Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

roman - Page 8

  • Épître à Storge

    Pin it!

     

    Quand La Revue de Hollande

    accueillait

    O.V. de Lubicz Milosz

     

    milosz,la revue de hollande,francis de miomandre,poésie,roman,willem frederik hermans

     

    En janvier 1917, soit un an environ après avoir publié les premiers poèmes d’Antonin Artaud, La Revue de Hollande offre (p. 659-671) à ses lecteurs un très grand texte, signé

    Oscar Vladislav de Lubicz Milosz. Dans Ars Magna, ce dernier dira à propos de ces pages : « Étranger aux mathématiques, en publiant dès janvier 1917 mon Épître à Storge, je n’étais donc qu’un annonciateur métaphysique de la théorie de la Relativité généralisée, dont j’ignorais à cette époque le premier mot et en qui je saluai, quelques années plus tard, moins une confirmation du résultat de ma méditation de vingt années sur la matière, l’espace et le temps, que l’aube d’une ère nouvelle et merveilleuse de l’esprit. »

    milosz,la revue de hollande,francis de miomandre,poésie,roman,willem frederik hermansD’abord intitulée « Lettre à Storge », cette Épître, tout comme le poème dialogué La Confession de Lemuel (1922), revient sur la nuit d’illumination que le poète a vécue en 1914 : « Le quatorze Décembre mil neuf cent quatorze, vers onze heures du soir, au milieu d’un état parfait de veille, ma prière dite et mon verset quotidien de la Bible médité, je sentis tout à coup, sans ombre d’étonnement, un changement des plus inattendus s’effectuer par tout mon corps. Je constatai tout d’abord qu’un pouvoir jusqu’à ce jour-là inconnu, de m’élever librement à travers l’espace m’était accordé ; et l’instant d’après, je me trouvais près du sommet d’une puissante montagne enveloppée de brumes bleuâtres, d’une ténuité et d’une douceur indicibles. » « Désormais l’écriture a[ura] pour Milosz une mission initiatique. »

    Dans la livraison de juin 1916, alors que l’Épître à Storge n’était pas encore écrite, La Revue de Hollande avait présenté Milosz à travers une trentaine de pages de Francis de Miomandre (1). Quelques généralités sur les origines et les pérégrinations du Slave, sur son choix d’écrire en français puis diverses considérations relatives aux étapes de son évolution :

    - L’adolescence : Le poème des décadences (1899) : « Nous avons ainsi chacun de notre prime jeunesse gardé quelque souvenir essentiel dont le regret, symbole de tous nos désirs irréalisables, finit par rester seul au milieu du désert de nos illusions. Mais jamais je n’ai vu comme chez M. Milosz ces images primordiales prendre une place aussi importante, au point de diriger toute une partie de sa vie, au point de devenir le leit-motiv le plus constant et le plus pathétique de son inspiration. » (p. 1415)

    - La jeunesse : Les Sept solitudes (1906) : « M. O.-W. Milosz n’a jamais rien dit qui ne fût arraché de lui-même par une irrésistible nécessité organique. C’est un des plus purs tempéraments de poète que je connaisse. » (p. 1418)

    milosz,la revue de hollande,francis de miomandre,poésie,roman,willem frederik hermans- L’éveil mystique : L’Amoureuse initiation (1910) : à propos de ce livre fascinant, F. de Miomandre écrit : « Le sujet du roman ? car c’est un roman. Oh ! peu de chose. Un homme, d’un certain âge, s’éprend d’une femme très indigne de lui quoique d’une beauté ravissante, très vile, et qui le trompe et le bafoue, et avec laquelle il descend en complice et même parfois en corrupteur jusqu’aux abîmes de la folie sensuelle. Voilà le sujet apparent, le prétexte pour ainsi dire. Mais le sens second est tout différent. Il est d’un autre ordre : et ce n’est rien moins que la théorie même de la mysticité. Le mot amour en effet y est pris dans le sens purement idéal où l’entendent les mystiques. Un homme aime une femme, fervemment, dans l’absolu, comme on aime une idée, comme on aime Dieu. D’ailleurs, il le confond avec une idée, – avec Dieu. » (p. 1422)

    - L’oasis panthéiste : Les Éléments (1911) : « … le panthéisme de M. Milosz n’a de rapport que verbal avec celui par exemple d’un Parnassien. Ce n’est pas une notion philosophique, c’est un sentiment, une communion passionnée, où la conscience individuelle, au lieu de se contracter, se propage. Et c’est d’une très émouvante beauté ». (p. 1427)

    - L’œuvre littéraire : Les traductions (poètes anglais, allemands, russes et polonais).

