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poÉsie - Page 13

  • Une page de Paul Verlaine

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    En compagnie du peintre orientaliste

    Ph. Zilcken

     

     

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    Le 19 janvier 1896, Les Annales politiques et littéraires publient une page de prose de Verlaine. Elle relate un épisode de son séjour en Hollande (novembre 1892) au cours duquel il a en particulier bénéficié de l’hospitalité du peintre et graveur francophile Philippe Zilcken ; celui-ci occupait alors, avec son épouse et leur fillette Renée, la Hélène-Villa à La Haye. Dès 1893, à l’initiative de l’artiste néerlandais et du libraire-éditeur Blok, les quelques paragraphes en question avaient été publiés avec diverses considérations et quelques poèmes du voyageur : Paul Verlaine, Quinze jours en Hollande, lettres à un ami, avec un portrait de l’auteur par Ph. Zilcken. Deux ans après la mort du poète devait suivre un deuxième volume : Correspondance et documents inédits relatifs à son livre Quinze jours en Hollande, avec une lettre de Stéphane Mallarmé et un portrait de Verlaine écrivant d’après la pointe sèche de Ph. Zilcken sur un croquis de J. Toorop. Les lettres que Verlaine adresse à son correspondant hollandais privilégié montrent que ce dernier lui a fourni maints renseignements qui ont servi la rédaction de l’ouvrage de 1893 ; on constate par ailleurs que, pour ce travail, la motivation première de l’auteur de Jadis et naguère, constamment aux abois, semble bien avoir été l’argent.

    Jan Toorop dessiné par Verlaine

    paul verlaine,philippe zilcken,hollande,littérature,poésie,gravure,voyage,joséphin péladanLa page reproduite dans Les Annales politiques et littéraires, mettant en avant la rencontre entre Paul Verlaine et Joséphin Péladan à La Haye, fait l’impasse, gommage symptomatique, sur un bref passage relatif aux hommes de lettres des Pays-Bas ; elle ne restitue pas non plus vraiment les circonstances qui ont conduit à ces fortuites retrouvailles. Après avoir séjourné à Amsterdam où il a pris la parole en public le 8 novembre (voir invitation ci-dessous qui mentionne : lassistance est priée de ne pas applaudir) et le 11, Verlaine et Zilcken quittent les peintres Willem Witsen et Isaac Israëls et, en compagnie de Jan Toorop, prennent le train. C’est dans un café de La Haye où, à l’abri de la pluie diluvienne, ils font halte avant de regagner la Hélène-Villa, qu’ils découvrent deux affiches annonçant la conférence de Péladan.

    paul verlaine,philippe zilcken,hollande,littérature,poésie,gravure,voyage,joséphin péladanLe lendemain, lorsque Verlaine rejoint Zilcken dans son atelier, ce dernier lui parle des  écrivains néerlandais majeurs de l’époque : « Avec Kloos et Verwey, Delang, un partisan de ce dernier, Frederic van Eeden, très doux et très goûté (je me souviens de sa poignée de main a Amsterdam), sont les principaux poètes modernes de la Hollande. Son peut-être plus grand prosateur serait van Deyssel, dont l’éloge presque hyperbolique est dans toutes les bouches compétentes de là-bas. » À l’exception de Delang – pseudonyme de Gerrit Jan Hofker (1864-1945) –, collaborateur de la revue De nieuwe Gids puis de De Kroniek, qui n’a laissé semble-t-il qu’un recueil de textes, très appréciés et caractéristiques de la mouvance littéraire hollandaise des années 1880 (Gedachten en verbeeldingen, 1906), il s’agit en effet de quelques-unes des plus grandes figures de leur temps, tous alors encore très jeunes. Verlaine les a rencontrés lors de son séjour de même quil a fait, toujours par l’entremise de Zilcken, la connaissance de la nouvelle génération de peintres hollandais.

