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Né à Gand en 1974, Steven Van Der Heyden, infirmier à domicile en soins palliatifs, cherche à lire le monde par le moyen du langage – son origine et sa destination. Ses poèmes ont paru dans différentes revues, il a participé au Festival international des arts de Watou. Ces dernières années marquent ses véritables débuts : certains de ses poèmes ont illustré l’ouvrage Breathde l’artiste Katrin Dekoninck puis, début 2020, la maison d’édition de Louvain P. a publié Tot ze koud is (Jusqu’à ce qu’elle soit froide), un recueil à deux voix qu’il a composé avec Luc C. Martens. Chaque auteur y développe sa poétique en s’attachant à chanter diverses amours, jeunes, frivoles, défuntes, dépravées… Deux univers qui se font écho et se renforcent mutuellement.
« Pour la plupart, mes poèmes sont des rêveries philosophiques dans lesquelles j’essaie d’évoluer consciemment sans prendre les choses pour acquises. Autant de parcours en quête de simplicité, d’équilibre et d’authenticité au cours desquels je me laisse toucher par ce qui semble ‘‘banal’’ et tente d’épurer la beauté. Dans le flux de réalités en constant changement, ma poésie entrouvre la porte sur un échange et un ancrage. Elle me permet de modeler ma traversée vers la silencieuse sérénité et l’harmonie. » Une traversée que Steven Van Der Heyden prolonge en peignant et en travaillant le verre et l’argile.
« Le jeu des voix, tant dans l’art que dans le monde en général, ne manque pas de nous intriguer. Il existe des exemples célèbres de polyphonie dans des compositions musicales et dans des œuvres lyriques ». Le recueil Tot ze koud is opte pour un duetto au sein duquel les voix interagissent et s’enrichissent au fil d’un dialogue sur la relation du je à la femme et sur les méandres et rebondissements (im)prévisibles de l’amour. »
« Il se passe quelque chose de merveilleux dans ce recueil : les poèmes musicaux et sensuels de Luc C. Martens se fondent sans peine dans ceux, spirituels et sinistres, de Steven Van Der Heyden. Steven, revers sombre de Luc. Ou Luc, version plus frivole de Steven. Ce qui n’empêche en rien de les lire en alternance. Des images fortes et capricieuses, une langue captivante dépourvue de clichés. Deux poètes prometteurs ont ainsi mis au point une composition remarquable, originale et d’une rare puissance. »
Philosophe et poète, Antoon Van den Braembussche marie son intérêt pour l’esthétique et les phénomènes récents de l’expression artistique (la culture numérique et l’art contemporain) à une quête littéraire débutée voici une quarantaine d’années. L’universitaire qu’il a été a signé, en langue anglaise, les essais Intercultural Aesthetics. A Worldview Perspective (2008, en collaboration avec Heinz Kimmerle et Nicole Note) et Thinking Art. An introduction to Philosophy of Art (2009). En 2016, il a publié en néerlandais un ouvrage beaucoup plus personnel : De stilte en het onuitsprekelijke. Over beeldcultuur, kunst en mystiek (Le silence et l’indicible. De la culture visuelle, de l’art et de la mystique), une méditation exprimant le désir de vivre une « expérience sublime » en se déconnectant de la pensée, à la fois plongée dans nos dimensions existentielle et spirituelle et tentative de saisir l’ineffable en explorant les zones où (philosophie de l’) art et mystique, religion et athéisme, philosophie occidentale et sagesses orientales se rejoignent.
Certains de ces élans et aspirations se retrouvent, mais dans une formulation différente, extrêmement claire pour ne pas dire transparente, dans son septième et plus récent recueil : Alles komt terug. Over ‘de eeuwige terugkeer van het gelijke’ (Tout revient toujours. Ou de l’éternel retour du même, Éditions P., Louvain, 2018). Un titre qui bien entendu renvoie à Nietzsche. « L’auteur observe le monde, nous dit l’éditeur, à travers les yeux de Friedrich Nietzsche. Il examine et considère le minuscule comme le gigantesque, le nouveau comme l’ancien, le concret comme l’abstrait, tout cela comme autant de parties d’un même tout : un tout qui revient toujours. Cet éternel retour est rendu dans une langue sobre, mais d’une redoutable précision, et qui pour autant ne craint pas quelques nuances sublimes ou surréalistes. » Mais au fond, ce recueil ne serait-il pas avant tout une suite amoureuse ?
À présent, je chante la danse de la terre.
Il n’y a pas que le séjour multiple
entre tes reins, tes mains, dans ta chevelure,
sous tes aisselles. Il y a aussi l’intemporel
havre en ton immortel sourire.
