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flandres-hollande - Page 2

  • « C’est lui qui m’a mis le pied à l’étrier »

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    D’une rencontre et d’une amitié autour de Richard Anacréon

    Gérard Conoir (1933-2023) et Fritz Vanderpyl (1876-1965)

     

     

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     Richard Anacréon dans sa librairie (coll. Musée Richard Anacréon)

     

     

    Le libraire et collectionneur Richard Anacréon

     

    Né en milieu rural le 7 mai 1933 à Québriac (Bretagne), Gérard Conoir[1], « jeune garçon grandi ‘‘au cul des vaches’’ » comme il aimait le rappeler, fait, au milieu des années cinquante, la connaissance du citadin de toujours Fritz Vanderpyl[2]. Cette rencontre, qui se révèlera décisive, se produit à L’Originale, la librairie que Richard Anacréon (1907-1992), natif de Granville, a fondée à Paris, au 22, rue de Seine, pendant la Seconde Guerre mondiale. Un lieu assez intime, aux hauts rayonnages, qui abrite un salon où aiment se retrouver et converser des auteurs tels que Francis Carco[3] (1886-1958), Pierre Mac Orlan[4] (1882-1970), Marcel Aymé[5] (1902-1967), Jean Genet (1910-1986), Pierre Reverdy[6] (1889-1960), Marcel Jouhandeau (1888-1979), Léon-Paul Fargue[7] (1876-1947) ou encore les peintres Maurice Utrillo (1883-1955) et André Derain (1880-1954)[8]… Des photos de ces écrivains ornent les lieux de même que quelques œuvres d’art, dont une sculpture de Rodin. Auparavant, le bibliophile Anacréon avait travaillé au sein de l’administration du Petit Parisien où il s’est lié, on peut l’imaginer, avec Vanderpyl. De 1920 à 1940, ce dernier a en effet officié au sein de ce grand quotidien comme chroniqueur d’art et critique culinaire.

    Le musée Anacréon, Granville

    vanderpyl,conoir,anacréon,littérature,collectionneur,peintre,galeriste,vlaminck,desnos,colette,valéry,andré salmonGrand collectionneur, le Normand acquiert en particulier des manuscrits de ses amis Colette[9] (1873-1954) et Paul Valéry[10] (1871-1945) – la marraine et le parrain de la librairie, le second entreposant d’ailleurs dans ces locaux son costume d’académicien entre deux séances quai de Conti –, mais aussi maintes éditions rares, voire « truffées », et quelques centaines d’œuvres d’art. Tous ses trésors, il les léguera à sa ville natale, ceci malgré de fréquentes dénégations : il affirmait ne pas forcément porter cette cité dans son cœur. Créé en 1985, le musée Richard-Anacréon recèle entre autres quelques œuvres et documents ayant appartenu à cet autre collectionneur que Vanderpyl a été durant toute sa vie[11] : une aquarelle de 1916 réalisée par Guillaume Apollinaire[12] (1880-1918) et dédiée « À mon ami Fritz Vanderpyl », une Maternité (dessin) du Catalan Manolo[13] (1872-1945), la toile Auvers-sur-Oise de Maurice de Vlaminck (1876-1958), une photo de ce peintre portant la dédicace « À Fritz Vanderpyl / amicalement / Vlaminck », trente-neuf lettres de ce dernier adressées à « Vander »[14], une carte postale de la seconde épouse de l’artiste, Berthe Combe[15] (1891-1974), adressée à M. et Mme Vanderpyl, treize lettres d’Auguste Chabaud[16] (1882-1955), une de chacun de ces autres peintres : André Utter (1886-1948), Raoul Dufy[17] (1877-1953), André Dunoyer de Segonzac[18] (1884-1974), Jacques Villon (1875-1963) et, enfin, une du marchand d’art Paul Guillaume (1891-1934).

    Othon Friesz (archives Vanderpyl)

    vanderpyl,conoir,anacréon,littérature,collectionneur,peintre,galeriste,vlaminck,desnos,colette,valéry,andré salmonLe Journal qu’a tenu le Hollandais de naissance entre fin 1903 et début des années soixante nous apprend qu’il a également cédé, contre espèces sonnantes et trébuchantes, d’autres œuvres et documents à Anacréon : Poissons rouges, une huile sur carton de Robert Delaunay (1885-1941), Les Patineurs (huile sur panneau) d’Othon Friesz (1879-1949), ainsi qu’au moins une brève lettre de Paul Léautaud[19] (1872-1956), celle datée du vendredi 12 novembre 1948, qui a depuis changé de propriétaire. En voici le texte : Mon cher Vanderpyl, / J’ai reçu votre mot. / C’est un peu indécent (?) de m’appeler « monsieur » quand nous nous connaissons depuis si longtemps. / Cordialement à vous, / P. Léautaud. D’autre part, il est certain qu’Anacréon a acheté plus d’une toile, plus d’un dessin à l’instigation de Vanderpyl. Très proche de nombreux peintres depuis la première décennie du XXe siècle, celui-ci a en effet servi, pendant environ un demi-siècle, d’intermédiaire entre marchands, collectionneurs et artistes. Le Haguenois n’est donc pas totalement étranger au fait que des œuvres d’Auguste Chabaud, de Maurice de Vlaminck, du Catalan Manolo et d’autres artistes se trouvent de nos jours accrochées aux murs du musée d’art moderne de Granville ou conservées dans ses réserves[20].

     

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     La maison de Richard Anacréon à Saint-Jean-le-Thomas

     

    Rue de Seine : de la baie du Mont-Saint-Michel au Quartier Latin

     

    C’est au bord de l’océan, à Saint-Jean-le-Thomas (baie du Mont-Saint-Michel), que Gérard fait la connaissance de Richard Anacréon. À certaines périodes de l’année, ce dernier y occupe une demeure avec son compagnon, André Lecomte (1907-1982), à deux pas de la maison où s’est établie la famille Conoir. Le papa est boulanger. Après avoir fait office de mécanicien et de vacher, Gérard, qui a quitté l’école sans même le certificat d’études, effectue des travaux de jardinage dans plusieurs propriétés du village dont celle d’Anacréon. « Je jouais du râteau et de la binette sans me soucier du petit homme à l’œil vif, nez en bec d’aigle, flanqué de sa chienne, qui venait de temps à autre me voir travailler. Il n’obtenait que des monosyllabes en réponse à ses tentatives de dialogue. Comment aurais-je pu bavarder avec un libraire parisien, personnage lointain et mythique à mes yeux, même si j’ignorais qu’il portait le nom d’un poète grec antique ? »

    vanderpyl,conoir,anacréon,littérature,collectionneur,peintre,galeriste,vlaminck,desnos,colette,valéry,andré salmonC’est grâce à des numéros de L’Illustration, découverts dans le grenier d’une autre habitation, que Conoir a découvert peu avant l’existence des arts plastiques : « S’ouvrait à moi un monde nouveau qui me touchait profondément : la peinture et la sculpture des musées, évoquées dans quelques-uns des articles. N’ayant jamais eu l’occasion de voir des tableaux, je n’aurais pu les juger, mais certains m’attiraient plus que d’autres. Armé de ciseaux, je découpai plusieurs de ces reproductions dont la mise en page évoquait aussi des encadrements et les fixai au mur dans ce coin de la salle commune, chez mes parents, qui m’était réservé. Ce furent des portraits d’hommes, au crayon, par Clouet. » Parfois invité à prendre l’apéritif par Richard et André, qui vivent assez ouvertement leur homosexualité, l’adolescent découvre de vraies œuvres accrochées aux murs ; pour la première fois aussi, il entend la voix d’un chanteur d’opéra, celle du ténor Georges Till (1897-1984).

    Georges Thill

    vanderpyl,conoir,anacréon,littérature,collectionneur,peintre,galeriste,vlaminck,desnos,colette,valéry,andré salmonAnacréon persuade Gérard, pas encore âgé de dix-neuf ans – nous sommes en 1951 –, de ne pas se contenter de consacrer son temps et son existence à des travaux de journalier. Il téléphone à Henri Flammarion (1910-1985). Deux semaines plus tard, Conoir, qui ignore à vrai dire ce qu’est un éditeur, est embauché comme metteur à part au sein de cette célèbre maison parisienne, autrement dit plus ou moins comme magasinier. Il quitte la Normandie contre l’avis de ses parents. Dans la capitale, Richard et André lui achètent de quoi se vêtir car le garçon n’a emporté, dans sa valise, qu’un bleu de travail ! Les bureaux de Flammarion étant situés rue Racine, à une ou deux encablures de L’Originale, la librairie devient le point de ralliement du provincial. Ceci d’autant plus qu’il trouve bientôt, rue de Seine, un studio où se loger. Au cours de ces mêmes mois, il accède à la littérature grâce à une bibliothèque bien fournie que la maison d’édition met à la disposition de ses employés. Il lit du Carco, personnage avec lequel il s’entretient et qui lui offre même l’une de ses œuvres dédicacée et rehaussée d’une caricature de sa main. Dans ce quartier, véritable village d’artistes, le jeune Gérard croise Henry de Montherlant (1895-1972), les Jouhandeau ou encore Blaise Cendrars (1887-1961) en train de faire ses courses… Il lui arrive aussi de rendre visite à Mac Orlan et à sa femme Margueritte Luc (1886-1963) ; l’écrivain l’initie à l’art de fumer la pipe. Un jour, Conoir apporte à Fontenay-aux-Roses un paquet trop lourd pour le frêle Paul Léautaud. La puanteur de la maison du célèbre diariste le dissuade de s’attarder…

    Malheureusement, cet apprentissage de la ville se trouve brutalement interrompu : le Breton est en effet appelé sous les drapeaux. Après avoir fait ses classes, il participe, pendant plus de six mois, à des missions de maintien de l’ordre au Maroc, du côté de Boured. Blessé à la jambe lors d’une embuscade, il est hospitalisé à Fez puis dans l’Hexagone avant d’être libéré de ses obligations militaires. Ce sont ses amis parisiens qui l’accueillent à son retour de convalescence. D’ailleurs, Anacréon va lui proposer de dorénavant travailler pour L’Originale. C’est ainsi que le vacher-jardinier se retrouve bientôt à manier dans la boutique des éditions précieuses ou encore à dresser l’inventaire de la bibliothèque de la milliardaire Florence Gould, dans sa villa La Vigie à Juan-les-Pins où se presse le beau monde.

     

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    La rencontre du sosie de Henri Matisse et celle d’une demoiselle Durand

     

    Auprès des galeristes du Quartier Latin ou encore de Katia Granoff, Gérard a entrepris d’aiguiser son œil. Survient alors un coup de pouce du destin : « Les peintres commençaient à faire partie de ma vie, croyais-je, lorsque Fritz Vanderpyl surgit dans mon univers. » Lors d’une soirée où Anacréon reçoit l’accordéoniste V. Marceau (1902-1990) – un habitué des lieux, ami ou copain de plus ou moins tous les écrivains énumérés ci-dessus –, Conoir se tient debout dans l’assistance. Un homme âgé, « le sosie de Henri Matisse » rapporte-t-il, est assis sur une chaise à côté de lui. À un moment donné, ce chauve à la « barbe carrée impeccablement taillée » lui adresse la parole ; apprenant que son cadet de près de soixante ans n’a pas encore pris le temps de visiter le Louvre, il le traite de « jeune con ». Cependant, à la fin de la même soirée, le « grognard » invite le Breton à passer chez lui le samedi suivant à quatorze heures précises.

    vanderpyl,conoir,anacréon,littérature,collectionneur,peintre,galeriste,vlaminck,desnos,colette,valéry,andré salmonProfitant de cette journée où il ne travaille pas, Gérard se rend pour la première fois au 13, rue Gay-Lussac, l’adresse du couple Vanderpyl pendant plus d’une moitié de siècle. Fritz le conduit au Louvre. Une promenade à laquelle bien d’autres succèderont : « La première visite fut pour les Primitifs Italiens. Suivirent les Primitifs Flamands, la Renaissance, la Peinture Française, Espagnole et ce jusqu’à épuisement de toutes les salles. Semaine après semaine il se fit mon mentor. […] Après le Louvre, ce furent d’autres musées. […] Il émaillait ses causeries d’anecdotes qui faisaient de ces créateurs des êtres de chair ressemblant à ceux que je côtoyais rue de Seine. » L’élégant critique de quatre-vingts ans accorde toujours le même soin à sa toilette : nœud papillon, gants, guêtres blanches, canne à pommeau d’argent… Selon Conoir, Fritz n’était pas du tout un homme disgracieux, au contraire de ce qu’il a pu avancer dans certains de ses écrits. Par exemple, dans son Mémorial sans dates, mémoires en grande partie inédits rédigés peu après la Seconde Guerre mondiale, il prétend qu’il était, en 1918, « un des soldats les plus laids de l’armée française (honneur que je partageais avec Paul Léautaud) ». Il faut dire qu’à l’époque, Vanderpyl, avec ses « airs de sanglier[21] », le visage dévoré par une barbe hirsute, était presque aussi large que grand.

    vanderpyl,conoir,anacréon,littérature,collectionneur,peintre,galeriste,vlaminck,desnos,colette,valéry,andré salmonMalgré les générations qui les séparent, malgré le côté « brut de décoffrage » du Batave naturalisé français fin janvier 1915, Fritz et Gérard s’apprécient et vont se revoir pour ainsi dire chaque semaine, jusqu’au printemps 1960[22]. Bien que n’appréciant plus guère l’opéra[23], le premier a pu faire part de ses goûts de mélomane au second qui met justement à profit sa période parisienne pour acquérir, outre un robuste bagage pictural, une solide culture musicale et devenir un amateur d’art lyrique. Peu à peu, Vanderpyl se livre et évoque son passé tout en continuant d’« initier » son protégé. « C’est lui qui m’a mis le pied à l’étrier[24] », reconnaît Conoir, lequel se familiarise alors comme jamais avec le troisième art sans savoir qu’il ouvrira un jour, avec Luce Durand (1932-2018), sa future épouse, elle aussi d’origine bretonne, plusieurs galeries. C’est d’ailleurs dans ce milieu que celle-ci, passionnée par l’anglais et les arts décoratifs, travaille lorsque les jeunes gens font connaissance. Sortant sans doute de L’Originale ou s’y rendant, Gérard est appelé à la rescousse, à deux pas de là – au numéro 30 de la rue de Seine qui abritait la galerie Barreiro-Stiébel –, par deux sœurs en pleine discussion : Luce, qui occupait alors un emploi d’assistante dans ce lieu, ne se satisfait pas de son nez qu’elle souhaite soumettre à une opération esthétique. Elle sollicite l’avis de ce jeune homme qui vient à passer, lequel milite plutôt pour qu’elle ne touche pas à cet appendice. Comme on lui avait offert deux billets pour aller voir Les Enfants du paradis, Gérard s’empresse d’inviter Luce et son nez au cinéma. La légende familiale veut qu’à la sortie de la séance, il ait fait sa demande en mariage. Après une attente de deux ou trois semaines, un « oui » vint consacrer cette « rencontre amoureuse fulgurante ». Les formalités civiles une fois remplies à la mairie du VIe arrondissement de Paris, les tourtereaux se marient en septembre 1959 dans la petite église de Saint-Jean-le-Thomas. Ils passeront soixante ans ensemble.

    Fritz a donc chaperonné Conoir en lui faisant découvrir maintes œuvres et maints artistes. À l’époque, il était probablement difficile de trouver plus grand connaisseur que le bougon poète. N’avait-t-il pas été guide indépendant au Louvre pendant plus d’une dizaine d’années ? N’avait-il pas publié, en 1913, Six promenades au Louvre. De Giotto à Puvis de Chavannes puis, en 1931, Peintres de mon époque ? N’avait-il pas écrit, pendant un quart de siècle si ce n’est plus, dans une pléiade de périodiques, sur la peinture contemporaine comme sur celle du passé ? Enfin, n’avait-il pas côtoyé, depuis la première décennie du XXe siècle, tous les artistes en vue et visité l’atelier de centaines de plasticiens[25] ? Toutefois, il convient de reconnaître qu’indépendamment de ce maître, le jeune homme cultivait depuis un certain temps, et plutôt secrètement, un réel intérêt pour le dessin et la peinture. Il a en effet réalisé, au cours de ces mêmes années cinquante, « des peintures à l’huile de nature cubiste ». Les techniques liées à l’encre l’attiraient également. Par la suite, à l’instar de ses deux grands mentors, Gérard va se faire peu à peu collectionneur. C’est à Gen Paul qu’il achète sa première œuvre, un jour où il lui rend visite dans son atelier. Alors qu’il est de passage dans celui de feu André Derain, la veuve de l’artiste le laisse repartir avec « quatre dessins et une peinture au trait », pour le prix d’un seul !

     

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    Gérard Conoir & Luce Durand (vers 1959)

     

    Le 13, rue Gay-Lussac

     

    S’il a fallu à Gérard un solide estomac pour digérer tout le savoir que lui transmettait l’intarissable Vanderpyl, sa persévérance se trouvait largement récompensée à la table de l’ancien critique culinaire. À Paris, au milieu et à la fin des années cinquante, raconte-t-il, le dîner quasi hebdomadaire chez « le gourmet et gourmand », « le grand mangeur et buveur » Fritz, répondait à un rituel : c’est le maître des lieux qui cuisinait, presque toujours la même délicieuse recette de rognons de veau : « simplicité raffinée de la table, longs récits de Vander – ainsi le surnommait-on –, souvent ponctués du rituel : ‘‘Tu ne sais pas cela, tu es un con’’, maintenant énoncé avec affection ». Tant qu’il s’active aux casseroles, l’hôte interdit l’accès de la cuisine à quiconque, y compris à sa femme Hermine (1872-1966), née Augé. Celle-ci, aimable et souriante, le laisse passer à table avec les invités, préférant en général, pour sa part, vaquer à ses occupations dans son petit bureau situé côté rue – jusqu’à un âge très avancé, elle de fait a tenu à donner des cours de phonétique à des Anglo-Saxons. Dans Le Scribe qui venait de la mer, Conoir la décrit à travers la plume de Luce : « Hermine portait fort légèrement ses quatre-vingts ans. Elle affirmait être la conséquence du retour du combattant en 1871. Trotte-menu habillée d’une robe noire à col de dentelle blanche, elle tirait ses cheveux gris en un petit chignon strict. Excellente angliciste, elle donnait encore quelques cours à l’Institut Britannique. Cette Arlésienne exilée me prit sous son aile […]. Hermine parvenait parfois à se raconter. J’appris donc qu’en 1889, à l’âge de dix-sept ans, elle avait quitté seule sa Provence pour partir à Londres comme jeune-fille au pair. Cette date m’étourdissait. Rentrée en France, elle ‘‘acheta’’ une école et épousa le journaliste Fritz Vanderpyl[26]. À ce point du récit, ce dernier reprenait la parole pour ne plus la lâcher. Mais quel régal ! »

    Fritz & Hermine, vers 1960

    vanderpyl,conoir,anacréon,littérature,collectionneur,peintre,galeriste,vlaminck,desnos,colette,valéry,andré salmonAprès avoir fréquenté la rue Gay-Lussac en célibataire, Conoir, en 1959, présente sa conquête au vieux galant et à sa femme : « Fritz Vanderpyl et Hermine nous accueillirent ensemble avec la gentillesse des grands-parents. Une fois par semaine nous allions dans l’appartement feutré écouter Vander parler d’Apollinaire et des autres. Luce découvrait comme des personnages de chair et d’os ceux dont elle avait étudié abstraitement les œuvres. Quelquefois, la bonne chère et l’atmosphère douillette lui fermaient les yeux. Elle chaussait aussitôt ses lunettes teintées pour cacher sa honte. » Les deux couples ont pu évoquer Fontaine-de-Vaucluse, site auquel les Vanderpyl étaient attachés et où les jeunes mariés, peut-être à leur instigation, ont effectué, au printemps 1960, leur « première échappée » loin de Paris. Le quatuor y aurait-il partagé un bon repas au restaurant de La Colonne du chef A. Panza[27] ? Même s’ils ne vont pas se fréquenter très longtemps, Luce et Fritz s’entendent tout de suite très bien. Lui aime plaisanter avec elle des goûts « incompréhensibles » de son mari pour les artistes abstraits : « Votre mari n’y connaît rien en peinture ! » Le vieil érudit engueule Conoir lorsqu’il apprend que ce dernier montre un certain intérêt pour les œuvres non-figuratives qu’expose l’une ou l’autre des galeries de la rue de Seine : « Il n’y a que des Juifs là-bas ! » L’ancien légionnaire estimait « décadentes » les créations d’un Chagall (1887-1885), celles d’un Soutine (1893-1943). Malgré l’antisémitisme de Vanderpyl, il ne faut en aucun cas rapprocher ses conceptions esthétiques de l’Entartete Kunst[28].

    13, rue Gay-Lussac, appartement du 2e étage

    vanderpyl,conoir,anacréon,littérature,collectionneur,peintre,galeriste,vlaminck,desnos,colette,valéry,andré salmonLa rue Gay-Lussac offrait à Gérard, en plus des dîners hebdomadaires rognonesques, « les lundis de Vanderpyl ». Ce dernier, homme généreux et très disert, recevait en effet artistes et poètes le plus souvent possible le lundi soir, tradition qui remontait au moins au début de l’année 1905, en pleine époque de dèche ! et que le critique gastronomique a maintenue jusqu’au tout début des années soixante. Conoir n’a pas oublié ces réunions au cours desquelles Fritz prenait la parole « devant un auditoire admiratif de peintres et de poètes. Il glosait. Sa femme interrompait parfois la péroraison pour servir du café et repartait silencieusement ». À l’instar de leur protégé, il arrivait à Anacréon de se rendre rue Gay-Lussac. Lui et Conoir figurent sur une liste établie en 1958 par leur hôte à côté d’autres invités : les artistes Maurice de Vlaminck, Robert Lotiron (1886-1966), Ferdinand Desnos (1901-1958), André La Vernède (1899-1971), Pierre Jouffroy (1912-2000) et bien d’autres… Le dimanche 20 juin 2021, lorsque je l’ai rencontré chez lui en Provence, le peintre Jean-Marie Fage (1925-2024) a également évoqué ces lundis au cours desquels il a fait connaissance avec des dizaines de visiteurs dont, justement, Gérard Conoir. Durant plusieurs décennies du XXe siècle, une grande partie de ce que Paris a compté d’artistes et de poètes renommés, français comme étrangers, est passée, un lundi ou un autre, sous le toit, sous les toits de Fritz.

    vanderpyl,conoir,anacréon,littérature,collectionneur,peintre,galeriste,vlaminck,desnos,colette,valéry,andré salmonConoir se souvient encore du salon-bureau de Fritz auquel tentures, « meubles Louis XIII puissants, étains et poteries de Delft » conféraient un cachet ancien et feutré, salon que le jeune Fage a d’ailleurs peint (ci-contre)[29]. Vanderpyl y prenait place dans un fauteuil derrière lequel était accroché son puissant portrait au chapeau jaune et à la pipe réalisé par l’ami Vlaminck en 1918. Occasion pour le vieil homme de raconter qu’il avait été « l’un des premiers défenseurs des Fauves » et de revenir sur l’évolution et la dislocation de cette mouvance picturale. Autre œuvre magnifique de ce lieu : un oiseau sculpté par François Pompon (1855-1933). Gérard se rappelle aussi avoir vu un jour le maître des lieux faire un peu de rangement dans le tiroir trop plein de sa table d’écriture. Des lettres s’en échappèrent. « Les ramassant, il bougonna qu’il serait temps qu’il range cette correspondance d’Apollinaire ! Grace à cet incident, il revécut pour moi l’éclosion du cubisme et les joutes qui s’ensuivirent. » Où sont passées les lettres en question ? On sait que les deux poètes et gastronomes en ont échangées. Vanderpyl ne les a jamais, semble-t-il, vendues à Richard Anacréon.

