L’œuvre de Willy Spillebeen
Entre introversion et extraversion :
un entretien avec le romancier et poète flamand
La Lys en hiver
Styliste hors pair, Willy Spillebeen nous parle ci-dessous de certaines caractéristiques de son œuvre : l’importance de la mythologie et du paysage dans l’ensemble de ses romans comme dans sa poésie, les métaphores sur lesquelles il édifie la plupart de ses histoires, la place qu’il accorde à la vie et au témoignage de certaines personnes qu’il a croisées au cours de son existence… Nombreux sont ses livres qui s’arrêtent sur des périodes troublées de l’Histoire, explorant les enjeux du pouvoir à travers les thèmes de l’équité et de la violence, du bien et du mal, de l’idéologie et de la cruauté : la conquête de l’Amérique par les Espagnols (par exemple dans Le Jésuite anonyme), la Saint-Barthélemy (racontée par Bousbecque, alors au service de la reine de France, dans Busbeke of de thuiskomst), la révolution russe (Anastasia), les deux conflits mondiaux du XXe siècle (Une autre guerre, Amants en temps de folie, La Butte ou encore le roman jeunesse Serge/Samuel)…
Il arrive à Willy Spillebeen de situer l’action de ses romans dans le Nord de la France. Ainsi, Le Seigneur de Peuplingues, qui baigne dans une atmosphère digne d’un Simenon, évoque un procès retentissant, l’auteur reconstruisant en quelque sorte l’affaire Rohart. Il situe à Linselles, près de Lille, une autre affaire judiciaire remontant plus ou moins à la même époque (le court roman De nabestaande publié dans le volume Le Désir de consolation). À travers une relecture du poème The End of War de Herbert Read, Les Yeux d'or de Dieu (titre emprunté à un vers de Georg Trakl) nous fait revivre un drame qui s’est déroulé près de Valenciennes en novembre 1918, lors la dernière nuit de la Première Guerre mondiale : un officier allemand moribond va entraîner des centaines d’hommes dans la mort. La capacité de l’auteur à se glisser dans la peau de ce soldat qui vit ses dernières heures est pour ainsi dire hallucinante. D'ailleurs, l'agonie constitue la donnée de base de trois de ses autres œuvres : Cortés ou la chute (1987), Énée ou la vie d’un homme (1982) et enfin Bousbecque ou le retour (2000) qui décrit les dix-huit derniers jours de l'existence de l'humaniste flamand Ogier de Bousbecque (ou Busbecq), l'homme à qui l'on doit entre autres l'introduction de la tulipe et du narcisse en Europe.
Dans plus d’un de ses livres, l’écrivain approfondit une autre souffrance, celle que font subir les adultes aux enfants. Relatant lui aussi une histoire vécue, le court et magnifique roman Les Chiens de la Belle au bois dormant (couverture ci-contre) narre en trois tableaux d’une rare dureté trois années de l’existence d’une fillette désemparée par la séparation de ses parents et l’inconscience de sa mère. Là encore, les données que l’auteur emprunte à la réalité échappent à l’anecdotique grâce à une belle maîtrise de la composition. Dans Le Hasard, c’est un garçon de 4 ans qui se retrouve le jouet des « grands », en l'occurrence des représentants de l’administration (policier, magistrat, infirmières…). Pluche de mer se penche sur le destin d'un enfant un peu plus grand, un des boat people vietnamiens qui atterrit en Flandre.
L’intérêt que Willy Spillebeen a porté à l'Histoire et à certains auteurs de l’Amérique latine l’ont amené à écrire, outre des traductions d’œuvres de Pablo Neruda (entre autres le Canto General), des récits centrés sur les civilisations aztèque (Cortès ou la chute), maya (L'Enfer existe) et inca. D'autre part, un profond amour de sa région natale, marié à une prédilection pour le genre historique, l’a conduit à peindre l’existence de deux grandes figures flamandes : Ogier de Busbecq, déjà mentionné, et Guillaume de Rubrouck. Ce dernier, originaire d'un village situé près du mont Cassel, été un ami très proche de Louis IX, lequel l’avait envoyé en Mongolie vingt ans avant que Marco Polo ne s’y rende. De ce voyage, il a ramené une œuvre importante (Voyage dans l’empire mongol). Il aurait participé aux sixième et septième croisades et été prisonnier avec le roi à Mansourah. Guillaume aurait aussi assisté à la mort du souverain. Il a vécu un certain temps à Paris où il avait comme ami Roger Bacon.
vidéos de l'entretien accordé par Willy Spillebeen
le 30 janvier 2010
arrivée en Flandre occidentale par une belle journée hivernale
romans jeunesse, structure des romans, Les Yeux d'or de Dieu...
la métaphore à la base du roman,
l'écriture de l'Énée, l'impossible liberté
mythologie grecque, civilisation d'Amérique latine,
le paysage, l'humour
Emmanuel Looten,
la traduction (Romain Gary, Charles De Coster)
évolution littéraire, structure du roman,
dette à l'égard d'écrivains d'expression espagnole
Ogier de Busbecq, Guillaume de Rubrouck,
la Flandre et la Grande Guerre, la poésie
Faulkner, Yourcenar, Joyce, L.-F. Céline ;
une écriture qui marie classicisme et modernité
La Chasse au renard
L'un des romans majeurs de l'écrivain flamand, fresque épique du déclin de la terre natale des protagonistes, trois pères et trois fils qui évoquent leurs désillusions et la résistance acharnée qu'ils opposent à la fatalité ; le renard apparaît comme la métaphore de l'homme qui ne cesse, au cours de l'Histoire, d'être pourchassé sans jamais trouver un havre de paix. Quand la Flandre occidentale sert de cadre à une tragédie de dimension universelle.
