Louis Couperus à Carthage
Un dandy pugiliste
 Six mois durant, à compter du 7 novembre 1920, Louis Couperus et sa cousine et épouse Elisabeth (1867-1960) sillonnent l’Algérie, sans doute sur la proposition du directeur de l’hebdomadaire Haagsche Post. Comme en d’autres occasions – séjours en Italie, à Londres… voyage en Indonésie puis au Japon –, le romancier, contraint de gagner sa vie à la force de la plume, consigne ses impressions. Celles d’Afrique du Nord sont publiées en vingt « lettres » dans le périodique en question – du 13 novembre au 21 mai – avant d’être réunies, dès 1921, dans le volume Met Louis Couperus in Afrika. Quelques semaines avant de quitter l’Algérie, le couple franchit la frontière tunisienne. Écoutons José Buschman qui a reconstruit ces pérégrinations dans Een dandy in de Orient. Louis Couperus in Afrika (Amsterdam, B. Lubberhuizen, 2009) dont une version abrégée a paru en français :
Six mois durant, à compter du 7 novembre 1920, Louis Couperus et sa cousine et épouse Elisabeth (1867-1960) sillonnent l’Algérie, sans doute sur la proposition du directeur de l’hebdomadaire Haagsche Post. Comme en d’autres occasions – séjours en Italie, à Londres… voyage en Indonésie puis au Japon –, le romancier, contraint de gagner sa vie à la force de la plume, consigne ses impressions. Celles d’Afrique du Nord sont publiées en vingt « lettres » dans le périodique en question – du 13 novembre au 21 mai – avant d’être réunies, dès 1921, dans le volume Met Louis Couperus in Afrika. Quelques semaines avant de quitter l’Algérie, le couple franchit la frontière tunisienne. Écoutons José Buschman qui a reconstruit ces pérégrinations dans Een dandy in de Orient. Louis Couperus in Afrika (Amsterdam, B. Lubberhuizen, 2009) dont une version abrégée a paru en français :
J. Cunin, Elisabeth Couperus, fusain
 « Entre-temps nous voilà déjà en mars et une chronique plus loin lorsque Couperus part pour El-Kantara, localité bâtie au pied d’une immense muraille. Après quoi, il finit par rejoindre la ville dont, à l’en croire, il a toujours rêvé : Timgad. Couperus passe trois jours dans cette cité frontalière afro-romaine, d’une grande importance sur le plan militaire, où Charles Godet, directeur des sites archéologiques, lui sert de cicérone. Le 16 avril 1921, Couperus fait part à ses lecteurs de son arrivée à Tunis. Alger, comme ville française, produit une impression de plus grande prospérité que Tunis, qui a davantage conservé le visage d’une ville orientale. Tunis, estime Couperus, est surtout intéressante pour ses souks, qu’il décrit page après page. Il ne se passe pratiquement pas un jour que Couperus ne visite les ruines de Carthage sous la houlette de l’archéologue Louis Carton et de sa femme. Carton a par ailleurs prêté son concours à Gaston Boissier pour son ouvrage célèbre, L’Afrique romaine (1895). Au départ de Tunis, Louis et son épouse regagnent Alger. De retour à l’Hôtel Continental, Couperus réussit à se procurer un billet pour assister au match opposant Georges Carpentier, champion en titre des poids mi-lourds, à un boxeur belge au Stade Municipal [voir photos du combat ci-dessous]. Couperus fut vivement impressionné par Carpentier, drapé d’un kimono gris, jambes et chevilles minces, tête fine et épaules carrées. La rencontre dura une demi-heure, et Couperus s’en délecta. ‘‘Ce fut phénoménal, note-t-il dans sa dix-septième chronique : J’en arrivai à me dire que j’avais écrit trop de livres dans ma vie, et pas assez boxé.’’ Le 3 mai 1921, le couple embarque, destination Marseille. »
« Entre-temps nous voilà déjà en mars et une chronique plus loin lorsque Couperus part pour El-Kantara, localité bâtie au pied d’une immense muraille. Après quoi, il finit par rejoindre la ville dont, à l’en croire, il a toujours rêvé : Timgad. Couperus passe trois jours dans cette cité frontalière afro-romaine, d’une grande importance sur le plan militaire, où Charles Godet, directeur des sites archéologiques, lui sert de cicérone. Le 16 avril 1921, Couperus fait part à ses lecteurs de son arrivée à Tunis. Alger, comme ville française, produit une impression de plus grande prospérité que Tunis, qui a davantage conservé le visage d’une ville orientale. Tunis, estime Couperus, est surtout intéressante pour ses souks, qu’il décrit page après page. Il ne se passe pratiquement pas un jour que Couperus ne visite les ruines de Carthage sous la houlette de l’archéologue Louis Carton et de sa femme. Carton a par ailleurs prêté son concours à Gaston Boissier