    Paul Fort

    vanderpyl,conoir,anacréon,littérature,collectionneur,peintre,galeriste,vlaminck,desnos,colette,valéry,andré salmonPar l’intermédiaire de Fritz – « homme pas facile » mais « au grand cœur » –, Gérard rencontre donc maints artistes plus ou moins confirmés dont F. Desnos, ainsi qu’il en est fait mention plus haut. Un jour, ils vont voir dans un musée nombre de peintures de ce cousin du poète Robert Desnos (1900-1945). D’ailleurs, Conoir a conservé jusqu’à la fin de sa vie un petit tableau de Ferdinand, cadeau que ce dernier lui fit chez « Vander » pour le remercier de lui avoir offert, peu avant, une ou deux cartouches de troupes, ces cigarettes « infâmes » que l’artiste démuni appréciait. Tout comme les Vanderpyl, le peintre naïf a habité avec sa femme rue Gay-Lussac ; ce sont d’ailleurs les premiers qui ont trouvé aux seconds une place de concierges tout près de chez eux. Autre voisin en même temps que vieil ami de Fritz : le Prince des Poètes, Paul Fort (1872-1960)[30], que Gérard avait déjà vu à L’Originale et auquel il rendit visite un jour pour lui faire dédicacer L’Or suivi de Ruggieri. Chroniques de France : « À Gérard Conoir / ce qui nous manque le plus : l’Or, / toutefois je lui sors de mon escarcelle celui-ci – d’Or – ». Marie Dormoy (1886-1974), maîtresse de Léautaud à la forte et marquante personnalité, fait également partie des personnes que le futur galeriste se souvient avoir rencontrées au cours des années où il commerçait avec Fritz.

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    Tableau de F. Desnos offert à G. Conoir

     

    Galeristes à Montauban

     

    Neuf ans après l’arrivée du Breton rue de Seine, les Conoir, qui aspirent à quitter la métropole et Billancourt pour vivre plus près de la nature, partent en 1960 à bord de leur 2CV afin de s’établir dans les environs de Montauban où ils élèveront bientôt leurs deux enfants, Yvan et Ann. Le directeur des éditions et de la librairie Privat a invité Gérard, en fonction chez Vuibert depuis qu’Anacréon et Lecomte avaient pris leur retraite, à venir travailler pour lui à Toulouse. Tandis que Luce, titulaire d’une simple licence, est devenue professeur d’anglais et de dessin dans un collège de la préfecture du département de Tarn-et-Garonne – elle enseignera par la suite également au musée Ingres –, Gérard fonde en 1964, avec l’aide de son beau-frère, dans un ancien garage station-service de cette même ville, une librairie, Le Scribe – clin d’œil au « petit secrétaire pharaonique du Louvre ! », où il ajoute à son activité celle de galeriste ; inauguré une quinzaine d’années plus tard, le jour de la Saint-Apollinaire, un deuxième Scribe suivra dans des locaux plus spacieux du même faubourg Lacapelle où un grand rayon de disques se maintiendra plus d’une décennie. Bien plus tard, une fois la librairie-galerie vendue après environ trente ans d’existence, les époux Conoir persisteront à vouloir partager leur passion. Il faut que le Scribe, sans les livres, renaisse coûte que coûte de ses cendres. Aussi créent-ils, avec deux amis, Le Sphinx dans un village des environs ; contraint de quitter les lieux en question, ils font leur retour à Montauban, pour continuer cette aventure. Ils animeront cette galerie jusqu’en 2015.

    Vanderpyl, par F. Desnos

    vanderpyl,conoir,anacréon,littérature,collectionneur,peintre,galeriste,vlaminck,desnos,colette,valéry,andré salmonLe Haguenois ne vivra pas assez longtemps pour reprocher plus avant à Gérard son attrait pour des courants artistiques que lui-même, tout comme d’ailleurs Anacréon, combattait : « Le centre de ses passions [de Gérard] est toujours resté l’art contemporain, expose Jean Suzanne, et dans les deux galeries créées à Montauban ainsi qu’à Laville-Dieu-du-Temple, il a présenté et défendu avec exigence l’abstraction française, entre nuagistes comme Benrath, et l’abstraction lyrique comme Claude Georges, Claude Viseux, Serpan… Gérard et Luce Conoir, indissociables dans leurs choix, se passionnent pour ce créneau artistique peu développé en France et occulté par les courants artistiques d’outre-Atlantique. » Pour le couple, « l’évidence de la peinture pure indépendante de tout sujet » éclatera lors de la visite qu’ils firent d’une exposition Vermeer aux Pays-Bas, en 1966, à la Mauritshuis en compagnie de leurs enfants. Leur approche ne les empêchera pas d’exposer un coloriste exubérant et figuratif comme Guy Charon (1927-2021). Toutefois, « les souvenirs d’Anacréon et de Vanderpyl, ou de la Galerie Stiébel pour Luce », semblent toujours plus lointains à mesure que le couple, au fil des années soixante-dix, maintient le cap de l’abstraction, exposant par exemple Xavier Krebs (1923-2013) – homme aussi colérique que Vanderpyl – ou encore les blancs de Jean-Jacques Saignes (1932-2016).

    Luce & Gérard dans leur galerie (2011)

    vanderpyl,conoir,anacréon,littérature,collectionneur,peintre,galeriste,vlaminck,desnos,colette,valéry,andré salmonDécédé le 30 janvier 2023, Gérard Conoir aura, avec son épouse Luce, réalisé leur rêve né au contact du Granvillais et du Haguenois : avoir une librairie-galerie à eux. Entre 1965 et 2015, les deux éternels amoureux ont organisé plus de 300 expositions dont une consacrée à l’artiste local sans doute le plus célèbre, avec Jean-Auguste-Dominique Ingres (1780-1867), à savoir Antoine Bourdelle (1861-1929). Bourdelle, Fritz l’a côtoyé à plusieurs reprises, avant la Grande Guerre, par exemple « autour du buffet » du Salon des Indépendants de 1913. De ce sculpteur, écrit-il en néerlandais dans son Journal au début de 1904, il a vu en décembre de l’année précédente, dans les locaux de la revue La Plume, une tête de Beethoven. Et il possédait de lui, depuis 1914, grâce à son ami Guy-Charles Cros, le buste de René, frère de ce dernier, réalisé en 1898 sur le lit de mort de ce fils du poète et inventeur Charles Cros (1842-1888). Sa correspondance recèle une lettre du 26 février 1931 de la veuve du sculpteur qui se dit « très touchée par le bel article que vous avez écrit sur l’exposition de mon mari »[31].

    Si Vanderpyl a bien mis l’étrier à son jeune ami, il n’aurait sans doute guère cautionné la plupart des manifestations montalbanaises en question, dont la première – heureusement, des œuvres contemporaines figuratives ! – eu lieu la même année que son décès. Il ne faut pas croire que Fritz rejetait en bloc l’art moderne ; tout simplement, le non-figuratif poussé trop loin ne pouvait le convaincre : il le rangeait le plus souvent dans le domaine relevant de la pure décoration. Ainsi de bien des œuvres d’un Henri Matisse[32] (1869-1954) ou d’un Dufy. Il n’a pas moins été un incitateur pour le couple Conoir-Durand en devenir, de même qu’il a joué un rôle de catalyseur pour bien des peintres en leur ouvrant la cimaise de galeries, en leur permettant d’exposer dans un des grands Salons parisiens ou en suivant d’un œil à la fois critique et bienveillant leur travail. L’un d’eux, Jean du Marboré (1896-1933), dans une lettre non datée – mais on pourrait en citer bien d’autres en puisant dans les innombrables courriers que Fritz a reçus –, lui écrit par exemple : « … Je vous aime tant et respecte tant, car vos actes sont toujours mus par un idéal, et dans les ‘‘milieux artistiques’’ c’est souvent le contraire. »

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    Gérard Conoir en 2022 (photo Camille Rouquet)

     

    De quelques mystifications

     

    En 1964, le couple Vanderpyl est trop âgé pour demeurer à Paris. Fritz n’a plus totalement conscience de ce qu’il fait. Ainsi se rend-il à la boulangerie du coin en payant sa baguette avec un louis d’or ! L’honnête boulangère prévient des neveux d’Hermine. Ceux-ci montent du Vaucluse en voiture pour rapatrier en urgence la nonagénaire et son mari octogénaire dans le petit village de Lagnes[33] où ils vont finir leurs jours, lui un an avant elle. Pour la famille, ce voyage du retour en 403 demeure un épisode épique. Tout au long du trajet, Fritz n’a cessé de déclamer l’un de ses poèmes, toujours le même :

     

    Dans l’ombre provinciale où dort Saint-Séverin

    une fille de Paris m’a pris pour un marin.

    Serait-ce dans mes yeux qu’elle aurait lu des lames ?

    Le soldat Vanderpyl se trouvait là, tout âme...

     

    De surcroît, quand la compagnie s’arrête pour déjeuner quelque part le long de la Nationale 7, le gastronome fait un scandale car, dans l’établissement où l’on s’est attablés, on ne sert pas d’entremets ! Une anecdote qui remet en mémoire une lettre de l’artiste Sonia Lewitska (1880-1937), écrite un demi-siècle plus tôt, pendant la Grande Guerre : « Cher Vanderpyl, je trouve dégoûtant de ta part de dire que tu ne veux pas dîner chez nous car ‘‘C’est mal servi’’. Comment, c’est mal servi ! Tu n’as donc pas vu les salières que j’ai achetées 4 sous (…) » Posant à contrecœur le pied dans le Vaucluse, le vieillard, resté en partie un homme du XIXe siècle bien qu’il se soit mêlé aux avant-gardes, demande un fiacre pour rentrer à Paris !

    vanderpyl,conoir,anacréon,littérature,collectionneur,peintre,galeriste,vlaminck,desnos,colette,valéry,andré salmonComme d’autres amis des Vanderpyl, Conoir n’apprend leur départ de la capitale qu’après coup. Un jour, un Fritz très affaibli lui téléphone pour lui annoncer qu’il ne vit plus rue Gay-Lussac. Ce sera le dernier signe de vie. La mémoire du poète et critique – qui avait grandement impressionné son interlocuteur – n’est plus que l’ombre de ce qu’elle avait été. Au début du XXe siècle, durant la bonne dizaine d’années qu’il avait passée à jouer au cicérone pour des voyageurs étrangers, aussi bien au Louvre que dans d’autres contrées françaises et européennes, il s’en était remis à elle pour guider ces derniers alors même qu’il ne maîtrisait pas forcément son sujet. Bien souvent, en effet, il se documentait au dernier moment et ressortait ces connaissances tout juste acquises de façon à en imposer à ses clients qu’il appelle d’ailleurs, dans ses écrits, « mes victimes ». Quelques passages cocasses du Guide égaré (1939), son roman autobiographique, rapportent de telles scènes. En la matière, Gérard n’est pas en reste. Il raconte que Fritz faisait merveille dans son rôle de guide et que « son sourire s’épanouissait lorsqu’il me racontait qu’il avait accompagné, dans leur tour des châteaux de la Loire, un grand-père milliardaire et ses deux petites-filles en voyage sur le continent. Installé dans la luxueuse chambre d’hôtel qui lui était allouée à l’étape, Vanderpyl travaillait une partie de la nuit à dévorer les guides touristiques. Au lendemain, il semblait avoir visité déjà cent fois le château dont il présentait l’architecture et l’histoire… » Relevons que Fritz n’était pas tendre avec les touristes américains qu’il considérait, pour la plupart, et non sans exagérer comme à son habitude, comme des êtres bien peu cultivés : « Ce qui me fait un immense plaisir, enfonce-t-il le clou dans son Journal le 7 septembre 1914, c’est que tous ceux des Yankees qui se sont baladés avec moi en Europe ont eu des expériences inattendues. Une fois, c’est des maladies étranges ; une autre fois, c’est leur fille qui s’amourache de moi à un tel point que je n’ai qu’à dire un mot pour la garder ; puis c’est une influence pathétique de ma part sur leur femme au point qu’ils ne savent plus où se tourner et qu’ils s’enfuient ; ou c’est la guerre, ou c’est la débâcle financière, ou c’est la destruction de San Francisco, ou c’est le naufrage du Transatlantique sur lesquels ils avaient pris les prochains passages… […] à chacun de ces fous curieux, il est toujours arrivé quelque chose sauf à ceux qui ont été exceptionnellement bons pour moi. »

    vanderpyl,conoir,anacréon,littérature,collectionneur,peintre,galeriste,vlaminck,desnos,colette,valéry,andré salmonIl est amusant de voir qu’à bien des années de distance, et malgré des conceptions esthétiques aux antipodes les unes des autres, Gérard et Fritz se sont finalement rejoints dans le même esprit d’honnêteté et de simplicité, sans oublier une identique fibre ludique qui ne revêtait pas moins un grand sérieux, pour ne pas dire une grande gravité. En 1931, dans Peintres de mon époque, Vanderpyl présente une suite d’essais sur quinze peintres majeurs : il les a tous vus, en chair et en os, émerger et s’affirmer, de Kisling à Rouault en passant par Dufy et Picasso. Mais il y en a un seizième, un illustre inconnu qui s’appelle tout bonnement Jean… Jean Durand[34], né en 1904. Son neveu par alliance – nous dit le critique d’art –, un garçon originaire de ce Comtat Venaissin où lui-même aime passer ses vacances auprès de la famille de son épouse. Ce Jean Durand, comprend-on bien vite, est un personnage fictif, lequel permet à Fritz d’exposer son point de vue sur le marché de l’art en critiquant l’augmentation sans frein du nombre de gens qui se disent et se veulent peintres dans le Paris des premières décennies du XXe siècle. Une forme de mystification, si l’on veut, ce chapitre[35].

    vanderpyl,conoir,anacréon,littérature,collectionneur,peintre,galeriste,vlaminck,desnos,colette,valéry,andré salmonOr, n’est-ce pas ce à quoi Gérard Conoir va se livrer pendant quelques décennies, avec grand sérieux pour ne pas dire avec une grande gravité – du moins dans le secret, secret bien gardé par ses proches – en exposant à plusieurs reprises sur ses cimaises des travaux de l’invisible Maxime Kiémalov – artiste russe né en 1905, détenu à une époque dans les geôles staliniennes – puis ceux d’Alberto Carli, admirateur vénitien du compositeur Arvo Pärt ? Autant d’œuvres qui sont en réalité les siennes, ainsi que va le révéler l’exposition posthume « Hommage à Gérard Conoir » organisée en novembre 2023 à la galerie Blandine-Roques, dans sa ville d’adoption où il a laissé une vive empreinte chez les amateurs de peinture. Le Scribe qui venait de la mer narre l’existence du premier de ces deux peintres qui n’ont jamais existé. Ainsi, dans ces pages, le dissident soviétique imaginaire confie-t-il à Gérard, pour son tout premier vernissage à Montauban, ses tableaux qui furent présentés au public en l’absence de l’artiste. « Nos visiteurs, habitués à rencontrer le peintre, le cherchaient dans l’assemblée. […]  La critique salua avec enthousiasme l’œuvre restée longtemps secrète et le succès des ventes conforta le solitaire resté dans ses bois. À plusieurs reprises, j’inclus tableaux ou collages dans des accrochages de groupe, mais Kiémalov ne se montra pas. Luce ne le vit jamais. » On ne peut s’empêcher de songer à Jusep Torres Campalans, cet artiste catalan contemporain de Vanderpyl, inventé de toutes pièces par l’écrivain d’expression espagnole Max Aub (1903-1972)[36].

    Une œuvre d’A. Carli

    vanderpyl,conoir,anacréon,littérature,collectionneur,peintre,galeriste,vlaminck,desnos,colette,valéry,andré salmonPrès de soixante ans après son dernier entretien avec le Hollando-provençal Vanderpyl, le Breton-occitan Conoir parlait toujours avec une grande affection de ce vieil ami plus qu’original, auprès duquel il avait fait ses premiers vrais pas dans le monde de l’art. À son tour, nous dit-il, il a éprouvé le plaisir de passer en quelque sorte le flambeau en faisant entrer le premier compagnon de sa fille Ann dans l’univers des plasticiens, ce garçon étant « le nouveau maillon de la chaîne qui me reliait à L’Originale et au cher vieux Fritz Vanderpyl ». Si ce dernier avait élevé certaines digues esthétiques au bord de la Seine, a-t-il pu, posthumément, en vouloir à Gérard d’avoir provoqué quelques crues, non du Tarn, mais de l’art abstrait à Montauban ? On ne veut pas le croire.

     

    Daniel CUNIN

     

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    Quelques œuvres de Gérard Conoir… ou de Kiémalov ?

     

    [1] L’idée de cet article est née à la suite de mes entretiens téléphoniques avec Gérard Conoir (26 mars et 1er avril 2022). Quelques autres données – par exemple la citation qui suit directement cette première note – proviennent de l’hommage que le sculpteur Jean Suzanne a rendu à son ami : « Montauban. Le galeriste Gérard Conoir s’en est allé », La Dépêche du midi, 3 mars 2023. Je me suis aussi reporté au texte écrit par Yvan et Ann Conoir (les deux enfants de Gérard et Luce) à l’occasion de l’exposition « Hommage à Gérard Conoir », organisée à la galerie Blandine-Roques de Montauban en novembre 2023. Enfin, je remercie Yvan Conoir de m’avoir fourni certaines précisions ainsi que maints documents. En particulier le récit que sa mère a écrit sur la vie de son père – le « je » du texte – à la fin du siècle dernier : Luce G. Conoir, Le Scribe qui venait de la mer, non publié. Les plus longues citations sont tirées de ces pages biographiques.

    [2] Né à La Haye, Vanderpyl a vécu dans cette ville jusqu’à son arrivée à Paris en septembre 1899. Il n’a jamais quitté la capitale française si ce n’est pour se rendre en vacances dans le Midi et effectuer nombre de voyages (la plupart des départements français dont l’Algérie, mais aussi Londres, la Belgique, les Pays-Bas, l’Allemagne, la Suisse…) et enfin pour passer les derniers mois de sa vie dans une petite commune du Vaucluse.

    vanderpyl,conoir,anacréon,littérature,collectionneur,peintre,galeriste,vlaminck,desnos,colette,valéry,andré salmon[3] Gérard Conoir a sympathisé avec Carco. Vanderpyl connaissait assez bien cet auteur ainsi que ses écrits qui témoignent, selon lui, d’un certain talent. Mais il n’appréciait guère le bonhomme : dans son Journal (date non précisée), il le traite d’« horrible voyou ».

    [4] Pierre Mac Orlan faisait lui aussi partie des connaissances de Fritz. Les deux hommes passent par exemple du temps ensemble à Paris le 20 août 1920. Sans doute se sont-ils aussi vus trente ans plus tard, le vendredi 17 février 1950, à l’occasion d’un hommage rendu à Maurice de Vlaminck lors de l’une des soirées poétiques du Roméo et Juliette, 9 rue Quentin-Bauchart, au cours de laquelle l’auteur du Quai des Brumes devait prendre la parole ainsi que Carco, Dorgelès, Salmon, Maurice Delamain, Genevoix, Queneau, Marcel Sauvage et Lucienne Delforge. Fritz était convié à cet évènement.

    [5] Uniquement deux allusions à Marcel Aymé dans le Journal de Vanderpyl, ceci en octobre 1949 : Fritz lit le livre dont tout le monde parle, à savoir Le Confort intellectuel. Cet essai lui rappelle Le Neveu de Rameau (« une imitation » ?), mais en plus littéraire.

    vanderpyl,conoir,anacréon,littérature,collectionneur,peintre,galeriste,vlaminck,desnos,colette,valéry,andré salmon[6] Vanderpyl et Reverdy figurent au sommaire du numéro de janvier 1917 de la revue Sic et, à côté d’Apollinaire, d’André Breton, de Philippe Soupault ou encore de Max Jacob, de celui des numéros 6-7 (août-septembre 1917) de la revue Nord-Sud. À ce poète, qu’il cite dans ses mémoires, Fritz emprunte l’épigraphe du premier chapitre de ceux-ci : « Qui ne rayonne pas, qui ne se projette pas dans les autres n’est pas. » Les deux hommes ont eu l’occasion de se croiser, par exemple le dimanche 26 novembre 1916 ; Fritz avait reçu une invitation pour assister à une performance d’avant-garde « Lyre et Palette » de la salle Huyghens à laquelle participaient Apollinaire, Cendrars, Cocteau, Max Jacob, André Salmon et donc Reverdy.

    [7] « Fameux article de L.-P. Fargue (dans Paris) sur la liberté de s’exprimer. J’ai horreur de ce bonhomme cabotin et vaniteux. Mais quel papier ! » (F. Vanderpyl, Journal, 19 février 1946). Il ne lui emprunte pas moins une citation en guise d’épigraphe au chapitre X de ses mémoires : « Nous entrons dans une ère d’arrivisme forcené, dans un caviar pressé d’individualismes qui se prennent pour des forces collectives, dans un tunnel où le cerveau, devenu fou, se croit Dieu ! »

    Utrillo, par S. Valadon (1921)

    vanderpyl,conoir,anacréon,littérature,collectionneur,peintre,galeriste,vlaminck,desnos,colette,valéry,andré salmon[8] Vanderpyl a côtoyé à bien des reprises les peintres Utrillo (il passe par exemple l’après-midi du 11 mars 1951 cher lui) et Derain (dès l’époque du bistrot du père Azon et probablement cinquante ans plus tard à la librairie L’Originale). Il goûtait le travail des deux et admirait même celui du second. Il a consacré à chacun un chapitre de son ouvrage Peintres de mon époque (1931). À propos du premier, il écrit dans son Journal le 18 décembre 1949 : « Un nommé Bauër qui signe Guermantes a été en visite chez Utrillo : le pauvre ne savait pas se reculotter en sortant des cabinets au cours d’un déjeuner auquel j’assistais en 1943 ! Il est emmerdé par les journalistes, emmerdé par l’horrible mercante Pétridès, emmerdé par sa ridicule épouse née Pauwels, par ses domestiques et infirmières… Quel sort, celui de ce pauvre imagier qui n’est point aussi grand peintre qu’on le croit, mais habile plus qu’on le sache, un brave petit voyou parisien béatifiable. » Vanderpyl pose pour le second en avril 1914 : « Derain (André) depuis quelque temps a entrepris mon portrait. Tous ces peintres veulent me peindre, me sculpter, etc. Les résultats sont toujours mauvais. Ma gueule, dit Hermine, est trop grande pour eux. Depuis huit jours, Derain ne me fait plus poser. Cela a commencé par un lapin… puis il ne fait plus rien entendre, ni de lui, ni de sa peinture. Bizarre. » (25 avril 1914). Il semble que ce portrait ait été terminé en mai. D’ailleurs, Vanderpyl évoque ces séances de pose dans le poème « En posant… », qu’il dédie initialement au peintre : Je pose pour le visage heureux : / le peintre a les yeux sur la toile, / je le vois mélanger du bleu et du blanc : me met-il de célestes voiles ?

