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La petite reine règne toute l’année sur les terres septentrionales. La littérature néerlandaise reflète cette passion. En témoignent par exemple les romans De renner (Le Coureur, annoncé en traduction française) de Tim Krabbé, Mont Ventoux de Bert Wagendorp (adapté ce printemps au cinéma) et De beklimming van de Mont Ventoux (L’Ascension du Mont Ventoux) de Jos Vandeloo. Depuis qu’il a pris sa retraite sportive, Peter Winnen, double vainqueur à l’Alpe d’Huez, a enfourché la plume et publié plusieurs ouvrages sur le vélo. Les poètes ne sont pas en reste. Plusieurs anthologies regroupent les vers dédiés à la bicyclette par des poètes flamands et néerlandais plus ou moins renommés.
À l’occasion du départ de l’édition 2015 du Tour, les éditions Magonia publient un recueil de 13 poèmes qui correspondent aux 13 kilomètres du prologue. Treize poètes d’Utrecht ont collaboré à cette édition trilingue (néerlandais, anglais, français). C’est Ingmar Heytze qui lance la course en se présentant sur la ligne de départ :
Vers le départ
Allez, je l’enfourche encore une fois.
Je fiche ma fourche dans la terre,
avale une gorgée de vin du cru
et gagne tranquillement le départ.
S’entraîner : tout aussi peu sportif
que les dérailleurs. Moi, je m’appuie
sur mes seules jambes. Je mesure
les forces en présence, ni moins,
ni plus. Une course contre
les éléments, rues semées de tessons,
pédaler de nuit et des barricades,
non pas des calculs scientifiques
et aérospatiaux de tarabiscotos.
Je prends le départ un bon siècle trop tard.
Ingmar Heytze
Peloton fantôme (traduction de Schaduwpeloton), Utrecht, Magonia, 2015 (recueil trilingue publié à l’occasion du départ du Tour de France 2015 donné à Utrecht - 13 poèmes de Ruben van Gogh, Els van Stalborch, Alexis de Roode, Ingmar Heytze, Mark Boog, Fred Penninga, Peter Knipmeijer, Baban Kirkuki, Peter Drehmanns, Onno Kosters, Nanne Nauta, Vrouwkje Tuinman et Jan van der Haar, traduction anglaise : Michele Hutchison, traduction française : Daniel Cunin).
La Houppa - On Tourne Autour du Tour (1938)
Dries Roelvink - De Tour de France
Georges Gosset (chant) & Jo Privat (accordéon) - Tour de France (1949)
l’ensemble graindelavoix chante le Chant 16 de Hadewijch
F. Closset & A. Manteau, 1938
Wallon, François Closset (1900-1964) a consacré une grande partie de sa vie à défendre la langue et la littérature néerlandaises. Spécialiste de didactique (il est l’auteur d’une assez célèbre Didactique des langues vivantes), professeur dans l’enseignement secondaire puis à l’Université de Liège, il a trouvé le temps de rédiger nombre d’études et de recensions, tant en français qu’en néerlandais et en anglais, sur des écrivains flamands et hollandais*. Il a par ailleurs laissé une œuvre de traducteur**. Sa profession, l’amitié qu’il a su entretenir avec quelques auteurs et la complicité que lui et son épouse ont nourri lui ont permis de mettre en avant quelques-uns de ses sujets de prédilection. En 1936, il épouse Angèle Manteau (1911-2008), fille d’un industriel français, qui va devenir la plus grande éditrice de littérature flamande du XXe siècle. Grâce à ce couple, maints projets vont prendre forme. Fr. Closset a fortement influencé sa femme dans ses choix éditoriaux tout en s’appuyant sur les structures qu’elle dirigeait (les éditions Manteau et Lumière) pour publier quelques-uns de ses travaux. Franc-maçon, il a favorisé la parution d’ouvrages de ses coreligionnaires sans pour autant négliger les belles heures que connurent les Flandres au Moyen Âge.
