Rubens diplomate
Rubens diplomate
par Jacques De Decker
Conférence de Jacques De Decker (24/09/2014)
qui prépare une biographie de Rubens pour la collection Folio biographies.
BOZAR EXPO
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Conférence de Jacques De Decker (24/09/2014)
qui prépare une biographie de Rubens pour la collection Folio biographies.
BOZAR EXPO
Un entretien avec le biographe
de James Ensor et de Rik Wouters
Eric Min est un essayiste et critique d’art belge d’expression néerlandaise. Auteur de nombreux essais, il a également publié à ce jour trois biographies très bien documentées : James Ensor, Een biographie (Amsterdam/Anvers, Meulenhoff/Manteau, 2008), Rik Wouters. Een biografie (De Bezige Bij Antwerpen, 2011) et De eeuw van Brussel. Biografie van een wereldstad 1850-1914 (Le Siècle de Bruxelles. Biographie d’une métropole 1850-1914, De Bezige Bij Antwerpen, 2013). Il en prépare une quatrième sur un autre peintre belge, Henri Evenepoel, lequel a passé une partie de sa courte vie en France, pays qui l’a d’ailleurs vu naître et mourir. Si les livres en question ont été remarqués par la critique néerlandophone, ils n’ont fait, en Belgique, l’objet d’aucun article dans la presse francophone. Un oubli qu’il nous paraît utile de réparer en donnant la parole à leur auteur.
D.C. Pouvez-vous nous dire quelques mots au sujet de votre prédilection pour la peinture belge de la fin du XIXe siècle et du début du XXe siècle ? Cette période présente-t-elle un rapport avec l’intérêt que vous accordez, dans divers essais, à la photographie ?
E.M. Au cours de mes études de philosophie à la Vrije Universiteit Brussel, de 1978 à 1982, j’ai découvert l’Art nouveau, le symbolisme et les autres tendances artistiques qui ont fleuri entre 1850 et les années trente du siècle passé. Alors que j’ai pratiqué assez tôt Baudelaire, poète et critique, j’ai pu étendre mes lectures à la Bibliothèque royale. Parallèlement, j’ai eu le bonheur de visiter quelques expositions très bien conçues – dont une consacrée à Fernand Khnopff (1) –, la maison de Victor Horta et nombre d’autres chefs-d’œuvre (en péril, il faut bien le dire). Bien vite, j’ai découvert les liens intimes qui existent entre les arts et la société. Quelques années plus tard, lorsque je me suis passionné pour la photographie actuelle et historique, la boucle était en quelque sorte bouclée. En 1989, j’ai commencé à publier dans les pages culturelles du quotidien flamand De Morgen ; tout naturellement je me suis tourné vers l’art autour de 1900 et la photographie. C’est ainsi que je me suis « spécialisé ».
J. Ensor, Mes écrits
D.C. Votre premier grand travail porte sur une figure très connue, James Ensor, peintre de Flandre qui a beaucoup écrit en français, dans une langue d’ailleurs aussi savoureuse que sin- gulière. Les biographies existantes étaient-elles trop lacunaires ? Convenait-il d’apporter un éclairage « flamand » ? Ou s’agissait-il d’abord pour vous d’écrire pour un public néerlan- dophone ?
E.M. L’idée de faire une biographie d’Ensor est venue de mon éditeur. Je connaissais bien sûr ce peintre ostendais, mais c’est en faisant des recherches plus approfondies que je me suis rendu compte de l’énorme lacune qui existe à son sujet et au sujet de bien d’autres artistes. Les travaux scientifiques et universitaires « tourné vers le grand public » sont pour ainsi dire inexistants. Une recherche méthodologique et complète comme a pu en mener le Musée Félicien Rops au sujet de l’artiste namurois n’existe pas pour les Ensor, Wouters, Spilliaert et autres Evenepoel. En dehors des périodes d’exposition, personne ne publie sur ces peintres. En ce qui concerne Ensor, ce sont des bénévoles et des « amateurs éclairés » qui ont fait l’essentiel du travail – par exemple mon ami Xavier Tricot. En néerlandais, il n’existait pour ainsi dire rien ! Avec ma biographie, j’ai voulu combler un certain vide, raconter une vie d’artiste dans son contexte culturel. Il s’agissait surtout de rassembler les données connues et de les traduire dans un langage accessible pour les non-initiés.