pour son ouvrage célèbre, L’Afrique romaine (1895). Au départ de Tunis, Louis et son épouse regagnent Alger. De retour à l’Hôtel Continental, Couperus réussit à se procurer un billet pour assister au match opposant Georges Carpentier, champion en titre des poids mi-lourds, à un boxeur belge au Stade Municipal [voir photos du combat ci-dessous]. Couperus fut vivement impressionné par Carpentier, drapé d’un kimono gris, jambes et chevilles minces, tête fine et épaules carrées. La rencontre dura une demi-heure, et Couperus s’en délecta. ‘‘Ce fut phénoménal, note-t-il dans sa dix-septième chronique : J’en arrivai à me dire que j’avais écrit trop de livres dans ma vie, et pas assez boxé.’’ Le 3 mai 1921, le couple embarque, destination Marseille. »

À propos de Carthage, l’historienne précise : « En plus du Baedeker, Couperus fit usage du guide de Gaston Boissier, L’Afrique romaine. Dans la lettre qu’il consacre à Carthage, il résume certaines parties de cet ouvrage de référence et en reprend même des extraits. S’il omet, dans ses chroniques romaines, de citer nommément Boissier, il mentionne par contre et l’auteur et le titre du livre dans sa lettre tunisienne. » (1)

Villa des époux Carton à Carthage
Grâce sans doute aux époux Carton (2), le séjour algérien de l’écrivain haguenois n’est pas passé tout à fait inaperçu et lui a permis d’être traduit en français. Le samedi 13 août 1921, La Méditerranée illustrée lui consacrait en effet la moitié de sa huitième page : à une brève présentation de l’auteur venaient s’ajouter trois brefs extraits de sa seizième chronique africaine, adaptés par Félicia Barbier. Cette dernière, amie justement du couple Carton et peut-être d’origine batave, connaissait le néerlandais puisqu’elle transposa Psyche sous le titre Le Cheval ailé (Paris, Éditions du Monde nouveau, 1923), ouvrage préfacé par Julien Benda et dont l’hebdomadaire L’Afrique du Nord illustrée a donné les premières pages dans sa livraison du 8 septembre 1923.
Le Cheval ailé, 4ème éd.
 Par la suite, Mme Barbier a encore traduit le roman De stille lach de Nico van Suchtelen (Le Sourire de l’âme, Paris, Éditions du Monde nouveau, 1930), l’essai de Henri Borel, Wu-Wei. Fantaisie, inspirée par la philosophie de Lao-Tsz’ (Paris, Éditions du Monde Nouveau, 1931, réédition sous le titre : Wu Wei. Étude inspirée par la philosophie de Lao-tseu, Paris, Éditions G. Trédaniel, 1987) ainsi qu’un article de  Noto Souroto : « Orient et Occident » (Le Monde nouveau, fév. 1926). Ce sont les colonnes publiées dans La Méditerranée illustrée que nous reproduisons ci-dessous. (D. C.)
Par la suite, Mme Barbier a encore traduit le roman De stille lach de Nico van Suchtelen (Le Sourire de l’âme, Paris, Éditions du Monde nouveau, 1930), l’essai de Henri Borel, Wu-Wei. Fantaisie, inspirée par la philosophie de Lao-Tsz’ (Paris, Éditions du Monde Nouveau, 1931, réédition sous le titre : Wu Wei. Étude inspirée par la philosophie de Lao-tseu, Paris, Éditions G. Trédaniel, 1987) ainsi qu’un article de  Noto Souroto : « Orient et Occident » (Le Monde nouveau, fév. 1926). Ce sont les colonnes publiées dans La Méditerranée illustrée que nous reproduisons ci-dessous. (D. C.)

(1) José Buschman, « Un dandy en Orient. Louis Couperus en Algérie », Deshima, n° 4, 2010, pp. 98-99 et 103 (texte traduit par Christian Marcipont). Le combat de boxe dont il est question opposait le 3 avril, dans le cadre d’une « exhibition », le Français à son sparring-partner Lenaers (voir par exemple L’Écho d’Alger du 4 avril 1921), soit trois mois avant le championnat du monde qu’il devait perdre face à J. Dempsey.
(2) Voir sur ce médecin militaire, archéologue et collectionneur : Clémentine Gutron, « Carton Louis (1861-1924) », Dictionnaire des orientalistes de langue française, éd. François Pouillon, Karthala, 2012, p. 195-197.
Jack Dempsey vs Georges Carpentier, 2 juillet 1921 

UN POÈTE HOLLANDAIS À CARTHAGE
Nous sommes heureux d’offrir à nos lecteurs trois fragments d’un article emprunté aux Lettres d’Afrique, que le célèbre poète et romancier, M. Louis Couperus, a publiées, de novembre 1920 à mai 1921, dans la Haagsche Post, le grand quotidien de la résidence royale de Hollande.
M. Louis Couperus jouit à juste titre d’une faveur exceptionnelle dans ce petit pays, où la vie intellectuelle est aussi variée qu’intense. Il débuta, adolescent, par des vers admis aussitôt dans le recueil des Meilleurs Poètes Modernes que le fin critique littéraire, J.-N. Van Hall, publia aux environs de 1895*.
