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Poètes & Poèmes - Page 24

  • Martinus Nijhoff (1894-1953)

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    Poète moderniste

    NijhoffFrontispice_0001.jpgNé dans une célèbre famille d’éditeurs, de bibliophiles et de libraires, Martinus Nijhoff* a publié dès 1916 un recueil De wandelaar (Le Promeneur) annonçant une poésie mariant forme classique rigoureuse et thématiques modernes et prosaïques, une poésie capable de saisir la vie là où elle s’était déplacée (usines, gares, laboratoires, hôpitaux…). Le jeune homme aspira bien vite à utiliser ses qualités de poète non point tant pour chercher à éclairer la part affective de l’homme que pour donner forme à ce qui rôde, à ce qui est en gestation dans la conscience collective néerlandaise. Une partie de son œuvre est fortement marquée par l’héritage chrétien ; la mort l’a d’ailleurs surpris alors qu’il travaillait à une traduction des Psaumes.

    Deux de ses longs poèmes d’aspect narratif, Awater (1934) et Het uur U (L’Heure H, 1936), appartiennent aux classiques de la littérature néerlandaise, de même que ses recueils Vormen (Formes, 1925) et Nieuwe gedichten (Nouveaux poèmes, 1934). M. Nijhoff a également laissé une œuvre importante comme critique et comme traducteur (L’Histoire du soldat de Ramuz, La Tempête de Shakespeare, Iphigénie en Tauride d’Euripide… ou encore des poèmes d’Edgar Lee Masters, T.S. Eliot, Villon, Charles d’Orléans, Musset, Vigny, Hugo, Nerval, Baudelaire, une chanson de Léon Xanrof…, pièces insérées dans les œuvres poétiques complètes). Il a même commis quelques vers en français, par exemple ceux-ci dans sa jeunesse :

    Le monde est plein de fous –

    Et qui n’en veut voir

    Doit se tenir tout seul

    Et – casser son miroir.

    Quelques poèmes de Nijhoff ont paru en traduction française dans des anthologies ou des revues. Quant aux deux qui suivent, ils sont empruntés au recueil Le Promeneur (1916). Dans le premier, on retrouve un thème cher aux symbolistes français, celui du Pierrot, mais traité ici avec une gravité marquée par le dédoublement de la personnalité. Le poète donnera peu après un Pierrot plus ironique dans « une rapsodie clownesque », Pierrot au réverbère, long dialogue entre Arlequin et Pierrot sous forme de quatrains. Le second, dont le titre est à l’origine en français, évoque les soldats néerlandais mobilisés – comme Nijhoff lui-même – et réduits à l’inaction pendant plus de quatre ans alors qu’aux frontières la guerre faisait rage.

     

    Pierrot

     

    Je l’ai croisée, la nuit, sous quelque lampadaire,

    Fardée ainsi que les païens fardaient leurs morts –

    « Femme, d’errer, je suis las », ai-je dit alors.

    Elle a ri de mon habit blanc, de mes manières.

     

    J’ai repris : « Femme, toi et moi, mourrons ensemble ;

    Mon nom est Pierrot – » Lui demandai le sien.

    Puis nous avons dansé tels des gens pris de vin.

    Mon cœur désassemblé craquait en battant l’amble.

     

    Ce pas de deux, c’était frôler, frôler l’à-pic

    De la stupeur. Pareille au venin de l’aspic,

    La folie déferla dans mon corps, à le rompre –

     

    Je détournai les yeux, tel l’auteur d’un carnage,

    Et, me découvrant seul dans la rue, la pénombre,

    Je décampai, la main jetée sur le visage.

     

    CouvAnthoNijhoff.jpg
    couverture d'une anthologie récente

     

    Les soldats qui chantent


    Routes et rues hérissent leurs pavés :

    Avez-vous, blonds soldats, les pieds qui saignent ?

    Jugulez la douleur d’une rengaine :

    « Marie, je m’en vais ; Marie, je m’en vais. »

     

    Regard rivé sur les clochers bien hauts,

    Nous progressons, quatre, épaule contre épaule.

    Mélancolie, tu nous en fais de drôles :

    « Le diable a deux cornes et deux sabots. »

     

    Où est la musique et où le tambour ?

    Dieu nous a laissés comme des sans-grades,

    Corps à bout et cœur qui bat à rebours –

     

    Chantez la bague et l’amour, les souffrants,

    Et par dédain pour deux ou trois grenades !