Quant à l’éclairage flamand, c’est une autre question. Pour moi, Ensor est bien évidemment ancré dans la tradition picturale et « mentale » du cru, mais il n’est pas Flamand – il ne parlait pas le néerlandais, uniquement le dialecte ostendais, et son père était Anglais. Ceci étant dit, bien des francophones m’ont demandé de faire traduire le livre. Ce qui à ce jour ne s’est pas réalisé, mon éditeur n’ayant pas encore trouvé un confrère avec qui s’entendre de l’autre côté de la frontière linguistique. Gallimard aurait montré à un moment donné un certain intérêt, mais ça n’a pas abouti.
D.C. Hors de Flandre, Rik Wouters est un artiste encore assez méconnu, et ce malgré par exemple la rétrospective de 2002 du Musée des Beaux-Arts de Bruxelles et l’exposition exceptionnelle qui se tient depuis 2011 à Malines. Pouvez-vous nous dire en quoi réside selon vous la singularité de son œuvre de peintre et de sculpteur ? Quel intérêt présentent ses écrits ?
E.M. Son œuvre est exceptionnelle : toute l’explosion des couleurs du fauvisme passe par lui ; comme dessinateur, il n’a pas son égal. Mais effectivement, à l’étranger il n’est pas connu. La France n’est pas une terre fertile pour des artistes étrangers. D’ailleurs, un pays qui a vu naître Matisse et l’école fauviste n’a pas besoin de Wouters…
Quant à ses écrits, n’oublions pas que s’il a certes laissé des lettres admirables de franchise et de simplicité, c’est surtout sa femme Nel (Hélène Duerinckx) qui a manié la plume : plusieurs versions de son autobiographie et quelques centaines de lettres adressées au collectionneur anversois Van Bogaert. Cet ensemble constitue un témoignage émouvant, qu’il convient toutefois de lire avec un certain recul : il s’agit d’une version personnelle des faits, sur de nombreux aspects et questions la seule dont nous disposions. Si ma biographie de Wouters a remporté un franc succès auprès de la critique et des lecteurs (4000 exemplaires vendus), cela tient surtout à un mariage entre art et drame personnel – le peintre est en effet décédé à 33 ans, dans la fleur de la vie.
D.C. Bruxelles occupe une certaine place dans vos deux premiers livres. Vous avez également consacré à cette métropole une « biographie ». En quoi considérez-vous ce travail comme novateur ? Quelle a été votre ambition en écrivant ces pages ? (2)
E.M. J’ai surtout voulu démontrer que « le monde était petit » : quelques 250 ou 300 personnes – artistes, collectionneurs, politiciens, gens du monde des arts… – ont produit (ou fait circuler) énormément d’œuvres qui comptent parmi les plus intéressantes et passionnantes que nous connaissons. Tout ceci s’est passé dans une ville somme toute assez petite. J’ai essayé de préciser les liens qui se sont tissés entre ces gens, leurs connivences aussi. Je crois que c’est l’un des premiers livres, si ce n’est le premier, qui tente de brosser une telle vue d’ensemble. Évidemment, plutôt que d’ambitionner l’exhaustivité, je me suis attaché à repérer des « lignes » majeures et à cerner des thèmes essentiels.
D.C. Dans Le Siècle de Bruxelles, vous accordez une large place à l’ébullition des idées, autrement dit au contexte politique au sein duquel on pris place des phénomènes culturels majeurs, tout en prenant soin d’écrire que « l’art, la littérature, l’idéologie, les sciences ou encore la mode mènent chacun et chacune une existence propre ». En quoi une ville comme Bruxelles s’est-elle distinguée de Paris ou d’Amsterdam à la grande époque de l’anarchisme et au cours des décennies de la montée du socialisme ?
