passent, mais le véritable amour demeure. On ne peut l’étouffer ni le taire, il déborde sur les autres. Ainsi en est-il allé dans ton cas. Ton amour pour le nouveau monde que tu découvrais, tu n’as pu le garder pour toi, tu as brûlé de le communiquer à des proches et à des amis français. En conséquence, tes travaux de traduction sont – bien plus qu’un simple moyen de subsistance –, une œuvre d’amour, au sens propre du terme.

    Aix - place 4 dauphins.jpg

    Aix-en-Provence, place des Quatre-Dauphins

    Or, pareil amour ne se laisse pas apprivoiser. Quiconque consulte ton blog pour passer en revue les travaux en question ne peut qu’être épaté par leur abondance et leur variété. Le nombre d’auteurs que tu as transposés est pour ainsi dire illimité ; maints d’entre eux sont d’ailleurs membres de la KANTL. Pour ne pas tomber dans une trop longue énumération, je me contente de citer les romanciers et les poètes parmi nous : Annelies Verbeke, Stefan Hertmans, Anne Provoost, Koen Peeters, Willy Spillebeen, Patrick Lateur, Geert Buelens et Luc Devoldere. Mais tu ne te limites pas aux contemporains. Traducteur des Chants de Hadewijch (XIIIe siècle), que tu admires tant, tu es devenu un véritable ambassadeur en France de cette poétesse mystique. « Rares sont les pages, écris-tu, d’une telle perfection où l’écrit, le dit, le chant, le vécu intérieur sont en parfaite osmose. » Mais tu as également transposé des œuvres de classiques plus récents – cette fois, je ne cite que des écrivains qui figurent dans le « Canon de la littérature » établi par notre Académie : Louis Couperus, Cyriel Buysse, Martinus Nijhoff, M. Vasalis, Gerrit Achterberg, Lucebert, Willem Frederik Hermans, Gerard Reve et Harry Mulisch.

    G. Achterberg, L'Ovaire noir de la poésie

    GA-COUV1.pngEn même temps, tu te révèles un omnivore : tes traductions couvrent à peu près tous les genres : roman, nouvelle, journal intime, album pour enfants, livre jeunesse, théâtre, essai, B.D., roman graphique, ouvrage et article universitaires ou de vulgarisation, sans oublier, et c’est là sans doute que réside le plus grand défi : la poésie. Tout cela avec la plus grande qualité qui se puisse imaginer. Rien d’étonnant donc à ce que des prix viennent récompenser tes publications, certains décernés par des lecteurs reconnaissants : le Prix des Lecteurs de Cognac et le Prix littéraire des Lycéens de l’Euregio pour Le Faiseur d’anges de Stefan Brijs, un deuxième Prix Littéraire des Lycéens de l’Euregio, cette fois pour le roman autobiographique Je vais vivre de Lale Gül, ou encore le prestigieux prix biennal James Brockway (2018) pour tes traductions de poésie…

    Rimbaud, «Le Dormeur du Val » (autographe)

    rimbaud dormeur.pngMais d’où vient cette passion effrénée pour la littérature ? Parce que rien dans ton enfance et ton adolescence ne laissait présager que tu deviendrais un jour pensionnaire de la République des lettres et encore moins d’une Académie royale. En 1963, ton berceau se trouvait à Champdray, un minuscule village des Hautes-Vosges d’un peu plus de 200 habitants à l’époque et d’un peu moins de 200 aujourd’hui. Tes parents sont issus de deux familles de modestes agriculteurs qui habitaient, chacun, à l’une des extrémités de ce même village. Ils ne sont pas riches, chaque franc compte. Comme d’autres enfants du coin, tu gagnes un peu d’argent, par exemple en cueillant et vendant des myrtilles. En économisant, tu parviens ainsi à t’acheter, vers l’âge de dix ans, un vélo de course 10 vitesses ! Le monde agricole des parents et grands-parents est à des années-lumière du monde de la littérature, de l’art, de la musique classique, de la culture au sens général du terme. Et pourtant… Dans la petite école communale où les enfants de cinq à onze ans sont tous assis dans une même salle de classe, près du poêle, devant une institutrice qui semble tout droit sortie de la Troisième République, la graine originelle est semée : « Le dormeur du val », poème d’Arthur Rimbaud, éveille en toi la vague idée de l’existence d’un autre univers, en apparence inaccessible tant il est éloigné de cette campagne rude et pauvre.