    Verlaine dans latelier du peintre Willem Witsen

    paul verlaine,philippe zilcken,hollande,littérature,poésie,gravure,voyage,joséphin péladanDu graveur haguenois qui a joué un rôle considérable dans les échanges entre son pays et la France, le poète écrit : « C’est un type que mon hôte, un type achevé d’étranger parlant aussi bien le français que vous ou moi sans nul accent ni jamais une faute, un type d’artiste connaissant mille choses en dehors, d’une conversation variée et instructive et incisive, et qu’on écouterait tout le temps. Fils d’un haut employé du gouvernement, il fut, dans son adolescence, secrétaire intime officieux de la grande reine Sophie, cette seule amie, l’Égérie en quelque sorte de l’infortuné Napoléon III qui, s’il l’eût écoutée, se fût et nous eût épargné la guerre de 1870. Physiquement parlant, Zilcken répond aussi peu que possible à l’idée qu’on se fait d’un Hollandais… d’après beaucoup, les peintres flamands, d’après aussi la littérature, par exemple d’après ce merveilleux Diable dans le beffroi, d’Edgar Poe, avec le masque de qui, du reste son masque présente une certaine analogie générale. Le pot-à-tabac classique fait place en lui à un grand jeune homme, maigre, élancé, toujours en mouvement. Il a une grande réputation de peintre et de graveur dans son pays et est loin d’être un inconnu dans nos expositions nationales et privées où le succès l’accueille annuellement. »

    La traduction française de plusieurs écrits néerlandais relatifs au séjour de Paul Verlaine et aux heures passées avec Péladan figure dans : G. Jean-Aubry, « Verlaine en Hollande », Mercure de France, 1er juin 1923, p. 318-353. Une belle étude qui se termine par ces mots : « Aujourd’hui encore la Hollande est un des pays où il est le plus aisé à un Français de mesurer l’étendue de son ignorance. »

     

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     Ph. Zilcken, aquarelle, 1910

     

     

    SOUVENIRS DE VOYAGE

     

    [Paul Verlaine est beaucoup plus célèbre par ses vers que par sa prose. Voici pourtant une page peu connue que nous offrons à la curiosité de nos lecteurs. C’est le récit, plein de bonhomie, d’une excursion en Hollande… Le poète avait été convié, il y a quelques années, à faire une conférence à Amsterdam. Et il eut l’occasion, se trouvant dans cette ville, d’ouïr un autre conférencier.]

     

     

    UNE CONFÉRENCE DU SÂR PÉLADAN

     

    Nos yeux tombent sur deux affiches (les mêmes) étonnantes représentant de grandeur demi-nature, le Sâr Péladan en robe monacale, les yeux baissés, sa crinière et sa barbe légendaires aspirant, eux aussi, ainsi que le nez – rien de celui du père Aubry, d’Atala, – à la terre.

    En exergue, l’annonce pour le lendemain d’une conférence sur la Magie et l’Amour (si je ne me trompe trop grossièrement). L’heure, huit heures du soir.

    Munis de ces renseignements, nous continuons notre route jusqu’à chez Zilcken qui ne nous en veut pas trop du train manqué et de sa course inutile.

    Le lendemain, quelle joie ! Rien à faire : on a beau dire, le repos est bon. Et quelques pures véritablement délices que m’aient procurées trois publics mieux accueillant l’un que l’autre, y penser et y repenser m’était alors et m’est encore plus doux, s’il est possible, que le contact, si j’ose ainsi parler. Plus de conférence à préparer, à débiter, rien qu’une à entendre, et quelle !

    Péladan par A. Séon, 1892 

    paul verlaine,philippe zilcken,hollande,littérature,poésie,gravure,voyage,joséphin péladanJ’ai toujours fait en Joséphin Péladan la différence entre l’homme de talent considérable, éloquent, profond souvent, et que tous ceux capables de comprendre et d’apprécier, doivent, sous suspicion de mauvaise foi insigne, admettre sinon admirer au moins en grande partie, et le systématique, le sans doute très sincère mais le certainement trop encombrant sectaire, qu’il se dénomme Sâr ou Mage, à qui Barbey d’Aurevilly disait déjà dans une préface à son Vice suprême, « n’usez donc de magie que de celle du talent ».