E.M. Bien sûr, Bruxelles n’était pas la seule capitale en effervescence culturelle à cette époque-là. À côté de Paris, Londres ou Berlin, nombre de villes plus petites ont connu un grand essor sur ce plan : Milan, Trieste, Glasgow… et Bruxelles. N’oublions pas que la Belgique était un pays très riche, ou, pour être plus précis, une contrée où évoluait une bourgeoisie tout à la fois bien éduquée, riche et « libérale » – en grande majorité des libres penseurs, plutôt de gauche. La proximité de Paris et le fait que le monde culturel était francophone ont permis aux idées de circuler. L’arrivée du géographe anarchiste Élisée Reclus et la création de l’Université Nouvelle (une scission gauchiste de l’U.L.B.) se sont déroulées dans un contexte artistique de qualité : les personnes qui visitaient les salons de La Libre Esthétique et collectionnaient des œuvres d’avant-garde étaient les mêmes que celles qui grimpaient sur les barricades idéologiques.
H. Evenepoel, 1895
D.C. Pour ce qui est de votre travail en cours sur Henri Evenepoel (rien de consistant ne semble avoir été écrit à son sujet depuis des décennies – une étude en anglais de Francis Edwin Hyslop en 1975 et celle plus ancienne encore et peu épaisse de Franz Hellens), existe-t-il des sources importantes en langue néerlandaise où l’essentiel de votre travail repose-t-il sur des documents en français ?
E.M. Là aussi, tout mon travail repose sur des sources en langue française. Henri Evenepoel et sa famille étaient des Bruxellois francophones ; l’artiste a passé sept ans de sa courte vie – à sa mort, il avait 27 ans – à Paris. Les centaines de lettres à son père, à sa bien-aimée et à quelques amis sont rédigées en français.
D.C. Flandres-hollande accorde une grande place à la traduction. Pour vos différents ouvrages, vous avez été amené à traduire de nombreux passages de textes français en néerlandais (extraits de lettres, d’articles, etc.). Comment abordez-vous cet aspect de votre travail ? La traduction de passages en prose de James Ensor a-t-elle nécessité le recours à une stratégie particulière ?
E.M. J’essaie toujours de produire une traduction très lisible et même « enthousiasmante », plus qu’une traduction littérale – bien que je reste toujours fidèle au texte. Parfois, je préfère la paraphrase. Effectivement, pour Ensor j’ai choisi une approche un peu différente – je n’ai pas hésité à « ensoriser » ma prose, quitte à fabriquer des anachronismes, à créer des jeux de mots ou à faire des clins d’œil à des situations actuelles. J’adore ce genre de travail. Bien évidemment, il faut savoir doser. Pas question de procéder de cette façon pour Wouters ou Evenepoel !
(1) Fernand Khnopff, 1858-1921 : exposition Paris, Musée des arts décoratifs, 10 octobre-31 décembre 1979 ; Bruxelles, Musées royaux des beaux-arts de Belgique, 18 janvier-13 avril 1980 ; Hambourg, Kunsthalle 25 avril-16 juin 1980.
(2) Le Siècle de Bruxelles. Biographie d’une métropole 1850-1914 comprend 10 chapitres qui traitent respectivement de : Charles Baudelaire ; Victor Hugo et Juliette Drouet ; Verlaine et Rimbaud ; Auguste Rodin chez Edmond Picard et Judith Cladel ; l’aventure des XX et La Libre Esthétique ; Victor Horta, Henry van de Velde, Privat-Livemont et l’Art nouveau ; Ensor, les artistes et la critique de la société ; Neel Doff, Fernand Brouez et August Vermeylen ; les anarchistes à l’université, dans la rue et à la ferme ; en compagnie de J.-K. Huysmans et Théo Hannon, Félicien Rops et Octave Mirbeau. Au prologue et à l’épilogue viennent s’ajouter des cahiers photo, des notes, une bibliographie et un index des noms propres.
Eric Min présente son ouvrage sur Bruxelles
(vidéo et texte en néerlandais)
Un jour tout sera différent
format : 19 x 13,5 cm
Une histoire qui commence dès la couverture : « Bonjour, lecteur. Bonjour, toi. », calligramme (un chêne, arbre de vie et axis mundi) qui se poursuit sur 150 pages, dans une typographie bleu nuit sur fond blanc ou blanche sur fond bleu nuit. Par endroits une simple ligne, une brève phrase (« Tout en haut, au-dessus de tout ça, la lune : peu à peu, elle donne jour à l’obscurité »), en d’autres un texte qui se déroule à la manière d’un poème en prose ou qui prend l’apparence d’un conte philosophique, entre terre et ciel. Ainsi se présente Ooit zal alles anders zijn (Un jour tout sera différent), publié aux éditions De Eenhoorn en 2011, petit roman original à plus d’un titre, qui s’adresse à des lecteurs de 10 ans et bien plus.