    Un bon soldat, c’est un grand cœur d’enfant.

     

                                              (trad. D.C.)

     

    Le portrait du jeune auteur par Herman Hana a été publié en frontispice dans De wandelaar.

    * la diphtongue ij (autrefois : ÿ) se prononce [ɛj] comme dans soleil.

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  • Pierre Mac Orlan parle de Guido Gezelle (1954)

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    AU CARILLON DE BRUGES 

     

    Quand un romancier français parle de Bruges,

    du plus grand poète d'expression néerlandaise du XIXe siècle,

    Guido Gezelle (1830-1899), et de la traduction de la poésie flamande

     

     

    Pierre Mac Orlan

    Lectures pour tous

    ORTF - 21/04/1954 - 00h06m25s

     

     

    « Pierre MAC ORLAN reçoit Pierre DUMAYET dans sa maison de Saint Cyr sur Morin. Il parle de sa fonction de président des carillonneurs de France et de la place des carillons dans son œuvre. Il fredonne l'air du carillon de Bruges et raconte une anecdote sur celui d'Arras, villes où il a vécu et qui sont dominées par les sonneries de cloches. Il souhaite que les carillons reprennent leur place dans l'avenir, le son des cloches étant pour lui un son humain. »

     

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    H. De Graer, Portrait de Guido Gezelle, 1905

    Guido Gezellemuseum, Bruges

     

     

    Quelques mots sur le poète

    de Flandre occidentale

      

    « […] Pendant ce temps, il était un homme, qui, de son côté, faisait subir au langage la même refonte, qui résumait en lui toutes les faces de l’évolution poétique de son époque, mais qui n’était d’aucune époque pourtant, car il avait la qualité inestimable et essentielle qui fait les poètes purs ; le moins prisé et le plus grand, il se contentait de donner quelque chose de son âme à tout ce qu’il voyait, de faire passer un peu de la lumière et de la chanson de son âme dans tout ce qu’il disait : c’était Guido Gezelle.

    Il eut la destinée adéquate à son génie : pendant presque toute sa vie, il fut isolé, pauvre, incompris, vilipendé, ignoré. Mais il avait heureusement en lui cette lumière que les autres ne voyaient point, il avait des trésors inépuisables de vie intérieure et profonde, l’atmosphère d’émotion et de beauté qui donne une éternité aux choses quotidiennes.

    Il apparaît dans une province qui jusqu’alors était restée presque complètement en dehors du mouvement littéraire, et qui d’ailleurs formait une contrée bien à part : la West-Flandre. Pays essentiellement agricole, sans grandes villes industrielles, et que n’atteignaient pas les chemins de fer ; terre où le passé se perpétuait vivant, où le peuple parlait encore toujours le doux et imagé flamand du Moyen Âge, et restait inébranlablement attaché à sa religion traditionnelle. Gezelle, qui était prêtre et professeur au collège de Roulers, a été l’expression de ce milieu, mais en même temps il s’est exprimé lui-même d’une façon si complète, que son œuvre en prend une signification d’humanité universelle.

    A. Vermeylen par I. Opsomer

    mac orlan,gezelle,radio,traduction,poésieJe crains qu’il ne me soit difficile de vous donner une idée de ce qu’est l’œuvre de Gezelle. Il le faudrait bien pourtant, puisqu’il est admis aujourd’hui par les critiques les plus autorisés que Gezelle est le plus grand poète que les pays de langue néerlandaise aient eu depuis le XVIIe siècle, et puisque c’est peut-être le seul de tous nos poètes qui mérite, sans conteste, une gloire européenne. Malheu- reusement, c’est le moins traduisible qu’il y ait. Dès qu’on le transpose, il perd sa personnalité la plus intime : cette musique spirituelle d’une richesse de rythmes, d’une subtilité et d’un accent profond dont je ne trouve de parallèle chez personne.