* Mentionnons : « Raymond Herreman. Critique-moraliste », Album René Verdeyen, Bruxelles/La Haye, 1943 ; « Herwig Hensen, poète et dramaturge flamand », Synthèses, n° 86, Bruxelles, 1953 ; « Les lettres flamandes », Reine Victoria - Roi Léopold 1er et leur temps, Bruxelles, 1953 ; un texte sur Herman Teirlinck (Université de Liège, 1954) ; dans la Revue des langues vivantes / Tijdschrift voor Levende Talen, qu’il a dirigée, un article sur H. Marsman, Menno ter Braak et E. du Perron (1940), d’autres sur August Vermeylen (1955), Arthur van Schendel (vol. 22, 1956, p. 439-450), Cyriel Buysse (vol. 25, 1959, p. 411-416), J. Slauerhoff (1961, p. 404-415), Louis Couperus (vol. 29, n° 3, 1963, p. 195-206), Richard Minne (vol. 27, n° 6, 1961, p. 467-477), le poète Dèr Mouw (1962, p. 235-239), Menno ter Braak (vol. 28, n° 1, 1962, p. 22-32), Anton van Duinkerken (vol. 29, n° 1, 1963, p. 76-79), Albert Helman (vol. 29, n° 1, 1963, p. 579-581)… En langue française, sous forme de volume : Esquisse des littératures de langue néerlandaise (1941), Aspects et figures de la littérature flamande (1943),La Littérature flamande du Moyen Âge (1946), Joyaux de la littérature flamande du Moyen Âge (1949, rééd. 1956), Aspects et figures de la littérature néerlandaise depuis 1880 (1957), ainsi qu’un Dictionnaire des littérateurs, en collaboration avec Raymond Herreman et Etienne Vauthier (1946).
Herwig Hensen par Fr. Closset, 1965
** Herwig Hensen, Théâtre : Lady Godiva, Alceste, Agamemnon, Bruxelles, Lumière, 1953 ; du même auteur un Choix de poèmes, Bruxelles, Lumière, 1962 ; Simon Vestdijk, L’Ami brun, Bruxelles, Lumière, 1959 ; Maurice Roelants, Le Joueur de jazz, Bruxelles, Ad. Goemans, 1962 (repris dans : Nouvelles néerlandaises des Flandres et des Pays-Bas, préface de Victor E. van Vriesland, traductions de Tylia Caren, François Closset, Denis Marion, Lode Roelandt et Liliane Wouters, Paris, Seghers, « Collection Unesco d’auteurs contemporains. Série européenne », 1965). Et bien entendu les 200 pages de traduction que renferment les Joyaux de la littérature flamande du Moyen Âge.
Extrait de
Joyaux de la littérature flamande du Moyen Âge
La poésie amoureuse et religieuse en flamand est un des plus beaux titres de gloire de la littérature des Pays-Bas méridionaux. Elle trouvera son expression la plus pure et la plus ardente dans l’œuvre de Hadewych.
On connaît peu de choses de la vie de cette poétesse ; mais son œuvre est parvenue jusqu’à nous, et c’est ce qui compte.
Ses Strophische Gedichten (Poèmes strophiques) groupent quarante-cinq poèmes de plusieurs strophes ; ils expriment le drame de cette âme crucifiée, la violence de sa passion pour l’Amant céleste, la fierté que lui donne sa lutte pour l’Amour divin qui finira par la vaincre. Hadewych célèbre en des vers ardents la passion ascétique ; car « ceux à qui l’Amour divin impose ses douces violences débordent de gratitude », et si l’Aimé prend quelquefois « un cruel plaisir à percer le cœur de ceux qui [1e] couvrent sans cesse de leurs baisers », il est cependant « digne de toutes les louanges ». À travers ses prières, ses méditations, on sent battre le cœur d’une femme qui se défend contre les tentations terrestres. Elle évoque les félicités du ciel et se prosterne humblement devant la Trinité. Elle est humble souvent, parfois exaltée. Ses vers dénotent une forte personnalité ; ils sont riches de sentiment, souvent d’une forme parfaite, bien rythmés, mélodieux. Par son verbe et par le mouvement de la phrase lyrique, Hadewych diffère peu des poètes profanes.
Visions, trad. J.-B. Porion, Œil/F.- X. de Guibert, 1990
Ses Visioenen, ses visions traduisent peut-être d’une façon plus complète encore l’ascension de l’esprit et son accueil par Dieu qui est Amour. Bien qu’écrites en prose, elles dépassent en intensité les Gedichten.
