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littérature - Page 23

  • L’œuvre de Willy Spillebeen

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    Entre introversion et extraversion :

    un entretien avec le romancier et poète flamand

    Willy Spillebeen

     

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    La Lys en hiver 

     


    littérature,flandre,france,roman,néerlandais,poésie,mythologieStyliste hors pair, Willy Spillebeen nous parle ci-dessous de certaines caractéristiques de son œuvre : l’importance de la mythologie et du paysage dans l’ensemble de ses romans comme dans sa poésie, les métaphores sur lesquelles il édifie la plupart de ses histoires, la place qu’il accorde à la vie et au témoignage de certaines personnes qu’il a croisées au cours de son existence… Nombreux sont ses livres qui s’arrêtent sur des périodes troublées de l’Histoire, explorant les enjeux du pouvoir à travers les thèmes de l’équité et de la violence, du bien et du mal, de l’idéologie et de la cruauté : la conquête de l’Amérique par les Espagnols (par exemple dans Le Jésuite anonyme), la Saint-Barthélemy (racontée par Bousbecque, alors au service de la reine de France, dans Busbeke of de thuiskomst), la révolution russe (Anastasia), les deux conflits mondiaux du XXe siècle (Une autre guerre, Amants en temps de folie, La Butte ou encore le roman jeunesse Serge/Samuel)…


    littérature,flandre,france,roman,néerlandais,poésie,mythologieIl arrive à Willy Spillebeen de situer l’action de ses romans dans le Nord de la France. Ainsi, Le Seigneur de Peuplingues, qui baigne dans une atmosphère digne d’un Simenon, évoque un procès retentissant, l’auteur reconstruisant en quelque sorte l’affaire Rohart. Il situe à Linselles, près de Lille, une autre affaire judiciaire remontant plus ou moins à la même époque (le court roman De nabestaande publié dans le volume Le Désir de consolation). À travers une relecture du poème The End of War de Herbert Read, Les Yeux d'or de Dieu (titre emprunté à un vers de Georg Trakl) nous fait revivre un drame qui s’est déroulé près de Valenciennes en novembre 1918, lors la dernière nuit de la Première Guerre mondiale : un officier allemand moribond va entraîner des centaines d’hommes dans la mort. La capacité de l’auteur à se glisser dans la peau de ce soldat qui vit ses dernières heures est pour ainsi dire hallucinante. D'ailleurs, l'agonie constitue la donnée de base de trois de ses autres œuvres : Cortés ou la chute (1987), Énée ou la vie d’un homme (1982) et enfin Bousbecque ou le retour (2000) qui décrit les dix-huit derniers jours de l'existence de l'humaniste flamand Ogier de Bousbecque (ou Busbecq), l'homme à qui l'on doit entre autres l'introduction de la tulipe et du narcisse en Europe.

    littérature,flandre,france,roman,néerlandais,poésie,mythologieDans plus d’un de ses livres, l’écrivain approfondit une autre souffrance, celle que font subir les adultes aux enfants. Relatant lui aussi une histoire vécue, le court et magnifique roman Les Chiens de la Belle au bois dormant (couverture ci-contre) narre en trois tableaux d’une rare dureté trois années de l’existence d’une fillette désemparée par la séparation de ses parents et l’inconscience de sa mère. Là encore, les données que l’auteur emprunte à la réalité échappent à l’anecdotique grâce à une belle maîtrise de la composition. Dans Le Hasard, c’est un garçon de 4 ans qui se retrouve le jouet des « grands », en l'occurrence des représentants de l’administration (policier, magistrat, infirmières…). Pluche de mer se penche sur le destin d'un enfant un peu plus grand, un des boat people vietnamiens qui atterrit en Flandre.