    S’il est quelqu’un qu’on puisse appeler poète par la grâce de Dieu, c’est bien celui-là : n’ayant d’autre ambition que de dire aussi simplement que possible, en dehors de toute convention, mais aussi complètement que possible, avec les nuances les plus indéfinissables, ce qui se passe autour de lui et en lui, - la réalité qu’il voit, et celle, infinie, qu’il sent. Dans l’ordre de la nature, nul n’a rendu de façon aussi originale et aussi juste les mille mouvements et demi-teintes imperceptibles des choses et des êtres ; dans l’ordre des sentiments, il a baigné les remous de l’émotion d’une musicalité et d’une lucide clarté d’âme, qui est le sublime dans la simplicité. Et au point de vue de la forme, cet homme, dont tous les sens étaient affinés à tel point que chez lui, si l’on peut dire, la sensation est de la pensée, sut se créer une langue poétique d’une diversité, d’une force, d’une souplesse aérienne, qu’on ne soupçonnait pas avant lui. Il a su faire du néerlandais, que des esprits mal informés tenaient encore pour un vague patois, une langue à la fois aussi primesautière, aussi naturellement claire, aussi savoureusement jaillie du langage populaire que l’anglais de Burns, et en même temps aussi hardie, aussi élastique, aussi capable d’exprimer les nuances les plus fugitives que le français d’Arthur Rimbaud ou de Jules Laforgue. Je le comparerais volontiers à Verlaine, mais avec quelque chose de plus sain et de plus large, quelque chose de plus généralement humain. Pour l’infinie variété, la création incessante des rythmes qui doivent dire toutes les formes possibles de la vie, je ne trouve pas d’équivalent en littérature. Toute comparaison d’ailleurs n’est que très approximative, et, pour conclure, Gezelle était Gezelle.

    Les qualités essentielles de son art étaient en germe dans ses premiers poèmes et se développèrent bientôt avec tout le charme d’une force ingénue. Puis, une catastrophe survint, qui brisa sa vie : ce jeune professeur ecclésiastique ne rentrait pas assez dans les cadres admis, la forme même de sa pensée brisait les conventions dont vivait son milieu. Le conflit éternel entre l’homme supérieur et la médiocrité normale fit le reste : Gezelle dut quitter le collège de Roulers ; peut-être même réussit-on à le faire douter de lui-même, car cette âme de croyant si fière et si pure sombra pour longtemps dans le découragement. Il nous faut respecter le drame intime qui le déchira : l’histoire n’a pas à connaître de ce qui se passa au fond de cette conscience. Mais la blessure fut si profonde que Gezelle, qui avait alors à peine trente ans, se tut. Ce qu’il a produit entre 1860 et 1890 tiendrait en une mince plaquette. Pendant trente ans, cette bouche fut quasi muette, ce cœur fut scellé, enterré quelque part au fond d'une petite ville.

    mac orlan,gezelle,radio,traduction,poésie, august vermeylenNous devons à cette crise une série de poèmes que Gezelle dut considérer alors comme son chant du cygne ; il consentit avec peine à ce qu’un de ses amis les publiât, en 1862. Ils viennent d’un cœur saignant et ont un accent tragique, une subjectivité immédiate, qui les différencie de tous les autres vers de Gezelle. Ce fut une effusion unique de tout ce qu’il y avait eu en lui d’amour et de douleur. Car il semble bien que sa plus grande souffrance fut d’être violemment séparé de l’affection de certains de ses élèves : sa plainte s’exhala en paroles de fièvre, en sanglots, en prières, et ces vers-là peuvent compter parmi les plus beaux que l’amitié ait jamais inspirés. Puis vint l’apaisement, peu à peu, et une lumière plus tranquille, d’une suavité mystique, baigne les derniers poèmes de cette période.

    Cependant le public capable de comprendre des modulations aussi subtiles, aux environs de 1860, était fort clairsemé. Gezelle, retiré dans son coin, seul, meurtri, fut conspué par la critique. Et puis, la critique usa de son arme la plus efficace : le silence. Elle ne le connut plus.

