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théâtre - Page 2

  • Un poème de Bredero (1585-1618)

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    Un sonnet en français

      

    Bredero, poème, théâtre, Amsterdam, Pays-Bas, comédie

    Seul portrait connu de G.A. Bredero

    (gravure de Hessel Gerritsz., 1619)

     

     

    Fils d’un cordonnier relativement aisé d’Amsterdam, Gerbrand Adriaensz. Bredero a été surtout connu de son vivant comme auteur de théâtre. Sa comédie Spaanschen Brabander (Le Brabançon espagnol, 1617) est particulièrement savoureuse : « la pièce vaut par son réalisme intense. Adaptés ou inventés, les personnages sont pétillants de vie : petits vieux à l’esprit caustique, fossoyeur, fileuses babillardes, exempts à la main lourde… Chacun parle le langage qui convient […] Le comique revêt des aspects très variés, depuis la gaudriole jusqu’à l’humour le plus fin* ». « Il veut peindre le vice avec assez de relief pour le faire détester », a-t-on pu écrire à son sujet. Ce qui est sûr, c’est que l’Amstellodamois n’avait aucun rival dans le genre de la farce.

    Même s’il disait ne posséder que quelques rudiments de français : « een slechte Amstelredammer (die maar een weynich kints-School-frans in 't hoofd rammelde) », ceux-ci lui ont permis d’adapter en néerlandais la tragicomédie Lucelle de Louis Le Jars (1576), de traduire de la poésie, de s’inspirer d’une traduction française de L’Eunuque de Térence pour composer une de ses meilleures comédies : Moortje (La Petite Négresse, 1615) ou encore d’écrire le sonnet – certes pas forcément irréprochable – que nous reproduisons ci-dessous (extrait du volume posthume Groot Lied-Boeck).

     

    * Pierre Brachin, La Littérature néerlandaise, Armand Colin, 1962, p. 43-44.

     

    Bredero, poème, théâtre, Amsterdam, Pays-Bas, comédie

    Journal des Arts, des Sciences et de Littérature, 15 Messidor an 13

     

     

    SONNET

     

    Orsus Adieu Amour, adieu Espoir & Crainte,

    Vous troubleras non plus mon Ame ni mon Cœur.

    Alors, je prie toy mon Dieu & mon Sauveur !

    Allumez mon Esprit d’Amour devot & Saincte :

     

    L’Amour du Monde n’est que tromperie & fainte

    Leger & inconstant, vollant, & sans valeur,

    Sans rayson, sans Conseil, accompagnie de peur,

    En amitie faus, contrefaict par contrainte.

     

    Mays l’Amour de vertu est seulement fondée

    A l’unique de la Divine Trinitée,

    Qui gouverne le Ciel, qui gouverne la Terre !

     

    O Pere eternel scrivez avecq tes doicts

    Au millieu de mon Cœur, tes belles bonnes Loys,

    Que je t'en puis servir d’un amour volontaire.

     

     

    Bredero, poème, théâtre, Amsterdam, Pays-Bas, comédie

    page de titre d'un ouvrage posthume de Bredero (1621)

     

     

     

  • L'Antigone de Stefan Hertmans

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    Un passage de Mind the Gap

     

     

     

     

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    Stefan Hertmans, Mind the Gap,

    Amsterdam, Meulenhoff, 2000

     

     

     

     

    3. Le cri

     

    « le cadavre était invisible mais pas enterré »

    (Premier épisode)

     

     

     

    Antigone 

     

    Ne me laissez pas périr à cause de ça…

    L’odeur que je sens n’est pas de cette terre

    Et pourtant, on dirait que la terre, elle l’empoisonne

    Oui c’est la principale puanteur qu’elle dégage…

    On m’a dit qu’ils sont des milliers sous les ruines

    La chaleur accélère le dépérissement

    Parfois on entend un enfant il crie

    Qu’il ne veut pas rester enterré vivant.

