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traduction - Page 30

  • Bart Moeyaert et son œuvre

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    Portrait de Bart Moeyaert par Marie-Ange Pompignoli

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    Le jeudi 4 décembre 2008, dans le cadre de la Saison culturelle européenne, en partenariat avec la Maison des écrivains, la Joie par les livres recevait Bart Moeyaert, interviewé par Anne-Laure Cognet.

    Si en France, cinq de ses romans pour adolescents et quatre de ses albums sont traduits, son œuvre publiée en flamand est bien plus importante avec des romans pour adultes, du théâtre, des scripts, d’autres albums et romans pour enfants… En France, Bart Moeyaert est apparu dans le paysage éditorial au tournant des années 2000 comme une autre voix, un autre ton.

    couvamainsnues.jpgIl réalise son premier livre à neuf ans, alors qu’il est malade. Intitulé L’Enfant aux médicaments, il compte douze chapitres d’une page chacun tapés à la machine. Pour lui, faire un livre s’apparentait à un bricolage, car il était convaincu que les auteurs fabriquaient eux-mêmes leurs livres et ne se contentaient pas de les écrire. Il était également convaincu qu’il ne pouvait écrire que sur ce qu’il connaissait : c’est ainsi qu’il a abandonné l’histoire d’une fille qui partait en voyage, parce qu’il n’avait jamais pris l’avion...

    À douze ans, il écrit un deuxième livre, de quarante pages ; malgré ses six frères, il est très solitaire, ne participant guère aux jeux de ses aînés, en tant que benjamin de la fratrie. Il ne peut discuter de ses problèmes d’adolescence ni avec ses parents, trop vieux, ni avec ses frères, qui le considèrent comme celui avec qui on peut rire, encore moins avec ses camarades de classe (il fréquente une école de garçons où l’on ne montre rien de son ressenti, car c’est jugé « un truc de filles »).

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    À quatorze ans, alors qu’il se sent mal dans sa peau, il commence un journal intime, parce qu’il a lu le roman d’un garçon qui fait le tour du monde, écrit sous la forme d’un journal de bord. Il ne se doute absolument pas que ce n’est qu’un procédé d’écriture pour un récit fictif. Il achète un cahier, écrit des choses sur lui-même mais trouve que sa vie quotidienne n’est pas assez intéressante, aussi y met-il du piquant : des accidents, une certaine Judith, personnage inventé, censée être dans sa classe et dont il est amoureux…

    « Personne ne savait que j’écrivais un roman, même moi, je ne le savais pas. » Trois cahiers et presque trois ans plus tard, il tape le tout sur une vieille machine à écrire (142 pages) et montre le résultat à ses parents qui le félicitent. Ce que ses parents détestaient par-dessus tout, c’était la paresse et l’oisiveté : jouer au foot, écrire des cartes postales ou un roman, « c’était très bien. »

    couvGroteOmas.jpgComme son père avait écrit des manuels scolaires, Bart Moeyaert trouve naturel d’envoyer son roman à des éditeurs. Le premier le refuse, le second lui répond, six mois plus tard : « Nous allons probablement l’éditer » ; on lui propose de corriger un certain nombre de points, dont le titre, car Duo, alors qu’il n’y a que quatre chapitres, ça ne convient pas… Mais il refuse de modifier le titre, et préfère réécrire entièrement le texte, ce qu’il fait un été durant, enfermé dans sa chambre. Cela donne finalement trente-sept chapitres, chacun étant, en alternance, le point de vue de Liselot et celui de Lander, qui forment bien, cette fois, un duo. Il a dix-neuf ans, et son livre est édité sous le titre Duet met valse noten [Duo avec fausses notes], en 1983. Il sera maintes fois réédité.

     

    Quand il découvre La Danse du coucou d’Aidan Chambers, il comprend que « tout est possible avec un livre ». À l’occasion d’un travail de recherche sur cet auteur, il le rencontre pendant un quart d’heure dans le taxi entre Amsterdam et l’aéroport de Schiphol – quelques mois plus tard il lui rend visite en Angleterre. Leur rencontre durera trois jours : « Je suis arrivé comme étudiant, je suis reparti adulte. »

    La même maison d’édition le suit pour quatre romans, mais comme il n’a pas envie d’être étiqueté « jeunesse », au troisième livre, ils se disputent, car Bart veut aussi écrire pour d’autres publics. « C’est comme un mariage qui ne marche plus : ça fait très mal, mais à un moment, il faut passer un cap », se séparer. Ensuite, quand on se voit, on s’entend mieux.

