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poésie - Page 19

  • Le nu provençal

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    Un poème de Hedwig Speliers 

     

     

          photo : M.-H. C.

    PortraitHedwigSpeliers.png

    Poète, essayiste et biographe (de Stijn Streuvels et de Maurice de Guérin), Hedwig Speliers compose loin du brouhaha une importante œuvre dédiée à la poésie. Il écrit actuellement une pièce de théâtre consacrée à la figure de Lamennais. Certains de ses recueils sont disponibles en français dans une traduction de Willy Devos. 

    Dans la présente vidéo, l’Ostandais d’adoption lit lichtbad (littéralement : bain de lumière), poème dont on trouvera ci-dessous une transposition en français sous le titre Le nu provençal. 


     

     



     

     

    Le nu provençal

     

     

    Un rien suffit à lui redonner

    sa fraîcheur : le murmure de l’eau

    dans la cuvette de faïence, le vertige

    du clair matin sur tapis et dalles.

     

    Et bien entendu le parler

    des lignes délicates, son corps

    aussi vaporeux qu’un poème

    en un léger, un élégant équilibre.

     

    Alors qu’elle rêve et se penche,

    voir son image affluer dans l’eau !

    Épaule gracieuse, contour de la cuisse,

    vertèbres formant trait de lumière.

     

    trad. D. Cunin

     


    Bibliographie

     

    couvhedwigvillers.pngExotische diergedichten (poèmes, 1957)

    Ons bergt een cenotaaf (poèmes, 1961)

    Een bruggenhoofd (poèmes, 1963)

    Wij, galspuwers (polémiques, 1965)

    De astronaut (poèmes, 1968)

    Omtrent Streuvels. Het einde van een mythe (monographie, 1968)

    Afscheid van Streuvels (monographie, 1971)

    Horrible dictu (poèmes, 1972)

    Die verrekte gelijkhebber (polémiques, 1973)

    Gerard Cornelis van het Reve en De groene anjelier (monographie, 1973)

    Leven met Lorenz (poèmes, 1973)

    Ten zuiden van (poèmes, 1973)

    De ongeleefde lijnen van ons lichaam, of Het metaforische denken (essais, 1975-1976)

    poésie, flandre, hedwig speliers, willy devos, traduction, belgiqueDe mens van Paracelsus (poèmes, 1977)

    Van het wolkje af (poèmes, 1980)

    De pool van de droom. Van en over Johan Daisne (monographie, 1983)

    Het heraldieke dier (poèmes, 1983)

    Met verpauperde pen (essais, 1984)

    Album Stijn Streuvels (1984)

    Alpestre (poèmes, 1986)

    Tiaar van mijn taal. Poets poet Jan van der Hoeven (monographie, 1986)

    Villers-la-Ville (poèmes, 1988)

    Villers-la-Ville, traduit du néerlandais par Willy Devos (1994)

    Bel-etage (poèmes, 1992)

    De tong van de dichter (essais, 1992)

    poésie,flandre,hedwig speliers,willy devos,traduction,belgiqueDag Streuvels. ‘Ik ken den weg alleen’ (biographie, 1994)

    Het oog van Hölderlin (poèmes, 1994)

    Ongehoord. Een keuze uit de gedichten 1957-1997 (anthologie, 1997)

    Als een oude Germaanse eik (biographie, 1999) 

    Suites françaises (poèmes, 2001)

    Met politiek bemoei ik mij niet (essais, 2003)

    Heen (poèmes, 2004)

    Engelengeduld (poèmes, 2006)

    De Eliassonnetten (poèmes, 2007)

    Len de l’El. Een poëtische tocht in de Midi / Un séjour poétique dans le Midi (recueil bilingue, 2009)

    Dichter naast God. Biografie van Maurice de Guérin (biographie, 2009)

    Het land Gods (poèmes, 2011)

     

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  • Splash !

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    La poésie de Dirk van Bastelaere

     

     

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    Splash !, éd. Les Petits Matins, 193 p.

     

    LE MOT DE L’ÉDITEUR

     

    Le livre Dirk van Bastelaere propose ici une lecture/relecture de son œuvre au cœur de la postmodernité poétique européenne. Regroupés en séries, ses poèmes se réfèrent au cinéma hollywoodien, à la peinture contemporaine, aux standards du rock, mais aussi, ce qui est plus inattendu, aux figures de la piété christique.

    Un essai complète cet ensemble, où Dirk van Bastelaere donne un aperçu de ses talents de prosateur. Usant notamment des écrits et des concepts de Lacan, Barthes, Slavoj Žižek et Julia Kristeva, il définit sa poétique.

