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flandres-hollande - Page 99

  • Villon d'Anvers

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    Peter Holvoet-Hanssen

    pillard et pirate en poésie

     

     

    Il se réclame de François Villon, voit la poésie comme « des nuages en mouvement qui passent sur la page ».

     

     

     

    QUAND RIMBAUD TOMBE DU CIEL

     

     

    Ça nous mène où, Arthur ? Enfer ! Es-tu devenu un autre ?

    C’est vrai, même en hiver, les sources sont limpides.

    L’eau froide fortifie le cœur. Mais allez expliquer ça

    aux affaiblis de la baraque 13. Pas de soupe, pas de feu.

    La mort pareille à une truie qui se vide dans ses petits. Ici

    et non là naissent des enfants à l’étoile, poussière.

    Poussière de rien du tout. Écoutez ce chien. Aboyer vers l’autre versant.

    Écho. Aboyer après son écho. Toujours plus furieux jusqu’à

    ce que la nuit le néantise – à la flamande. On va

    se régaler, bloguer, trompeter. Ne va pas essayer, toi, de

    voir une vue plus grande, équilibre & déséquilibre.

    Gonfle-toi dignement. Comment, tu ne joues pas à ça… Rustre.

    La poésie, un concours de coloriage ? Ta boule magique explose.

    Bruxelles ou Paris ? Monte. D’autres commentaires ? Prêt ? Saute –

     

    Automne, langage l’air pâle. Nabot parle à l’oreille

    d’un poète sans parachute – tombant comme un météorite.

     

     

    Peter Holvoet-Hanssen

    traduit du néerlandais par Daniel Cunin

     

     

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    photo Het Kapersnest : Koen Broos

     

    Né à Anvers en 1960, Peter Holvoet-Hanssen n’est pas tombé de la dernière pluie : il a travaillé dans les secteurs maritime et culturel et a été gardien des dauphins du zoo d’Anvers.

    En sa qualité d’Envoyé de l’élément vif, messager de « l’élément mobile », il tente de lier des extrêmes – le haut et le bas, l’inaccessible et l’accessible, l’humour et l’émoi, la routine et la folie – aussi bien dans la forme que dans le contenu, et ce sur un sous-sol mouvant.

    Il y a plus de dix ans, Peter Holvoet-Hanssen a surpris le monde littéraire avec le recueil Dwangbuis van Houdini (La Camisole de force d’Houdini), qui lui a valu le principal prix flamand récompensant une première œuvre littéraire. Ce volume rend hommage au maître de l’évasion, le Hongrois Harry Houdini. Sur les traces de celui-ci, Holvoet-Hanssen repousse ses propres limites en se jouant des difficultés, se libère de tous les corsets, transgresse les catégories habituelles de la poésie.

    Sa façon de lire ses poèmes en public est particulièrement enthousiasmante. Il aime dépasser les bornes et braver les convenances afin de libérer l’âme de toute forme de carcan. La teneur théâtrale et musicale de l’œuvre fait que les performances du poète sont très appréciées lors des festivals et des soirées de poésie.

    Il travaille avec son épouse, l’auteur Noëlla Elpers, pour la jeunesse.

    CouvSantander.jpgwww.kapersnest.be – leur « Repaire de pirates » veut stimuler chez les jeunes l’amour de la poésie, de la littérature et de l’histoire.

    Il est à ce jour l’auteur d’un anti-roman (Le Moine volant), et de cinq recueils de poèmes. Les trois premiers (Strombolicchio. De la forge de Vulcain ; Santander. Confidences dans la peau du renard et celui mentionné plus haut) forment un triptyque, une « quête placée sous le signe du nombre trois, de la mélodie ultime réunissant à la fois bonheur et souffrance ».

    En 2008 il a reçu le Prix de la Culture de la Communauté flamande pour le recueil Spinalonga (2005). Quant à Navagio, paru en 2008, il clôt la première période de l’auteur, son premier long voyage par des mers et des îles où tempêtes et rires se percutent à souhait.

