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roman - Page 10

  • Le matériau, c’est moi

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    La romancière Vonne van der Meer

     

    Née en 1952 à Eindhoven, Vonne van der Meer a très tôt aimé écrire ; durant ses études, elle a conçu une véritable passion pour le théâtre. Tout en travaillant comme metteur en scène, elle a écrit des nouvelles réunies dans un premier recueil en 1985. Vingt-cinq ans plus tard, l’œuvre compte deux pièces de théâtre, dix romans et plusieurs recueils de nouvelles.  Sa trilogie romanesque, dont l’action se situe sur une île frisonne, Vlieland, a rencontré un énorme succès aux Pays-Bas. Les éditions Héloïse d’Ormesson en ont publié les deux premiers volets : La Maison dans les dunes (2005, rebaptisé Les Invités de l’île dans l’édition de poche 10/18) et Le bateau du soir (2006) ; le réalisateur Karim Traïda les a adaptés pour la télévision néerlandaise. Un troisième roman, qui aborde le thème de l’adoption (et qui sera lui aussi porté à l’écran), paraîtra prochainement en traduction française chez le même éditeur. La romancière a eu la gentillesse de répondre à quelques questions.

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    DC. Alors que vous écrivez depuis votre adolescence, vous dites avoir trouvé votre manière en écrivant la première de vos nouvelles, L’Adieu à Phœbé, soit vers 1980. Quel a été au juste votre travail sur l’écriture entre 15 et 30 ans ?

    VvdM. Au lycée, j’ai découvert que je pouvais me perdre totalement dans l’écriture. J’ai alors essayé différents genres : poème, chanson, pièce de théâtre. À 23 ans, j’ai remporté un prix pour le monologue De Behandeling (Le Traitement) qui a été mis en scène et joué par une compagnie professionnelle. Comme je croyais tenir le bon bout, je me suis focalisée pendant plusieurs années sur l’écriture et l’adaptation théâtrales. Mais il m’a bien fallu admettre que ma force ne résidait pas dans ce genre d’écriture ; je n’ai pas trouvé un ton propre. Ce que j’obtenais, c’était trop minimaliste, trop introverti. J’ai tenté d’écrire des nouvelles qui ont été refusées par différentes revues littéraires. Puis un jour, l’une d’elles, Afscheid van Phoebe (L’Adieu à Phœbé) a été publiée, remarquée et appréciée. À partir de ce moment-là, j’ai disposé d’une « tribune » pour mes nouvelles.

     

    DC. Quelle influence a eu le théâtre sur votre écriture, quelle place occupe-t-il dans la structure de vos romans ?

    VvdM. Mon travail dans le domaine du théâtre m’a permis d’apprendre à penser de manière scénique. Et aussi de savoir la part narrative qu’il est possible de glisser dans un dialogue. Cela m’a permis aussi de me représenter très concrètement une situation donnée avant de l’écrire. Au fond, je traite mes personnages comme des comédiens. Je me pose des questions comme celles-ci : Où était-elle avant d’entrer dans cette pièce ? Pourquoi est-elle là ? Que fait-elle quand elle parle ?

     

    DC. Quel était au départ votre ambition en écrivant La Maison dans les dunes / Les Invités de l’île ? Quelle est la genèse de la trilogie romanesque insulaire ?

    VvdM. Un jour, j’ai trouvé un livre d’or dans une maison que je louais sur l’une des îles des Wadden. Les petites phrases et quelques brèves histoires consignées par d’anciens locataires ont piqué ma curiosité au plus haut point. Certaines avaient été écrites par simple politesse, d’autres paraissaient tout à fait absurdes. Ces phrases par exemple : hier, on a apporté huit cartons. Pour les prochains locataires ? On les a laissés dans le couloir. Qui sont ces gens ? voilà ce que je ne cessais de me demander. J’ai tout de suite vu qu’il y avait un roman à faire. Des locataires qui se succèdent, qui vivent toutes sortes de choses, qui pensent toutes sortes de choses sur ceux qui les ont précédés. Avec la maison en tant que personnage principal. Pareille aux jupes de la maman sous lesquelles les enfants peuvent se réfugier. Pendant plusieurs années, j’ai tourné en rond sans rien parvenir à écrire. Un jour, j’ai entendu dans ma tête la première phrase de la femme de ménage et le reste est venu tout seul.

     

    DC. La plupart de vos romans et nouvelles sont centrés sur un petit nombre de personnages qui vivent à l’époque contemporaine. Presque tous et toutes traitent de thématiques très concrètes, très humaines (les conflits dans un couple ; le suicide ; l’avortement ; l’adoption ; la lâcheté ; la jalousie ; la culpabilité ; le mensonge…). Pouvez-vous préciser votre démarche qui semble à l’opposé de celle d’écrivains qui se documentent beaucoup, par exemple celle d’une romancière comme Hella S. Haasse quand elle compose ses romans historiques ?