    - Le drame de l’ascétisme : Miguel Mañara (1913) : « Je me rappellerai longtemps la soirée où fut représenté le premier drame de M. de Lubisz-Milosz : Miguel Mañara. […] Cela se passait à Paris, chez Madame Adenkhoven (2), une dame de Hollande, passionnée d’art et de littérature qui prêtait généreusement son hôtel aux manifestations esthétiques tentées par une courageuse et fervente petite troupe d’acteurs : Le Théâtre Idéaliste, sous la direction d’un jeune poète plein d’ardeur : M. Carlos Larronde. […] le roman du désir de Dieu est devenu le drame de l’amour divin ».

    storge17.png- La trilogie de l’illumination : Méphiboseth et Saul de Tarse (1914) : deux pièces – dont la seconde, écrite en vers de quatorze pieds, est inédite – qui s’inscrivent dans le prolongement de la précédente : « […] plus encore que dans Miguel Mañara s’affirme l’acquiescement à l’ordre universel qui est la caractéristique la plus essentielle du vrai mysticisme. On n’avait je pense jamais projeté de lumière plus magistrale sur ce mystère du mal conditionné dans la fatalité du Bien. Au cri du moine espagnol répond la voix de l’initié hébreu. » (p. 1439).

    - Le regard en arrière : Symphonies (1915) : « cinq poèmes seulement mais tellement purs, tellement humains, tellement douloureux que les larmes en montent aux paupières. Je ne connais rien d’analogue dans la littérature contemporaine ». (p. 1439-1440)

    Terminant son étude agrémentée d’assez nombreux extraits de l’œuvre, Francis de Miomandre écrit : « J’ignore ce que fera désormais M. Milosz, ni quel cycle nouveau, celui-là fermé, il pourra parcourir. Mais d’ores et déjà son œuvre est assurée contre le temps. Elle ne peut que grandir dans l’admiration des hommes. Elle sera plus tard, dans l’harmonie de toutes ses parties, pour les amants de la poésie vraie, un monument magnifique, et pour les mystiques, dans la haute signification de tous ses aspects, une œuvre annonciatrice. » (p. 1441)

    Ce qu’a fait le futur représentant de la Lituanie à Paris juste après, on pourra le lire ci-dessous. Si O.V. de Lubicz Milosz a pu être découvert à l’époque par un certain nombre de Néerlandais grâce aux efforts de La Revue de Hollande, publiée rappelons-le à Leyde, s’il a été accueilli dans l’hôtel particulier d’une Hollandaise établie à Paris, il est resté jusqu’à aujourd’hui un quasi inconnu aux Pays-Bas, même s’il y a semble-t-il reçu un accueil enthousiaste de la part de quelques poètes lors d’un séjour antérieur à la Grande Guerre. En 1920, le journal De Nieuwe Arnhemsche Courant a reproduit un de ses articles politiques sur la Lituanie considérée comme un rempart contre le bolchévisme. Pour le reste, le romancier Willem Frederik Hermans est l’un des rares à s’être intéressé de près à son œuvre : il a traduit certains de ses poèmes, dont « La berline arrêtée dans la nuit » (3) et lui a consacré un essai (4). 

    D. Cunin


    storge0.png(1) Milosz a écrit en collaboration avec Francis de Miomandre Le Revenant Malgré Lui, comédie en trois actes (présentée par Yves-Alain Favre, Cahiers de l’association des amis de Milosz, n° 23-24, André Silvaire, Paris, 1985).

    (2) S’agit-il bien de l’orthographe exacte ?

    (3) Zeven Gedichten van O. V. de L. Milosz (Sept poèmes de O.V. de L. Milosz), Ams- terdam, Cornamona Pers, 1981. Dans un entretien publié en 1983, W.F. Hermans, alors qu’on lui pose une question sur Milosz, le prix Nobel, répond : « C’est moi qui ai découvert en Hollande l’oncle de Milosz. Un très grand poète : O. V. de L. Milosz, un oncle du prix Nobel. Un très grand homme. Complètement fou, mais très grand. Personne n’en avait entendu parler en Hollande. Je suis tombé par hasard sur une de ses plaquettes de vers et l’ai traduite dès 1944. C’est-à-dire que j’ai traduit quelques poèmes puis deux ou trois autres à une période ultérieure. Ce genre d’écrivains que personne ne connaît, c’est devenu un peu mon violon d’Ingres, mettre l’accent sur eux, par exemple sur ce Milosz. » À l’automne 1944, Hermans est rentré un jour chez lui avec le recueil Poëmes, préfacé par de P.-L. Flouquet (1939) ainsi qu’un numéro des Cahiers Blancs consacré à Milosz. 

    (4) « De tastbare metaforen van O.V. de L. Milosz » (Les métaphores tangibles de O.V. de L. Milosz) date de juillet 1977. Il a été écrit à l’occasion du centième anniversaire de la naissance du poète et de l’exposition organisée alors à la Bibliothèque nationale. On peut y lire cette phrase : « À mon sens, le cycle Symphonies (1915) pourrait certainement figurer un sommet de n’importe quelle littérature. »

     

     

    storge1.png

    storge2.png

    storge3.png

    storge4.png

    storge5.png

    storge6.png

    storge7.png

    storge8.png

    storge9.png

    storge10.png

    storge11.png

    storge12.png

    storge13.png

     

     

  • L’Énéide revisitée

    Pin it!