    frank willaert,kantl,gand,académie,daniel cunin,hadewijch,vosges,rimbaud

    Le Ventoux, vu depuis Beaumes-de-Venise (photo : Anna Veldhoven)

    Quelques années plus tard, tes parents ont fait ce que beaucoup de villageois étaient contraints de faire : partir pour trouver du travail. Ils ont déménagé, d’abord à Arbois, dans le Jura, et deux ans plus tard, beaucoup plus au sud, dans une autre commune vinicole, à savoir Beaumes-de-Venise, que beaucoup de Flamands connaissent parce qu’elle se trouve à l’ombre du Mont Ventoux, non loin de Carpentras, d’Orange, de Vaison-la-Romaine et d’Avignon. Ils sont alors gérants d’une petite épicerie pendant que tu poursuis et termine non sans mal tes études secondaires. Tu es loin d’être un élève brillant, aucun professeur ne parvient à briser ton indifférence, pas même les professeurs d’anglais et d’allemand. Pourtant, comme pour plus d’un collégien ou d’un lycéen, deux d’entre eux font la différence. Ta prof de français à Arbois qui t’incite à lire, car ta maîtrise de l’orthographe et de la grammaire françaises laisse énormément à désirer. La bibliothèque municipale offre une solution : pour quelques francs par an, tu peux emprunter quantité de livres. De même, à Carpentras, un autre professeur de français va parvenir à te captiver. Avec l’argent que tu gagnes en exerçant toutes sortes de petits boulots pendant les vacances, tu t’achètes un premier carton de livres, des classiques européens. Tes parents ne comprennent guère ce qui t’habite. « Tu vas finir aveugle à force de lire », relève ta mère. Et entre le père et le fils, un long silence s’instaure.

    F. Vanderpyl, par Lodewijk Schelfhout (vers 1910)

    PORTRAIT VANDERPYL PAR SCHELFHOUT - VERS 1910.pngQuiconque vit et lit dans de telles circonstances est à la fois gagnant et perdant. Il perd le contact simple avec son milieu d’origine et s’aventure dans un monde qui n’a, lui, absolument rien de naturel. Ce défi, tu l’as relevé avec une surprenante bravoure et avec une belle réussite. En témoignent non seulement le large éventail et la qualité des traductions que je viens de mentionner, mais aussi l’incroyable réseau d’écrivains, de poètes, d’éditeurs, de rédacteurs en chef, de consœurs et confrères francophones et néerlandophones – pour certains devenus des amis – que tu es parvenu à rassembler autour de toi au fil des ans. En témoignent également les innombrables articles et entretiens qui accompagnent ton travail, par lesquels tu places les auteurs que tu traduis et la littérature néerlandaise en général sous les feux de la rampe, non seulement dans le monde francophone, mais aussi chez nous. Nous attendons déjà avec impatience la biographie que tu prépares sur le fascinant Fritz Vanderpyl (1876-1965), cet écrivain haguenois totalement oublié, mais qui, dans la France de l’entre-deux-guerres a été « un grand seigneur » en contact étroit avec les avant-gardes littéraires et artistiques de son temps.

    D. Cunin devant la KANTL

    frank willaert,kantl,gand,académie,daniel cunin,hadewijch,vosges,rimbaudCher Daniel, la qualité et la diversité de tes traductions, ton engouement et ton amour sans faille pour le néerlandais et la littérature néerlandaise font que tu as, à juste titre, ta place au sein de notre compagnie. Au fond, l’Académie peut être reconnaissante aux deux jeunes anonymes beautés dont tu as fait la connaissance à Aix-en-Provence, car, sans elles, nous n’aurions probablement jamais pu saluer ta présence parmi nous. Et nos remerciements s’étendent à ton institutrice « vieille école » de Champdray, à tes profs de français d’Arbois et de Carpentras, et surtout à toutes celles et tous ceux qui t’ont aidé à découvrir le néerlandais de plus près – à ce sujet, je suis heureux de mentionner notre membre étranger Philippe Noble –, à la Taalunie (Union de la langue néerlandaise) qui t’a permis d’enseigner pendant dix ans la traduction littéraire à la Sorbonne ainsi qu’aux Fonds flamand et néerlandais pour la littérature qui, en donnant des aides aux éditeurs français, ont rendu et rendent encore possible l’accomplissement de ta vocation.

    Bienvenue donc en notre sein où nous attendons beaucoup de ton expertise, de tes vastes connaissances et, surtout, de ton engagement indéfectible en faveur de la langue et des lettres néerlandaises.

     

    Frank Willaert

    (version française de D. C.)

