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flandres-hollande - Page 86

  • Ne plus jamais dormir

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    UN ROMAN CULTE AUX PAYS-BAS

     

    Willem Frederik Hermans est un maître de la composition : si l’univers est à ses yeux le règne du chaos, ses romans sont eux aux antipodes de la confusion. Chaque mot, chaque détail, chaque scène, chaque dialogue tient une place dans la structure ou la teneur narrative de l’ensemble. La plume de l’écrivain décédé en 1995 ne laisse rien au hasard. Ceci est peut-être plus vrai encore de Nooit meer slapen (Ne plus jamais dormir) que des autres œuvres. Roman culte aux Pays-Bas – au même titre que De avonden (Les soirs) de Gerard Reve ou encore Van Oude mensen, de dingen die voorbijgaan (Vieilles gens et choses qui passent) de Louis Couperus –, Ne plus jamais dormir a par exemple fait l’objet d’un documentaire : Max Pam et Jan Bosdriesz ont refait le trajet effectué par le personnage central (et avant lui par l'écrivain lui-même), ont retrouvé quelques Norvégiens qui jouent un rôle dans l’histoire, entre autres l’adolescente qui prend le bus avec Alfred à la fin du livre. Roman paru en 1966 aux Pays-Bas, Ne plus jamais dormir est désormais disponible en édition française (Gallimard, trad. D. Cunin).

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    LE MOT DE L’ÉDITEUR

    Ne plus jamais dormir se présente comme le carnet de bord d’Alfred Issendorf, jeune géologue néerlandais parti en Norvège afin de confirmer une hypothèse scientifique concernant l’impact de météorites dans la région du Finnmark. Mais dès son arrivée à Oslo, il se heurte à l’accueil pour le moins moqueur d’un professeur qui était censé l’aider, et à la disparition des photos aériennes pourtant indispensables à son travail. La communication avec les trois géologues norvégiens qui l’accompagnent s’avère difficile, et Issendorf se sent vite marginalisé, voire persécuté. L’aventure dans le Grand Nord se complique de jour en jour : il n’arrive pas à dormir, souffre des moustiques, tombe dans les rivières. Bref, il se sent condamné à une longue errance, seul en butte à une nature hostile, et de plus en plus perdu. Ecartelé entre ses convictions scientifiques et ses sentiments, malmené dans sa tentative de comprendre et de maîtriser un monde chaotique, Issendorf est un antihéros tragique particulièrement émouvant, une figure inoubliable qui justifie à elle seule la découverte de l’œuvre de Hermans en langue française et de sa place dans la littérature européenne.



    un extrait (en anglais) du documentaire filmé en Norvège

     

    POINT DE VUE

    Tout juste arrivé en Norvège, Alfred, un Néerlandais qui prépare une thèse de géologie sous la direction du professeur amstellodamois Sibbelee, rend visite au célèbre professeur Nummedal pour obtenir des photos aériennes de la région où il va effectuer une expédition : le Finnmark. Nummedal, vieux, quasi aveugle, ne semble guère à l’écoute du jeune homme. Après avoir critiqué son confrère Sibbelee, il propose à Alfred de faire une promenade dans Oslo. Le début d’une non-aventure entre moustiques (beaucoup), météorites (bien peu) et soleil de minuit (peut-être).

    Récit d’une expédition scientifique qui se déroule au cours d’un été des années soixante – et qui tourne au fiasco –, Ne plus jamais dormir s’ouvre sur une citation d’Isaac Newton illustrant l’absurdité et le caractère incognoscible du monde. La brève première phrase du roman annonce la malchance que va rencontrer Alfred, le narrateur, mais aussi son incapacité à voir les choses, à cerner les autres : « Le gardien est un handicapé. » Mais qui est au juste le plus grand handicapé de la vie ?