     

    Un chef-d’œuvre des lettres flamandes

     

    énée,virgile,butor,giono,énéide,flandre,roman,willy spillebeen,héros,antiquité,mythes

     

    Dans Énée ou la vie d’un homme (Aeneas of de levensreis van een man, 1982, rééd. 1999), le romancier Willy Spillebeen propose, en douze chapitres, une réécriture de l’Énéide du point de vue d’Énée, à la fois « je », « tu » et « il » au sein de la narration : « Moi, ou bien est-ce toi, toi qui m’est étranger, ou moi, Énée, ou bien encore lui, cet autre, je ne sais, je ne sais pas qui je suis, qui tu es ni qui il… Lui, Énée, lui la légende, les mensonges… ». Énée a perdu sa voix, son corps ne lui obéit plus. Allongé sur sa couche, il n’est plus que souffrance. Même ouvrir les yeux lui est devenu un supplice. La mort ne saurait tarder. À ses côtés, il a encore sa fille Elissa, Elissa qu'il confond presque dans son amour avec Didon. De nombreux souvenirs lui reviennent, de nombreux fantômes aussi et des courses ensanglantées à dos de cheval. On comprend pourquoi il s’est distancié de son père Anchise auquel il réservera tout de même de dignes obsèques. Le moribond revit aussi ses amours - par exemple avec Créuse qui lui a donné un fils, Ascagne - et sa carrière militaire : blessé, il choisit Théodore, lequel lui ressemble comme deux gouttes d’eau, pour le remplacer ; les actions héroïques de ce dernier seront attribués à Énée. Par devoir, Énée a renoncé à Didon et épousé Lavinia. Villages détruits et villes à édifier réapparaissent dans l’esprit de l’homme qui agonise. Alors que son existence prend fin, il laisse justement une cité qui est en cours de construction. Entre les drames qu’il a traversés se glissent malgré tout des parenthèses gaies, des instants de bonheur même si « l’homme n’est pas fait pour le bonheur, mais pour exercer sa curiosité ». Doutes sur ses ascendances divines, attirance pour le beau périssable, fait de terre, de chair et de sang, liens d’amitié qu’il est parvenu à tisser, furieuse passion des sens, ce ne sont là que quelques-unes des facettes qu’Énée explore, facettes de l’homme qu’il a été, qu’il a cru être au-delà de la légende avant d’enfin naître, à travers la mort, à une nouvelle vie : « Énée naît pour de bon… je meurs… je suis libre. » 

    énée,virgile,butor,giono,énéide,flandre,roman,willy spillebeen,héros,antiquité,mythes

    P.-N. Guérin, Énée et Didon, 1815 

     

    Mme Perrine Galand-Hallyn a évoqué Énée ou la vie d’un homme lors de plusieurs cours et conférences : « Le roman de W. Spillebeen apparaît comme une réécriture de l’Énéide du point de vue d’Énée. C’est l’une des rares réécritures centrées sur ce personnage, le plus souvent ce sont l’amour de Didon, la descente aux Enfers ou encore le voyage initiatique (par exemple dans La Modification de Michel Butor) qui ont été privilégiés (voir la thèse de Seuret-Deran, Le Personnage d’Énée dans la littérature française, 2001). Le travail de Spillebeen est ici, par certains aspects, comparable à celui de Giono dans Naissance de l’Odyssée : ces deux œuvres ont en commun la déconstruction systématique du mythe héroïque. Giono a montré comment l’histoire d’Ulysse s’est construite malgré lui, gommant ses erreurs et ses maladresses. Willy Spillebeen place dans la bouche d’Énée la même dénonciation des valeurs héroïques. Il opère ainsi une relecture “alexandrine” de l’Énéide : il s’inscrit en quelque sorte dans la lignée d’Ovide (comme de ses suiveurs antiques et modernes), qui a probablement cherché lui-même à démythifier dans ses œuvres l’idéologie mise en place par l’empereur Auguste, en opérant une “réduction épique”, c’est-à-dire une critique des valeurs collectives, une réutilisation à rebours ou décalée des thèmes de l’épopée, ainsi qu’une modification du point de vue de l’énonciation, de l’objectivité à la subjectivité.