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    En 1991, Jacques Dohmen, qui était l’un des rédacteurs les plus importants de la maison d’édition Querido aux Pays-Bas, lui propose d’être édité chez lui ; ce qu’il fait effectivement en 1995. Il publie Blote handen qui sera traduit en français sous le titre À mains nues, puis un petit texte (qui n’a pas encore été traduit en français), Afrika achter het hek [Afrique, au-delà de la barrière], illustré par Anna Höglund, une illustratrice qu’il apprécie. « J’ai beaucoup appris avec Anna Höglund », souligne-t-il. En effet, pour l’édition allemande, c’est un autre illustrateur qui a été choisi « parce que Anna Höglund n’est pas facile à vendre », et le livre a reçu une mauvaise critique et ne s’est pas vendu ; un an plus tard, un deuxième éditeur allemand publie l’album avec les illustrations d’Anna Höglund, et ça marche. Pour les albums suivants, Bart Moeyaert imposera son illustrateur(trice): «C’est mon livre qui est dans les magasins, je dois vraiment en être fier.»

    À mains nues, son premier livre traduit en français, en 1999 aux éditions du Seuil, l’a été par une traductrice qui n’« accrochait » pas à sa manière d’écrire ; le succès de l’ouvrage en France a d’ailleurs été très mitigé, ce qu’il attribue au fait qu’il n’a pas été traduit de manière adéquate. « La leçon, dit-il, c’est qu’il faut une bonne entente entre le traducteur et l’auteur. »

    Par la suite, ses livres ont été traduits en français par Daniel Cunin, qui avait lu en néerlandais un certain nombre de ses ouvrages et qui l’a recommandé à Danielle Dastugue, directrice éditoriale du Rouergue, la maison d’édition principale de Bart Moeyaert aujourd’hui en France.

    CouvOlek.jpgAvec Daniel Cunin, Bart Moeyaert échange parfois quelques méls, mais, affirme Bart Moeyaert, « si je peux lire le français, comprendre le français, je pense que le traducteur connaît mieux sa langue que moi » : il se contente donc de donner son avis sur un nom ou un détail.

    Lui-même a une activité de traducteur, pour des auteurs qu’il apprécie, tels Chris Donner ou Jürg Schubiger : « Il y a mon nom dedans, je veux être fier de ce que je fais. »

    Quatre de ses albums sont traduits en français : Moi, Dieu et la création et Olek a tué un ours, illustrés par Wolf Erlbruch, Le Conte de Luna, illustré par Gerda Dendooven (traduit par Maurice Laumré), et Le Maître de tout, par Katrien Matthys.

    On lui a proposé de faire un livre musical, ce qu’il a accepté avec enthousiasme, parce qu’il étouffe s’il reste entre ses quatre murs d’écrivain. En néerlandais, un cd accompagne effectivement chacun de ces albums.

    On lui propose d’écrire un livre sur la Genèse, ce qui n’a pas été facile mais finalement, Moi, Dieu et la création est apprécié autant par une Église très stricte que par les non-croyants !

    De même pour Olek a tué un ours, un compositeur le sollicite : Wim Henderickx, dont Bart Moeyaert trouve la musique (contemporaine) intéressante. Jeunesse Musicales lui propose d’adapter L’Oiseau Feu, et Bart en fait un conte sur un homme qui cherche à discerner le bien du mal ; et le compositeur fait une musique d’accompagnement de 40 minutes.