     

     

     

  • Verwelkoming

    Pin it!

     

    Verwelkoming Daniel Cunin door Frank Willaert

    Toespraak uitgeproken bij de Koninklijke Academie voor Nederlandse Taal en Letteren (KANTL), Gent, 15 mei 2024

     

     

    Geachte aanwezigen,

    chers amis et parents de Daniel,

    beste Anna,

    dierbare Daniel,

     

    Sinds in 2018 een nieuw decreet in voege trad, verkeert deze Academie in de gelukkige situatie dat ze nu ook academici en auteurs met een buitenlands paspoort tot haar gewone leden kan benoemen, zolang zij maar – ik citeer nu uit artikel 8 – “in België actief zijn in het domein van de Nederlandse taal en letteren, door hun functie of door aanwezigheid in het publieke debat.” We mogen oprecht verheugd zijn met dit ruimhartiger toegangsbeleid, niet alleen omdat ze een einde maakt aan de achterstelling van verdienstelijke auteurs en academici die in het bezit zijn van een andere identiteitskaart, maar ook omdat ze een verrijking betekent voor de Academie zelf. Juist leden met een buitenlandse achtergrond zijn bijzonder goed geplaatst om ons te attenderen op de blinde vlekken en de bedrieglijke vanzelfsprekendheden waarmee wij – als ‘Flamands de souche’ – onze taal en literatuur benaderen.

    Frank Willaert

    kantl,frank willaert,daniel cunin,toespraakAls iemand daartoe in staat is, dan zeker jij, Daniel. Als Franse vertaler van Nederlandse teksten heb je uiteraard een scherp oog voor die fenomenen die een Nederlandstalige ontgaan, omdat ze hem evident lijken. Dat kan gaan om ogenschijnlijke trivialiteiten, zoals – om een van je eigen voorbeelden aan te halen – de alomaanwezige woordjes ‘nog’, ‘wel’, ‘even’, ‘dan’ of ‘maar’, die in het Frans vaak alleen goed te vertalen zijn door een creatief gebruik van de syntaxis, dat de tekst echter meteen literairder, misschien verfijnder maar ook precieuzer en minder direct maakt dan het Nederlands. Allicht niet toevallig heeft het Frans de uitdrukking “C’est de la littérature”, voor een discours dat al te wollig of te kunstmatig is. Of neem – ik geef nu een voorbeeld van een probleem waar we bij je vertaling van onze editie van Hadewijchs liederen op botsten – het simpele feit dat de woorden ‘minne’ of ‘liefde’ vrouwelijk zijn, maar ‘amour’ in het moderne Frans mannelijk. Hoe vertaal je dan een vers als “Die minne es joncfrouwe ende coninghinne”? Maar de uitdagingen gaan natuurlijk veel verder dan taal en literatuur alleen, en bestrijken de hele cultuur. ‘Nederland,’ zei je ooit in een interview, “was voor mij, zoals Baudelaire in zijn Invitation au Voyage, het China van Europa. Alles was anders. De taal, de cultuur, de mentaliteit, het landschap.’ Deze uitspraak geeft mij de vraag in: en hoe ervaar je dan Vlaanderen, of België, dat weer helemaal anders is dan Nederland? Wellicht zullen we je daar ooit over horen en ik ben nu al benieuwd naar het exotische land waar je ons mee zal vergelijken.

     

    kantl,frank willaert,daniel cunin,toespraak

    Hadewijch, Liederen, editie V. Fraeters, F. Willaert & L.P. Grijp

    Maar juist in de fascinatie die de ontmoeting met de Andere met zich meebrengt, kan liefde ontstaan, die immers ook altijd een verlangen is om de Andere te kennen. Veelbetekenend is wat je me ooit vertelde over het allereerste begin van je liefde voor het Nederlands: dat het de ontmoeting tijdens je studententijd in Aix-en-Provence met twee mooie Nederlandse meisjes was, die in jou de liefde deden ontbranden. Uit vrees om al te nieuwsgierig te lijken, heb ik jou toen niet durven vragen of je verliefdheid de meisjes gold, dan wel Nederland en het Nederlands. Ik fantaseer maar dat het de beide zijn geweest. Want wordt voor wie verliefd is, niet alles mooi, wat met de geliefde te maken heeft? Maar verliefdheden gaan voorbij, echte liefde blijft. Ze kan niet verzwegen worden en vloeit over naar anderen. Zo ook in jouw geval. Je kon je liefde voor de nieuwe wereld die je ontdekte, niet voor jezelf houden, je moest ze meedelen aan je Franse vrienden. Je vertaalwerk is dan ook – veel meer dan alleen een middel van bestaan – liefdewerk, in de ware zin van het woord.

