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À l’instar des voyages d’Alix dans le monde antique, Les Voyages de Jhen invitent le lecteur à explorer l’époque médiévale, dans les pas du personnage créé par Jacques Martin. Après Venise, Paris ou Carcassonne, Jhen s’arrête à Bruges. Nous traversons la cité flamande, guidés par la verve érudite de l’historien Marc Ryckaert et les dessins de Ferry (pseudonyme de Fernand Van Vosselen). Au terme de cette promenade, Ferry, installé au Café Vlissinghe, raconte à Edmond Morrel le plaisir qu’il a eu à ressusciter la « Venise du Nord » :
En 2001, l’émission « Courant d’Art » a proposé un documentaire sur la traduction littéraire. Il donne la parole à Caroline Lamarche qui évoque brièvement le travail de son traducteur en anglais, ainsi qu’aux traducteurs Françoise Wuilmart, Rose-Marie François et Patrick Grilli.
Écrivain elle-même, Rose-Marie François a traduit des auteurs allemands, autrichiens, lettons et suédois, mais aussi quelques poètes d’expression néerlandaise : Eddy van Vliet, Hans van de Waarsenburg et Eric Derluyn, (D’un bond léger dans l’immortalité. Kleine sprong in onsterfelijkheid, recueil bilingue, 1987).
Fondatrice et directrice du Centre Européen de Traduction littéraire (C.E.T.L.), Françoise Wuilmart s’est elle aussi distinguée par ses traductions de l’allemand. On lui doit également des transpositions d’œuvres d’écrivains flamands et néerlandais (roman, essai, pièce de théâtre) : Peter Verhelst (Cette fleur est ma révolution), Kristien Hemmerechts (Jeudi 15h30), Marijke Schermer (Le Couple Alpha), Douwe Draaisma (Pourquoi la vie passe plus vite à mesure qu’on vieillit)… On peut l’entendre s’exprimer sur le thème « traduire, c’est traduire la culture » : ici
Quant à Patrick Grilli, il a signé des traductions de romans de Jeroen Brouwers (L’Éden englouti, Rouge décanté), Frans Kellendonk (Corps mystique), Tim Krabbé (L’œuf d’or), Kristien Hemmerechts (Ana- tomie d’un divorce, Le jardin des innocents), Marcel Möring (La Fabuleuse histoire des Hollander) ainsi que d’ouvrages des historiens Jan Romein (Les Fondements sociaux et économiques du fascisme) et H.L. Wesseling (Le Partage de l’Afrique, Les Empires coloniaux européens 1815-1919).
Né en 1936 en Flandre, Roland Jooris a publié ses premiers poèmes voici plus d’un demi-siècle. Aujourd’hui, il est reconnu comme l’un des poètes majeurs d’expression néerlandaise. Sa poésie se caractérise par une formidable force d’expression et une grande pureté des lignes et du discours. Critique d’art, il a écrit sur l’œuvre des peintres Raoul De Keyser, Gust De Smet, Eugène Leroy, Dan Van Severen et Roger Raveel. Jusqu’en 2005, il était d’ailleurs le conservateur du musée Roger Raveel à Machelen-aan-de-Leie.
À l’occasion de l’exposition Cy Twombly. Photographs 1951-2010 organisée au musée Bozar, il a été invité à écrire un poème à partir d’une photographie de l’artiste américain.
CY TWOMBLY: studio
Samenhang van chaos stug gedrongen aan de kant bijeen
als tussen antieke voetstukken van zuilen het gemompeld monumentale de niet te duiden stilte het wazige dat een opgeveegd vergeten is
in zijn donkere kamer ruimen de dingen voor vermoeden plaats
CY TWOMBLY : atelier
Cohérence du chaos rigide tassée sur le côté tout d’un tenant
comme entre le piédestal antique de colonnes le monumental grommelant l’indéterminable silence le vague qui est un oubli poussé au balai
dans sa chambre noire aux suppositions les choses font une place
traduction D. Cunin
Studio (Lexington, 2009)
De Roland Jooris, on peut lire en français une évocation
de Pierre Reverdy : « Solesmes », in Deshima, n° 4, 2010.
Roland Jooris lit son poème Zelfportret (Autoportrait)
Les mots, ces individus qui mènent leur propre vie
Née à La Haye, M. Vasalis – pseudonyme de Margaretha Leenmans (1909-1998) –, entreprit des études d’ethnologie avant de renoncer à s’intéresser à de lointaines peuplades pour sonder l’étranger qu’il y a en chacun de nous. Épouse d’un psychiatre, elle a elle-même exercé comme pédopsychiatre et consacré beaucoup de son temps à l’écoute de ses proches et de ses amis. Liée avec plusieurs poètes, par exemple la Sud-Africaine Elisabeth Eybers ou encore Gerard Reve, elle s’est toutefois tenue à l’écart du monde littéraire, n’accordant pour ainsi dire aucune interview, publiant très peu, insatisfaite de ce qu’elle écrivait, ne continuant pas moins à tenir son journal. Vasalis est décédée à Roden, dans la province de la Drenthe, où elle a passé les trente-cinq dernières années de sa vie.