    Lettre de Colette à Vanderpyl

    vanderpyl,conoir,anacréon,littérature,collectionneur,peintre,galeriste,vlaminck,desnos,colette,valéry,andré salmon[9] Une lettre de Colette, non datée (vers 1920-1921) et adressée à Madame/Monsieur Vanderpyl, figure dans les « archives Vanderpyl » : le refus d’un des contes de ce dernier pour la rubrique les « Mille et un Matins » du quotidien Le Matin. Dans ces mêmes archives, on trouve une signature autographe de Colette qui figure sur sa préface à « Peintures-Sculptures et Dessins de Bêtes », exposition organisée en février 1927 à la galerie Briant-Robert, 7 rue d’Argenteuil, Paris. Fin 1924, Vanderpyl a fait parvenir à Colette – qu’il n’a fait que croiser en quelques occasions et de laquelle il n’a jamais été proche – le texte de l’un de ses romans en espérant qu’elle puisse lui trouver un éditeur. Sans succès. Habitué à émettre des avis tranchés sur tout le monde, le Parisien d’adoption écrit dans son Journal (le 28 novembre 1956), non sans faire allusion à son excommunication des milieux littéraires : « On ne parle encore que de Colette, sans jamais citer Willy, son instituteur : sans lui, elle n’aurait peut-être jamais écrit que des fadaises, ces fadaises qui se trouvent au fond de tous ses bouquins sauf les tout premiers qu’elle composait sous la haute direction de son mari, son premier mari, bien entendu : c’était une grue intéressée, une gousse, intéressée aussi ; une cabotine non moins intéressée : seul Salmon dans le deuxième volume de ses Mémoires (où il a supprimé mon nom, même là où il s’imposait formellement), seul Salmon en passant promet des révélations à ce sujet dans un prochain tome de souvenirs. Je ne lui en veux pas de m’avoir vidé : il n’y est pour rien et doit obéir aux sommations d’Israël à travers Paulhan et autres honnêtes gens. » Dans ses Souvenirs sans fin (1903-1940), Salmon a intitulé un chapitre « Ici, Colette ».

    [10] Paul Valéry, du moins son Monsieur Teste, n’avait pas non plus l’heur de plaire à Vanderpyl : « Quel abus de mots, de mots, de mots arrangés inusuellement pour dire des vérités premières : Faust, les Évangiles et saint Augustin sont déjà pleins de ces idées sur l’impondérable. Et quelle prétention ! Faut-il que le public distingué soit Kon (sic) pour faire un succès à pareil bavardage de bachelier. » (Journal, 16 novembre 1951) Mais le 15 décembre de la même année, il ne manque pas de relever la citation suivante de feu l’académicien : « Je n’aime pas les Juifs, car ils n’ont pas d’art. Ils ont tout pillé en fait d’architecture, etc… aux races voisines. » Anacréon possédait un exemplaire de Monsieur Teste illustré par l’auteur.

    Un des Nus de la collection Vanderpyl, signé André Favory

    vanderpyl,conoir,anacréon,littérature,collectionneur,peintre,galeriste,vlaminck,desnos,colette,valéry,andré salmon[11] Dans son Journal, Vanderpyl laisse entendre qu’il avait déjà, dans ses jeunes années en Hollande, un cabinet plein de bibelots. Dès qu’il a un toit à Paris, il se met à accumuler reproductions, dessins, gravures et autres objets, dont il dresse à l’occasion des listes… Ainsi, le 28 octobre 1956, il énumère une part des œuvres d’art qui peuplent son intérieur avant de conclure : « Même dans mon cabinet de toilettes, il y a des fleurs, des sculptures, des bibelots, des Nus sur un fond bleu clair. Je n’ai plus ni Derain, ni Raoul Dufy, ni paysages de Vlaminck, ni Friesz, etc… tout cela vendu pour manger pendant l’Occupation ! »

    [12] Voir Daniel Cunin, « Apollinaire, Durand et Dupont », http://flandres-hollande.hautetfort.com/archive/2021/06/04/apollinaire-dupont-durand-6320082.html. Les liens entre les deux hommes méritent un véritable exposé. Dans un passage non daté de son Journal (sans doute vers la fin des années quarante), Vanderpyl mentionne cette aquarelle de 1916 comme étant une « nature morte ». La dédicace de l’auteur d’Alcools pour son ami commence par : « Le pot de fleurs de la rue de la Montagne Sainte-Geneviève et tout ce qui s’ensuit… »

    vanderpyl,conoir,anacréon,littérature,collectionneur,peintre,galeriste,vlaminck,desnos,colette,valéry,andré salmonIl s’agit probablement d’une allusion à un épisode de la vie amoureuse de Fritz et au pot de réséda qu’il souhaitait offrir à l’une de ses compagnes – un souhait exprimé dans l’un de ses poèmes, justement intitulé « Avril sur la Montagne Sainte-Geneviève » (publié dans Vers et Prose, juin-juillet-août 1908, p. 115, repris dans plusieurs recueils). Le réséda resurgit dans une carte postale que lui adresse son ami le poète Guy-Charles Cros le 17 février 1913. Vanderpyl tenait à avoir en permanence des fleurs autour de lui. Ce n’est pas un hasard si, début 1962, depuis sa résidence de Sanary, André Salmon écrit aux Vanderpyl qui fêtent leurs noces d’or, ces mots qui renvoient aux trois adresses principales où a vécu le poète à Paris : « Je suspens, tel qu’en songe, une branche fleurie de mon amandier au balcon de la rue Gay-Lussac en me souvenant des bouquet printaniers de la rue des Écoles et de la rue Princesse. »

    Manolo, par Picasso (1904)

    vanderpyl,conoir,anacréon,littérature,collectionneur,peintre,galeriste,vlaminck,desnos,colette,valéry,andré salmon[13] Vanderpyl a souvent vu Manolo – « qui, dans mon premier roman : Marsden Stanton à Paris, porte le nom de Majados » (Cf. Mémorial sans dates, les mémoires de Vanderpyl) – avant la Grande Guerre, en particulier à la Closerie des Lilas. Le roman Marsden Stanton à Paris a paru en feuilletons, fin 1916, dans le Mercure de France, avant d’être tiré à seulement quelques exemplaires par Grasset, en 1923, sous le titre L’Américain. De Manolo, le critique a également possédé une aquarelle : Rue à Montmartre (1913). Écoutons G. Conoir rapporter une anecdote à propos des deux compères : « Secoué d'un énorme rire, Vanderpyl évoqua un banquet auquel le sculpteur Manolo avait convié ses amis poètes, peintres et sculpteurs accourus de Montparnasse et descendus de Montmartre. La chère était maigre alors. La journée se déroulait souvent avec un pain et une once de saucisson. Survenait un acheteur pour l’un d’entre eux, lequel invitait ses amis, ce que fit Manolo. Le dîner fut somptueux. Au dessert, il avoua qu’il n’avait pas un sou vaillant. Consternation… puis rires. Il promit que, dans l’heure, il pourrait régler l’addition et s’éclipsa. Brandissant à bout de bras les billets indispensables, il revint très vite et s’expliqua. Dans un salon voisin, une assemblée bourgeoise festoyait à l’occasion d’un mariage. Manolo leur avait proposé une tombola : un dessin tracé séance tenante devant son public en serait le gros lot. Il emplit un chapeau de morceaux de papiers numérotés qu’il distribua moyennant finance, agrémentant la quête de facéties et de boniments. Le dessin fut attribué au gagnant. L’argent récolté, Manolo disparut sous les applaudissements. »

    vanderpyl,conoir,anacréon,littérature,collectionneur,peintre,galeriste,vlaminck,desnos,colette,valéry,andré salmon[14] Abréviation et surnom de Vanderpyl. Avec l’auteur André Salmon ou encore les poètes Paul Fort et Guy-Charles Cros, Vlaminck sera, durant plus d’un demi-siècle, l’un des grands copains de Vanderpyl. Ce dernier a consacré de nombreux articles à cet artiste ainsi que le premier chapitre de Peintres de mon époque. Dans quelques ouvrages de teneur autobiographique de Vlaminck, par exemple Tournant dangereux (1929) et Portrait avant décès (1943), Vanderpyl apparaît, mais plutôt furtivement. Le propriétaire de la mythique Tourillière a illustré de magnifiques bois gravés (ci-contre) le recueil de Fritz intitulé Voyages (1920) et d’un autre bois sa petite anthologie Poèmes 1899-1950 (1950).

    [15] Les « archives Vanderpyl » en possession de ses ayants droit contiennent nombre de lettres pleines d’affection de Berthe aux Vanderpyl. Celle-ci prenait bien plus souvent la plume que son mari, parfois sous sa dictée.

    vanderpyl,conoir,anacréon,littérature,collectionneur,peintre,galeriste,vlaminck,desnos,colette,valéry,andré salmon[16] À partir de leur rencontre à Graveson, localité proche du département du Vaucluse, au cours de l’été 1926 (voir « Auguste Chabaud », L’Europe nouvelle, 8 janvier 1927, p. 56-57), les deux hommes vont devenir de francs camarades, s’écrire de temps à autre et se retrouver dès que le critique reviendra en vacances dans le Midi où vit une partie de la famille de son épouse Hermine. À lui aussi, il consacre un chapitre dans Peintres de mon époque. Quant à Chabaud, qui a beaucoup écrit – non sans talent – en plus de peindre et de sculpter, il a dédié des poèmes à Fritz, écrit des vers sur lui et l’a portraituré à plusieurs reprises. L’un de ces portraits, une huile sur carton, est en possession des héritiers du peintre Pierre Jouffroy. Un autre, des héritiers de Jean-Marie Fage. Pour ce qui est des vers, en voici quelques-uns, certes des vers, pourrait-on dire, de mirliton : « Critique d’art et gastronome / Et amateur du sex-appil / Est-il besoin qu’on vous le nomme / C’est le poëte Vanderpyl. // Je sais bien, on écrit appeal / C’est vrai, mais l’on prononce appil. / Ça tombe à pic, ce n’est pas mal / Car ça rime avec Vanderpyl. » Il convient de les resituer dans les années trente, époque où Vanderpyl (on prononce en effet le « y » à la française et non à la néerlandaise) a publié de brèves nouvelles dans des revues érotiques rehaussées de photos de pin-up. Pour les tableaux de Chabaud conservés au musée Anacréon, voir : https://collections.musees-normandie.fr/search/b6c38f8b-fa06-4d7d-8b21-784cb1b140f1.

    Numéro de Sélection contenant un essai de Vanderpyl sur Dufy

    vanderpyl,conoir,anacréon,littérature,collectionneur,peintre,galeriste,vlaminck,desnos,colette,valéry,andré salmon[17] Vanderpyl et Dufy – dont le Hollandais a possédé à une époque au moins quatre œuvres, l’artiste ayant d’ailleurs, à son tour, fait son portrait – se sont souvent côtoyés dans les années vingt du siècle passé, de temps à autre en compagnie d’un autre peintre de qualité, André Favory, lui aussi, comme son confrère, gratifié d’un chapitre dans Peintres de mon époque. Voir par exemple la lettre de Dufy du 7 décembre 1924 à Vanderpyl conservée au musée Anacréon, institution qui possède d’ailleurs un Nu étendu signé Favory. D’après le Journal du Haguenois, le 11 août 1920, Dufy rend visite à Fritz avec Vlaminck ; Raoul lui « apporte un bois – épreuve – d’un livre de Duhamel qu’il illustre ». Le lendemain, le nouveau critique d’art du Petit Parisien passe « l’après-midi chez Raoul Dufy : me donne une toile avec une vague mécanique ! et une belle lithographie ». Un jour, Fritz se rend à l’atelier du peintre avec son ami T.S. Eliot, lequel achète à ce dernier un dessin (lettre en anglais de Vanderpyl à Ezra Pound, 15 décembre 1951 : « Since years and years what I know about Eliot comes to me by the press. Since I went with him in the studio of Raoul Dufy where he bought a charming drauwing, I never saw him anymore. »).

    [18] Autre ami fidèle de Fritz auquel ce dernier réserve également un chapitre dans Peintres de mon époque. Le peintre a illustré le recueil de Fritz intitulé Mon chant de guerre (1917).

    F. Desnos & F. Vanderpyl chez P. Léautaud buvant du champagne (tableau de Desnos)

    vanderpyl,conoir,anacréon,littérature,collectionneur,peintre,galeriste,vlaminck,desnos,colette,valéry,andré salmon[19] Pour ce qui est de Paul Léautaud, nous espérons présenter dans le futur une contribution sur ses liens avec Fritz Vanderpyl. Les deux hommes se sont certainement croisés la toute première fois dans les locaux du Mercure de France, avant 1914 ; la première collaboration de Fritz à la revue éponyme date de 1911. Il apparaît pour la première fois dans le célèbre Journal Littéraire à la date du dimanche 17 septembre 1916 : « Dîner et café avec Billy, Mme Faure-Favier, Morisse, Vanderpyl et Dehorne. » Le peintre Ferdinand Desnos, dont il est question un peu plus loin, a laissé des portraits des deux hommes. Il a d’ailleurs immortalisé l’une de leurs rencontres chez Léautaud. Vanderpyl avait rencontré ce peintre encore inconnu dans les bureaux du quotidien auquel il était rattaché : « J’ai connu Desnos entre 1920 et 30. Il fonctionnait à ce moment comme électricien au Petit Parisien, le journal au plus fort tirage d’Europe. Un beau jour, je trouvai dans mon casier de collaborateur du dit quotidien un mot d’un des chefs d’administration chez lequel je me rendis pour savoir de quoi il s’agissait. En entrant dans son bureau, je vis, appuyées sur le parquet et contre les bouts de mur, des toiles non encadrées représentant des paysages. Elles étaient le travail d’un Tourangeau relativement jeune, marié et ayant plusieurs filles. Je m’occupai à le faire admettre au Salon des Indépendants. » (feuille volante non datée dans les « archives Vanderpyl »). À Ivry-sur-Seine, la tombe de Desnos porte, semble-t-il, une épitaphe composée de vers de Vanderpyl.

    vanderpyl,conoir,anacréon,littérature,collectionneur,peintre,galeriste,vlaminck,desnos,colette,valéry,andré salmon[20] Relevons au passage que le musée abrite un portrait de l’écrivain André Salmon (ci-contre) réalisé en 1942 par Marie Laurencin, ainsi que d’autres œuvres et documents de cette dernière. Vanderpyl connaissait Marie Laurencin depuis au moins 1909 (le 8 septembre 1909, écrit-il dans son Journal, il dîne chez Apollinaire en présence de la peintre, de Salmon et de quelques autres convives). Même s’il a possédé l’une de ses œuvres, il n’appréciait guère son art qui se résumait, selon lui, à des « chichis ». Il la considérait même comme « la mère Humbert de la peinture », en référence à l’escroc française Thérèse Humbert. Il s’offusque des prix « rembrandtesques » qu’atteignent ses toiles, elle qui l’emmerde et l’énerve de la même façon que Proust peut le faire quand il s’efforce de lire le romancier. Il considérait que la peintre avait été créée plus ou moins de toutes pièces par Apollinaire. Le musée Anacréon détient une carte postale d’Apollinaire à Salmon en date du 21 décembre 1903, l’exemplaire d’Alcools dédicacé à ce dernier, plusieurs lettres et livres du même.

    [21] Louis Vauxcelles, « Souvenirs d’un vieux critique. Joachim Gasquet et le dîner des Tourelles », Beaux-Arts, 28 avril 1939, p. 5.

    [22] Une dizaine d’années plus tôt, Vanderpyl avait un autre « protégé », que lui et Hermine ont d’ailleurs hébergé, en la personne de Georges Vergnes (1922-2000), lequel fera carrière comme écrivain en montrant entre autres un réel attrait, ô hasard ! et pour Apollinaire et pour la gastronomie.

    Rose Elsie

    vanderpyl,conoir,anacréon,littérature,collectionneur,peintre,galeriste,vlaminck,desnos,colette,valéry,andré salmon[23] C’est ce qu’il confie à son Journal le 15 septembre 1915. Vanderpyl s’est souvent rendu à l’opéra, en particulier pour accompagner des touristes étrangers qu’il guidait ou encore pour aller écouter sa belle-sœur, la soprano Rose Elsie. Mais au bout d’un certain temps, le milieu lui a inspiré du dégoût.

    [24] Ce que confirme la mention « le petit Gérard Conoir qui débute », autrement dit qui débute dans le monde des arts (Journal de Vanderpyl, 11 novembre 1956).

    [25] Le galeriste Gérard Conoir devait l’imiter, non en vue d’écrire des comptes rendus, mais d’organiser des expositions. À travers la plume de son épouse, il évoque ce plaisir : « Joie qui ne se démentit jamais : la visite d’un atelier en vue, peut-être, d’une exposition. Scénario qui se renouvelle toujours. Entrée dans l'antre du peintre. Odeur forte de peinture, fouillis ou rigueur du rangement – allant parfois jusqu’à l’alignement des pinceaux par taille –, les toiles, nez au mur, sont à découvrir. Émerveillement des accords de couleurs, d’un rythme ou d’un graphisme. Entrebâillement sur un monde inimaginé et soudaine adhésion qui saisit le ‘‘voyeur’’ d’une violente émotion. Ni Luce ni moi ne bougeons. Puis l’un s’avance pour ‘‘flairer’’ de plus près, l’autre s’approche aussi. Quelques mots presque inaudibles sont échangés. Un signe de tête. Nous savons que nous aimons. Commence alors la discussion, les projets d’expos, le choix des œuvres. »

    vanderpyl,conoir,anacréon,littérature,collectionneur,peintre,galeriste,vlaminck,desnos,colette,valéry,andré salmon[26] Vanderpyl ne devint à proprement parler journaliste qu’en 1920. Cependant, avant même sa rencontre avec Hermine au printemps 1911, il faisait imprimer des cartes de visite en se déclarant « Publiciste », résidant 43, rue des Écoles.

    [27] Dans le Journal de Vanderpyl, on trouve, au printemps 1960, sans mention de date, la facture d’un repas pour 4 à une table de ce restaurant. Les jeunes mariés ont apprécié la cuisine locale : « les truites aux amandes et l’agneau piqué d’ail ».

    [28] On verra par exemple son article « L’art dégénéré selon les Allemands d’aujourd’hui », Le Petit Parisien, 8 mai 1939, p. 8. Marc Chagall n’en a pas moins droit, lui aussi, à un chapitre, certes pas forcément très élogieux, du volume Peintres de mon époque. L’antisémitisme de Vanderpyl devra faire l’objet d’une étude approfondie. En attendant, on pourra se reporter à : Daniel Cunin, « Fritz Vanderpyl, un infréquentable bon vivant parmi la bohème artistique parisienne », https://www.les-plats-pays.com/article/fritz-vanderpyl-un-infrequentable-bon-vivant-parmi-la-boheme-artistique-parisienne et, du même, à « Een ongenietbare levensgenieter », De parelduiker, mai 2024. Ainsi, par exemple, qu’à l’ouvrage d’Alessandro Gallicchio, Nationalismes, antisémitismes et les débats autour de l’art juif. De quelques critiques d’art au temps de l’École de Paris (1925-1933), traduction de Katia Bienvenu, Paris, Éditions de la Maison des sciences de l’homme/Centre allemand d’histoire de l’art/Deutsches Forum für Kunstgeschichte (DFK Paris), 2023 (en ligne : https://books.openedition.org/editionsmsh/55423?lang=fr).

    vanderpyl,conoir,anacréon,littérature,collectionneur,peintre,galeriste,vlaminck,desnos,colette,valéry,andré salmon[29] Voir sur cet artiste de l’Isle-sur-la-Sorgue, ami de René Char : Jean-Marie Fage. Tracer la lumière, Lyon/L’Isle-sur-la-Sorgue, Fage/Campredon, 2020. Alors sans le sou, Fage s’invitait assez souvent à déjeuner chez les Vanderpyl. Il a mis de tels passages à profit pour peindre l’intérieur du 13, rue Gay-Lussac. Fage a réalisé quatre portraits à l’huile (sur isorel, sur carton ou sur toile : 1951, 1957, 1960 et 1966) du poète Fritz Vanderpyl et sans doute aussi des dessins représentant ce dernier (informations transmises par Luc-Henri Fage). Notons encore que, le 2 avril 1955, Vanderpyl a été le témoin de mariage de Fage, lequel conservait dans son atelier vauclusien un portrait de Fritz, réalisé par Auguste Chabaud, sans doute le cadeau de mariage offert par le critique.

    [30] Paul Fort et Vanderpyl, c’est une amitié, avec ses hauts et ses bas, d’environ cinquante-cinq ans.

    [31] Il s’agit de l’article « La rétrospective de l’œuvre d’Antoine Bourdelle au musée de l’Orangerie », Le Petit Parisien, 13 février 1931, p. 6.

    [32] Lequel fait lui aussi l’objet d’un chapitre de Peintres de mon époque. Relevons que plusieurs chapitres de ce livre ont été réédités en 1949 en Argentine sans l’accord, semble-t-il, de leur auteur.

    vanderpyl,conoir,anacréon,littérature,collectionneur,peintre,galeriste,vlaminck,desnos,colette,valéry,andré salmon[33] Il est peu probable que Vanderpyl y ait rencontré le peintre Nicolas de Staël qui a séjourné quelques semaines dans ce village en juin-juillet 1953 (Cf. Laurent Greilsamer, Le Prince foudroyé. La vie de Nicolas de Staël, Paris, Fayard, 1998, réédition Le Livre de Poche, n° 31449, novembre 2019, p. 315-317). Si Hermine a gagné le Midi le 21 juillet de cette année-là, Fritz ne l’a fait, semble-t-il, qu’en septembre. Aurait-il apprécié la peinture du natif de Saint-Pétersbourg ? Probablement quelques-unes de ses toiles les plus récentes, lesquelles se faisaient un peu plus figuratives que les précédentes.