    kantl,frank willaert,daniel cunin,toespraakEn die liefde laat zich niet temmen. Wie op je website je verzamelde vertaalwerk overschouwt, kan niet anders dan verbluft zijn over de omvang en de verscheidenheid ervan. Het aantal auteurs van wie je werk hebt vertaald is schier eindeloos, en daar zitten heel wat KANTL-leden onder. Om de opsomming niet te lang te laten worden, noem ik hier slechts de creatieve auteurs onder ons: Annelies Verbeke, Stefan Hertmans, Anne Provoost, Koen Peeters, Willy Spillebeen, Patrick Lateur, Geert Buelens, Luc Devoldere. Ook  beperk je je niet tot contemporaine auteurs. Je vertaalde de liederen van Hadewijch, die je hogelijk bewondert en voor wie je je in Frankrijk als een ware ambassadeur hebt ontpopt. “Rares sont les pages”, schrijf je, “d’une telle perfection où l’écrit, le dit, le chant, le vécu intérieur sont en parfaite osmose.” Maar je vertaalde ook werk van recentere klassieken – ik noem slechts de namen van auteurs die in de KANTL-canon voorkomen: Couperus, Buysse, Nijhoff, Vasalis, Achterberg, Lucebert, Hermans, Reve, Mulisch. Ook ben je een omnivoor: je vertaalwerk bestrijkt zowat alle genres: romans, dagboeken, jeugdboeken, novellen, kortverhalen, theater, prentenboeken, essays, academische en vulgariserende boeken en artikelen, strips, en niet te vergeten en wellicht het meest uitdagend: poëzie. Dat alles steeds met de hoogst denkbare kwaliteit. Geen wonder dat je de prijzen van dankbare lezers aaneenrijgt: de Prix des Lecteurs de Cognac en de Prix littéraire des Lycéens de l’Eurégio voor je vertaling van De Engelenmaker van Stefan Brijs, nogmaals de Prix Littéraire des Lycéens de l’Eurégio voor je vertaling van Ik wil leven door Lale Gül, en de prestigieuze tweejaarlijkse James Brockway-prijs 2018 voor je vertalingen van poëzie uit het Nederlands.

     

    kantl,frank willaert,daniel cunin,toespraak

    Champdray (Vosges)

    Maar vanwaar komt deze tomeloze passie voor de literatuur? Want niets in je jeugd- en kindertijd wees erop dat je ooit een inwoner zou worden van ‘la république des lettres’, en zeker niet van een Kóninklijke Academie. In 1963 stond je wieg in Champdray, een piepklein dorpje in de Vogezen van destijds 260, nu slechts 190 inwoners. Je ouders komen uit twee boerenfamilies die woonden aan twee uiteinden van hetzelfde dorp. Welstellend zijn ze niet, elke franc telt. Vanaf je 5 à 6 jaar probeer je je eigen centjes te verdienen, b.v. door bosbessen te plukken. Met wat het opbrengt, koop je je eerste fiets. Die agrarische wereld van je ouders en grootouders stond lichtjaren ver van de wereld van de literatuur, de kunst, de muziek, de cultuur. En toch. In het dorpsschooltje waar de kinderen van tussen 5 en 11 jaar rond de kachel zitten bij een onderwijzeres die zo uit de Troisième République lijkt te komen, wordt de allereerste kiem gezaaid: het gedicht Le dormeur du val van Arthur Rimbaud roept het vage besef in je wakker dat er een andere wereld is, schijnbaar onbereikbaar ver van de culturele leegte waarin je je bevindt. Enkele jaren later doen je ouders wat veel dorpelingen noodgedwongen moeten doen: ze verlaten het dorp, ze verhuizen, eerst naar Arbois, in het Juragebergte, twee jaar later veel verder zuidwaarts, naar het wijndorp Beaumes-de-Venise, dat veel Vlamingen goed kennen, want het ligt in de schaduw van de mythische Mont Ventoux, niet ver van Carpentras, Orange, Vaison-la-Romaine en Avignon. Als gérants baten ze er een kruidenierswinkeltje uit, en jij doet ondertussen je middelbare studies. Je doet het ver van schitterend, geen enkele leerkracht is in staat door je onverschilligheid heen te breken, ook niet de leraren Engels en Duits. En toch, als zo vaak maken twee van hen het verschil. Je lerares Frans in Arbois spoort je aan om meer te lezen, want je spelling van het Frans is schabouwelijk. De bibliothèque municipale biedt uitkomst: voor een paar luttele francs kan je er een jaar lang boeken ontlenen. En ook in Carpentras weet een leraar Frans je te boeien. Met de spaarcenten die je in de zomer bijverdient, koop je je een eerste kartonnen doos vol met boeken. Je ouders begrijpen niet wat je bezielt. ‘Je gaat je blind lezen’, zegt je moeder. En tussen vader en zoon wordt het stil.