Les Brieven, les lettres de Hadewych traitent de différents sujets de la vie mystique. Elles se distinguent par la profondeur de la pensée et par la richesse étonnante du style. Elles s’inspirent d’un mysticisme assez empirique, sans bannir tout élément métaphysique.
On résume ainsi le mysticisme de cette « poignardée » de l’amour divin :
L’âme est pour Hadewych une substance visible à Dieu et dans laquelle Dieu se reflète. Dieu est omniprésent : Il est la bonté se répandant dans toute richesse, Il est l’Unique englobant tout ce qu’il y a de bon. Partant de l’idée de la Trinité, créée à Son image et à Sa ressemblance, créée donc d’après l’amour qui est Dieu dans sa substance, l’âme aspire à l’union avec le Créateur et avec l’Amour. C’est dans la pleine jouissance de l’Amour que débute sur terre la vie éternelle : devenir un Dieu puissant et juste en jouissant de l’Amour. Il n’existe plus de vertus particulières dès que l’Amour a établi de la sorte sa domination sur l’âme humaine : elles font toutes semblablement partie de la puissance de Dieu comme les trois personnes sont un Dieu. Le principe de la Trinité est une des idées de base de la pensée mystique de Hadewych, tout comme elle le sera plus tard chez Ruusbroec. Dans ses Visions, elle place, devant la croix, le trône de l’Éternité et trois colonnes symbolisant les trois personnes de la Trinité : « Et je me détournai et j’aperçus une croix debout devant moi, pareille au cristal, plus claire et plus blanche que le cristal ; à travers elle, on pouvait voir au loin. Devant cette croix je vis un siège pareil à un disque, plus brillant à la vue que le soleil dans tout son éclat… Et au centre sous ce disque tournait une roue si rapide que le ciel et la terre avaient lieu de s’étonner et de craindre… » N’empêche qu’elle s’adresse parfois à l’amant céleste et coquetant. Elle énumère alors les conditions auxquelles son âme se laissera embrasser par Lui et Lui donnera « le plus doux des baisers ». Et comme ce Dieu qu’elle aime est composé de trois personnes, elle souhaite le baiser mystique du Père avec l’autorisation du Fils. Elle s’écrie : « Je le dirai d’abord à mon doux Ami [Jésus] avant de vous donner ce baiser, car sans Lui je ne puis me permettre de tels baisers… » Son affection va surtout au Fils, car elle précise : « J’étais presque évanouie sous les baisers du Fils, et quasi morte de son amour… » Mais plus mesurée en général, elle considère que l’Amour le plus total implique la vie la plus complète avec Dieu et avec les hommes. La pratique de l’ascétisme est nécessaire. Et c’est le Christ dans Son humanité qui doit servir d’exemple. Comme Lui, l’homme doit conquérir l’Amour parfait, fixer toute son attention sur Dieu et ne rien voir d’autre, n’accepter aucune consolation que de Lui. Dieu doit vivre profondément en nous. Celui qui aime Dieu, aime ses propres œuvres, les nobles vertus. Et voici la pierre de touche de tout véritable amour : ce n’est pas quand on se sent doucement attiré vers Dieu qu’on l’aime le plus parfaitement. L’homme doit vivre les vertus et s’enraciner dans la charité. L’exercice de la vertu par amour de Dieu est un point cardinal dans l’ascèse de Hadewych. Tout élément intellectuel n’est pas banni de sa conception mystique. Au contraire, la poétesse insiste à différentes reprises sur le fait que l’homme devrait se laisser guider par la raison dans l’exercice des vertus. L’âme a deux yeux : minne et redene. La raison guide la lente ascension depuis la faiblesse jusqu’à la vraie vie vertueuse, pour aboutir à Dieu. Et c’est la Foi qui donne fermeté et durée à l’Amour. Les œuvres et la Foi doivent précéder l’Amour. C’est alors qu’il deviendra le plus ardent. De la collaboration de ces deux forces naît une œuvre plus haute : la raison s’empare de l’ardeur de l’Amour. L’Amour se laisse dominer et guider dans les limites de la raison. Mais c’est l’Amour qui triomphe en dernière analyse, car seul il a accès au domaine mystérieux où la sagesse ne peut pénétrer, pour connaître Celui qui ne peut être connu que par l’Amour. À ce sommet l’Amour trouve sa simplicité, et c’est d’elle que découlent toutes les vertus : piété, charité, sagesse qui règnent sur tous, même sur les puissants de la terre. C’est cet abandon complet à l’Amour de Dieu qui permet d’endurer toutes les souffrances et toutes les peines terrestres, les jeûnes, les veilles et autres œuvres : la plus haute liberté consiste à être au-dessus des liens terrestres qui empêchent de s’abîmer complètement dans l’Amour. Et c’est l’amour de ce qu’il y a de plus haut qui nous libère. Il procure aussi la souffrance supérieure qui résulte du regret de ne pas avoir atteint la perfection.