    P. Lepautre, Énée  portant Anchise, 1716, Le Louvre

    énée,virgile,butor,giono,énéide,flandre,roman,willy spillebeen,héros,antiquité,mythes« Le roman de Spillebeen est symboliquement composé de douze chapitres. Il s’ouvre sur les angoisses d’Énée agonisant, victime d’une crise cardiaque (tout aussi symbolique). Dans un flash-back, le “héros” revoit tous les épisodes de sa vie qui ont été travestis par la légende (et l’Enéide), et dévoile ses échecs, de sorte que la “morale” virgilienne de tous les épisodes s’en trouve déconstruite. Anchise apparaît lâche, violent, autoritaire. Énée déteste la guerre et les armes (pendant la guerre de Troie, il est blessé et Théodore, un guerrier revêtu de son armure, accomplit ses exploits à sa place, comme Patrocle l’avait fait pour Achille), il ne croit ni aux dieux ni au surnaturel (sa mère est non Vénus, mais une simple bergère morte en couches). Ses sentiments pour Créuse et Lavinia, et même pour Ascagne, sont ambigus. Son seul amour aura été Didon, et l’ensemble du roman est structuré autour de cet amour, infiniment préférable à toute mission collective. Spillebeen, à travers ce roman qu’il a reconnu comme autobiographique, règle ses comptes avec la figure paternelle, la religion, le devoir. » (source)

    L'auteur en août 2009

    énée,virgile,butor,giono,énéide,flandre,roman,willy spillebeen,héros,antiquité,mythesL’écrivain flamand s’est montré à la hauteur de son ambitieux projet : il est parvenu à trouver une structure originale pour faire revivre les Troyens et Énée au sein d’un univers soutenu par des descrip- tions à la fois expressives et élégantes. Mariées à la beauté de l'écriture, l’intensité et la densité de la narration confèrent à ce roman une dimension intemporelle.  (DC)

     

     

  • La Maison dans la dune (1932)

    Pin it!

     

    Le premier roman

    de Maxence Van der Meersch

     

     

     

    Natif de Roubaix, Maxence Van der Meersch (1907-1951) a été un romancier très populaire dans les années cinquante. Dans ses œuvres, il lui arrive de brosser avec délicatesse les paysages de la Flandre. L'action de La Maison dans la dune (1932), son premier roman, dans lequel certains ont vu « une toile de Teniers ou de Jordaans » (Albert Goossens), d’autres une création vériste, se déroule à Dunkerque et dans les environs de cette ville, à un jet de pierre de la mer, de part et d’autre de la frontière belge. C’est là que les passeurs de tabac tentent d’échapper aux douaniers. On assiste à la confrontation entre deux hommes : Sylvain, ancien boxeur, qui passe du tabac de Belgique ou en fait passer à Tom le chien, et Lourges, homme vaniteux, qui dirige une brigade de douaniers. L’enjeu : Germaine, ancienne prostituée qui partage la vie de Sylvain mais dont Lourges s’amourache. L’intrigue, qui n’est sans doute pas sans défaut, même si on a pu reconnaître « un sens de l’action dramatique rarement égalé dans un premier roman, une habileté très réelle dans la conduite des événements, un style sobre et exact  » (André Douriez), nous montre un homme en quête du paradis perdu : menant une vie rustre, Sylvain découvre au hasard d’une de ses virées un havre de paix et de pureté où il aimerait couler le reste de ses jours auprès de la jeune Pascaline. Tout en nous transportant dans un monde aujourd’hui disparu (celui des contrebandiers qui passent la frontière à vélo avec leur chien), cette lecture nous plonge surtout dans les affres et les bassesses des hommes de toutes les époques : jalousie, dépit, rancœur, trahison, violence, désir insatisfait, appât du gain… Bien entendu, le drame attend son heure. Peu après, l'amoureux de la Flandre qu'était Maxence van der Meersch donna la plénitude de son talent en écrivant la fresque Invasion 14 (1935). En 1936, L'Empreinte de Dieu reçut le prix Goncourt.

     

    maxence1.png

    Le succès qu’à rencontré La Maison dans la dune s’est traduit par trois adaptations cinématogra- phiques : deux en France (Pierre Billon en 1934 et Georges Lampin en 1952), une en Belgique (Michel Mees en 1988) dont un extrait suit ci-dessous (il précède la scène de lutte rapportée plus bas) :

     

     

     


    La maison dans la dune

     

     

    Une scène-clé du roman

    l’affrontement de Sylvain et Lourges

     

    Lourges toisa Sylvain.

    « L’ami, dit-il, tu ne m’aurais pas par terre.

    – Possible », dit Sylvain, flegmatique.

    Mais Jules lui-même se récria :

    « Tu ne sais pas ce que tu dis, Lourges !

    – Si, soutint le douanier.

    – Vas-y, alors, provoqua César.

    – Allons, César », voulut dire encore Sylvain.

    Mais Lourges interjetait :

    « Moi, je ne cane pas, vieux. J’ai jamais reculé devant personne. »

    Sylvain comprit qu’il n’y échapperait pas. Il se leva. Et, un peu pâle :

    « C’est pas que tu cherches une bataille, camarade ? Je ne la crains pas, tu sais.