    Splash !, comme le laisse entendre son titre, est aussi une manière innovante, parfois provocante, de pratiquer la poésie comme une pensée en mouvement, une recomposition et un plaisir à expérimenter.

     

    « Tout comme l’atoll, la poésie historique est une structure toujours plus complexe et plus décentrée qui se construit autour du vide de la Poésie réelle, figurée par la lagune, mais présente de façon immanente, une absence structurellement nécessaire autour de laquelle s’est édifié le récif : telle était plus ou moins ma thèse. »

     

    Né en 1960, Dirk van Bastelaere est l’auteur d’une œuvre importante qui fait débat en Belgique et en Hollande, pays où la poésie a un impact collectif. 

     

     

     

    splash !

      

     

    D’une autre façon que du haut

    des gratte-ciel le plané

    au-dessus du bleu cobalt

     

    des piscines absorbe

     

    une fille en lui qui

    s’en revient comme cette même fille huilée.

     

    Pas tout à fait une seconde avant celle

    du

    splash ! assises petitement sur les corps osseux des autres

    et comme l’obscurité qui traîne, les ombres

    sous le soleil d’arums

    des bras des jambes

    des cyprès

    voués au déracinement.

     

    (trad. D.C.)

     

     

     

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    Recueils de Dirk van Bastelaere

    (Splash ! présente un large choix des trois derniers titres)

     

     Vijf jaar (1984)

    Pornschlegel en andere gedichten (1988)

    Diep in Amerika. Gedichten 1989-1991 (1994)

    Hartswedervaren (2000)

    De voorbode van iets groots (2006)

     

    Wwwhhooosshhh - Over poëzie en haar wereldse inbedding (2001) rassemble des essais de l’auteur dont « Stay back, please. Sur le réel de la Poésie comme traumatisme du poème » repris dans Splash !.

     

    Dans Hotel New Flanders (2008), Van Bastelaere propose, avec Erwin Jans et Patrick Peeters, une anthologie de 60 ans de poésie flamande (1945-2005).

     

     

  • Épître à Storge

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    Quand La Revue de Hollande

    accueillait

    O.V. de Lubicz Milosz

     

    milosz,la revue de hollande,francis de miomandre,poésie,roman,willem frederik hermans

     

    En janvier 1917, soit un an environ après avoir publié les premiers poèmes d’Antonin Artaud, La Revue de Hollande offre (p. 659-671) à ses lecteurs un très grand texte, signé

    Oscar Vladislav de Lubicz Milosz. Dans Ars Magna, ce dernier dira à propos de ces pages : « Étranger aux mathématiques, en publiant dès janvier 1917 mon Épître à Storge, je n’étais donc qu’un annonciateur métaphysique de la théorie de la Relativité généralisée, dont j’ignorais à cette époque le premier mot et en qui je saluai, quelques années plus tard, moins une confirmation du résultat de ma méditation de vingt années sur la matière, l’espace et le temps, que l’aube d’une ère nouvelle et merveilleuse de l’esprit. »

    milosz,la revue de hollande,francis de miomandre,poésie,roman,willem frederik hermansD’abord intitulée « Lettre à Storge », cette Épître, tout comme le poème dialogué La Confession de Lemuel (1922), revient sur la nuit d’illumination que le poète a vécue en 1914 : « Le quatorze Décembre mil neuf cent quatorze, vers onze heures du soir, au milieu d’un état parfait de veille, ma prière dite et mon verset quotidien de la Bible médité, je sentis tout à coup, sans ombre d’étonnement, un changement des plus inattendus s’effectuer par tout mon corps. Je constatai tout d’abord qu’un pouvoir jusqu’à ce jour-là inconnu, de m’élever librement à travers l’espace m’était accordé ; et l’instant d’après, je me trouvais près du sommet d’une puissante montagne enveloppée de brumes bleuâtres, d’une ténuité et d’une douceur indicibles. » « Désormais l’écriture a[ura] pour Milosz une mission initiatique. »

    Dans la livraison de juin 1916, alors que l’Épître à Storge n’était pas encore écrite, La Revue de Hollande avait présenté Milosz à travers une trentaine de pages de Francis de Miomandre (1). Quelques généralités sur les origines et les pérégrinations du Slave, sur son choix d’écrire en français puis diverses considérations relatives aux étapes de son évolution :