    Parfois on en remonte un à la surface

    Après des heures et des jours passés à creuser

    Avec des cuillers et à farfouiller avec les doigts

    On libère une jambe

    Un bras meurtri est dégagé

    L’objectif des caméras se trouble à cause de la puanteur

    On a donné des leçons d’hébreu à un enfant

    Pour le distraire de la mort

    Il a dit les prières et les commandements

    Il a écouté les ordres qu’on lui donnait sans broncher

    Mais la terre n’enterre qu’elle-même

    Poussière qui est retournée à la poussière puante

    Une fillette prise jusqu’au cou dans les eaux d’égout

    A pleuré quand elle a compris ce que disait

    Un des soldats

    Quelques heures plus tard, elle perdait connaissance

    Et rêvait de la balançoire

    À l’ombre du noyer

    Elle a encore respiré pendant trente-six heures

    La poutre de béton la serrait tout doucement

    Comme les bras d’une maman, l’enfonçait

    Elle est revenue à elle une dernière fois et a dit non

    antigone,stefan hertmans,théâtre,traduction littéraire,flandre,belgique,lettres néerlandaisesMais personne ne l’a entendue

    La caméra était partie

    On est incapable de filmer la puanteur

    On est incapable de filmer la durée

    On est incapable de filmer les pensées

    On est incapable de filmer ce qui manque

    On voit des restes d’événements

    Parfois le vent amène une voix

    D’une cavité qui se rétrécit toujours plus sous la masse

    Des gens téléphonent en suppliant : sortez-moi de là

    On dit qu’ils sont des dizaines de millier

    À écouter les vibrations des pierres

    Couchés dans des cryptes apparues tout d’un coup

    Dans des salles et des grottes qui se sont formées en un clin d’œil

    Ils n’ont pas choisi

    D’être enterrés vivants

    Sous du béton qui ne vaut rien

    D’autres disent qu’on ne peut pas

    Laisser quelqu’un sans l’ensevelir

    Qu’il y a un garçon qui atteint dans sa fierté

    Est resté étendu sur la terre

    C’est son frère à elle, m’a-t-on dit

    Je le sais, ai-je répondu

    Je suis la femme qui a enterré son frère

    En dispersant une fine couche de sable sur lui

    Comme si je le salais avec amour pour le conserver

    J’ai jeté du fin sable grec comme ceci

    Ayant pris une poignée de poussière

    Je l’ai frottée entre pouce et index

    Tout en bougeant gracieusement le bras

    Au-dessus du corps en putréfaction

    C’était le matin et dans les collines et les rochers

    L’odeur du thym et de l’écorce chaude s’amplifiait

    Mais recouvrant tout l’ouragan

    De l’odeur du cadavre a resurgi

    On pensait que c’était la faute du vent

    Mais le vent ne saurait déposer

    Une aussi fine pellicule de sable

    Le même vent qui chasse le sable à peine déposé

    Il se retrouvait nu pour la deuxième fois

    Ce corps tant aimé dégageait

    Sous le soleil de midi

    Une puanteur pestilentielle

    antigone,stefan hertmans,théâtre,traduction littéraire,flandre,belgique,lettres néerlandaisesDes oiseaux vomissaient juste au-dessus

