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pays-bas - Page 25

  • Septentrion, automne 2010

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    Littérature au menu

     

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    La dernière livraison de Septentrion (n° 3, 2010), revue trimestrielle en langue française consacrée aux arts, aux lettres et à la culture de Flandre et des Pays-Bas offre, comme chaque numéro, une place de choix à la littérature. Caroline Lamarche consacre un petit article aux Lettres du Plat Pays (La Différence), échange épistolaire entre deux Bruxellois : l’un d’expression française : Jean-Luc Outers, l’autre d’expression néerlandaise : Kristien Hemmerechts (pages traduites par Alain Van Crugten) : « C’est dans une forme élégante et légère, d’un ton rieur et grave, dont la mélancolie jamais ne tourne au drame, dont l’irritation reste en deçà de l’anathème, que ce livre nous parvient, publié à Paris. Septentrion2.pngLimpides, souvent drôles, ces lettres rendent hommage à l’art de vivre au quotidien dans un pays malade, réussissant le tour de force de parler des Belges en les décomplexant […]. Rien de crispé, rien de cette paranoïa qui, aujourd’hui, nous plombe dès qu’on ouvre le journal. »

    Il est aussi question de lettres dans la recension de Nils C. Ahl : « Un mélange d’amertume et de joie : Gerard Reve ». Six lettres virtuoses pleines d’ironie et de « déconnation », réunies sous le titre En route vers la fin, une des œuvres majeures – son « sésame » selon le critique – du romancier et poète Gerard Reve, un livre unique en son genre publié à Amsterdam en 1963. Pour la première fois sans doute, la prose de cet écrivain sulfureux d’une rare ingéniosité est transposée de manière remarquable. Dans la préface qu’on peut lire ICI, Betrand Abraham, le traducteur, replace l’ouvrage dans le contexte de sa parution et énumère en sept points les défis qu’il a dû relever pour restituer cette « langue dans la langue », ce « quasi-idiolecte » qui fait de la phrase de Reve une phrase reconnaissable entre toutes. Dans la première lettre, « un petit roman », nous dit Nils C. Ahl, l’écrivain relate son séjour à Edimbourg où il assiste à un congrès d’écrivains. Nombre de ses confrères (des Américains, des Français et d’autres) passent un sale quart d’heure sous sa plume. On Septentrion3.pngattend la traduction du volume qui fait suite à En route vers la fin : Nader tot U (Plus près de Vous, 1966), autre livre culte aux Pays-Bas de ce Néer- landais qui a passé une partie de sa vie dans le magnifique village drômois du Poët Laval. (une émission de radio Paludes consacrée à En route vers la fin : ICI et un entretien savoureux de 1969 en anglais entre Gerard Reve et le critique H.A. Gomperts : ICI).

    Toujours dans la rubrique des critiques, Jean-Luc Léonad consacre un papier à l’auteur de polars Pieter Aspe (lire ICI) et Ingrid Wasiak au premier roman de Labia Fàbregas (La Fille aux neuf doigts, traduit du néerlandais par Arlette Ounanian, Actes Sud). Quant à Vic Nachtergaele, il s’arrête sur le tome 9 de la Correspondance de Michel de Ghelderode. Dans sa rubrique « Actuelles », Hans Vanacker passe pour sa part en revue Marcel Proust, esthétique et mystique du spécialiste de la mystique brabançonne Paul Mommaers ; Pays-Bas : la tentation populiste de l’historien Christophe de Voogd ; Les Peintres belges actifs à Paris au XVIIIeSeptentrion4.png siècle à l’exemple de Jacques François Delyen, peintre ordinaire du roi de Gérard De Wallens ; et pour finir le recueil bilingue du poète flamand Stefaan Van Den Bremt Vogeltekens - Augures, d’après des miniatures de Solange Abbiati.

    Dans ce numéro de Septentrion, plusieurs pages reviennent sur l’itinéraire du poète, voyageur et homme de théâtre Ramsey Nasr qui mêle dans son œuvre veine romantique et souci d’engagment. Trois poèmes (en version originale et en traduction française) illustrent la singularité de cette œuvre qui repose pour une bonne part sur le talent déclamatoire de l’auteur. Un volet « poésie » propose par ailleurs, également dans les deux langues, « Le dernier cru » : six poèmes de six auteurs différents, choisis par Jozef Deleu (poète qui a fondé Septentrion* en 1972). Enfin, l’atelier que dirige Christian Marcipont offre la traduction d’un passage du roman Beleg du Flamand Tom Naegels.