Il s’agit du premier livre d’Alexander Wolfram, pseudonyme qui renvoie à un prénom d’origine germanique (entre autres celui d’un évangélisateur de la Frise, Wulfram de Sens) et fait bien entendu songer au minerai de tungstène dont on se sert par exemple pour faire les filaments de lampes à incandescence.
Tobe est un gamin qui, ne parvenant pas à dormir (« Dans sa tête, ça fait tout un boucan la nuit avec les bruits de la journée »), quitte la maison familiale et erre dans la rue. Bientôt, alors qu’il a perdu pour de bon son chemin, il s’arrête devant une fenêtre éclairée : l’homme qui habite là et avec lequel il va passer quelques heures dehors, en particulier dans un parc, perché en haut (enfin presque tout en haut) d’un chêne, l’intrigue et éveille la curiosité du lecteur : est-il un Tobe devenu grand ? est-il un double de l’auteur ? est-il une création du garçon, le père qu’il aurait aimé avoir ? Lui-même n’est-il pas une création de cet homme ? Avant que cet homme ne finisse, au bout de la nuit, par raccompagner le gamin chez lui, on progresse dans une histoire qui accorde une place tant à la dimension onirique qu’à des thèmes cosmogoniques et mythologiques (essentiellement celtes et germaniques) ; tandis que plusieurs narrateurs semblent par moments se confondre – Tobe existe-t-il où n’est-il qu’une créature sortie de l’imaginaire de l’homme que l’enfant a surpris, de l’autre côté de la fenêtre, en train d’écrire ? –, les deux protagonistes abordent avec légèreté et humour de grands sujets : Dieu et les dieux (le dieu du Tonnerre), le mythe d’Icare, les pères, la mort, la honte, l’angoisse (celle de Tobe mise en parallèle avec la peur que pouvaient éprouver nos lointains ancêtres face aux forces de la nature)… L’écriture facétieuse, qui privilégie jeux de mots et sonorités, associations d’idées, métaphores, onomatopées, qui marie très bien cohérence et rythme saccadé, permet d’aborder sans pathos des questions graves, d’effleurer le secret, les peurs qui habitent Tobe : même si l’essentiel reste dans l’évocation, on devine que cet enfant cherche à échapper à un environnement familial violent.
Aux antipodes des romans-fleuves « gothiques », Un jour tout sera différent offre quelques heures de silence et d’émerveillement. L’imagination, cueillie sur les branches du chêne, entrouvre une fenêtre sur l’espérance, sur le réconfort. Privilégiant le langage visuel, la mise en page bien pensée – l’auteur, par ailleurs metteur en scène et vidéaste, a mûri le tout pendant de nombreuses années –, qui, telle une forme de ponctuation, participe de la teneur du texte, fait de ce livre intemporel un objet à part et, dans sa sobriété, ajoute encore à la qualité de l’ensemble. Un ouvrage jeunesse non illustré dont forme et fond s’entrelacent en un magnifique équilibre.
D. Cunin
L’auteur parle (en néerlandais) de son livre
Années à la Villa Strohl-Fern
En 2010, une exposition rehaussée d’une publication d’un format original (1) a permis de redécouvrir le peintre Thomas Cool (1851-1904). Cet homme né en Frise a fait assez tardivement le choix de la vie artistique. Il a placé la Rome ancienne au cœur d’une œuvre à laquelle le Stedelijk Museum d’Amsterdam a consacré une rétrospective posthume en janvier-février 1916.
Th. Cool a laissé quelques traces dans la littérature néerlandaise. On pense que le personnage Duco van der Staal du roman Langs lijnen van geleidelijkheid (2) de Louis Couperus est en partie basé sur la figure de ce Hollandais qui affirmait « ne jamais peindre ce qu’il voyait, mais ce qui transportait ses yeux vers une vie plus élevée ». De son côté, Maurits Wagenvoort (1859-1944) a brossé un portrait du talentueux artiste (sous les traits du peintre Terhaer) et de ses proches dans son roman anarcho-parisien De droomers (Les Rêveurs, 1900). Cet écrivain, contemplant à nouveau des œuvres de son défunt ami en 1930 à l’occasion d’une exposition organisée à La Haye, réitère son admiration en parlant « d’une facette géniale de son inspiration ».