    Si Le Conte de Luna, adapté d’un conte slovaque, est très différent d’Olek, c’est que « ça ne m’intéresse pas de refaire deux fois la même chose ».

    couvcontedeluna.jpgLe Maître de tout (en l’occurrence, l’histoire d’un chat qui se pose la question de son emprise sur le monde) est un conte imprimé sur des pages noires, dont les images et le texte sont phosphorescents et peuvent donc être vus dans le noir… parce que finalement, le maître de tout, c’est la lumière… et l’histoire commence. « J’aime bien ne pas tout dire, donner de la matière à penser aux enfants, qu’ils se demandent : “Mais qu’est-ce qu’il dit ?” »

    Pourquoi proposer des albums qui appartiennent plutôt au genre du conte ? C’est un hasard, il a d’autres projets dans son escarcelle, auxquels il veut donner le temps de mûrir. Il a écrit des poèmes (dont deux recueils ont été publiés), sans qu’il se sente spécialement poète, il a aussi rempli des carnets de petits dessins…

    Si être auteur donne une image de sérieux, il aime casser cette image, notamment en écrivant du théâtre : « il y a une distance, mais il n’y a pas de distance ». « Je veux essayer jusqu’à ce qu’on me dise : “C’est moche, arrête”, alors peut-être j’arrêterai, mais pas avant. »

     

    Ses romans proposent de partager un univers autour de la famille, et mettent des jeunes en interaction avec le monde des adultes. Pourquoi ? Il a voulu que son récit Oreille d’homme soit « miroir du monde des jeunes, et miroir du monde des adultes. » « Je suis resté à l’époque où je trouvais que tout était difficile, quand j’avais douze ans, et encore vingt ans, trente ans » (par exemple, comment communiquer, avec un père très sévère, quand on a appris à dire « Oui, ça va » même quand ça ne va pas ?), même si la jeunesse, c’est en même temps « le plus beau temps de la vie, où tout est possible, où on peux choisir ce qu’on veux ». À vingt ans, dit-il, on est tourné vers le futur, alors que dans l’enfance, on est plus tourné vers la découverte, ce qui inclut douleur, tristesse.

    couvNiddeguepes.jpgAinsi dans Nid de guêpes, paru en 1997, il est question d’apprendre à connaître les « vraies frontières ». « Ce qui me choque parfois, insiste Bart Moeyaert, c’est que beaucoup de gens ne découvrent pas leurs frontières. » « Quand je vais dans d’autres pays, je veux être choqué, je veux voir mes propres frontières, les voir bouger », « Je veux être toujours en mouvement ». « Passer les frontières, ou pas, c’est ce que nous devons faire ». Nid de guêpes, qui raconte l’histoire de Suzanne, une jeune fille en révolte, met en scène un personnage qui décide de faire quelque chose, pour la première fois, parce que la situation est intenable ; à la fin de l’ouvrage, c’est accompli. Parallèlement, l’auteur nous dit : « j’ai osé faire des choses, passer des frontières ».

    Dans À mains nues, le héros est aussi poussé à faire quelque chose. Et de plus en plus, dans les livres de Bart Moeyaert, ses héros agissent, parce que « j’ai compris dans ma propre vie que quand je fais quelque chose, le monde change, et quand je ne fais rien, rien ne bouge ».

    Un enfant de huit ans ne comprendra certainement pas tout de ce qu’il lit, mais « tout va ensemble ». Lui-même se souvient d’être allé, jeune, à une représentation de La Mouette de Tchekov, en français, dont il n’a pas compris tous les dialogues, mais il a été enthousiasmé par l’atmosphère et le cadre qui formaient un ensemble.

    Il refuse de réduire la culture enfantine aux séries télévisées, et pense qu’en matière culturelle, on peut proposer à un enfant ce que l’on propose à un adulte – même si c’est peu à peu que l’enfant en assimilera la richesse.

    Couvlamourquenous.jpgSon père ne lui ayant jamais dit qu’écrivain, ça pouvait être une profession, Bart Moeyaert n’en a jamais eu l’idée. Entre son premier roman (1983) et Nid de guêpes (1997), il a compris qu’il pouvait écrire un « kaléidoscope » : ce qu’on veut, « mais tucomprends que ta voix est la bonne ».

    Aujourd’hui, il est beaucoup plus libre. Être libre n’empêche pas de se poser des questions du type : « Est-ce que ce que je fais est bien ? »

    À dix-neuf ans, les adultes émettaient ce jugement à son égard : « Bon travail, mais on n’obtiendra plus rien de ce jeune », or, son roman a eu un grand succès (trois tirages en un an). Trois ans plus tard, il publiait son deuxième livre, complètement différent – les critiques furent heureux, et les lecteurs, déçus. « Tout le monde ne peut pas être content », disait son premier éditeur : l’important pour Bart Moeyaert étant de faire ce qu’il veut.