    – On ne le dirait pas. »

    Maxence4.pngSylvain dédaigna de répliquer.

    « Qu’est-ce que tu veux ? demanda-t-il. La lutte ou le chausson ? La boxe, je ne veux pas. On ne trouverait pas de gants, ici, et ma femme ne veut plus que je m’abîme le portrait.

    – La lutte, alors, choisit Lourges. Franc jeu, hein ?

    – Bien sûr. Au premier qui touche des épaules, on arrête. »

    M. Henri, accoutumé à ces mœurs, débarrassa la pièce de la table et des chaises. Jules était allé appeler les agents dans le salon. L’un d’eux s’offrit comme arbitre. Et les deux hommes se dévêtirent, parurent nus, n’ayant gardé que leur pantalon soutenu par la ceinture. Lourges, plus gras, était aussi plus lourd, rond comme un bœuf, avec des mamelles de femme. Sylvain, large de poitrine, avec de longs bras nerveux et secs, était plus mince de hanches, plus élégant aussi.

    Autour d’eux on fit cercle. Pour tous ces gens-là, le muscle était roi. Et la vigueur des deux lutteurs, leur aspect impressionnant, soulevait l’admiration.

    Germaine, assise sur sa chaise, regardait aussi, sans s’émouvoir autrement. C’était loin d’être la première fois qu’elle voyait Sylvain se battre, en combat amical, ou même pour de bon.

    Il y eut un silence. L’arbitre regardait sa montre.

    « Allez », dit-il.

    Lourges n’avait pas bougé. Il s’était solidement campé sur ses fortes jambes, et, massif, les mains ouvertes pour l’empoignade, attendait. Il savait que s’il pouvait étreindre Sylvain sous les côtes, il avait gagné. Personne ne résistait à l’effroyable constriction de ses bras herculéens.

    Mais la tactique de son adversaire le dérouta. Sylvain s’était baissé, il ouvrit les bras, il se jeta, tête basse, sur Lourges. Le douanier, instinctivement, se pencha en avant, durcissant les muscles abdominaux pour supporter le choc. Et il essaya d’empoigner l’adversaire. Mais Sylvain, le dos arrondi, la tête passée sous le bras gauche de l’autre, n’offrait aucune prise. Et il passa son bras, il ceintura Lourges, il l’arracha de terre, irrésistiblement. Lourges voulut se raidir. Il était trop tard. Sylvain se laissait aller sur lui. Et, sous son adversaire, Lourges tomba sur le dos, lourdement, du poids de ses quatre-vingt-dix-sept kilos.

    Une clameur monta.

    « Et voilà, dit Sylvain, déjà relevé, et qui soufflait violemment.

    – Rien à dire, constata l’arbitre, c’est du franc jeu. »

    Lourges, pesamment, se relevait à son tour. Il se sentait tout ébranlé, après cette lourde chute. Il eût aimé recommencer. Mais il était comme disloqué, sans force. Il lui faudrait se reposer trois ou quatre jours, avant de retrouver son équilibre.

    Les deux lutteurs se rhabillaient César exultait, proposait des paris invraisemblables aux policiers un peu déçus que la lutte se fût si vite achevée.

    « Sans rancune », dit Sylvain à Lourges, avant de s’en aller. Et il lui tendait la main. Lourges la prit.

    « Sans rancune », dit-il.

    Mais son regard évitait celui de son vainqueur.

     

    (Le Livre de Poche, n° 913, p. 91-94)

     

     

    Maisondansladune2.jpg

     

    Le décor flamand

     

    Il franchit la frontière sans s’en apercevoir, dans cette plaine plate et nue, aussi vide que la voûte immense du ciel qui la couvrait. C’étaient ce qu’on appelle ici les « moers », terre conquise lentement par les hommes sur la mer, et qui garde dans sa nudité désertique, dans la monotonie de ses horizons rasés, dans ses étendues uniformes où le vent se rue librement, quelque chose encore de la grandeur et de la mélancolie de son passé marin. Des champs de seigle et d’avoine, des pâturages divisent cette plaine. Et l’eau, l’ennemie qu’il faut sans cesse contenir, sourd de partout, imprègne la terre, se laisse deviner, immédiate, sous le sol sablonneux et pauvre. Des ruisselets innombrables bornent chaque enclos, reçoivent l’eau des rigoles et des drains, s’étalent encore çà et là en mares où boivent les bestiaux. On les devine, sur le tapis uni des prés, à la végétation vigoureuse, roseaux, joncs, herbes d’eau, qui pousse dans leur lit. Et on s’étonne, en traversant ce pays, de le voir ainsi régulièrement morcelé et comme partagé par ces ruisseaux au cours rectiligne, géométrique, se coupant les uns les autres à angles droits. Ils sont comme un vivant quadrillage, dessiné par l’homme pour drainer le pays.