    Le vieux devin criait comme une pie

    Moi, la fille au poignet souple

    Je salais je salais

    En une seconde, le vent a chassé l’invisible

    Je me suis cachée de crainte

    Que la puanteur ne m’atteigne moi aussi

    Les anciens disent qu’il y a eu un ouragan

    À midi

    Soleil au zénith plus l’ouragan

    Et la lune passe devant le soleil

    J’ai compris que cela devait arriver

    J’ai compris que l’adieu à la vie

    Avait déjà pris possession de moi

    Je me suis levée ai hurlé comme une hyène

    Les leçons de la mort

    S’inscrivaient dans mon corps

    Agrapta nomina, agrapta nomina

    J’ai scandé ces mots ai repris la direction

    Du lieu maudit

    Lieu de putréfaction pestilentielle

    Les vers et les scarabées en vomissaient

    Le coyote étourdi de dégoût

    S’est approché de moi

    La loi non écrite

    M’avait sous sa coupe

    Quand le vent fut retombé

    J’y suis retournée

    Droite comme quelqu’un qui est en transe

    En face de tous ceux qui voulaient me voir

    J’ai pris une nouvelle poignée de terre

    Je l’ai répandue ai failli vomir

    Ivres les mouches vrombissaient

    Autour du cadavre non embaumé qui empestait

    Ailes bleues vrombissantes et pattes

    Ténues, et quelque part là-dedans, des yeux

    Et dans ces yeux des yeux.

    Un abîme d’yeux

    Qui ne pouvaient me voir.

    Un aveugle affirme qu’un chien avait arraché une main

    Un autre a dit qu’un vautour s’était posé sur le corps

    Avait donné des coups de bec au niveau du cœur

    Quelqu’un a dit que les yeux s’étaient

    Enfoncés un peu plus

    antigone,stefan hertmans,théâtre,traduction littéraire,flandre,belgique,lettres néerlandaisesDans les orbites

    Dans une bouillie qui défie les dieux

    Et que quelqu’un avait embrassé tout cela

    Embrassé et vomi

    Les soldats qui gardaient le cadavre

    Avaient mis un mouchoir devant leur bouche

    Entre les édifices effondrés

    On entendait un chien hurler

    Ou était-ce la sirène de la police

    Ils étaient des milliers à attendre les bulldozers

    Qui n’arrivaient pas

    On chancelait on dégueulait

    On cherchait on criait des noms

    Enterrez-moi avec ceux qui ne sont pas enterrés

    Libérez-moi dans cette grande tombe

    Obscurité

    On m’a donné une torche

    Un peu d’eau un peu de pain

    Il suffit d’un mot pour

    S’opposer aux dieux

    J’ai crié : Non

    Non

    Je ne l’ai pas crié

    Je l’ai vomi

    Le cri a traversé palais

    Bureaux de police

    Est arrivé jusqu’au parlement

    On transpirait on desserrait des nœuds de cravate

    On interpellait on répliquait

    Une fille peut-elle faire vaciller la république

    Un seul oiseau peut-il obscurcir la nuée céleste

    On a proposé des amendements

    On a fait des contre-propositions

    La puanteur a fait tomber le gouvernement

    Les fondations du palais de justice se sont fissurées

    Un avocat s’est retrouvé enterré vivant

    Sous six cent mille pages de dossiers

    antigone,stefan hertmans,théâtre,traduction littéraire,flandre,belgique,lettres néerlandaisesLes gens ont acheté des lunettes

    Pour regarder le soleil

    Mais le soleil a disparu

    La puanteur peut-elle gagner les étoiles ?

    Le soleil peut-il lui aussi empester ?

    Éclipse. Du vent en pleine canicule.

    Toutes les planètes prises de nausée.

    Une lune à deux doigts de vomir.

    Quiconque sait lire les signes

    Sait qu’un seul oiseau peut obscurcir le firmament

    J’ai crié : Non

    NOOOOOOOOOOOOOOOOOOON !!

     

    La petite fille morte sous la poutre de béton

    A ouvert les yeux et entendu

    Le dernier mot non entendu

    Répercuté mille fois dans la ville

    Mais moi qui suis née

    Pour être contre tout et tous

    Je me suis avancée vers ma mort

    Je devenais l’égale des dieux

    On s’écartait à mon passage

    En tenue de combat, bien droite,

    Fusil sur l’épaule, c’est comme ça

    Que j’ai marché sur la ville en ruine

    Oh et j’étais contre

    Comme personne avant moi

    Contre tout et tous

    L’odeur de cadavre paraissait de la colle

    Elle liait les choses entre elles et les gens entre eux

    Elle a fait rentrer le temps dans son enveloppe

    Elle a ôté aux animaux leur intelligence

    Aux gens leur souffle et leur langage

    La mort a détourné la tête de dégoût

    Il fallait faire quelque chose

    Que quelqu’un l’enterre

    Un geste de la main un haut-le-cœur des pleurs

    Et un autre non crié au firmament

    Crié par quelque chose en moi

    antigone,stefan hertmans,théâtre,traduction littéraire,flandre,belgique,lettres néerlandaisesDe plus grand que ma vie