    Il a écrit et dessiné une histoire, Grote oma’s [Les Grandes grand-mères], (qui n’est pas traduite), donnée en cadeau, puis republiée avec des illustrations de Kitty Crowther.

    Il a été également nommé « poète de la ville d’Anvers » en 2006 et 2007. Sa tâche consistait à suivre la vie de la ville et à écrire douze poèmes (en deux ans) sur le sujet. Pendant ces deux années, il n’est pas arrivé à écrire autre chose ; il devenait cynique, trouvait que le monde était noir et la vie, lourde. Quand sa fonction a cessé, il a voyagé pendant six mois, et a compris qu’il était libre lorsqu’il écrivait des histoires – ce qu’il a fait depuis, sans négliger les poèmes ou le théâtre, choses secondaires mais qui sont une respiration pour lui.

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    En 2009 paraît Embrasse-moi (en mars, traduction française de Kus me publié en 1991) et Graz [Graz], roman pour adultes. Il a été cité plusieurs fois pour le Prix Andersen, en 1998, 2002, 2004, et a obtenu divers prix, dont le Hibou d’or (De Gouden uil, prix néerlandophone) : trois fois, il a été nominé, on lui a dit « Bart, tu es jeune, ça viendra un jour », et la quatrième, il l’a eu, en 2001, pour Le Conte de Luna, un conte qu’il a réécrit. Il comme nte avec humour : « Tu reçois le prix pour une histoire qui n’est pas vraiment de toi ! »

    Un auteur qui nous a fait partager avec simplicité un peu de ce qui lui tient à cœur, et que l’on peut retrouver dans ses livres… ou sur son site : http://www.bartmoeyaert.com.

     

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    Source : Bibliothèque nationale de France, CNLJ - La Joie par les livres. Merci à Marie-Ange Pompignoli et Bart Moeyaert pour l’autorisation de reproduire ce texte.

     

     

  • Pitbull

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    Décharges d’adrénaline à Malines

     

    Un assez grand nombre de polars flamands ont pour décor la ville d’Anvers (par le passé ceux d’Anton Van Casteren, dans les vingt dernières ceux de Patrick Conrad, de Piet Teigeler, de Hubert van Lier… ou encore l’Anvers de l’époque de Rubens ou de l’époque napoléonienne dans ceux de Staf Schoeters), au point qu’on a pu parler d’ « école anversoise ». Pieter Aspe situe les siens, on le sait, à Bruges ; Jos Pierreux a élu la célèbre cité balnéaire de Knokke, Marthe Maeren la ville de Gand, le policier Christian De Coninck Bruxelles. Courtrai sert souvent de cadre aux livres du romancier Axel Bouts. Pour sa part, Luc Deflo a retenu une autre ville au riche passé, celle où il est né, Malines. En 2008, son roman Pitbull a reçu le Prix Hercule Poirot qui, depuis 1998, récompense tous les ans le meilleur polar flamand.

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    Vous avez une maîtresse belle et sensuelle. Problème : elle menace de révéler son existence à votre épouse. Un homme avec qui vous échanger quelques mots dans un café se propose d’éliminer la gêneuse à condition que, de votre côté, vous tuiez la femme dont il souhaite lui-même se débarrasser. Voilà le marché – clin d’œil à L’Inconnu du Nord-Express – qu’accepte à demi-voix Benjamin Delaedt, un soir où il a un peu trop bu. Deux crimes parfaits en perspective puisque ceux qui projettent de tuer n’ont aucun lien avec leur future victime et qu’ils pourront par ailleurs disposer d’un alibi en béton. Quelques jours plus tard, Benjamin ouvre le journal et découvre que sa maîtresse a été tuée dans des conditions atroces. Pour ne pas s’attirer les foudres de l’assassin, un homme au physique imposant, il sait qu’il va lui aussi devoir passer à l’acte.