Hadewych représente un des plus parfaits moments de l’art thiois. Son œuvre, écrite dans une langue qui n’est pas loin d’atteindre à la perfection, reflète sa grandeur d’âme, sa compréhension de l’univers et du divin, la complexité d’une vie intérieure qui s’alimente à l’âme et aux sens, à la raison et au sentiment, à la joie et à la tristesse, au ciel et à la terre, pour s’épanouir en une parfaite et vivante unité.
Joyaux de la littérature flamande du Moyen Âge
présentés & traduits par Fr. Closset
Bruxelles, Les éditions Lumière/A. Manteau, p. 16-19.
Originaire de Flandre occidentale, Patrick Lateur considère la poésie, mais aussi son travail de traduction (l’Iliade en pentamètres iambiques) « comme une quête d’envergure au cœur de la culture classique et plus largement de la culture occidentale en partant du sentiment que l’on y formule des questions qui trouvent un écho en nous ». À ses yeux, le monde prend souvent la forme d’« une seule et grande tapisserie de textes » ; si le tronc de notre culture a disparu, « les racines et les mots demeurent ». Ainsi se ressource-t-il aux deux histoires constitutives qu’offrent les traditions gréco-romaine et chrétienne tout en explorant les liens qu’elles ont tissés. Son aspiration à l’authenticité passe par la fidélité à des formes traditionnelles ; ses poèmes se présentent comme des miniatures qui revisitent vestiges et destins marquants, autant de petits miroirs dans lesquels nous sommes invités à nous contempler à l’aune de monuments de l’histoire de l’art et de la spiritualité.
Patrick Lateur, portrait du traducteur
(en néerlandais, vidéo : Joke Nijssen)
Ma sœur la mort
Pose-moi nu sur cette terre nue,
de poussière et de cendre asperge-moi,
marque-moi du Tau de l’Alliance ancienne.
Tout est parti un jour de cet endroit,
où la porte de la vie s’est ouverte,
où nous avons vécu en frères ; là
je veux passer en Lui. « Ma voix exhorte
le Seigneur, je L’invoque de ma voix. »
Rasant la cabane, des alouettes,
gênées par la brune, ne tardent pas
à s’élever pour louer la muette
voix du ménestrel qui Dieu glorifia.
Patrick Lateur
traduit du néerlandais par D. Cunin
Des poèmes de Patrick Lateur paraissent en traduction française dans le Cahier « Voix poétiques de Flandre » de la revue Nunc, n° 36, 2015. Poète, essayiste et traducteur, le Flamand, qui voue une véritable passion à l’Italie, a consacré un recueil à saint François : De speelman van Assisi (Le Ménestrel d’Assise, Gand, Poëziecentrum, 1994), repris dans Rome & Assisi (Louvain, P., 1998). En 2015, les éditions P., établies à Louvain, ont édité une anthologie de ses œuvres poétiques sous le titre In tegenstroom (À contre-courant), présentée par Jooris van Hulle.
Autour de la personne de Lateur, la chaîne flamande VRT a diffusé cette année un documentaire « Les Flamands & Rome » en quatre volets. Quant à son mystère de la Passion, Lente in Galilea (Printemps en Galilée, Anvers, Halewijn, 2014), il connaît 25 représentations cette année à Tegelen (Pays-Bas) devant des dizaines de milliers de spectateurs.
7h09 : bon moment pour débuter la journée, prendre un train, un vol….