 L’œuvre de Louis Couperus s’étend sur une quarantaine d’années, suivant toujours la ligne ascendante. Sa forte culture gréco-latine, son étonnante fécondité, son esprit souple et nombreux lui ont permis d’aborder les genres les plus différents et d’exceller dans tous. Citons quelques-unes de ses œuvres : Eline Vere (étude fouillée des milieux patriciens de La Haye) ; Majesté (traduit en français) ; La Paix Universelle ; Psyché (conte symbolique, reprenant avec des moyens d’une originalité exquise le thème éternel d’Eros et Psyché) et, enfin, ses trois dernières œuvres : Héraclès, Iskander et Les Histrions**, trois reconstitutions magistrales de la Grèce, la Perse et la Rome antiques.
L’œuvre de Louis Couperus s’étend sur une quarantaine d’années, suivant toujours la ligne ascendante. Sa forte culture gréco-latine, son étonnante fécondité, son esprit souple et nombreux lui ont permis d’aborder les genres les plus différents et d’exceller dans tous. Citons quelques-unes de ses œuvres : Eline Vere (étude fouillée des milieux patriciens de La Haye) ; Majesté (traduit en français) ; La Paix Universelle ; Psyché (conte symbolique, reprenant avec des moyens d’une originalité exquise le thème éternel d’Eros et Psyché) et, enfin, ses trois dernières œuvres : Héraclès, Iskander et Les Histrions**, trois reconstitutions magistrales de la Grèce, la Perse et la Rome antiques.
Fatigué de cet effort, Louis Couperus est venu demander cette année à notre doux ciel africain le repos et la lumière. Alger, Timgad, Biskra, Touggourt, Tunis lui ont inspiré des accents vibrants d’enthousiasme et d’émotion. Carthage – où il fut l’hôte du docteur Louis Carton et de sa vaillante compagne, la fondatrice du Comité des Dames amies de Carthage – Carthage a revécu sous ses différents aspects dans l’imagination créatrice de ce grand ami de la France qu’est Louis Couperus.
Nous devons l’interprétation des lignes qu’on va lire à Mme F. Barbier, déléguée du Comité des Dames amies de Carthage.
 * Les deux seuls recueils de poèmes jamais publiés par Louis Couperus : Een lent van vaerzen (Un printemps de vers, 1884) et Orchideeën (Orchidées, 1886, volume qui comprend des proses). Après son premier roman, Eline Vere (1889), qui eut un grand retentissement dans son pays, il ne devait pour ainsi dire plus aban- donner la prose. L’homme de lettres J. N. van Hall a salué la parution de ces vers avant de donner, en 1894, une anthologie de la poésie contemporaine néerlandaise.
* Les deux seuls recueils de poèmes jamais publiés par Louis Couperus : Een lent van vaerzen (Un printemps de vers, 1884) et Orchideeën (Orchidées, 1886, volume qui comprend des proses). Après son premier roman, Eline Vere (1889), qui eut un grand retentissement dans son pays, il ne devait pour ainsi dire plus aban- donner la prose. L’homme de lettres J. N. van Hall a salué la parution de ces vers avant de donner, en 1894, une anthologie de la poésie contemporaine néerlandaise.
** Il s’agit des romans (mythologico-)historiques Herakles (1913) Iskander (1920 : sous-titre : Le roman d’Alexandre le Grand) et De komedianten (1917).
L'Echo d'Alger, 21 septembre 1923
DEVANT CARTHAGE MORTE
À Mme et M. Louis Carton
En premier lieu, chers lecteurs, je voudrais vous mener vers la colline qui porte la Cathédrale. Car – cette colline, c’est Byrsa ; et Byrsa – c’est l’endroit même où la Didon de Virgile, la Didon du Quatrième Livre de l’Énéide, construisit le bûcher qu’elle devait gravir lorsque Énée l’abandonna. Ne voyez-vous pas le navire qui disparaît au fond du golfe ? Voici la montagne Bicorne, bleue sur l’azur de l’eau, et voici les trirèmes qui emportent le fils d’Anchise, fuyant sur l’ordre des dieux. Ah ! divin souvenir de cette poésie divine ! Les émotions que je ressentais, adolescent, tandis que mon père commentait pour moi les malheurs de Didon et d’Énée, je les ai revécues, une à une, sur la colline de Byrsa…
 Oui, c’était bien ici que se trouvait le bûcher ; et là-bas, le Troyen fuyait à l’horizon… Et je ne suis pas le seul que cet endroit ait su émouvoir de la sorte. Feuilletez Gaston Boissier, et vous verrez que ce savant, cet archéologue, ce digne membre de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, avoue son attendrissement sans fausse honte. Comme moi, il s’est dit : « Voici les lieux où vécut Didon ; c’est ici qu’elle a souffert ; c’est ici, qu’après s’être consumée d’amour, elle se laissa dévorer par les flammes. Quant à Énée… les dieux lui imposèrent l’épreuve de voir Didon monter sur le bûcher, tandis qu’il s’élançait au loin… »
Oui, c’était bien ici que se trouvait le bûcher ; et là-bas, le Troyen fuyait à l’horizon… Et je ne suis pas le seul que cet endroit ait su émouvoir de la sorte. Feuilletez Gaston Boissier, et vous verrez que ce savant, cet archéologue, ce digne membre de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, avoue son attendrissement sans fausse honte. Comme moi, il s’est dit : « Voici les lieux où vécut Didon ; c’est ici qu’elle a souffert ; c’est ici, qu’après s’être consumée d’amour, elle se laissa dévorer par les flammes. Quant à Énée… les dieux lui imposèrent l’épreuve de voir Didon monter sur le bûcher, tandis qu’il s’élançait au loin… »
Ce qui fait la beauté sacrée des endroits tels que la colline de Byrsa, c’est que les imaginations sublimes des poètes y prennent corps et deviennent la réalité.