    VonneBateauCouv.gifVvdM. L’action de mon dernier roman, Zondagavond (Dimanche soir), se déroule pour une part durant la Deuxième Guerre mondiale. Même si je n’entraîne pas le lecteur dans cette période, il y a un personnage qui parle d’un événement remontant à 1943. Pour le lecteur, il s’agit donc d’un bond dans le temps, de la façon dont un événement d’un passé assez lointain continue d’agir dans le présent et d’influer sur la vie de certaines personnes. Mais je le reconnais : ce n’est pas devenu un roman historique. En écrirai-je un, un jour ? Je ne l’exclus pas.

    Quant à ce qui est de la documentation, j’ai par exemple assisté à des conférences sur l’architecture pour mieux cerner le personnage du mari du roman De reis naar het kind (même si au bout du compte on ne trouve peut-être trace de cela que dans une seule phrase du livre) ; pour mon dernier roman, Dimanche soir, j’ai échangé quelques lettres avec un chirurgien. En réalité, le matériau, c’est moi, c’est ma capacité à me transporter dans une situation donnée, et c’est à partir de cela que je travaille. C’est la comédienne en moi qui écrit.

     

    DC. Pouvez-vous dire deux mots à propos du roman De reis naar het kind (L’Enfant au bout du voyage), sans en dévoiler le contenu, qui paraîtra en traduction dans l’année qui vient ?

    VvdM. À mes yeux, il ne s’agit pas d’une simple histoire sur l’adoption, sur le long chemin qu’un couple doit faire pour avoir un enfant. C’est plutôt une histoire sur la volonté, celle d’une femme qui est prête à aller jusqu’au bout de son idée, de ce qu’elle désire, au point de devenir une étrangère pour son mari.

     

    DC. Avez-vous le désir d’écrire un jour une grande fresque romanesque mêlant époques différentes et nombreux personnages ?

    VvdM. Même si mes livres se concentrent sur peu de personnages, ils portent en réalité le plus souvent sur une communauté. Le roman Take 7, dont l’action se situe dans un village espagnol, en est peut-être le meilleur exemple. Quant à ce qui est d’écrire une « épopée » romanesque, je ne l’envisage pas. Je cherche seulement à écrire ce que je conçois en moi-même – sans avoir besoin de me référer à ce que d’autres ont pu faire – et ceci quelle que soit la forme que peut prendre ce que j’écris. Je ne travaille pas en me disant : « Cela, je tiens à l’écrire » ou « Il faudrait que j’écrive un roman comme cela » – peut-être y a-t-il là une différence avec ce que font les hommes.

     

    DC. Quel rôle jouent au juste dans nombre de vos livres les objets (plumes, coquillages, vêtements, livre d’or…), autrement dit ces choses « mortes » qui occupent une place importante entre les personnages ? En quoi peuvent-ils être une métaphore du quotidien de votre lecteur/lectrice ?

    VvdM. Chaque personnage met un sens sur chaque objet ; or, cela révèle bien des choses sur cette personne et permet de dire beaucoup de choses sur elle. Ces objets sont aussi des traits d’union, des liens, entre différents personnages mais aussi entre les personnages et le lecteur – un caillou devient bien plus qu’un caillou : il porte à son tour des histoires, une association d’idées. Il porte aussi l’image qui correspond à un personnage donné. Dans une nouvelle de John Updike, j’ai relevé un jour une image qui permettait de voir ce que le personnage féminin ressentait sans qu’on ait besoin de rien expliquer : c’est la même chose avec mes objets.

     

    DC. Dans un essai de Liesbeth Eugelink consacré à votre œuvre, dont on peut lire une traduction anglaise sur votre site (www.vonnevandermeer.nl), il est question de la place que vous accordez à la compassion et de la difficulté de faire entrer de la compassion dans une œuvre littéraire. Pouvez-vous préciser votre propre point de vue sur cette question ?

    VvdM. Par rapport à ce qui est dit dans cet essai, je tiens à préciser que, lorsque j’écris, je ne juge pas mes personnages. J’essaie de vivre leurs angoisses, leur jalousie, etc. ; si je sens que j’émets un jugement, c’est que ça ne marche pas. Je m’efforce d’être au plus près de mes personnages sans qu’il s’agisse pour autant d’empathie. Cette proximité qui ne juge pas se traduit peut-être par un regard compassionnel posé sur eux.

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    DC. Quels sont vos auteurs flamands et néerlandais de prédilection ? Quelles qualités appréciez-vous dans leurs œuvres ? À quels auteurs êtes-vous redevable ?

    VvdM. Les écrivains néerlandais que je préfère sont Arthur van Schendel (1), Louis Couperus (2), Maria Dermoût (3) et Thomas Rosenboom (4). Ce sont tous des romanciers d’une forte invention scénique. Ils sont tous à l’écoute de leurs personnages, leur oreille leur permet de saisir la meilleure façon dont ceux-ci peuvent s’exprimer.