     

    Holvoet-Hanssen a par ailleurs établi une édition bilingue d’un choix de poèmes d’Arthur Rimbaud (Ik heb de zomerdageraad omarmd, Amsterdam, Bert Bakker, 1999).

     

    Traductions en français

     

    - Littérature en Flandre. 33 auteurs contemporains, Escales du Nord, Le Castor Astral, Bordeaux, 2003.

    - Ici on parle flamand & français. Une fameuse collection de poèmes belges, Francis Dannemark, Escales du Nord, Le Castor Astral, Bordeaux, 2005.

    Action poétique, n°185, Paris 2006.

    Poètes de Flandre. Peter Holvoet-Hanssen, Fonds flamand des Lettres, plaquette, s.d.

    10 poèmes pour « Quand la langue jubile », Printemps des Poètes de Namur, mars 2009 (plaquette).

     

    Spinalonga, 44 poèmes, 2005

    poésie,flandreDans la plaquette L’Europe en poésie (p.12-13) figurent deux poèmes de Peter Holvoet-Hanssen. De Cortège, il dit : « Un poème que l’on pourrait chanter à tue-tête tout en jouant du tambour ; dans le genre grotesque, idéal pour un carnaval peuplé de figures simiesques. » Et de Roza et la lune : « Berceuse pour conjurer les peurs ; à la fin, la peur qu’inspire la lune (l’inconnu) se trouve avalée et remplacée par “le lit de roses” (de Roza) ; le premier vers est une phrase prononcée un jour par ma fille Anna Roza à l’âge de 4 ans. »

     

     

     

     

  • L’enfant qui vous fait naître

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    L’Enfant ombre, de P.F. Thomése

    « Conçu le matin de Pâques 1957 et né à Doetichem le 23 janvier 1958 comme descendant fortuit d’une vieille lignée pour ainsi dire éteinte. Père distrait, mère folle. » C’est en ces termes que Pieter Frans Thomése se présente sur son site avant de préciser : « Le nom Thomèse vient de France ; il appartenait entre autres à l’orfèvre Maître Albert de Thomése, protestant qui, après la révocation de l’Édit de Nantes en 1685, dû fuir ; ayant trouvé refuge à La Haye, il devint, grâce à ses œuvres de facture classique, un fournisseur attitré de la Cour. »

    Thomése est l’auteur d’une dizaine de livres (romans, nouvelles, « autobiographies »…). Un de ses romans est basé sur l’histoire d’Etta Palm, baronne d’Aelders. Son dernier titre : J. Kessels : The novel (Contact, 2009), moitié road novel , moitié roman pulp hilarant.

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    L’Enfant ombre, trad. Ph. Noble, Actes Sud, 2004

    En près de cinquante passages, de 3 à 4 lignes pour les plus courts et de plus de deux pages pour les plus longs, le romancier P.F. Thomése tente de combler par l’écriture – tentative qu’il sait vouée à l’échec – la béance laissée par la mort de sa petite fille âgée de quelques semaines.

    Pour une part, ces évocations fragmentaires restituent un peu des circonstances qui ont précédé le décès de l’enfant (naissance, hospitalisation…) et des scènes qui l’ont suivi (la chambre vide de l’enfant, les vêtements et autres objets inutiles…). Mais ni la chronologie ni les données factuelles ne sont le souci réel de l’auteur : on n’apprend que bien peu de choses sur le déroulement des événements. D’ailleurs, le prénom de l’enfant est l’une des rares données concrètes dont nous disposions. Ce qui importe bien plus ici, c’est ce qui reste à un père écrivain à qui il ne semble finalement rien rester, pas même la foi en l’œuvre d’art ; encore subjugué par la naissance de sa fille – une « révélation » – qui l’a en réalité fait naître lui, il doit encaisser sa disparition. Non pas imaginer l’impossible, mais le vivre, l’endurer. Endurer la mort de celle qui venait à peine de le faire naître, de celle qui lui a donné un nouveau regard sur la vie. Vivre la mort qui échappe à tout, y compris aux mots, car, à la différence du reste, la mort échappe à la répétition.