 Et puis, voyez-vous les deux ports de la Carthage punique, évoqués dans le roman de Flaubert ? D’abord le port marchand, circulaire, avec, au centre, l’île sur laquelle se dressait le Palais de l’Amirauté ; ensuite le port militaire. Il est presque impossible de se représenter que ces deux minuscules étangs furent jadis les deux grands ports de l’antique Carthage, et que le port de guerre abritait, du temps d’Hamilcar, un nombre – que j’ignore – de trirèmes, chacune dans sa loge, séparée de la suivante par une colonne. Les alluvions ont-elles donc été si considérables qu’il ne reste plus aujourd’hui que ces deux petites flaques, l’une ronde, l’autre allongée ? Grâce aux ruines qui nous restent, il est plus aisé de reconstruire le môle aux bastions carrés qui se dressait entre les ports et la mer.
Et puis, voyez-vous les deux ports de la Carthage punique, évoqués dans le roman de Flaubert ? D’abord le port marchand, circulaire, avec, au centre, l’île sur laquelle se dressait le Palais de l’Amirauté ; ensuite le port militaire. Il est presque impossible de se représenter que ces deux minuscules étangs furent jadis les deux grands ports de l’antique Carthage, et que le port de guerre abritait, du temps d’Hamilcar, un nombre – que j’ignore – de trirèmes, chacune dans sa loge, séparée de la suivante par une colonne. Les alluvions ont-elles donc été si considérables qu’il ne reste plus aujourd’hui que ces deux petites flaques, l’une ronde, l’autre allongée ? Grâce aux ruines qui nous restent, il est plus aisé de reconstruire le môle aux bastions carrés qui se dressait entre les ports et la mer.
Afin de méditer à loisir sur ces choses anciennes, où la poésie se mêle à l’histoire, je me perds souvent parmi ces ruines magnifiques, qui ne sont d’ailleurs plus qu’un éboulis de maçonneries gigantesques. Ce sont les Thermes Antonins, bâtis du temps d’Antonin le Pieux, bien des siècles après que vécut Salammbô, et bien davantage encore après Didon. Et je m’assieds sur des débris de colonne, à demi disparus sous le rose pale des asphodèles. Autour de moi monte l’enchevêtrement de ces blocs vertigineux ; devant moi s’étend, au delà du môle punique, la nappe bleue, éternelle, ourlée d’écume, et se dresse la silhouette harmonieuse du mont Cornu !
Mosaïque, Carthage (détail)
 L’autre jour, tandis que je me laissais doucement emporter au fil de mes rêves, je vis deux jeunes taureaux, échappés à leur petit pâtre, qui dévalaient la colline, se lutinant, éparpillant le sable sous leurs sabots, soufflant de leurs naseaux dilatés, et lançant vers le ciel des mugissements joyeux. Et voici que la vague frangée de neige déposa à mes pieds une de ces belles coquilles de murex, d’où les anciens tiraient la pourpre. Et je ne saurais vous dire pourquoi cette coquille, ces taureaux, pourquoi la mer, le ciel turquin, les asphodèles roses et, enfin, ces ruines géantes – pourquoi l’ensemble de ces choses me donna l’impression de goûter « l’heure exquise », baignées qu’elles étaient de la lumière blonde d’une fin d'après-midi doré. Non, je ne saurais vraiment vous dire pourquoi…
L’autre jour, tandis que je me laissais doucement emporter au fil de mes rêves, je vis deux jeunes taureaux, échappés à leur petit pâtre, qui dévalaient la colline, se lutinant, éparpillant le sable sous leurs sabots, soufflant de leurs naseaux dilatés, et lançant vers le ciel des mugissements joyeux. Et voici que la vague frangée de neige déposa à mes pieds une de ces belles coquilles de murex, d’où les anciens tiraient la pourpre. Et je ne saurais vous dire pourquoi cette coquille, ces taureaux, pourquoi la mer, le ciel turquin, les asphodèles roses et, enfin, ces ruines géantes – pourquoi l’ensemble de ces choses me donna l’impression de goûter « l’heure exquise », baignées qu’elles étaient de la lumière blonde d’une fin d'après-midi doré. Non, je ne saurais vraiment vous dire pourquoi…
Laissez-moi enfin vous mener au Musée Lavigerie, Byrsa. Un Père blanc nous sert de guide, c’est peut-être un Hollandais, car il y en a beaucoup parmi cet ordre monastique. Les choses intéressantes ne manquent pas. Toutefois, si vous voulez bien, nous passerons, sans les examiner, devant les rasoirs carthaginois, les ivoires sculptés et les terres cuites. Je tiens à vous montrer ce couvercle de sarcophage, dressé là-bas, et qui porte l’effigie d’Arisat, fille de Palosir, femme d’Abd-Eschmoun. Voyez comme elle nous regarde ; voyez sa pose hiératique, adossée au mur. C’est une femme belle et svelte, d’une taille imposante. Elle est parée des atours sacerdotaux des suivantes de Tanit ou