    Très jeune, j’ai commencé à lire des livres pour enfants qui m’ont donné envie d’être lectrice mais aussi écrivain. Et j’ai lu aussi très tôt des auteurs dans des langues étrangères (Dickens…). Modiano est l’auteur français dont j’ai lu le plus de livres, mais ceux-ci n’exercent aucune influence sur mes propres romans. Crime et châtiment demeure l’une de mes plus belles expériences de lecture. De boeken der kleine zielen de Couperus fait aussi partie des romans que je relis tous les trois ou quatre ans au même titre que certaines œuvres d’Arthur van Schendel (L’Homme de l’eau, La Frégate Marie-Jeanne...) ou encore La Fille que j’ai abandonnée de Shūsaku Endō. Si un auteur français a exercé une certaine influence sur mon œuvre, c’est l’anthropologue René Girard. Romano Guardini compte aussi beaucoup pour moi.

     

    VonneSoirCouv.gif(1) Arthur van Schendel (1874-1946). Trois œuvres de ce romancier ont été traduites en français : Le Vagabond amoureux (Een zwerver verliefd, 1904), trad. Louis Piérard, publié dans la Revue de Hollande durant la Première Guerre mondiale puis réédité en volume ; Les Oiseaux gris (De grauwe vogels, 1937), traduit par la romancière belge Marie Gevers, Plon, 1939 et Éditions Universitaires, 1973 ; L’Homme de l’eau (De waterman, 1933), trad. Selinde Margueron, Gallimard, 1984.

    (2) Louis Couperus (1863-1923). Voir sur cet écrivain la catégorie qui lui est consacrée sur ce blog ainsi que la rubrique Vidéos-Documents. Son roman De Boeken der kleine zielen (Les Livres des petites âmes, 1901-1903) est une grande fresque familiale.

    (3) Maria Dermoût (1888-1962), née en Indonésie, n’a publié que sur le tard. Son œuvre majeure a pour cadre, comme ses autres textes, sa terre natale : Les Dix milles choses (De tienduizend dingen, 1955), trad. Denise Van Moppès et Tylia Caren, Robert Laffont, 1959.

    (4) Thomas Rosenboom, né en 1956, auteur de magnifiques fresques romanesques non encore traduites en français.

     

    Les œuvres de Vonne van der Meer

    De behandeling (monologue, théâtre, 1976)

    Het limonadegevoel en andere verhalen (nouvelles, 1985)

    Een warme rug (Un dos chaud, roman, 1987)

    De reis naar het kind (L’enfant au bout du voyage, roman, 1989)

    Zo is hij (Ainsi est-il, roman, 1991)

    Nachtgoed (nouvelles, 1993)

    Spookliefde (Amour fantôme, roman, 1995)

    Weiger nooit een dans (Ne refuse jamais une danse, théâtre, 1996)

    De verhalen (toutes les nouvelles, 1997)

    Eilandgasten (Les Invités de l’île, 1999)

    De avondboot (Le Bateau du soir, 2001)

    Laatste seizoen (Dernière saison, roman, 2002)

    Ik verbind u door (Je vous mets en ligne, roman, 2004)

    Take 7 (roman, 2007)

    Zondagavond (Dimanche soir, roman, 2009).

     

    Vonne van der Meer en français

    La Maison dans les dunes, roman, Héloïse d’Ormesson, 2004 (10/18 n° 4036 sous le titre Les Invités de l’île).

    Le Bateau du soir, roman, Héloïse d’Ormesson, 2006 (10/18 n° 4148)

    L’Adieu à Phœbé, nouvelle, Deshima, n° 3, printemps 2009.

    Le Voyage vers l'enfant, roman, Héloïse d’Ormesson, 2009.

     

    VonneCouvMaisonGC.jpgLes éditions Feryane proposent La Maison dans les dunes et Le Bateau du soir en gros caractères.

    La Maison dans les dunes a été le premier roman étranger publié par les éditions Héloïse d’Ormesson. Il a changé de titre en format de poche car il existe, selon l’éditeur de Maxence van der Meersch, une trop grande similitude entre, d’une part, le nom de la romancière et celui du romancier roubaisien, et d’autre part, le titre de son roman à elle et celui de son roman à lui : La Maison dans la dune (Albin Michel, 1932).

     

     


    La Maison dans les dunes (1908-1909)

    cycle de dix pièces pour piano du compositeur Gabriel Dupont

     

  • Pitbull

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    Décharges d’adrénaline à Malines

     

    Un assez grand nombre de polars flamands ont pour décor la ville d’Anvers (par le passé ceux d’Anton Van Casteren, dans les vingt dernières ceux de Patrick Conrad, de Piet Teigeler, de Hubert van Lier… ou encore l’Anvers de l’époque de Rubens ou de l’époque napoléonienne dans ceux de Staf Schoeters), au point qu’on a pu parler d’ « école anversoise ». Pieter Aspe situe les siens, on le sait, à Bruges ; Jos Pierreux a élu la célèbre cité balnéaire de Knokke, Marthe Maeren la ville de Gand, le policier Christian De Coninck Bruxelles. Courtrai sert souvent de cadre aux livres du romancier Axel Bouts. Pour sa part, Luc Deflo a retenu une autre ville au riche passé, celle où il est né, Malines. En 2008, son roman Pitbull a reçu le Prix Hercule Poirot qui, depuis 1998, récompense tous les ans le meilleur polar flamand.