Le troisième numéro de 7h09, publication hybride qui tient à la fois de la revue et du livre, a posé ses valises à Amsterdam. Richement illustré et d’un graphisme soigné, ce « carnet d’ailleurs » s’intéresse à de multiples aspects de la capitale des Pays-Bas : son histoire, ses plaisirs culinaires (eh oui !), ses enfants, ses vélos, ses designers, ses décors intérieurs, son passé juif, son Lieverdje, son quartier Nord, sa musique sans oublier l’Eye Film Institue et le Vondelpark… Pour compléter le tout, quelques pages sont consacrées aux trésors d’Utrecht, à l’œuvre de l’illustratrice Lieke van der Vorst (voir reproduction ci-dessous) et aux belles lettres néerlandaises.
Un article de Delphine Minotti, « Vous assez dit literatuur ? », propose en effet un survol de cet univers, partant des origines pour arriver à des ouvrages très récents en passant par des auteurs qui accordent une place particulière au passé colonial, à la deuxième guerre mondiale, à leurs origines africaines ou encore au genre policier. La rédaction m’ayant demandé quelques suggestions de lecture pour les amateurs de romans, j’ai élaboré deux listes. La première, chronologique, comprend 10 noms d’auteurs décédés, dont les œuvres (disponibles en français) font partie du « canon » des lettres des Pays-Bas. La seconde, alphabétique, s’arrête sur des créations plus récentes : 14 écrivains et 14 traducteurs différents.
Multatuli, Max Havelaar, trad. Philippe Noble, Actes Sud, Babel n° 31, 2003.
Louis Couperus, La Force des ténèbres, trad. Selinde Margueron, préface de Philippe Noble, Éditions du Sorbier, 1986.
Nescio, Le pique-assiette et autres récits, trad. Danielle Losman, postface H. M. van den Brink, Gallimard, 2005.
J. Slauerhoff, Le Royaume interdit, trad. et postface Daniel Cunin, Circé, 2009.
Eddy du Perron, Le Pays d’origine, trad. et avant-propos Philippe Noble, préface d’André Malraux, Gallimard, 1980.
Hella S. Haasse, En la forêt de longue attente. Le roman de Charles d’Orléans, trad. Anne-Marie de Both-Diez, préface d’Olivier Rolin, Points Seuil, 2007.
Fin 2014 paraissait le huitième numéro de Deshima,
revue d’histoire globale des pays du Nord
Numéro coordonné par Thomas Beaufils, Willem Frijhoff & Niek Pas
« Il ne fait aucun doute que la France et les Pays-Bas sont des pays amis. Leurs sorts sont étroitement liés et intriqués, qu’on le veuille ou non, les deux pays faisant partie de la zone euro et étant des partenaires économiques et culturels majeurs l’un pour l’autre. Pays amis certes, pourtant force est de constater dans le même temps une ambivalence de l’image que ces deux nations ont l’une de l’autre. Plusieurs commentateurs et historiens ont observé que les relations franco-néerlandaises sont aussi marquées par le soupçon et pas mal d’irritations et de malentendus. Ce numéro de Deshima fait le point sur ces relations franco-néerlandaises du XVIIeau XXIesiècle… ». Des contributions riches et diverses, un dossier où la reine Juliana côtoie la… pétanque.
Claire Polders
La rubrique « Savants mélanges » aborde la question du cinéma néerlandais, trop peu connu, mais aussi divers sujets qui relèvent du monde scandinave. Cet épais volume réserve une assez belle place à la littérature. Ainsi, Madeleine van Strien-Chardonneau nous entretient des écrivains-voyageurs, Suzanne van Dijk revient brièvement sur Belle van Zuylen (Isabelle de Charrière), la romancière néerlandaise Claire Polders propose, dans des traductions de Marie-Christine Kok Escalle, un essai sur la beauté et une nouvelle intitulée « Amour ». Côté poésie, Inge Eidsvåg nous fait revisiter la vie et l’œuvre de Tomas Tranströmer tandis que Robert Anker* donne à lire quelques-uns de ses poèmes, dont celui-ci :
La collecte
La fanfare parade aspergeant sa musique
pour la collecte joue une marche
fichée sur des pinces devant les nez mais
les bugles se séparent de même les trombones
dans un enclos des cors errent près d’un potager
tout droit les tubas les basses et le tambour.