    F. Vanderpyl, portrait par F. Desnos

    kantl,frank willaert,daniel cunin,toespraakWie in zulke omstandigheden leeft en leest, wint en verliest tegelijkertijd. Hij verliest het ongedwongen contact met zijn milieu van herkomst, en waagt zich in een wereld, die niet de vanzelfsprekendheid heeft voor wie er is grootgebracht. Die uitdaging ben jij aangegaan met een buitengewone bravoure en met veel succes.  Niet alleen blijkt dat uit de zo-even gememoreerde reikwijdte en kwaliteit van je vertalingen, maar ook uit het ongelooflijk uitgebreide netwerk van zowel Frans- als Nederlandstalige schrijvers, dichters, uitgevers, redacteurs, collega’s, vaak vrienden, dat je in de loop der jaren om je heen verzameld hebt. Het blijkt ook uit de talloze artikelen en interviews die je werk flankeren en waarmee je de door jou vertaalde auteurs en de Nederlandse literatuur als geheel niet alleen in de Franstalige wereld, maar ook bij ons voor het voetlicht brengt. En we kijken nu al met spanning uit naar je biografie van de fascinerende Fritz Vanderpyl, die je in voorbereiding hebt, hier totaal onbekend, maar in het Frankrijk van het interbellum ‘un grand seigneur’, die in nauw contact stond met de absolute literaire en artistieke avant-garde van zijn tijd.

    Beste Daniel, de kwaliteit en de omvang van je vertaalwerk, je onverdroten inzet en liefde voor het Nederlands en de Nederlandse literatuur maken dat je zeer terecht een plaats in ons gezelschap inneemt. In feite mag de Academie de twee anonieme Nederlandse meisjes die je in Aix-en-Provence hebt ontmoet, dankbaar zijn, want zonder hen hadden we je vermoedelijk nooit in ons gezelschap kunnen begroeten. En onze dank breidt zich uit naar je oude en ouderwetse onderwijzeres in Champdray, naar je leraren Frans in Arbois en Carpentras, en vooral naar al diegenen die je nader met het Nederlands hebben doen kennismaken – en ik ben blij dat ik hier expliciet ons erelid Philippe Noble kan noemen –, ook naar de Nederlandse Taalunie die je in staat stelde om gedurende tien jaren literair vertalen in de vakgroep Nederlands te doceren aan de Sorbonne, en naar de fondsen, in het bijzonder Literatuur Vlaanderen en het Nederlands Letterenfonds, die de vervulling van je roeping als vertaler mede mogelijk hebben gemaakt en maken. Wees welkom in ons midden, waar we veel verwachten van je deskundigheid, je brede kennis en vooral van je tomeloze inzet voor de Nederlandse taal en literatuur.

     

    Frank Willaert

     

    kantl,frank willaert,daniel cunin,toespraak

     

  • Villon d'Anvers

    Pin it!

     

    Peter Holvoet-Hanssen

    pillard et pirate en poésie

     

     

    Il se réclame de François Villon, voit la poésie comme « des nuages en mouvement qui passent sur la page ».

     

     

     

    QUAND RIMBAUD TOMBE DU CIEL

     

     

    Ça nous mène où, Arthur ? Enfer ! Es-tu devenu un autre ?

    C’est vrai, même en hiver, les sources sont limpides.

    L’eau froide fortifie le cœur. Mais allez expliquer ça

    aux affaiblis de la baraque 13. Pas de soupe, pas de feu.

    La mort pareille à une truie qui se vide dans ses petits. Ici

    et non là naissent des enfants à l’étoile, poussière.

    Poussière de rien du tout. Écoutez ce chien. Aboyer vers l’autre versant.

    Écho. Aboyer après son écho. Toujours plus furieux jusqu’à

    ce que la nuit le néantise – à la flamande. On va

    se régaler, bloguer, trompeter. Ne va pas essayer, toi, de

    voir une vue plus grande, équilibre & déséquilibre.