    CouvPitbull.jpg

    Vous avez une maîtresse belle et sensuelle. Problème : elle menace de révéler son existence à votre épouse. Un homme avec qui vous échanger quelques mots dans un café se propose d’éliminer la gêneuse à condition que, de votre côté, vous tuiez la femme dont il souhaite lui-même se débarrasser. Voilà le marché – clin d’œil à L’Inconnu du Nord-Express – qu’accepte à demi-voix Benjamin Delaedt, un soir où il a un peu trop bu. Deux crimes parfaits en perspective puisque ceux qui projettent de tuer n’ont aucun lien avec leur future victime et qu’ils pourront par ailleurs disposer d’un alibi en béton. Quelques jours plus tard, Benjamin ouvre le journal et découvre que sa maîtresse a été tuée dans des conditions atroces. Pour ne pas s’attirer les foudres de l’assassin, un homme au physique imposant, il sait qu’il va lui aussi devoir passer à l’acte.

    Voici les données de départ du roman avant que la police ne s’en mêle et que ne se révèle la nature véritable d’un tueur en série qui mord ses victimes – de là le surnom qu’on va lui donner : Pitbull. Un homme en apparence quelconque – un chômeur alcoolique parmi tant d’autres –, mais qui dispose d’appui dans les plus hautes sphères judiciaires, une véritable force de la nature en même temps qu’un individu plein de charme. L’homme est tellement infatué qu’il va lui-même prendre les choses en main pour se faire co-narrateur, ce qui se traduit par des passages hilarants. On se glisse dans la cerveau de ce monstre, on en suit les méandres entre réflexions loufoques et pensées qui glacent.

    CouvSluipendGif.jpgLuc Deflo mêle avec talent intrigue en apparence classique et descente aux enfers : le lecteur est invité à entrer dans les esprits les plus sombres, les plus maléfiques, les plus pervers ; ses tueurs, qui ont pour la plupart vécu une expérience traumatique dans leur jeunesse, déploient des qualités insoupçonnées pour torturer leurs victimes : des serial killers qui aiment qui plus est jouer avec la police et se jouer d’elle. Pitbull va pousser le jeu jusqu’à la dernière page et même plus loin. Le romancier excelle à mettre en scène l’inéluctable des pulsions criminelles.

    Côté enquête, c’est surtout la figure de Dirk Deleu qui se dégage – Deflo reconnaît d’ailleurs que le physique du policier n’est pas sans rappeler le sien. Cet homme sombre fait équipe avec Nadia Mendonck, une femme qu’il aime, mais leur liaison est d’autant plus compliquée qu’il ne parvient pas à oublier tout à fait son épouse Barbara dont il est séparé. Les épisodes sur la vie amoureuse de Deleu se glissent dans le récit ; ils permettent à l’enquêteur et au lecteur de reprendre un peu leur souffle, mais il n’est pas rare que cet aspect de son existence prenne une part dans l’intrigue même. Par exemple dans Sluipend gif, Barbara et Nadia se retrouvent aux mains d’un tueur en série que tout le monde croyait mort (le « Désosseur » du premier roman de Deflo : Âmes nues) ; de même, dans Pitbull, le serial killer va s’approcher dangereusement de Nadia.

    Autre personnage incontournable d’une dizaine de thrillers de Luc Deflo : le juge Jos Bosmans qui couvre parfois les méthodes peu catholiques de son ami de Deleu. L’équipe qui entoure Deleu compte par ailleurs Walter Vereecken, policier qui se déplace en fauteuil roulant depuis qu’il a été grièvement blessé par le Désosseur, Pierre Vindevogel dit Pierre le Bigleux, le médecin légiste Van Grieken…

    Maniant un style sûr et souple, Luc Deflo marie intrigue haletante et atmosphère oppressante. On ne se lasse pas de ses descriptions des crimes. Jusqu’à la fin, le lecteur ignore qui, du tueur ou des policiers, va l’emporter.

    D.Cunin

     

    Le vrai Pitbull présenté par l’auteur (à partir de 5’45)



     

     

    L’AUTEUR

     

    Après avoir beaucoup écrit pour le théâtre, Luc Deflo (né à Malines en 1958) s’est affirmé comme un des principaux représentants du thriller flamand et un des auteurs phares des éditions Manteau : dans Naakte zielen (Âmes nues, 1999) apparaissent le magistrat Jos Bosmans et l’enquêteur Dirk Deleu qui ont affaire à un tueur en série. Un duo de Malines que le lecteur retrouve souvent au fil de l’impressionnante série de livres publiée depuis : Bevroren hart (Cœur gelé, 2000), Lokaas (Appât, 2001), Kortsluiting (Court circuit, 2002) ; Sluipend gif (Poison furtif, 2003), Onschuldig (Innocent, 2004), Copycat (2005), Hoeren (Putes, 2006), Weerloos (Sans défense, 2007), Ademloos (Sans souffle, 2007), Spoorloos (Sans trace, 2007), Angst (Peur, 2008), Pitbull (2008), Lust (Désir, 2009) et Schimmen (Ombres, 2009). Mensonge, désir, folie, violence, sexe, perversité sont au menu de ces thrillers psychologiques. Plusieurs ont été traduits en allemand. Outre la dizaine d’enquêtes conduites par Deleu, il a écrit une trilogie portant sur la pédophilie. Certains livres sont en cours d’adaptation à l’écran. Le succès que rencontrent les livres de Deflo dans le monde néerlandophone lui permet de se consacrer entièrement à l’écriture.