d’Eschmoun – si toutefois sa qualité d’épouse lui permettait d’être prêtresse. De toute façon, la richesse de sa parure ainsi que la colombe dans sa main nous révèlent le sacrifice qu’elle se propose d’offrir aux dieux. Ses yeux se dilatent dans l’extase… Un épervier lui sert de diadème ; une résille retient sa chevelure, dont les boucles régulières, en s’échappant, retombent sur son front. De longs pendants alourdissent ses oreilles ; un court péplum enferme sa gorge sous un éventail de plis. Enfin, deux ailes d’épervier, se rejoignant au défaut des genoux, gainent étroitement ses jambes fines. Du bleu, du rouge et de l’or, pâlis par les siècles, décèlent çà et là les teintes primitives de sou vêtement d’apparat.
Mosaïque, Vénus, Carthage

Fantôme du passé, elle semble vivre encore ; l’œil vous regarde ; la bouche, diriez-vous, va s’ouvrir et, sa colombe d’une main, sa coupe de l’autre, cette femme va se mouvoir et s’éloigner du mur.
Quant à moi, elle me fit penser à Salammbô, car elle est belle d’une beauté tragique, cette Arisat, fille de Palosir. – J’ai cru sentir palpiter en elle l’âme de Carthage…
Soudain, le sarcophage lui-même m’apparut sous cette image dressée qui lui servait de couvercle. Et là, protégés par une vitre, je découvris quelques ossements, une poignée de poussière terreuse… C’est tout ce qui reste d’Arisat, fille de Palosir, épouse d’Abd-Eschmoun, – celle qui fut la servante du dieu, comme son époux en fut le serviteur.
(Traduit du hollandais par Mme F. Barbier)
L’Afrique du Nord illustrée, 8 septembre 1923
 
 


 


 The article explores how space is represented in Hans Christian Andersen’s I Spanien (1863). The travelog begins at the French border and continues through Spain via Gibraltar, down to Morocco, and from there back to Spain via another route. It is characterized by precise observations, numerous poems, and passages of lyrical prose. The descriptions of architecture and infrastructures, landscapes and cities are enriched with inter-textual references, historical background information, and the emotions of the first-person narrator. This creates a complex image of the spaces described, which is analyzed with the help of David Harvey’s Marxist cultural geography and Edward Said’s postcolonial theory. The emphasis of this inquiry is on the relationship between Denmark, Spain, and Africa in the topography of I Spanien. The article demonstrates how I Spanien establishes a hybrid geography of mutual relations and thus opens a space for a different understanding of the relationship between Europe and Africa than was common in the nineteenth century.
The article explores how space is represented in Hans Christian Andersen’s I Spanien (1863). The travelog begins at the French border and continues through Spain via Gibraltar, down to Morocco, and from there back to Spain via another route. It is characterized by precise observations, numerous poems, and passages of lyrical prose. The descriptions of architecture and infrastructures, landscapes and cities are enriched with inter-textual references, historical background information, and the emotions of the first-person narrator. This creates a complex image of the spaces described, which is analyzed with the help of David Harvey’s Marxist cultural geography and Edward Said’s postcolonial theory. The emphasis of this inquiry is on the relationship between Denmark, Spain, and Africa in the topography of I Spanien. The article demonstrates how I Spanien establishes a hybrid geography of mutual relations and thus opens a space for a different understanding of the relationship between Europe and Africa than was common in the nineteenth century. In postcolonial studies, the subversion of binary ways of thinking is regarded as a useful device for resistance. One of the strategies used for overcoming binaries is “mimicry”, which means that the colonized imitate their colonizers in order to communicate on the same level. At the same time, imitation can never be just a copy; it will always change the original. This hypothesis is examined using two literary texts from Scandinavia: Peter Høeg’s Rejse ind i et mørkt hjerte (1990) and Verner von Heidenstam’s Endymion (1889). Both texts connect the colonial situation with the subversion of gender differences. Høeg meets our expectations, since in his text the breakdown of the gender paradigm causes the deconstruction of the domination of colonial power, whereas the analysis leads us to the surprising result in Heidenstam’s text that the subversion of gender differences stabilizes the colonial difference.