    Septentrion5bis.pngA côté de toutes ces pages « littérature », on retiendra la contribution de l’éminent historien H.L. Wesseling, dont on a pu lire en français Le Partage de l’Afrique et Les Empires coloniaux européens (trad. Patrick Grilli, Gallimard, 2002 et 2009). Dans « Histoire et justice ou l’historien et la loi », le Néerlandais, signataire de l’Appel de Blois, s’interroge sur les normes plus qu’étranges qu’impose le législateur français aux historiens à travers les lois Gayssot-Fabius, Taubira, etc. Enfin, il convient de mentionner l’article que Dorien Kouijzer consacre à La Noblesse de l’Esprit. Un idéal oublié (trad. David Goldberg, préface de George Steiner, éditions NiL, 2009), un ouvrage de réflexion dans lequel il est beaucoup question de Thomas Mann.

    H. Vandekerckhove, An Early Morning Visist (détail), 2004

    septentrion7.pngMais dans Septentrion, les amoureux des arts plastiques trouvent en général eux aussi leur bonheur. Au menu cette fois : Annelies Planteijdt et ses colliers, le peintre Hans Vandekerckhove, ses prédécesseurs David et Pieter Oyens, l’exposition « De Van Eyck à Dürer » organisée à Bruges…


     

     retrouvez le blog de la revue Septentrion ICI

     

     

     

     

    *une revue culturelle s'intitulant également Septentrion (Revue des Marches du Nord) a existé à Lille fin années 1920 - début années 1930

     

  • Une page de Jean Lorrain

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    Monsieur de Bougrelon

    à Amsterdam

     

     

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    biographie de Jean Lorrain par  Thibaut d'Anthonay, 2005

     


     

     

    Célèbre auteur décadent, Jean Lorrain (1855-1906), dans son roman Monsieur de Bougrelon (1897), nous emmène en Hollande en faisant « débuter son récit à Amsterdam, au cours d’une tempête, avec une entrée en matière à la française : deux messieurs déambulent dans les rues, ignorant les musées et les lieux touristiques, car ils connaissent la ville. Ils sont intrigués par le nom d’un bar, Café Manchester, et se retrouvent ainsi dans un bordel dès la quatrième page. Les femmes y sont laides et gentilles, le “paisible et familial intérieur hollandais” s’y avère haut en couleur ; ces dames boivent bière et genièvre à un rythme accéléré. Mais cela n’est pas le thème du récit. C’est de monsieur de Bougrelon qu’il s’agit, qui rentre dans ce café et qui nous est décrit comme “ce cadavre peint, corseté, maquillé et cravaté”. Il propose à nos deux Français de leur servir de guide. On apprend qu’il était venu à La Haye dans le sillage d’un ami (qui avait été obligé de s’enfuir à cause d’un duel). Plus tard, monsieur Bougrelon s’est retrouvé à Amsterdam et y est resté.

    jean lorrain,monsieur de bougrelon,amsterdam,littérature française,pays-bas,fin de siècleAprès le premier chapitre, Amsterdam passe rapidement au second plan. C’est le décor de promenades qui ont, en fait, lieu de manière imaginaire : sorte de Barbey d'Aurevilly et de Des Esseintes, Bougrelon raconte ses souvenirs de conquêtes féminines, de plaisirs et d’amitiés aristocratiques. Il passe sans s’arrêter devant les chefs-d’œuvre du Rijksmuseum, avant de descendre dans les caves où se trouvent les salles où sont conservés les costumes qu’il compare à des sarcophages : “ces spectres ont laissé là leurs linceuls de velours et de soie”, dit-il, mais ces derniers recèlent “des baisers, de la folie, de l’amour et des larmes”. Pour le déjeuner, il emmène ces messieurs manger des crustacés dans une taverne de marins : la cabine d’un paquebot situé derrière la Gare centrale. Il leur conte l’histoire de la chaste Barbara, qui fut assassinée, ou plus précisément mangée, par son domestique. Il reconnaît les pupilles de cette dernière dans les yeux d’un caniche à Monnickendam. Une “hypothétique luxure”, c’est là l’essentiel. On rend une brève visite au Musée Fodor, la rue Zeedijk est également mentionnée, tout comme les villes de Zaandam et de Haarlem, mais le récit revient rapidement aux souvenirs de Bougrelon dont l’imagination transforme manteaux de fourrures et pots à conserves en œuvres d’art. Il disparaît au coin d’une rue pluvieuse, tout aussi soudainement qu’il était apparu, mais les deux hommes le revoient une dernière fois, sur l’estrade d’une taverne de marins, un violon sous le menton. » (source) Il disparaît et ne reste que la nostalgie d'une époque que nous n'avons pas vécue, d'un Ness autrement affriolant. 