En ce printemps pas comme les autres, Antoon Van den Braembussche, comme d’autres poètes, a consacré des strophes au virus qui est sur toutes les lèvres. La version originale est en ligne sur un literair e-zine. Nous en proposons la traduction française ci-dessous.
CORONA
+
Le temps nous a rattrapés.
Inouï.
Invisible.
Dans les remous de la brume.
Infimes particules contagieuses.
Corona.
Pneumonia.
Fuite de la marte devant la contamination.
Sous une inquiétude sans précédent,
des gestes de stockeur.
Peur sous-cutanée.
+
« Le pire est à venir »,
prophétise le virologue.
Et nous de fixer
d’un regard hébété
des courbes exponentielles.
Dans nos foyers, nos cocons
habités de la phobie des microbes.
Notre œil se dissout dans un flot de sang,
le tabou de l’attouchement.
Le monde au point mort.
Sur la bouche, le masque du jamais vu.
+
Dans des hôpitaux surpeuplés
dans des lits à gorge déployée
la mort tâtonne à la ronde.
Impitoyable.
Au plus près du poumon.
Les plus faibles errent.
Tandis que les jours refluent
dans l’infinie solitude.
Car quiconque a été seul
glisse bientôt dans un inaccessible mutisme.
Pétrifié comme le virus.
Condamné.
+
Corona.
Utopia.
L’air se purifie
dans les artères de la ville.
Jamais encore le numérique n’a été
lieu de pareille compassion.
Jamais encore n’ont régné
dans les rues et sur les places
pareil silence pareil ineffable.
À croire que plus que par le passé
le point mort nous apprend une chose inoubliable :
Une fois encore, Francis Jammes... dans une traduction néerlandaise, celle-ci publiée sous le titre (traduit mot à mot) : « Je m’ennuie à mourir ». Elle remonte à l’été 1981 et a paru dans la revue De Tweede Rondeéditée à Amsterdam par la maison renommée Bert Bakker, et placée sous la houlette du slaviste et traducteur Marko Fondse (1932-1999) et de Peter Verstegen, autre traducteur réputé. La couverture de ce numéro de la deuxième année d’existence de ce célèbre périodique littéraire représente Paul Verlaine, Marcel Proust et Louis-Ferdinand Céline, dessinés par Bob Tenge (1934-2018). Des figures qui annoncent une guirlande d’écrivains français transposés dans la langue locale, essentiellement à travers des poèmes. Guillaume Apollinaire, suivi de la « Vénus callipyge » de Georges Brassens ; plus loin, Jean Richepin puis un passage en traduction de D’un château l’autre (par Frans van Woerden), Proust, Voltaire, Larbaud, Mallarmé, Benjamin Péret, Queneau, Albert Samain, Verlaine et un Baudelaire accompagné de nombre de dessins.
Du Jammes tiré donc cette fois de De l’Angélus de l’aube à l’Angélus du soir par Wiebe Hogendoorn, historien du théâtre né à La Haye en 1936. Cet auteur est aussi connu pour avoir publié nombre de traductions dont Les Tristes d’Ovide. Pour la revue De Tweede Ronde, il a par exemple transposé du français la callipyge de Georges Brassens, deux poèmes d’Albertine Sarrazin, quatre de Jean Pérol et deux du Belge William Cliff.
IK VERVEEL ME DOOD
Ik verveel me dood; pluk meisjes voor mij,
voeg er blauwe lissen uit het berkenlaantje bij,
waar blauwe vlinders dansen in de zonnegloed.
Want ik verveel me dood.
Ik wil ongedierte zien knagen, rood
op kolen, appels (ook wel appelen), bitterzoet -
ik verveel me dood.
Die versjes die ik schrijf vervelen me ook dood
en de blik van mijn hond is totaal idioot
als hij luistert naar de pendule
die hem verveelt zoals ik mij verveel.
Die jachthond met drie oogharen, dat rotsecreet
van een rotpoëet,
is echt een ridicule.
Kon ik maar schilderen. Ik schilderde beslist
een blauwe weide die vol kampernoelies was,
waar naakte deernen dansten in het gras
om een oude wanhopige botanist,
zo'n strohoedmeneer met een trommel (groen)
en een gróót groen net om vlinders in te
doen.
Want ik ben dol op jonge deernen
en op grotesk gekleurde prenten
waarop men een botanist ziet drentelen,
oud en afgemat,
een bergbeek langs, op pad
naar de taveerne.