ROMANS, RÉCITS & NOUVELLES
De Maanvis (Le Scalaire), Desclée de Brouwer, Bruges, 1966.
De Krabben (Les Crabes), Desclée de Brouwer, Bruges, 1967.
De Sfinks op de Belt (Le Sphinx sur le dépotoir), Manteau, Bruxelles, 1968.
Steen des Aanstoots. Een boek (Pierre d’achoppement. Un livre), Davidsfonds-De Standaard / Louvain-Anvers, 1970 (autobiographie romanesque).
Drie X Drempelvrees (Trois x La peur d’entrer), Standaard, Anvers, 1984 (trois nouvelles).
De Vossejacht (La Chasse au renard), Davidsfonds-De Standaard/Louvain-Anvers, 1979.
Herinneringen aan de Toekomst (Souvenirs du futur), Orion, Bruges, 1979 ; réédité sous le titre De Andere Oorlog (La Grande Guerre), Davidsfonds, Louvain, 1988.
Het goede Doel van het Geweld (La Bonne fin de la violence), Davidsfonds, Louvain, 1979.
Aeneas of De Levensreis van een Man (Énée ou la vie d’un homme), Manteau, Anvers, 1982, réédition Davidsfonds, Louvain, 1999.
Doornroosjes Honden (Les Chiens de la Belle au bois dormant), Manteau, Anvers, 1983.
De Varkensput (Le Puits aux cochons), Manteau, Anvers, 1985.
De Engel van Saint-Raphael (L’Ange de Saint-Raphaël), Manteau, Anvers, 1986.
Moeder is een Rat (Mère est un rat), Houtekiet, Anvers, 1986.
Cortés of De Val (Cortés ou la chute), Houtekiet, Anvers, 1987.
De Waarheid van Antonio Salgado (La Vérité d’Antonio Sagado), Houtekiet, Anvers, 1988.
Het Toeval (Le Hasard), Houtekiet, Anvers, 1989 (le titre a un double sens : à la fois hasard et crise d’épilepsie).
De Schreeuw van de Bunzing (Le Cri du putois), Houtekiet, Anvers, 1991.
In vele Staten - Amerikaans relaas (Dans tous mes États – Récit américain) Manteau, Anvers, 1992 (récit d'une année passée aux États-Unis).
De anonieme Jezuiet (Le Jésuite anonyme), Manteau, Anvers, 1992.
De Seigneur van Peuplingues (Le Seigneur de Peuplingues), Manteau, Anvers, 1993.
De ongestorven Doden (Les Morts qui ne sont pas morts), Manteau, Anvers, 1994.
Thersites of het Bordeel van Troje (Thersite ou le bordel de Troie), Manteau, Anvers, 1997 (théâtre, monologue).
God gouden Ogen (Les Yeux d'or de Dieu), Davidsfonds, Louvain, 1998.
Busbeke of de thuiskomst (Bousbecque ou le retour), Davidsfonds, Louvain, 2000.
De hunker naar troost (Le Désir de consolation), Davisfonds, Louvain, 2001 (deux courts romans et deux longues nouvelles).
De heuvel (La Butte), Davidsfonds, Louvain, 2003.
Minnaars in waanzin (Amants en temps de folie), Davidsfonds, Louvain, 2006.
Rubroeks reizen (Les Voyages de Guillaume de Rubrouck), Davidsfonds, Louvain, 2009.
Énée ou la vie d’un homme
le roman dans lequel Willy Spillebeen réécrit l'Énéide
ROMANS JEUNESSE
Hij is een Vijand en een Vriend, Brito, Anvers, 1970, réédité sous le titre Vijand en Vriend (Ami et ennemi), Berghmans, Anvers, 1984.
De Hel bestaat (L’Enfer existe), Manteau, Anvers, 1984.
Een Pluisje van de Zee (Pluche de mer), Houtekiet, Anvers, 1989 (réédition Davidsfonds/Infodok, Louvain).
Anastasia, Davidsfonds/Infodok, Louvain, 2001.
Het toeval (Le Hasard), Davidsfonds/Infodok, Louvain, 2003 (réédition en collection jeunesse du roman de 1989).
De muur (Le Mur), Davidsfonds/Infodok, Louvain, 2004.
Serge/Samuel, Davidsfonds/Infodok, Louvain, 2005.
Louis-Ferdinad Céline, personnage de roman
Dans le roman Het varkensput (Le Puits aux cochons), où la Première Guerre mondiale occupe une nouvelle fois une belle place, Willy Spillebeen aborde un épisode peu connu de la vie de Louis-Ferdinand Céline.
Le Puits aux cochons
ESSAIS
Pour être à peu près exhaustif, il convient de mentionner que Willy Spillebeen a également publié un certain nombre d’essais sur des poètes d’expression néerlandaise, en particulier les Flamands Jos de Haes (Desclée de Brouwer, Bruges, 1966), Hubert van Herreweghen (Desclée de Brouwer, Bruges, 1973), André Demedts (1974), Marcel Coole (1977) Luuk Gruwez (2003) et les Néerlandais Jan Hendrik Leopold (Orion, Bruges, 1978), Ida Gerhardt (Orion, Bruges, 1980) et Martinus Nijhoff (De Geboorte van het Stenen Kindje, Orion, Bruges, 1977). Mais l’un de ses premiers ouvrages, c’est bien à un poète flamand de France que Willy Spillebeen l’a consacré : Emmanuel Looten (1963).
L'étude consacrée à Emmanuel Looten
suivie d'un choix de poèmes en traduction néerlandaise
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