    - L’adolescence : Le poème des décadences (1899) : « Nous avons ainsi chacun de notre prime jeunesse gardé quelque souvenir essentiel dont le regret, symbole de tous nos désirs irréalisables, finit par rester seul au milieu du désert de nos illusions. Mais jamais je n’ai vu comme chez M. Milosz ces images primordiales prendre une place aussi importante, au point de diriger toute une partie de sa vie, au point de devenir le leit-motiv le plus constant et le plus pathétique de son inspiration. » (p. 1415)

    - La jeunesse : Les Sept solitudes (1906) : « M. O.-W. Milosz n’a jamais rien dit qui ne fût arraché de lui-même par une irrésistible nécessité organique. C’est un des plus purs tempéraments de poète que je connaisse. » (p. 1418)

    milosz,la revue de hollande,francis de miomandre,poésie,roman,willem frederik hermans- L’éveil mystique : L’Amoureuse initiation (1910) : à propos de ce livre fascinant, F. de Miomandre écrit : « Le sujet du roman ? car c’est un roman. Oh ! peu de chose. Un homme, d’un certain âge, s’éprend d’une femme très indigne de lui quoique d’une beauté ravissante, très vile, et qui le trompe et le bafoue, et avec laquelle il descend en complice et même parfois en corrupteur jusqu’aux abîmes de la folie sensuelle. Voilà le sujet apparent, le prétexte pour ainsi dire. Mais le sens second est tout différent. Il est d’un autre ordre : et ce n’est rien moins que la théorie même de la mysticité. Le mot amour en effet y est pris dans le sens purement idéal où l’entendent les mystiques. Un homme aime une femme, fervemment, dans l’absolu, comme on aime une idée, comme on aime Dieu. D’ailleurs, il le confond avec une idée, – avec Dieu. » (p. 1422)

    - L’oasis panthéiste : Les Éléments (1911) : « … le panthéisme de M. Milosz n’a de rapport que verbal avec celui par exemple d’un Parnassien. Ce n’est pas une notion philosophique, c’est un sentiment, une communion passionnée, où la conscience individuelle, au lieu de se contracter, se propage. Et c’est d’une très émouvante beauté ». (p. 1427)

    - L’œuvre littéraire : Les traductions (poètes anglais, allemands, russes et polonais).

    - Le drame de l’ascétisme : Miguel Mañara (1913) : « Je me rappellerai longtemps la soirée où fut représenté le premier drame de M. de Lubisz-Milosz : Miguel Mañara. […] Cela se passait à Paris, chez Madame Adenkhoven (2), une dame de Hollande, passionnée d’art et de littérature qui prêtait généreusement son hôtel aux manifestations esthétiques tentées par une courageuse et fervente petite troupe d’acteurs : Le Théâtre Idéaliste, sous la direction d’un jeune poète plein d’ardeur : M. Carlos Larronde. […] le roman du désir de Dieu est devenu le drame de l’amour divin ».

    storge17.png- La trilogie de l’illumination : Méphiboseth et Saul de Tarse (1914) : deux pièces – dont la seconde, écrite en vers de quatorze pieds, est inédite – qui s’inscrivent dans le prolongement de la précédente : « […] plus encore que dans Miguel Mañara s’affirme l’acquiescement à l’ordre universel qui est la caractéristique la plus essentielle du vrai mysticisme. On n’avait je pense jamais projeté de lumière plus magistrale sur ce mystère du mal conditionné dans la fatalité du Bien. Au cri du moine espagnol répond la voix de l’initié hébreu. » (p. 1439).

    - Le regard en arrière : Symphonies (1915) : « cinq poèmes seulement mais tellement purs, tellement humains, tellement douloureux que les larmes en montent aux paupières. Je ne connais rien d’analogue dans la littérature contemporaine ». (p. 1439-1440)

    Terminant son étude agrémentée d’assez nombreux extraits de l’œuvre, Francis de Miomandre écrit : « J’ignore ce que fera désormais M. Milosz, ni quel cycle nouveau, celui-là fermé, il pourra parcourir. Mais d’ores et déjà son œuvre est assurée contre le temps. Elle ne peut que grandir dans l’admiration des hommes. Elle sera plus tard, dans l’harmonie de toutes ses parties, pour les amants de la poésie vraie, un monument magnifique, et pour les mystiques, dans la haute signification de tous ses aspects, une œuvre annonciatrice. » (p. 1441)