    [34] À propos de ce patronyme, voir notre article mentionné à la note 12 : « Apollinaire, Durand et Dupont ». Il est certain que Vanderpyl a rappelé son échange épistolaire avec Apollinaire lorsque Gérard Conoir lui a présenté sa future épouse, Luce Durand.

    [35] Quelques commentateurs sont d’ailleurs tombés dans le panneau ou, du moins, dans leur hâte de pondre leur papier, ils n’ont pas relevé la supercherie. Voir par exemple : Georges Charensol, « Les livres d’art », Les Nouvelles littéraires, artistiques et scientifiques, 9 mai 1931, p. 8 ; Louis Léon-Martin, « L’art en France… et à l’étranger. Coups de Bichon. Peintre de mon époque, par Vanderpyl », Paris-Soir, 9 octobre 1931, p. 2 ; Claude Blanchard, « Un livre de critique. Peintres de mon époque par Vanderpyl », Le Petit Parisien, 12 mars 1931, p. 6. René Chavance a été plus inspiré : « Aux quinze peintres susnommés, M. Vanderpyl en ajoute un seizième : Jean Durand. Ne cherchez pas. Vous ignorez Jean Durand et, pourtant, vous le connaissez tous. Jean Durand est Monsieur-tout-le-monde, qui se mêle ou se mêlera demain de prendre un pinceau et d’exposer dans un Salon. Car, pour finir, ce livre prophétise l’immanquable et totale diffusion de la peinture. » (« Les Lettres et les Arts. Peintre de mon temps », La Liberté, 12 août 1931, p. 2).

    [36] Max Aub, Jusep Torres Campalans, traduction de l’espagnol par Alice et Pierre Gascar, révisée par Lise Belperron, Gallimard, Paris, 2021.

     

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    Les Lotus, maison des Conoir à Saint-Jean-le-Thomas

     

     

  • Longue vie à Je vais vivre

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    Texte prononcé à loccasion de la remise du Prix littéraire des lycéens de l’Euregio le 24 mai 2023 à Heerlen

     

    Longue vie à Je vais vivre

     

    Lale Gûl, roman, pays-bas, prix littéraire, heerlen

     

     

    D’une certaine façon, traduire Ik ga leven de Lale Gül a constitué pour moi une expérience un peu inédite. Non tant en raison du passage du néerlandais au français – même si le grand écart, dans l’original, entre les différents registres de langue a certes représenté un véritable défi –, que des circonstances qui ont précédé ce travail. J’ai pris connaissance du roman peu après sa parution, y ai consacré une recension et, dès mars 2021, écrit en collaboration avec un ami journaliste un long article sur la polémique que le livre suscitait aux Pays-Bas. Ceci parce que les rares médias francophones qui évoquaient la question s’en tenaient à des données très approximatives, voire erronées – ce qui est malheureusement souvent le cas, je dois dire, lorsqu’une actualité porte sur la Hollande.

    Traducteur de Marieke Lucas Rijneveld, j’avais pris quelques semaines plus tôt la parole – par écrit et à la radio – au sujet d’une autre polémique qui secouait le landerneau littéraire batave et celui des traducteurs européens : l’« interdiction » faite à la jeune poète et romancière blanche de traduire le poème d’une Noire américaine.

    On dit souvent que le traducteur d’un livre donné en est le meilleur lecteur. On pourrait ajouter que le traducteur, dans son aire linguistique, est souvent la personne la mieux informée au sujet de ce qui se dit et s’écrit à propos d’un écrivain étranger qu’il traduit ou qu’il suit de près. Vous l’aurez compris, la maîtrise de pareils sujets me pousse à l’occasion à m’exprimer sur un auteur donné. C’est d’ailleurs ma prise de parole au sujet de Lale Gül qui a incité les éditions Fayard, maison au sein de laquelle je ne connaissais personne, à me demander de traduire Ik ga leven. Auparavant, des journalistes m’avaient contacté pour obtenir d’autres précisions sur le roman et son autrice ; peu après, Lale Gül figurait en couverture de l’hebdomadaire Le Point.

    Ce bref propos pour illustrer le fait que le rôle du traducteur ne se limite pas toujours à un simple travail d’écriture et de réécriture. Il arrive qu’on défende un écrivain auprès d’un éditeur ; il arrive aussi qu’on éprouve le besoin de prendre la défense d’un écrivain devant l’opinion publique.

    Avant même d’avoir échangé le moindre mot avec Lale Gül, j’avais donc déjà rompu une lance pour elle. Vous, lycéens de ces contrées frontalières, en lui décernant ce prix de l’Euregio, vous venez de rompre une lance pour son roman, ceci avant même que la traduction française ne soit parue ! Lale serait-elle pressée de vivre en français ?

     

     

    Daniel Cunin

     

     

  • Westerbork à travers le regard de Philip Mechanicus

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    Conférence donnée lors du colloque des Amis d’Etty Hillesum, Paris, 26 novembre 2023

     

     

    Westerbork à travers le regard de Philip Mechanicus

     

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    Philip Mechanicus, Cadavres en sursis. Journal du camp de Westerbork

     

     

    Le camp de Westerbork : bref historique

     

    Westerbork est le nom d’une petite localité de la province de la Drenthe, dans le nord-est des Pays-Bas, à une bonne vingtaine de kilomètre de l’Allemagne. Wester renvoie à « ouest », le point cardinal, tandis que bork est un terme régional peu usité qui désigne la partie rugueuse et croûteuse de l’écorce d’un arbre, plus particulièrement l’écorce du chêne, broyée ou non, que les tanneurs utilisaient pour faire du feu. Est-ce bien là l’étymologie de Westerbork ? Si l’apparition de ce village remonte au Moyen Âge, son nom revêt depuis les années quarante du siècle passé une charge particulière. À environ douze kilomètres de ce lieu se trouvait en effet un camp de réfugiés éponyme, devenu camp de transit policier, par lequel sont passés des dizaines de milliers de personnes, dans leur très grande majorité des Juifs, avant d’être déportées dans les camps de la mort.

    Ph. Mechanicus

    mechanicus,etty hillesum,westerbork,guerre 39-45,pays-bas,diaristeSi nombre de Juifs fuyant l’Allemagne et l’Autriche nazies ont été accueillis, au fil des années, à Amsterdam et ailleurs à l’initiative d’associations et de particuliers, devant l’afflux de ceux entrés en Hollande légalement ou non en 1939, les autorités néerlandaises décident de construire un camp sur des terres sablonneuses incultes, au milieu de landes peu hospitalières où ne poussent guère que de la bruyère et, aux beaux jours, des lupins. On promet à ces réfugiés des baraques en bois équipées du chauffage central et de sanitaires de qualité. On leur fait miroiter la possibilité de cultiver des terres, de développer certains artisanats, de construire une synagogue, une école, etc. En août 1939, les travaux commencent, financés par… la communauté juive ; en octobre, les premières personnes s’installent dans le camp.

    Quand l’Allemagne envahit les Pays-Bas le 10 mai 1940 et que la capitulation est effective à l’aube du 15, le camp de Westerbork, encore loin de répondre à toutes les promesses d’aménagement gouvernementales, compte environ 750 résidents. Au fil des mois, on va y regrouper la plupart des réfugiés du pays. Le ministère de la Justice prend le contrôle des lieux. Cela se traduit par de premières restrictions quant à la liberté d’aller et venir, par deux appels quotidiens, par le début de la censure sur le courrier, etc. En charge de la discipline et de l’administration de Westerbork, l’officier Schol, un homme qui n’éprouve aucune sympathie pour les nazis, pense qu’une organisation militaire des lieux est le meilleur moyen de tenir l’occupant à l’écart – un espoir qui, on le sait, se révèlera vain. Parallèlement, il améliore l’enseignement ainsi que les conditions de travail. Si Schol reste en poste jusqu’à début 1943, Westerbork est en réalité devenu à compter de juillet 1942 un camp de transit policier (Polizeiliches Judendurchgangslager), ceci pour répondre aux exigences de la politique de déportation et d’extermination nazie. Ainsi que le rappelle sa biographe – Judith Koelemeijer, Etty Hillesum. Het verhaal van haar lerven, Amsterdam, Balans, 2022, à paraître en traduction française en 2024 –, avant le printemps 1942, Etty Hillesum semblait avoir d’autres préoccupations que ce camp perdu dans la Drenthe.

    mechanicus,etty hillesum,westerbork,guerre 39-45,pays-bas,diaristeÀ partir d’octobre 1942, c’est le SS-Obersturmführer Albert Konrad Gemmeker qui dicte sa loi à Westerbork. Barbelés et tours de guet délimitent dès lors les lieux. Le maintien de l’ordre est confié à des membres de la « maréchaussée » (gendarmerie) néerlandaise et surtout au Service d’ordre juif (Joodse Ordedienst), autrement dit à des Juifs qui pour beaucoup comptaient parmi les plus anciens résidents. Faisant patte de velours, Gemmeker actionne la machine pénitentiaire en divisant pour mieux régner. Écoutons Philip Mechanicus : « Les serviteurs du Führer jouent avec les Juifs comme le chat avec la souris : ils les chassent d’un côté puis de l’autre et s’amusent à les voir le trouillomètre à zéro, à les voir s’épuiser peu à peu. » Le commandant délègue à des Juifs allemands et autrichiens qui occupent des postes privilégiés le soin de gérer l’afflux des nouveaux arrivants, pour l’essentiel des Juifs hollandais raflés qui ne tarderont pas à être désignés pour monter dans les trains à destination d’Auschwitz ou encore de Sobibor.

    Ce contraste entre ce qu’on a appelé « l’aristocratie du camp » et « le bétail » destiné au transport – « de la pure et simple matière à convoyer », dixit Mechanicus – se double d’une forme de trompe-l’œil. Pour les nazis, il s’agit de donner l’impression que le camp revêt les caractéristiques d’une ville ordinaire, tout ceci alors même que les conditions d’existence ne vont cesser de se dégrader en raison de problèmes d’hygiène et d’approvisionnements, ainsi que de la surpopulation des baraquements. Si pour Mechanicus « l’atmosphère de Westerbork est celle d’un studio de cinéma : une ville artificielle, un ersatz de ville », le commandant Gemmeker tient à faire passer le camp pour une ville « normale » ; à cette fin, en mars 1944, il demande au cameraman juif Rudolf Breslauer d’en filmer le quotidien. Les images en question, si elles restituent une réalité tronquée et idéalisée, ne constituent pas moins un document unique sur cette antichambre de l’enfer, très peu de temps après que Philip Mechanicus avait été déporté à Bergen-Belsen. Le film d’une heure quarante-cinq minutes qui en a été tiré montre des situations et des personnages dont il est question dans le témoignage écrit que ce même Mechanicus a laissé.

    Rudolf Breslauer

    mechanicus,etty hillesum,westerbork,guerre 39-45,pays-bas,diaristeDans ce que d’aucuns ont baptisé la « capitale juive des Pays-Bas », scindée par le Boulevard des Misères et où arrivait une voie ferrée, on trouvait des entreprises (Phillips, une fabrique de chaussures, une usine de métallurgie…), un grand magasin, un crématorium, un atelier de photographie qui produisait à l’occasion des clichés d’Hitler, un atelier de sculpture, un atelier de menuiserie, un atelier de serrurerie, un atelier de couture, un atelier de confection, une forge, un café avec un petit ensemble de jazz, des crèches, des écoles, une aire de jeu pour les enfants (« L’aire de jeu est prête : quatre tape-culs, deux barres fixes, un bac à sable. J’ai l’impression de loger dans un petit meublé primitif, quelque part loin de la ville, un lieu où l’on aurait eu l’idée de faire un effort pour les enfants. À longueur de journée, la maréchaussée observe depuis les tours de guet des enfants en train de jouer dans leur bac à sable. Il ne fait point de doute que l’un de ces gendarmes écrira dans un avenir plus ou moins proche un livre intitulé : Moi et les petits Juifs dans leur bac à sable. »), des cantines, une prison, une chambre nuptiale pour les jeunes mariés, un bureau de change ; on s’y livrait à des activités sportives (Toujours Mechanicus : « Cet après-midi, ai suivi les compétitions qui se sont déroulées sur la place d’appel. Course, relais, tir à la corde pour les seniors et les juniors. Haie fournie de spectateurs, parmi eux tous les pontes de Westerbork. Ironiques, d’aucuns criaient à ceux à la traîne : ‘‘Accrochez le bon wagon !’’ »). On y assistait à d’autres distractions comme des tournois d’échecs, des concerts, des pièces de théâtre, des spectacles de variétés – les meilleurs spectacles de cabaret de l’époque en Hollande, mais payants, une somme certes très modique ! – ; on y trouvait aussi et surtout un hôpital de pointe qui a compté à un moment donné 1 725 lits, 120 médecins et chirurgiens et 1 000 autres membres du personnel… L’historien Jacques Presser n’a pas manqué de souligner « l’insondable absurdité » de Westerbork, machine destinée à envoyer les gens à la mort alors que le système hospitalier comprenait « des bâtiments abritant (…) des chambres d’isolement, un département pour les aliénés, une somptueuse pharmacie, une cuisine dédiée aux menus diététiques, toutes sortes de magasins, des dessinateurs, des orthopédistes, des coiffeurs, des photographes, des laboratoires, un service d’aide sociale, un service pastoral, des postes de premiers secours, un service d’hygiène, des cliniques dentaires, des estafettes, des portiers, un service postal, une salle d’opération, une polyclinique aux heures de consultation immuables, des bureaux fournissant des informations sur la tuberculose, sur la vaccination contre le typhus et le paratyphus, et déterminant les groupes sanguins. Des bâtiments aussi où les médecins se réunissaient hebdomadairement pour traiter de questions scientifiques et clinique… » Toutes ces installations formaient un camp à l’intérieur du camp.

    Jacques Presser

    mechanicus,etty hillesum,westerbork,guerre 39-45,pays-bas,diaristeEnviron 107 000 personnes sont passées par cette ville concentration- naire ; seules 5 000 ont survécu à la guerre. Par moments, le camp regroupait plus de 10 000 détenus, une population pour le moins hétéroclite : « une très large palette de Juifs : pieux et athées – et toutes les nuances qu’il peut y avoir entre les deux – ; de nombreux types de baptisés, y compris des moines et des moniales portant l’étoile jaune » – on pense à la philosophe Edith Stein passée brièvement par Westerbork – ; « il y avait des sionistes » – entre autres ces jeunes, dont parle Philip Mechanicus, qui souhaitaient gagner la Palestine –, « des assimilés », des membres du parti national-socialiste néerlandais –, « des antisémites », des résistants, quelques aviateurs alliés ; « de très nombreuses nationalités » (Juifs turcs, hongrois, espagnols, roumains, italiens et sud-américains), « même des Libériens et des Honduriens, ainsi que des personnes ayant la double nationalité » ou encore des apatrides et des tziganes ; « il y avait des gens de droite et des gens de gauche. Des catholiques, des antirévolutionnaires, des chrétiens historiques, des libéraux, des socialistes, des communistes ; il y avait des notables et des artisans, des petits commerçants et des paysans, des prolétaires à col blanc ou à col bleu, mais aussi des intellectuels, des artistes ou encore des représentants des professions libérales ; il y avait des gens très âgés (une femme de plus de cent ans) et des nourrissons… »

    On l’a dit, une hiérarchie régnait au sein de cette population : occuper un emploi en vue ou au sein du service d’ordre vous prémunissait en principe contre une déportation prochaine vers l’Est, déportation que tout un chacun craignait car on se doutait que les conditions de vie seraient pires encore qu’à Westerbork. Pour ceux qui, comme Mechanicus, étaient passés par l’un des autres camps de travail ou de concentration hollandais, Westerbork faisait cependant figure de « paradis ». Nombre de détenus se raccrochaient, non à un emploi privilégié, mais au fait qu’ils figuraient sur une liste qui, croyaient-ils, les mettait à l’abri de la déportation en raison de leurs fonctions dans le processus de travail ou d’un quelconque mérite. Par exemple la « liste Palestine » qui était censée permettre un échange de Juifs désireux de faire leur aliyah contre des citoyens allemands (« cinq Allemands, d’après ce que l’on dit, contre un Juif. Un Juif vaut donc cinq Allemands ! ») ou la « liste Calmeyer » censée protéger les Juifs pouvant prouver des origines aryennes ou portugaises.

    À Westerbork, les plus mal lotis étaient les cas « S », le S renvoyant au substantif allemand Strafe, c’est-à-dire « sanction », « punition ». Considérées comme des délinquants, ces personnes, parquées dans une zone distincte du camp dans des « baraques disciplinaires » ou « baraques pénitentiaires », figuraient en première ligne pour être déportées. Dans ce domaine aussi, l’absurde du système mis en place par l’occupant se manifestait : « On ne rigole pas avec le droit. Voici peu, on a amené un bébé de neuf mois étiqueté ‘‘cas S’’. Il a été admis à l’hôpital. Il y a deux ou trois jours, quand on a sorti les enfants de l’hôpital pour qu’ils prennent un peu l’air et le soleil, le bébé est resté confiné dans la salle. Parce qu’en tant que ‘‘cas S’’, il risquait de s’évader. On ne rigole pas avec le droit, et la prudence est mère de la sûreté. » Beaucoup des « délinquants » étaient des Juifs arrêtés alors qu’ils avaient choisi de vivre cachés ou des personnes qui cachaient des Juifs ; on appelait « Juifs blancs » les chrétiens internés à Westerbork qui avaient aidé des Juifs à opter pour la clandestinité.

     

    les images tournées par R. Breslauer, colorisées (1944)

     

     

    Les seize mois de Philip Mechanicus à Westerbork

     

    Le 25 septembre 1942, Philip Mechanicus est contrôlé dans une rue d’Amsterdam alors qu’il ne porte pas l’étoile jaune. Après un mois passé derrière les barreaux, il est transféré dans le terrible camp d’Amersfoort, près d’Utrecht, où il est maltraité. Deux semaines plus tard, le 7 novembre, il arrive en très mauvais état à Westerbork où il est hospitalisé. « Délinquant » ou « cas S » (strafgeval) puisqu’il avait enfreint l’obligation de porter l’étoile, Philip courrait le risque d’être déporté à Auschwitz dès son arrivée dans ce camp. Mais grâce à des protections au sein des services médicaux, il passe deux mois à l’hôpital et près de sept dans les services de rééducation. Neuf mois après son arrivée à Westerbork, le journaliste, qui a repris le dessus tant physiquement que moralement, a l’occasion d’arpenter plus facilement le camp proprement dit, soit une superficie d’environ 500 mètres sur 500 mètres.

    Né en 1889 dans un famille juive du prolétariat de la capitale, Mechanicus s’est formé tout seul, sans pouvoir suivre une véritable scolarité. Petit commis dans un quotidien à l’adolescence, il gravit les échelons pour devenir l’un des journalistes les plus talentueux de sa génération, un intellectuel polyglotte spécialiste de politique étrangère. En raison des mesures prises par l’occupant, il est licencié de son journal durant l’été 1941, mais jusqu’à son arrestation, il donnera clandestinement des papiers « littéraires » et non plus politiques.

    première page du journal de Mechanicus

    mechanicus,etty hillesum,westerbork,guerre 39-45,pays-bas,diaristeÀ Westerbork, Philip Mechanicus se considère comme un « un reporter accrédité aux fins de rendre compte d’un naufrage ». Dans le Journal qu’il tient – ce qui est en principe interdit –, il ne s’épanche pour ainsi dire pas sur sa vie privée. Il tente plutôt de rester le correspondant qu’il a toujours été. Sortis clandestinement du camp, les treize cahiers qui nous sont parvenus ont été édités pour la première fois en 1964 sous le titre In Dépôt (En dépôt) ; il nous manque les deux premiers et le(s) dernier(s). In Dépôt renvoie à la condition de « marchandise » des déportés. Couvrant une période d’exactement neuf mois, ces cahiers conservés ont été noircis dans les conditions précaires que l’on imagine, au fil de la plume, le journaliste étant le plus souvent perché en haut des lits superposés, au « troisième étage », selon sa formule, ou assis dehors dans une brouette. Offrant l’une des meilleures sources sur ce camp de transit, ils sont nourris des réflexions et considérations d’un homme au fait de la situation politique et militaire, un homme qui, de surcroît, n’a rien perdu de sa veine humoristique. Des confrères qu’il a côtoyés en captivité n’ont pas manqué d’exprimer leur étonnement devant sa persévérance et sa capacité à écrire dans pareilles conditions. Un véritable tour de force. Quand il n’écrit pas, Philip s’adonne à son autre passion, les échecs. Il lui arrive aussi de jouer au bridge et de poser pour une peintre qui le portraiture au crayon à papier. Durant la plus grande partie de sa captivité, Mechanicus parvient à se soustraire à l’obligation de travailler – prouesse qui lui vaut, de la part de certains de ses compagnons d’infortune, le surnom de « champion des tire-au-flanc ».

    mechanicus,etty hillesum,westerbork,guerre 39-45,pays-bas,diaristeHabitué à manier la plume, Philip Mechanicus nous a sans doute laissé le témoignage le plus captivant et le mieux écrit sur le quotidien à Westerbork. À l’époque, il côtoie entre autres Etty Hillesum, laquelle l’admire ; dès qu’ils le peuvent, tous deux s’entretiennent longuement et Philip lui lit ce qu’il consigne dans son Journal. La jeune femme et les membres de sa famille apparaissent d’ailleurs à quelques reprises dans les pages en question – certains de ces passages font écho aux lignes qu’elle a elle-même laissées. Souvent, Mechanicus documente son Journal en interviewant les gens qu’il croise, en explorant les arcanes administratifs peu ragoûtants du camp ; il décrypte au mieux les journaux auxquels il a accès en essayant de faire la part des fausses nouvelles que répand ce qu’il appelle « l’Agence de Presse Juive », autrement dit les rumeurs qui circulent à Westerbork. De nouveaux arrivants le mettent au courant de ce qui se passe à Amsterdam ou dans les autres camps hollandais. En dépit de ses défauts – Mechanicus est en effet d’un tempérament atrabilaire, il s’enfonce facilement dans la déprime –, il exploite un réel talent d’observateur et croque sans concession ou au contraire avec mansuétude bien des personnages qui s’attardent dans son voisinage. Par moments, la lucidité qui l’habite nous fait presque froid dans le dos ; il faut dire que la maladie et la mort sont omniprésentes dans ces pages en même temps que les choses les plus prosaïques du quotidien, les scènes les plus loufoques, les situations les plus absurdes ou, comme l’auteur le dit lui-même, les situations d’« une teneur humoristique acerbe ». « Ici, à Westerbork, on désapprend ce qui écœure », ajoute-t-il.