    Et une fois la paroi

    De puanteur traversée

    J’étais libre

    Tout d’un coup je pouvais respirer

    S’il paraissait enterré

    Le cadavre était toujours visible

    La puanteur devenait l’air que je respirais

    Des soldats m’ont attrapée ont essayé

    De faire ce que font les soldats

    Quand ils tombent sur une femme seule

    Mais j’étais hors de moi je me suis contentée de regarder

    J’étais rayonnante et je puais

    Un tel crève-cœur que le silence est tombé sur la ville

    On entendait les maisons s’affaisser

    De gros nuages de poussière s’élevaient au ralenti

    À l’horizon

    Comme une poudroyante fumée

    De mort vivante

    Personne ne m’a touchée

    On a cherché une grotte pour m’y mettre

    Une grotte pareille à un palais

    Digne de la reine de la nuit

    Un monde en ruine a enveloppé

    Mes épaules et j’ai attendu

    Que mon jeune corps s’habitue

    À la puanteur qui approchait

    Qui allait m’unir à lui

    Un silence est alors descendu sur le monde

    Comme si le premier jour devait recommencer

    Il y avait une lumière irréelle

    Et personne n’était capable de respirer

    L’air qui m’environnait.

     

    antigone,stefan hertmans,théâtre,traduction littéraire,flandre,belgique,lettres néerlandaisesTourne la tête avec mépris

     

    Vingt siècles plus tard

    On ose encore appeler cela pureté.

     

    Mnémosyne 

     

    Le vieux devin était assis

    À sa place habituelle – là

    Où les oiseaux se réunissent,

    Petits et grands, où on peut les voir

    Bouffer, jurer, se prendre le bec

    Du savoir.

    Il a entendu un boucan bizarre,

    Une rage inintelligible.

    Il savait qu’ils étaient en train

    De s’étriper, il l’entendait

    Au battement de leurs ailes.

    Oiseaux.

    Je ne les connais que trop bien.

    Assoiffés de sang, le bec grand

    Ouvert, ils séduisent les gens

    Avec des pensées

    Pareilles à un beau chant.

    Il n’y a pas de prophéties

    Dans leurs entrailles.

    Ce peuple a été fou

    De croire en ses devins.

    Leurs femmes ont tout raconté

    Et ont été exécutées.

    Quiconque comprend ce qui se passe,

    Ne perçoit que des atrocités

    Dans la gorge des oiseaux,

    Des gueulements, bien trop forts

    Pour des bestioles pareilles

    Qui s’empiffrent de pâture vivante,

    Qui ont des lèvres de pierre et d’os,

    Qui de leurs yeux farouches et de leur gorge atroce

    Ne cessent d’attenter à la vie les uns des autres.

    Oiseaux. Le rêve d’hommes

    Qui ne savent pas voler

    Et qui ne désarment pas de l’apprendre.

    …………

    antigone,stefan hertmans,théâtre,traduction littéraire,flandre,belgique,lettres néerlandaisesLe vieil aveugle a peur et vite il cueille

    Quelques oiseaux, comme ça,

    Dans le ciel, autour de sa tête.

    Il les apporte à l’autel des sacrifices,

    Les pose sur le feu et tâte.

    Le vieux se trahit alors ; il dit :

    « On ne voit pas de flammes »

    On ne voit pas, lui, lui et ses yeux aveugles :

    Il dit : on ne voit pas,

    Alors qu’il lui est impossible de le savoir.

