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Auteurs flamands - Page 10

  • Les peintres d’Eric Min

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    Un entretien avec le biographe

    de James Ensor et de Rik Wouters

     

     


    Eric Min est un essayiste et critique d’art belge d’expression néerlandaise. Auteur de nombreux essais, il a également publié à ce jour trois biographies très bien documentées : James Ensor, Een biographie (Amsterdam/Anvers, Meulenhoff/Manteau, 2008), Rik Wouters. Een biografie (De Bezige Bij Antwerpen, 2011) et De eeuw van Brussel. Biografie van een wereldstad 1850-1914 (Le Siècle de Bruxelles. Biographie d’une métropole 1850-1914, De Bezige Bij Antwerpen, 2013). Il en prépare une quatrième sur un autre peintre belge, Henri Evenepoel, lequel a passé une partie de sa courte vie en France, pays qui l’a d’ailleurs vu naître et mourir. Si les livres en question ont été remarqués par la critique néerlandophone, ils n’ont fait, en Belgique, l’objet d’aucun article dans la presse francophone. Un oubli qu’il nous paraît utile de réparer en donnant la parole à leur auteur.

      

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    D.C. Pouvez-vous nous dire quelques mots au sujet de votre prédilection pour la peinture belge de la fin du XIXe siècle et du début du XXe siècle ? Cette période présente-t-elle un rapport avec l’intérêt que vous accordez, dans divers essais, à la photographie ?

    E.M. Au cours de mes études de philosophie à la Vrije Universiteit Brussel, de 1978 à 1982, j’ai découvert l’Art nouveau, le symbolisme et les autres tendances artistiques qui ont fleuri entre 1850 et les années trente du siècle passé. Alors que j’ai pratiqué assez tôt Baudelaire, poète et critique, j’ai pu étendre mes lectures à la Bibliothèque royale. Parallèlement, j’ai eu le bonheur de visiter quelques expositions très bien conçues – dont une consacrée à Fernand Khnopff (1) –, la maison de Victor Horta et nombre d’autres chefs-d’œuvre (en péril, il faut bien le dire). Bien vite, j’ai découvert les liens intimes qui existent entre les arts et la société. Quelques années plus tard, lorsque je me suis passionné pour la photographie actuelle et historique, la boucle était en quelque sorte bouclée. En 1989, j’ai commencé à publier dans les pages culturelles du quotidien flamand De Morgen ; tout naturellement je me suis tourné vers l’art autour de 1900 et la photographie. C’est ainsi que je me suis « spécialisé ».

     

    J. Ensor, Mes écrits 

    eric min,james ensor,peinture,flandre,belgique,bruxelles,rik wouters,henri evenepoelD.C. Votre premier grand travail porte sur une figure très connue, James Ensor, peintre de Flandre qui a beaucoup écrit en français, dans une langue d’ailleurs aussi savoureuse que sin- gulière. Les biographies existantes étaient-elles trop lacunaires ? Convenait-il d’apporter un éclairage « flamand » ? Ou s’agissait-il d’abord pour vous d’écrire pour un public néerlan- dophone ?

    E.M. L’idée de faire une biographie d’Ensor est venue de mon éditeur. Je connaissais bien sûr ce peintre ostendais, mais c’est en faisant des recherches plus approfondies que je me suis rendu compte de l’énorme lacune qui existe à son sujet et au sujet de bien d’autres artistes. Les travaux scientifiques et universitaires « tourné vers le grand public » sont pour ainsi dire inexistants. Une recherche méthodologique et complète comme a pu en mener le Musée Félicien Rops au sujet de l’artiste namurois n’existe pas pour les Ensor, Wouters, Spilliaert et autres Evenepoel. En dehors des périodes d’exposition, personne ne publie sur ces peintres. En ce qui concerne Ensor, ce sont des bénévoles et des « amateurs éclairés » qui ont fait l’essentiel du travail – par exemple mon ami Xavier Tricot. En néerlandais, il n’existait pour ainsi dire rien ! Avec ma biographie, j’ai voulu combler un certain vide, raconter une vie d’artiste dans son contexte culturel. Il s’agissait surtout de rassembler les données connues et de les traduire dans un langage accessible pour les non-initiés.

    Quant à l’éclairage flamand, c’est une autre question. Pour moi, Ensor est bien évidemment ancré dans la tradition picturale et « mentale » du cru, mais il n’est pas Flamand – il ne parlait pas le néerlandais, uniquement le dialecte ostendais, et son père était Anglais. Ceci étant dit, bien des francophones m’ont demandé de faire traduire le livre. Ce qui à ce jour ne s’est pas réalisé, mon éditeur n’ayant pas encore trouvé un confrère avec qui s’entendre de l’autre côté de la frontière linguistique. Gallimard aurait montré à un moment donné un certain intérêt, mais ça n’a pas abouti.