    L’intérêt que Willy Spillebeen a porté à l'Histoire et à certains auteurs de l’Amérique latine l’ont amené à écrire, outre des traductions d’œuvres de Pablo Neruda (entre autres le Canto General), des récits centrés sur les civilisations aztèque (Cortès ou la chute), maya (L'Enfer existe) et inca. D'autre part, un profond amour de sa région natale, marié à une prédilection pour le genre historique, l’a conduit à peindre l’existence de deux grandes figures flamandes : Ogier de Busbecq, déjà mentionné, et Guillaume de Rubrouck. Ce dernier, originaire d'un village situé près du mont Cassel, été un ami très proche de Louis IX, lequel l’avait envoyé en Mongolie vingt ans avant que Marco Polo ne s’y rende. De ce voyage, il a ramené une œuvre importante (Voyage dans l’empire mongol). Il aurait participé aux sixième et septième croisades et été prisonnier avec le roi à Mansourah. Guillaume aurait aussi assisté à la mort du souverain. Il a vécu un certain temps à Paris où il avait comme ami Roger Bacon.

     

    vidéos de l'entretien accordé par Willy Spillebeen

    le 30 janvier 2010

    arrivée en Flandre occidentale par une belle journée hivernale

    romans jeunesse, structure des romans, Les Yeux d'or de Dieu...

    la métaphore à la base du roman,

    l'écriture de l'Énée, l'impossible liberté

    mythologie grecque, civilisation d'Amérique latine,

    le paysage, l'humour

    Emmanuel Looten,

    la traduction (Romain Gary, Charles De Coster)

    évolution littéraire, structure du roman,

    dette à l'égard d'écrivains d'expression espagnole

    Ogier de Busbecq, Guillaume de Rubrouck,

    la Flandre et la Grande Guerre, la poésie

    Faulkner, Yourcenar, Joyce, L.-F. Céline ;

    une écriture qui marie classicisme et modernité

     

     

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    La Chasse au renard

     

    L'un des romans majeurs de l'écrivain flamand, fresque épique du déclin de la terre natale des protagonistes, trois pères et trois fils qui évoquent leurs désillusions et la résistance acharnée qu'ils opposent à la fatalité ; le renard apparaît comme la métaphore de l'homme qui ne cesse, au cours de l'Histoire, d'être pourchassé sans jamais trouver un havre de paix. Quand la Flandre occidentale sert de cadre à une tragédie de dimension universelle.

     

     

    ROMANS, RÉCITS & NOUVELLES

    De Maanvis (Le Scalaire), Desclée de Brouwer, Bruges, 1966.

    De Krabben (Les Crabes), Desclée de Brouwer, Bruges, 1967.

    De Sfinks op de Belt (Le Sphinx sur le dépotoir), Manteau, Bruxelles, 1968.

    Steen des Aanstoots. Een boek (Pierre d’achoppement. Un livre), Davidsfonds-De Standaard / Louvain-Anvers, 1970 (autobiographie romanesque).

    Drie X Drempelvrees (Trois x La peur d’entrer), Standaard, Anvers, 1984 (trois nouvelles).

    De Vossejacht (La Chasse au renard), Davidsfonds-De Standaard/Louvain-Anvers, 1979.

    Herinneringen aan de Toekomst (Souvenirs du futur), Orion, Bruges, 1979 ; réédité sous le titre De Andere Oorlog (La Grande Guerre), Davidsfonds, Louvain, 1988.

    Het goede Doel van het Geweld (La Bonne fin de la violence), Davidsfonds, Louvain, 1979.

    Aeneas of De Levensreis van een Man (Énée ou la vie d’un homme), Manteau, Anvers, 1982, réédition Davidsfonds, Louvain, 1999.

    Doornroosjes Honden (Les Chiens de la Belle au bois dormant), Manteau, Anvers, 1983.

    De Varkensput (Le Puits aux cochons), Manteau, Anvers, 1985.

    CouvSpillebeenRat.jpgDe Engel van Saint-Raphael (L’Ange de Saint-Raphaël), Manteau, Anvers, 1986.

    Moeder is een Rat (Mère est un rat), Houtekiet, Anvers, 1986.

    Cortés of De Val (Cortés ou la chute), Houtekiet, Anvers, 1987.

    De Waarheid van Antonio Salgado (La Vérité d’Antonio Sagado), Houtekiet, Anvers, 1988.

    Het Toeval (Le Hasard), Houtekiet, Anvers, 1989 (le titre a un double sens : à la fois hasard et crise d’épilepsie).

    De Schreeuw van de Bunzing (Le Cri du putois), Houtekiet, Anvers, 1991.