    Ce qu’a fait le futur représentant de la Lituanie à Paris juste après, on pourra le lire ci-dessous. Si O.V. de Lubicz Milosz a pu être découvert à l’époque par un certain nombre de Néerlandais grâce aux efforts de La Revue de Hollande, publiée rappelons-le à Leyde, s’il a été accueilli dans l’hôtel particulier d’une Hollandaise établie à Paris, il est resté jusqu’à aujourd’hui un quasi inconnu aux Pays-Bas, même s’il y a semble-t-il reçu un accueil enthousiaste de la part de quelques poètes lors d’un séjour antérieur à la Grande Guerre. En 1920, le journal De Nieuwe Arnhemsche Courant a reproduit un de ses articles politiques sur la Lituanie considérée comme un rempart contre le bolchévisme. Pour le reste, le romancier Willem Frederik Hermans est l’un des rares à s’être intéressé de près à son œuvre : il a traduit certains de ses poèmes, dont « La berline arrêtée dans la nuit » (3) et lui a consacré un essai (4). 

    D. Cunin


    storge0.png(1) Milosz a écrit en collaboration avec Francis de Miomandre Le Revenant Malgré Lui, comédie en trois actes (présentée par Yves-Alain Favre, Cahiers de l’association des amis de Milosz, n° 23-24, André Silvaire, Paris, 1985).

    (2) S’agit-il bien de l’orthographe exacte ?

    (3) Zeven Gedichten van O. V. de L. Milosz (Sept poèmes de O.V. de L. Milosz), Ams- terdam, Cornamona Pers, 1981. Dans un entretien publié en 1983, W.F. Hermans, alors qu’on lui pose une question sur Milosz, le prix Nobel, répond : « C’est moi qui ai découvert en Hollande l’oncle de Milosz. Un très grand poète : O. V. de L. Milosz, un oncle du prix Nobel. Un très grand homme. Complètement fou, mais très grand. Personne n’en avait entendu parler en Hollande. Je suis tombé par hasard sur une de ses plaquettes de vers et l’ai traduite dès 1944. C’est-à-dire que j’ai traduit quelques poèmes puis deux ou trois autres à une période ultérieure. Ce genre d’écrivains que personne ne connaît, c’est devenu un peu mon violon d’Ingres, mettre l’accent sur eux, par exemple sur ce Milosz. » À l’automne 1944, Hermans est rentré un jour chez lui avec le recueil Poëmes, préfacé par de P.-L. Flouquet (1939) ainsi qu’un numéro des Cahiers Blancs consacré à Milosz. 

    (4) « De tastbare metaforen van O.V. de L. Milosz » (Les métaphores tangibles de O.V. de L. Milosz) date de juillet 1977. Il a été écrit à l’occasion du centième anniversaire de la naissance du poète et de l’exposition organisée alors à la Bibliothèque nationale. On peut y lire cette phrase : « À mon sens, le cycle Symphonies (1915) pourrait certainement figurer un sommet de n’importe quelle littérature. »

     

     

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  • Piqûres

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    Poème & vidéo de Paul Bogaert

     

     

    PIQÛRES from Paul Bogaert on Vimeo.

     

     

     

     

    Piqûres

     

    Nous voyons ici l’éclat de l’espoir

    d’une chance, qui s’est accroché à ce jour,

    à ces façades, cette expérience.

     

    Question de quelques minutes.

     

    L’odeur de tapis neufs, une exhalaison de liqueur.

     

    On a bossé jusqu’au milieu de la nuit.

    Le contraste est énorme.

     

    Quand au lever du soleil le dernier bleu de travail a disparu,

    le site s’est mis à chauffer :

    • l’œuvre du cocktail de fatigue et d’attentes

    qui déclenche des émotions, ternit peau et cheveux ;

    • l’œuvre de personnes qui, dévouées et récalcitrantes,

    des semaines durant, phrase à phase,

    jusqu’à ce que…

     

    L’ambiance est bonne.

     

    Finalement…

     

    - D’abord celle des parents, douce mais claire. Dans sa figure.

     

    - Oiseau moderne ?

     

    - Oui.

     

    - C’est un oiseau moderne dans ta tête,

    qui t’importune en trois langues !

     

    - Ça s’est bien passé.

     

    - Celle de ses enfants à elle. On peut y aller franchement.

     

    - Test 1 - 2 !

     

    - Parfait.

     

    - Dans ton cerveau, y a pas assez de place.

    Alors libère cet oiseau.

     

    - C’est presque fini.

     

    - Et maintenant ?

    - Phrase 3 du mari et des amis.

    - En une fois ?

    - En une fois.

     

    - À cause du feedback dans ses ailes

    l’oiseau se retrouve empêtré dans des lacets Larsen.

    Après quoi il s’étrangle dans son commentaire en live.

     

    - Nous sommes prêtes.