    Ce qui écœure, c’est la puanteur tant dehors que dans les baraquements (les latrines, les gens qui ne se lavent pas – Mechanicus a pu prendre une douche neuf mois après son arrivée !). Ce qui écœure, ce sont les mouches (on demande aux gens d’en capturer cinquante par jour et de les remettre au poste de quarantaine, enveloppées dans un bout de papier alors qu’elles pullulent près des tas d’immondices, à proximité du camp, ou encore dans les « tinettes infectes, sources de contamination qu’on n’essaie pas d’éliminer. ») Ce qui écœure, ce sont les poux, les puces (« Westerbork ou un grand numéro de dressage de puces ! »). Ce qui écœure, c’est la boue partout à la mauvaise saison, la poussière, le poussier et le sable qui s’incrustent partout, sous les ongles, dans les narines, lorsqu’il fait sec. Ce qui écœure, ce sont les salles surpeuplées et bruyantes (« Dans les baraques, il y a toujours plus de bruit : si l’homme est, comme on le dit, le produit des circonstances, alors je ne serais pas surpris de quitter Westerbork pourvu de quatre oreilles. »). Ce qui écœure, ce sont les baraquements et les lits encombrées de bagages, de vêtements et de colis, les chefs de baraque acariâtres, la promiscuité sexuelle, la quarantaine observée anarchiquement à l’automne 1943… Tout ceci sans oublier la lutte contre l’abrutissement et le dégoût qui résultent de cette vie en communauté, la recrudescence des maladies contagieuses (poliomyélite…), sans oublier les prouesses qu’il faut réaliser chaque nuit pour descendre du lit afin de gagner les latrines dans le noir en marchant dans la boue quand ce n’est pas dans les excréments.

    le Journal de Mechanicus (réédition 2024)

    mechanicus,etty hillesum,westerbork,guerre 39-45,pays-bas,diaristeQuelques consolations tout de même dans ce quotidien : le spectacle fascinant, dans le ciel, des escadrilles alliées qui s’apprêtent à bombarder l’ennemi ; les envoûtants coucher du soleil sur la lande ; le plaisir de fêter avec quelques connaissances la Saint-Nicolas ; les retrouvailles avec un ou deux amis depuis longtemps perdus de vue ; l’annonce d’une grande victoire : « L’annonce de la capitulation sans conditions de l’Italie a provoqué un grand enthousiasme : les Juifs se sont souhaités bonne chance, se sont serrés dans les bras les uns des autres, tant à l’intérieur des locaux que dehors ; dans certaines baraques, on s’est amusé à se déguiser. Partout des débats animés au sujet de l’influence de cette capitulation sur la suite de la guerre. On caresse l’espoir d’assister à un coup d’arrêt des convois déjà prévus, on déplore les plus récents. Tumulte enchanteur au moment du coucher : visages enjoués, plaisanteries à propos du régime hitlérien. »

    On l’aura compris, dans son Journal – dont le titre de la traduction française retenu par l’éditrice Fabian Gastellier, Cadavres en sursis, reprend une expression chère à… Goebbels –, des pages empreintes d’une certaine ironie alternent avec des pages dramatiques. Ironie amère par exemple à propos du choix devant lequel on place les hommes juifs mariés à une chrétienne : « Dimanche de Pentecôte. Effusion de l’Esprit Saint. La question de la stérilisation est entrée dans une nouvelle phase : un membre du Conseil juif est passé de châlit en châlit ce matin pour transmettre aux Juifs mariés à une Aryenne et n’ayant pas d’enfants le message du commandant : ‘‘Êtes-vous prêt à vous faire stériliser de votre propre gré ?’’ Quelle prévenance dans la tournure ! Le messager a oublié de préciser que ceux qui refusent de leur propre gré s’exposent à être déportés en Pologne, à l’instar de ceux ayant des enfants. Ce qu’il n’a en revanche pas manqué d’ajouter, c’est que les volontaires devaient signer un petit formulaire relatif à l’opération : histoire que leur propre gré figure noir sur blanc sur un papier – pour la postérité. »

    Camp de Westerbork

    mechanicus,etty hillesum,westerbork,guerre 39-45,pays-bas,diaristePages dramatiques que celles rédigées le 1er juin 1943 qui décrivent le départ de plus de 3 000 détenus dans des wagons à bestiaux, ce train que Mechanicus appelle « le serpent galeux ». « Ici, écrit-il plus loin, plus personne ne peut voir un train sans jurer, sans dégoût ou encore sans sangloter. Le train, supplice et torture récurrents : jamais en retard, jamais touché par un obus. Pourquoi la Providence nous abandonne-t-elle ? » Ailleurs, le journaliste transcrit des scènes de misère qu’on lui a rapportées, ainsi de l’arrivée d’une dizaine de milliers de personnes raflées début octobre 1942, alors que lui-même n’était pas encore à Westerbork, puis celle de centaines de personnes âgées arrachées à leur maison de retraite : « Un cortège macabre de boiteux, d’aveugles, d’hommes et de femmes ossifiés entra dans le camp en chancelant, soutenu par des membres de l’Ordnungsdienst. Les témoins en eurent le cœur brisé : au tragique de ces décrépits, de ces exténués, s’ajoutait le spectacle de leur impuissance et de leur vulnérabilité. Quelque temps plus tard, le train a conduit leurs semblables au beau milieu du camp. Tels des rats, ces vieillards déracinés sont morts sur place. Tels des rebuts de chiffons, leurs restes ont été brûlés au crématorium. » Terrible et criant contraste avec la fin du même paragraphe où l’auteur évoque l’arrivée d’un autre convoi, cette fois des bourgeois bien habillés et en bonne santé que l’on dirait en route vers leur villégiature thermale : « Non pas, cette fois, la douleur muette ni la commisération silencieuse de gens qui voient leurs frères et leurs sœurs pénétrer dans une prison et un lieu de malheur, mais les cris enthousiastes par lesquels on se salue et on exprime ce que l’on a partagé. Westerbork-les-Bains, ainsi qu’un homme d’esprit a pu baptiser le camp. »

    À un moment donné, Mechanicus tire une conclusion qui illustre plutôt bien son état d’esprit : « En tant que phénomène, que réalité, ce camp est une chose monstrueuse, mais ce qui s’y passe est tellement haut en couleur, tellement sujet aux changements, tellement empreint d’humour, qu’on en écarquille les yeux et qu’on oublie souvent le lieu au profit des événements. » L’humour noir, il le relève dès qu’il le peut : « Hier soir, cabaret pour des officiers SS venus visiter le camp. Ehrlich, le chansonnier, a eu ce trait d’esprit : ‘‘Meine Herren, nous descendons Tous d’Abraham. Pardon ! Seulement à partir de la troisième rangée.’’ Aux deux premiers rangs, rien que des Aryens. Derrière, les Juifs. » De même, la sournoise monstruosité des nazis n’échappe pas au journaliste : « L’occupant a fait preuve d’un grand souci de noblesse : une rafle à la veille de Roch Hachana, fête du Nouvel An juif, tout comme l’année dernière, tout comme à l’occasion d’autres célébrations juives. Sous le porche des baraques, on avait pourtant annoncé avec affabilité aux Juifs qu’ils pouvaient envoyer leurs vœux à des membres de leur famille non internés. »

    Westerbork, les châlits

    mechanicus,etty hillesum,westerbork,guerre 39-45,pays-bas,diaristeAilleurs encore, Mechanicus fait état du durcissement du régime et du moral en berne en raison de « l’accélération du rythme des déportations » : « Depuis qu’on expédie les Juifs comme des malpropres, la Pologne inspire une méfiance et une peur croissantes. Parmi les rares intellectuels qui se trouvent à ce jour à Westerbork, une conviction prévaut : la Pologne signifie la fin de tout, les Juifs ne vont pas survivre au supplice si la guerre s’éternise. On trouve même des Juifs pour douter de la défaite de l’Allemagne et de la victoire des Alliés. » L’auteur ne manque pas de relever la part factice des activités que les chefs des baraques ou l’administration imposent : ramasser des cailloux, faire semblant d’éplucher des pommes de terre… À propos de jeunes femmes qui transportent du sable et de la tourbe, il écrit : « L’ensemble revêt plus l’aspect d’une mascarade ou d’une scène d’opéra que d’une forme d’esclavage ou de travail forcé. »

    Au passage, il note le grand nombre de suicides ainsi que la mortalité infantile élevée. Il mentionne des naissances : « En dépit des intentions explicites des nationaux-socialistes d’empêcher les Juifs de vivre en société et de se reproduire, de nombreux enfants naissent dans le camp. Les femmes enceintes, de tous les âges, pullulent à Westerbork. ». Il mentionne la célébration d’un mariage, de noces d’or ou de diamant, d’un anniversaire… À plusieurs reprises, il parle des évasions ou tentatives d’évasions qui se traduisent par des représailles sur d’autres prisonniers. À mesure que le risque d’être déporté se précise, lui-même songe à s’évader, la garde sur les internés se relâchant d’ailleurs à l’automne 1943. Mais il hésite : « Quelle sensation singulière, se retrouver tout près de la liberté et la repousser ! C’est comme se détourner d’une femme attrayante. Quoique cette liberté ne soit qu’un maigre gain. Tenir le coup à Westerbork, échapper aux convois, c’est être mieux à même de tirer profit de sa captivité que le Juif qui jouit d’une liberté toute relative à Amsterdam ou que le Juif qui, dans sa planque, court à tout instant le risque de se faire alpaguer. » Malgré ces considérations, il aura le tort de ne pas avoir tenté sa chance.

    Les tensions qui règnent au sein du camp ne lui échappent pas non plus, en particulier celles entre Juifs allemands et Juifs hollandais, les premiers jouissant pendant longtemps d’une réelle prééminence sur les seconds et jouant « les petits chefs prussiens avec eux ». Au cours de l’été 1943, on dénombrait 6 000 Juifs hollandais et 4 000 Juifs allemands. Ces tensions se doublaient d’une rivalité linguistique, la langue allemande prenant le dessus sur le néerlandais dans les documents officiels comme dans les échanges oraux. Les accrochages en question inspirent à Mechanicus la tournure : « Chambard dans le poulailler ». Il s’est d’ailleurs employé en vue de contrarier toute escalade entre les deux groupes.

    Une réelle animosité existe aussi entre les Juifs de confession mosaïque et les convertis. Autre opposition à laquelle le journaliste assiste un soir : une représentation de cabaret dans une aile de la salle des malades, et dans l’aile opposée la célébration d’« un culte par des vieux aux barbes grises » : « Loin du babil enjoué et vide, le marmonnement presque inaudible de la parole du Talmud. » Un autre soir, il assiste à « des frictions entre Juifs orthodoxes, hommes pieux » qui célèbrent le shabbat, « et jeunes libéraux », ces derniers préférant la cigarette à la prière. Le tabac étant « le stimulant majeur du camp », la pénurie de cigarettes, l’un des rares moyens de paiement ou pots-de-vin, inspire à Mechanicus cette disgression : « Tout un chacun conserve ses mégots (recueille éventuellement ceux des autres). Avec dix cigarettes fumées – dernière plaisanterie à la mode –, on peut en tirer trois nouvelles grâce aux mégots. Tout en en gardant un en réserve. Les trois nouvelles cigarettes donnent trois mégots, soit quatre avec celui mis de côté. Il en faut trois pour faire une nouvelle cigarette. Celle-ci donne un mégot, soit deux mégots restants. Il en manque un pour obtenir une nouvelle cigarette. Il suffit d’en emprunter un à un ami. Ces trois mégots permettent de rouler une nouvelle cigarette. Celle-ci fumée, il convient de restituer le mégot à l’ami en question. »

    mechanicus,etty hillesum,westerbork,guerre 39-45,pays-bas,diaristeToujours sur le ton de la raillerie, Mechanicus dépeint une autre soirée, celle où le commandant du camp, son épouse et cinq cents Juifs bien habillés écoutent religieusement un orchestre symphonique au complet interpréter de la musique aryenne dans la salle même où l’on enregistre, dans la journée, non des concertos, mais les Juifs raflés qui arrivent à Westerbork. Le lendemain, dimanche 13 juin 1943, Mechanicus fait une « grande promenade en bordure du camp avec une jeune fille intelligente, qui est ici de son propre chef ». On aura reconnu Etty Hillesum. Pour ce qui est de l’orchestre, le commandant lui interdira peu après « de jouer de la musique classique : une tâche trop épuisante pour des hommes et des femmes qui travaillent toute la journée. Désormais, l’ensemble donnera de la musique d’opérette, légère, frivole ». Et la musique aryenne sera « interdite au profit de la seule musique juive ». Une des multiples concessions faites par le commandant pour mieux amadouer « ses » Juifs. Un spectacle d’opérette tire à Mechanicus cette réflexion : « Ici, nous sommes tous dans la merde jusqu’au cou, et pourtant, nous gazouillons. Énigme psychologique. Musique d’opérette au bord d’une tombe béante. On aurait préféré de la musique classique avec, en guise d’épilogue, la Marche funèbre de Chopin. Ou : une danse macabre, par exemple la Pavane de Ravel. »

    Certains jours, Mechanicus rapporte les conversations à la fois pathétiques et loufoques, ou encore ubuesques, qu’il entend autour de lui, dans la grande salle où il passe sa convalescence ou à un autre endroit de l’hôpital. Avec humour, il narre en une occasion sa journée de « gentleman » alors qu’il bénéficie des services du barbier puis de la pédicure. Au fur et à mesure des semaines, il brosse une série de portraits savoureux de certains de ses compagnons d’infortune, ainsi de quelques vieillards ou de certains de ses voisins de chambrée dont l’un qu’il compare à un chimpanzé. Lui même se décrit d’ailleurs comme un singe qui ne cesse de monter et descendre de son lit. Alors qu’il patiente dans une salle d’attente, il portraiture une cocotte qui va lui griller la priorité : « Une grande poule maigre d’un noir d’encre arrive en battant des ailes : toilette à la mode, chapeau chic, talons hauts, maquillée à outrance, joues rouge minium, deux raisins de Corinthe en guise d’yeux, candide, d’une innocence de colombe, sous les hautes arcades des sourcils un nez délicat qui saille à peine des joues. On la considère comme la plus jolie fille de Westerbork. Tout le monde la suit du regard, d’un regard éloquent : en raison de sa grande beauté, les plus hauts cercles la protègent. »

    Mechanicus égrène des considérations sur la mort, sur l’attente interminable, sur la bassesse généralisée des gens (les gens n’ont pas de conscience : « La conscience, en effet, est une plante plutôt rare. » « Un Juif, qui habite la Waverstraat à Amsterdam, a écrit une lettre à l’Obersturmführer : il demande à être exempté du transport en Pologne au motif qu’il a, dans ses fonctions de policier, dénoncé plusieurs Juifs à la Gestapo. Il a été déporté sans délai. »), sur le fameux Conseil juif (« Pourquoi des membres éminents du Conseil juif, qui n’ont songé qu’à sauver leur propre peau, devraient-ils échapper à la déportation en Pologne alors qu’avec leur concours, ou du moins du fait de leur servilité, des milliers et des milliers d’autres, pour la plupart de petite condition, ont été envoyés dans ce pays ? » Ou encore, à propos des membres les plus en vue du Conseil juif ramenés à Westerbork : « Les voilà qui paient leur premier tribut : jetés à même la masse au-dessus de laquelle ils s’élevaient. Eux aussi vont probablement passer par la fournaise de la servitude et devoir accepter cette occasion de se purifier. Il leur faudra par ailleurs affronter la fournaise des railleries de leurs compagnons d’infortune. Bien assez sans doute pour expier les fautes qu’on pourrait leur imputer. »).

    Alors qu’il entame souvent son propos par des considérations sur le temps qu’il fait, l’auteur le conclut à l’occasion en notant ce qu’il a reçu dans la journée : un œuf dur, une tomate ou encore un morceau de fromage…

    F. aus der Fünten, lors de son procès

    mechanicus,etty hillesum,westerbork,guerre 39-45,pays-bas,diariste« Tous les chemins mènent à Westerbork », dixit aus der Fünten, l’officier allemand en charge de la déportation des Juifs de Hollande. Mais après Westerbork, le pire attendait ces derniers. La peur de figurer sur la liste du prochain convoi est prégnante dans les pages du Journal de Mechanicus. Parfois à travers une blague glauque : « Une maman et sa fille en train de dîner. La gamine fait une grimace en voyant le pudding. La mère : ‘‘Écoute, si tu finis pas ton pudding, t’iras dans le train sans maman.’’ » Parfois à travers une anecdote sinistre : « Chaque convoi s’accompagne d’aléas qui provoquent des haut-le-coeur. Cette fois-ci, alors que les gens montaient dans le train et au moment où le train démarrait, on a assisté à des danses. Oui, je dis bien, à des danses. Depuis un certain temps, on prépare une revue, un spectacle de variétés. Comme si Westerbork n’était pas en soi un spectacle de variétés se suffisant à lui-même. » Parfois à travers une description insoutenable : « Le train se met en branle. Derrière les baies d’aération oblongues pratiquées en haut des wagons, apparaissent des têtes de Juifs et de Juives, alignées comme dans un théâtre de marionnettes. Elles défilent pareilles aux pages d’un livre illustré de personnages vivants. Par les ouvertures, mains et avant-bras nus se glissent et s’agitent, tels les membres autonomes de gens enterrés, qui adressent un dernier signe de vie. Lugubre. Le film muet est terminé. »

    Lui-même redoute à bien des reprises d’être déporté : « Bien qu’il ne soit pas question, du moins à ce jour, que je parte à bord d’un convoi ordinaire, je ne suis jamais rassuré : une simple erreur et je serai emporté par le maelstrom. J’ai l’impression d’être perché sur un plongeoir, les pieds sur le rebord, et d’attendre, avec la plupart des occupants du camp, l’injonction : Sautez ! Tout en bas, l’eau glacée, et tandis que je vacille tout au bout de la planche qui vibre, je vois les autres à mes côtés ou en face de moi, chanceler, dans l’étau de l’angoisse, pour beaucoup à l’agonie. L’ordre retentit : j’apprends alors s’il me faut plonger dans l’eau glacée ou si je peux faire demi-tour avant de revenir dans une semaine. Une semaine, ça passe vite. On s’en retourne en se disant que ceux qui ont disparu dans l’eau, pataugent dans le malheur, membres roides, aux prises avec la mort. »

    mechanicus,etty hillesum,westerbork,guerre 39-45,pays-bas,diaristeDébut juillet 1943, avec l’aide d’Etty Hillesum, il va obtenir un sursis, ceci grâce à ce qu’il appelle « la vitamine P », le « P » de piston. En la matière, son compte rendu donne une idée des rouages kafkaïens et de la bureaucratie versatile de l’administration du camp. Le mardi 7 septembre 1943, il évoque la déportation de la famille Hillesum. Six mois plus tard, c’est lui qui ne peut échapper au « serpent galeux » qui quitte Westerbork. Le 15 mars 1944, il est déporté à Bergen-Belsen. Avant d’être transféré par la suite à Auschwitz où il sera fusillé peu après son arrivée. Une écorce broyée et brûlée, laquelle ne nous a pas moins laissé du papier, autant de pages remarquables échappées à la barbarie.

     

    En avril 1945, le camp de Westerbork est délivré par les Canadiens. Environ 850 détenus y vivaient, y survivaient, les seuls à ne pas avoir connu la déportation. Nombre d’entre eux vont rester encore des mois sur place, cette fois pour garder les nouveaux internés, à savoir des soldats allemands et des collaborateurs arrêtés en attente de leur jugement. Une « cohabitation » que l’on imagine plutôt douloureuse et compliquée en même temps qu’un énième exemple de l’absurde qui a prédominé durant toute l’existence de ce camp.

     

    Daniel Cunin

     

    Toutes les citations sont empruntées à l’ouvrage : Philip Mechanicus, Cadavres en sursis. Journal du camp de Westerbork, traduit du néerlandais par Daniel Cunin, Paris, Notes de Nuit, avril 2016.

     


    émission consacrée à Etty Hillesum (KTO, 2019)

     

     

  • Célébrons le vin

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    Un poème de Jan Vos (1610-1667)

      

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    Jan Vos, par Arnoud van Halen 

     

    La confrérie du Clos de Clamart m’ayant approché pour traduire des vers néerlandais du XVIIe siècle, voici l’original (extrait du second volume des Œuvres complètes, vol. 2, 1671, du poète-vitrier Jan Vos, personnalité importante de son temps à Amsterdam) et la transposition en alexandrins.

     

     

    Wijns gebruik en misbruik

     

     

    Zang.

     

    Wie ’t nat van Bacchus wraakt betoont zich zonder reeden:

    De wijn is wetsteen van het dof en stomp verstandt. 

    De disch der wijzen ziet men staâg met wijn bekleeden.

    De wijnstok wordt tot hulp van lijf en geest geplant.

     

     

    Teegenzang.

     

    Wie wijn tot noodtdruft drinkt wordt reedelijk gevonden:

    Maar d’overdaadt betoont hoe Lot door wijn verviel.

    Het gulzig zwelgen is de moeder aller zonden.

    In overmaat verdrenkt men wijsheidt, lijf en ziel. 

     

     

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     chapitre de la confrérie du Clos de Clamart, 29 avril 2023

     

     

    Usage et mésusage du vin

     

     

    Chant.

     

    Insensé qui bannit le verre de Bacchus :

    Le vin stimule la paresse mordicus.

    De vin accompagnons sans fin le mets des sages.

    Étai de l’esprit et du corps, ô toi cépage !

     

     

    Contre-chant.

     

    D’aucuns trouvent sensé qui boit par appétence :

    Or, d’un abus de vin, Loth sombra sans défense.

    Est mère du péché la soif qu’on ne contient.

    Dans la mesure, esprit et corps ont un soutien.

     

     Daniel Cunin

     

    Jan Vos - deel 2.png

    Portrait de Jan Vos par Karel Dujardin, qui illustre le volume 2 de sa poésie

     

    Merci à Marc Lesk, maître de chai, et aux autres membres de la confrérie pour leur accueil.

     

    page de titre des Œuvres complètes, vol. 1, 1662

     

     

  • Eddy du Perron & Blaise Cendrars

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    Une rencontre sans réel lendemain

     

    Lange versie van een lezing voor het Eddy du Perron Genootschap, 6 november 2021 in het Museum Meermano/Huis van het Boek te Den Haag.

    De tekst verscheen oorspronkelijk in Cahiers voor een lezer, nr 55, april 2022, p. 16-67.

     

     

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    Eddy du Perron, biografie door Kees Snoek, 2005. 