    In vele Staten - Amerikaans relaas (Dans tous mes États – Récit américain) Manteau, Anvers, 1992 (récit d'une année passée aux États-Unis).

    De anonieme Jezuiet (Le Jésuite anonyme), Manteau, Anvers, 1992.

    De Seigneur van Peuplingues (Le Seigneur de Peuplingues), Manteau, Anvers, 1993.

    De ongestorven Doden (Les Morts qui ne sont pas morts), Manteau, Anvers, 1994.

    Thersites of het Bordeel van Troje (Thersite ou le bordel de Troie), Manteau, Anvers, 1997 (théâtre, monologue).

    God gouden Ogen (Les Yeux d'or de Dieu), Davidsfonds, Louvain, 1998.

    Busbeke of de thuiskomst (Bousbecque ou le retour), Davidsfonds, Louvain, 2000.

    De hunker naar troost (Le Désir de consolation), Davisfonds, Louvain, 2001 (deux courts romans et deux longues nouvelles).

    De heuvel (La Butte), Davidsfonds, Louvain, 2003.

    Minnaars in waanzin (Amants en temps de folie), Davidsfonds, Louvain, 2006.

    Rubroeks reizen (Les Voyages de Guillaume de Rubrouck), Davidsfonds, Louvain, 2009.

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    Énée ou la vie d’un homme

    le roman dans lequel Willy Spillebeen réécrit l'Énéide

     

     

    ROMANS JEUNESSE

    CouvSpillebeenAdo5.jpgHij is een Vijand en een Vriend, Brito, Anvers, 1970, réédité sous le titre Vijand en Vriend (Ami et ennemi), Berghmans, Anvers, 1984.

    De Hel bestaat (L’Enfer existe), Manteau, Anvers, 1984.

    Een Pluisje van de Zee (Pluche de mer), Houtekiet, Anvers, 1989 (réédition Davidsfonds/Infodok, Louvain).

    Anastasia, Davidsfonds/Infodok, Louvain, 2001.

    Het toeval (Le Hasard), Davidsfonds/Infodok, Louvain, 2003 (réédition en collection jeunesse du roman de 1989).

    De muur (Le Mur), Davidsfonds/Infodok, Louvain, 2004.

    Serge/Samuel, Davidsfonds/Infodok, Louvain, 2005.

     

     

    Louis-Ferdinad Céline, personnage de roman


    Dans le roman Het varkensput (Le Puits aux cochons), où la Première Guerre mondiale occupe une nouvelle fois une belle place, Willy Spillebeen aborde un épisode peu connu de la vie de Louis-Ferdinand Céline.

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    Le Puits aux cochons

     

     

    ESSAIS

     

    Pour être à peu près exhaustif, il convient de mentionner que Willy Spillebeen a également publié un certain nombre d’essais sur des poètes d’expression néerlandaise, en particulier les Flamands Jos de Haes (Desclée de Brouwer, Bruges, 1966), Hubert van Herreweghen (Desclée de Brouwer, Bruges, 1973), André Demedts (1974), Marcel Coole (1977) Luuk Gruwez (2003) et les Néerlandais Jan Hendrik Leopold (Orion,  Bruges, 1978), Ida Gerhardt (Orion,  Bruges, 1980) et Martinus Nijhoff (De Geboorte van het Stenen Kindje, Orion, Bruges, 1977). Mais l’un de ses premiers ouvrages, c’est bien à un poète flamand de France que Willy Spillebeen l’a consacré : Emmanuel Looten (1963).

