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poÉsie - Page 7

  • Un peintre, deux poètes

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    Hommage à Karel Dierickx

     

     

     

    K. Dierickx, Autoportrait, fusain, 2010

    karel dierickx,inge braekman,roland jooris,poésie,peinture,traduction,katelijne de vuystAu cours de son itinéraire artistique, le peintre gantois Karel Dierickx (1940-2014) – auquel le LWL Museum für Kunst und Kultur de Münster consacre une exposition (voir vidéo) – a eu souvent l’occasion de collaborer avec des poètes flamands : Leonard Nolens pour Negen slapeloze gedichten (2007) ; Stefan Hertmans pour Vuurwerk zei ze (2002) et Giotto’s hemel (2012) ; Roland Jooris pour vlakgom (2004) et la plaquette eigenzinnig (2011) ou encore Chris(tiane) Yperman pour had ik een groene hagedis (2004). Certains poètes ont d’ailleurs exprimé leur admiration en lui dédiant un poème. Ainsi d’Inge Braeckman et de Roland Jooris dont nous reproduisons ci-dessous les originaux en même temps que la transposition française.

     

     


    Rétrospective Karel Dierickx, printemps 2020 (en allemand) 

     

     

     

     

    Voor Karel Dierickx

     

     

    Kwetsbaar gekrast in lijnen op papier en doek

    wordt het stilleven een aquatint, schildert

    de werkelijkheid zich dicht. Terwijl je tast

     

    brokkelt de textuur van je geheugen af, maar

    blijft een partituur en kompas. Voor hen die je

    bezoeken. Met toets en taal maak je zichtbaar wat

     

    onzichtbaar is. Een proces van een lange, enige

    adem. Marrakech Night en Omsloten situatie.

    Het model gaat in het landschap op. Even pasteus.

     

    Als een cascade. Een brief. Een bootje in een fles.

    Je hoort de zee, herhaalt de zomer zonder omhaal.

     

     

    Inge Braeckman (Venus’ vonken, PoëzieCentrum, 2018)

     

    braeckman_venusvonken_cover_0.png

     

     

    Pour Karel Dierickx

     

     

    Aux lignes fragiles mordant papier et toile
    la nature morte se fait aquatinte, la réalité
    se peint en épaisseur. Pendant que tu tâtonnes

     

    la texture de ta mémoire s’effrite, n’en reste

    pas moins partition et boussole. Pour tes

    visiteurs. Touches et tournures te donnent

     

    de rendre visible l’invisible. Processus de longue
    et unique haleine. Marrakech Night et Situation refermée.

    Le modèle se fond dans le paysage. Un rien pâteux.

     

    Tel une cascade. Une lettre. Un bateau dans une bouteille.

    Tu entends la mer, répète l’été sans faire de façons.

     

     

    traduction Daniel Cunin (paru dans Traversées, n° 90, 2019)

     

    COUV-TRAVERSEES-90.jpeg

     

     

     

    Eigenzinnig

     

    voor Karel Dierickx

      

     

    De nacht dwingt

      

    de nacht is

    vermetel een mengsel van

    dronken tinten in de grondeloze

    aarde van je slaap

    de nacht woekert en woelt

    zich in het landschap los

      

    de nacht zakt

    als een vlak achter

    de struiken, als een vermoeden

    dat klotst en aanspoelt

    in het raam

      

    de nacht legt de roes

    van zijn rumoer

    belegen in de koelte

    van zijn kelders

    vast

     

     

    Roland Jooris (eigenzinnig, Uitgeverij Cultura, 2011)

     

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    Qu’à sa tête

     

    pour Karel Dierickx

     

     

    La nuit astreint

     

    la nuit est

    téméraire un mélange d’ivres

    teintes dans la terre

    abyssale de ton sommeil

    la nuit fouit et fourmille

    à se libérer des draps du paysage

     

    la nuit sombre

    tel un à-plat derrière

    les broussailles, tel un soupçon

    qui en ressac s’échoue

    dans la fenêtre

     

    la nuit amarre

    la griserie

    de sa rumeur

    dans la fraîcheur

    de ses caves

     

    traduction Daniel Cunin

     

     