     

     

    Blaise Cendrars ontmoeten als je 20 bent is een van die zeldzame buitenkansen in het leven.[1]

    Robert Guiette

     

     

     Max Jacob door Émile Blanche (1921, Musée des Beaux-Arts, Rouen)

    eddy du perron,blaise cendrars,kees snoek,littérature,pays-bas,franceDit jaar, tijdens een nacht in de maand augustus, had ik een droom. Ik sliep enkele kilometers hiervandaan, aan de kust. Ik was toen al bezig bronnen te lezen en te raadplegen ter voorbereiding van deze tekst. Ik droomde dat ik de hand had gelegd op een bijzondere bundel van Max Jacob (1876-1944), een boek dat onbekend was gebleven of althans door iedereen was vergeten. Mijn oog viel op een bladzijde van deze luxe-editie: om de inhoud te kunnen lezen, moest je het gele dikke papier openvouwen. Tot mijn verbazing ontdekte ik een gedicht dat geheel aan Eddy du Perron gewijd was, vier strofen waarvan de eerste uit woordspelingen op de voornamen Eddy [2] en Edgard en het woord ‘perron’ bestond. Deze Franse term komt overeen met het Nederlandse ‘bordes’ en niet met het perron van een station. Helaas bleek mijn visueel-onirische geheugen gebrekkig en bleven de regels van dit sonnet van de Joods-Bretonse dichter niet op mijn netvlies kleven.

    tekening van Max Jacob: Du Perron als Baudelaire enfant’ (1922)

    EDDY DU PERRON - MAX JACOB - ARGUS.pngDe humor van het sonnet bracht me terug naar het echte leven en de ontmoetingen tussen de vaak badinerende Max Jacob en de dichter in spe Du Perron. De twee mannen leerden elkaar kennen in Parijs, Place du Tertre, in de eerste helft van april 1922, in het etablissement Maison Catherine, ook bekend als À la Mère Catherine.[3] Een episode die wellicht niet van humor gespeend was. Jacob tekende een portret van de exotische jongeman die kort daarvoor Indië voor West-Europa had ingeruild. De seksuele geaardheid en de wispelturigheid van de Fransman doen vermoeden dat hij niet ongevoelig bleef voor deze charmante, jongensachtige verschijning. Enkele weken later zendt Eddy aan Clairette Petrucci (1899-1994), zijn toenmalige muze, een spotprent van de bekeerling Max Jacob die Picasso als peetoom had gekozen: we zien een monnik met erg behaarde kuiten die zich een heilige waant (zie tekening). Du Perron twijfelt aan de oprechtheid van de katholiek geworden homofiel: ‘U hebt gelijk,’ beaamt hij in zijn brief van 25 mei 1922, ‘welbeschouwd is hij een zielige gluiperd!’[4]

    MAX PAR EDDY.pngToen ik wakker werd en merkte dat geen enkele regel van het denkbeeldige gedicht van Max Jacob in mijn geheugen gegrift was gebleven, zocht ik troost in Hollande van Jean-Claude Pirotte (1939-2014).[5] In deze bundel staan uiteraard enkele strofen ter ere van Du Perron. Voordat Pirotte zijn geboortestad Namen ontvluchtte om zich in Frankrijk te vestigen had hij een deel van zijn jeugd in Gelderland doorgebracht en daar een echte band met de Nederlandse taal ontwikkeld. Zijn gedicht:

     

    chaque jour un quatrain pas davantage

    ainsi parle Eddy du Perron

    c’est un fruit qui me vient du crâne

    d’une souris la montagne accouche

     

    or chaque fruit poème furtif

    conserve longtemps son éclat

    sourd le doux secret de son goût

    et tu remercies le Seigneur

     

    ainsi chaque jour un quatrain

    mûrissait au bord de la lande

    et toi si jeune tu allais

    vers ta mort et l’année quarante

     

    Het gedicht werd geïnspireerd door « Filter 1 », een kwatrijn van Eddy du Perron:

     

    Iedre dag een kwatrijn, niet méér,

    als vrucht van ’t wroeten in mijn haren,

    wat zouden muizen bergen baren?

    ik dank u, Onze Lieve Heer.

     

    Hierbij de Nederlandse vertaling [6] van de drie strofen van Pirotte:

     

    Iedre dag een kwatrijn, niet méér,

    zo spreekt Eddy du Perron

    het is een vrucht die uit mijn schedel tot mij komt

    een muis gebaard door de berg

     

    maar elke vrucht steels gedicht

    behoudt lang haar glans

    gedempt het zoete geheim van haar smaak

    en je dankt de Lieve Heer

     

    zo rijpte elke dag een kwatrijn

    aan de rand van de heide

    en jij zo jong liep

    naar je dood en het jaar ’40

     

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    Max Jacob duikt in een paar werken van Du Perron op, met name onder de naam Clovis Nicodème in de roman Een voorbereiding (1927) en in de allereerste publicatie van de Hollander: Manuscrit trouvé dans une poche (1923). Daar heb ik eerder al enige aandacht aan besteed.[7] In Manuscrit verschijnen andere Franstalige dichters, onder anderen André Salmon (1881-1969) en Blaise Cendrars (1887-1961). Een causerie over Salmon in verband met Du Perron en een paar Nederlandse auteurs met wie de Fransman in contact is geweest zou wellicht de moeite lonen.[8] Maar omwille van gezondheidsredenen was Jacqueline Gojard, die de archieven van deze schrijver beheert, niet in staat om mij te ontvangen of ongepubliceerde documenten door te spelen. Zodoende heb ik mij op Blaise Cendrars toegespitst.

     

     

    De mens Cendrars

    CENDRARS - BIOGRAPHIE - DU PERRON - ARGUS .pngBlaise Cendrars (de ‘s’ van Cendrars wordt niet uitgesproken) is het pseudoniem van de Zwitser Frédéric Louis Sauser. Naam en voornaam verwijzen naar de feniks: in Blaise klinkt namelijk het Franse woord ‘braise’ (gloeiende houtskool) door en in Cendrars het woord ‘cendres’ (as): ‘Schrijven is levend verbranden, maar het betekent ook uit de as herboren worden’.[9] Hoe kunnen we deze man met een bewogen leven en veel petten op karakteriseren? In 1927 gebruikte een Nederlandse criticus de volgende woorden: ‘Kosmopoliet, avonturier, fantast, up to date modern mensch, maar toch niet van alle romantiek verstoken, zwerver en zoeker, genieter van kleur en lijn, bezeten door den drang naar het sensationeelste avontuur en melancholicus op zijn tijd’.[10] Een andere recensent noemde hem ‘de piraat van de moderne wereld’: ‘hij heeft gevochten met zeevolk aan de Boompjes te Rotterdam, was korporaal in het vreemdelingenlegioen, de vriend van gangsters, millionnairs en Hottentotten, beroepsbokser, jongleur, planter in Brazilië en vrijwilliger in twee wereldoorlogen’.[11] Als jongeman had Cendrars al in verschillende landen gewoond (Zwitserland, Italië, Rusland, Frankrijk, Engeland, Amerika…) en hij sprak meerdere talen. Naast het schrijverschap was hij een carrière als cineast begonnen. De complexiteit van zijn persoonlijkheid heeft hij zelf geprobeerd in een formule onder te brengen: ‘Een vechtersbaas ben ik niet. Mijn ware aangezicht is dat van een levensbeschouwer. Ik ben een soort omgekeerde Brahmaan, die zichzelf bestudeert te midden van de opwinding waardoor hij wordt meegesleurd’.[12]

    cendrars - delaunay - poeme.pngNog voor de Eerste Wereldoorlog uitbrak genoot Blaise Cendrars al een zekere bekendheid als dichter in enkele Parijse en buitenlandse artistieke kringen, dankzij het gedicht La Prose du Transsibérien et de la petite Jehanne de France [13] (Proza van de Transsiberische Spoorlijn en van de kleine Jeanne van Frankrijk), een bijzondere publicatie geïllustreerd door Sonia Delaunay (1885-1979): ‘een enorm vouwblad in een revolutionaire typografie, de tekst is afgedrukt parallel aan een tekening even lang als het gedicht’.[14] Op dit kunstwerk ‘spelen de veelkleurige, ‘‘simultaneïstische’’ illustraties van Sonia Delaunay en de door haar voor deze uitgave getekende letters een dusdanig prominente rol, dat van een gemeenschappelijk product van Cendrars en Delaunay gesproken kan worden’.[15]

    De Franse nationaliteit verkrijgt de kosmopoliet in 1916. Samen met de Italiaanse auteur Riccioto Canudo (1877-1923) had hij twee jaar eerder de buitenlanders die in Frankrijk woonden opgeroepen om dienst te nemen in het Vreemdelingenlegioen.16 Onder de mannen die aan de oproep gehoor hebben gegeven vindt men, naast Guillaume Apollinaire (1880-1918) en de kunstschilder Moïse Kisling (1891-1953), een kennis van de twee initiatiefnemers, namelijk de Haagse schrijver Fritz René Vanderpyl (1876-1965). Deze kleurrijke figuur noem ik terloops, want Vanderpyl is in de vergetelheid geraakt zowel in Nederland als in Frankrijk, het land waar hij driekwart van zijn leven heeft doorgebracht en van zijn Franse pen kon leven; desalniettemin speelde hij een belangrijke rol in de kunstgeschiedenis van de eerste helft van de 20ste eeuw. In een paar brieven uit 1914 bevestigt Max Jacob dat naast Cendrars en Canudo, Vanderpyl en ook Guillaume Apollinaire bij het Légion étrangère zitten ‘te midden van weerzinwekkend uitschot’.17 Cendrars heeft de oorlog overleefd maar niet zonder er zijn rechterarm achter te hebben gelaten. Een commentator schrijft: ‘één looze mouw waait tegenwoordig met alle passaatwinden mêe; de ander omstrengelt werelddeelen en liefdes met dubbel-machtigen greep, hanteert weergaloos de Winchester-buks en de mooie schrijfmachine, die belt aan ’t eind van elken regel en even rap is als ’n jazz’.18 Bijgevolg werd de rechtshandige Frans-Zwitser zich genoodzaakt het grootste deel van zijn oeuvre met zijn linkerhand te schrijven en te typen, te beginnen met het gedicht La Guerre au Luxembourg (1916).19

     

    Blaise Cendrars in het Nederlands

    Door de bliksmen getroffen, uitg. Voltaire (2009), vert. Z. Pennings

    eddy du perron,blaise cendrars,kees snoek,littérature,pays-bas,franceOok al is Blaise Cendrars in de Nederlanden nooit echt doorgebroken, hij is geen onbekende. ‘La tête’ (‘Het hoofd’), een gedicht van zijn hand, werd in de oorspronkelijke taal in nummer 10 van De Stijl geplaatst (augustus 1918). Het jaar daarop verzuimt de oprichter van het tijdschrift, Theo van Doesburg (1883-1931), niet te vermelden dat enkele gedichten van André Salmon en van Blaise Cendrars in een Italiaans avant-gardistisch blad zijn verschenen’.20 Later krijgt Cendrars enige aandacht als dichter en prozaïst in andere periodieken. In het Amsterdamse avant-gardistische tijdschrift Internationale Revue i 10, dat onder leiding van Arthur Lehning (1899-2000) stond, schreef Henry Poulaille (1896-1980), de grondlegger van de littérature prolétarienne: ‘Degenen die tot deze laatste groep behoren lopen voorop… althans aangezien er slechts enkelen zijn die met hun tijd mee vibreren (Cinema, bevrijde ritmes, T.S.F., Vitesse) terwijl de anderen stampen of in een normaal tempo lopen, lijken zij voorop te lopen. Op de voorgrond staan Ramuz en Cendrars die een filmische taal gebruiken (lees: La Séparation des Races, L’Amour du Monde, Passage du Poète van de eerste, en L’Or, Moravagine, Du Monde Entier, Éloge de la Vie Dangereuse, Profond Aujourd’hui, Kodak van de laatste). Ramuz en Cendrars zijn de twee meest merkwaardige schrijvers in de Franse taal. Beiden worden min of meer veracht door hun collega’s. Zij hebben weinig lezers. Anderzijds zijn zij ongetwijfeld de twee auteurs die het meest sympathieke begrip voor jongeren hebben’.21 Kort daarvoor telt De Gemeenschap de Frans-Zwitser onder zijn medewerkers; echter slechts één prozatekst van zijn linkerhand verschijnt in het blad, in de vertaling van de toen nog katholieke Surinaamse Albert Helman (1903-1996).22

    cendrars - vleugels.pngAls we de dichter en criticus Daan van der Vat (1909-1977) mogen geloven lazen zijn tijdgenoten tijdens hun studie en in latere jaren zowel de poëzie als het proza van de oude légionnaire in de oorspronkelijke taal. Tegenwoordig, met de snelle achteruitgang van het Frans in Nederland en Vlaanderen, kan de lezer genoegen nemen met min of meer recente vertalingen.23 De oudste (en niet helemaal volledig) die ik kon vinden dateert van 16 december 1923: ‘Ik heb gedood’ (J’ai tué) in Het Vaderland, een kort prozawerk dat een nieuw leven kent sinds 2016 in de vertaling van Mirjam de Veth, gepubliceerd bij uitgeverij Vleugels. In de zomer van 1927 gaven De Nieuwe Schiedamsche Courant en het katholieke dagblad De Maasbode, in 19 afleveringen, een licht gekuiste Nederlandse versie van L’Or. La Merveilleuse Histoire du général Johann August Suter (Het Goud) de roman waarmee Cendrars een gevierd auteur werd. Kort daarvoor had De Maasbode echter zijn roman Moravagine uit 1926 als ‘smeerlapperij’ bestempeld.24

     

    CENDRARS - GOUD - COUVERTURE.png

    Goud, uitgeverij Dupuis, Charleroi, 1937

     

    Ik sta even stil bij deze ‘bewerking’ van L’Or die door een anonieme literator de wereld werd ingezonden. In 1934 maakt de Haagse schrijver Constant van Wessem (1891-1954) bekend dat hij deze roman voor een Utrechtse uitgever zou vertalen.25 Een contract werd door de Parijse uitgeverij Grasset naar de Domstad gestuurd. Maar wat bleek? ‘Voordat de onderteekening was geschied’, vertelt Van Wessem, ‘kreeg ik echter toevallig kennis van het feit, dat een ander eveneens aan de vertaling van Cendrars’ boek bezig was en eveneens het vertaalrecht meende te bezitten. […] De Fransche uitgever,’ vervolgt de essayist, ‘die meende zoo bijzonder slim te zijn geweest, haalde tenslotte aan zijn vernuftigheid een dubbele strop, daar ook de andere vertaling niet doorging.’ Maar wie heeft dan de vertaling voor De Maasbode en De Nieuwe Schiedamsche Courant gemaakt? Een derde vertaler? Ging deze te werk zonder contract met Grasset? En zou de andere vertaler waar Constant van Wessem het over heeft zijn vriend Hendrik Marsman (1899-1940) kunnen zijn?

    A. Lehning, Rien & H. Marsman, 1933

    eddy du perron,blaise cendrars,kees snoek,littérature,pays-bas,franceDe Koninklijke Bibliotheek bezit namelijk het manuscript van een vertaling die de auteur van De lamp van Diogenes26 rond 1930 zou hebben gemaakt (met correcties in handschrift van Theo de Witte). En aan wie hebben we dan Goud, de vertaling (met foto’s uit de film Sutter’s Gold van James Cruze uit 1936) van L’Or te danken die bij J. Dupuis Zonen & Cie in Marcinelle-Charleroi het licht zag? En de vertaling die in 20 afleveringen verscheen in het socialistische Utrechts volksblad in september 1940 alsook in het dagblad voor de arbeiderspartij Het Volk? Wat deze twee laatste betreft blijkt het in feite te gaan over een licht herziene versie van Het goud zoals dat dertien jaar eerder in andere kranten gepubliceerd was. Blaise Cendrars was wel op de hoogte van het bestaan van een Nederlandse vertaling: ‘Ik weet dat er een “schooleditie” van L’Or in Nederland is geweest, maar ik weet niet wat die waard is, omdat ik die niet heb ontvangen.’27

    In 1981 verschijnt weer Het goud. De wonderbare geschiedenis van generaal Johann August Suter in boekvorm, deze keer in een vertaling van Koert de Haan (1899-1982), bij uitgeverij Agathon te Bussum.28 Deze werd in De Stem (21 augustus 1981) besproken – een ‘kostelijk boek’ dat ‘ondanks het feit dat het 56 jaar geleden werd geschreven in geen enkel opzicht verouderd [is]: taal en stijl zijn nog even oorspronkelijk en fris’. Nochtans belandde het een paar jaar later in de ramsj.

    cendrars - neem me mee.pngIn 1967 had uitgeverij Manteau Neem me mee tot aan het eind van de wereld… uitgegeven (oorspronkelijke titel: Emmène-moi au bout du monde !... 1956), een bekroonde vertaling die we te danken hebben aan de Vlaamse romancier Jef Geeraerts (1930-2015). Over deze roman schreef Alfred Kossmann (1922-1998): ‘Het is bizar, obsceen, poëtisch, vitaal, zonder enig respect voor de maatschappij of het leven, de creativiteit vererend. Door de mateloze overdrijving, de geestdrift en de wrede humor loopt het vooruit op het tweede boek van de stuntman Jan Cremer; en het is gelukkig véél beter.’29

    Tien jaar later konden de Nederlanders het verhaal ‘Rotterdam’ uit Bourlinguer dat zich in Rotterdam afspeelt ontdekken: Romantisch Rotterdam: de grote vechtpartij.30 Simon Vinkenoog (1928-2009) had het in het Frans gelezen en vond het prachtig: ‘Ik vraag mij af hoeveel Fransen de stad Amsterdam kennen via Camus’ La Chute, en Rotterdam via Blaise Cendrars’ magnifieke beschrijving in Bourlinguer van een massale vechtpartij vijftig jaar geleden.’31 Het woord ‘bourlinguer’ is Bargoens voor ‘veel reizen’.

    CENDRARS - VAN HOT NAAR HER - COUV.pngHet hele boek verscheen uiteindelijk in het Nederlands in 2008 onder de titel Van hot naar her in een vertaling van Zsuzsó Pennings. Samen met haar echtgenoot Ivo Gay heeft deze vrouw uitgeverij Voltaire in Den Bosch opgericht. Die bestond van 1999 tot 2014, het jaar waarin Gay stierf. Dankzij dit stel hebben uiteindelijk tussen 2004 en 2009 drie meesterwerken van Cendrars in een Nederlandse vertaling het licht gezien: naast Bourlinguer zijn dat Moravagine in 2004 en L’Homme foudroyé (Door de bliksem getroffen) in 2009. Zsuzsó Pennings vertelt over haar ontdekking van het werk van Cendrars: ‘De suggestie om Moravagine te vertalen kwam in 2004 van Marie-Hélène d’Ovidio van Éditions Grasset. De contacten waren toen veel persoonlijker dan tegenwoordig, en als we in Parijs waren gingen we eerst samen lunchen en over boeken praten. Met Moravagine was mijn belangstelling voor Cendrars gewekt. Een paar jaar later, tijdens een vakantie, las ik Bourlinguer, en toen was ik verkocht. De rechten van Cendrars waren inmiddels overgegaan naar Denoël. Dat ging moeizamer dan met Grasset, ik weet niet meer waarom, maar ik weet nog wel dat ik Cendrars’ dochter Miriam nog heb geschreven om toestemming voor de vertaling te vragen. Wat ik er zo mooi aan vond waren niet alleen de verhalen, maar vooral ook zijn brede belangstelling, zijn grote woordenschat en taalvaardigheid. Het is lang geleden, en om precies te zijn zou ik het moeten herlezen. Na L’Homme foudroyé, wat ik minder vond, had ik La Main coupée nog willen vertalen, maar omdat er voor Cendrars hier geen enkele belangstelling was – er is voor zover ik weet niet één boek van besproken – zijn we ermee gestopt.’32

    cendrars proza.pngMeer aandacht heeft in 1983 Proza van de Transsiberische Spoorlijn en van de kleine Jeanne van Frankrijk gekregen. Deze tweetalige uitgave verscheen in Vianen bij Kwadraat met een korte inleiding en in een vertaling van Ieme van der Poel. De Leeuwarder Courant wijdde er enkele alinea’s aan (alsook aan de bokser-dichter Arthur Cravan en aan Kurt Schwitters).33 Tien weken daarvoor had Kees Fens (1929-2008) hetzelfde gedaan, doch niet zonder kritiek op de bewerking te leveren.34 In de boekenbijlage van Vrij Nederland uitte Ed Jongma zich positiever: ‘Een fraai werkstuk, dat, op een paar kleine “ontsporingen” na, het ritmische denderen van de trein over de rails even trouw volgt als het origineel, dat naast de vertaling is afgedrukt’.35

    cendrars 1999.pngEind twintigste eeuw kwam Willem Desmense, oprichter van uitgeverij IJzer in Utrecht, op het idee om een keuze uit de poëzie van de globetrotter on der de titel Panama te vertalen: ‘Ik zat tot over m’n oren in het surrealisme en dadaïsme, en was een groot liefhebber van e.e. cummings. Hoewel Cendrars geen deel van een stroming uitmaakte kwam hij vanzelf op je pad. Een avant-gardist mocht je hem wel noemen.’36

    Recentelijk, in 2018 en 2019, zijn twee verschillende Nederlandse versies verschenen van het lange gedicht Les Pâques à New York (Pasen in New York, 1912). De eerste bij Druksel in Gent van de hand van Katelijne De Vuyst, die het feit betreurt dat de tweetalige tekst niet opgefleurd werd door de etsen van Frans Masereel, zoals het geval was in een beroemde editie uit 1926.37 De tweede bij LM in Lunteren (oplage: 12 exemplaren), een herdruk van een vertaling van Anton van Duinkerken (1903-1968), die negentig jaar eerder in De Gemeenschap het licht zag (1929, p. 121-141). Du Perron kon deze bewerking niet waarderen38, terwijl Theun de Vries (1907-2005) meent dat het een zeer geslaagde vertaling is die woord voor woord bewijst ‘welk een technisch volmaakt werker Anton van Duinkerken kan zijn’.39

    cendrars masereel.jpeg

    Ondanks enkele uitzonderingen lijkt Zsuzsó Pennings gelijk te hebben: zowel in de 20ste als in de 21ste eeuw hebben de vertalingen van Cendrars weinig weerklank gevonden bij de kritiek, terwijl tijdens zijn leven zijn Franse werken af en toe gerecenseerd of geëvoceerd werden – ik denk bijvoorbeeld aan Anthologie nègre –, wellicht meer tijdens het interbellum dan na 1945, de periode waar hij echter zijn beste romans schreef. In Frankrijk hoort hij inmiddels tot de canon: de 4 delen van zijn verzamelde werk werden in 2013 en 2017 in de Pléiade-reeks gepubliceerd: 5184 pagina’s op dundrukpapier (papier bible). Bovendien heeft zijn dochter aan deze ongrijpbare en afwezige vader een prachtige biografie gewijd.40

     

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    Cendrars als literaire gids: een gemiste kans voor Eddy du Perron

    Uit de ontmoeting tussen Blaise Cendrars en Eddy du Perron in Montmartre in de lente van 1922 is geen sterke en blijvende band voortgekomen. Du Perron blijkt de mens meer dan het literaire werk te hebben geapprecieerd: ‘Gisterenavond’, schrijft hij op 21 juni 1922 aan zijn muze Clairette Petrucci, ‘zag ik weer Max Jacob, en na hem Blaise Cendrars die mij een paar zeer amusante verhalen vertelde over zijn vriend Chagall. Het is eigenaardig, hoe meer ik ze zie, hoe meer ik Cendrars verkies boven de andere. Hij is energiek, een amusante prater zonder te geestig te willen zijn, en eenvoudig.’41 Het feit dat Eddy een tijdlang een portret van Cendrars in zijn werkkamer had hangen getuigt van een zekere genegenheid. Het ging om een tekening gesigneerd door zijn Catalaanse vriend, de kunstenaar Pere Creixams (1893-1965), die al in 1917 met Cendrars had kennisgemaakt.42 Of het portret nog bestaat is niet bekend.