     

    Le début de Pitbull en version anglaise : PDF


    Les livres de Luc Deflo en allemand (avec des extraits) : ici

     

     

  • Le Chapeau chinois

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    CONTES MERVEILLEUX POUR MÉLOMANES

     

    ChapeauChnois.jpgÉcrire pour ne pas oublier –ChapeauChnois.jpg

    oublier pourquoi on écrit –

    ce qu’on a écrit, l’oublier.

    T. de Vries

     

    Le Chapeau chinois schellenboom en néerlandais : nom d'un instrument formé d’un pavillon de cuivre, garni de clochettes et de grelots, que l’on brandit en tête de certaines fanfares –, tel est le titre d’un recueil de nouvelles, première œuvre traduite en français (1) de Theun de Vries (1907-2005). Autodidacte, ce Frison a acquis au cours de sa longue existence une vaste culture historique. Tout en voyageant beaucoup, il a mené de front, à certaines époques, des activités journalistiques, politiques (il a été député) et littéraires. « À maints égards, cet écrivain dont l’exceptionnelle longévité n’a d’égale qu’une production très abondante, constitue un cas à part dans le paysage littéraire néerlandais : communiste sincère pendant des décennies, avant de prendre petit à petit ses distances vis-à-vis du modèle soviétique, jusqu’à traduire en néerlandais Soljenitsyne dans les années 196o, Theun de Vries est aussi resté une figure de romancier relativement isolée car il se sentit peu concerné par la modernité littéraire et se tint résolument à l’écart des modes. On a pu voir en lui l’un des derniers représentants du cloisonnement idéologique qui prévalait dans la société néerlandaise, de l’entre-deux-guerres jusqu’aux années 1950. Cela ne l’empêcha nullement d’élaborer une œuvre personnelle et diversifiée […] avec une prédilection pour le roman et la nouvelle. Dans ceCouvTheunMaupassant.jpgdomaine, sa production pléthorique ne peut être comparée qu’à celle de son ami Simon Vestdijk (1898-1971) […]. De Vries partage avec Vestdijk la passion du roman historique, qu’il décline sous plusieurs formules :cycles (notamment La Dynastie des Wiarda, consacré à sa Frise natale), biographies romancées et récits ayant plus oumoins recours à la fiction (sur Rembrandt, Van Gogh, Molière, Spinoza, Marx) et bien entendu romans engagés, traitant de figureshéroïques (Hannie Schaft dans La Fille aux cheveux roux, porté à l’écran en 1981) ou de hauts faits de la Résistance néerlandaise (la grève de février 1941, dans la trilogie Februari), de même que d’événements révolutionnaires du passé (la révolte des gueux contre l’Espagne au XVIe siècle, la révolution de 1848, la Commune de Paris). » (2) À propos de révolution, il convient en outre de mentionner La Liberté se pare de rouge (1945), roman marxiste décrivant une Guadeloupe se libérant du joug de l’oppresseur – une réponse à L’Île au rhum de Simon Vestdijk (Phébus, 1991). Quant aux romans historiques portant sur de grands artistes, très documentés et symptomatiques d’une réflexion permanente sur l’essence de l’art, on relève encore Moergrobben (1964), inspiré de Jérôme Bosch, De vrouweneter (Le Mangeur de femmes, 1976), œuvre écrite dans des cafés parisiens, consacrée à Maupassant et Marie Bashkirtseff, ou encore Het motet voor de Kardinaal (Le Motet pour le Cardinal, 1960) qui nous entraîne dans l’entourage de Josquin des Prés. La musique occupe également un place centrale dans Fugue du temps (deux romans d’une fresque inachevée de la société hollandaise du XXe siècle dans laquelle un compositeur sert de fil rouge) et De dood kwam met muziek (La Mort est venue en musique, 1979), court roman dont la technique du close-up s’inspire de la Sonate d’automne de Bergman.