    couvschaduwkind.jpgDans une langue soignée, belle, épurée par endroits, Thomése brosse un tableau aussi complet que possible des sentiments qui l’habitent, de ceux aussi qui l’ont habité dès la naissance de Lisa. Bonheur radicalement nouveau, incompréhension, refus de voir la fatalité en face, désespérance… Son monde intérieur parle, nous parle d’autant plus que c’est là que l’enfant devait « vivre » tant qu’elle n’était pas en âge de comprendre : le papa s’était en effet préparé à tout observer, à tout écouter pour le bébé qu’elle était de manière à pouvoir lui raconter tout cela un jour. Lui qui s’apprêtait sans doute à écrire pour sa fille tout ce qu’elle vivait sans en être encore consciente, à écrire pour elle tout ce qu’elle permettait de vivre à ses parents transfigurés, le voilà condamné à écrire pour que la petite défunte lui échappe un tout petit peu moins vite, alors qu’elle s’est déjà échappée, alors que dans sa douleur, il en arrive à douter qu’elle a jamais été. Elle, celle qui n’aura été qu’une ombre.

    L’évocation profite parfois d’une citation pour approfondir un thème (sens d’une vie aussi brève, naissance/mort, le silence, les parents/le reste du monde…). Thomése convie ainsi en passant la mythologie ou encore plusieurs artistes, écrivains ou musiciens qui ont retenu comme motif ou thème la mort d’un fils ou d’une fille. Et qui à l’instar d’un Flaubert, d’un Goethe n’ont pas toujours su être authentiques. Un « nous » s’immisce parfois dans le texte qui restitue de manière émouvante ce qui lie le couple. Thomése explore aussi la façon dont il vit cette expérience du deuil en revenant sur le décès de son père, décès qu’il avait vécu de manière radicalement différente.

    Ce livre sur la mort est d’autant plus poignant qu’il laisse voir combien la naissance d’un enfant fonde le père et la mère. Même si l’on sent ce père à vif, même si la blessure est béante, même si chaque mot ensevelit un peu plus le petit cadavre, on découvre un texte très mesuré.

    Tout en travaillant à ce livre, P.F. Thomése a écouté J.S. Bach (Das wohltemperierte Klavier), Bill Evans (Waltz for Debby), Paul Bley (Open, to love), Federico Mompou (Musica callada), Charlie Parker (With Strings).

     

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  • Quand l’insomnie vous tient

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    Dors ! d’Annelies Verbeke

    À cinq ans, Annelies (Dendermonde/Termonde, 1976) savait qu’elle portait un roman en elle. Environ 20 ans plus tard, elle envoyait le manuscrit de Slaap ! à un éditeur hollandais, De Geus, qui le publiait en 2003. En quelques années, il allait être traduit en une quinzaine de langues. Depuis, De Geus (Le Gueux) a édité son deuxième roman De Reus (Le Géant, 2006) ainsi qu’un recueil de nouvelles, Groener Gras (2007). Annelies Verbeke écrit aussi pour le théâtre et le cinéma.

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    Dors !, trad. D. Cunin, Mercure de France, 2005

     

    LE DÉBUT DE L’HISOIRE

    Maya, jeune femme insomniaque, se retrouve de plus en plus esseulée. Ses amis et sa famille s’éloignent d’elle ou l’évitent, son petit ami la quitte, excédé par ses sautes d’humeur. En fait, Maya en veut au monde entier de ne plus pouvoir trouver le sommeil. La nuit, pour se venger, elle enfourche son vélo et va réveiller des gens en sonnant chez eux. Mais un homme l’espionne, Benoît, chez qui elle sonne d’ailleurs une nuit…

     

    UN EXTRAIT (Benoît est gardien de nuit dans un hôtel)

    Le papillon de nuit insistait. Toutes les nuits, il semblait sortir du néant. Il dessinait une boucle parfaite dans l’espace et se posait avec grâce sur le bureau de la réception et parfois même sur mon épaule.

    - Jeune homme, il y a une bestiole sur votre costume, m’a dit un jour un petit vieux tout ridé qui attendait sa clé et qui ressemblait lui-même un peu à un insecte.

    - Je sais.