In postcolonial studies, the subversion of binary ways of thinking is regarded as a useful device for resistance. One of the strategies used for overcoming binaries is “mimicry”, which means that the colonized imitate their colonizers in order to communicate on the same level. At the same time, imitation can never be just a copy; it will always change the original. This hypothesis is examined using two literary texts from Scandinavia: Peter Høeg’s Rejse ind i et mørkt hjerte (1990) and Verner von Heidenstam’s Endymion (1889). Both texts connect the colonial situation with the subversion of gender differences. Høeg meets our expectations, since in his text the breakdown of the gender paradigm causes the deconstruction of the domination of colonial power, whereas the analysis leads us to the surprising result in Heidenstam’s text that the subversion of gender differences stabilizes the colonial difference. Starting in 1830, the Dutch were obliged to reinforce their troops in the East Indies (now Indonesia) to extend their colonial domination. Because of the shortage of European soldiers, the Dutch turned to the Gold Coast in West Africa. As of 1637, they were in possession of Elmina, the commercial port of the Ashanti kingdom, from which tens of thousands of slaves were shipped to Brazil, Curacao, Surinam and other places to work on plantations. But the Dutch had little success recruiting Ashanti volunteers. Only 3,000 men left for Java between 1831 and 1872. These Belanda Hitam (Black Dutch) participated in military campaigns in Borneo, Bali, and Sumatra. They were considered to be “insolent Negroes,” unable to adapt to colonial society. And yet they eventually became completely integrated, and most of them stayed in Java and started families. To counterbalance their story of becoming Black Dutch citizens in the East Indies, I evoke the extraordinary adventure of two Ashanti princes, Kwasi and Kwame, who were sent to Holland to obtain a Dutch education and become Black Dutch citizens by striking the opposite path in a story related by Arthur Japin in his beautiful novel The Two Hearts of Kwasi Boachi.
Starting in 1830, the Dutch were obliged to reinforce their troops in the East Indies (now Indonesia) to extend their colonial domination. Because of the shortage of European soldiers, the Dutch turned to the Gold Coast in West Africa. As of 1637, they were in possession of Elmina, the commercial port of the Ashanti kingdom, from which tens of thousands of slaves were shipped to Brazil, Curacao, Surinam and other places to work on plantations. But the Dutch had little success recruiting Ashanti volunteers. Only 3,000 men left for Java between 1831 and 1872. These Belanda Hitam (Black Dutch) participated in military campaigns in Borneo, Bali, and Sumatra. They were considered to be “insolent Negroes,” unable to adapt to colonial society. And yet they eventually became completely integrated, and most of them stayed in Java and started families. To counterbalance their story of becoming Black Dutch citizens in the East Indies, I evoke the extraordinary adventure of two Ashanti princes, Kwasi and Kwame, who were sent to Holland to obtain a Dutch education and become Black Dutch citizens by striking the opposite path in a story related by Arthur Japin in his beautiful novel The Two Hearts of Kwasi Boachi. Although Frieda von Bülow and Karen Blixen lived in different times, they shared a strange community of fate. Both of them staged their lives in East Africa in novels: Bülow in Im Lande der Verheißung (1899) and Blixen in Out of Africa / Den afrikanske Farm (1937). The two writers share a colonial attitude and treat Africa in similar ways. They confess their adoration for African nature and succumb to the spell of exoticism when encountering a continent of charming beauty, all the while reaffirming their attachment to their worlds of origin by relying on the image of an immense African farm overseen by a woman with a firm hand. In the two novels, a white, European aristocratic woman is depicted as exercising authority over the indigenous population, thus enacting a kind of “feudal colonial feminism” as a condition for her own liberty and liberation. The African farm thus becomes a symbol of a utopian social project that opens up a field of unlimited possibilities, combinations, hybridizations, and reconstructions, erasing borders of time and space as well as those of identity.
Although Frieda von Bülow and Karen Blixen lived in different times, they shared a strange community of fate. Both of them staged their lives in East Africa in novels: Bülow in Im Lande der Verheißung (1899) and Blixen in Out of Africa / Den afrikanske Farm (1937). The two writers share a colonial attitude and treat Africa in similar ways. They confess their adoration for African nature and succumb to the spell of exoticism when encountering a continent of charming beauty, all the while reaffirming their attachment to their worlds of origin by relying on the image of an immense African farm overseen by a woman with a firm hand. In the two novels, a white, European aristocratic woman is depicted as exercising authority over the indigenous population, thus enacting a kind of “feudal colonial feminism” as a condition for her own liberty and liberation. The African farm thus becomes a symbol of a utopian social project that opens up a field of unlimited possibilities, combinations, hybridizations, and reconstructions, erasing borders of time and space as well as those of identity. This essay demonstrates the analytical potential of the motif of hunger in Knut Hamsun’s Sult (Hunger) (1890) and J. M. Coetzee’s Life & Times of Michael K (1983). Sult was published in Norway at the end the nineteenth century and Life & Times of Michael K in South Africa almost one hundred years later. In spite of these different historical and geographical backgrounds, the motif of hunger in both texts reveals similar questions. They explore strategies working against the modern disciplining of the body. This article presents a short history of hunger and analyzes the motif of hunger in the texts from a comparative perspective. It focuses on the semantics of the descriptions of hunger, on the perception of time, and on forms of control that are contrasted with the protagonists’ behaviour, revealing a close relation between hunger and the modern bio-political practices reflected in the texts.