    Maxence3.pngSylvain, dans ce réseau, avançait lentement. Il était tout seul. Autour de lui, le vent passait avec une force soutenue, une chanson perpétuelle qui bruissait aux oreilles. On le voyait de loin accourir, à l’ondulation infinie qui passait comme une vague sur les avoines et les herbages. À ce grand souffle rude et constant, on sentait que la mer était proche.

    Sylvain franchissait les ruisseaux sur des planches, disposées par-ci, par-là. Ou bien il jetait son vélo par-dessus, et ensuite sautait lui-même. À la profondeur de l’eau, il tâchait de découvrir les gués qu’avait dû préférer Tom. Et quand il voyait au loin une tache sur l’herbe, il faisait un détour, il s’en approchait, pour voir si ce n’était pas son chien. Une lassitude, un découragement le prenait. Il avançait de plus en plus en territoire français. Bientôt, il lui faudrait renoncer à la recherche, s’il ne voulait pas être vu du poste de douane.

    (Le Livre de Poche, n° 913, p. 224-225)

     

     

    L'écrivain nordiste Anna van Buck présente son ouvrage

    consacré à Maxence van der Meersch,

    Salon du Livre Régional de Gravelines, le 25 avril 2010

     

    Les archives Maxence Van der Meersch sont consultables en ligne :

    Bibliothèque numérique de Roubaix.

    La note de travail reproduite plus haut est empruntée à ce site.

     

     

  • La Comtesse des digues

    Pin it!

     

    Un roman de la « châtelaine de Missembourg »

     

      

    CouvGeversDigues.jpg

    Editions Labor,  coll° Espace Nord, n° 6, 2000

    préface Jacques Sojcher, lecture Vincent Vancoppenolle

    Couverture : Theo Van Rysselberghe,

    Voilier sur l’Escaut (détail), 1892

     

     

     

    O vieille maison blanche en l’étang reflétée,

    La douceur répétée

    De ce nom, toute enfant, je l’aimais: « Missembourg »

    Un son vif, puis un lourd.

     

    Mais le sens de ce nom me fut longtemps mystère…

    Jusqu’au jour où mon père,

    Rangeant de vieux papiers, pensivement me dit :

    « C’est aux temps interdits

     

    Que la maison qui nous abrite fut nommée :

    Les églises fermées,

    Vers les quatre-vingt-treize, des prêtres proscrits

    Ont dit la messe ici. »

     

    Missembourg… Missembourg… chant long, « château des messes »

    Tout le passé se dresse…

     

     

    Marie Gevers (1883-1975) fait partie de ces écrivains flamands qui ont choisi le français pour écrire leur œuvre. Son fils Paul Willems (1912-1997), qui lui succèdera à l’Académie royale de langue et de littérature française de Belgique, fera d’ailleurs de même. Née à Edegem, près d’Anvers, Marie Gevers a passé sa vie dans la grande maison familiale de Missembourg, laquelle sert de cadre à plusieurs de ses livres. Les strophes citées ci-dessus fournissent une des versions relatives à l’origine du nom de la vieille demeure. Outre son œuvre, elle a laissé un certain nombre de traductions de romans et contes d'auteurs flamands et néerlandais.

    Le roman le plus célèbre de Marie Gevers, La Comtesse des Digues (1931) – avec lequel Mensen achter de dijk (1949) de son confrère et compatriote Filip de Pillecyn (1891-1962) n’est pas sans présenter des parallèles – offre une merveilleuse évocation d’un coin des Flandres et d’un monde aujourd’hui disparu. Beautés de la nature, métiers d’antan, menaces que font peser les éléments, sentiments qu’éprouve l’héroïne Suzanne tiraillée entre plusieurs hommes dont l’un, le beau et fort Triphon, incarne la nature et un autre, Max Larix, la bourgeoisie cultivée, sont les ingrédients majeurs de cette histoire qui se déroule sur les bords de l’Escaut, le grand amour de l’héroïne : « Elle songeait vaguement que Triphon avait “mangé à la cuisine” avec Jo et que Larix se promenait en quelque sentier boueux. Elle trempa sa main droite dans l’étang, s’amusant du cercle de fraicheur à ses doigts… une bague de fiançailles avec l’eau… parfois à son poignet : “ainsi l’anneau de la chaine qui me retient à l’Escaut”… Puis creusant sa main, elle y ramenait un peu d’eau – l’âme de l’Escaut – et la laissait couler entre ses doigts joints. Elle pêcha ainsi un de ces petits têtards qui pullulent dans les mares : “Je pêche l’âme de l’Escaut dans un trou à brochet… et je ramène une larme noire”. »

     

    La maison de Missembourg

     

     

    Le mot de l’éditeur

     

    L’histoire intrigante et passionnante d’une femme amoureuse d’un homme et d’un fleuve. Parviendra-t-elle à concilier ces deux amours si différents ? C’est le roman du fleuve, de l’Escaut-roi, du mariage, toujours à préserver, des eaux avec les terres qu’elles irriguent et qu’elles minent. C’est le roman d’une femme attachée au fil des saisons, à la surveillance des digues, au combat d’amour avec l’eau. Mais il arrive que les digues cèdent, que le désir soit plus fort. Alors il faudra que la Comtesse des digues choisisse et qu’elle trouve entre l’homme qu’elle va épouser et le fleuve une nouvelle harmonie.