    Tout doucement, j’ai fait passer le papillon sur mon doigt comme quand je le montrais aux rares clients que cela intéressait.

    - Je vous le donne si vous voulez, ai-je ajouté, mais le petit vieux ne voulait rien d’autre que sa clé.

    J’essayais de me tenir à ma promesse de ne pas m’attacher à ce papillon. Mais plus je m’efforçais de l’ignorer, plus il s’employait à me conquérir en accomplissant des figures acrobatiques toujours plus risquées. Au cours d’un de ses numéros, il s’est trouvé aspiré par le courant d’air qui entrait dans le hall en même temps qu’un client attardé. Il a disparu par la porte ouverte. Je n’ai pu m’empêcher de me précipiter à la fenêtre. Je l’ai vu, posé sur une voiture stationnée là ; sans avoir l’esprit tranquille, j’ai décidé que c’était finalement mieux ainsi pour nous deux.

    La nuit suivante, c’est à peine si j’ai regardé les écrans. Pendant des heures, mes yeux fusaient de la porte aux fenêtres en passant par la climatisation. Il ne se montrait pas. Il me manquait. Une semaine plus tard, je n’en pouvais plus. Quand je l’ai pour finir retrouvé dans la coiffure tarabiscotée d’une cliente qui m’annonçait son numéro de chambre, j’ai embrassé avec exubérance cette femme sur le front.

    Quand je terminais mon service, le papillon était autorisé à me suivre dans ma chambre. Son attention se portait surtout sur la doublure de mon anorak vert mordant. Estimant que la teinture pouvait être nocive pour lui, j’ai d’abord essayé de le tenir à l’écart du vêtement. Au bout d’un certain temps, je me suis tancé moi-même. J’ai pensé à Frédérik et à la planète entière qui croule sous la misère, la corruption, la faim, le manque d’amour et la peur. En conséquence, il y a des limites à ce que l’on peut éprouver pour un papillon de nuit. Je l’ai prénommé Ernest.

     

    CouvSlaap!.jpgTout au long de son premier roman, Annelies Verbeke a recours en alternance à deux narrateurs, Maya et Benoît. Chacun évoque à son tour son malaise, ce qu’il vit, parfois aussi une partie de son passé, comme dans le chapitre 2 où Benoît brosse un tableau de son enfance à la fois cruel et somptueux. L’auteur réussit en fait à coupler deux personnages (qui figuraient à l’origine, l’un dans une nouvelle, l’autre dans un scénario), l’alternance des chapitres illustrant l’aspect ambigu de leur relation : ils sont certes un soutien l’un pour l’autre, mais en même temps, ce qu’ils vivent ensemble repose sur une méconnaissance totale de l’autre.

    Courts, les dialogues n’en sont pas moins savoureux et comiques. Un réel don d’observation permet à Verbeke de brosser une situation, un climat en quelques lignes : la détresse d’inconnus dans un café, la vie carcérale d’un asile, la folie des gens que Benoît croise lors de son internement, l’échec conjugal de Sofie, la sœur de Maya. Le style est à la fois épuré et alerte, la phrase se laisse déguster. Verbeke n’en dit pas trop (on devine que les choses se déroulent dans une ville flamande), laisse au lecteur le choix entre plusieurs lectures (on ne sait par exemple si Maya a voulu se suicider ou si elle a eu un simple accident, le roman se referme sur du « possible » avec comme dernière phrase un simple : Peut-être). Comme on vit la folie de Benoît de l’intérieur, il faut parfois attendre plusieurs pages avant de pouvoir soi-même reconstituer ce qui s’est réellement passé. Les chapitres dans lesquels il a la parole sont d’ailleurs poétiques, oniriques et riches en imaginaire (l’affection de Lea pour son fils Benoît, les figurines de légumes que celle-ci lui confectionne en guise de repas, la fascination qu’exerce la mer sur Benoît, le dialogue qu’il instaure avec le cachalot puis avec le papillon Ernest qui se révèle être une Ernestine mettant au monde des larves…). À côté des deux personnages principaux, Olga et Ingrid tiennent un rôle important : elles ajoutent à la détresse et au comique de l’univers évoqué tout en étoffant la petite galerie de personnages déjantés. Le seul personnage ayant un réel statut social, c’est Stan, riche propriétaire d’hôtels. Mais lui aussi présente une anomalie : il porte depuis son enfance un œil de verre qui a longtemps fait de lui un objet de risée.