Forum Romanum, pastel
Mais c’est essentiellement grâce à Tine, l’une de ses filles, que les lecteurs ont mieux fait connaissance avec Thomas Cool. En 1928, la jeune femme publiait Wij met ons vijven in Rome dont une traduction anglaise a vu le jour récemment grâce à l’initiative d’un homonyme et arrière-petit-fils du peintre (3). Certes, l’ouvrage, qui a connu un réel succès, s’adressait à un jeune lectorat ; mais pour nous, il offre un témoignage sur une famille qui, de 1892 à 1896, a vécu dans le cadre privilégié de la Villa Strohl-Fern. L’Alsacien Alfred Wilhelm Strohl l’avait acquise en 1879 ; il l’aménagea pour en faire un point de chute pour des artistes. Ainsi, Rilke y a séjourné au début du XXe siècle. Légué au gouvernement français, le lieu a abrité à partir de la fin des années cinquante le Lycée Chateaubriand. En 2012, une exposition a remis en mémoire ce passé glorieux où la Villa accueillait nombre de personnages de renom.
Interieur du Dôme de Milan
À l’époque où Th. Cool travaille à Rome, le critique d’art allemand Albert Zacher lui rend visite. Cette rencontre a inspiré à ce dernier une belle page publiée dans le Franfürter Zeitung du 9 juin 1895. Il est permis de penser que les hommes de lettres Gabriele D’Annunzio et René Doumic sont eux aussi passés par l’atelier du Frison. Dans la Ville Éternelle, la colonie hollandaise, que Couperus et Wagenvoort fréquentaient, comptait alors au moins deux autres artistes en vue : le sculpteur Piet Pander (1864-1919) et le paysagiste Romolo Koelman (1847-1920).
D. Cunin
(1) Willem Winters, Thomas Cool. Een Friesch schilder. 1851-1904, Leeuwarden, Perio, 2010.
(2) On peut en lire la traduction récente en anglais de la main de Paul Vincent : Inevitable.
(3) C.A. (Tine) Cool, The five of us in Rome. An artist’s family in Villa Strohl-Fern in Rome 1892-1896, traduit du néerlandais par Th. Cool, La Haye, 2011.
Quelques images de l’exposition « Artisti a Villa Strohl-Fern » (2012)
The five of us in Rome
QUATRIÈME DE COUVERTURE
The Five of us in Romeis the delightful story told by a young girl who arrives in Rome in 1892 almost 5 years old and who leaves in 1896 as a 9-year old. Her father is an art painter who rents an atelier with family living quarters in the Villa Strohl-Fern, a mansion full with other artists, situated in a lush park close to Villa Borghese and the Academies of Art - in this period still on the outskirts of Rome. The story received the prize of the best book for girls in 1928 in Holland.
Given the amassed artistic talent at the Villa Strohl-Fern and its particular role in art history Tine’s book has become a remarkable historical document as well. It relates about life at the Villa in its early years, and the family story connects with historical figures from this special place and period. This first translation in English includes many historical links that do not appear in the 1928 Dutch original.
Thomas Cool
Around 1895 countries had kings and emperors, people rode in horse drawn carriages and steam trains, the telephone was only an invention. Nations had the Prix de Rome for their best young art talents to study in the Eternal City. Many of them later made a name. The painter from Holland is older and comes with his wife and three children, all paid for by his father, a manufacturer. He has his aim in art: “Rembrandt opened our eyes by painting directly what the world offers. He taught us his effects of light and dark. Above all, according to me, he embodies the phenomena in nature and the dramatic sentiment by which I experience the world.” When his daughter Dientje gets ill with malaria perniciosa he has to choose between his family and his desire of artistic fulfillment in Italy. All the while Tine’s eye and heart record how it is to be a young girl in a foreign land and in that garden between artists.