     

    eric min,james ensor,peinture,flandre,belgique,bruxelles,rik wouters,henri evenepoelD.C. Hors de Flandre, Rik Wouters est un artiste encore assez méconnu, et ce malgré par exemple la rétrospective de 2002 du Musée des Beaux-Arts de Bruxelles et l’exposition exceptionnelle qui se tient depuis 2011 à Malines. Pouvez-vous nous dire en quoi réside selon vous la singularité de son œuvre de peintre et de sculpteur ? Quel intérêt présentent ses écrits ?

    E.M. Son œuvre est exceptionnelle : toute l’explosion des couleurs du fauvisme passe par lui ; comme dessinateur, il n’a pas son égal. Mais effectivement, à l’étranger il n’est pas connu. La France n’est pas une terre fertile pour des artistes étrangers. D’ailleurs, un pays qui a vu naître Matisse et l’école fauviste n’a pas besoin de Wouters…

    Quant à ses écrits, n’oublions pas que s’il a certes laissé des lettres admirables de franchise et de simplicité, c’est surtout sa femme Nel (Hélène Duerinckx) qui a manié la plume : plusieurs versions de son autobiographie et quelques centaines de lettres adressées au collectionneur anversois Van Bogaert. Cet ensemble constitue un témoignage émouvant, qu’il convient toutefois de lire avec un certain recul : il s’agit d’une version personnelle des faits, sur de nombreux aspects et questions la seule dont nous disposions. Si ma biographie de Wouters a remporté un franc succès auprès de la critique et des lecteurs (4000 exemplaires vendus), cela tient surtout à un mariage entre art et drame personnel – le peintre est en effet décédé à 33 ans, dans la fleur de la vie.

     

    eric min,james ensor,peinture,flandre,belgique,bruxelles,rik wouters,henri evenepoelD.C. Bruxelles occupe une certaine place dans vos deux premiers livres. Vous avez également consacré à cette métropole une « biographie ». En quoi considérez-vous ce travail comme novateur ? Quelle a été votre ambition en écrivant ces pages ? (2)

    E.M. J’ai surtout voulu démontrer que « le monde était petit » : quelques 250 ou 300 personnes – artistes, collectionneurs, politiciens, gens du monde des arts… – ont produit (ou fait circuler) énormément d’œuvres qui comptent parmi les plus intéressantes et passionnantes que nous connaissons. Tout ceci s’est passé dans une ville somme toute assez petite. J’ai essayé de préciser les liens qui se sont tissés entre ces gens, leurs connivences aussi. Je crois que c’est l’un des premiers livres, si ce n’est le premier, qui tente de brosser une telle vue d’ensemble. Évidemment, plutôt que d’ambitionner l’exhaustivité, je me suis attaché à repérer des « lignes » majeures et à cerner des thèmes essentiels.

     

    eric min,james ensor,peinture,flandre,belgique,bruxelles,rik wouters,henri evenepoelD.C. Dans Le Siècle de Bruxelles, vous accordez une large place à l’ébullition des idées, autrement dit au contexte politique au sein duquel on pris place des phénomènes culturels majeurs, tout en prenant soin d’écrire que « l’art, la littérature, l’idéologie, les sciences ou encore la mode mènent chacun et chacune une existence propre ». En quoi une ville comme Bruxelles s’est-elle distinguée de Paris ou d’Amsterdam à la grande époque de l’anarchisme et au cours des décennies de la montée du socialisme ?

    E.M. Bien sûr, Bruxelles n’était pas la seule capitale en effervescence culturelle à cette époque-là. À côté de Paris, Londres ou Berlin, nombre de villes plus petites ont connu un grand essor sur ce plan : Milan, Trieste, Glasgow… et Bruxelles. N’oublions pas que la Belgique était un pays très riche, ou, pour être plus précis, une contrée où évoluait une bourgeoisie tout à la fois bien éduquée, riche et « libérale » – en grande majorité des libres penseurs, plutôt de gauche. La proximité de Paris et le fait que le monde culturel était francophone ont permis aux idées de circuler. L’arrivée du géographe anarchiste Élisée Reclus et la création de l’Université Nouvelle (une scission gauchiste de l’U.L.B.) se sont déroulées dans un contexte artistique de qualité : les personnes qui visitaient les salons de La Libre Esthétique et collectionnaient des œuvres d’avant-garde étaient les mêmes que celles qui grimpaient sur les barricades idéologiques.