    Gonfle-toi dignement. Comment, tu ne joues pas à ça… Rustre.

    La poésie, un concours de coloriage ? Ta boule magique explose.

    Bruxelles ou Paris ? Monte. D’autres commentaires ? Prêt ? Saute –

     

    Automne, langage l’air pâle. Nabot parle à l’oreille

    d’un poète sans parachute – tombant comme un météorite.

     

     

    Peter Holvoet-Hanssen

    traduit du néerlandais par Daniel Cunin

     

     

    kaapfotokustKoenBroos.jpg

    photo Het Kapersnest : Koen Broos

     

    Né à Anvers en 1960, Peter Holvoet-Hanssen n’est pas tombé de la dernière pluie : il a travaillé dans les secteurs maritime et culturel et a été gardien des dauphins du zoo d’Anvers.

    En sa qualité d’Envoyé de l’élément vif, messager de « l’élément mobile », il tente de lier des extrêmes – le haut et le bas, l’inaccessible et l’accessible, l’humour et l’émoi, la routine et la folie – aussi bien dans la forme que dans le contenu, et ce sur un sous-sol mouvant.

    Il y a plus de dix ans, Peter Holvoet-Hanssen a surpris le monde littéraire avec le recueil Dwangbuis van Houdini (La Camisole de force d’Houdini), qui lui a valu le principal prix flamand récompensant une première œuvre littéraire. Ce volume rend hommage au maître de l’évasion, le Hongrois Harry Houdini. Sur les traces de celui-ci, Holvoet-Hanssen repousse ses propres limites en se jouant des difficultés, se libère de tous les corsets, transgresse les catégories habituelles de la poésie.

    Sa façon de lire ses poèmes en public est particulièrement enthousiasmante. Il aime dépasser les bornes et braver les convenances afin de libérer l’âme de toute forme de carcan. La teneur théâtrale et musicale de l’œuvre fait que les performances du poète sont très appréciées lors des festivals et des soirées de poésie.

    Il travaille avec son épouse, l’auteur Noëlla Elpers, pour la jeunesse.

    CouvSantander.jpgwww.kapersnest.be – leur « Repaire de pirates » veut stimuler chez les jeunes l’amour de la poésie, de la littérature et de l’histoire.

    Il est à ce jour l’auteur d’un anti-roman (Le Moine volant), et de cinq recueils de poèmes. Les trois premiers (Strombolicchio. De la forge de Vulcain ; Santander. Confidences dans la peau du renard et celui mentionné plus haut) forment un triptyque, une « quête placée sous le signe du nombre trois, de la mélodie ultime réunissant à la fois bonheur et souffrance ».

    En 2008 il a reçu le Prix de la Culture de la Communauté flamande pour le recueil Spinalonga (2005). Quant à Navagio, paru en 2008, il clôt la première période de l’auteur, son premier long voyage par des mers et des îles où tempêtes et rires se percutent à souhait.

     

    Holvoet-Hanssen a par ailleurs établi une édition bilingue d’un choix de poèmes d’Arthur Rimbaud (Ik heb de zomerdageraad omarmd, Amsterdam, Bert Bakker, 1999).

     

    Traductions en français

     

    - Littérature en Flandre. 33 auteurs contemporains, Escales du Nord, Le Castor Astral, Bordeaux, 2003.

    - Ici on parle flamand & français. Une fameuse collection de poèmes belges, Francis Dannemark, Escales du Nord, Le Castor Astral, Bordeaux, 2005.

    Action poétique, n°185, Paris 2006.

    Poètes de Flandre. Peter Holvoet-Hanssen, Fonds flamand des Lettres, plaquette, s.d.

    10 poèmes pour « Quand la langue jubile », Printemps des Poètes de Namur, mars 2009 (plaquette).

     

    Spinalonga, 44 poèmes, 2005

    poésie,flandreDans la plaquette L’Europe en poésie (p.12-13) figurent deux poèmes de Peter Holvoet-Hanssen. De Cortège, il dit : « Un poème que l’on pourrait chanter à tue-tête tout en jouant du tambour ; dans le genre grotesque, idéal pour un carnaval peuplé de figures simiesques. » Et de Roza et la lune : « Berceuse pour conjurer les peurs ; à la fin, la peur qu’inspire la lune (l’inconnu) se trouve avalée et remplacée par “le lit de roses” (de Roza) ; le premier vers est une phrase prononcée un jour par ma fille Anna Roza à l’âge de 4 ans. »