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    Le Chapeau chinois, trad. Christian Marcipont, Martagon, 2009

    Si la vision épique que Theuns de Vries déploie souvent se retrouve dans quelques pages du Chapeau Chinois, on est surtout frappé par la qualité stylistique de l’ensemble : « Il est indéniable que la phrase de Theun de Vries, par sa grande musicalité, tantôt discrète, tantôt solennelle, donne à entendre. Son écriture, à cent lieues des expérimentations formelles des jeunes générations, atteint à une extraordinaire beautéplastique, jamais recherchée pour elle-même, mais toujours au service du récit, voire y tenant sa partie à l’égal des personnages. Sans contredit, ses qualités stylistiques ont contribué à faire de Theun de Vries un classique, avec tout ce que cette notion implique, de la part du lecteur, de fervente dévotion ou de distance révérencieuse. Le Chapeau chinois ne parle que de musique et – était-il meilleure façon de le faire ? – en parle musicalement. » (3) Dans cette suiteromanesque – au sens lavarendien du terme –, on est invité, parfois à la manière d’un détective, à entrer brièvement dans les univers de Robert Cambert, du violoniste Johann Georg Pisendel et de Vivaldi, de Chaliapine, de l’impératrice Marie-Thérèse et de Mozart, d’un jeune virtuose chinois à l’époque de la révolution culturelle. « Signor Rossini ou l’adieu à Pesaro » se compose de deux longues lettres de Rosini ; « La bataille de Waterloo », sans doute le texte le moins abouti, revient sur le sentiment de culpabilité vis-à-vis des juifs déportés ; enfin, « Les Trente-cinq noms », nouvelle qui occupe près de la moitié du recueil, prend son envol à Sisteron pour mettre en scène de façon burlesque les déboires d’un contemporain de Berlioz, apparemment promis à un bel avenir.

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    Se réclamant de Balzac, Theun de Vries nous a laissé des dizaines de gros volumes ; dans le dernier tiers de sa vie, il s’est toujours plus senti attiré par l’écriture de textes plus courts. Il n’a d’ailleurs pas hésité à retrancher des passages de certaines de ses œuvres lors de leur réédition. Comme l’écrit son traducteur, il est encore trop tôt pour dire ce que la postérité retiendra de cette production monumentale. Lui-même, qui a par ailleurs laissé une œuvre poétique en frison et nombre de traductions, ne se faisait d’ailleurs guère d’illusion en soulignant qu’on ne lit plus de Tolstoï que deux ou trois de ses œuvres.


    (1) L’écrivain a été traduit en de nombreuses langues, notamment celles des anciens pays du Bloc de l’Est, ce qui s’explique sans doute en partie par l’engagement communiste officiel de l’écrivain de 1936 à 1971. Dans les années cinquante, en particulier suite aux événements hongrois,  ses prises de position en faveur de l’URSS lui ont valu d’être renvoyé du PEN club et de la Société des Gens de lettres de son pays. Il finira par reconnaître publiquement ses erreurs.

    (2) Dorian Cumps, « Le Chapeau chinois : Contes musicaux hoffmanniens de Theun de Vries », Septentrion, 2009, p. 74-76. Le livre de Theun de Vries sur la Commune s’intitule Louise Michel, engel in het harnas (Louise Michel, ange armé pour la lutte, 1984) ; il réunit deux pièces radiophoniques ainsi qu’un essai.

    (3) Christian Marcipont, p. 6 de la préface du Chapeau Chinois.

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    le roman sur les années haguenoises de Vincent van Gogh



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  • Chambre noire et Leica

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    Résistant, espion ou collaborateur ?

    La Chambre noire de Damoclès

    de Willem Frederik Hermans

     

     

    « Je me plonge dans ce roman, d’abord intimidé par sa longueur, ensuite étonné de l’avoir lu d’un seul trait. Car ce roman est un thriller, un long enchaînement d’actions où le suspens ne fléchit pas. Les événements (qui se passent pendant la guerre et l’année suivante) sont décrits d’une façon exacte et sèche, détaillée mais rapide, ils sont terriblement réels et pourtant à la limite du vraisemblable. Cette esthétique m’a captivé ; un roman épris du réel et en même temps fasciné par l’improbable et l’étrange. Cela résulte-t-il de l’essence de la guerre qui nécessairement est riche en inattendu, en exorbitant, ou est-ce le signe de l’intention esthétique désirant sortir de l’ordinaire et toucher, pour reprendre le mot cher aux surréalistes, le merveilleux (“le réel merveilleux”, comme aurait dit Alejo Carpentier) ? »

    Milan Kundera, Le Monde, 26.07.2007

     

     

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    Le roman De donkere kamer van Damokles (La Chambre noire de Damoclès) a été publié en 1958 aux Pays-Bas. Son auteur, Willem Frederik Hermans (Amsterdam, 1921-Utrecht, 1995), est, avec Louis Couperus et Gerard Reve, l’un des auteurs néerlandais majeurs du XXe siècle. Il a laissé un peu moins d’une centaine d’œuvres : romans, nouvelles, essais, pièces de théâtre, un scénario, des écrits polémiques en nombre ainsi que quelques recueils de poésie sans oublier des chroniques parisiennes pleines de verve et souvent caustiques. W.F. Hermans s’est en effet établi à Paris en 1973 où il a vécu avec son épouse jusqu’en 1991, mettant du même coup fin à une carrière universitaire de géophysicien. Il souhaitait à la fois s’éloigner de la Hollande et baigner dans une culture française qu’il appréciait. En plus d’être un grand admirateur de Louis-Ferdinand Céline, Hermans a apprécié l’œuvre poétique d’Oscar Vladislav de Lubicz Milosz : il a traduit certains de ses poèmes et lui a consacré un essai. Il a aussi traduit, de sa propre initiative, Le Martyre de l’obèse de Henri Béraud, prix Goncourt 1922, traduction suivie d’une postface assez savoureuse.