    L’ensemble offre un heureux mélange de Weltschmertz, d’humour, de délires éthyliques ou autres, qui débouche sur une tragicomédie de belle facture.

     

    « Tour à tour tournés vers leur passé et leur avenir, ces deux destins nous sont présentés dans une traversée de la nuit constamment renouvelée, dans une esthétique qui n’est pas sans rappeler l’univers du film Cours, Lola, cours ! de Tom Tykwer avec ses télescopages de scènes, ses successions de plans d’ensemble et de gros plans. Le rythme ne nous laisse pas indifférents non plus, parce qu’on y sent parfois le temps de l’angoisse où tout défile à toute vitesse, puis celui qui s’étire en nous étrillant. » Marc Rochette, Le Libraire.


    « Le grand talent de la germaniste Annelies Verbeke vient d’une alliance improbable (dans l'atmosphère) et de minutie (dans la narration). Elle tisse une émouvante histoire – l’auteur adore les contes : elle en a écrit beaucoup pendant son enfance – qui nous entraîne au cœur de notre quotidien. La force d’Annelies Verbeke, c’est aussi de multiplier les jeux de mots et de jouer avec la langue néerlandaise en s’offrant des pirouettes ironiques qui, paradoxalement, renforcent la fiction. Le traducteur, Daniel Cunin, a dû bien s’amuser en essayant de restituer en français l’émotion de ce beau roman empreint d’une imagination exacte. » Jacques Hermans, « Un voyage au bout de la nuit », La Libre Belgique.

     

    écoutez une nouvelle d'Annelies Verbeke lue par Danielle Losman : http://www.radiolibros.eu/author.php?id=20〈=FR

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  • Dimitri VERHULST, Problemski Hotel

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    couvproblemski.jpgLe Flamand Dimitri Verhulst (né en 1972) jouit déjà en France d’une certaine attention alors même que ses principaux livres ne sont pas encore traduits. Pour l’instant, le lecteur doit se contenter d’Hôtel Problemski, (trad. Danielle Losman, Christian Bourgois, 2005), roman qui a donné lieu à une adaptation théâtrale en France (adaptation et mise en scène de Martine Fontanille). Autre pièce jouée d’après un de ses textes : Alost, à la Comédie de Clermont-Ferrand (concept, mise en scène et décor Pol Heyvaert), un des rôles étant réservé à Felix Van Groeningen, celui-là même qui a porté à l’écran une autre œuvre de Verhulst, le roman De helaasheid der dingen (qui devrait paraître aux éditions Denoël) : le film La Merditude des choses a été présenté à Cannes dans le cadre de la Quinzaine des Réalisateurs et il sortira dans les salles fin 2009.



     

    Retour sur Hôtel Problemski, paru en 2003 aux éditions Contact d’Amsterdam, avant une suite de livres dont certains ont remporté un grand succès (et des prix) dans les contrées néerlandophones (voir quelques couvertures ci-dessous).

    Dans les premières pages, le narrateur, Bipul Masli, raconte qu’il est devenu photographe le jour de ses douze ans : la fête familiale donnée alors dans sa ville africaine d’origine a tourné au massacre ; il a photographié avec son appareil tout neuf sa sœur se faisant assassiner. Dix ans plus tard, en 1984, il est en Somalie où il réalise la photo qui doit le rendre célèbre : celle d’un enfant en train de mourir de faim.