     

     H. Evenepoel, 1895

    eric min,james ensor,peinture,flandre,belgique,bruxelles,rik wouters,henri evenepoelD.C. Pour ce qui est de votre travail en cours sur Henri Evenepoel (rien de consistant ne semble avoir été écrit à son sujet depuis des décennies – une étude en anglais de Francis Edwin Hyslop en 1975 et celle plus ancienne encore et peu épaisse de Franz Hellens), existe-t-il des sources importantes en langue néerlandaise où l’essentiel de votre travail repose-t-il sur des documents en français ?

    E.M. Là aussi, tout mon travail repose sur des sources en langue française. Henri Evenepoel et sa famille étaient des Bruxellois francophones ; l’artiste a passé sept ans de sa courte vie – à sa mort, il avait 27 ans – à Paris. Les centaines de lettres à son père, à sa bien-aimée et à quelques amis sont rédigées en français.

     

    D.C. Flandres-hollande accorde une grande place à la traduction. Pour vos différents ouvrages, vous avez été amené à traduire de nombreux passages de textes français en néerlandais (extraits de lettres, d’articles, etc.). Comment abordez-vous cet aspect de votre travail ? La traduction de passages en prose de James Ensor a-t-elle nécessité le recours à une stratégie particulière ?

    E.M. J’essaie toujours de produire une traduction très lisible et même « enthousiasmante », plus qu’une traduction littérale – bien que je reste toujours fidèle au texte. Parfois, je préfère la paraphrase. Effectivement, pour Ensor j’ai choisi une approche un peu différente – je n’ai pas hésité à « ensoriser » ma prose, quitte à fabriquer des anachronismes, à créer des jeux de mots ou à faire des clins d’œil à des situations actuelles. J’adore ce genre de travail. Bien évidemment, il faut savoir doser. Pas question de procéder de cette façon pour Wouters ou Evenepoel !

     

    (1) Fernand Khnopff, 1858-1921 : exposition Paris, Musée des arts décoratifs, 10 octobre-31 décembre 1979 ; Bruxelles, Musées royaux des beaux-arts de Belgique, 18 janvier-13 avril 1980 ; Hambourg, Kunsthalle 25 avril-16 juin 1980.

    eric min,james ensor,peinture,flandre,belgique,bruxelles,rik wouters,henri evenepoel(2) Le Siècle de Bruxelles. Biographie d’une métropole 1850-1914 comprend 10 chapitres qui traitent respectivement de : Charles Baudelaire ; Victor Hugo et Juliette Drouet ; Verlaine et Rimbaud ; Auguste Rodin chez Edmond Picard et Judith Cladel ; l’aventure des XX et La Libre Esthétique ; Victor Horta, Henry van de Velde, Privat-Livemont et l’Art nouveau ; Ensor, les artistes et la critique de la société ; Neel Doff, Fernand Brouez et August Vermeylen ; les anarchistes à l’université, dans la rue et à la ferme ; en compagnie de J.-K. Huysmans et Théo Hannon, Félicien Rops et Octave Mirbeau. Au prologue et à l’épilogue viennent s’ajouter des cahiers photo, des notes, une bibliographie et un index des noms propres.

     

    Eric Min présente son ouvrage sur Bruxelles

    (vidéo et texte en néerlandais

     

  • Le livre bleu nuit

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    Un jour tout sera différent

     

     

    Alexander Wolfram, éditions De eenhoorn, littérature jeunesse, belgique, littérature néerlandaise

    format : 19 x 13,5 cm 

     

    Une histoire qui commence dès la couverture : « Bonjour, lecteur. Bonjour, toi. », calligramme (un chêne, arbre de vie et axis mundi) qui se poursuit sur 150 pages, dans une typographie bleu nuit sur fond blanc ou blanche sur fond bleu nuit. Par endroits une simple ligne, une brève phrase (« Tout en haut, au-dessus de tout ça, la lune : peu à peu, elle donne jour à l’obscurité »), en d’autres un texte qui se déroule à la manière d’un poème en prose ou qui prend l’apparence d’un conte philosophique, entre terre et ciel. Ainsi se présente Ooit zal alles anders zijn (Un jour tout sera différent), publié aux éditions De Eenhoorn en 2011, petit roman original à plus d’un titre, qui s’adresse à des lecteurs de 10 ans et bien plus.

    Il s’agit du premier livre d’Alexander Wolfram, pseudonyme qui renvoie à un prénom d’origine germanique (entre autres celui d’un évangélisateur de la Frise, Wulfram de Sens) et fait bien entendu songer au minerai de tungstène dont on se sert par exemple pour faire les filaments de lampes à incandescence. 