Quatrième de couverture du numéro de De Tweede Ronde
JE M’EMBÊTE…
Je m’embête ; cueillez-moi des jeunes filles
et des iris bleus à l'ombre des charmilles
où les papillons bleus dansent à midi,
parce que je m’embête
et que je veux voir de petites bêtes
rouges sur les choux, les ails (on dit aulx), les lys.
Voici quelques années, nous avons donné une ébauche de la réception de Francis Jammes dans les terres néerlandophones ainsi que la traduction d’une série d’articles consacrée au poète par un chroniqueur d’expression néerlandaise. Pour ajouter une petite page à ce petit tableau - après la traduction, signée par un certain Berten Fonteyne, de « La Vie », poème qui clôt le recueil Ma fille Bernadette -, voici celle de l’un des poèmes emblématiques du Béarnais : « Prière pour aller au paradis avec les ânes ».
Elle a paru dans Ad interim, n° 1, 1946, périodique publié à Utrecht par les éditions A.W. Bruna & Zoon, qui accordait une belle place à la poésie. Aidé par les circonstances, Ad Interim, revue puis mensuel, compte sans doute dans l’histoire des lettres des Plats Pays parmi les rares organes littéraires à avoir réuni un éventail incomparable d’écrivains de tous horizons politiques et confessionnels.
Au numéro en question ont collaboré quelques-unes des plus grandes plumes des Pays-Bas de l’après-guerre : Adriaan Morriën, Gerrit Achterberg, Godfried Bomans, Pierre Kemp, Hendrik de Vries, Simon Vestdijk… D’autres noms tout aussi parlant pour le lecteur néerlandophone ont été liés à cette publication* qui a vu le jour clandestinement en avril 1944 (la Hollande n’a été libérée qu’en mai 1945) avant d’être absorbée, six ans plus tard, par le plus ancien périodique du pays, à savoir De Gids. Le plus grand poète de l’époque, l’assassin Gerrit Achterberg, a donné des dizaines de poèmes à cette revue.
Côté lettres d’expression française – en quelque sorte un avant-dernier soubresaut de la culture française en Hollande –, on relève, en traduction et essentiellement dans le numéro double 8/9 paru en 1949, du Mallarmé (« L’Après-midi d’un faune »), du Nerval, du Musset, du Baudelaire, du Tristan Corbière, du Verlaine, du Rimbaud, du Moréas, de l’Albert Samain, des rondeaux de Charles d’Orléans, la « Ballade du pendu » de Villon, du Vigny (« La Mort du loup »), du Hugo (entre autres « Booz endormi »), du Paul Valéry, de l’Anna de Noailles, du Guillaume Apollinaire, du Jules Supervielle, du Paul Éluard, du Tristan Tzara, du Louis Aragon, du Henri Michaux, du Édouard Jaguer (poète « surréaliste » qui sera lié peu après au mouvement CoBrA), mais aussi le poème « Jean Giono » de Gerrit Achterberg, un article sur Pierre Emmanuel – signé par le francophile Martin J. Premsela qui propose une traduction du poème « Les Dents Serrées ». Du même chroniqueur, on relève une page sur Histoire d’un été de Michel Davet, une autre sur Lysiane Bernhardt (pour son livre Sarah Bernhardt, ma grand’mère), une autre encore sur Le Jardin délivré, premier recueil de Lucienne Desnoues, des articles sur l’auteur et politicien Jean-Richard Bloch, sur Ernest Florian Parmentier. On recense aussi un essai sur Lautréamont (de Koos Schuur), un autre sur Les Heures claires de Verhaeren, diverses chroniques cinématographiques (par exemple sur La Belle et la Bête de Cocteau) ou sur la peinture (Pierre Bonnard au Stedelijk Museum, Chagall…), de la prose et des poèmes d’Henk Breuker, l’ami de Joseph Delteil, Christian Dedet et Frédéric Jacques Temple (entre autres une traduction du texte « Blaise Cendras » de Temple, un texte sur La Putain respectueuse de Sartre ; un autre sur Mon village a l’heure Allemande de Jean-Louis Bory). Par ailleurs, Ad Interim présente une poignée de poèmes dans un drôle de français de Riet Prager, une Néerlandaise qui, nous dit-on, aurait longtemps vécu en France : « Les neiges et les demi-volontés », « Atone qui me hante » et « Célébration précipitée ».