    Ce qu’on reprochait à Gezelle, c’était d’abord, cela va sans dire, d’être un poète. On admettait la description un peu terre-à-terre du milieu dans lequel on vivait ; on saisissait une chanson politique, une ode nationale, toutes choses qui ont un but, et dont le sens est parfaitement défini ; mais la poésie essentielle de Gezelle passait par dessus les têtes de ce temps-là. D’autre part, on le traitait de particulariste, et c’est là un point sur lequel il est nécessaire d’attirer un instant votre attention. Car Gezelle fit école, et son “particularisme” est même, aujourd’hui, redevenu une actualité. Gezelle et ses disciples prétendent avoir le droit de puiser abondamment dans la langue populaire, en la stylisant, bien entendu. En Hollande, deux siècles et demi de grande culture avaient transformé l’esprit du néerlandais, l’avaient fixé dans un moule parfois un peu conventionnel, un peu trop livresque ; c’était ce hollandais qui en Belgique donnait le ton, était la langue littéraire. Mais la West-Flandre, toujours isolée, n’avait pas suivi l’évolution générale. Son idiome, d’une richesse inouïe, était une forme surannée du néerlandais. Les soi-disant particularistes, rejetant toute convention, et amoureux avant tout de réalité directe et spontanée, affirmèrent que, pour ce qu’ils avaient à dire, cette forme surannée mais vivante était plus belle que le néerlandais classique. Ils ne se contentèrent pas de l’affirmer : aujourd’hui qu’ils comptent parmi les auteurs les plus lus, même en Hollande, ils ont imposé leur idée à coup de chefs-d’œuvre, et l’on commence à s’y faire. On commence même à comprendre qu’ils font comme des quantités de poètes de tous les temps, qui trouvaient nécessaire de rajeunir le langage poétique à l’aide d’expressions du terroir : et si l’on admet que le français de Rabelais est bien du français, malgré qu’il soit rempli de néologismes, on ne peut contester que le langage poétique de Gezelle ne soit du néerlandais. Et d’ailleurs, quelle ironie dans le mot : ce sont précisément les “particularistes” qui ont le plus contribué à l’expansion de notre littérature au delà des frontières ! »

     

    August Vermeylen

    « Les lettres néerlandaises en Belgique depuis 1830 », 1905

     

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    G. Gezelle, billet de 5000 francs belges (1982-1994)

     

    couverture

    Liliane Wouters, Guido Gezelle, Poète d'aujourd'hui,

    éd. Pierre Seghers, 1965.

     

     

  • Michel Bartosik

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    Famille écrite

     

    bartosik,pink poets,anversDisparu le 1er février 2008 à l’âge de 59 ans, Michel Bartosik laisse six recueils de poésie ainsi qu’un grand nombre d’essais et de critiques. Membre d’un groupe d’une douzaine de poètes anversois dont quelques dandys, les Pink Poets (1972-1982), collaborateur des revues Hand, Impuls et Impuls/De tafelronde, il a cosigné en 1975 un manifeste en faveur d’une poésie axée sur la langue et non sur l’anecdotique tout en renvoyant à la tradition maniériste des XVIe et XVIIe siècles. Durant les dernières années de sa vie, Bartosik a donné de très belles contributions sur la poésie dans De leeswolf et Poëziekrant, faisant partager avec tact son amour de certaines œuvres contemporaines ou plus anciennes. Cet homme discret, dont l’œuvre est restée confidentielle, a vu son dernier recueil Geschreven familie (Famille écrite, Gand, PoëzieCentrum, 2003) couronné par une prestigieuse distinction littéraire. Très exigeant à l’égard de sa propre œuvre, retravaillant sans cesse ses créations avant de les publier, il reniait plus ou moins la première moitié de sa production. Polyglotte, il a laissé de rares vers en français ou encore en anglais. Nous proposons ci-dessous la traduction de deux poèmes de Geschreven familie.

     

     

    La chair fondante d’une pêche

    qui se fait jus (quand quelqu’un

    près de toi en dépouille le velours),

     

    morceaux émiettés de ton pain

    et mie humectée dans la bouche gorgée

    après gorgée       la dernière chose

     

    que nous ayons imaginée ensemble, un repas

    à étaler sur des heures, expectative du pauvre,

    désarroi d’enfants, à tes lèvres

     

    on a porté le jour suivant l’eau

    glacée      tu l’as repoussée 

     

     

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    toile de Louisa Chevalier

     

     

    La porte refermée, vient

    la délicatesse des fruits.

     

    Deux mains apeurées les ont disposés

    au soleil, derrière les vitres.

     

    Un pouce, le soir, sépare

    en évitant de trop trembler

    la blettissure du pourri.

     

     

    Quelqu’un, quelque part, rêve encore, goûte

    le geste avec lequel tu soulèves d’entre eux

    le plus petit, mastiques, jusqu’à l’exténuation, une chose

     

    trop sèche

     

    traduction D. Cunin

     

     

    Œuvres poétiques

     

    Omtrent vos Reynaert 3 (À propos de Maître Renart 3, en collaboration avec Peter Bormans, Geert Currinckx et Freddi Smekens, 1968)

    Linguïstiek (Linguistique, 1975)

    De verzamelnaam der eenzaamheid (Le nom générique de la solitude, 1976)

    Rigor mortis (1980)

    Sunt lacrimae (1990)