    Clairette Petrucci

    clairette eddy.pngOndanks zijn toenmalige afkeer van het moderne vers kon de jonge Nederlandse auteur het epische gedicht Les Pâques à New York waarderen: dit werk, schrijft Kees Snoek, ‘dat nog niet zo verwoed modernistisch was als sommige latere verzen van Cendrars, sprak Du Perron enorm aan: hij kon er niet van afblijven en las het telkens opnieuw’.43 Het is niet uitgesloten, vervolgt de biograaf, dat het gedicht ‘Gebed bij de harde dood’ sporen van deze fascinatie draagt. Maar andere pennenvruchten van Cendrars konden allerminst op de goedkeuring van Eddy rekenen. Op 8 mei 1922 schrijft hij vanuit Parijs aan de ongenaakbare Clairette Petrucci: ‘Ik bestudeer de moderne Franse poëzie. Voor mij is het een walgelijke studie, het doet me altijd een beetje mijn kalmte verliezen. Ik vond (in het tijdschrift Montparnasse) enkele verzen van Blaise Cendrars, nou, Clairette, ze zijn infaam.’44

    Pascal Pia et Du Perron, 1925

    Pia Eddy 1925.pngEnkele jaren later blikt hij terug op zijn Parijse eerste maanden en op zijn ‘eerste contact met de “moderne literatuur”’ – een enigszins moeizame verkenning onder leiding van de belezen Clairette en zijn latere boezemvriend Pascal Pia (1903-1979).45 Eddy vertelt: ‘Apollinaire bekoorde mij, maar waarom geen leestekens? (Mallarmé was mij nog onbekend.) Bij verzen als deze van Cendrars: Et j’étais déjà si mauvais poète – Que je ne pouvais jamais aller jusqu’au bout – dacht ik: “Daar heb je tenminste iemand die zijn zwakheden bekent; maar waarom gaat hij er dan mee voort? hij hoéft het immers niet te doen? Het is allemaal onkunde”.’46

    Maar de onkunde lag eerder bij de jonge Du Perron dan bij Cendrars en diens Franse collega’s. Eddy woonde pas sinds een half jaar in Europa. Voor hem was de Franse literatuur uit de afgelopen vijftig jaar nog onontgonnen terrein. In Brussel had hij nog geen tijd gehad om zich in het symbolisme in te lezen, laat staan in het dadaïsme of in wat de ‘esprit nouveau’ genoemd werd. Desondanks deelt hij mee aan Clairette, eind 1922, dat hij een boekdeel voor haar apart heeft gelegd, te weten twee werken van Cendrars die hij voor haar heeft laten inbinden: Dix-neuf poèmes élastiques, met een portret van de dichter door Modigliani, en Du Monde entier waarin de drie bekendste lange gedichten van Blaise zijn samengebracht.

    elastiques.pngNogmaals drukt Eddy zijn onbehagen uit bij het lezen van de verzen van de ‘modernist’: het bezorgt hem bijna de hoofdpijn die hij altijd krijgt als hij zulke bundels openslaat. Die goede Cendrars, vertrouwt hij toe aan Clairette die van haar kant toch waardering voor de Frans-Zwitser toont, wil dat we aan het zoeken gaan, ‘daarom drukt hij zich zo… primitief uit; nou, ik ben bereid te zoeken. Maar als ik, na veel moeite, de betekenis van een of ander obscuur gedicht bij de horens te pakken heb (??),… blijkt het waardeloos te zijn. Dan […] vloek ik en ga ik in staking. En ik leg het boek opzij, uit het zicht, nadat ik erin geschreven heb: “Aan Clairette, omdat zij de moed heeft betekenisloze betekenissen na te streven.” In die wartaal ben ik nogal modern,’ voegt Du Perron niet zonder humor eraan toe.47

    Van welke bundels van Cendrars heeft Du Perron eigenlijk kennisgenomen of kunnen nemen? De drie narratieve gedichten samengebracht in Du Monde entier (Les Pâques à New York, Prose du Transsibérien, Le Panama) en de Dix-neuf poèmes élastiques heeft hij zeker gelezen. Men kan aannemen dat hij Kodak (Documentaire) uit 1924 in handen heeft gehad. Misschien ook Feuille de route I uit hetzelfde jaar en enkele andere reeksen uit de jaren 1925-28 (São Paulo, Feuilles de route Montparnasse en Sud-Américaines), ook al hebben deze cycli weinig aandacht getrokken. Hetzelfde geldt voor La Guerre du Luxembourg (1916) en de drie Sonnets dénaturés (november 1916) die voor de dood van Eddy slechts in heel beperkte uitgaven beschikbaar waren. De gedichten ‘Continent noir’ en ‘Les Grands Fétiches’, later opgenomen in Poèmes nègres (1944), heeft Eddy misschien in de lente van 1922 in tijdschriften kunnen ontdekken.48 De modernste verzen van Cendrars treft men in de Dix-neuf poèmes élastiques (1919) en nog meer wellicht in de Sonnets dénaturés. Ik geef daar een voorbeeld van, ‘OpOetic’, een gedicht opgedragen aan Jean Cocteau, dat goed laat zien in hoeverre het alleen al visueel baanbrekend was:

    OPOETIC - CENDRARS - COCTEAU.png

     

    Het typografische spel behoeft geen commentaar (in een ander poème dénaturé gebruikt Cendrars een leesteken dat niet bestond, namelijk een vierkante punt). Maar wat doet daar opeens onderaan in een cursief lettertype het Nederlandse woord POESJE? Of moet je het eerder als POÉSIE lezen? De toelichting in de Pléiade geeft daar geen uitleg over terwijl maar liefst zeven voetnoten andere woorden verduidelijken. Als je aanneemt dat Cendrars met ‘poésie’ en ‘poesje’ speelt, zou het kunnen dat hij het woord in juni 1912 in de haven van Rotterdam heeft geleerd. Hoe dan ook, hij lijkt het wel met de O en met de opening van een mond te associëren. Kunnen we zover gaan om aan te nemen dat de woordproever die hij bij uitstek was de spot met Cocteau drijft die zich wel door de poésie maar niet door ‘poesjes’ aangetrokken voelde? De naam Arétin verwijst immers naar een schrijver die bekend staat om zijn erotische gedichten. Dat zulke gedurfde composities niet bij iedereen in de smaak vielen weten we al. Trouwens, Du Perron was niet de enige die zich er tegen verzette. Onder toezicht van Jacques Rivière (1886-1925) heeft de NRF geweigerd verzen van Cendrars in het gelijknamige tijdschrift te publiceren.49

    Remy de Gourmont

    PORTRAIT REMY DE GOURMONT PAR VANDERPYL.pngOndanks deze bezwaren kunnen we vermoeden dat Eddy in 1922 een zelfde soort bewondering koesterde als Cendrars had voor Remy de Gourmont (1858-1915), een vooraanstaande naam in het begin van de 20ste eeuw. In ieder geval vond Du Perron Les Lettres à Sixtine schitterend.50 Cendrars van zijn kant beriep zich op Remy de Gourmont (Le Latin mystique en sommige gedichten), die vanaf 1910 zijn roeping als schrijver had bepaald.51

    Desalniettemin vermoed ik dat het onbegrip van Du Perron voor de poëzie van de meeste auteurs die hij toen in Parijs leerde kennen een nadere kennismaking met hen heeft verhinderd. Dat geldt zeker voor Blaise Cendrars. Wat Eddy destijds het meest ergerde waren ‘de uitwassen van het modernisme in schilderkunst en literatuur’.52 Dankzij Pascal Pia zou hij ten langen leste de nieuwe stromingen in de kunsten beter leren waarderen. Naast Clairette wees deze twintiger hem de weg naar belangwekkende werken uit de jaren 1880-1920. Een rol die Cendrars wellicht op zich had kunnen nemen; hij was immers een aangename kerel en een verwoed lezer die weken en maanden in bibliotheken doorbracht om allerlei soorten boeken te verslinden. Als Du Perron met hem een nauwe band zou hebben gehad had hij kansen gekregen om vrij snel in Parijse bladen te mogen publiceren; met de hulp van een vriend of vriendin met taalgevoel, had hij zich wellicht kunnen ontwikkelen als Franstalig auteur, of tenminste had hij een start kunnen maken in die richting. Men zou dus kunnen spreken van een gemiste kans.

    Guiette photo.pngBegin jaren twintig van de vorige eeuw was de wereldreiziger Cendrars, die zelf tien jaar eerder als vreemdeling en autodidact in Parijs was beland om een schrijverscarrière te beginnen, namelijk bereid om als gids en mentor te fungeren voor jonge buitenlanders die het pad van de literatuur wilden betreden. Daar hebben we een mooi voorbeeld van in de persoon van Robert Guiette (1895-1976). In 1920 stuurde deze tweetalige Antwerpenaar, dichter in spe die vooral bekendheid zou verwerven met studies over de Franse en Nederlandse middeleeuwse literatuur, een eerste brief aan de auteur van La Prose du Transsibérien. Met ups en downs zouden ze veertig jaar lang met elkaar in contact blijven.53 De student Guiette informeerde bij Cendrars naar de recentste ontwikkelingen in de Franse poëzie. Kort daarop (december 1920) zou hij er in Leuven een lezing over geven.

    guiette - lezing.pngIn december 1921, dus slechts enkele maanden vóór Du Perron, maakte hij kennis met Blaise met wie hij vaak bij Le Père tranquille ging eten. Merkwaardig genoeg verbleef Guiette ook regelmatig in Parijs, juist in 1922, om het moderne vers te bestuderen. Martinus Nijhoff (1894-1953) deed trouwens hetzelfde in deze jaren. We weten ook dat H. Marsman in 1922 in de Franse hoofdstad verbleef; hij bracht zelfs een bezoek aan de uitgeverijen waar Cendrars voor werkte.54 Wat de veel oudere W.G.C. Byvanck (1848-1925) betreft – de bijna gepensioneerde directeur van de Koninklijke Bibliotheek te Den Haag –, hij had kort daarvoor drie maanden in Parijs doorgebracht om een boek over de jonge Franse generatie te schrijven. Max Jacob, André Salmon, Jean Cocteau en nog een paar andere auteurs heeft hij toen ontmoet, maar bij mijn weten niet Cendrars.55

    Noch in de biografie die we aan Kees Snoek te danken hebben noch in de correspondentie van Du Perron ben ik de naam Guiette tegengekomen. Toch verkeerden de twee mannen in de jaren twintig, óf in Parijs óf in België, vaak in dezelfde kunstenaarskringen.

    Moravagine, uitg. Voltaire (2005), vert. Z. Pennings

    eddy du perron,blaise cendrars,kees snoek,littérature,pays-bas,franceDankzij zijn Frans-Zwitserse mentor komt de Antwerpenaar gauw in contact met andere schrijvers, met diverse uitgevers en artiesten, te beginnen met de schilders Fernand Léger (1881-1955) en Oleg Skrypitzine (1848-1935), de auteur Lupus Blumenfeld (1889-1932), de Poolse dichter en kunsthandelaar Léopold Zborowski (1889-1932)… Hij krijgt recensie-exemplaren toegestuurd.56 Met als gevolg dat hij meer open staat voor de nieuwe generatie dan Du Perron, ook al vindt hij zijn eigen verzen ‘ver van modern’.57 Hij laat trouwens ook een brede kennis van de schilderkunst en de muziek zien.58 Volgens Robert Guiette is Cendrars, die hem heeft aangeraden de vivre intensément, ‘de man van het moment en van het leven, […] De moderne dichter, de dichter van de steden, van het kosmopolitisme, van de jazzband, van de film, van de machines, van het rauwe woord, van de ironie en van de hedendaagse menselijkheid. Geen idealisme meer, geen mal du siècle, geen kunst om de kunst, maar een voorliefde voor de objectieve werkelijkheid, het pragmatisme, de levensvreugde’.59 In enkele latere kronieken spreekt Guiette zich nog steeds lovend uit over Cendrars.60 Hij vindt de roman Moravagine een schitterend werk61 en zijn auteur overtuigender dan zijn collega Paul Morand: ‘Indien ik Blaise Cendrars met Morand vergelijk dan moeten zijn innemende bekoorlijkheid en zijn karakteristieke stijl toch onderdoen voor de veelheid aan menschelijke documentatie, de vizioenaire poëzie, den werkelijkheidszin en de ondervinding van Cendrars. Deze toch schrijft breed-aangelegde romans waar een wereld van kennis bij te pas komt. Hij schrijft in een gespierde, machtige taal, zonder ijdele handigheden en zonder quiproquo’s’.62 Cendrars toont zich dankbaar, bijvoorbeeld naar aanleiding van een bespreking van Moravagine: ‘Dank u voor uw uitstekende artikel. Ik denk dat het het beste is dat door een jongere over mij geschreven is. Het is jammer dat het niet in Parijs verschijnt. Wat een les voor de Franse recensenten’.63

     

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    Het enthousiasme van Robert Guiette wordt trouwens door andere Belgen gedeeld, om te beginnen door Paul van Ostaijen.64 Van Ostaijen erkende Cendrars als zijn grote voorbeeld; zijn gedicht ‘Aan Cendrars’, waar diens achternaam met ‘klaar’ rijmt, is daar een mooi bewijs van. Volgens Van Doesburg is Bezette stad ‘naar inhoud en vorm een imitatie van het mooie boek van Blaise Cendrars La Fin du monde geïllustreerd door Fernand Léger’.65 Een mening die werd gedeeld door M. Nijhoff: ‘Met uitzondering van Bezette stad, een typografische improvisatie afgekeken van Blaise Cendrars’ La Fin du monde, publiceerde hij in de laatste tien jaar van zijn leven geen verzenbundels meer. Dit is een feit van betekenis, vooral als men bedenkt dat hij slechts twee-en-dertig jaar oud was toen hij in 1928 stierf.’66

    Maar Gerrit Borgers weerlegt dit standpunt zonder de invloed van Cendrars op Van Ostaijen te minimaliseren. Volgens hem heeft Theo van Doesburg met zijn uitspraak een kettingreactie van misverstanden veroorzaakt, waar M. Nijhoff en later Adriaan de Roover (1923-2016) zich bij aansloten. ‘De tekst van La Fin du monde in de eerste uitgave van 1919 bij de Éditions de la Sirène te Parijs, is echter zonder één uitzondering volkomen traditioneel gezet in de “Morland corps”! Hoogstens kan men constateren dat de “compositions en couleurs” van Fernand Léger, die deze uitgave illustreren en waarin hier en daar tekstfragmenten zijn verwerkt, soms een zwakke overeenkomst vertonen met de houtsneden die Oscar Jespers voor Bezette stad zou maken, doch dit betreft alleen de illustraties. Ook de eerste uitgave van Cendrars’ La Prose du Transsibérien uit 1913, die als een meer dan twee meter lang “simultaan-boek dat de hoogte van de Eiffeltoren benadert” verscheen en door Sonia Delaunay-Terk werd geïllustreerd, vertoont geen “ritmische typografie”. Van Ostaijen is een van de weinigen die bij hun eigen variant op de dadaïstische typografie een theoretische toelichting hebben gegeven.’67

    cendrars LEGER.png

     

    Begin juni 1922, terwijl Eddy mogelijk in Parijs vertoeft68 en aan zijn eerste boek knutselt, houdt Cendrars enkele lezingen in Brussel (1 en 3 juni) en in een paar andere steden over l’art nègre, zijn eigen werk of het werk van zijn dierbaarste collega’s.69 De actrice Raymone Duchâteau (1896-1986), zijn boezemvriendin, begeleidt hem. Hij doet het vooral voor het geld want na zijn regisseurservaring is hij blut uit Rome teruggekomen. Ondanks zijn kwajongensstreken70 ontvangt hij in België een warm onthaal, waar Karel van de Woestijne (1878-1929) verslag van doet: volgens hem is de poëzie van Cendrars ‘voor het grootste gedeelte louter zintuigelijk: zij is eene aaneenschakeling van rechtstreeksche beelden, zonder ander verband dan klank, visuëele verhouding, intuïtieve evocatie. Zij is alles behalve discursief; zij laat zich gaan op het subconsciente, tot op het oogenblik dat een zekere staat der rede deze remmen komt. Daarin gelijkt deze poëzie op de laatste verzen van Rimbaud’.71

    P. van der Meer de Walcheren in Parijs

    PvdMdV Parijs.gifIn het nabije Nederland, zoals trouwens ook in het verre Brazilië72, hebben zich ook vanaf 1920-1923 enkele bewonderaars gemanifesteerd. Een Nederlandse kenner van de Montmartre-kringen, die na Theo van Doesburg het Franse modernisme in de Nederlandse literatuur introduceerde73, Pieter van der Meer de Walcheren (1880-1970), toont zich wat genuanceerder: ‘En onder deze allerjongsten, die men ook wel de literaire cubisten noemt, –  eenieder die nieuwe banen zoekt, wordt als cubist doodgeverfd! – is Blaise Cendrars wel een der meest begaafden. Hij is zeer ongelijk in zijn werk. Hij zoekt de intensiteit, den fellen direkten slag. Soms bereikt hij dat; al te vaak wordt zijn beknoptheid te duister. Bijna altijd trilt het van leven. En soms, wijd-uit kan hij in een veel-omvattenden zwaai een grootsche visie naderen. Maar altijd blijft het uiterlijk. Ik heb zijn Panama gelezen, dat goede fragmenten heeft. Profond Aujourd’hui, een titel die het werk van Cendrars typeert, reken ik tot het beste wat hij geschreven heeft. De film-roman La Fin du Monde, met illustraties van den schilder cubist Fernand Léger lijkt mij een grove vergissing, een misbruiken van zijn talent, en daarbij hinderlijk-blasphematorisch. Maar het kleine, laat ik zeggen: proza-gedicht: J’ai tué, is een voortreffelijk staaltje van zijn kunnen.’74

    eddy du perron,blaise cendrars,kees snoek,littérature,pays-bas,franceVan zijn kant geeft de correspondent van Het Vaderland uiting aan een onversneden enthousiasme in zijn bespreking van de poëziebundel Du Monde entier (1919): ‘Gansch nieuw is de wijze waarop Cendrars het heden ondergaat, innerlijk en uiterlijk op één plan vereenigt en een gansch-eigen uitdrukkingsvorm weet te vinden. Als men b.v. de Dix-neuf poèmes élastiques opslaat, staat men verbaasd: lange, schoon-gedragen strofen wisselen elastisch af met versregels van een enkel woord (doch hoe veelzeggend!); geen spoor van rijm; enkel het rijkgeschakeerde rhythme, dat zich nauwsluitend bij de ontroering aanpast. Doch het wonderlijkste is de inhoud. Geen doorloopend, logisch verhaal. Geen stilstaand tableau. Maar alles wat de werkelijkheid in den kortst mogelijken tijd in ons brein opwekt: sensatie, gevoel, gedachte, handeling, herinnering is met de grootst mogelijke soberheid en snelheid genoteerd. In plaats van een statische, ’n zuiver dynamische kunst. […] Het proza van Cendrars heeft dezelfde bondigheid, dezelfde stalen veerkrachtigheid als zijn vers. Zijn filmopschriften zijn suggestiever dan heele, rhetorische ontwikkelingen. Evenals Strawinsky en de Six zegt de dichter alles stellig en direct en daarmee uit.’75 Met andere woorden: al vroeg kende Cendrars over de noordelijke taalgrens een schaar van jonge en minder jonge bewonderaars, waar Du Perron zich nooit helemaal bij aan zou sluiten. Dat hij in een andere gemoedsgesteldheid verkeerde dan Robert Guiette blijkt nogmaals duidelijk wanneer de laatste aan de vroege jaren twintig terugdenkt: ‘Die maanden van 1922 in Parijs zijn voor mij onvergetelijk, en prachtig. Ik kan zeggen dat ze nog levendig zijn, en hoe! Een kwart eeuw vriendschap!’76 Een vriendschap met de romancier-dichter had voor Eddy op verschillende niveaus gunstig kunnen zijn en had kunnen bijdragen aan zijn literaire ontwikkeling. Maar blijkbaar voelde hij meer sympathie voor de jonge Pascal Pia en enkele jaren later zou hij in André Malraux een mens alsook een schrijver ontmoeten die meer naar zijn smaak was.

    perron - manuscrit.png

     

    Cendrars in Manuscrit trouvé dans une poche

    Anders dan wat geldt voor Robert Guiette zijn er bij mijn weten geen brieven tussen Blaise Cendrars en Eddy du Perron bekend.77 Wel dient gezegd te worden dat de Frans-Zwitser vrij slordig met zijn correspondentie omging en dat bij de Duitse invasie in 1940 zijn huis in Tremblay-sur-Mauldre werd geplunderd. Wat wel bewaard is gebleven zijn de regels die Du Perron aan Cendrars heeft gewijd in zijn allereerste pennenvrucht: Manuscrit trouvé dans une poche.78 Dit bizarre boekje, geschreven in een soort roes in mei en juni 1922 te Parijs, verscheen in januari 1923 in eigen beheer en in een oplage van 500 exemplaren. Een exemplaar stond in de bibliotheek van Cendrars.79 De titel is zowel geïnspireerd op Manuscrit trouvé dans une bouteille (MS. Found in a Bottle, 1833) van Edgar Allan Poe als op Le Manuscrit trouvé dans un chapeau (1919, met tekeningen van Picasso) van André Salmon.80 Maar inhoudelijk heeft de ‘poche’ weinig met de ‘bottle’ en met de ‘chapeau’ te maken. De keuze voor de Franse taal berust op het feit dat de jonge Du Perron zich wenste te positioneren ten opzichte van de vrienden en opvolgers van Guillaume Apollinaire; hij wilde ook zijn ‘beginneling’ toegankelijk maken voor Clairette, zijn toenmalige Franstalige muze.