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    Tobe est un gamin qui, ne parvenant pas à dormir (« Dans sa tête, ça fait tout un boucan la nuit avec les bruits de la journée »), quitte la maison familiale et erre dans la rue. Bientôt, alors qu’il a perdu pour de bon son chemin, il s’arrête devant une fenêtre éclairée : l’homme qui habite là et avec lequel il va passer quelques heures dehors, en particulier dans un parc, perché en haut (enfin presque tout en haut) d’un chêne, l’intrigue et éveille la curiosité du lecteur : est-il un Tobe devenu grand ? est-il un double de l’auteur ? est-il une création du garçon, le père qu’il aurait aimé avoir ? Lui-même n’est-il pas une création de cet homme ? Avant que cet homme ne finisse, au bout de la nuit, par raccompagner le gamin chez lui, on progresse dans une histoire qui accorde une place tant à la dimension onirique qu’à des thèmes cosmogoniques et mythologiques (essentiellement celtes et germaniques) ; tandis que plusieurs narrateurs semblent par moments se confondre – Tobe existe-t-il où n’est-il qu’une créature sortie de l’imaginaire de l’homme que l’enfant a surpris, de l’autre côté de la fenêtre, en train d’écrire ? –, les deux protagonistes abordent avec légèreté et humour de grands sujets : Dieu et les dieux (le dieu du Tonnerre), le mythe d’Icare, les pères, la mort, la honte, l’angoisse (celle de Tobe mise en parallèle avec la peur que pouvaient éprouver nos lointains ancêtres face aux forces de la nature)… L’écriture facétieuse, qui privilégie jeux de mots et sonorités, associations d’idées, métaphores, onomatopées, qui marie très bien cohérence et rythme saccadé, permet d’aborder sans pathos des questions graves, d’effleurer le secret, les peurs qui habitent Tobe : même si l’essentiel reste dans l’évocation, on devine que cet enfant cherche à échapper à un environnement familial violent. 

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    Aux antipodes des romans-fleuves « gothiques », Un jour tout sera différent offre quelques heures de silence et d’émerveillement. L’imagination, cueillie sur les branches du chêne, entrouvre une fenêtre sur l’espérance, sur le réconfort. Privilégiant le langage visuel, la mise en page bien pensée – l’auteur, par ailleurs metteur en scène et vidéaste, a mûri le tout pendant de nombreuses années –, qui, telle une forme de ponctuation, participe de la teneur du texte, fait de ce livre intemporel un objet à part et, dans sa sobriété, ajoute encore à la qualité de l’ensemble. Un ouvrage jeunesse non illustré dont forme et fond sentrelacent en un magnifique équilibre.

    D. Cunin

     

     

    L’auteur parle (en néerlandais) de son livre

     

     

  • Michel Seuphor

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    Entretien avec l’artiste anversois

     

     

    Si le dadaïsme a été un très grand pas en avant,

    le surréalisme était un double pas en arrière.

    D’abord c’était une dictature…

    le surréalisme est devenu une hypertrophie sexuelle…

    M. Seuphor

     

     

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    Michel Seuphor, Grensverkenner van de avant-garde

    numéro thématique de la revue Zacht Lawijd, 2009

     

     

    Michel Seuphor, de son vrai nom Ferdinand Louis Berckelaers (1901-1999), évoque les revues flamandes (De Klauwaert, Roeland et Het overzicht) qu’il a créées dans sa jeunesse, l’importance qu’ont revêtu pour lui Theo van Doesburg et le mouvement de Stijl, ou encore la figure de Mondrian. Il revient aussi sur l’ouvrage Het nieuwe wereldbeeld (1915) de M.H.J. Schoenmaekers, sa rupture avec Tzara, la grande amitié qui l’a lié à Arp...

     

     

    Mémoires du siècle

     

     

    Mondrian d’après son ami Michel Seuphor

     

     

    Michel Seuphor parle de l’influence de la théosophie

    et du néoplasticisme sur l’œuvre de Mondrian

     

     

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  • Amour et terre (2013)

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    Poèmes de Tom Van de Voorde

       

     

    Auteur de Vliesgevels filter (2008) et Liefde en aarde (2013), Tom Van de Voorde passe une grande partie de son temps entre Gand et Bruxelles, entre poésie et arts plastiques. Il a, au tournant du millénaire, publié une série de plaquettes de différents auteurs flamands et néerlandais. Plusieurs poèmes de Vliesgevels filter ont inspiré des vidéos à l’artiste Maartje Smits. Les trois poèmes ci-dessous sont extraits du recueil le plus récent de Tom Van de Voorde.