     

     

    Sur la langue employée par l’auteur

     

    La Comtesse des Digues – comme d’ailleurs la plupart des œuvres de Marie Gevers –, révèle de diverses façons son appartenance à un espace linguistique bilingue ou même plurilingue. Ce sont évidemment d’abord les nombreux patronymes et toponymes flamands qui enracinent ce texte dans un « terroir » linguistique bien précis, au même titre, d’ailleurs, que les paysages évoqués, les allusions au folklore, à l’artisanat local, à la flore et à la faune. Mais il y a plus : on observe que la langue française tend à s’y faire vernaculaire, accueillante aux expressions populaires en flamand, aux apports lexicaux étrangers dans les mots de la conversation (dag, proficiat, mijn beste), aux interjections en dialecte du pays de Weert. Un rapport dialogique s’instaure même par endroits avec la langue flamande : ce sont ces rapports, en ce qu’ils déterminent les modalités d’émergence d’une langue dans l’autre, qui retiendront surtout notre attention ici car ils constituent à notre avis la véritable histoire de ce texte. (suite)

     

     

    CouvGeversOiseaux.png

    Les Oiseaux gris

    roman de l’écrivain néerlandais Arthur van Schendel (1874-1946)

    traduit par Marie Gevers, Plon, 1939

     

     

    Entretien vidéo avec Marie Gevers : ICI

    littérature,flandre,belgique,traduction,roman,marie gevers

     

     

    Deux textes de Marie Gevers

    « Le Pain du printemps » & « Soyez fidèles à Orion »

     

    En ligne sur Marie Gevers, un dossier de la revue Textyles :

    Alberte SPINETTE, « Marie Gevers ou les rythmes du monde »

    Anne JANMART, « Marie Gevers et Max Elskamp : de la rue Saint-Paul aux arbres de Missembourg »

    Cynthia SKENAZI, « Marie Gevers et Jean-Jacques Rousseau : affinité ou héritage ? »

    Christian BERG & Anne VERSTREPEN, « La langue dans la langue : une relecture de La Comtesse des digues »

    Vincent Vancoppenolle, « La composition de Madame Orpha et son histoire : quelques notes »

    Michel TORREKENS, « Madame Orpha : le "candiraton" ou la rumeur populaire »

    Xavier DEUTSCH , « Pour les peupliers de Paix sur les champs »

    Murielle BRIOT, « "Mais la cueilleuse de nénuphars demeure intacte..." »

    + Denis MALASI NGANDU, « Le Congo (Zaïre), le Rwanda, le Burundi dans Dialogues africains de R. Bodart et Des mille collines aux neuf volcans de M. Gevers »

     

     

  • Le Seigneur de Peuplingues

    Pin it!

     

     

     

    Un roman psychologique à la Simenon

     

     

    roman,littérature,flandre,simenon,rohart

    Willy Spillebeen, De Seigneur van Peuplingues, Manteau, 1993

     

     

    L’affaire Armand Rohart a défrayé la chronique à la fin des années 1960 et au début des années 1970. Ce maire du village de Peuplingues, près de Calais, accusé d’avoir tué son épouse lors d’une baignade, a été condamné à la perpétuité à l'issue de deux procès devant les assises. Plus de vingt ans plus tard, Willy Spillebeen a repris des données de cette histoire pour exercer avec brio son talent de romancier. S’il modifie le nom de quelques protagonistes (Rohart s’appelle François Bernart) et s’accorde certaines libertés par rapport au déroulement des faits (le procès ne se tient pas en 1969 ni en 1970, mais début juillet 1973 ; le condamné n’est pas libéré après douze ans de détention…), la plupart des éléments, en particulier ceux retenus par l’accusation, nous replongent dans ce drame à travers les principaux protagonistes : l’accusé bien sûr, mais aussi l’avocat René Fleuriot ou encore l’ancien membre de la légion étrangère, cet homme qui a enregistré certaines conversations qu’il a pu avoir avec Armand Rohart. C’est d’ailleurs sur la reconstruction de l’une d’elles que s’ouvre De Seigneur van Peuplingues. Mais la conversation que l’on soumettra aux jurés est-elle bien celle qui a eu lieu entre les deux hommes quelques années plus tôt, avant le décès du légionnaire ? La bande magnétique n’a-t-elle pas été trafiquée ? L’auteur le laisse entendre puisque qu’on relève des différences entre la version qu’il propose au début de son roman et celle qu'on soumettra aux jurés. Des experts émettront eux aussi des doutes comme un certain Pierre Laforêt :

    roman,littérature,flandre,simenon,rohart

    extrait du compte rendu de Pierre Laforêt,

    témoin au cours du second procès,

    Nouvel Observateur, 11/05/1970, p. 34

     