    jaquette du DVD, W.F. Hermans près de Ravnastua, photo T. Fjellang

    CouvDVDWFHermans.jpgLe titre renvoie bien sûr à l’incapacité du narrateur à dormir sous la tente, mais aussi à ces nuits sans obscurité du Grand Nord et au décès d’un des personnages ; quand Alfred le retrouve mort, il se dit : « […] son visage est identique à celui que je lui ai vu quand il dormait : vieux et las, inconcevablement, ridé comme l’écorce d’un chêne. Mais cette fois, il n’est pas en train de dormir. Non, ce n’est pas dormir, ça. C’est ne plus jamais dormir. »

    Cette œuvre explore quelques-uns des thèmes favoris de W.F. Hermans : le malentendu, la paranoïa, l’impossibilité de communiquer avec les autres, de comprendre autrui, le chaos, l’incapacité à se forger une identité par rapport au père et la mère. Ces thèmes sont sous-tendus par le recours à des éléments et données très concrets (photos aériennes, boussole qu’Alfred considère comme un talisman, conditions catastrophiques dans lesquelles se déroule l’expédition…), des allusions à des mythes, les réflexions du personnage principal (on suit souvent ses pensées qui le ramènent à la vie de son père, au caractère de sa mère critique littéraire, à l’incongruité des études qu’il mène, à sa carrière de musicien bien vite avortée, au regard qu’il porte sur les femmes…) ou encore les dialogues parfois burlesques (entre autres sur la théologie et la place des langues « mineures » dans le concert international).

    Comme l’histoire suit un cours essentiellement chronologique, l’absurdité de l’expédition et de la recherche scientifique menée par Alfred ne cesse de monter en puissance. En apparence brillant étudiant, Alfred a été poussé par sa mère à devenir un scientifique à l’instar de son père mort trop tôt. L’expédition lui montre qu’il n’est pas du tout fait pour cela ; il est un être qui erre dans l’existence, dans ses propres projections comme dans l’extrême nord norvégien. Quant à Arne qui, de son côté, a tout fait pour échapper au modèle du père et qui semble plus débrouillard qu’Alfred (ce dernier admire d’ailleurs son ami), il va au devant d’une mort qu’il aurait pu facilement éviter s’il avait accepté l’argent de son père pour mieux s’équiper.



    diverses séquences montrant W.F. Hermans

    (en néerlandais et en afrikaans)

     

    La dimension ludique et sarcastique du roman se trouve renforcée par l’usage que fait Hermans de la langue : Alfred parle anglais avec les Norvégiens qui eux parlent norvégiens entre eux ; Mikkelsen s’exprime dans une langue faite de clichés et dans un anglais rudimentaire ; il y a tout un jeu qui repose sur le nom de certains personnages. De fait, l’humour parcourt tout le roman ; Alfred doit faire face à tellement de contrecoups que la situation finit par devenir tragi-comique. Ne plus jamais dormir est rédigé dans une langue d’une rare simplicité et d’une rare clarté. La maîtrise d’horloger qu’étale l’écrivain fait que la succession de « hasards » reste crédible.

    Géologue de profession, W.F. Hermans a développé dans un roman postérieur (Entre professeurs) son scepticisme vis-à-vis de la recherche scientifique (le succès résulte du hasard et du copinage) tout en déversant sa bile sur le monde universitaire et estudiantin hollandais de l’après mai 68. Il devait d’ailleurs quitter l’université et son pays peu après pour s’établir à Paris.   (D. Cunin)



    W.F. Hermans photographe : quelques-unes de ses photos

     

    Lire : « Hermans sur sols mouvants », Mathieu Lindon, Libération, 29/10/2009

    « La route pour nulle part », Jacques Hermans, La Libre Belgique, 10/05/2010

     

     

     

  • Un traducteur au XIXe siècle

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    AUGUSTE CLAVAREAU,

    poète et traducteur

     

     