    Geschreven familie (Famille écrite, 2003)

     

    bartosik,pink poets,anvers

    addendum : en 2013, le PoëzieCentrum de Gand a réuni l’ensemble de l’œuvre poétique de M. Bartosik sous le titre Schroomruil

    éd. Koen Van Baelen, Peter Bormans, Anneleen De Coux, Matthijs de Ridder ; postface Erik Spinoy

     

    Merci à Louisa et à Koen

     

     

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  • Énumère, énumère

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    Arjen Duinker, planétaire

     

     

    Né à Delft en 1956, Arjen Duinker est l’auteur du roman Het moeras (Le marais, 1992) et des recueils de poésie Rode oever (Rive rouge, 1988), Losse gedichten (Poèmes épars, 1990), De gevelreiniger en anderen (Le ravaleur de façades et d’autres, 1994), Het uur van de droom (L’heure du rêve, 1996), Zaap Zaap Kwaririp (1997), Ook al is het niet zo (Même si c’est pas comme ça, 1998), De geschiedenis van een opsomming (L’histoire d’une énumération, 2000), Misschien vier vergelijkingen (Peut-être quatre comparaisons, 2002), De zon en de wereld (Le Soleil et le Monde, 2003, poème pour 2 voix avec CD), De zon (Le Soleil, 2003), Zeester: Kwartet voor twee stemmen (Étoile de mer : Quatuor pour deux voix, 2007), et, avec Karine Martel, de En dat? Oneindig (Et cela ? Infini, 2005). Des anthologies de son œuvre ont paru en anglais, français, italien, persan, portugais et russe. Dans le cadre du projet Wereldgedicht (Poème planétaire), son poème « La pierre fleurit » (ci-dessous), publié dans le recueil L’heure du rêve, a été traduit dans près de 250 langues. Arjen Duinker a conçu et publié avec le souffleur de verre Bernard Heesen et la graphiste Désirée Achterkamp deux volumes de l’encyclopédie De wereld van de glasblazer (Le monde du souffleur de verre). Il a par ailleurs réalisé plusieurs projets (lectures, publications…) avec le poète Yang Lian.

     

    DSC00743.JPG

    Arjen Duinker, juillet 2003

     

     

    La pierre fleurit

     

    La pierre fleurit.

     

    La pierre qui ne saurait fleurir,

    Mais comme elle fleurit !

     

    Elle a des fleurs multicolores.

    De la couleur des nuages que la lune éclaire,

    De la couleur de tes yeux, mon amour,

    Et vives.

    De la couleur d’idées gaies,

    Multicolores comme des vagues se déroulant à perte de vue.

     

    Comme elle fleurit la pierre,

    Comme elle fleurit la pierre qui ne saurait fleurir...

     

    Elle a l’odeur du vent qui disperse les gémissements,

    Elle a l’odeur de l’évidence,

    Du sang,

    Des marrons chauds,

    De l’agitation de la rue.

    Elle a l’odeur d’une liberté de voir et de sentir

    Et charme des papillons chamarrés.

     

    Voilà comme elle fleurit, la pierre,

    La pierre qui ne saurait fleurir.

    Je m’en reviens,

    Je m’en reviens, mon amour, avec l’une de ses fleurs.

     

    (trad. D. Cunin)

     

     

     

    le poète dit ce poème dans la langue originale

    12ème Festival de poésie de Meddelín

     

    Dans la poésie de Duinker, la pensée s’ordonne selon les modèles coordonnés dont le poète se trouve équipé. De là provient l’absence répétée d’un sujet poétique dans son œuvre : les poèmes semblent naître à la simple demande de la grammaire duinkerienne, de dispositions grammaticales singulières qui occupent la place qui revenait au sujet poétique traditionnel (…). Depuis que j’ai lu le recueil L’histoire d’une énumération, il me plaît de regarder amateurs de poésie et critiques littéraires qui lisent les auteurs in, édités par les éditeurs in, et qui sont de surcroît des amateurs de l’art in, comme des cochons qui prennent plaisir à manger des mandarines de première qualité, conscients de leur importance et de la valeur qu’ils revêtent. Ce qui leur échappe, c’est ce qui les fait exploser une fois qu’ils ont lu la poésie de Duinker.

    J.H. de Roder

     

     

    Arjen Duinker en traduction française

     

    WereldGedicht.jpgL’histoire d’une énumération (anthologie), Paris, Caractères, 2003.