This essay demonstrates the analytical potential of the motif of hunger in Knut Hamsun’s Sult (Hunger) (1890) and J. M. Coetzee’s Life & Times of Michael K (1983). Sult was published in Norway at the end the nineteenth century and Life & Times of Michael K in South Africa almost one hundred years later. In spite of these different historical and geographical backgrounds, the motif of hunger in both texts reveals similar questions. They explore strategies working against the modern disciplining of the body. This article presents a short history of hunger and analyzes the motif of hunger in the texts from a comparative perspective. It focuses on the semantics of the descriptions of hunger, on the perception of time, and on forms of control that are contrasted with the protagonists’ behaviour, revealing a close relation between hunger and the modern bio-political practices reflected in the texts. Nordahl Grieg (1902-1943) was a Norwegian traveller, journalist, poet, and a writer. In the 1930s, he became a communist and supported the USSR unconditionally. In interviews and features in the press, he approved of the Moscow trials (staged by Stalin against former Bolsheviks) and later the German-Soviet pact. But when the German army attacked his own country in April 1940, he immediately volunteered to defend it and became an ardent Norwegian patriot. In the novel Ung må verden ennu være (1938) (The World Must Still Be Young), Grieg describes the USSR, the trials, and the Spanish Civil War. He later stated that the novel was intended to justify soviet policy, including its more questionable sides. But when reading this work today, it appears rather to depict a dismal picture of soviet society. This article is an attempt to read Ung må verden ennu være from this perspective of what we know about its author. Grieg’s novel thus appears as a broad description of Europe in the 1930s, where the storm of major catastrophes is brewing.
Nordahl Grieg (1902-1943) was a Norwegian traveller, journalist, poet, and a writer. In the 1930s, he became a communist and supported the USSR unconditionally. In interviews and features in the press, he approved of the Moscow trials (staged by Stalin against former Bolsheviks) and later the German-Soviet pact. But when the German army attacked his own country in April 1940, he immediately volunteered to defend it and became an ardent Norwegian patriot. In the novel Ung må verden ennu være (1938) (The World Must Still Be Young), Grieg describes the USSR, the trials, and the Spanish Civil War. He later stated that the novel was intended to justify soviet policy, including its more questionable sides. But when reading this work today, it appears rather to depict a dismal picture of soviet society. This article is an attempt to read Ung må verden ennu være from this perspective of what we know about its author. Grieg’s novel thus appears as a broad description of Europe in the 1930s, where the storm of major catastrophes is brewing. In the Dutch Golden Age, the production of winter scenes in paintings reached a climax. In focusing on these representations of winter and coldness, one might wonder whether the paintings correlated with the actual weather. If so, do the paintings genuinely show the weather at the time they were painted? In this article, I discuss that, because the winter scenes became exceedingly appreciated by a buying public, painters began to produce these paintings without taking the actual weather into account. Eventually, they painted winter scènes de genre and developed a typology of images for these winter scenes. The unusual, rough coldness of the Little Ice Age winters actually taking place outside generally disappeared from the paintings, and joyful winter scenes were preferred.
In the Dutch Golden Age, the production of winter scenes in paintings reached a climax. In focusing on these representations of winter and coldness, one might wonder whether the paintings correlated with the actual weather. If so, do the paintings genuinely show the weather at the time they were painted? In this article, I discuss that, because the winter scenes became exceedingly appreciated by a buying public, painters began to produce these paintings without taking the actual weather into account. Eventually, they painted winter scènes de genre and developed a typology of images for these winter scenes. The unusual, rough coldness of the Little Ice Age winters actually taking place outside generally disappeared from the paintings, and joyful winter scenes were preferred.
 Son don lui permet de connaître ses géniteurs et aïeux bien mieux qu’eux-mêmes ne se connaîtront jamais : Mehdi, son jeune papa de 17 ans ; Diana, sa jeune maman de 17 ans ; ses grands-parents pater- nels, Driss Ayoub, boucher titulaire d’un faux permis de conduire, et Malika, amatrice de thé devant l’Éter- nel ; Elisabeth Doorn, sa grand-mère maternelle, bourgeoise de La Haye, pacifiste sur le retour; Samuel Black Crow Brannigan, son grand-père paternel biologique qui s’est retiré dans le désert de l’Arizona en quête des secrets de ses propres aïeux indiens ; Rob Knuvelder, le père adoptif de Diana, qui ne vit plus avec sa femme Elisabeth, mais en face de chez elle.