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    Roland Jooris, Sculptures

    recueil traduit par Katelijne De Vuyst, Tétras Lyre, 2019

     

     


    Stefan Hertmans parle de son ami Karel Dierickx (en allemand)

    nombreuses prises de vue de lexposition

     

     

  • La tétine de notre degré de culture…

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    … ou à chaque braguette son pantalon

     

     


    la maison Van Doesburg à Drachten (Frise) 

     

     


    On sait que l’architecte et théoricien de l’avant-garde Theo van Doesburg (1883-1931), né Christian Emil Marie Küpper, a écrit des poèmes dadaïstes sous le nom I.K. Bonset. Principale figure de la mouvance Dada en Hollande, il a été, entre autres, à l’origine de la revue De Stijl ou encore rédacteur de la publication Mécano à laquelle ont pu thoe van doesburg,dada,hollande,de stijl,traduction,poésiecollaborer Arp, Schwitters, Picabia et Tzara. On lui doit l’Aubette (Strasbourg), une demeure qui porte son nom à Meudon… ou encore certaines chaises de cafés alsaciens. Quelques-uns de ses écrits « français » sont disponibles en ligne.

    Il n’est pas inutile de mentionner au passage la toute première publication de Theo van Doesburg, passée longtemps inaperçue, y compris des plus grands connaisseurs de l’œuvre : De maskers af (Bas les masques !, 1910), qui réunit 20 caricatures de sa main, précédées d'une introduction et accompagnées de commentaires.

     

     

    Le poème qui suit est tiré de : I.K. Bonset, Het andere gezicht van I.K. Bonset, Meulenhoff, Amsterdam, 1983, p. 73.

     

    Thoe van Doesburg, Dada, Hollande, De Stijl, traduction, poésie

     

     

    9 x B

    1          De bomen zijn de benen van het landschap.   B.

    2          De mens is goed, wanneer hij er geen belang bij heeft slecht te zijn. Hij is slecht wanneer het niet in zijn belang is goed te zijn.      B.

    3          De antimakassar is de graadmeter onzer cultuur, het sentimentalisme, de speen.       B.

    4          Ziet ge?            B.

    5          Ten einde raad bracht ik het paradijs naar de lommerd. Ik ontving daarvoor juist genoeg om mij een brood, een kaars en een fles inkt te kopen.            B.

    6          Bij elke gulp behoort een pantalon.    B.

    7          Ernst is gevaarlijker dan syfilis.           B.

    8          De mens heeft hersenen ten einde niet te denken.      B.

    9          Schoonheid is de parodie der werkelijkheid.   B.

     

     

    Thoe van Doesburg, Dada, Hollande, De Stijl, traduction, poésie

     

     

    9 x B

     

    1          Les arbres sont les jambes du paysage.            B.

    2          L’homme est bon quand il n’a aucun intérêt à être mauvais. Il est mauvais quand il n’est pas dans son intérêt d’être bon.    B.

    3          La têtière en guipure d’un fauteuil est la jauge de notre degré de culture, le sentimentalisme en est la tétine. B.

    4          Vous voyez ?   B.

    5          En désespoir de cause, j’ai apporté le paradis au prêteur sur gages. Lequel m’a remis en échange juste de quoi m’acheter une miche de pain, une bougie et une bouteille d’encre.          B.

    6          À chaque braguette son pantalon.       B.

    7          La gravité est plus dangereuse que Syphilis.    B.

    8          L’homme a un cerveau de sorte à ne pas penser.        B.

    9          La beauté est la parodie de la réalité.   B.

     

    traduction : D. Cunin

     

     

     

    Thoe van Doesburg, Dada, Hollande, De Stijl, traduction, poésie

     

     

  • Palliatif

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    Un poème de Steven Van Der Heyden 

     

     

    Né à Gand en 1974, Steven Van Der Heyden, infirmier à domicile en soins palliatifs, cherche à lire le monde par le moyen du langage – son origine et sa destination. Ses poèmes ont paru dans différentes revues, il a participé au Steven Van Der Heyden, poésie, Flandre, Belgique, néerlandais, traductionFestival international des arts de Watou. Ces dernières années marquent ses véritables débuts : certains de ses poèmes ont illustré l’ouvrage Breath de l’artiste Katrin Dekoninck puis, début 2020, la maison d’édition de Louvain P. a publié Tot ze koud is (Jusqu’à ce qu’elle soit froide), un recueil à deux voix qu’il a composé avec Luc C. Martens. Chaque auteur y développe sa poétique en s’attachant à chanter diverses amours, jeunes, frivoles, défuntes, dépravées… Deux univers qui se font écho et se renforcent mutuellement.