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    L'étude consacrée à Emmanuel Looten

    suivie d'un choix de poèmes en traduction néerlandaise

     

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  • Willy Spillebeen, poète

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    Aux extrêmes de la Flandre

     

     


    poésie,littérature,flandre,néerlandais,traduction,spillebeenNé le 30 décembre 1932 à Westrozebeke, village de la Flandre occidentale, Willy Spillebeen a élaboré en plus d’un demi-siècle une œuvre considérable : environ 35 romans et recueils de nouvelles (dont certains pour adolescents), une douzaine d’essais consacrés à des poètes, de nombreuses critiques, des traductions (Romain Gary, Pablo Neruda, Emmanuel Looten, Federico Garcia Lorca, Charles De Coster, Rafael Alberti …) sans oublier une dizaine de recueils de poésie dont le plus récent s’intitule Liefde, het enige (P, Louvain, 2006). Au fil des pages, loin du brouhaha, les yeux rivés sur la Lys qui, à quelques mètres de son bureau, dessine la frontière entre la Belgique et la France, l'écrivain se raconte et raconte quelques êtres au destin singulier dans une prose d’une rare maîtrise. Madame Perrine Galand-Hallyn a à juste titre souligné la beauté et la singularité du roman Énée ou la vie d’un homme (Aeneas of de levensreis van een man) qui propose, en douze chapitre, une réécriture de l’Énéide du point de vue d’Énée, à la fois « je », « tu » et « il » dans la narration.

    L’anthologie bilingue Le Cortège fastueux de la langue (Lannoo, 2004) propose quelques poèmes de Willy Spillebeen en traduction française. En voici un autre (en deux volets), « La Balançoire », emprunté au recueil Liefde, het enige. C’est ce même poème - « De schommel » - que l’auteur lit, dans la version originale, sur l’enregistrement vidéo.

     

     

    La balançoire

     

    pour Elisa

     

     

    1

     

    La fille sur la balançoire

    lance un œil craintif de biche

    à la renverse. En haut l’enfant.

    En bas presque femme.

     

    Monde entrouvert. Elle

    n’est déjà plus ici

    loin d’être là-bas.

     

    En haut. Elle caresse le talus,

    animal d’aimable fourrure,

    crinière de peupliers,

    haubert d’une abbaye.

    Et par les forêts bleues,

    à couvert loin d’ici

    s’égare son imaginaire.

     

    En bas. Trop jeune encore.

    En bas : marcher entre

    les fleurs au bord du talus,

    avec déjà de vagues désirs,

    peut-être de la mélancolie,

    celle d’adieux à venir ;

    entrer dans la maison.

     

    Monde entrouvert. Porte

    qui année après année

    ira s’ouvrant toujours plus.

     



     

    2

     

    La fille sur la balançoire

    et le talus vert

    qui dévale avant

    de se refaire lointain.

    Escarpolette de la terre

    s’en va s’en vient.

     

    Espace : essaim d’abeilles

    qui bourdonne autour de la fille

    et comme une pendule tictaque

    et cliquette la balançoire

    longue seconde en haut

    longue seconde en bas

    et au-dessus des maïs

    s’élève la poussière du pollen.

     

    Étouffante chaleur de midi.

    Réfugiée dans l’ombre, dentelle

    foisonnante de la vigne,

    sur son visage assoupi

    et tout près de ses cils

    la boucle pour ainsi dire parfaite

    d’une brindille qui se fait chenille

    avec une tête de cobra,

    de chouette noctuelle,

    d’un sage barbu d’Inde.

     

    Et ensuite tête de mort.

     

    La fille ouvre les yeux

    grands sur le jardin,

    où le soir, aux couleurs

    délavées des fleurs,

    fait l’automne et la nuit,

    avec son noir incolore,

    l’hiver – plus tard.

     

    trad. Daniel Cunin

     

    Œuvres poétiques de Willy Spillebeen :

    De Spiraal, De Bladen voor de poëzie, Lierre, 1959.

    Naar Dieper Water, à compte d’auteur, Menin, 1962.

    Groei-Pijn, Desclée de Brouwer, Bruges, 1966.

    Gedichten 1959-1973 - Een teken van leven, De Standaard, Anvers, 1974 (tous les poèmes).

    Ontwerp van een Landschap, Desclée de Brouwer, Bruges, 1977.

    Woorden in de Stroom, PEN 102, Heideland, Hasselt, 1978 (anthologie, choix de l’auteur).

    Voorbij de populieren, Lannoo, Tielt, 1982.

    Dubbelspoor, Lanno, Tielt, 1983 (50 poèmes accompagnés de 50 dessins d’André Deroo).

    Land van Vergeten, Poëziecentrum, Gand, 1995.