    Thé-déjeuner, café au salon, où Mlle Renée me montre ses beaux albums « zaponais » et un oiseau qu’une ficelle meut en tous sens. Je crois même me rappeler qu’il « chantait », au grand émoi du serin qui lui répondait vigoureusement. Passage à l’atelier où Zilcken m’initie encore à la littérature moderne néerlandaise.

    Mais l’on ne peut bavarder sans cesse. Je monte faire une petite sieste, chose, la sieste, qui m’est familière surtout depuis six ans que ma santé se trouve si détraquée, et que je n’ai pu pratiquer ici jusqu’à ce bienheureux jour d’un battage de flemme si bien gagné.

    Je sommeillais tant et si bien en bras de chemise, recouvert de mon pardessus et d’un édredon, que force fut à mes hôtes d’envoyer la bonne, qui parlait un peu anglais, laquelle dut frapper plusieurs fois à la porte en me criant dans un accent néerlandais indubitable et inimitable ici : « Get up, Sir. Dinner is ready. »

    « I will be down stairs directly », répondis-je, et, après une toilette rapidement menée, je descendis pour le dîner – et pour la conférence de Péladan comme dessert de haut goût.

    La salle où Péladan doit parler est celle du Kunstkring, le cercle d’art des « « jeunes » de La Haye. Assez grande, en long, plutôt faiblement éclairée.

    Isaac Israëls, Autoportrait

    paul verlaine,philippe zilcken,hollande,littérature,poésie,gravure,voyage,joséphin péladanNous arrivons quand le conférencier est en chaire. – Un mot de description ne nuira pas, je pense. Tout au bout de la salle s’élève une véritable tribune ; de la tablette de cette tribune tombe une chasuble rouge à croix jaune qui la cache entièrement. À droite et à gauche, dans des chandeliers d’église, brûlent quatre cierges, dont deux ont des proportions de cierges pascals et les deux autres celles de cierges d’autel. Péladan, que je connais un peu de Paris, apparaît de loin, en son habit noir à jabot et à manchettes, – bizarre mais d’une grande distinction sui generis. La voix est bonne, sui generis aussi, grave, un peu faible. Il parle de magie, d’anges, de fils d’anges. Bref, c’est le Péladan contestable, mais encore « talentueux ». Il descend de la tribune au bout de quelque temps pour se reposer, comme c’est la clémente coutume là-bas. Le public est indécis. Il faut bien dire qu’il est venu là un peu dans l’espoir de voir un excentrique, disons le mot, un grotesque. Une réaction dans le bon sens se prépare qui éclate en vifs applaudissements, quand, dans la seconde partie, après avoir finement… et malicieusement, de parti pris, parbleu ! parlé ou plutôt jasé des femmes, il s’éleva, se sublimifia dans une sorte d’invocation cette fois presque tout à fait très chrétienne, sans plus de magie que de droit pour un homme si infatué de cette véritable croyance sienne. Zilcken (j’ai dit qu’il m’avait accompagné) et moi nous descendons dans un local où Péladan, entouré et félicité, se délassait de la solennité de son discours de tout à l’heure en paradoxes amusants, et le charmant causeur qu’il est se donnait pleine carrière. Je profitai d’une seconde de silence pour m’avancer vers lui. Il me reconnut sur-le-champ et nous nous serrâmes cordialement la main. Après quelques coupes de champagne vidées, chacun s’en fut chez soi, après s’être toutefois donné un rendez-vous pour le lendemain au Restaurant royal, où un déjeuner en l’honneur du Sâr devait être donné.