    « Pour la plupart, mes poèmes sont des rêveries philosophiques dans lesquelles j’essaie d’évoluer consciemment sans prendre les choses pour acquises. Autant de parcours en quête de simplicité, d’équilibre et d’authenticité au cours desquels je me laisse toucher par ce qui semble ‘‘banal’’ et tente d’épurer la beauté. Dans le flux de réalités en constant changement, ma poésie entrouvre la porte sur un échange et un ancrage. Elle me permet de modeler ma traversée vers la silencieuse sérénité et l’harmonie. » Une traversée que Steven Van Der Heyden prolonge en peignant et en travaillant le verre et l’argile.

     

    Steven Van Der Heyden, poésie, Flandre, Belgique, néerlandais, traduction

     

     

    « Le jeu des voix, tant dans l’art que dans le monde en général, ne manque pas de nous intriguer. Il existe des exemples célèbres de polyphonie dans des compositions musicales et dans des œuvres lyriques ». Le recueil Tot ze koud is opte pour un duetto au sein duquel les voix interagissent et s’enrichissent au fil d’un dialogue sur la relation du je à la femme et sur les méandres et rebondissements (im)prévisibles de l’amour. »

    YVES T’SJOEN

     

     

    « Il se passe quelque chose de merveilleux dans ce recueil : les poèmes musicaux et sensuels de Luc C. Martens se fondent sans peine dans ceux, spirituels et sinistres, de Steven Van Der Heyden. Steven, revers sombre de Luc. Ou Luc, version plus frivole de Steven. Ce qui n’empêche en rien de les lire en alternance. Des images fortes et capricieuses, une langue captivante dépourvue de clichés. Deux poètes prometteurs ont ainsi mis au point une composition remarquable, originale et d’une rare puissance. »

    DELPHINE LECOMPTE

     

     

    En attendant la parution en revue de la traduction d’un cycle de ce recueil, Steven Van Der Heyden propose un poème qui fait allusion à sa profession.

     

     

     

    Palliatif

     

     

     

    Ils changent le temps de place, enfoncent les mains

    dans leurs poches, posture qui ne sied pas vraiment

     

    Figurants à la recherche des premiers signes

    d’une tristesse qui affamée les attend

     

    Ils fléchissent à travers leur sourire

    se réfugient dans l’incrédulité et de froides couleurs

     

    L’odeur du caoutchouc du métal les maintient

    ensemble peu à peu pénètre leur chair

     

    Les souvenirs rendent la chambre habitable

    confèrent du poids aux années

     

    Qu’en sera-t-il s’ils se trompent de jour ?

     

     

    traduction du néerlandais : Daniel Cunin

     

     

    Steven Van Der Heyden, poésie, Flandre, Belgique, néerlandais, traduction

    Le poète (photo : Carmen De Vos)

     

     

  • Poème de saison

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    Antoon Van den Braembussche, poésie, Corona, Flandre, Belgique, traductionPhilosophe et poète, Antoon Van den Braembussche marie son intérêt pour l’esthétique et les phénomènes récents de l’expression artistique (la culture numérique et l’art contemporain) à une quête littéraire débutée voici une quarantaine d’années. L’universitaire qu’il a été a signé, en langue anglaise, les essais Intercultural Aesthetics. A Worldview Perspective (2008, en collaboration avec Heinz Kimmerle et Nicole Note) et Thinking Art. An introduction to Philosophy of Art (2009). En 2016, il a publié en néerlandais un ouvrage beaucoup plus personnel : De stilte en het onuitsprekelijke. Over beeldcultuur, kunst en mystiek (Le silence et l’indicible. De la culture visuelle, de l’art et de la mystique), une méditation exprimant le désir de vivre une « expérience sublime » en se déconnectant de la pensée, à la fois plongée dans nos dimensions existentielle et spirituelle et tentative de saisir l’ineffable en explorant les zones où (philosophie de l’) art et mystique, religion et athéisme, philosophie occidentale et sagesses orientales se rejoignent.