    De geschiedenis van een steenbok, P, Leuven, 2003 (anthologie, choix et préface de Patrick Lateur).

    Liefde, het enige, P, Louvain, 2006.

     


    Plusieurs articles de Willy Spillebeen portant sur la poésie néerlandaise ont été publiés en traduction française dans la revue Septentrion. Pour sa part, le périodique bilingue Les Pays-Bas français (n° 26, 2001) a donné, sous le titre « Nostalgie de la Flandre », un article de Michiel Nuyttens consacré à l'une des œuvres de Willy Spillebeen : Busbeke ou le retour chez soi (roman historique dont l’humaniste Ogier van Busbeke est le protagoniste ; l’auteur fait la part belle à la fiction tout en l’habillant dans le respect des données historiques).

     

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     De geschiedenis van een steenbok, Louvain, P, 2003

    (anthologie, choix et préface de Patrick Lateur)

     

     

  • Parution du Faiseur d'anges

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    LE FAISEUR D'ANGES

    EN LIBRAIRIE LE 21 JANVIER

     

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    Petite visite chez le romancier Stefan Brijs

    peu avant la parution de la traduction française de De engelenmaker

    Le Faiseur d'anges

     

     

     

    ...Quand j’entends les réactions de nombreux lecteurs, j’ai l’impression d’avoir réussi. Ils ont entre les mains une histoire qui ne s’arrête pas, qui est même relancée au moment où ils referment le roman. Le succès que le livre a rencontré en Flandre et en Hollande, mais aussi ailleurs puisqu’il est à présent traduit en une dizaine de langues, s’explique je pense par le fait que les gens en parlent entre eux : « As-tu lu Le Faiseur d’anges ? Mon Dieu, c’est atroce et en même temps fantastique. Lis-le, tu verras. » Depuis 2005, le succès ne se dément pas : chaque jour, de nouveaux lecteurs découvrent le roman et s’exclament : Waouh ! Ils expriment un sentiment d’abomination mêlé à de l’admiration.

    Stefan Brijs

     

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    Le Faiseur d'anges, trad. Daniel Cunin,

    éd. Héloïse d'Ormesson, 2010

     

     

    Lien permanent Imprimer Catégories : Stefan Brijs 0 commentaire
  • Un roman aux coloris ensoriens

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    LE FAISEUR D'ANGES DE STEFAN BRIJS

     

     
     

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    Le Faiseur d'anges, Héloïse d'Ormesson, janvier 2010

     

    Né juste après la Seconde Guerre mondiale, Victor Hoppe, rouquin défiguré par un bec-de-lièvre, a été rejeté par ses parents et placé dans un établissement catholique pour déficients mentaux. Sous son autisme - un cas d'Asperger -, l'enfant cache en fait une intelligence hors du commun. Il parviendra à suivre une scolarité plus ou moins normale avant de devenir médecin, spécialiste d'embryologie et de génétique. Nommé chercheur dans une université alle- mande, il développe au début des années 1980 un projet fou.

    Avec une belle maîtrise de la composition, Stefan Brijs situe une bonne partie de son roman De engelenmaker dans un village des Trois Frontières, ce lieu « coincé entre les fortes cuisses de Vaals la Hollandaise et d'Aix-la-Chapelle l'Allemande » où se rencontrent les frontières de l'Allemagne, des Pays-Bas et de la Belgique. Tout comme dans son roman précédent (Aigle, 2000), l'auteur excelle à mettre en scène un personnage asocial dont l'existence, déterminée par un enfermement autistique et des capacités intellectuelles hors du commun, va de plus en plus être placée sous le signe d'une obsession : Victor rejette le Dieu de la Bible, à ses yeux personnification du Mal, et se voit comme un nouveau Jésus, l'homme bon par excellence. Son identification est telle qu'il va la pousser au-delà du concevable.

    L'opposition entre monde rural crédule et recherche scientifique de pointe offre dans le « finale » un aspect un peu caricatural, voire un peu kitsch, bien dans une certaine tradition littéraire et picturale flamande, celle du « grotesque ». Le romancier réunit alors tous les villageois de Wolfheim pour brosser une scène à la James Ensor où le burlesque côtoie l'atroce.

