Sortir de l’impasse
La photographe Karin Borghouts
Deux publications récentes nous offrent de plonger dans les univers de la photographe belge Karin Borghouts : Paris Impasse et The House / Het Huis / La Maison. Le premier nous conduit au cœur de son sujet de prédilection : des lieux et environnements architecturaux où l’être humain est pour ainsi dire absent. Le second, dans une longue page intime à travers la maison où elle a grandi et que les flammes ont dévorée.
Les deux ouvrages ont paru à Gand dans une édition trilingue chez Snoeck, chacun accompagné d’un texte d’Eric Min :
« Éloge de l’impasse » et « Couleur deuil ».
Paris compte plus de 600 impasses – culs-de-sac, tel est le terme plus ancien toujours en vogue dans la bouche des Anglais – ce, sans compter les centaines de cités, villas et autres passages... La capitale française, circonscrite par le périphérique, reste la ville la plus densément peuplée d’Europe occidentale : plus de 20 000 habitants au km².
Paris Impasse offre à voir environ 230 de ces lieux, en déambulant du premier au vingtième arrondissement. Autant de photographies qui dévoilent des coins de Paris qui passent normalement inaperçus.
Paris Impasse, les Rencontres d'Arles, 2019
The House / Het Huis / La Maison
« En moins de rien, tous les objets impérissables auxquels on est attaché, les voici carbonisés, mangés par les flammes ou recouverts de suie. Rien ne demeure inaltéré. Avec un peu de chance, on parvient malgré tout à traverser des espaces qui ressemblent encore vaguement aux pièces où l’on a joué, à la chambre où l’on a dormi… » (Eric Min) Un incendie a détruit la maison parentale de la photographe Karin Borghouts. Malgré la tristesse, le chaos et l’impossibilité de revenir en arrière, l’artiste a fini par être fascinée par la beauté qui émerge de la destruction. De sa décision intuitive d’immortaliser alors l’intérieur carbonisé résulte une série d’images obsédantes et émouvantes.
« Everything in these photographs points to something that is not there: the museum space, the anonymous display cases, the improbably uniform and inviting light. Everything shown here usually serves as a background to an exhibition. But that which is usually exhibited, is conspicuous by its absence, literally. The effect of this is a transformation of photographical focus. The background is brought to the fore, and the shell becomes content and is given full attention, transforming into something elusive, something mysterious, something sublime! It is through this transformation of photographical focus that the photographer’s presence becomes imperceptibly manifest. It is she who decides on what to excise, how to frame and where to delineate. In doing so, she resembles the archaeologist who excavates and reveals different layers of reality – showing, as it were, that which is not shown! It is only at this stage that the visitor realises just how unfamiliar the surrounding objects and spaces are. It is a discovery that brings about a sense of alienation, of the uncanny. It is as though the visitor is drawn into this indefinable, sublime space, which at the same time inspires a sense of fear and trepidation. » Antoon Van den Braembussche, « The Nature of Photography. Reflections on ''Het Huis'', an exhibition by Karin Borghouts (2013) ».
« Le noir est partout, la maison est fermée, les volets baissés, les murs froncés, le feu a peint une carte géographique roussie sur la porte d’entrée. »
(Paul de Moor, Mijn huis dat was, 2015)
La Maison, à l’occasion d'une précédente exposition/publication
Paris Impasse, préface d’Eric Min, Gand, Snoeck, 2020.
The House, postface d’Eric Min et citations de Paul de Moor, Gand, Snoeck, 2021.