    - Bien joué.

    - Signe ici.

     

    Question de quelques minutes.

     

     

    traduit du néerlandais par Daniel Cunin

     

     

     

    Paul Bogaert en français : ici & ici

     

     

  • Lucas Cranach l'Ancien en poésie

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    Un poème d’Astrid Lampe

     

     

    CranachExpo.pngÀ l’occasion de l’exposition The World of Lucas Cranach au Palais des Beaux-Arts de Bruxelles, les visiteurs peuvent découvrir des peintures parlantes : « Au XVIe  siècle, le tableau vivant était considéré comme un genre “littéraire” dans les cercles de rhéteurs. Dans l’exposition de Cranach, ce n’est plus l’homme qui est considéré comme une sculpture humaine mais les tableaux qui sont “anthropomorphisés”, au propre comme au figuré. Ce concept est un clin d’œil au peintre anversois Jan Cox qui avait un jour déclaré qu’il fallait savoir écouter ses peintures pour en saisir le sens. Cinq poètes de renom, issus de Belgique et des Pays-Bas se sont chacun inspirés d’une peinture de Cranach pour lui insuffler vie sous la forme d’un poème. Ils ont ainsi donné le jour à cinq poèmes audio uniques qui donnent la parole à la peinture. Les cinq poètes ont tous des atomes crochus avec le monde de Cranach. Certains ont préféré laisser libre cours au personnage du tableau, d’autres ont choisi de donner vie à la peinture elle-même. »

    Les poètes en question sont Stefan Hertmans (Belgique), Astrid Lampe (Pays-Bas), Lucienne Stassaert (Belgique), Gwenaëlle Stubbe (Belgique) et Han Van der Vegt (Pays-Bas). On peut entendre les poèmes en 3 langues : traductions de Piet Joostens pour le néerlandais, Daniel Cunin pour le français, Cole Swensen et Willem Groenewegen pour l’anglais.

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    Lucas Cranach l’Ancien, Lucrèce, vers 1510-1513, collection particulière © www.humanbios.com, Human Bios GmbH, Suisse 

     

     

    Le poème d’Astrid Lampe inspiré du tableau Lucrèce

     

     

    weer valt mijn vacht op dezelfde plek open

    kan het blote oog bloter: neem bezit van mijn wit

    neem bezit van dit wit, sla het op sla me open

    room me af met je blik voel je vingers

    weer lopen: niets verzinnen manmijn

    de wol die ik spon tot jij mij weer liet spinnen

    was de wol die ik kaarde o en wit was die wol

    o en witter mijn tint nu, de teint die ik trouw met de room voor je

    spaarde: uit! nu die droom, vals de dag

     

    weer valt de nacht op dezelfde plek open

    kon het boze oog bozer

    al het zwart kruipt zo naar boterzwaar in me op

    kan je blote oog bloter kón ik maar blozen liefste o en dolk

    stoot me rozen al bleef ik dood in zijn grafkou, nog trekt de slaap

    het halve werk van die lafaard nu simpel voltooien

    open en bloot rond me af neem bezit van dit wit o

    en hart noem me diertje jouw Lucretia totaal ( )

    blind leid ik je staal stoot o en stoot nog éénmaal

     

     

     

    encore même endroit encore ma fourrure s’entrouvre

    l’œil nu peut-il se faire plus nu

    prends ma blancheur prends

    possession de ma peau blanche peau

    couve-la des yeux allaite-toi

    ouvre-moi de tes doigts cours et parcours – sans minauder

    la laine que j’ai filée pour filer doux

    entre tes doigts, laine ô combien blanche

    ô combien plus blanc mon teint

    teinte et lait que j’ai gardés fidèlement

    pour toi : fini ! d’abord le rêve, faux jour

     

    encore même endroit encore la nuit s’entrouvre

    le mauvais œil peut-il se faire plus mauvais

    tout le noir grimpe caillé en moi

    ton œil nu peut-il se faire plus nu

    et moi rougir ô tendre et dague

    poignarde-moi de roses même si je gis

    dans le froid de sa tombe le sommeil attire

    histoire de finir le boulot bâclé de ce couard

    ouverte et nue achève-moi prends possession de cette blancheur ô

    cœur appelle-moi biche ta Lucrèce toute (  )

     aveugle je guide ton acier frappe oh poignarde et frappe encore 

     

     

    traduit du néerlandais par Daniel Cunin

     

    CranachLucrèce.png

    Lucas Cranach l'Ancien, Le Suicide de Lucrèce, 1538, Bamberg, Neue Residenz