     

     

    LE MOT DE L'ÉDITEUR

     

    Wolfheim, paisible bourgade aux confins de la Belgique, de l'Allemagne et des Pays-Bas, est agitée par le retour inattendu du docteur Hoppe, un enfant du pays parti depuis longtemps. La surprise est d'autant plus grande que le médecin emménage seul avec ses trois fils, des triplés qui partagent la même troublante difformité physique. Les rumeurs vont bon train, mais les compétences du docteur font taire les réticences des villageois. Pourtant, le mystère autour de sa descendance s'épaissit.

    Jusqu'où peut-on repousser les limites de la vie ? Entre exploit scientifique et délire métaphysique, Stefan Brijs construit un suspense haletant et dérangeant, qui explore les dangers d'une science sans conscience.

    Peut-on se jouer de Dieu ?

     

     

    UN EXTRAIT

     

    De engelenmaker, éditions Atlas

    couvEngelen.jpgDoktor Hoppe, qui avait troqué sa blouse blanche contre un long pardessus gris, entra dans le café Terminus à reculons : les villageois virent son dos voûté avant de découvrir la large nacelle bleu foncé qu'il porta it devant lui au bout de ses bras tendus. Alors même que tout le monde pouvait constater les difficultés qu'il éprouvait à passer dans la porte, personne ne remua le petit doigt. Pour se précipiter vers lui, Werner Bayer attendit qu'il fût entré et qu'il considérât les lieux d'un air dépaysé, à la recherche d'un endroit où poser son fardeau. En hâte, Werner débarrassa alors une table des verres qui l'encombraient et, d'un geste ample, montra la surface ainsi libérée ; pendant ce temps, Florent Keuning, assis près de là, s'arrangea pour gagner une autre table.

    - Ici, posez-la ici, dit Werner.

    - Merci, dit le docteur.

    Sa voix surprit les consommateurs, dont Jacob Weinstein qui l'entendait pour la première fois. Le père de Meekers L'Asperge avança sa bouche près de son oreille et chuchota :

    - C'est à cause de son bec-de-lièvre. Il aspire trop d'air.

    Le sacristain hocha la tête de haut en bas, quand bien même sa surdité partielle l'empêchait de vraiment comprendre ce que Meekers venait de dire. Bouche bée, il suivait chaque mouvement du docteur qui, penché sur la nacelle, entreprenait de détacher de la capote la protection en plastique parsemée de gouttes de pluie.

    - Que voulez-vous boire, Herr Doktor ? demanda Werner.

    - De l'eau.

    - De l'eau ?

    Le docteur fit oui de la tête.

    - René, un verre d'eau pour Herr Doktor. Et pour euh...

    Il tendit une main hésitante en direction de la nacelle.

    - Ils n'ont besoin de rien, dit le docteur avant d'ajouter, comme s'il éprouvait le besoin de se justifier : Je m'occupe bien d'eux.

    - Je n'en doute pas, dit Werner.

    LeFaiseurDanges.pngTout le monde saisit cependant à quel point sa réponse était contrainte, sauf, manifestement, le docteur qui resta impassible. Toujours penché sur la nacelle, il rabattit la capote. Puis il détacha le tablier bleu et l'écarta. Les clients qui se trouvaient à quelques mètres firent un pas en arrière ou reculèrent leur chaise. Seuls ceux qui se tenaient derrière risquèrent un œil en se dressant sur la pointe des pieds, mais aucun ne parvint à regarder dans la nacelle.

    Vacillant un peu sur ses jambes, le docteur gardait le silence près de la table. Ses yeux fixaient le sol. On n'entendait plus un bruit si ce n'est le vieux ventilateur fixé au plafond. Dans ce silence gênant, Werner sentait tous les yeux fixés sur lui.

    - Hé, Werner, donne donc à boire au docteur, cria René Moresnet.

    Dans la main, le patron tenait un verre d'eau. Tout le monde suivit des yeux le verre qui passa de main en main ; en le prenant, le docteur adressa à Werner un hochement de tête poli.

    - Merci, dit-il, et il fit un pas de côté de sorte à ne plus gêner le passage : Je vous en prie, approchez-vous, Herr Bayer.