    La Chambre noire de Damoclès est le livre qui a révélé W.F. Hermans à un large public néerlandophone. Dans un style non dénué d’ironie, il narre l’histoire d’Henri Osewoudt, jeune homme peu gâté par l’existence ni par la nature : mère folle, père tué par cette dernière, physique extrêmement ingrat, petite taille, pieds difformes, absence apparente de virilité… Après avoir épousé sa cousine germaine et renoncé à ses études pour reprendre le minuscule bureau de tabac de son père défunt, Henri, obsédé par sa petite taille et sa figure imberbe, frustré par la laideur de sa femme, mène une existence rasante et barbifiante. Tout change durant l’occupation des Pays-Bas. Il rencontre alors un certain Dorbeck qui va l’entraîner à tuer des collaborateurs ou encore à aider une résistante étonnamment naïve tout juste arrivée de Londres.

    Dans le regard souvent cynique qu’il pose sur l’existence, dans son évocation d’un monde qui n’est souvent que chaos, W.F. Hermans nous propose, à travers ce roman, une belle démystification. Il sape toute lecture monolithique ou manichéenne de l’Histoire : l’antihéros, le minable Osewousdt, a suivi les consignes de son héros ; il croit s’être conduit en résistant. Mais ne servait-il pas plutôt la collaboration ? Le tour de force du romancier, c’est de nous faire douter nous aussi à mesure que le récit se développe : alors qu’on est persuadé à certains moments que le pâle buraliste tue pour le compte de la Résistance, à d’autres, on se demande s’il n’est pas le jouet d’une machination, s’il n’a pas joué, à son insu, le jeu des Allemands. Par moments, on pourrait même en arriver à douter de l’existence de Dorbeck, personnage qui apparaît souvent dans l’ombre, à contre-jour, ou encore dans une lumière éblouissante. Le désir mimétique et le thème du double sont omniprésents dans ce roman plein de miroirs et de polaroïds. Passionné par la photo, le romancier offre aussi dans cette histoire une place de choix à un Leica.

     

    W.F. Hermans, jaquette d’un volume de sa correspondance

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    La Chambre noire de Damoclès a fait l’objet d’une adaptation cinématographique par Fons Rademakers : Als twee druppels water (Comme deux gouttes d’eau), réalisateur à qui on doit en outre une adaptation du roman Max Havelaar de Multatuli et de celui de Harry Mulisch, De aanslag (L’Attentat), distinguée par un Oscar. Als twee druppels water – nominé pour la Palme d’Or à Cannes en 1963 et diffusé en France sous le titre saugrenu : Inconnu aux services secrets –, avait été salué par une presse hollandaise enthousiaste. Enthousiasme pas entièrement partagé par W .F. Hermans lui-même : « Je n’ai jamais avalisé le script de Fons Rademakers. On s’est engueulé comme des chiffonniers, mais je dois reconnaître que le film est moins pire que je ne le craignais. D’un autre côté : il est loin de l’adaptation que j’avais en tête. (…) Je ne crois pas que le spectateur moyen verra dans ce film un navet. » Il convient de préciser que le romancier avait écrit un premier scénario refusé par Rademakers. Les deux hommes s’étaient tout de même mis d’accord pour supprimer des pans entiers de l’histoire, pour faire arriver Dorbeck en parachute et non par la route, ou encore pour terminer le film sur une scène qui n’existe pas dans le roman. Il ne faut donc pas voir dans ce film un rendu fidèle du roman, mais, comme Hermans l’affirme lui-même « une variation sur le thème du livre ».

    CouvFilmTweedruppels.jpgL’un des grands mérites de Comme deux gouttes d’eau, c’est d’avoir permis à Willem Frederik Hermans de débuter sa collection de machines à écrire. En effet, alors qu’il travaillait au scénario du film, sur l’île frisonne de Terschelling, sa machine à écrire l’a lâché. Après l’avoir balancée par terre, être sorti pour se noyer dans la mer, l’écrivain s’est ravisé. Il a regagné le continent et, fasciné par la nouvelle machine à écrire qu’il venait d’acquérir, a commencé sa collection. Dans l’interview accordée un an avant sa mort dans laquelle il relate cet épisode, Willem Frederik Hermans s’exprime une dernière fois et sur son propre scénario et sur le roman, non sans une certaine ironie : « Je dois dire que mon bouquin sur Damoclès, je ne l’aime pas, en fait, il me sort par les yeux ; et écrire ce scénario, c’était une besogne horrible. »

    (D. Cunin)

     

    « La poésie noire et l’ambiguïté », par Milan Kundera

    « Un résistant en chambre noire », par Rose-Marie Pagnard

    une autre lecture de La Chambre noire de Damoclès

     

     

    Les éditions Gallimard publieront fin 2009 un deuxième roman

    de W.F. Hermans : Ne plus jamais dormir.