     

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    Le sens de royaume en hébreu

    me demande ma factrice

     

    je m’apprête à lui énumérer

    les pour et les contre du servage

     

    la voici qui dévale la colline

    lançant les dernières paroles d’Hadrien

     

    en vain nous les cherchons dans la Britannica

    lors de notre rencontre suivante

     

    la voici qui me montre un tas de pierres

    depuis longtemps elles attendent d’être tour.

     

     


     poème lu dans la langue originale par l’auteur

     

     

     

          Ennemis innaturels  

     

     

    Un plan en forme

    de carte

    du Kremlin 

                * 

    Une île quasi flottante,

    une mouette qui le confirme

    et de l’acier à revendre 

                 *

    Pénalistes

    contre bienséances occasionnelles

                 *

    Comme la seule et unique vérité

    qui chante une nation

    la maintenant en bonne santé 

                 *

    Milliers de câbles

    ou panier à provisions troué 

                 *

    Au-dessus des toits

    des enquêteurs comptent des journaux, des soldats

    cognant au textile des fenêtres

                 *

    informateurs, circonspects

                 *

    Dans la paume de ma main

    une liste qui dénombre des pays

    où il fait déjà jour

                 *

    et des citoyens escamotés

    qui chantent, bon gré mal gré

                 *

    exposés à nu

                 *

    et ceci, et ceci, et ceci

     

     

    TvdV0.png

     

     

    Nous plions de vieux billets, laissons

    les morts payer, fixons

     

    des tableaux, séchons des tapis

    et creusons pour trouver du sable.

     

    Quelle quantité de couleur perd

    notre habitation en vue

     

    d’accomplir une mer à la dérive ?

    Des chiens simulent des slogans

     

    et comptent les plis

    pour d’inaptes victimes mal rangées.

     

    Nous voici, en paix

    blanc de bouleau

     

    autre chose que le sérieux

    en manque sur la plage.

     

     

     

    (trad. D. Cunin)

     

     

    Tom Van de Voorde lit trois autres poèmes

     

    tom van de voorde, poésie, belgique, flandre, bruxelles, gand

     

     

     

  • De mond van Hadewijch

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    De mond van Hadewijch

     

     

    Sinen mont sietmen gheneighet tote ons te cussene diene wilt.

    Sine arme sijn ontploken: loepere in die ghehelset wilt sijn.

    (Hadewijch, Brief 22)

     

     

    Gierik1.png

     

    New York, vijftig jaar geleden. Aan tafel zitten Romain Gary en Pierre Teilhard de Chardin. Twee vrienden die geregeld de genoegens van de dis delen, de één een scherpzinnige schrijver, gedistingeerd diplomaat en liefhebber van het ewig Weibliche, de ander een intellectueel die mijlenver boven zijn medemens uitsteekt, een zeer hoogstaande jezuïet die nog nooit een vrouw in zijn armen heeft gehouden. Gary valt zijn in Amerika wonende landgenoot waarschijnlijk nauwelijks lastig met onverbloemde evocaties van de hartstocht des vlezes, Teilhard van zijn kant spreekt nooit over God en vermijdt ‘steeds diepzinnige gesprekken, uit vriendelijkheid, uit respect en uit angst u lastig te vallen’. Hun ontmoetingen illustreren wellicht ten overvloede de grote paradox tussen wat men in het dagelijks leven ‘het vlees’ noemt en wat de christelijke leer daaronder verstaat wanneer zij spreekt over de ‘vleeswording’, d.w.z. de menswording van Christus. Voor de geschiedenis en voor de communis opinio lijken ze onverzoenlijke vijanden te zijn. Maar een kleine omweg via onze lippen, via onze mond, zal ons wellicht helpen die simplistische voorstelling van zaken te nuanceren.