    paul verlaine,philippe zilcken,hollande,littérature,poésie,gravure,voyage,joséphin péladanLe lendemain, à l’heure ordinaire, nous nous rendîmes, Zilcken, sa femme et moi, au Restaurant Royal, – où j’ai oublié de dire qu’on m’avait précédemment offert un banquet qui fut très cordial et très joyeux. La compagnie était déjà nombreuse. On n’attendait plus que le Sâr. Il vint bientôt accompagné de deux autres convives. Un bonnet d’astrakan, un pourpoint de soie, des bottes de chamois blanches, et un manteau composaient son costume. Et vive lui ! de se moquer du qu’en dira-t-on et d’arborer les vêtements qui lui plaisent, tandis que la majorité même des artistes s’habille comme tout le monde et que le même faux col étrangle le cou de l’aigle et celui de l’oie !

    Mais on se met à table ; Péladan et moi, entre deux dames. Vous dire les adorables méchancetés, parfois le latin qu’il m’envoyait plutôt pour gentiment taquiner ces dames, qu’à cause des énormités qu’il était censé contenir, les mots sans nombre, bref toute la joliesse de sa conversation, tâche au-dessus de moi, rêve !

    Après son départ pour une célèbre plage toute voisine, Scheveningen, ce ne fut qu’un concert de palinodie. On revenait sur lui, et il quitta, le lendemain, La Haye pour Paris, emportant avec de sérieuses promesses de la plupart des peintres de la ville et de la région pour son salon des Rose + Croix dont il est comme on sait le Grand Maître, l’estime, la sympathie, j’oserai ajouter – je souligne : j’oserai, car c’est un homme si contredit – un commencement d’admiration pour l’immense talent et le génie (au fond) que je lui trouve.

     

    PAUL VERLAINE

    Les Annales politiques et littéraires, 19 janvier 1896, p. 36

     

     

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    Ph. Zilcken, Portrait de Paul Verlaine, gravure 

     

     

     

     À propos de « Péladan et Verlaine », lire ci-dessous la contribution de Christophe Beaufils publiée dans les dossiers H Les Péladan, 1990, p. 184-185

     

     

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    L’artiste extrêmement doué Johan Thorn Prikker (1868-1932) (mosaïque ci-dessus) a laissé un témoignage sur le séjour septentrional de Verlaine et la rencontre avec Péladan. Il figure dans un recueil de lettres : Brieven van Johan Thorn Prikker, met een voorwoord van Henri Borel, 1897. G. Jean-Aubry en offre une traduction (réalisée avec le concours de ses correspondants hollandais) dans sa contribution au Mercure de France (1er juin 1923, p. 341-344). En voici l’essentiel :

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  • Michel Seuphor

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    Entretien avec l’artiste anversois

     

     

    Si le dadaïsme a été un très grand pas en avant,

    le surréalisme était un double pas en arrière.

    D’abord c’était une dictature…

    le surréalisme est devenu une hypertrophie sexuelle…

    M. Seuphor

     

     

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    Michel Seuphor, Grensverkenner van de avant-garde

    numéro thématique de la revue Zacht Lawijd, 2009

     

     

    Michel Seuphor, de son vrai nom Ferdinand Louis Berckelaers (1901-1999), évoque les revues flamandes (De Klauwaert, Roeland et Het overzicht) qu’il a créées dans sa jeunesse, l’importance qu’ont revêtu pour lui Theo van Doesburg et le mouvement de Stijl, ou encore la figure de Mondrian. Il revient aussi sur l’ouvrage Het nieuwe wereldbeeld (1915) de M.H.J. Schoenmaekers, sa rupture avec Tzara, la grande amitié qui l’a lié à Arp...