    Certains de ces élans et aspirations se retrouvent, mais dans une formulation différente, extrêmement claire pour ne pas dire transparente, dans son septième et plus récent recueil : Alles komt terug. Over ‘de eeuwige terugkeer van het gelijke’ (Tout revient toujours. Ou de l’éternel retour du même, Éditions P., Louvain, 2018). Un titre qui bien entendu renvoie à Nietzsche. « L’auteur observe le monde, nous dit l’éditeur, à travers les yeux de Friedrich Nietzsche. Il examine et considère le minuscule comme le gigantesque, le nouveau comme l’ancien, le concret comme l’abstrait, tout cela comme autant de parties d’un même tout : un tout qui revient toujours. Cet éternel retour est rendu dans une langue sobre, mais d’une redoutable précision, et qui pour autant ne craint pas quelques nuances sublimes ou surréalistes. » Mais au fond, ce recueil ne serait-il pas avant tout une suite amoureuse ?

     

    À présent, je chante la danse de la terre.

    Il n’y a pas que le séjour multiple

    entre tes reins, tes mains, dans ta chevelure,

     

    sous tes aisselles. Il y a aussi l’intemporel

    havre en ton immortel sourire.

     

    En ce printemps pas comme les autres, Antoon Van den Braembussche, comme d’autres poètes, a consacré des strophes au virus qui est sur toutes les lèvres. La version originale est en ligne sur un literair e-zine. Nous en proposons la traduction française ci-dessous.

     

    Antoon Van den Braembussche, poésie, Corona, Flandre, Belgique, traduction

     

     

    CORONA

     

     

    +

     

    Le temps nous a rattrapés.

     

    Inouï.

    Invisible.

     

    Dans les remous de la brume.

    Infimes particules contagieuses.

     

    Corona.

    Pneumonia.

     

    Fuite de la marte devant la contamination.

    Sous une inquiétude sans précédent,

    des gestes de stockeur.

     

    Peur sous-cutanée.

     

    +

     

     « Le pire est à venir »,

    prophétise le virologue.

     

    Et nous de fixer

    d’un regard hébété

    des courbes exponentielles.

     

    Dans nos foyers, nos cocons

    habités de la phobie des microbes.

     

    Notre œil se dissout dans un flot de sang,

    le tabou de l’attouchement.

    Le monde au point mort.

    Sur la bouche, le masque du jamais vu.

     

    +

     

    Dans des hôpitaux surpeuplés

    dans des lits à gorge déployée

    la mort tâtonne à la ronde.

     

    Impitoyable.

    Au plus près du poumon.

     

    Les plus faibles errent.

    Tandis que les jours refluent

    dans l’infinie solitude.

     

    Car quiconque a été seul

    glisse bientôt dans un inaccessible mutisme.

     

    Pétrifié comme le virus.

    Condamné.

     

    +

     

    Corona.

    Utopia.

     

    L’air se purifie

    dans les artères de la ville.

     

    Jamais encore le numérique n’a été

    lieu de pareille compassion.

     

    Jamais encore n’ont régné

    dans les rues et sur les places

    pareil silence pareil ineffable.

     

    À croire que plus que par le passé

    le point mort nous apprend une chose inoubliable :

     

    respirer de soulagement dans l’instant.

     

    Antoon Van den Braembussche

    Mardi 24 mars 2020

     

     

    poème traduit du néerlandais par Daniel Cunin

     

     


    Le poète et quelques artistes lors de la parution de son recueil Het uur van de wolf

    (Entre chien et loup, 2014).

     

     

  • Francis Jammes à la hollandaise (2)

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    Je m'embête ou je m'ennuie à mourir...