Tine’s style in Dutch is lofty and tinges on the formal. This English translation is more fluid but the lofty Father and Mother have been retained. This edition is not intended as a children’s book but is for readers with an interest in cultural history and the joy in life.
Tine Cool (1887-1944) was a garden architect and writer.
UN EXTRAIT
«The Pantheon », p. 111-114
Panthéon, Rome, huile
Th. Cool, Messe à Saint-Pierre
Cornelis Veth, « Architectuurschilder van beteekenis »
De Telegraaf, 3 juillet 1930
Réflexions luxembourgeoises
sur la traduction littéraire
« Et il y a les traductions. Ah, si on ne traduisait que les œuvres vraiment représentatives et dignes de rendre témoignage ! Mais vous savez trop bien que cela n’est pas et qu’ici comme ailleurs le scandale fait prime. On est en train de traduire le Voyage au bout de la Nuit de Céline. Voulez-vous mon avis ? On peut aimer ce livre d’une probité certaine, mais plutôt faisandé et relevé d’un haut-goût un peu particulier. Il est certain cependant que la traduction de ce livre n’ajoutera rien à la gloire de la France. Ce Voyage n’est pas, ne devrait pas être un article d’exportation. »
« Probité littéraire », Escher Tageblatt, 2 septembre 1933
Dans un supplément de l’Atlantic Monthly, consacré principalement à la littérature de la Belgique et des Pays-Bas, l’écrivain néerlandais Adriaan van der Veen raconte que, peu avant la guerre, son compatriote, le grand essayiste Menno ter Braak, participait à Paris à un congrès international d’écrivains. De nombreux orateurs avaient pris la parole avant lui et l’audience était passablement fatiguée, lorsqu’il lui fut donné d’intervenir à son tour dans le débat. La soif avait fait émigrer vers le bar la quasi-totalité des hommes de lettres. Tandis que Ter Braak exposait ses vues pertinentes la salle continuait de se vider. Bientôt, il ne resta plus de l’auditoire que l’écrivain Heinrich Mann et le président du Congrès. L’auteur de Professor Unrat se pencha vers le président et lui glissa dans l’oreille une phrase qu’entendit Ter Braak : « Mon Dieu, qui cela peut-il bien être ? » Et le président de répondre : « Réellement, je n’en sais rien. »
Cette anecdote, Adriaan van der Veen la tient du regretté Ed. du Perron, l’un des écrivains contem- porains néerlandais qui fait honneur à la littérature universelle, et il rapporte la morale que Du Perron tirait de cette histoire : « C’est une chose terrible que d’écrire dans un langage secret. »
Langage secret, langue confidentielle, le néerlandais n’a pas l’audience auquel il a droit de par le caractère des œuvres littéraires qui paraissent aux Pays-Bas.
Certes, on n’ignore pas entièrement la prose néerlandaise à l’étranger. Des écrivains comme Antoon Coolen, Den Doolaard, Fabricius, Jan de Hartog, J. W. Hofstra, Arthur van Schendel ont été traduits en français, pour ne citer que quelques romanciers au fil de l’alphabet. Mais on ne peut prétendre que la littérature des Pays-Bas est « illustrée » en Europe grâce aux œuvres de ces écrivains. À de rares exceptions près, les romans traduits l’ont été en fonction d’un critère régionaliste. C’est ainsi que le roman Bartje – d’inspiration et d’exécution essentiellement régionalistes – à été traduit en vingt-deux langues, et que Hilde, également de la main d’Anne de Vries, n’est pas loin du compte.
Avec amertume, Adriaan van der Veen constate que ce serait un stimulant non négligeable pour les écrivains néerlandais les plus doués si le petit groupe international des éditeurs consacrait un peu plus d’intérêt à la véritable littérature hollandaise qui, assurément, comporte quel- ques-unes des beautés qu’on admire dans la peinture de ce pays.