     

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    Le début du roman

     

    Amsterdam, c’est toujours de l’eau et des maisons peintes en blanc et noir, tout en vitres, avec pignon sculpté, et des rideaux de guipure ; du noir, du blanc se dédoublant dans l’eau. Donc c’est toujours de l’eau, de l’eau morte, de l’eau moirée et de l’eau grise, des allées d’eau qui n’en finissent plus, des canaux gardés par des logis pareils à des jeux de dominos énormes : ça pourrait être funèbre et pourtant ça n’est pas triste, mais c’est un peu monotone à la longue, surtout quand il gèle et que l’étain figé des canaux ne mire plus les belles petites maisons de poupée, perron en l’air et tête en bas.

    Il faisait donc grand vent, ce jour-là, sur l’Amstel, un vent à balayer les balayeurs eux-mêmes ; sur le Dam, c’était le spectacle déjà trop de fois vu de la station des tramways et de la foule autour ; bonnets de fourrure rabattus sur des oreilles violettes, conducteurs et cochers fleuris de couperose, engoncements de cache-nez ; et ces étranges petits vieux Bougrelon4.pngqui, une éternelle goutte de gel au bout d’un nez rouge, vous vendent plus cher qu’au bureau des correspondances d’omnibus : mais il faut bien que tout le monde vive, et l’étonnement de s’entendre dire dangüe pour merci, et celui de recueillir sur le revers de son gant leur grelottante roupie est un des plaisirs du touriste en Hollande...

    Oh ! ces peuples du Nord ! D’ailleurs, le Hollandais est plutôt laid, et la Hollandaise lui ressemble ; les vieilles dames à chapeaux de velours noir, sur bonnets de dentelle ornés à la tempe de plaques d’or ajourées, font évidemment mieux dans les vieux tableaux de maîtres que dans l’ambiance des rues ; le Seadeck (le Rydeck d’Amsterdam) ne s’éveille qu’à la nuit. Quant au Ness, où de braves et plantureux gaillards blonds, roses, gras et la figure épanouie raccrochent innocemment au seuil des bouges, boudinés dans de longues houppelandes de portier d’hôtel, il était pour nous sans mystère ; nous l’avions déjà aussi trop visité et c’est bien là l’ingratitude humaine, car ce Ness nous avait-il assez ravi le premier soir.

    Bougrelon2.pngAvions-nous assez aimé ces lourdes portes s’ouvrant brusquement pour laisser apparaître derrière une rangée de tables un entassement de chairs et de paillons, dressés comme un dessert sur une lointaine et lumineuse estrade. « Dames françaises, entrez, messieurs, on parle français », et c’était de la part des bons géants joufflus des révérences et des sourires à pleines lèvres, mais des bons sourires honnêtes, des sourires ignorés à Paris ; ils n’en lâchaient pas une minute le cordon qu’ils tenaient à la main, et c’était le long de cette rue du Ness, c’était à chaque seuil la même soudaine apparition de nudités et d’étoffes flamboyantes, la même offre patriotique, dames françaises, et le même salut.

    Ah! que de dames françaises dans tous les Ness des brumeuses Belgiques ! des lointaines Hollandes et de tous les pays !

    Ah! qu’on est fier d’être Français quand on voyage à l’étranger.