    Voici les données de départ du roman avant que la police ne s’en mêle et que ne se révèle la nature véritable d’un tueur en série qui mord ses victimes – de là le surnom qu’on va lui donner : Pitbull. Un homme en apparence quelconque – un chômeur alcoolique parmi tant d’autres –, mais qui dispose d’appui dans les plus hautes sphères judiciaires, une véritable force de la nature en même temps qu’un individu plein de charme. L’homme est tellement infatué qu’il va lui-même prendre les choses en main pour se faire co-narrateur, ce qui se traduit par des passages hilarants. On se glisse dans la cerveau de ce monstre, on en suit les méandres entre réflexions loufoques et pensées qui glacent.

    CouvSluipendGif.jpgLuc Deflo mêle avec talent intrigue en apparence classique et descente aux enfers : le lecteur est invité à entrer dans les esprits les plus sombres, les plus maléfiques, les plus pervers ; ses tueurs, qui ont pour la plupart vécu une expérience traumatique dans leur jeunesse, déploient des qualités insoupçonnées pour torturer leurs victimes : des serial killers qui aiment qui plus est jouer avec la police et se jouer d’elle. Pitbull va pousser le jeu jusqu’à la dernière page et même plus loin. Le romancier excelle à mettre en scène l’inéluctable des pulsions criminelles.

    Côté enquête, c’est surtout la figure de Dirk Deleu qui se dégage – Deflo reconnaît d’ailleurs que le physique du policier n’est pas sans rappeler le sien. Cet homme sombre fait équipe avec Nadia Mendonck, une femme qu’il aime, mais leur liaison est d’autant plus compliquée qu’il ne parvient pas à oublier tout à fait son épouse Barbara dont il est séparé. Les épisodes sur la vie amoureuse de Deleu se glissent dans le récit ; ils permettent à l’enquêteur et au lecteur de reprendre un peu leur souffle, mais il n’est pas rare que cet aspect de son existence prenne une part dans l’intrigue même. Par exemple dans Sluipend gif, Barbara et Nadia se retrouvent aux mains d’un tueur en série que tout le monde croyait mort (le « Désosseur » du premier roman de Deflo : Âmes nues) ; de même, dans Pitbull, le serial killer va s’approcher dangereusement de Nadia.

    Autre personnage incontournable d’une dizaine de thrillers de Luc Deflo : le juge Jos Bosmans qui couvre parfois les méthodes peu catholiques de son ami de Deleu. L’équipe qui entoure Deleu compte par ailleurs Walter Vereecken, policier qui se déplace en fauteuil roulant depuis qu’il a été grièvement blessé par le Désosseur, Pierre Vindevogel dit Pierre le Bigleux, le médecin légiste Van Grieken…

    Maniant un style sûr et souple, Luc Deflo marie intrigue haletante et atmosphère oppressante. On ne se lasse pas de ses descriptions des crimes. Jusqu’à la fin, le lecteur ignore qui, du tueur ou des policiers, va l’emporter.

    D.Cunin

     

    Le vrai Pitbull présenté par l’auteur (à partir de 5’45)



     

     

    L’AUTEUR

     

    Après avoir beaucoup écrit pour le théâtre, Luc Deflo (né à Malines en 1958) s’est affirmé comme un des principaux représentants du thriller flamand et un des auteurs phares des éditions Manteau : dans Naakte zielen (Âmes nues, 1999) apparaissent le magistrat Jos Bosmans et l’enquêteur Dirk Deleu qui ont affaire à un tueur en série. Un duo de Malines que le lecteur retrouve souvent au fil de l’impressionnante série de livres publiée depuis : Bevroren hart (Cœur gelé, 2000), Lokaas (Appât, 2001), Kortsluiting (Court circuit, 2002) ; Sluipend gif (Poison furtif, 2003), Onschuldig (Innocent, 2004), Copycat (2005), Hoeren (Putes, 2006), Weerloos (Sans défense, 2007), Ademloos (Sans souffle, 2007), Spoorloos (Sans trace, 2007), Angst (Peur, 2008), Pitbull (2008), Lust (Désir, 2009) et Schimmen (Ombres, 2009). Mensonge, désir, folie, violence, sexe, perversité sont au menu de ces thrillers psychologiques. Plusieurs ont été traduits en allemand. Outre la dizaine d’enquêtes conduites par Deleu, il a écrit une trilogie portant sur la pédophilie. Certains livres sont en cours d’adaptation à l’écran. Le succès que rencontrent les livres de Deflo dans le monde néerlandophone lui permet de se consacrer entièrement à l’écriture.