    Gierik8.pngVan alle lichaamsdelen en organen waarop het spel van de erotiek een beroep doet kan er één een bevoorrechte plaats toege- schreven worden. Ten eerste omdat het naast de hand ongetwijfeld de plek is waar de concrete sensuele verstandhouding begint, nadat de blik en de uitwisseling van blikken - op afstand - een basis voor contact hebben gelegd. De mond, dat wil zeggen de lippen en de mondholte, wordt namelijk door de kus als het ware tot het middelpunt van de ontmoeting tussen twee geliefden gemaakt; de kus bezegelt een afspraak, een overeenstemming, en opent tegelijkertijd de weg naar de gebarentaal van de erotiek. Belangrijker is nog dat de mond in de kus niet alleen de ontmoeting realiseert van twee mensen, maar ook van de drie aggregatietoestanden. De vaste, door de aanraking; de vloeibare, door het speeksel; en de vluchtige, door de adem. Terwijl de aanraking, het contact leggen door middel van de kus, voor het affectieve leven staat en de adem zowel het fysieke als het spirituele leven symboliseert, verwijst de mond bovendien naar de andere elementaire functies van de voeding en het woord. Als we spreken over de aanraking komen we vanzelf bij de overige zintuigen terecht, die door het contact van twee monden, de kus, aan het werk worden gezet. Zoals Y. Carré schrijft in zijn dissertatie over de uiteenlopende aspecten van de kus op de mond in de Middeleeuwen: dat gebaar ‘excite en effet le goût (...), l’odorat (...), le toucher (...) mais aussi la vue et l’ouïe. Cet engagement des sens dans le baiser - et surtout des trois sens les plus ‘‘physiques’’ (toucher, goût, odorat) -, intervient dans l’efficacité du geste car l’homme médiéval appréhende le monde en utilisant pleinement l’ensemble des cinq sens.(1)

    Gierik2.pngDe erotische, puur fysieke component van de kus is algemeen menselijk, en bestond dus in de Middeleeuwen evengoed als nu, maar kan niet los gezien worden van de overige aspecten: affectief, symbolisch, juridisch, intellectueel, theologisch, liturgisch, spiritueel en mystiek. Net als andere kusvormen (op de wang, de kin, de neus, de ogen, de voet...) vond kussen op de mond namelijk buitengewoon veelvuldig plaats in de Middeleeuwen, niet alleen tussen echtelieden, verloofden en verliefden, maar ook bijvoorbeeld tussen aristocraten, tussen ouders en kinderen, tussen vrienden en vriendinnen onderling, tussen heer en vazal, tussen bisschop en abt, tussen religieuzen en leken. De kus op de mond had een functie bij de begroetingsceremonie en in het diplomatieke verkeer, maakte deel uit van de ridderslag, werd tussen de partijen uitgewisseld bij het sluiten van een overeenkomst, en in de kerk voor de communie (de zogeheten eucharistische kus kon in de praktijk de eucharistie vervangen), enzovoort. In het leven van de heilige Lutgardis wordt bijvoorbeeld verteld dat de abt van Sint-Truiden na zijn terugkomst van een concilie alle zusters van het benedictijnerklooster waarvan hij de geestelijke vader is, op de mond zoent. Lutgardis verzet zich als enige tegen ‘dat gebruik onder simpelen van ziel’, omdat ze zuiver wil blijven voor haar hemelse bruidegom. De kerk begon waarschijnlijk in de dertiende eeuw, dat wil zeggen in de tijd van Lutgard en Hadewijch, voor het eerst bezwaren te opperen tegen de kus, die als vleselijk contact door sommigen (nadien) tot de dagelijkse zonden werd gerekend.

     

    Wie nadenkt over de kus in de middeleeuwse literatuur stuit vroeg of laat op de eerste regels van een veel oudere tekst, die destijds druk becommentarieerd werd, het Hooglied: ‘Overstelp mij met de kussen van je mond, / want je liefkozingen zijn zoeter dan wijn.’ Of, in de Vulgaatversie: ‘Osculetur me osculo oris sui; / Quia meliora sunt ubera tua vino’. Hadewijch heeft praktisch geen commentaar op het Hooglied nagelaten, maar er wel toespelingen op gemaakt: 

    Daer wart een ghestille ghedaen

    Daer lief van lieue sal ontfaen

    Selc cussen als wel ghetaemt der minnen.

    Alse hi lieue beueet in allen sinnen,

    Si doresughetse ende doresmaket. (2)

     

    (Mengeldicht 16)

     