     

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    Les illustrations (détails) sont de Marold et Mittis.

    Elles agrémentent la première édition.

     


     

    Monsieur de Bougrelon a été traduit en néerlandais par Jeanne Holierhoek

    sous le titre Denkbeeldige genietingen

    (sans doute une façon de reprendre celui de l'un des chapitres : Hypothétiques luxures),  Amsterdam, Meulenhoff, 1978. 

     

     

     

  • Découverte de Charley Toorop

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    Retour sur la rétrospective Charley Toorop

     

     

    C. Toorop, Autoportrait, 1929, © Ad Petersen

    TooropAdPetersen.jpgPour la première fois, on a pu voir en France un grand nombre de toiles de la Néerlandaise Charley Toorop. Le commissaire de l'exposition, Gérard Audinet - aujourd'hui directeur de la Maison Victor Hugo -, évoque cette création dans la vidéo ci-dessous. Le magnifique double catalogue publié par le Musée d'art moderne de la ville de Paris et Paris Musées présente un long texte biographique de Marja Bosma, une étude de Carel Blotkamp sur le Repas des amis, l'un des tableaux les plus ambitieux de la peintre, ainsi qu'une contribution de Catherine Gonnard (« Trois générations: construction d'une artiste ») et une autre de Gérard Audinet (« Alterportrait »). Parallè- lement, l'Institut néerlandais a organisé une expo- sition axée sur des documents privés de la fille de Jan Toorop (lettres, dessins, photos, ect.). On peut en retrouver l'essentiel dans le catalogue Charley Toorop privée dont le texte a lui aussi été écrit par la spécia- liste de l'oeuvre de la Hollandaise, Marja Bosma, conservateur au Centraal Museum Utrecht. Relevons que l'historienne de l'art Cartherine Jordy a consacré un article à Charley Toorop : « Charley, fille de Toorop ou l'amour du travail » dans le numéro 4 de la revue Deshima.

     

     

    Charley Toorop au Musée d'Art moderne

    voir aussi :

    Rétrospective Charley Toorop au Musée d'Art Moderne sur Culturebox ! 

     

    « Tu m’écris que je dois un peu me régler sur toi. Je le veux bien. Mais tu comprendras que me régler complètement sur toi, à l’instar d’une femme qui aime, qui ne travaille pas, qui n’a pas de vie à elle, pour ma part je ne le pourrai peut-être jamais. Mais je peux tout de même beaucoup. […] Et ce sera toujours comme ça, il me faudra être seule de temps en temps. Cela ne veut pas dire que je suis plus loin de toi, ce serait plutôt le contraire. Je pense peut-être plus à toi que lorsque que je suis à tes côtés, très fidèle et très unie à toi. C’est certes là une grande différence entre nous – toi, tu as tant de mal à être seul – tu ressens cela comme un abandon. Moi j’aspire parfois à être seule (toute seule, sans même les enfants) et ne me sens pas pour autant abandonnée, jamais, presque jamais…

    Ainsi, j’espère que tout ira entre nous, ça pourrait être tellement bien. Mais voilà, je n’ai qu’un seul seigneur et maître, là est le malheur, mon travail – ou plutôt cet impératif : m’isoler pour atteindre la concentration dont j’ai besoin quand je suis seule – bien que je sois capable de t’incorporer toi et le reste dans cette solitude. »

     

    Lettre de Charley Toorop à Arthur Lehning,

    été 1928, Ploumanac'h (trad. D. Cunin)

     

    une lecture d'extraits de cette correspondance amoureuse

    a été faite par Marie de Bailliencourt

    à l'Institut néerlandais le 8 avril 2010 

     

     

    L'oeuvre de Charley Toorop en images

     

     

  • Un romancier populaire du XIXe siècle

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    Jacobus Jan Cremer

    (1827-1880)

     

     

     