     

     

    Mémoires du siècle

     

     

    Mondrian d’après son ami Michel Seuphor

     

     

    Michel Seuphor parle de l’influence de la théosophie

    et du néoplasticisme sur l’œuvre de Mondrian

     

     

    seuphor3.png

     

     

     

  • Amour et terre (2013)

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    Poèmes de Tom Van de Voorde

       

     

    Auteur de Vliesgevels filter (2008) et Liefde en aarde (2013), Tom Van de Voorde passe une grande partie de son temps entre Gand et Bruxelles, entre poésie et arts plastiques. Il a, au tournant du millénaire, publié une série de plaquettes de différents auteurs flamands et néerlandais. Plusieurs poèmes de Vliesgevels filter ont inspiré des vidéos à l’artiste Maartje Smits. Les trois poèmes ci-dessous sont extraits du recueil le plus récent de Tom Van de Voorde.

     

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    Le sens de royaume en hébreu

    me demande ma factrice

     

    je m’apprête à lui énumérer

    les pour et les contre du servage

     

    la voici qui dévale la colline

    lançant les dernières paroles d’Hadrien

     

    en vain nous les cherchons dans la Britannica

    lors de notre rencontre suivante

     

    la voici qui me montre un tas de pierres

    depuis longtemps elles attendent d’être tour.

     

     


     poème lu dans la langue originale par l’auteur

     

     

     

          Ennemis innaturels  

     

     

    Un plan en forme

    de carte

    du Kremlin 

                * 

    Une île quasi flottante,

    une mouette qui le confirme

    et de l’acier à revendre 

                 *

    Pénalistes

    contre bienséances occasionnelles

                 *

    Comme la seule et unique vérité

    qui chante une nation

    la maintenant en bonne santé 

                 *

    Milliers de câbles

    ou panier à provisions troué 

                 *

    Au-dessus des toits

    des enquêteurs comptent des journaux, des soldats

    cognant au textile des fenêtres

                 *

    informateurs, circonspects

                 *

    Dans la paume de ma main

    une liste qui dénombre des pays

    où il fait déjà jour

                 *

    et des citoyens escamotés

    qui chantent, bon gré mal gré

                 *

    exposés à nu

                 *

    et ceci, et ceci, et ceci

     

     

    TvdV0.png

     

     

    Nous plions de vieux billets, laissons

    les morts payer, fixons

     

    des tableaux, séchons des tapis

    et creusons pour trouver du sable.

     

    Quelle quantité de couleur perd

    notre habitation en vue

     

    d’accomplir une mer à la dérive ?

    Des chiens simulent des slogans

     

    et comptent les plis

    pour d’inaptes victimes mal rangées.

     

    Nous voici, en paix

    blanc de bouleau

     

    autre chose que le sérieux

    en manque sur la plage.

     

     

     

    (trad. D. Cunin)

     

     

    Tom Van de Voorde lit trois autres poèmes

     

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  • Fado - Pour la lointaine princesse

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    J. Slauerhoff à la rencontre du fado

     

     

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    Traduits en portugais par Mila Vidal Paletti, à l’initiative de José Melo (président du Círculo de Cultura Portuguesa na Holanda), des poèmes de J. Slauerhoff ont été chantés par Cristina Branco (musique : Custódio Castelo). Le CD Cristina Branco canta Slauerhoff (Harmonia Mundi, 2000, avec le poème « O Engeitado » lu par Cees Nooteboom) comprend les poèmes suivants : « De eenzamen » (Os solitários), « De ontdekker » (O descobridor), « Verlangen » (Aspiração), « Vida triste » (Vida triste), « Voor de verre prinses » (A uma princesa distante), « Fado » (Fado), « Angústia » (Angústia), « Saudade » (Saudade), « O engeitado » (O engeitado).

    En 2002, le disque a été réédité – avec trois nouveaux morceaux : « Aankomst » (Chegada), « De vrouw aan het venster » (Mulher à janela) et « O Enjeitado II » –, sous le titre O Descobridor.