On doit la traduction du poème de Francis Jammes, qui provient du recueil Le Deuil des Primevères (1898-1900), à Hein de Bruijn (1899-1947), représentant peut-être le plus talentueux de la mouvance liée à Opwaartsche Wegen, revue protestante en vue durant l’entre-deux-guerres, dont il fut l’un des rédacteurs. Né dans une bourgade frisonne, il s’est semble-t-il fait tout seul, échappant par ses efforts à sa modeste condition. Il est l’auteur de recueils de poésie, d’un drame lyrique, d’une réécriture du livre de Job, de traductions de John Donne et de Shelley, ainsi que de proses (quelques nouvelles et deux romans dont l’un resté inachevé). Écartelé entre le milieu auquel il s’était arraché, un travail abrutissant et un milieu artistique où il éprouvait des difficultés à trouver sa place, il décida de rejoindre, après plusieurs dépressions, le paradis des ânes.
Georges Brassens parle de Francis Jammes
GEBED, MET DE EZELS, OM HET HEMELRIJK TE MOGEN BINNENGAAN
Wanneer Gij eenmaal, God, mij roept tot U te gaan,
zo moog’ het zomerland rondom te glanzen staan.
Ik wil, gelijk ik zulks gewoon was op de aarde,
m’een pad verkiezen om in vrede naar de
hemel toe te wandelen, waar daags de sterren schijnen.
Ik neem mijn stok, om barvoets langs de heirbaan te verdwijnen,
en tot de ezels, vrienden van mij, is het dat ik zeg:
zie, hier komt Francis Jammes, naar ’t Paradijs op weg,
naar ’t lieflijk land van God, daar is geen hellevuur,
komt mee, zachtaard’ge vrienden, minnaars van ’t klaar azuur,
mijn arme, lieve dieren, die, als uw oren flappen,
de vliegen opjaagt, de bijen van u drijft en weert de klappen.
Dan wil ik mij temidden dezer dieren voor U buigen,
het hoofd genegen, nederig als deze mij betuigen,
die, hun kleine hoeven naast elkander, altijd blijven staan
met zoveel verootmoediging, dat ’k mij voel aangedaan.
Zo stel ’k mij voor Uw aangezicht, waar duizend oren wenden,
met zulken, wien de korvenvracht gesnoerd werd om de lenden,
of eenmaal in een dartlend wagenspan gevangen,
of opgetuigd voor koetsjes, met verguldsel en gepluimde spangen,
en zulken, met gebutste kannen dravend, voortgedreven,
en opgeblazen dracht’ge ezelinnen, die telkens struikelend ’t bijna begeven,
met, hier en daar verspreid, een enkeling op sokken,
hem ter bescherming tegen bloedbeluste vliegen aangetrokken,
waar anders zo’n blauw, etterend open builtje overblijft.
Laat mij, mijn God, met deze ezels U gemoeten,
en moge ’t zijn geleid door dichte engelstoeten
tot bij de beek in ’t lover, waar wind en kersen kozen,
in een luister als wanneer de jonge meisjes blozen,
en geef, dat ik in ’t scheemrend rijk der zielen
gelijk de ezels aan Uw wateren mag knielen,
wier ootmoed, waar op aarde hun tred in wiegelt,
zich dan in ’t klare wellen van de eeuwige Liefde spiegelt.
Le poème lu par Gilles-Claude Thériault
PRIERE POUR ALLER AU PARADIS AVEC LES ÂNES
Lorsqu’il faudra aller vers vous, ô mon Dieu, faites
que ce soit par un jour où la campagne en fête
poudroiera. Je désire, ainsi que je fis ici-bas,
choisir un chemin pour aller, comme il me plaira,
au Paradis, où sont en plein jour les étoiles.
Je prendrai mon bâton et sur la grande route
j’irai, et je dirai aux ânes, mes amis :
Je suis Francis Jammes et je vais au Paradis,
car il n’y a pas d’enfer au pays du Bon Dieu.
Je leur dirai : « Venez, doux amis du ciel bleu,
pauvres bêtes chéries qui, d’un brusque mouvement d’oreille,
chassez les mouches plates, les coups et les abeilles. »
Que je Vous apparaisse au milieu de ces bêtes
que j’aime tant parce qu’elles baissent la tête
doucement, et s’arrêtent en joignant leurs petits pieds
d’une façon bien douce et qui vous fait pitié.
J’arriverai suivi de leurs milliers d’oreilles,
suivi de ceux qui portent au flanc des corbeilles,
de ceux traînant des voitures de saltimbanques
ou des voitures de plumeaux et de fer-blanc,
de ceux qui ont au dos des bidons bossués,
des ânesses pleines comme des outres, aux pas cassés,
de ceux à qui l’on met de petits pantalons
à cause des plaies bleues et suintantes que font
les mouches entêtées qui s’y groupent en ronds.
Mon Dieu, faites qu’avec ces ânes je Vous vienne.