    Le Seuil avait donné en 1962 une première traduction de

    De donkere kamer van Damokles, signée Maurice Beerblock.

     

    Sur La Chambre noire de Damokles et W.F. Hermans, en français :

    G.F.H. Raat, « Telle une tumeur au cerveau : l’écriture romanesque selon Willem Frederik Hermans », Septentrion, 2006, n° 1 & « Patrie, quand tu nous tiens : les années parisiennes de Willem Frederik Hermans », Septentrion, 2003, n° 1.

    Rokus Hofstede, « Willem Frederik Hermans et la putain de Bruxelles », Septentrion, 2006, n° 1.

    Pascal Cornet, « Willem Frederik Hermans : vaincre le chaos sans se faire d’illusions », Septentrion, 1995, n° 3.

    Jaap Goedegebuure, « L’œuvre de Willem Frederik Hermans », Septentrion, 1992, n° 3.

    Diny Schouten, « W.F. Hermans interdit de parole ? Ou W.F. Hermans et la tolérance de la démocratie », Septentrion, 1987, n° 1.

    M. Dupuis, « Aspects de la nouvelle chez W.F. Hermans », Études germaniques 27, oct-déc. 1972.

     

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  • Louis Couperus en Majesté (suite)

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    Couperus entre Jules Lemaître

    et Gabriele D’Annunzio

     

     

    En complément de la première notice du 8 février, voici d’autres coupures de presse sur Majesté. Le préfacier de l’édition française, Maurice Spronck, publie dans le Journal des Débats du 5 août 1900 un petit papier faisant suite à la parution de la traduction italienne du roman. L’homme de lettres et avocat se distancie de Couperus : la « neurasthénie sentimentale » n’est plus à la mode et il semble s’en réjouir. On est loin des louanges qu’on peut lire dans sa longue préface : « La lecture de Majesté, commencée sans la moindre prévention particulièrement favorable, me frappa donc d’autant plus que je ne m’attendais pas à une révélation de ce genre. Ce n’était point l’éternel roman, drame ou poème étranger, découvert par un traducteur ou un critique ingénieux, et dont toute la valeur est faite de quelques détails pittoresques, de quelques nouveaux traits de mœurs ou de caractère, qui amusent les blasés de la littérature et qui charment les abstracteurs de quintessence esthétique. C’était un récit très simple, presque sec, sans aucune surcharge descriptive, – sauf peut-être dans les premiers chapitres, – et d’une conception philosophique et morale extraordinairement forte. » Malgré le « peu de succès » qu’on lui prédit en Italie, le livre connaîtra apparemment un certain succès puisque la traduction sera rééditée en 1902.

     

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    M. Spronck © Assemblée nationale

     

    Majesteit avait fait l’objet de certains commentaires en France plusieurs années avant la sortie de l’édition française chez Plon en 1898. En témoigne un article non signé paru dans ce même Journal des Débats (16 novembre 1894) : il relève l’étrange parenté qui existe entre l’œuvre de Couperus et Les Rois de Jules Lemaître, alors même qu’il ne peut être question d’influence ni de plagiat puisque les romans ont vu le jour plus ou moins simultanément (1893). Le 25 novembre, second papier sur la question : le journaliste anonyme communique la réaction du correspondant de La Haye, qui préfère pour sa part insister sur les différences entre les deux romans. Le correspondant en question se nomme sans doute Louis Bresson, futur traducteur de Majesteit en français : cet érudit, pasteur de l’église wallonne de Rotterdam, a en effet été pendant un certain nombre d’années le collaborateur du Journal des Débats pour les Pays-Bas.

     

    Jules Lemaître

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    Toujours à propos du Journal des Débats, notons encore que ce périodique annonçait dès avant le printemps 1894 « une traduction des romans de Louis Couperus, jeune écrivain qui semble “rénover le naturalisme en y ajoutant des éléments empruntés au symbolisme et à l’impressionnisme” » (édition du 21 mars 1894).

     

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    Journal des Débats, 16 novembre 1894 

    (pdf) + (pdf)

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    Journal des Débats, 25 novembre 1894

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    M. Spronck, Journal des Débats, 5 août 1900

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    Quelques semaines après la parution de Majesté en volume, le journal La Presse (3 novembre 1898) consacra quelques lignes au roman ; le pigiste n’a probablement pas lu l’histoire d’Othomar, il se contente d’emprunter au préfacier quelques-unes de ses tournures.

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    La Presse, 3 novembre 1898

    (pdf)

     

    Quelques jours plus tard, un certain Albert Robert donne un petit compte rendu :

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    « Lettres parisiennes du dimanche », La Petite Gironde, 7 novembre 1898

     

     

    En 1903, Félicien Pascal propose un rapprochement entre Couperus, Bourget, J.-H. Rosny et Jules Lemaître :

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    Le Gaulois, 1er janvier 1903 (le reste de l'article porte sur Bourget)