    Werner avança d'un pas hésitant.

    - Ils ne font pas de bruit du tout, observa-t-il. Ils dorment ?

    - Non, non, ils sont réveillés, répondit le docteur en jetant un coup d'œil à la nacelle.

    - Ooh...

    Avec mille précautions, Werner se pencha et crut distinguer le haut de la tête des bébés.

    - C'est des filles ? demanda-t-il.

    - Non, trois garçons.

    - Trois garçons, dit-il à son tour d'une voix lente et on l'entendit déglutir.

    Se glissant devant le docteur, il se planta à côté de la nacelle. En face, Florent Keuning lui décocha un clin d'œil. Après avoir brièvement redressé le coin droit de sa bouche, Werner adressa une nouvelle fois la parole au docteur :

    LeFaiseurDanges.png- Comment s'appellent-ils ?

    - Michaël, Gabriël et Raphaël.

    Un brouhaha s'éleva dans tout le café ; d'effroi, Freddy Machon s'écria, plus fort qu'il ne l'aurait voulu :

    - Les anges exterminateurs !

    Il était clair que le Doktor Hoppe ne savait au juste où regarder. Tentant de se donner une contenance, il but de l'eau à petites gorgées. C'est alors que Jacob Weinstein, auquel les mots de Machon avaient échappé, intervint.

    - Comme les archanges, n'est-ce pas, Herr Doktor ? Les messagers de Dieu, cria le sacristain, persuasif et comme désireux de faire étalage de ses connaissances bibliques.

    Le docteur opina du chef mais garda le silence.

    Toujours près de la nacelle, Werner s'impatientait. Il prit de nouveau la parole :

    - Quel âge ont-ils au fait, Herr Doktor ?

    - Presque neuf mois.

    Il tenta de souvenir de son propre fils à cet âge-là. De la taille qu'il avait. Tenta de se souvenir s'il avait déjà des dents.

    Mains dans le dos, yeux plissés, il se pencha tout doucement en avant. L'image qu'il avait gravée dans la tête le fit grimacer comme quelqu'un qui mord dans un aliment aigre. Planté derrière son comptoir, René Moresnet vit Werner ouvrir un œil puis l'autre. Ce dernier fit glisser à deux reprises son regard sur la nacelle, du haut vers le bas et du bas vers le haut. Puis son visage se rasséréna tout à fait.

    - Ah ! quelle surprise ! Ils se ressemblent tous les trois ! s'écria-t-il en poussant un soupir de soulagement.

    Par-dessus son épaule, il jeta un coup d'œil au docteur puis reporta une fois de plus son regard sur la nacelle.

    Doktor Hoppe hocha la tête.

    - Comme trois gouttes d'eau. Alors que personne ne m'en croyait capable.

    Des rires s'élevèrent, mais le visage du docteur restant impassible, beaucoup se demandèrent s'il fallait prendre sa remarque pour une boutade. Werner ne s'en soucia pas et invita les autres à approcher :

    - Allez, il faut pas rater ça !

     

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    L'AUTEUR

     

    CouvDeVerwording.gifStefan Brijs est né en Flandre (Genk) à la fin de l'année 1969. En 1999, il met fin à sa carrière d'enseignant pour se consacrer entièrement à la littérature. Faisant une belle place au réalisme magique, De verwording (Perdition, 1997), son premier roman, avait marqué les esprits et révélé un talent que viendront confirmer Arend (Aigle, 2000) et le court roman Twee levens (Deux vies, 2001) qui se déroule lors du soir de Noël 2000. Stefan Brijs a rendu hommage à plusieurs écrivains dans une série de programmes télévisés (Émile Verhaeren,  Ernest Claes, Alice Nahon, Willem Elsschot, le poète Herman De Coninck...) ainsi que dans de très beaux essais biographiques (sur les auteurs d'expression française et d'expression néerlandaise Neel Doff et André de Ridder ; sur les Flamands Jan Emiel Daele, Maurice Gilliams, Georges Hebbelinck, Richard Minne, N.E. Fonteyne, Gustaaf Vermeersch, Paul Kenis, Karel van de Woestijne, Ernest van der Hallen, René De Clercq, Victor J. Brunclair et Roger van de Velde ; sur les écrivains de la ville de Turnhout). C'est alors qu'il va toucher le grand public grâce au Faiseur d'anges vendu à plus de 100 000 exemplaires, couronné par plusieurs prix littéraires et traduitCouvBrijsVergeet.jpg dans une dizaine de langues. Depuis, l'écrivain travaille à une ambitieuse fresque romanesque qui conduira le lecteur en Angleterre à l'époque de la Grande Guerre. 