Son don lui permet de connaître ses géniteurs et aïeux bien mieux qu’eux-mêmes ne se connaîtront jamais : Mehdi, son jeune papa de 17 ans ; Diana, sa jeune maman de 17 ans ; ses grands-parents pater- nels, Driss Ayoub, boucher titulaire d’un faux permis de conduire, et Malika, amatrice de thé devant l’Éter- nel ; Elisabeth Doorn, sa grand-mère maternelle, bourgeoise de La Haye, pacifiste sur le retour; Samuel Black Crow Brannigan, son grand-père paternel biologique qui s’est retiré dans le désert de l’Arizona en quête des secrets de ses propres aïeux indiens ; Rob Knuvelder, le père adoptif de Diana, qui ne vit plus avec sa femme Elisabeth, mais en face de chez elle. bien que court, fait figure de nom à courant d’air : les Ayoub descendent des Ayoub qui eux-mêmes descendent des Ayoub qui eux-mêmes descendent de… Job, modèle inégalé de vertu et de probité sur son tas de fumier. Malika, la grand-mère berbère, n’a bien entendu pas de nom de famille si ce n’est celui de son mari. Une femme, ça n’en acquiert un que le jour de son mariage.
bien que court, fait figure de nom à courant d’air : les Ayoub descendent des Ayoub qui eux-mêmes descendent des Ayoub qui eux-mêmes descendent de… Job, modèle inégalé de vertu et de probité sur son tas de fumier. Malika, la grand-mère berbère, n’a bien entendu pas de nom de famille si ce n’est celui de son mari. Une femme, ça n’en acquiert un que le jour de son mariage. Entre les fusées qui jettent des gerbes de couleur dans le ciel marocain pour annoncer aux habitants d’une campagne reculée le début du Ramadan et les feux d’artifice que l’on tire en Hollande à l’occasion du passage à la nouvelle année, le romancier narre une année de l’existence de Diana et Mehdi, deux adolescents d’autant plus attachants qu’ils sont quelconques. De sa plume en apparence dégingandée et assurément sarcastique, il épingle avec une rare acuité tant les travers des adultes que ceux des « jeunes », tant ceux du citoyen moyen que ceux de l’étranger nouvellement arrivé, tant ceux des autres que les siens propres. Le quartier de Rotterdam qu’il décrit, avec sa boucherie, sa bibliothèque, son tramway, la boutique où tous les étrangers viennent téléphoner, sa population bigarrée, son junkie, c’est un peu sa mythologie personnelle, le terrain de sa commedia dell’arte, son buffet à souvenirs, même s’il a grandi dans un environnement plutôt hollandais ; comme Mehdi, il a travaillé dans la boucherie de son père ; comme Mehdi, il a une mère qui ne s’exprime guère en néerlandais ; comme Mehdi, il a éprouvé le besoin de chausser des baskets qui coûtaient la peau des fesses, bottes de sept lieues conduisant non à la cour du roi mais dans les bras d’une Diane pas forcément chaste, dans ceux d’une Muse ou bien à l’Atlantide
Entre les fusées qui jettent des gerbes de couleur dans le ciel marocain pour annoncer aux habitants d’une campagne reculée le début du Ramadan et les feux d’artifice que l’on tire en Hollande à l’occasion du passage à la nouvelle année, le romancier narre une année de l’existence de Diana et Mehdi, deux adolescents d’autant plus attachants qu’ils sont quelconques. De sa plume en apparence dégingandée et assurément sarcastique, il épingle avec une rare acuité tant les travers des adultes que ceux des « jeunes », tant ceux du citoyen moyen que ceux de l’étranger nouvellement arrivé, tant ceux des autres que les siens propres. Le quartier de Rotterdam qu’il décrit, avec sa boucherie, sa bibliothèque, son tramway, la boutique où tous les étrangers viennent téléphoner, sa population bigarrée, son junkie, c’est un peu sa mythologie personnelle, le terrain de sa commedia dell’arte, son buffet à souvenirs, même s’il a grandi dans un environnement plutôt hollandais ; comme Mehdi, il a travaillé dans la boucherie de son père ; comme Mehdi, il a une mère qui ne s’exprime guère en néerlandais ; comme Mehdi, il a éprouvé le besoin de chausser des baskets qui coûtaient la peau des fesses, bottes de sept lieues conduisant non à la cour du roi mais dans les bras d’une Diane pas forcément chaste, dans ceux d’une Muse ou bien à l’Atlantide  (3) Entretien de l’auteur avec Dominique Caubet.
(3) Entretien de l’auteur avec Dominique Caubet.
 Toujours en 2010, une chaîne publique néerlandaise a diffusé les reportages «
Toujours en 2010, une chaîne publique néerlandaise a diffusé les reportages «

 le choc des cultures et les malentendus qui en dé- coulent. En 2003, Benali obtient le prix Libris (équivalent du Goncourt) pour son deuxième livre, L’Enfant tant attendu (De Langverwachte), une projection dans la vie tumultueuse d’un couple mixte.
le choc des cultures et les malentendus qui en dé- coulent. En 2003, Benali obtient le prix Libris (équivalent du Goncourt) pour son deuxième livre, L’Enfant tant attendu (De Langverwachte), une projection dans la vie tumultueuse d’un couple mixte.