    Et qu’est-ce que ce vieux cochon a fait ?

    Fermé les yeux pendant quarante ans

    Pour mieux nous voir tous et toutes ?

    Sur la cendre, la graisse languide

    Des jarrets fondait ; ça fumait

    Et la graisse giclait tout autour.

    La bile a giclé bien loin,

    Le foie a explosé comme un tonneau d’huile

    Et les poumons ont éclaté comme

    De la bouillasse écumante.

    Ça chuinte, ça suinte, ça pue, les oiseaux

    Parlaient leur propre langage.

    Le vieil aveugle l’a vu et s’est raidi.

    Les os étaient à nu une fois

    Que la graisse eut fondu.

    Le vieux a alors avoué devant

    Thèbes réunie :

    « Les viscères consacrés se sont consumés

    Sans fournir de présages. »

    C’est ce qu’il a dit, mais Antigone était déjà morte.

    Pendue bien haut dans la grotte

    Tel un oiseau prisonnier, elle avait attaché

    Ses pattes avec ses cheveux coupés ;

    Elle avait enfoncé son épingle à cheveu

    Dans ses pieds, avait senti la plaie gonfler

    Et dit :

    Papa, je viens, je viens.

    …………

    Quelqu’un a teint ses dernières paroles en rouge.

     

    Antigone 

     

    Vomi ; essuie ses larmes ; puis, allongée, fixe la voûte de la grotte. 

     

     

     

    une lecture d'Antigone, premier volet de Mind The Gap,

    a eu lieu le 11 juillet 2005 à Avignon dans le cadre du Festival

     

     

     

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    Stefan Hertmans, Het zwijgen van de tragedie,

    Amsterdam, De Bezige bij, 2007 (recueil d'essais sur la tragédie)

     

     

  • Née rue de Flandre à Gand

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    Suzanne Lilar, entretien (1979)

     

     

    Lilar1.pngUn documentaire de la R.T.B.F. intitulé Au-delà de l'apparence, réalisé par Jean-Marie Mersch et Joseph Benedek, qui laisse la parole à la femme de lettres gantoise Suzanne Lilar. Si le son et l'image ne sont pas de très bonne qualité, les propos sont énoncés dans une langue magnifique. Où il est question du féminin et du viril, des contraires, de théâtre, du trompe-l'oeil, de la mystique, d'Héloïse et de Hadewijch, de l'amour et de la chasteté, de l'extase et des mo- ments privilégiés, de la Flandre, de la poésie, de Gand, de l'oerwoet... C'est vers la fin de l'entretien que Suzanne Lilar évoque son enfance et la Flandre.

     

    Mais d'abord une brève présentation de l'auteur et de l'oeuvre suivie des premières minutes d'un entretien avec Laurence Cossé au cours d'une émission de Radio France Culture du 29 septembre 1983.

     

     

     

    Lilar3.png

     

     

    Lilar2.jpg

    document : Archives et Musée de la littérature, Bruxelles

     

     

  • Vondel

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    Joost van den Vondel (1587-1679)

    par J.A. Alberdingk Thijm

     

     

    Tu es, ô Vondel, l'étoile du Nord la plus belle qui brille en ton ciel.

         Jacint Verdaguer     
     

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    couverture de la biographie consacrée à Vondel par Piet Calis

     