    Puis on passe à l’hiver 2001. Bipul Masli est en Belgique, dans un centre de réfugiés. L’homme cultivé qu’il est évoque les conditions de vie dans ce lieu ainsi que divers personnages qui évoluent à ses côtés et qui viennent pour la plupart soit d’Afrique, soit de l’ancienne URSS. Au fil des pages, il accumule scènes, détails, anecdotes qui nous permettent de mieux cerner le quotidien des demandeurs d’asile politique (nourriture dont aucun Occidental ne veut plus, chiottes dégueulasses, bagarres entre Africains et Tchétchènes, températures polaires pour des Africains vêtus de bric et de broc, parties d’échec pour gagner ou perdre quelques cigarettes, vengeances entre réfugiés…).

    couvProblemskiNL.jpgParmi les personnages évoqués, on relève Igor, le « boxeur » ukrainien avec qui Bipul Masli partage sa chambre bien malgré lui : il craint que ce taciturne ne le tue un jour dans un accès de colère ; Maqsood qui vient du Cachemire et qui cherche par tous les moyens à rencontrer une femme belge afin de l’épouser et d’ainsi obtenir le droit de rester en Europe ; Sedi qui vient du pays où il fait le moins bon vivre, le Sierra Leone ; Martina qui accouche d’un enfant qu’elle ne veut pas garder car il a été conçu le jour où elle a été violée par trois Albanais : il faut que l’accouchement se passe à l’insu de l’administration, un Albanais a été chargé (contre de l’argent et des cigarettes) d’éliminer le bébé, mais c’est finalement la mère qui sera la seule à avoir le courage d’étrangler le nouveau-né ; Shaukat, le musulman dont la femme a demandé à être placée dans un autre centre afin d’échapper à son mari machiste et violent ; Lidia, une adolescente devenue la maîtresse de Bipul, qui tente le tout pour le tout à la Noël en s’échappant du centre pour tenter de gagner l’Angleterre dans un container…

    couvhelaasheid.jpgDans une brève postface, l’auteur nous dit qu’il a passé quelques jours dans un centre de réfugiés en Flandre et que si la moitié des histoires qu’il raconte sont inventées, aucune ne contient le moindre mensonge. Pour rendre la misère et la violence qui sont le quotidien de ces gens ne parlant pas le néerlandais, n’ayant pas de quoi se vêtir, vivant dans la plus grande promiscuité avec des individus venant d’un autre monde, d’une autre culture, il a choisi de se glisser dans la peau d’un personnage (Bipul Masli) qui vit et observe de l’intérieur, et non sans humour, le sort de ces gens qui n’ont plus qu’une chose à laquelle se raccrocher : le mot England.

    Dans les premières pages du livre, le photographe restitue sans détours les sentiments qui l’animaient alors qu’il photographiait un enfantcouvverona.jpgsomalien proche de la mort ; il sentait qu’il était à deux doigt de réussir une photo qui allait faire le tout du monde, encore fallait-il qu’une mouche se pose sur le visage du moribond. À la fin du livre, c’est lui qui doit cette fois se soumettre aux caprices d’un photographe : dans sa piteuse chambre du centre de réfugiés, un journaliste venu faire un reportage souhaite le prendre en photo devant la fenêtre ; il n’appuiera sur le bouton de son appareil qu’au moment où une mouche viendra se poser sur le visage de Bipul Masli.

    Ce court roman-documentaire est écrit avec une verve rare, dans une langue moderne qui ne craint pas de puiser dans le registre familier, grossier. Le pathétique et le cliché sont évités grâce au côté drolatique et caustique privilégié par Dimitri Verhulst. (Daniel Cunin)

     

    écoutez une nouvelle de Dimitri Verhulst lue par Danielle Losman : ici

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  • Jour de paie

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    Le premier thriller d’Elvin Post