    En guise d'hommage à l'un des rares traducteurs de littérature néerlandaise du XIXe siècle - et avant de présenter un portrait plus complet de ce personnage au parcours pour le moins surprenant -, nous reproduisons un texte qui lui a été consacré dans une revue d'Utrecht, Astrea (L'Astrée, 1851, p. 90-92) ainsi que la réponse (L'Astrée, 1852, p. 12-13) qu'il a envoyée à son directeur, Jan J.F. Wap (1806-1880), homme de lettres qui a laissé dans l'un de ses ouvrages, Mijne reis naar Rome in het voorjaar van 1837 (Mon voyage à Rome au printemps 1837), un témoignage sur Lamartine, Chateaubriand et Hugues-Félicité Robert de Lamennais, rencontrés à Paris, et un autre sur Louis Napoléon, l'ancien roi de Hollande, avec qui il s'est entretenu en Italie.

     

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    Réponse d'Auguste Clavareau au directeur de L'Astrée

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  • Intermède Julius Röntgen (1)

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    Julius Röntgen

    Sonate pour piano et violoncelle (op. 41, 1900)

     

    Godfried Hoogeveen, violoncelle
    Edith Grosz, piano

     

    Compositeur hollando-allemand, Julius Röntgen est né en 1855 à Leipzig d’une famille de musicien : son père de nationalité hollandaise était violoniste à l’orchestre du Gewandhaus et sa mère pianiste, fille elle même d’un violoniste du même orchestre. Julius fut un enfant prodige qui dès l’âge de onze ans consigna ses compositions dans un petit cahier, en dédiant souvent ses œuvres à des membres de sa famille. En même temps que la composition, il travailla le piano et le violon au point de devenir un excellent concertiste de ces deux instruments. En 1878, pour subvenir à ses besoins et avoir plus de chances d’obtenir la main de sa bien-aimée, Amanda Maier, violoniste et également compositrice, il accepte un poste de professeur de piano à Amsterdam. Ce fut le départ d’une carrière importante, comme interprète soit au piano soit au violon, comme organisateur de concert, chef de chœur et chef d’orchestre. (suite)

     

     

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  • Stiletto Libretto

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    Pègre & Belles Lettres : Prix Diamanten Kogel 2009


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    C’est l’histoire d’une petite frappe dont plus aucun truand ne veut dans son entourage. Le bonhomme s’appelle Jimmy Hendricks, comme Jimmy Hendrix mais avec ck. Il passe sa dernière nuit en prison, une nuit plutôt mouvementée. Peu après sa sortie, il sème la zizanie et la panique dans les hautes sphères criminelles de Los Angeles. Tout simplement parce qu’il se retrouve en possession d’un manuscrit qui narre de façon romancée l’existence d’un caïd, le plus grand trafiquant d’armes de la région. Et parce qu’il veut devenir célèbre, être considéré comme un grand écrivain en se faisant passer pour l’auteur de ce livre sulfureux intitulé : Les Andouilles meurent un tout petit peu plus vite que les autres. Atmosphère :


    Trailer en anglais Stiletto Libretto

     

    Bien entendu, le roman que notre second couteau est parvenu à publier, sous pseudonyme, ne plaît pas à tout le monde. Même si les gangsters ne lisent guère, le succès de librairie ne passe pas inaperçu. Pour les truands dont les agissements sont dénoncés dans le best-seller, reste à trouver qui se cache derrière le pseudonyme et à lui envoyer un tueur hors pair qui travaille ses victimes au stiletto, non pas l’escarpin, mais le couteau à cran d’arrêt.

    Entre pages qui enchevêtrent humour, slapstick, suspense, érotisme, dialogues vifs et règlements de compte, on assiste à maints rebondissements grâce en particulier aux situations contradictoires et loufoques dans lesquelles se retrouve le héros raté. Pour lui, la réalité dépasse bientôt la fiction. Il est sans doute le seul auteur fêté qui en vient à regretter d’avoir été publié.