    Gierik3.pngDoor de aanwezigheid van dergelijke kussen, door de alomtegenwoordigheid in haar werk van het verlangen en van de beroemde ‘orewoet’, wordt er aan Hadewijchs geschriften, en vooral aan haar evocaties van de mystieke eenwording, niet zelden een erotische dimensie toegeschreven: ‘Geen enkele Latijnse auteur echter beschrijft het mystieke contact tussen bruid en Bruidegom op een zo lichamelijk-erotische wijze als Hadewijch.’ Of: ‘Hadewijch experienced herself as physically embracing her Beloved (...). Hadewijch goes on to describe her merging with God, in termes reminiscent of sexual uniting, as a yet further experienced equality with God.’ (3) Haar Strofische Gedichten werden in de negentiende eeuw in Vlaanderen beschouwd als ‘minnezangen van den hevigsten liefdegloed blakende’ (F.A. Snellaert). In Nederland gaf J.A. Alberdingk Thijm een tegelijk warm en buitengewoon kuis commentaar in zijn voor de Franse markt bestemde boek over de Nederlandse literatuur De la littérature néerlandaise à ses différentes époques (1854): ‘Les vers de cette âme jeune et ardente portent l’empreinte d’une si grande passion ascétique, qu’à chaque moment on croit sentir sous la robe de bure les battements d’un cœur qui soupire pour un enfant de la terre.’ Hoeveel heviger gaan wij dan wel niet blozen en begint ons hart te bonken als we de Strofische Gedichten wegleggen en de volgende passage lezen in Visioen 7 (omgezet in modern Nederlands door P. Mommaers, 1979):

    Mijn hart en mijn aderen en al mijn leden schokten en beefden van begeerte. (...) het leek wel alsof al mijn leden zonder uitzondering braken en al mijn aderen een voor een gespannen werden. De begeerte die me toen bevangen had kan door geen taal, van wie dan ook, uitgedrukt worden. En wat ik er al over zou zeggen, het zou onbegrijpelijk blijven voor al degenen die de minne nooit gekend hebben als iets waar men met begeerte naar streeft en die door de minnen nooit op die manier gekend zijn.

    (...) ik verlangde mijn geliefde ten volle te bezitten en te kennen en volop te smaken, volledig! (...) en daar geen andere smaak aan over te houden dan zoete minne en een omhelzen en kussen (...). Hij nam mij nu geheel en al in zijn armen en drukte me tegen zich aan, en al mijn leden voelden de zijne, zoveel het hun lustte en gelijk mijn hart en mijn mens-zijn begeerden. Zo kreeg ik van buiten voldoening, tot de volledige verzadiging toe. 

    Gierik4.pngIs dit Black Venus van Jef Geeraerts? Wellicht ademt die roman uit 1968 dezelfde sensualiteit en fundamenteel vleselijke warmte als die regels uit het zevende visioen. Maar als ze in hun context worden geplaatst, roepen Hadewijchs sterke indrukken van erotiek, van ‘hevig verlangen’, zoals de etymologie luidt, een wijdere horizon op. Om ons daarvan te overtuigen hoeven we alleen maar een andere passage in zijn geheel te citeren, waarin Hadewijch ons vertelt wat ze onder ‘cussen’ verstaat:

    Dat ic segghe van cussene van lieue, Dat es: met hem gheenecht te sine buten alle dinc, Ende gheen ghenoeghen buten dat te ontfane, dat men in ghenoechten van enicheiden binne hem ontfeet. Dat omme helsen es sine onthoudenesse van sconen toeuerlate te hem met ongheueisder caritaten. Dit is helsen ende cussen van lieue in redenen. Mer in gheuoelne van binnen ende in ghebrukene van lieue dat daer es van soetheiden, Dat en mochten v niet alle de ghene te vollen tellen die ye menschelike vorme ontfinghen, Mer men mochte v vele meer daer af segghen, bescoet yet. Dit late ic aldus bliuen. (4)

    Hieruit begrijpt ieder dat de erotische woordenschat van de Brabantse mystica moeilijk gelezen kan worden zonder rekening te houden met de thematiek van de eenheidservaring met (de Zoon van) God. Hadewijch heeft haar leerstellingen nauwelijks systematisch gepresenteerd. Vergeefs zoeken we bij haar naar een verhandeling over de verschillende vormen van kussen zoals we die bijvoorbeeld vinden bij Bernard van Clairvaux en Aelred van Rievaulx (lichamelijke kus, geestelijke kus, intellectuele kus). Het zgn. Tweevormich tractaetken dat in de standaardeditie van haar werk opgenomen werd en de thematiek van het kussen en het gekust worden behandelt, wordt niet (meer) aan haar toegeschreven. Toch valt in haar Brieven, Visioenen en Mengeldichten het woord ‘cussen’ verschillende keren samen met de evocatie van die eenheidservaring en van de eucharistie, zoals in de hierboven geciteerde passages uit het zevende visioen.