    J.J. Cremer, photo : M. Verveer

    Cremer5.gifConsidéré de son vivant comme le Dickens néer- landais, J.J. Cremer, qui délaissa palette et pinceaux pour se vouer à l’écriture, devint l’un des premiers auteurs de son pays à vivre de sa plume (et des conférences qu’il donnait en tirant profit de la grande popularité dont il jouissait). Outre des poèmes et des pièces de théâtre, il a signé nombre de nouvelles et de romans historiques et sociaux, pour la plupart édifiants et rédigés dans une langue en partie dialectale. Ce dernier aspect a disparu des nouvelles qui ont paru en traduction française dans la collection la Nouvelle Bibliothèque populaire (1888), « Tante Dine » et « Mie-au-Berceau » (Wiege-Mie, 1853), regroupées sous le titre Intérieurs hollandais. Scènes villageoises. Charles Simond s’est sans doute chargé de ce travail de transposition alors qu’André Carl avait donné en 1861 (H. Casterman, Paris-Tournai, rééd. 1877 et 1887) un choix de nouvelles : Scènes villageoises du pays de la Gueldre.

    Les œuvres de  J.J. Cremer ont été réunies en quatorze volumes (1877-1881). Peu avant sa mort, l’écrivain publia en revue cinq Lettres de Nice datées de mars 1879 : piètre voyageur, il s’était rendu sur la Côte d’Azur où l’une de ses filles, tout juste mariée, était tombée gravement malade. Ces pages gaies furent réunies en une plaquette avec un récit situé à Monte-Carlo : Monte Carlo. Brieven uit Nizza (1880). Il s’agit de petits textes pleins d’allant et d’humour. L’auteur y exprime son amour des paysages et de la végétation qu’il découvre après un long voyage de nuit en train, son émerveillement devant le spectacle qu’offre dès début mars la région niçoise ou encore devant la taille du bouquet (1, 30 m de diamètre !) confectionné pour la cantatrice Mlle Ciuti qui interprète le rôle d’Aïda. Il séjourne dans l’hôtel que gère M. Platel. De sa chambre, il voit l’animation sur les ponts qui relient la place Masséna à la place Charles-Albert (c’était donc juste avant que le Paillon ne soit en partie couvert). Le 23 mars 1879, le Néerlandais se rend en curieux à la basilique Notre-Dame où un avis annonçait : « Dimanche à trois heures et demie, un sermon de charité sera prêché par sa Grandeur Monseigneur l’évêque de Nice, pour les besoins du Diocèse et en particulier pour l’œuvre si importante des vocations ecclésiastiques » ; là, il est estomaqué par l’apparat de la cérémonie et la magnificence des costumes, par le gros « diamant » qui brille au doigt de Mgr Mathieu Balaïn, premier évêque français de la ville. L’auteur de Fabriekskinderen (1863), nouvelle sociologique dénonçant la condition Cremer6.jpgfaite aux enfants dans les usines qui sera à la base d’une réforme législative, est choqué de voir le prélat demander de l’argent à ses ouailles pour l’Église « nécessiteuse ». Le Haguenois d’adoption paraphrase non sans drôlerie le sermon tenu par un homme surtout soucieux d’assurer la formation du clergé, mais qui, si l'on en juge par sa biographie, n’ignorait pas forcément le petit peuple.

    Mgr Balaïn

    Toujours dans une langue succulente et sur un ton badin, J.J. Cremer rapporte quelques faits divers, par exemple les aventures d’un jeune couple d’amoureux, Rosa Chiaperro et Philippe Loudello dont le père est condamné à dix jours de prison pour avoir volé le foulard de sa future bru. L'écrivain nous entretient encore des Régates peu réussies – le mémorable feu d’artifice qu’il décrit se déroule dans sa tête et malheureusement pas dans la réalité –, si ce n’est que le vainqueur parisien porte un patronyme batave: M. d’Outhoorn ! De fait, cet événement avait dû être reporté de quelques jours en raison des conditions météorologiques, de fortes pluies et un vent très violent ayant fait leur apparition : « Un temps du diable, m’sieur ! ». Pendant ce temps, la vie continue : « Arrestation. M. Pierre G...., le jour de la Mi-Carême, se dit : Il pleut, mais c’est pas une raison pour ne pas se divertir un peu ; si on se mouille à l’extérieur, il faut réagir et s’humecter à l’intérieur. […] Il a tant réagi que la réaction ne s’est terminée que le lendemain au violon », rapporte Le Progrès de Nice. Bientôt, notre chroniqueur assiste avec joie à la Bataille des Fleurs : « Nice vit par ses fêtes, lui confie un habitant. En été, nous avons même une fête des Boiteux et Bossus ! » J.J. Cremer ne peut terminer son évocation de la ville que Louis Couperus appellera « la sultane blanche » sans s’ar- rêter sur « la seule grande figure artistique que Nice a jamais compté » : le peintre Carle van Loo, « fils d’un menuisier hollandais ». 