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    Né à Rotterdam en 1973, Elvin Post est le fils d’un auteur de polars, Jacques. À la fin des années quatre-vingt-dix, tout en travaillant à New York dans le monde de l’édition, il écrit sur le polar pour un quotidien hollandais, interviewant à l’occasion des écrivains américains. Cette expérience américaine va l’aider dans l’écriture de son premier livre : Groene vrijdag (Vendredi vert, 2004) – traduit par Hubert Galle pour les éditions du Seuil (collection « Thrillers », 2007) sous le titre Jour de paie – qui a reçu le Nœud Coulant d’or, l’un des principaux prix récompensant un roman à suspense de langue néerlandaise. Elvin Post a ensuite publié Vals beeld (2006), traduit en allemand sous le titre Die Meisterdiebe, et dont Le Seuil a acheté les droits : deux faussaires atterrissent en prison après avoir berné pendant des années des marchands d’art ; à leur sortie de prison, un projet fou va leur tendre les bras du côté de Boston. Son troisième thriller Geboren verliezers (Perdants nés, 2008), dont l’action se déroule à Manhattan, narre l’histoire de deux frères qui savent se compliquer l’existence. Elvin Post est par ailleurs l’auteur d’un recueil de chroniques sur le foot amateur. Son éditeur : Ambo|Anthos.

     

    LE DÉBUT DE L’HISTOIRE

    couvjourdepaie2.jpgModeste employé de banque de New York, Winston Malone s’est endetté auprès d’un truand pour faire au moins une fois dans sa vie un vrai cadeau à sa fidèle épouse, Cordelia, membre comme lui de la communauté afro-américaine. La seule façon qu’il a de rendre à temps l’argent à Leo Roma, marchand de glaces doublé d’un trafiquant d’armes et de drogue, est de braquer son patron et ses collègues de travail (un vendredi, jour où beaucoup de gens viennent retirer leur paie à la banque en beaux dollars verts – de là le titre initial du livre Vendredi vert). Cela fait, il lui reste à disparaître de la circulation avec sa femme. Le peu ragoûtant Leo, qui a un faible pour les femmes de couleur et espère bien séduire Cordelia, propose une planque au couple en prétextant qu’il va engager Winston à son service. Grâce à l’intégrité de Cordelia, Winston sent toutefois le piège.

     

    Le roman est plutôt riche, composé avec intelligence, drôle de surcroît, même si ça cogne pas mal. L’action se déroule sur quelques jours : la première journée au cours de laquelle Winston cambriole la banque où il travaille, et celles qui suivent où l’on passe à la préparation et à l’exécution d’un kidnapping. Si Winston apparaît comme le personnage principal, l’optique narrative en met d'autres en relief – essentiellement Jimmy, fils de Leo, Cordelia et l’ancien lutteur-catcheur Caesar –, si bien qu’on obtient une sorte de roman à plusieurs têtes. Les pauses qu’Elvin Post intercale dans le récit ne manquent pas de saveur : Winston qui rabâche l’histoire de son père mort au Viêt-Nam ; Jack, une star de séries télévisées américaines, qui mime devant le miroir un entretien qu’il souhaite avoir pour lancer sa carrière au cinéma ; la façon dont Jimmy essaie de contrôler ses nerfs ; les combats de Caesar ou le rôle qu’il tient auprès de Leo. Tous ces personnages ne sont en fait que de grands enfants qui tournent mal. Seule Cordelia se dégage du lot : elle reste lucide jusqu’au bout. Si elle est en quelque sorte une caricature de l’épouse modèle, fidèle et effacée, elle n’en reste pas moins celle qui se joue des autres : elle n’accepte pas que Leo la drague, elle pousse Winston à fuir leur cache ; au contraire de Winston, elle ne va jamais faire confiance à Jimmy.

    CouvValsBeeld.jpgElvin Post évoque avec habileté des scènes de films et des paroles de chansons américaines assez connues qui correspondent à ce que vit à un moment donné l’un des personnages. Là où il réussit une belle prouesse, c’est en composant un roman équilibré et fonctionnant à merveille alors qu’il a opté pour une intrigue très sommaire et peu spectaculaire et retenu comme personnages de minables égoïstes dont on sait qu’ils vont tout droit dans le mur. S’il s’agissait d’un film, on parlerait d’un très bon divertissement et on dirait des comédiens qu’ils ont réussi une vraie performance d’acteurs.

     

    « C’est pas tous les jours qu’on rigole dans le polar et avec Elvin Post, on ne s’embête pas une minute dans cette affaire truffée de bras cassés. L’histoire est rondement menée, on se demande où on va arriver et on ne voit pas le temps passer. » Christophe Dupuis © Etat-critique.com - 11/11/2007

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