     

    Le début de Pitbull en version anglaise : PDF


    Les livres de Luc Deflo en allemand (avec des extraits) : ici

     

     

  • Van Eyck

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    L’AGNEAU MYSTIQUE

     

     

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    L’ouvrage de Harold Van de Perre - Van Eyck, L'Agneau mystique - publié dans la collection « Maîtres de l’Art » (Gallimard/Electa, 1996) présente deux qualités majeures : une analyse poussée de l’œuvre mariée à des reproductions d’une rare qualité. L’auteur établit par ailleurs des liens entre certains panneaux et détails du polyptyque et des œuvres de peintres des derniers siècles.

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    DVDVanEyck.jpgNé en 1937, Harold Van de Perre est peintre verrier, dessinateur, pastelliste et aquarelliste. Il a enseigné dans sa région natale, la Flandre belge, ainsi qu’en Russie, pays avec lequel il entretient des liens privilégiés. Outre son ouvrage sur Van Eyck, il a publié en néerlandais un Rubens, prophète de l’art moderne et un Bruegel, visionnaire pour tous les temps. Sa série d’émissions en 6 parties consacrée à ces trois peintres est disponible en DVD.

     

     

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    LE MOT DE L'EDITEUR

    peinture,flandre,traduction,van eyck

     

    L’AGNEAU MYSTIQUE, 1939

      

     

      

    à lire aussi sur L'Agneau mystique le livre de Fabrice Hadjadj

    peinture,flandre,traduction,van eyck

     
     
     
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  • Israël, peau de chagrin

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    LE DERNIER ROMAN DE LEON DE WINTER

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    Depuis 1996, les éditions du Seuil ont publié 5 romans de Leon de Winter (Bois-le-Duc, 1954). Si l’activité de scénariste de l’auteur transparaissait sans doute trop dans ses derniers titres, on retrouve dans le plus récent, Het Recht op tergukeer (Le Droit au retour, 2008, traduction prévue en 2010) une réelle intensité et une écriture bien plus dense. À travers l’histoire d’un homme, fils unique d’un prix Nobel et père d’un petit garçon qui a disparu, le romancier évoque l’avenir d’Israël, État réduit plus ou moins au statut d’enceinte militaire autour de Tel-Aviv, alors que nombre de juifs orthodoxes se sont rangés du côté des Palestiniens et que les autres habitants ont choisi d’aller vivre dans d’autres pays.

    CouvFaimHoffmanPoche.gifCe Bram Mannheim, juif à la dérive, n’est pas sans rappeler Felix, personnage central de La Faim de Hoffman. Mêlant enquête, enjeux stratégiques, histoire du Moyen-Orient, génétique, règles kabbalistiques, quête métaphysique et conspirations terroristes, le récit, sombre mais non dénué d’humour, nous transporte de l’époque présente à 2025 en posant des questions essentielles sur les idéaux et les illusions de deux ou trois générations d’Israéliens.

     

     

    Œuvres de Leon de Winter en français (Le Seuil)

     

    La Faim de Hoffman, trad. Philippe Noble avec la collaboration de Daniel Cunin, 1996 (Point Seuil, 2006).

    CouvSionocco.gifKaplan, trad. Danielle Losman, 1998.

    Sionocco, trad. Philippe Noble, 2003 (Point Seuil, 2004).

    Le Ciel d’Hollywood, trad. Isabelle Rosselin, 2004.

    Malibu, trad. Isabelle Rosselin, 2006.

    Le Droit au retour, à paraître.

     

     

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  • L’enfant qui vous fait naître

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    L’Enfant ombre, de P.F. Thomése

    « Conçu le matin de Pâques 1957 et né à Doetichem le 23 janvier 1958 comme descendant fortuit d’une vieille lignée pour ainsi dire éteinte. Père distrait, mère folle. » C’est en ces termes que Pieter Frans Thomése se présente sur son site avant de préciser : « Le nom Thomèse vient de France ; il appartenait entre autres à l’orfèvre Maître Albert de Thomése, protestant qui, après la révocation de l’Édit de Nantes en 1685, dû fuir ; ayant trouvé refuge à La Haye, il devint, grâce à ses œuvres de facture classique, un fournisseur attitré de la Cour. »

    Thomése est l’auteur d’une dizaine de livres (romans, nouvelles, « autobiographies »…). Un de ses romans est basé sur l’histoire d’Etta Palm, baronne d’Aelders. Son dernier titre : J. Kessels : The novel (Contact, 2009), moitié road novel , moitié roman pulp hilarant.