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    C. van Loo, Esquisse pour les Grâces de 1763,

    CMA, Los Angeles

     

    Dans Monte-Carloqui s’ouvre par ces mots français: « Cet enfer de Monaco ! », l’écrivain mêle pour ainsi dire récit et nouvelle. Il décrit les choses avec enthousiasme, mais se dit choqué d’apprendre qu’on se livre deux fois par semaine, dans cet endroit où mythes et légendes se côtoient, à une activité aussi prosaïque et cruelle que le tir au pigeon. Ensuite, il nous invite à passer la journée avec lui dans ce lieu de perdition qu’est le Casino. La nuit tombée, alors que l’orage fouette la gare où les joueurs malchanceux attendent le dernier train (celui de 23h12) et les poursuit une fois qu’ils sont à bord du rapide (le «sneltrei» de l’époque), Jacobus Jan Cremer nous prépare à assister au suicide d’un homme qui a perdu toute sa fortune. Sa jeune épouse enceinte le reverra-t-elle vivant ?

    Si la majeure partie des écrits de cet auteur sans doute trop prolifique nous semble aujourd’hui bien mièvre, on ne peut lui dénier une certaine aisance à peindre personnages et paysages en quelques touches rapides. Quand on lit ses pages consacrées à la Côte d'Azur, on regrette qu’il n'ait pas quitté plus souvent sa contrée natale. Dans la littérature de son pays, il a surtout laissé une trace grâce à ses nouvelles campagnardes ou pastorales. Plusieurs de ses contemporains l’ont décrit comme un homme doué d’un rare talent d’orateur et d’une capacité extraordinaire à imiter la voix et la mimique de dizaines de ses amis et connaissances ainsi que l’attitude d’animaux comme le cerf, le cheval ou le chien.

     

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    J.J. Cremer, Œuvres complètes, T. 13,

    qui contient Brieven uit Nizza & Monte-Carlo

     

     

    Les références bibliographiques relatives à la brochure publiée par Henri Gautier en 1888 étant soit lacunaires, soit fautives, nous reproduisons ci- dessous la page de couverture ainsi que la notice biographique et littéraire due (certainement) à Charles Simond.

     

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    bibliographie de J.J. Cremer : ICI

     

    Hommage

     

     

  • Renaissance littéraire et artistique

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    QUELQUES PAGES DE L'HISTOIRE DES PAYS-BAS

    DE H.A. ENNO VAN GELDER

     

     

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    On trouve en langue française une poignée d'ouvrages exposant l'histoire de la Hollande, le plus récent étant Histoire des Pays-Bas de Christophe de Voogd (Hatier, 1992; rééd. Fayard, 2003). Les PUF ont donné un Que sais-je? en 1966. En 1932, le provençaliste Salverda de Grave (1863-1947) offrait aux lecteurs d'expression française un petit volume intitulé La Hollande (Rieder, Paris). Quatre ans plus tard, un historien, néerlandais lui aussi, publiait chez Armand Colin une Histoire des Pays-Bas du XVIe siècle à nous jours. Ce petit volume - le n° 188 d'une collection qui se proposait de « Vulgariser sans abaisser » - de H.A Enno van Gelder (1889-1973) comporte un avant-propos de son confrère oranais Henri Hauser (1866-1946), avant-propos qui se termine par ces mots: « Que les compagnons du Taciturne, les patriotes alors révoltés contre le monarque de l’Escorial aient pour fils légitimes les ingénieurs qui, sous nos yeux, transforment en polders la mer intérieure, et aussi les juristconsultes qui ont mérité de voir s’élever à La Haye, le Palais de la Paix, espoir des nations qui veulent la justice, voilà ce que les Français ont besoin de mieux apprendre, comme ils ont besoin d’aller prendre à Java des leçons de politique impériale. »

     

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