    « Vida triste » est à l’origine une traduction faite par le Néerlandais d’un poème portugais. L’écrivain a séjourné à plusieurs reprises au Portugal ainsi qu’à Macao. Ses romans Le Royaume interdit et La Vie sur terre mettent en scène la figure de Camoens. Une de ses nouvelles, publiée dans le même recueil que L’amphore et encore inédite en français, s’intitule Dernière apparition de Camoens (1935).

    slauerhoff,poésie,pays-basNout Van Den Neste vient de consacrer un ouvrage à Slauerhoff et à son rapport au fado et à la saudade : Vida Triste. Slauerhoff en de fado (éd. Prominent, 2014). On peut lire une version anglaise de ce livre sous le titre : O engeitado’: The mythology of the outcast in the Portuguese poems of J. Slauerhoff: fado, saudade, Lisbon, Macau and Camões in the poetry of J. Slauerhoff (2013). Ce travail universitaire propose des traductions anglaises des poèmes chantés par Cristina Branco.

     

     

     

     

     

    A Uma Princesa Distante

     

    le même poème en version originale (sous-titres : anglais)

     


    Os solitáros (De eenzamen)

     


    O Descobridor (De ontdekker)

     

     

     

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  • Un petit défaut

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    Rentrée littéraire

     

     

    Œuvres théâtrales et poétiques posthumes de Charles-Louis Fournier, portant  en épigraphe :

    Audacia mixta pudori,

    vol. I, à Ypres, chez Annoy - Vandevyver, 1820.*

      

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    M. Fournier, né à Ypres le 21 février 1730, mort le 28 août 1803, était un galant-homme qui cultivait les lettres, son jardin, ses amis, et qui aimait fort le théâtre. On ne l’a guères connu de son vivant, ce qui ne l’a pas rendu moins heureux ; on ne le connaîtra pas plus après sa mort, ce qui importe peu à son ombre, mais beaucoup à son éditeur. M. Fournier était donc le meilleur homme du monde ; il avait de l’esprit, chose qui ne gâte rien, et il était caustique, manie qui gâte souvent les plus belles qualités.

    M. Annoy Vandevyver qui se charge de publier six volumes de traductions de pièces de théâtre, ainsi que les poésies trouvées dans les papiers de M. Fournier, a tracé habilement le portrait de son ami dans ces vers qui seraient bons sans un petit défaut :

     

    Le talent, le mérite ont été son partage ;

    Il était vertueux, il abhorrait le faux ;

    Il serait immortel sans un petit défaut :

    Il aimait le sarcasme. Oh Dieu ! c’est bien dommage ! (1)

     

    C’est bien dommage que M. Fournier ne vive plus : il ferait des pièces nationales, en langue nationale, et le Recensent ook der recensenten (2) le mettrait à côté de MM. Willems et Vervier (3).

    Le volume que nous annonçons contient le Café, opéra comique, le Légataire, de Regnard, le Trompeur trompé, l’École des Bourgeois, Annette et Lubin et les Deux Billets.

     

    * (X, « Naergelaetene tooneelstukken en Rymwerken van Karel-Lodewyk Fournier ; met deze epigr. Audacia mixla pudori, Eerste deel, te Yperen, by Annoy - Vandevyver, 1820, 400 pp. » Le Mercure belge, 31 mars 1821, p. 396)

     

    (1) L’avant-propos mentionne que ce quatrain est d’un contemporain du défunt ; dans le volume lui-même, le derniers vers est ainsi formulé : « Il aimait le sarcasme. Oh Dieux c’est bien dommage ! »

    (2) Périodique ayant existé de 1805 à 1864.

    (3) Jan Frans Willems (1793-1846), homme de lettres et grande figure du mouvement flamand. Jan Baptist Vervier (1750-1818), Gantois défenseur de la langue flamande (Op het herstel der Moedertaal in de Zuidelijke Nederlanden,1815) ou, plus probablement, Karel August Vervier (1789-1872), poète ami de Willems.