    Petite évocation de l'un des plus grands écrivains hollandais du passé, Vondel, à travers un texte de Josephus Albertus Alberdingk Thijm (1820-1889). Ce patronyme difficile à prononcer pour un Français était celui d'un érudit du XIXe siècle qui, de son vivant, a exercé une énorme influence. Dans son immense production, on relève d'ailleurs un ouvrage consacré au poète du Siècle d'or : Portretten van Joost van den Vondel (1876). J.A. Alberdingk Thijm était le père d’un Tachtiger, l’écrivain Lodewijk van Deyssel (1864-1952). Il a collaboré à plusieurs revues françaises et publié, dans notre langue, De la littérature néerlandaise à ses différentes époques (1854). Les chapitres de ce livre avaient paru peu avant dans une revue néerlandaise dont les premiers numéros étaient entièrement rédigés en français : L'Astrée. C'est au deuxième volume de cette publication, celui de l'année 1842, que sont empruntées les pages (p. 49-50) ci-dessous. Il existe plusieurs traductions et adaptations des pièces de Vondel dont une que l'on doit à Jean Giono : Joseph à Dothan. La pièce avait alors été jouée au théâtre d'Orange.

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    Avant Giono, un autre grand Provençal avait été invité à goûter du vers de Vondel : « Le 17 Novembre, Amsterdam solennisera le troisième centenaire de la naissance de Vondel, le plus illustre poète du Siècle d’or de la Hollande. En même temps que sa littérature nationale, dont cette fête est comme une consécration, trois lyres étrangères ont été conviées à célébrer le Dante néerlandais, Frédéric Mistral pour la France, Jacinto Verdaguer pour l’Espagne, et Alexandre Baumgartner pour l’Allemagne. Vondel a chanté, en quatre grands poèmes, tout le système de la Révélation divine dans le drame de l’humanité. Il a trouvé avant Milton ses deux chefs-d’œuvre : son Lucifer, son Adam en exil, – la preuve historique en est faite. – Enfin son théâtre, dont une défense, la première, de la reine Marie Stuart, ainsi que ses vers lyriques et ses satyres, sont encore populaires dans son pays... Mais c’est surtout parce qu’il a formé, épuré et rendu classique la langue poétique de la Hollande, cet idiome glorieux qui ne veut pas mourir, c’est parce qu’il a compris et ennobli le parler de sa race, que les deux plus grands poètes du Félibrige, Mistral et Verdaguer, honoreront l’Altissimo poeta du Parnasse néerlandais. » (Paul Mariéton, La Revue félibréenne (1887-1888), I, Paris, 1888, p. 48). Le futur prix Nobel répondra à M. W.J. Brouwers, membre de la Commission pour le centenaire de Vondel : « Toutes les fois qu’un peuple, s’arrachant aux préoccupations du jour et aux dissensions misérables qui divisent les hommes dans tous les pays, s’élève, d’un essor unanime, vers l’admiration de la vertu ou du génie, toutes les sympathies humaines, de près comme de loin, s’unissent à la fête. Dans le siècle le plus glorieux de votre histoire, Vondel a eu l’insigne gloire d’interpréter magistralement, dans la langue de sa race, les enthousiasmes religieux, patriotiques et poétiques de sa race ; et tous ceux qui gardent au cœur le culte de l’idéal, saluent avec respect la mémoire du poète que la Néerlande honore, et les vrais patriotes qui célèbrent en chœur sa commémoraison. La poésie de Provence sympathise d’ailleurs avec la Hollande d’autant plus volontiers que le nom le plus illustre de l’histoire hollandaise, celui des princes d’Orange, est d’origine provençale, et nous n’avons pas oublié que les plus hauts ancêtres de vos stathouders et rois, qui, au XIIIe siècle, régnaient aux bords du Rhône, dans la cité d’Orange, avaient fait de leur cour un foyer littéraire pour notre langue d’oc. Les princes Raimbaut d’Orange et Guilhem d’Orange comptent même au nombre de nos troubadours célèbres. Je suis heureux, monsieur, que le centenaire de Vondel m’ait fourni l’occasion de rappeler aux bons Hollandais ce trait d’union de nos souvenirs héroïques, et je vous prie de m’excuser si la proximité de vos fêtes ne m’a pas permis de mettre en rimes provençales l’expression de mes sentiments très cordiaux. » (F. Mistral, La Revue félibrénne (1887-1888), I, Paris, 1888, p. 94.)

     

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    des éditions originales (1640 à 1659)