Or, qu’entend retirer le lecteur étranger d’un livre traduit d’une « langue confidentielle » ? Bien souvent, avant tout, le secret d’une mentalité qui n’est pas la sienne, une vision qui lui permette d’accéder à l’âme d’un peuple inconnu, aussi, une certaine « couleur locale ». C’est en fonction de ce critérium qu’ont été traduites les œuvres néerlandaises qui passent à tort pour représentatives de la littérature des bas pays. Dans cette nation de vieille culture, l’élément anecdotique régional fait la plupart du temps défaut. Le roman néerlandais – pour ne parler que de lui – est axé principalement sur des conceptions de vie universelles, sur des instants humains immuables, que la barrière des langues ni même la géographie ne transforment dans leur essence. C’est ce qui oblige Mme A. Romein-Verschoor, dans un essai sur la littérature hollandaise contemporaine (1), à se demander s’il y a vraiment un esprit hollandais. Il y en a un, déclare-t-elle, et il est d’une nature peut-être plus personnelle que tout autre esprit national, et aux racines plus profondes. « Il n’est pas moins déterminé par l’histoire que par le climat et le paysage et il ne s’apparente guère visiblement aux sabots ni aux moulins. Un de ses caractères réside précisément dans la faculté d’adaptation qu’un petit pays de commerçants a acquise au cours des siècles par la fréquentation assidue des nations environnantes et, comme conséquence, dans un nationalisme plutôt faible ou du moins critique. L’écrivain hollandais d’aujourd'hui est Hollandais parce qu’il ne peut faire autrement, mais le but conscient qu’il poursuit est plutôt d’atteindre un niveau européen que d’exprimer l’âme nationale. Il se rend parfaitement compte que la prérogative d’exprimer de façon consciente l’âme nationale est l’apanage des grands peuples culturels, mais que si un petit peuple s’y aventure, il tombe aisément dans un chauvinisme creux. Et il y a peu de choses qu’il craigne davantage. Mais cela conduit d’autre part à un isolement étroit, à une conversation littéraire sans partenaire, qui nous accable d’autant plus que nous sortons de cinq années de solitude absolument complète. »
Ces considérations n’enlè- vent rien à l’urgence du problème de la traduction d’œuvres parues dans une langue de peu de rayon- nement. En prenant comme base l’année 1952, l’on constate qu’aux États-Unis un seul livre néerlandais a pu atteindre le grand public : le Journal d’Anne Frank, paru comme pocket-book. Deux romans néerlandais ont eu une édition courante : The Great Ordeal, de Fabricius, et Joachim, de l’auteur flamand Marnix Gijsen. En Angleterre, au cours de la même année, a paru un livre de Jan de Hartog ; en France, un De Hartog également (Jan Wandelaar), et un Albert Helman. Ce n’est qu’en Allemagne qu’une vingtaine de romans néerlandais ont paru en traduction, dont six livres de Simon Vestdijk. Cette situation, plus satisfaisante ici qu’ailleurs, ne peut cependant être considérée comme la preuve d’un réel succès de la littérature néerlandaise dans ce pays, du fait qu’il ne s’agit que d’un très faible pourcentage d’œuvres traduites du néerlandais dans la masse de livres étrangers parus en Allemagne (30% de la production totale).
Ces chiffres, empruntés à une étude de G. Söteman sur le problème des traductions (2), donnent peut-être une image trop sombre de la situation. L’auteur lui-même indique d’ailleurs que la littérature néerlandaise est loin d’être absente dans le monde. En effet, un écrivain important comme Louis Couperus a été traduit soixante-dix fois ; Arthur van Schendel, vingt fois ; Frederik van Eeden, quarante fois ; Johan Fabricius, cinquante fois ; Madelon Székely-Lulofs, trente fois ; Antoon Coolen, trente fois, etc.
Il n’en demeure pas moins vrai que l’importante contri- bution littéraire d’un Slauerhoff, d’une Clare Lennart, d’un Belcampo, d’une Carry van Bruggen, d’un Bordewijk, d’une Top Naeff, d’un Artur van Schendel ou d’un Simon Vestdijk, pour nous borner à quelques écrivains contem- porains « établis », mérite d’être enfin connue de l'étranger.
N. H., « La littérature néerlandaise, un monde à explorer », d’Letzeburger Land, 16 juillet 1954, pp. 9 et 11
(1) Alluvions et Nuages, éd. Querido, Amsterdam, 1947.
(2) Article dans Maatstaf (juin 1954).
Le romancier F. Bordewijk reçoit le Prix P.C. Hooft 1953 au château Muiderslot