      

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    Ypres, plan des fortifications, vers 1775

     

     

    Écrits posthumes d’un poète,

    rhétoriqueur et traducteur d’Ypres

      

    Cette annonce, à la fois lapidaire et cocasse, figure dans le Mercure belge du 31 mars 1821. Ce périodique, qui a paru de 1817 à 1821, accordait une certaine place aux lettres hollandaises et flamandes à travers des comptes rendus, mais aussi des traductions. L’un de ses fondateurs, Louis-Vincent Raoul (1770-1848) – Français devenu sujet de sa majesté Guillaume Ier en 1816 – jouissait d’ailleurs dune certaine renommée comme traducteur des auteurs classiques.

    Jacob Cats

    karel-lodewyk fournier,le mercure belge,jan frans willems,belgique,pays-bas,littérature,théâtre,traduction,poésieD’aucuns ont vu en Karel-Lodewyk Fournier un préromatique. Un commentateur lui consacre quelques paragraphes en le rangeant auprès d’une poignée de « poetæ minores »*. Un autre en fait un épigone raté du poète « domestique » Jacob Cats (1577-1660), précisant que ses vers graves sont de la prose rimaillante, ses vers burlesques des cochoncetés : 

    Ils fument, galochent avec une fougue telle

    Que bave et tabac suent sur les joues des donzelles.

     

    On a aussi critiqué le néerlandais de l’Yprois en raison d’une trop grande « contamination » du vocabulaire par le français. Toutefois, un historien de la littérature lui reconnaît certains mérites : le manque d’originalité de ses pièces de théâtre – sa production consiste pour une bonne part en des traductions ou des imitations de comédies de Molière (Le Malade imaginaire), Regnard, Florian, Desforges, Lesage (Crispin rival de son maître), Favart, Marmontel, d’Allainval … – est compensé par une belle spontanéité dans la formulation et un sens incontestable du pittoresque et du drolatique. Ses poèmes – pour la plupart « de circonstance » – revêtent sans doute une certaine valeur historique puisqu’ils ont été composés à une époque où les lettres flamandes faisaient leur purgatoire.

    Louis-Vincent Raoul

    karel-lodewyk fournier,le mercure belge,jan frans willems,belgique,pays-bas,littérature,théâtre,traduction,poésieÀ plusieurs reprises, Fournier émet d’ailleurs l’espoir de voir renaître les arts de sa contrée dans toute leur splendeur (Schept moed, ô Teekenjeugd! volgt de doorlugte vaders, / Den aerbeid miek ze groot: hun bloed doorvloeye uwe aders! / Dat Neêrland eertyds kon, dat kan het nog bestaen / Den weg die leid tot eer is hier een vrye baen.) ; il ne manque pas, au passage, de se moquer de la francomanie de ses concitoyens en vue et de s’opposer aux philosophes français de l’époque.

    Karel-Lodewyk Fournier maniait, en plus de la plume, le pinceau. Il avait fait ses gammes à Paris où est semble-t-il née sa passion pour le théâtre. En 1784, il a épousé une certaine Benedicta Nègre. Dans ses terres, il a eu le bonheur de voir jouer plusieurs de ses créations et de ses traductions. Les six volumes de ses œuvres annoncés par le Mercure belge virent effectivement le jour en 1820-1821. Malgré le souhait de l’éditeur, ils n’ont pas résisté « à la rouille du temps ».

    Attaché à sa langue maternelle, Fournier a tout de même commis quelques pièces en français, par exemple un « Conte épigrammatique » et une « Pillule (sic) épigrammatique » :

     

    Pillule épigrammatique

     

    D’où vient, demandait Galathé,

    Que Diaphoor, ton médecin

    Ne m’a pas encor rapporté

    Mon livre, qu’il promit de rendre

    Le lendemain ?

    Ceci m’est facile à comprendre,

    Disait Cloris ; ne m’a-t’il pas

    Promis qu’il guérirait Colas ?

    Et voilà Colas dans la bière.

    De ce que dit un médecin,

    De ce que dit l’esprit malin,

    Le plus sûr est de croire le contraire.

     

     

    * G. Degroote, « Poetæ Minores »,

    in Miscellanea J. Gessler, I,

    1948, p. 364-375.