     

     

    Jammes-TweedeRonde-1981.png

     

    Une fois encore, Francis Jammes... dans une traduction néerlandaise, celle-ci publiée sous le titre (traduit mot à mot) : « Je m’ennuie à mourir ». Elle remonte à l’été 1981 et a paru dans la revue De Tweede Ronde éditée à Amsterdam par la maison renommée Bert Bakker, et placée sous la houlette du slaviste et traducteur Marko Fondse (1932-1999) et de Peter Verstegen, autre traducteur réputé. La couverture de ce numéro de la deuxième année d’existence de ce célèbre périodique littéraire représente Paul Verlaine, Marcel Proust et Louis-Ferdinand Céline, dessinés par Bob Tenge (1934-2018). Des figures qui annoncent une guirlande d’écrivains français transposés dans la langue locale, essentiellement à travers des poèmes. Guillaume Apollinaire, suivi de la « Vénus callipyge » de Georges Brassens ; plus loin, Jean Richepin puis un passage en traduction de D’un château l’autre (par Frans van Woerden), Proust, Voltaire, Larbaud, Mallarmé, Benjamin Péret, Queneau, Albert Samain, Verlaine et un Baudelaire accompagné de nombre de dessins.

    Du Jammes tiré donc cette fois de De l’Angélus de l’aube à l’Angélus du soir par Wiebe Hogendoorn, historien du théâtre né à La Haye en 1936. Cet auteur est aussi connu pour avoir publié nombre de traductions dont Les Tristes d’Ovide. Pour la revue De Tweede Ronde, il a par exemple transposé du français la callipyge de Georges Brassens, deux poèmes d’Albertine Sarrazin, quatre de Jean Pérol et deux du Belge William Cliff.

     

    Jammes-Angelus.jpg

     

     

    IK VERVEEL ME DOOD

     

     

    Ik verveel me dood; pluk meisjes voor mij,

    voeg er blauwe lissen uit het berkenlaantje bij,

    waar blauwe vlinders dansen in de zonnegloed.

         Want ik verveel me dood.

    Ik wil ongedierte zien knagen, rood

    op kolen, appels (ook wel appelen), bitterzoet -

         ik verveel me dood.

     

    Die versjes die ik schrijf vervelen me ook dood

    en de blik van mijn hond is totaal idioot

         als hij luistert naar de pendule

    die hem verveelt zoals ik mij verveel.

    Die jachthond met drie oogharen, dat rotsecreet

         van een rotpoëet,

             is echt een ridicule.

     

    Kon ik maar schilderen. Ik schilderde beslist

    een blauwe weide die vol kampernoelies was,

    waar naakte deernen dansten in het gras

    om een oude wanhopige botanist,

    zo'n strohoedmeneer met een trommel (groen)

    en een gróót groen net om vlinders in te

         doen.

     

    Want ik ben dol op jonge deernen

    en op grotesk gekleurde prenten

    waarop men een botanist ziet drentelen,

    oud en afgemat,

    een bergbeek langs, op pad

         naar de taveerne.

     

    Jammes-Ronde.png

    Quatrième de couverture du numéro de De Tweede Ronde

     

     

    JE M’EMBÊTE…

     

     

    Je m’embête ; cueillez-moi des jeunes filles

    et des iris bleus à l'ombre des charmilles

    où les papillons bleus dansent à midi,

         parce que je m’embête

    et que je veux voir de petites bêtes

    rouges sur les choux, les ails (on dit aulx), les lys.

         Je m’embête.

     

    Ces vers que je fais m’embêtent aussi,

    et mon chien se met à loucher, assis,

         en écoutant la pendule

    qui l’embête comme je m’embête.

    Vraiment ces trois cils de ce chien de chasse,

         de ce chien de poète,

             sont cocasses.

     

    Je voudrais savoir peindre. Je peindrais

    une prairie bleue, avec des mousserons,

    où des jeunes filles nues danseraient en rond

    autour d’un vieux botaniste désespéré,

    porteur d’un panama et d’une boîte verte

    et d’un énorme filet à papillons

         vert.

     

    Car j’apprécie les jeunes filles

    et les gravures excessivement coloriées

    où l’on voit un vieux botaniste éreinté

    qui longe un torrent et se dirige

         vers l’auberge.

     

     


    le poème lu par Yvon Jean