    « 6 poèmes » (avec Karine Martel), Europe, n°925, mai 2006.

    « Déviation ; Poème humain ; De toute façon ; De deux l’un ; Tu vois les yeux ; De Bric-à-Brac à Etna », 2004.

    « Dix paires d’yeux pour Yang Lian » (poèmes), Neige d’août, n° 10, printemps 2004.

    « Six poèmes », Estuaire, n° 117, Outremont, Canada, février 2004.

    « Les désirs et les sens (poème à quatre voix) », Po&sie, n° 103, mars 2003.

    « Trois poèmes », Estuaire, n° 113, Outremont, Canada, février 2003.

    « 5 poèmes », Le verre est un liquide lent. 33 poètes néerlandais, Tours, Farrago, 2003

    « La signification de l’eau », Septentrion, n°3, 2001.

    « Poèmes », Action Poétique n° 156, 1999.

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  • Verlaine par le poète J.C. Bloem

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    Baudelaire,

    maître en poésie puis en scepticisme

     

     

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    La biographie du poète par Bart Slijper :

    Van alle dingen los. Het leven van J.C. Bloem, De Arbeiderspers, 2007

     

    Bien qu’il ait laissé une œuvre peu nombreuse (l’édition la plus récente des poèmes compte 272 pages), Jakobus Cornelis Bloem (1887-1966)  appartient aux classiques du XXe siècle néerlandais. Vers les années 1920, ce grand lecteur des poètes français du XIXe défendit un retour au vers classique dans la tradition française, « la forme pleine et vitale ». Il se réclamait alors de Baudelaire, privilégiant la dextérité et l’alexandrin. De nos jours comme de son vivant, il reste un poète lu et très apprécié. Certains de ses vers sont dans presque toutes les têtes néerlandaises : « De songer à la mort, je ne puis fermer l’œil » (Insomnia), « Domweg gelukkig, in de Dapperstraat » (« Tout bêtement heureux dans la rue O. Dapper »)… Son œuvre « est placée sous le signe d’une dichotomie : d’un côté l’irréalisable désir d’atteindre une réalité plus élevée qui conférerait un sens à l’existence, de l’autre les incontournables désillusions, le tædium vitæ. » ( Jaap Goedegebuure, Histoire de la Littérature néerlandaise, Paris, Fayard, 1999, p. 588). Dans ses Œuvres poétiques complètes figurent certaines traductions qu’il a pu faire de poètes d’expression anglaise. Il a d’ailleurs écrit sur la traduction, par exemple un texte intitulé : « L’art le plus difficile : traduire de la poésie ». Outre des essais et des critiques, il a laissé des aphorismes dans lesquels il exprime tout le scepticisme que lui inspire l’homme moderne dont « la qualité spécifique majeure, la seule peut-être qui le distingue de son prédécesseur, est la servilité ». Nous proposons ci-dessous une traduction de son poème Verlaine dont la version originale figure sur la façade postérieure d’un bâtiment de Leyde où le poète a vécu au début du XXe siècle.

     

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    © GFDL

     

    VERLAINE

     

    Ceux-là qui ont tout vu sont les moins éclairés,

    De robustes benêts qui, sans qu’il leur en coûte,

    Endossent des corsets aux lacets bien ferrés

    Et rondissent le dos sous la première voûte.

     

    Que réserve le sort aux asservis sans nom,

    Aux derniers des soumis servant de bonne grâce ?

    Un seul moule, coulé selon un seul canon,

    Une bouchée rassise, une aigre gorgée grasse.

     

    Le monde est maître en l’art des promesses en l’air,

    Il n’y a plus offrant, il n’y a plus perfide ;

    Lui dit-on : « Tope-là ! » – il fond comme l’éclair :

    Vous voilà dépouillé et du plein et du vide.

     

    Pourquoi dès lors aller le cœur crève-la-faim,

    Sur le chemin qui mène au bout de ce voyage,

    Plutôt que trépasser comme Verlaine, en fin

    Soûlographe et seigneur de l’Impair, sale et Sage ?

     

    traduction Daniel Cunin

     

     

    « Verlaine », J.C. Bloem, Verzamelde gedichten,

    Amsterdam, Athenaeum-Polak & Van Gennep.

     

     


    images du poète et de ses amis en 1941 à Bergen

     

     

     

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    J.C. Bloem, son épouse Clara Eggink (1906-1991) et leur fils Wim

    couverture du livre que Clara a consacré à son premier mari 

     

     

     

     

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