La marche vole en éclats dispersée par le vent
dans le village les instruments posés tout ouïe
dans l’herbe le sac à collecte resté vide tinte.
(traduit du néerlandais par Kiki Coumans & Daniel Cunin)
* Poète et prosateur néerlandais d’origine rurale, Robert Anker vit à Amsterdam. Son œuvre est publiée aux éditions Querido. Ce poème est extrait du recueil De broekbewapperde mens (L’Homme ventipantalonné,2002). D’autres paraissent en traduction française cette année dans la revue Inuits dans la jungle, n° 6, Le Castor Astral.
entretien (en néerlandais) avec Robert Anker à propos de son roman
Nieuw-Lelievelt (2007) qui traite du monde de l'architecture dans l'après-guerre
Sommaire – Deshima n° 8
Avant-propos, p. 7-10.
Claire Polders, « Beauté », p. 11-26.
Lucien Bély, « Une amitié mortellement blessée (1588-1714) ? », p. 27-50.
Andreas Nijenhuis, « L’Hercule français et le lion batave. La perception réciproque à l’aune des relations franco-néerlandaises aux Temps modernes », p. 51-68.
Madeleine van Strien-Chardonneau, « Impressions de voyage : Français en Hollande, Néerlandais en France, images en miroir (XVIIe-XIXe siècles) », p. 69-92.
Suzan van Dijk, « Belle van Zuylen/ Isabelle de Charrière », p. 93-94.
Charles-Édouard Levillain, « République et monarchie. Une comparaison entre la France et les Pays-Bas (1560-2015) », p. 95-108.
Reinildis van Ditzhuyzen, « De Gaulle et la Reine Juliana », p. 109-110.
Marie-Christine Kok Escalle, « La langue, un enjeu (inter)national », p. 111-127.
Peter Jan Margry, « Le culte de la Citroën ‘‘Déesse’’ », p. 129-132.
Luuk Slooter, « Égalité française et tolérance néerlandaise ou des frontières entre eux et nous », p. 133-145.
Jac Verheul, « La pétanque et les Pays-Bas », p. 147-148.
Christ Klep, « The military relationship between France and the Netherlands », p. 149-165.
Pieter Emmer, « France and the Netherlands in the Age of Empire. A Comparison », p. 167-181.
Matthijs Lok, « ‘‘La guerre a fait les États et l’État a fait la guerre.’’ Étude comparée de la formation étatique française et néerlandaise (1600-1800-1945) », p. 183-201.
Henk Hillenaar, « Les relations religieuses entre la France et les Pays-Bas à l’époque moderne », p. 203-227.
Rudi Wester, « Transfert culturel », p. 229-243.
Antoon De Baets, « Censorship of History in France and the Netherlands (1945-2014): A Survey », p. 245-270.
Savants mélanges
Viola Eshuis, « Le cinéma néerlandais, le grand inconnu du septième art », p. 273-298.
Inge Eidsvåg, « Sur la vie et la poésie de Tomas Tranströmer. ‘‘Une voûte s’ouvrait sur une voûte jusqu’à l’infini’’ », p. 299-324.
Willem Frijhoff, « La Nouvelle Amsterdam et la Nouvelle Néerlande, ou la difficulté de choisir entre comptoir et colonie », p. 325-349.
Anne-Estelle Leguy, « L’autoportrait pictural des artistes femmes scandinaves et finlandaises au tournant du XXe siècle », p. 351-375.
Jacques Privat, « Olof Aschberg (1877-1960). Le ‘‘banquier rouge’’. Un pionnier du mouvement social en Suède au début du XXe siècle », p. 377-397.
Jonathan Lévy, « L’illusion du dialogue franco-danois aux Expositions universelles parisiennes jusqu’en 1878 », p. 399-416.
Claude Jensen, « L’importance des flux matériels et immatériels dans l’eurorégion de l’Øresund », p. 417-445.
Arts et lettres des pays du Nord
Robert Anker, « Poèmes », p. 449-455.
Claire Polders, « Amour », p. 457-464.
Abstracts, p. 465-470.
Auteurs, p. 471-470.
Claire Polders sur les fruits défendus des écrivains