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    L’Enfant ombre, trad. Ph. Noble, Actes Sud, 2004

    En près de cinquante passages, de 3 à 4 lignes pour les plus courts et de plus de deux pages pour les plus longs, le romancier P.F. Thomése tente de combler par l’écriture – tentative qu’il sait vouée à l’échec – la béance laissée par la mort de sa petite fille âgée de quelques semaines.

    Pour une part, ces évocations fragmentaires restituent un peu des circonstances qui ont précédé le décès de l’enfant (naissance, hospitalisation…) et des scènes qui l’ont suivi (la chambre vide de l’enfant, les vêtements et autres objets inutiles…). Mais ni la chronologie ni les données factuelles ne sont le souci réel de l’auteur : on n’apprend que bien peu de choses sur le déroulement des événements. D’ailleurs, le prénom de l’enfant est l’une des rares données concrètes dont nous disposions. Ce qui importe bien plus ici, c’est ce qui reste à un père écrivain à qui il ne semble finalement rien rester, pas même la foi en l’œuvre d’art ; encore subjugué par la naissance de sa fille – une « révélation » – qui l’a en réalité fait naître lui, il doit encaisser sa disparition. Non pas imaginer l’impossible, mais le vivre, l’endurer. Endurer la mort de celle qui venait à peine de le faire naître, de celle qui lui a donné un nouveau regard sur la vie. Vivre la mort qui échappe à tout, y compris aux mots, car, à la différence du reste, la mort échappe à la répétition.

    couvschaduwkind.jpgDans une langue soignée, belle, épurée par endroits, Thomése brosse un tableau aussi complet que possible des sentiments qui l’habitent, de ceux aussi qui l’ont habité dès la naissance de Lisa. Bonheur radicalement nouveau, incompréhension, refus de voir la fatalité en face, désespérance… Son monde intérieur parle, nous parle d’autant plus que c’est là que l’enfant devait « vivre » tant qu’elle n’était pas en âge de comprendre : le papa s’était en effet préparé à tout observer, à tout écouter pour le bébé qu’elle était de manière à pouvoir lui raconter tout cela un jour. Lui qui s’apprêtait sans doute à écrire pour sa fille tout ce qu’elle vivait sans en être encore consciente, à écrire pour elle tout ce qu’elle permettait de vivre à ses parents transfigurés, le voilà condamné à écrire pour que la petite défunte lui échappe un tout petit peu moins vite, alors qu’elle s’est déjà échappée, alors que dans sa douleur, il en arrive à douter qu’elle a jamais été. Elle, celle qui n’aura été qu’une ombre.

    L’évocation profite parfois d’une citation pour approfondir un thème (sens d’une vie aussi brève, naissance/mort, le silence, les parents/le reste du monde…). Thomése convie ainsi en passant la mythologie ou encore plusieurs artistes, écrivains ou musiciens qui ont retenu comme motif ou thème la mort d’un fils ou d’une fille. Et qui à l’instar d’un Flaubert, d’un Goethe n’ont pas toujours su être authentiques. Un « nous » s’immisce parfois dans le texte qui restitue de manière émouvante ce qui lie le couple. Thomése explore aussi la façon dont il vit cette expérience du deuil en revenant sur le décès de son père, décès qu’il avait vécu de manière radicalement différente.

    Ce livre sur la mort est d’autant plus poignant qu’il laisse voir combien la naissance d’un enfant fonde le père et la mère. Même si l’on sent ce père à vif, même si la blessure est béante, même si chaque mot ensevelit un peu plus le petit cadavre, on découvre un texte très mesuré.

    Tout en travaillant à ce livre, P.F. Thomése a écouté J.S. Bach (Das wohltemperierte Klavier), Bill Evans (Waltz for Debby), Paul Bley (Open, to love), Federico Mompou (Musica callada), Charlie Parker (With Strings).

     

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