    La plus grande part du roman restitue les deux premières journées du premier procès, celui qui s’est tenu à Saint-Omer. On vit la première à travers les réflexions et les doutes de la fille de l’accusé, Marie-Françoise, la deuxième à travers ceux de son fils aîné, qui porte le même prénom que lui. L’intérêt essentiel de cette reconstitution romancée réside dans l’opposition de caractère entre ces deux êtres : à la différence de son frère – qui en apparence tient plus de leur mère –, Marie-Françoise croit en l’innocence de son père. Les deux jeunes gens, qui ont hésité avant de se décider à assister au procès, subissent le déroulement de cette « mise en scène » juridique en vivant chacun à sa façon le défilé des témoins et des experts. Cette opposition illustre l’impossibilité dans laquelle on se trouve de trancher la question de la culpabilité de l’accusé. Autre caractéristique qui donne du piment à la narration : Willy Spillebeen tourne dans tous les sens les éléments de preuve ainsi que les zones d’ombre qui subsistent tout en nous faisant entrer dans les secrets les plus intimes de ses personnages. Si on a pu parler de « roman à la Simenon » – il ne s’agit pas d’un polar mais bien d’un roman qui est sans conteste dans la lignée de ceux de Simenon où prédominent atmosphère lourde, obsessions et travers des protagonistes –, c’est en raison de la pénétration dont fait preuve l’auteur qui entremêle subtilement son propos aux points de vue des deux jeunes personnes et aux dialogues afin de mieux cerner l’égoïsme et les sentiments de chacun (jalousie, haine, rancœurs…) ou encore de lever certains tabous qui règnent dans le milieu décrit ; c’est aussi parce qu’on assiste à une sorte de mise à mort du notable par la foule déchaînée et par une justice qui semble avoir jugé avant même le début du procès. On ne pardonne pas à cet homme de régner en maître sur sa commune – près de la moitié des villageois sont ses employés –, ni d’avoir bâti un petit empire agricole, ni de séduire les jeunes femmes. Les rivalités sexuelles qui opposent les hommes et la pruderie de la victime ont aussi leur part dans le puzzle complexe de cette intrigue.

    roman,littérature,flandre,simenon,rohartLe quatrième et dernier volet du Seigneur de Peuplingues, purement fictif, emmène le lecteur dans l’esprit du condamné toujours détenu vingt ans après le prononcé du jugement. On sait que le Flamand aime retenir quelques métaphores centrales dans ses romans. En l’espèce, il a choisi celle du tunnel – le tunnel mental du cauchemar auquel le prisonnier ne parvient pas à échapper et celui que l’on construit à l’époque sous la Manche et qui se prolonge jusqu’au niveau des terres qui lui appartenaient avant son arrestation. Cette métaphore nous reconduit au début du drame, au tunnel du coma que le mari dit avoir traversé juste après avoir failli mourir noyé comme sa femme, coma que les médecins ont mis en doute. Un des tunnels ne laisse pas subsister grand-chose du domaine qui a appartenu au seigneur de Peuplingues, l’autre ne cesse de ramener ce dernier à la mort de sa femme. Dans ces dernières pages, l’auteur nous propose, à travers les réflexions de François Bernart, une version des faits différentes de celles avancées par les différentes parties au procès.

    De par sa composition ingénieuse, sa densité et son style, le roman de Willy Spillebeen nous place face à ce qui détruit et tue l’homme, l'égoïsme.

     

    documentaire : Armand Rohart, un notable devant la justice

    (« 50 ans de faits divers »)

     

    En 1967, les époux Rohart passent un moment sur la célèbre plage d’Escalles, dans le Nord de la France. Mais un accident survient. Lors d’une baignade, le couple perd pied. Armand Rohart est aperçu inanimé par plusieurs badauds ; il est parvenu à regagner la grève. Tôt le lendemain, le corps sans vie de son épouse, Jacqueline, est retrouvé. Le jour des funérailles, un personnage vient jeter le trouble sur ce qui aurait pu demeurer une simple affaire de noyade. Un ancien légionnaire se dit en effet détenteur d’une bande magnétique sur laquelle on entend Armand Rohart demander conseil pour supprimer sa femme. Une enquête est ouverte. Condamné à perpétuité, Rohart a toujours clamé son innocence. Ses quatre enfants tentent de le faire libérer.

     

     

    Lien permanent Imprimer Catégories : Auteurs flamands, Willy Spillebeen 0 commentaire