    Une partie de Stiletto libretto repose d’ailleurs sur un jeu très réussi entre le roman dont il est question dans le roman et le vrai roman ; de façon comique, Bavo Dhooge restitue autour de son personnage l’univers qui est le sien : rapports de l’auteur avec son éditeur, avec les critiques littéraires, mises en scène auxquelles donnent lieu les prix littéraires, etc. La différence étant que le succès phénoménal remporté par notre Jimmy Hendricks équivaut pour lui à une mise à mort.

    L’ensemble offre un équilibre parfait entre caricature du monde de la pègre, satire des milieux littéraires et parodie du polar américain. L’influence du cinéma ressort entre autres de la structure filmique de certains passages ; des films comme Goodfellas (Les Affranchis) ont pu par ailleurs servir de source d’inspiration. Dans une certaine mesure, le roman est un remake d’Eva de James Hadley Chase.


    Lire le chapitre 2 en traduction anglaise : PDF

     

    L’AUTEUR

    portraitBavoDhooge.jpgAprès avoir publié des polars gantois (la série des Pat Somers, détective privé), Bavo Dhooge (1973, Gand) a décidé de situer l’action de ses nouveaux romans aux Etats-Unis. Chez lui, veine humoristique et parodie ne sont jamais très loin. On a pu comparer son goût de la satire à celui de Carl Hiaasen. Bavo Dhooge excelle par ailleurs à recycler les clichés pour nous faire éclater de rire (avant de nous faire rire jaune). Le romancier reconnaît avoir appris dans Elmore Leonard à laisser l’intrigue évoluer à partir des personnages eux-mêmes.

    Bavo Dhooge a reçu en 2003 le prix du meilleur premier roman policier de langue néerlandaise pour SMAK !. Depuis, il a publié un grand nombre de titres – dont des polars jeunesse – qui ont la particularité de commencer par la lettre S. Le Guide VN a décerné 5 étoiles à Stiletto Libretto (éditions Manteau). Le prix Diamanten Kogel 2009 vient d'être décerné au romancier pour ce même livre.

     

    photo : Thomas Verfaille

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  • Intermède Alphons Diepenbrock (1)

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    Alphons Diepenbrock

    L'Invitation au voyage

    ( 1913)

     

    Aafje Heynis, alto
    Felix de Nobel, piano

     

    L'invitation au voyage

     

    Mon enfant, ma soeur,
    Songe à la douceur
    D'aller là-bas vivre ensemble !
    Aimer à loisir,
    Aimer et mourir
    Au pays qui te ressemble !
    Les soleils mouillés
    De ces ciels brouillés
    Pour mon esprit ont les charmes
    Si mystérieux
    De tes traîtres yeux,
    Brillant à travers leurs larmes.

    Là, tout n'est qu'ordre et beauté,
    Luxe, calme et volupté.

    Des meubles luisants,
    Polis par les ans,
    Décoreraient notre chambre ;
    Les plus rares fleurs
    Mêlant leurs odeurs
    Aux vagues senteurs de l'ambre,
    Les riches plafonds,
    Les miroirs profonds,
    La splendeur orientale,
    Tout y parlerait
    À l'âme en secret
    Sa douce langue natale.

    Là, tout n'est qu'ordre et beauté,
    Luxe, calme et volupté.

    Vois sur ces canaux
    Dormir ces vaisseaux
    Dont l'humeur est vagabonde ;
    C'est pour assouvir
    Ton moindre désir
    Qu'ils viennent du bout du monde.
    - Les soleils couchants
    Revêtent les champs,
    Les canaux, la ville entière,
    D'hyacinthe et d'or ;
    Le monde s'endort
    Dans une chaude lumière.

    Là, tout n'est qu'ordre et beauté,
    Luxe, calme et volupté.

     

    Alphons Diepenbrock (1862-1921), l’un des plus grands compositeurs néerlandais. Ce francophile catholique autodidacte a laissé un nombre important d’essais sur la musique et l’art réunis en un volume en 1950. Il tenta avec le peintre Der Kinderen de créer un foyer culturel catholique à Bois-le-Duc.

     

     

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