Faites que, dans la paix, des anges nous conduisent
vers des ruisseaux touffus où tremblent des cerises
* Citons les les autres auteurs les plus connus qui ont donné au moins un texte à Ad Interim : Jan Arends, Anna Blaman, J.C. Bloem, Louis de Bourbon, Gerard den Brabander, C. Buddingh’, Frans Coenen, C.C.S. Crone, Cola Debrot, Lodewijk van Deyssel, Mary Dorna, Anton van Duinkerken, Jan G. Elburg, Jan Engelman, le compositeur Rudolf Escher, Robert Franquinet, Jac. van Hattum, Albert Helman, W.F. Hermans, Ed. Hoonik, Alfred Kossmann, Gerrit Kouwenaar, Jef Last, L.Th. Lehmann, Clare Lennart, Vincent Mahieu, A. Marja, Hanny Michaelis, Emiel van Moerkerken, P.H. van Moerkerken, Maurits Mok, Max Nord, Michel van der Plas, A. Roland Holst, Henriëtte Roland Holst, Jeanne van Schaik-Willing, Garmt Stuiveling, Charles B. Timmer, M. Vasalis, Bernard Verhoeven, Simon Vinkenoog, Bert Voeten, Hendrik de Vries, Theun de Vries, Victor E. van Vriesland, Hans Warren, Constant van Wessem… Une palette extrêmement hétérogène (à laquelle il faut ajouter les défunts Multatuli et Willem Paap) réunie par une rédaction de coloration plutôt catholique : Bertus Aafjes, Gerrit Kamphuis, C.J. Kelk, Jaap Romijn et Gabriël Smit ; il s’agissait pour eux d’éditer, uniquement sur une base esthétique, des écrivains privés de support, pour ne pas dire interdits de publications en ces années de conflit. La guerre finie, Ad Interim entendit poursuivre sur sa voie non sectaire et en s’ouvrant à des écrivains flamands et sud-africains. Ainsi voit-on apparaître les noms de Hubert van Herreweghen, Johan Daisne ou encore Karel Jonckheere.
Voici quelques années, nous avons donné une ébauche de la réception de Francis Jammes dans les terres néerlandophones ainsi que la traduction d’une série d’articles consacrée au poète par un chroniqueur d’expression néerlandaise (voir Cahiers Francis Jammes, n° 2-3). Pour ajouter une page à ce petit tableau, voici la traduction libre, signée par un certain Berten Fonteyne, de « La Vie », poème qui clôt le recueil Ma fille Bernadette (poème d’octobre 1909, publié initialement dans la NRF, 1910, n° 12, p. 440-442). Cette traduction a été publiée dans Pogen. Maandschrift der jonge gedachte in Vlaanderen (Tenter. Mensuel de la jeune pensée flamande), novembre 1923, n° 8, p. 248. Les pages suivantes de ce numéro sont consacrées aux Lettres à sa fiancée de Léon Bloy, sous la plume du journaliste Jan Boon. Éditée à Gand, cette revue confidentielle réunissant des auteurs flamands et néerlandais d’obédience catholique – dont des religieux – a cessé d’exister après le deuxième numéro de 1925 ; neuf avaient paru la première année – en 1923 – et douze en 1924. Nous ne disposons d’aucune information sur le traducteur. (D .C)
« Une Vie, une Œuvre » par Paule Chavasse, 13 novembre 2008, France Culture
VAN HET HUIZEKE
Het leven is net ’n heel klein huizeke
dat staat langs den weg, mijn Bernadetje!
’n heel simpel huizeke met grove muren,
vervuld van eerlijkheid,
en in welks hof we druivekes plukken
en hazelnootjes.
Daarna gaan we heen.
Bekijk ’ns goed dat kleine huizeke
met zijn miniatuur-pui;
het is er zoals wij er zijn
en erover heen schuift haastig het getij.
Wat blijft er wel zo al van dat alles
als de laatste stonde heeft ingeluid,
die stonde waarin gelijk een waterstriem
een geknielde schaduw weent?
God.
Enkel God blijft dan nog
God! ’t is te zeggen:
het grote huis waaruit we nooit zullen heengaan.
Het huis waar, op de pui,
de biddende engel, de ogen sluit.
Maar, Bernadetje, terwijl jij in dat leven bent,
leer het goed hoe dat leven is. -
Ken het lijk je een les kent die je aandachtig
tot het einde hebt gevolgd,
en die je geboeid heeft tot het laatste woord.
En als dan je zacht, gewelfd voorhoofdje
op zal staren van dat grote boek
waarin je spelde van het brood dat uit het koren groeit
en van de wijn die uit de druiven druipt,
dan zul je best begrijpen
hoe innig lief dat huizeke is;
dat huizeke langs den weg waarin niets bizonders is