    Deze zin uit Brief 17 lijkt ons niet tegen te spreken:

    Bi diere [van Christus op het altaar] comst werdic van hem ghecust, Ende te dien tekene werdic ghetoent; ende quam met hem .i. vor sinen vader. (5)

    Hetzelfde geldt voor de zeer korte Brief 9:

    (...) Ende verslende [verzwelge] v in hem: Daer de diepheit siere vroetheid [kennis] is, daer sal hi v leren wat hi es, Ende hoe wonderleke soeteleke dat een lief in dat ander woent, Ende soe dore dat ander woent, dat haerre en gheen hem seluen en onderkent. Mer si ghebruken [genieten] onderlinghe ende elc anderen Mont in mont, ende herte in herte, Ende lichame in lichame, Ende ziele in ziele, Ende ene soete godlike nature doer hen beiden vlogende, Ende si beide een dore hen seluen, Ende al eens beide bliuen, Ja ende bliuende.

    Gierik5.pngZonder in te gaan op de theologische en filosofische aspecten kunnen we simpelweg stellen dat de sensuele formulering bij Hadewijch in dienst staat van het streven naar eenheid van de ziel met de Zoon van God. De erotische terminologie krijgt zijn volle waarde dan ook pas als we rekening houden met die ervaring, die raakt aan het hart van het bestaan, die het geheel van het levende wezen betreft (mont in mont, ende herte in herte, Ende lichame in lichame...). Wie afstand kan nemen van alle clichés, van eeuwenoude, strenge opvattingen en verboden, zal de erotische beeldspraak van Hadewijch uiteindelijk als de normaalste zaak van de wereld beschouwen. Want waarom zou je een fundamenteel vleselijke woordenschat links laten liggen om de ontmoeting met de mensgeworden God op te roepen? En waarom zou je in die vleselijke woordenschat uitsluitend een eenvoudige seksuele metafoor zien? Tenslotte staat het vlees in de joods-christelijke traditie - die door de meeste christelijke denkers verkeerd werd geïnterpreteerd - toch voor de hele mens en niet alleen voor zijn ‘vlees’. Wie geestelijke en lichamelijke geneugten wil combineren, zou er zeker bij gebaat zijn de mond van Hadewijch tegenover zich aan de dis te treffen.

     

    Daniel Cunin

     

    (vertaling: Jan Pieter van der Sterre)

     

     

    Noten:

    (1)  Le baiser sur la bouche au Moyen Âge. Rites, symboles, mentalités à travers les textes et les images, XIe – XVe siècles, Le Léopard d’Or, Paris, 1992, blz. 25 (cursivering van de auteur). De meeste gegevens in deze alinea zijn hieruit afkomstig.

    (2)Dit zou men als volgt kunnen vertalen: Daar waar het stil wordt / Daar zal het lief van het lief / Kussen ontvangen die de minnen betamen / Als hij het lief neemt in alle zinnen / Doorproefd en doorsmaakt zijn ze.

    Gierik7.png(3)  Joris REYNAERT, De beeldspraak van Hadewijch, Lannoo, Tielt-Bussum, 1981, [Studiën en tekstuitgaven van Ons geestelijk erf, XXI], blz. 320. In zijn dissertatie wijdt de auteur een hoofdstuk aan de ‘Erotische beeldspraak in het werk van Hadewijch’ (blz. 301-320).
    John Giles MILHAVEN, Hadewijch and Her Sisters, Other Ways of Loving and Knowing, State University of New York Press, Albany, 1993 [The Body in Culture, History and Religion], blz. 15 en 18.

    (4) Brief 27: Waar ik spreek van het kussen vanwege de Geliefde, betekent dat: met Hem verenigd worden buiten alle dingen en geen voldoening ontvangen buiten datgene wat men binnen Hem ontvangt in de voldaanheid van het één zijn. Het omhelzen betekent dat men door Hem in stand gehouden wordt doordat men zich te enenmale op Hem verlaat met ongeveinsde liefde. Dat betekent het omhelzen en kussen van de Geliefde waar het verwoordt wordt. Maar waar men het van binnen gevoelt en men de Geliefde geniet, wat daar aan zoetheid is, dat zouden al diegenen die ooit de menselijke vorm ontvangen hebben u niet ten volle kunnen vertellen. Toch zou men er u nog veel meer over kunnen zeggen, mocht het iets baten. Ik laat het er dan ook maar bij (omgezet in modern Nederlands door P. Mommaers, 1990).

    (5) Bij die komst werd ik door Hem gekust en in dat teken werd (wat) ik (ben) zichtbaar gemaakt en, één met Hem, kwam ik vóór zijn Vader (vertaling: P. Mommaers).

     

     

    Gierik & Nieuw Vlaams Tijdschrift,

    ‘Zijn eros en god verzoenbaar... ?’,

    2001, nr. 71, blz. 32-35

     



    Ay, in welken soe verbaerd de tijt, lied 45

     

     

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