Vasalis confie ses premiers poèmes à la revue Groot Nederland (1936). En 1940 paraît chez A.A.M. Stols son premier recueil Parken en woestijnen (Parcs et déserts). Le même éditeur publie le suivant en 1947 : De vogel Phoenix (L’Oiseau Phénix). Sept ans plus tard, la maison G.A. van Oorschot prend le relai : Vergezichten en gezichten (Vues et visages). La poète restera fidèle à cet éditeur né lui aussi en 1909 – leur correspondance a été publiée pour marquer le centenaire de l’année de leur naissance (illustration ci-contre) –, mais sans plus produire le moindre recueil. Vasalis a signé quelques essais et une longue nouvelle située en Afrique du Sud, pays où elle a séjourné : Onweer (Orage, 1940) – ainsi que quelques discours de la reine Juliana avec qui elle avait sympathisé dans les milieux estudiantins de Leyde –, mais ce n’est qu’après sa disparition que le lecteur découvrira un nouvel ensemble de poèmes : De oude kustlijn. Nagelaten gedichten (L’Ancien littoral. Poèmes posthumes, 2002). Cette œuvre poétique – réunie dans les Verzamelde gedichten (2006), moins de 200 pages – a été couronnée du vivant de l’auteure par les distinctions les plus prestigieuses aux Pays-Bas ; très tôt, la critique a salué la complexité psychologique qui se manifeste sous la simplicité et la transparence des vers. Les lecteurs ont répondu à cet engouement, dix mille acquérant par exemple, entre 1940 et 1943, un exemplaire du premier recueil, une manne inespérée pour l’éditeur Stols ; depuis, Parken en woestijnen est devenu le titre le mieux vendu des éditions Van Oorschot juste derrière le roman De donkere kamer van Damokles (La Chambre noire de Damoclès) de Willem Frederik Hermans, devant les œuvres mêmes de l’éditeur Geert van Oorschot, devant aussi la traduction néerlandaise par E.Y. Kummer du Voyage au bout de la nuit de Louis-Ferdinand Céline ou encore Specht en zoon (La Mort sur le vif) de Willem Jan Otten.
Maaike Meijer, biographe de Vasalis, relève comme thèmes majeurs de ces poèmes, composés pour la plupart dans une forme libre, le rapport à l’être aimé (présent ou absent), la dimension tragique de la maladie mentale,la singularité de l’enfance, la nature envisagée comme accès à l’expérience intérieure, la mort et le temps bien sûr, mais aussi notre capacité à dépasser la conscience rationnelle. D’apparence plutôt conventionnelle, les strophes placent souvent le lecteurface à un changement intime brutal de la personne qui nous parle ou plutôt de ce « je » qui se parle à lui-même. Vasalis aspire à regarder au-delà du visible, au-delà du connu, quand bien même cela peut mettre le poète face à ce qu’il y a de plus angoissant. Des auteurs ont rapidement relevé une certaine parenté entre ses créations qui nous transportent dans une dimension surnaturelle, et celles de la mystique Hadewijch. Parallèlement, on a pu voir en elle un auteur privilégiant les petites choses du quotidien ; les Vijftigers – poètes des années cinquante de la mouvance CoBrA – s’opposeront à cette vision des choses.
Si l’on doit rapprocher Vasalis d’un autre poète, c’est sans doute d’Emily Dickinson dont elle partage l’intensité dans l’expression et dans l’émotion. Elle envisage le poème comme l’accès privilégié à un état de conscience autre – par exemple à travers le rêve – qui permet de suspendre les contradictions, les limites du sujet lyrique, le manque d’unité de l’existence sans pour autant atteindre à l’absolu. Une incapacité gage de beauté.
Daniel Cunin
Sources : Maaike Meijer & Jessa Bertens, « M. Vasalis », Kritisch Literatuur Lexikon, Groningue, Wolters Noordhoff, septembre 2007 & Maaike Meijer, Vasalis. Een biografie, Amsterdam, Van Oorschot, 2011.
Le poème Afsluitdijk lut par le poète Remco Ekkers
Afsluitdijk
L’autobus est une chambre qui troue la nuit,
la route une droite, la digue une ligne sans fin,
à main gauche la mer, domptée mais inquiète ;
nous regardons, une lune timide diffuse sa lueur.
Sous mes yeux, les jeunes nuques fraîchement rasées
de deux matelots ; ils retiennent des bâillements
puis, après s’être étirés en souplesse, s’endorment
avec innocence tête sur l’épaule de l’autre.
Soudain, comme en rêve, je vois dans la vitre,
fluide et transparent, soudé au notre, par moments
clair comme nous, par moments noyé dans la mer,
l’esprit de l’autobus ; l’herbe fend les matelots.
Je me vois moi aussi. Rien
que ma tête qui se balance à la surface de l’eau,
la bouche remuant comme ouverte
sur des mots, sirène stupéfaite.
Nulle part ne finit et nulle part ne commence
ce voyage, sans avenir, sans passé,
rien qu’un long aujourd’hui mystérieux et morcelé.
trad. D. Cunin en collaboration avec Kiki Coumans
Documentaire en néerlandais (extraits) sur Vasalis
Mère
Elle était comme la mer, mais sans tempêtes.
Également nu-tête et le pied large.
S’élevant et descendant sur son flux,
assis comme des oiseaux sur ses genoux,
nous pouvions l’oublier un long moment,
paisibles, regardant autour de nous, à l’abri.
Sa voix était sombre et un peu rauque
comme des coquillages qui glissent l’un contre l’autre,
sa main était chaude et rêche comme le sable.
Et toujours elle portait à son cou bronzé
la même chaîne à la pierre de lune ronde
où, dans un bleu de brume, brillait une petite lune.
Imprégnés pour de bon de son calme murmure,
nous étions tout le temps en voyage et toujours chez nous.