    Stefan Brijs admire les œuvres de Nabokov, Haruki Murakami, Maurice GilliamsLouis Paul BoonJeroen Brouwers ou encore celles de Richard Minne, un poète encore inconnu en France.

    D. Cunin

  • Barbe à papa

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    LE MONTREUR DE MONSTRES


    En un peu moins d’une vingtaine d’années, Erik Vlaminck, descendant des peintres August et Maurice Vlaminck, est devenu l’un des romanciers les plus marquants de la Flandre. Après avoir exercé plusieurs métiers et écrit divers textes plus ou moins « expérimentaux », de la poésie, du théâtre ou encore des nouvelles, il se lance dans l’écriture d’une fresque familiale dont les six volumes verront le jour entre 1992 et 2005. Ce tableau d’un siècle de vie flamande lui vaut une réelle reconnaissance. Entre juillet 2005 et juillet 2008, il travaille à un nouveau roman qui paraît aux éditions amstellodamoises Wereldbibliotheek : Suikerspin (Barbe à papa, 2008). La kermesse, déjà présente dans un de ses textes publié en 1980, y occupe une place majeure. Cette fois, l’écrivain ramasse en 300 pages la vie de quatre générations de forains : Jean-Baptist Van Hooylandt, son fils Albert, son petit-fils Arthur et son arrière petit-fils Tony (Antoine).

    CouvSUIKERSPIN.jpg

    Avec en toile de fond l’histoire de Joséphine et Anastasie Froidecœur, sœurs siamoises nées en France à la fin du XIXe siècle et mortes dans des conditions atroces après avoir été exploitées par Jean-Bapstist dans son barnum lors de kermesses à travers la Flandre ou encore dans un cirque en France, le roman, suivant une composition fragmentaire où on entend la voix de différents pr otagonistes, nous fait découvrir non sans humour et sens dramaturgique le destin de cette lignée d’hommes de peu qui, malgré les aléas du métier, restent viscéralement attachés à la vie foraine et en particulier à un vieux manège construit par Albert (ah ! la nostalgie du pompon qu’enfant on tentait d’attraper pour gagner un tour gratuit). La fête foraine permet à Erik Vlaminck de brosser une nouvelle fois le portrait de gens de basse condition sur la vie desquels pèse un lourd secret : si Jean-Baptist est parvenu à s’extirper de la misère en devenant montreur de monstres, il n’est jamais parvenu à extirper le monstre qui l’habitait. Ce monstre qui, un siècle plus tard, continue de hanter ses descendants.

    Le bâtonnet autour duquel Erik Vlaminck confectionne sa barbe à papa aux filaments bien plus amers que sucrés, enroulés en une magistrale pelote, c’est une vieille coupure de presse – coupure de 1911 mentionnant la mort d’une siamoise, dans laquelle un forain serait impliquée – sur laquelle il est tombé voilà bien des années. Se mettant lui-même en scène dans le roman, il tente d’éclairer Arthur sur le drame vieux d'un siècle, car Arthur a pour sa part une vision bien différente du passé de son grand-père, le fondateur de la dynastie.

    Si les événements qui se sont déroulés à la charnière des XIXe et XXe siècles occupent une place majeure du début à la fin du livre, la narration trouve un bel équilibre grâce à l’importance qu’accorde l’auteur à Arthur, un râleur de première – ou, comme certains ont pu le dire, un « Houellebecq flamand » – qui, dans une langue savoureuse et drôle, grossière et pleine d’outrance, passe au crible les tares de la société contemporaine.

    Barbe à papa, un sacré tour de manège... de 1874 à 2007. A Erik Vlaminck le pompon !





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