    Pamflet en pastiche tegelijk, vergelijkt deze tekst de hedendaagse ontwikkelingen in de poëzie met het gekrijs en gehuil van baby’s. In deze ironische en hier en daar geestige pagina’s uitte de jonge Nederlander uit volle borst zijn onbegrip voor gedichten die volgens hem slechts een opsomming van onsamenhangende en absurde woorden en zinsdelen vormen, aaneenschakelingen van regels zonder rijm. ‘In een korte verklaring vooraf speelt Du Perron de rol van tekstbezorger. Hij doet het voorkomen alsof de door hem gepresenteerde tekst geschreven is door een zekere Bodor Guíla, afkomstig uit Betawi. Deze jongeman, die zichzelf kunstenaar in de schone letteren noemt, is gek geworden en in een inrichting opgenomen (als bewijs levert Du Perron een authentiek ogende medische verklaring). In een van de jaszakken van de jongeman heeft Du Perron een manuscript aangetroffen dat zo curieus was dat hij meende dat het wel moest worden gepubliceerd.’81

    Henri Michaux

    eddy du perron,blaise cendrars,kees snoek,littérature,pays-bas,franceMen kan Manuscrit trouvé dans une poche zeker vele tekortkomingen aanwrijven: het is eigenlijk meer een spel van een oude tiener dan een afgerond werk; het Frans dat de auteur hanteert is verre van vlekkeloos, iets dat hij trouwens beseft en waar hij niet voor terugschrikt. In de enige bespreking van de bundel putte op zijn beurt de jonge Belg Henri Michaux (1899-1984) uit een humoristisch register: ‘De auteur zal ongetwijfeld verstand hebben van het monteren en demonteren van fietsen en machines. Waarom is hij geen monteur of meetkundige geworden? Hij had de internering dan misschien kunnen vermijden.’ 82

    Zoals Eddy aan Clairette in een paar brieven uitlegt neemt hij in Manuscrit enkele dichters op de korrel: Max Jacob, Jean Cocteau, Guillaume Apollinaire, André Salmon, Walt Whitman, Albert Birot en natuurlijk Blaise Cendrars… ‘Ik verzeker je dat ik deze bundel zal afmaken, het kost me niet de minste moeite; ik hoef er alleen maar voor in een zekere spottende stemming te zijn om honderden van deze “verzen” zonder rijm of rede te kunnen schrijven, zonder komma’s, punten, enz., zonder talent, zonder vakmanschap en vol ideeën die ik zelf niet kan uitleggen.’83

    Proza-achtige stukjes en pastiches van gedichten wisselen elkaar af in deze parodie. Al in de eerste pagina’s is er sprake van Cendrars. Ik citeer in de vertaling van Arjaan van Nimwegen: ‘Vervolgens kocht ik een nummer van het tijdschrift Montparnasse, waarvoor ik mezelf een kop koffie ontzegde. Allereerst trof ik er een zogenaamd gedicht in aan van Blaise Cendrars, dat ik van begin tot eind heb begrepen. Maar ik vond het smakeloos en stuitend als slecht proza en absoluut niet origineel. Het ging over de buik van mevrouw zijn moeder toen hijzelf er nog in zat, en ik heb eens aan boord van een stoomschip twee matrozen aanmerkelijk stoutmoediger over datzelfde onderwerp horen praten. Hun taal was gewaagder, ruwer en vloeiender, en er zaten meer vondsten in, want Blaise Cendrars weet uitstekend hoe de buik van zijn moeder in elkaar zit en de matrozen wisten daar maar heel weinig van af. […] Eerlijk gezegd was ik erg verontwaardigd over Blaise Cendrars. Maar ik was dan ook maar een dom jongetje dat de modernen niet kon begrijpen.’84

    cendras - ça ira.jpegHet gedicht van Cendrars dat kort wordt samengevat draagt ‘Le ventre de ma mère’ als titel. Het werd uiteraard in Montparnasse gepubliceerd (op 1 mei 1922), maar ook in nummer 18 van Ça Ira! (mei 1922). Dat verklaart waarom redacteur Paul Neuhuys (1897-1984) een handschrift van het gedicht bezat dat in Cendrars’ verzamelde werken in de reeks ‘Au cœur du monde’ is opgenomen.85

     

    C’est mon premier domicile

    Il était tout arrondi

    Bien souvent je m’imagine

    Ce que je pouvais bien être…

     

    Les pieds sur ton cœur maman

    Les genoux tout contre ton foie

    Les mains crispées au canal

    Qui aboutissait à ton ventre

     

    Le dos tordu en spirale

    Les oreilles pleines les yeux vides

    Tout recroquevillé tendu

    La tête presque hors de ton corps

     

    Mon crâne à ton orifice

    Je jouis de ta santé

    De la chaleur de ton sang

    Des étreintes de papa

     

    Bien souvent un feu hybride

    Électrisait mes ténèbres

    Un choc au crâne me détendait

    Et je ruais sur ton cœur

     

    Le grand muscle de ton vagin

    Se resserrait alors durement

    Je me laissais douloureusement faire

    Et tu m’inondais de ton sang

     

    Mon front est encore bosselé

    De ces bourrades de mon père

    Pourquoi faut-il se laisser faire

    Ainsi à moitié étranglé ?

     

    Si j’avais pu ouvrir la bouche

    Je t’aurais mordu

    Si j’avais pu déjà parler

    J’aurais dit :

     

    Merde, je ne veux pas vivre !

     

    eddy du perron,blaise cendrars,kees snoek,littérature,pays-bas,franceVerder lezen we nog in Manuscrit een toespeling op La Prose du Transsibérien, zoals gezegd een gedicht dat ambieerde poëzie en schilderkunst samen te brengen en dat een beroep deed op de techniek van de collage.86 Du Perron, in de vertaling van Arjaan van Nimwegen: ‘steeds verder weg van de Sacré-Coeur en Montmartre, zoals Blaise Cendrars en het hoertje in de Transsibérien. Maar ik, ongelukkige, ik had geen Jeanne, geen Nini, geen Chichi, geen Mado, geen Dodo, geen Dada en geen Caca.’ Vervolgens pent Du Perron een vrij lang gedicht neer pour Blaise en à la Cendrars: geen interpunctie, lettergrepen die weggevallen zijn, woordspelingen… Ik citeer:

     

    ‘blaise cendrars c’est l’homme qui m’a appris le mot merde c’est l’homme qui m’a donné du courage je lui suis profondément reconnaissant sans cendrars sans moi tandis que j’écris son portrait me regarde et me dit merde tu n’y arriveras pas nous sommes tout seuls dans ma chambre le portrait de cendrars et moi souvent depuis des jours le matin il me dit merde tu es laid et le soir merde je m’emmerde

     

    je l’imite

    []

    je regarde cendrars il me dicte il

    me vient à l’aide

    je dis au diable tu me rases

    tu m’ennuies

    tu m’embêtes

                tu m’emmerdes

        rien de plus varié que la folie rien de plus ligotant que la

                logique il me semble que c’est par cendrars qui je sais cela

    ceci au silencieux rêveur dans ma solitude’

     

    ‘blaise cendrars is de man die me het woord verdomme geleerd heeft hij is de man die me moed heeft gegeven ik ben hem diep erkentelijk zonder cendrars was ik er niet geweest terwijl ik schrijf kijkt zijn portret me aan en zegt tegen me verdomme het lukt je niet wij zijn helemaal alleen in mijn kamer het portret van cendrars en ik al dagenlang zegt hij vaak ’s morgens tegen me verdomme wat ben jij lelijk en ’s avonds ik heb er schijt aan

    ik imiteer hem […]

    ik kijk cendrars aan hij dicteert me hij

    komt me te hulp

    ik zeg loop naar de hel ik baal van jou je verveelt me

    je zit me tot hier

    je hangt me de strot uit

    niets afwisselender dan de waanzin niets beklemmender dan de logica ik geloof dat ik dat van cendrars heb geleerd

    dit is voor de zwijgzame dromer in mijn eenzaamheid’

     

    In het volgende deel van Manuscrit steekt Eddy de draak met ‘dhr. Cocteau’ door in het gedicht voor hem alle lettergrepen te stoppen die hij in het gedicht voor ‘dhr. Cendrars’ heeft laten wegvallen.

    Clairette & Eddy

    CLAIRETTE PETRUCCI - EDDY DU PERRON - 1922 - ARGUS.pngMoet men Manuscrit trouvé dans une poche beschouwen als een streven van Du Perron om zich bij de nieuwe Franse generatie aan te sluiten? Misschien, maar kunnen we het niet eerder lezen als een laatste en reddeloze poging om de vrouw op wie hij verliefd was te versieren? Of eigenlijk om met haar af te rekenen? In de loop der jaren heeft Du Perron natuurlijk zijn opvattingen over poëzie enigszins herzien. Hij toonde zich minder kritisch ten opzichte van experimentele verzen. Maar het is moeilijk om van een echte bekering te spreken87: zijn eigen gedichten bleven eerder klassiek van vorm dan avant-gardistisch. Naast een voorkeur voor een parlando-toon is hij altijd aan het rijmschema trouw gebleven. Altijd? Niet in Kwartier per dag, de bundel die hij onder het pseudoniem Duco Perkens in november 1924 publiceerde na in contact te zijn gekomen met een paar belangrijke Vlaamse modernisten. Het gaat om een echte poging zich bij de moderne trend aan te sluiten, maar deze keer in het Nederlands. ‘Niet alleen thematisch maar ook qua vorm leunt hij sterk aan bij de avontuurlijke reisbeschrijvingen van Paul Morand, Blaise Cendrars en Valery Larbaud,’ meent Manu van der Aa.88 En Kees Snoek legt uit: ‘In de Perkens-verzen worden de moderne technieken gebruikt van de opsomming, het cursief zetten van verrassende citaten, het door elkaar laten lopen van twee verhaaldraden en een speelse verdeling van de woorden over de bladspiegel. Du Perrons kosmopolitisch voyeurisme à la Barnabooth krijgt accenten mee van futuristisch tempo en dadaïstische baldadigheid. Maar alle would-be futurisme ten spijt (in een van de verzen duikt de naam Marinetti op), blijft de anekdotische achtergrond sterk voelbaar.’89 Op één uitzondering na werd de bundel afgekraakt. Verder kan men ook in sommige kwatrijnen een zekere modernistische strekking herkennen.

    MJ6.jpeg

     

    Cendrars in het Nederlandse proza van Eddy du Perron

    Onder het pseudoniem Duco Perkens had Du Perron een paar maanden vóór Kwartier per dag zijn eerste Nederlands prozawerk gepubliceerd, Het roerend bezit. Het is geschreven volgens de ‘moderne methode’ om ‘een grotere abstractie te bereiken en zich volkomen los te maken van het naturalisme’.90 Zoals de Perkens-gedichten toont het verhaal wellicht enkele overeenkomsten met de stijl van Cocteau en van Cendrars, maar het is veel meer debet aan La Poésie d’aujourd’hui. Un nouvel état d’intelligence (1921) van Jean Epstein (1897-1953)91, een auteur die Cendrars vaak heeft geholpen zonder hem echt te waarderen.92 Opgedragen aan Cendrars werd La Poésie d’aujourd’hui, met een brief van hem uit 1920 bij wijze van nawoord, bij La Sirène gepubliceerd, een uitgeverij die de Frans-Zwitser als medewerker telde naast onder meer de grote kunstcriticus Félix Fénéon (1861-1944).93

    Interessanter wat betreft het bohème-leven dat de twintiger ervoer is echter zijn eerste autobiografische roman, Een voorbereiding, uit 1927. De lezer treft personages aan die sterk geïnspireerd zijn op kunstenaars die Eddy tijdens zijn maanden in Parijs had meegemaakt, bijvoorbeeld Max Jacob en de kunstschilder Gen Paul (1895-1975). Maar nergens in dit boek valt, meen ik, een toespeling op Cendrars te herkennen.

    doolaard cendrars.pngHet lijdt geen twijfel dat Eddy van tijd tot tijd met kennissen en andere literatoren de mens Cendrars en zijn werk geëvoceerd heeft, onder andere met Jan Greshoff (1888-1971). Via Francis Carco (1886-1958) – een van de spilfiguren van het Montmartre uit het begin van de 20ste eeuw – was deze francofiele Nederlander in contact gekomen met de auteur van L’Or.94 Maar het is pas rond 1930 dat Du Perron opnieuw enkele alinea’s aan de Frans-Zwitser zou wijden. In Lugano, op de tweede kerstdag van 1929, maakt hij in zijn ‘literair dagboek’ verschillende vergelijkingen tussen A. den Doolaard (1901-1994) en Blaise Cendrars.95 Hij meent dat het jongste boek van zijn landgenoot, De Laatste Ronde, roman van liefde en andere noodlottigheden, mislukt is in zijn poging om modern te zijn en ‘het razende tempo’ van de jaren twintig weer te geven. In zijn tekortkomingen doet dit proza hem denken aan ‘de energiek-rammelende verhaaltrant’ van Cendrars, een stijl die ondanks onbetwistbare kwaliteiten niet overtuigt. Terloops noteert Du Perron dat de lange gedichten van Cendrars uit het tweede decennium van de 20ste eeuw ‘eigenaardig’ en ‘overtuigend’ waren maar ‘niet zó origineel als het op het eerste gezicht wel leek (want deze Cendrars is bijna geheel uit Apollinaire’s Zone voortgekomen)’. Deze laatste kritiek is weinig gefundeerd: Cendrars hoefde niet van Apollinaire af te kijken om zijn gedichten te componeren; er is waarschijnlijk eerder sprake van rivaliteit en van wederzijdse invloed. In deze tekst geeft Eddy weer blijk van terughoudendheid ten opzichte van het recente werk van de eenarmige dichter-romancier. ‘De Cendrars van de oorlog heeft ons een prozawerkje gegeven waarin wederom de manier onweerstaanbaar triomfeerde: het kleine boekje J’ai tué96, waarin een meesterlijke harmonie bereikt werd met een paar fragmenten van marsliederen en het staag aangehouden rhythme van vele voeten in een geregelde beweging, een opmars in stormpas overslaand. Hij was toen in zijn volle kracht en nauwelijks beroemd. Op het ogenblik, filmregisseur van beroep, meen ik, ofschoon nog altijd avonturier, is hij niet meer dan een imitatie van zichzelf, een soort beroemd man die zijn uitgevers vele boeken verschuldigd is.’

    F. Léger, illustratie (J’ai tué)

    Eddy du Perron, Blaise Cendrars, Kees Snoek, littérature, pays-bas, franceUiteraard zijn de afkeurende opmerkingen van Du Perron niet helemaal uit de lucht gegrepen. In de jaren twintig nam Blaise te veel hooi op zijn vork: hij was uitgeversadviseur en trad op als filmmaker in de voetsporen van zijn vriend Abel Gance (1889-1981)97; zijn schrijverschap neigde steeds meer naar de journalistiek. In de romans die hij in die tijd publiceerde ziet Du Perron een progressieve achteruitgang, zelfs een ‘débacle’. Le Plan de l’Aiguille uit 1929 beoordeelt hij genadeloos: ‘Dat het punt van uitgang van een dergelijke kunst hopeloos vals is, het procédé ervan geforceerd, gemakkelijk en ontmoedigend, meer dan enig ander, lijdt voor mij geen twijfel. Als ik het aan één ding merk, dan is het aan de rancune die ik voel, juist tegen een Cendrars, omdat hij de avonturier teruggebracht heeft tot het peil van het Parijse variété.’ Ondanks het feit dat Den Doolaard ‘een vorming, een cultuur’ heeft ‘die ongetwijfeld superieur is aan die van Cendrars’ begaat hij dezelfde fouten als de Fransman.98

    Jean Galmot

    eddy du perron,blaise cendrars,kees snoek,littérature,pays-bas,franceAnderhalf jaar later herhaalt Du Perron onomwonden zijn kritiek, maar dit keer in een paar pagina’s die een grotere lezersgroep kunnen bereiken.99 Zijn vriend Menno ter Braak heeft hem gevraagd een recensie te schrijven over de roman Rhum voor het tijdschrift Critisch Bulletin. Rhum gaat over Jean Galmot, een Franse journalist, romancier en avonturier die in Frans-Guyana multimiljonair was geworden met het verhandelen van rum, goud en rozenhout. Verkozen als député van dit gebied werd hij vereerd door de zwarte bevolking die hij tegen allerlei misbruiken verdedigde. Het politieke en financiële succes van Galmot wekte veel afgunst. Hij werd bij een schandaal betrokken en verloor toen alles wat hij bezat: vliegtuigen, schepen, handelsposten, kasteel, etc. Ondanks alle tegenslagen bleef hij een soort god voor de inboorlingen van Guyana. Zijn dood in Cayenne in 1928 onder duistere omstandigheden – hij werd wellicht vergiftigd – veroorzaakte veel onrust alsook een rechtszaak die de gemoederen een paar jaar lang bezighield. Deze affaire haalde ook in Nederland het nieuws.100 Over Galmot, ‘de man die zijn hart verloor’101, publiceerde Cendrars in 1930 een reeks artikelen in het weekblad Vu, die al voor het eind van het jaar onder de titel Rhum in boekvorm werden samengebracht. Aan de hand van getuigenissen en een brede documentatie schreef hij, met de hulp van een spookschrijver, deze monografie. Het lijkt veel meer op journalistiek dan op een literair werk, wat Cendrars trouwens een vorm van ‘littérature appliquée’ noemde. Later zou hij dit boek, dat een kassucces werd, verloochenen; naar zijn mening behoorde het tot het slechtste van wat hij ooit geschreven had.102

    eddy du perron,blaise cendrars,kees snoek,littérature,pays-bas,franceDankzij de gepubliceerde brieven van Du Perron, die zijn plaats in de Nederlandse literaire wereld aan het veroveren was, krijgen we een kijkje op zijn beproeving toen hij het boek moest bespreken. ‘Rhum las ik in den trein uit [of liever voor een deel in den trein en de rest in Brussel]’, schreef hij aan ter Braak op 3 mei 1931 vanuit Gistoux; ‘ik zal je er binnen eenige dagen de bespreking van zenden. Het heeft meer van een financieel proces met bijbehoorend geknoei dan van rhum, het avontuur van Guyana blijft wel erg in de nevelen (van het onweten van Cendrars). Galmot was òf een veel braver kerel, òf 10 × gecompliceerder, en meer avonturier, dan dàt. Waarom Cendrars hem telkens zoo bète met Don Quichotte vergelijkt, begrijp ik heelemaal niet. Het geheel is inderdaad weinig inspireerend.’ Waarop Ter Braak op 6 mei vanuit Rotterdam antwoordt: ‘Benieuwd, wat je over Cendrars zult zeggen. Ik kon maar geen verhouding tot dat boek vinden.’ Op 8 mei 1931 laat Eddy aan zijn vriend Jan Greshoff weten dat hij het stukje net geschreven heeft, maar met tegenzin: ‘De kwestie is dat Menno zelf beloofde het te zullen bespreken en er maar niet toe kon komen, omdat hij eig. niet wist wát erover te zeggen. Een volgende keer schrijft hij voor mij misschien een stukje in D.G.W. over... over Coster misschien wel! Hij had gedacht dat ik wèrkelijk een “essay” over dien vent zou schrijven, wat toch lichtelijk naïef is, vind ik.’ En op 14 mei bedankt Ter Braak Du Perron: ‘Dank voor de critiek op Cendrars; het is inderdaad moeizaam en ongeïnspireerd geschreven, des te dankbaarder ben ik je. Voor het Bulletin altijd nog te goed.’

    eddy du perron,blaise cendrars,kees snoek,littérature,pays-bas,franceOnder de titel ‘De verborgen avonturier’ verschijnt het artikel over Rhum. L’aventure de Jean Galmot (1930) in Critisch Bulletin van 6 juni 1931. Opnieuw geeft Du Perron de vrije loop aan zijn teleurstelling: sinds zijn eerste succes met L’Or uit 1925 heeft de schrijver Cendrars zijn talent verknoeid, meent de Nederlander. Hij overdrijft niet helemaal wanneer hij noteert: ‘Sedert enige tijd kondigt hij aan, onder de lijst van zijn werken: in voorbereiding 33 delen. Het is misschien niet meer dan een grap, maar het zou ook een aanwijzing kunnen zijn, dat hij geheel op weg is om de reclame-schrijver te worden van het avontuur, iets waartoe zijn stijl, op menige plaats, trouwens altijd voorbestemd leek.’103 Ondanks een inhoud die niet aan de verwachtingen beantwoordt is de auteur geslaagd ‘een vrij leesbaar boek in elkaar te zetten’. Maar in zijn laatste zin verwijt Du Perron aan Cendrars de ‘z.g. synthetische reeksen van substantieven, die in werkelijkheid niets anders doen dan het gebrek aan informatie maskeren, of aan beeldende kracht.’ Hierbij zij gezegd dat ook vrij veel Franse recessenten het boek middelmatig vonden.

    J. Greshoff & J. van Nijlen bij het huwelijk van Du Perron & S. Sechez (1928)

    eddy du perron,blaise cendrars,kees snoek,littérature,pays-bas,franceIn zijn eigen bespreking van Rhum toont Jan Greshoff zich trouwens nog negatiever dan Du Perron: ‘Welk een leven dat van Jean Galmot; en wat een slecht, slordig boek heeft Cendrars ervan gemaakt! Het is pijnlijk om dit te moeten zeggen van de man die eens L’Or schreef en in wien wij toen daarom de grootste schrijver van onze generatie zagen. Rhum is een maakwerkje van de slechtste soort, een vlug afgeroffelde compilatie, waarin het accent van de overtuiging volkomen afwezig is, en waaruit de figuur van Galmot, de held, niet los komt als een zich vrij in de ruimte bewegende gestalte. Het is Cendrars niet gegeven geweest om zijn figuur leven in te blazen. Wat wij zien is niet een mensch, zelfs geen statuette, is slechts een schetsmatige, rommelige studie voor een basrelief’.104

    In dezelfde periode is Du Perron geïntrigeerd door een ander boek waar Cendrars bij betrokken was: Feu le lieutenant Bringolf (1930), Franse vertaling van de autobiografische roman Der Lebensroman des Leutnant Bringolf van Hans Bringolf (1876-1951), een vertaling die door Cendrars, in zijn rol van uitgever(adviseur), werd herzien.105

    Deze ‘mémoires van een avonturier, gearrangeerd door Cendrars’ zijn ‘een beetje décousu, maar met prachtige blzn’, schrijft Eddy aan een correspondent.106 Hij vraagt zich af of het om een ‘mystificatie van Cendrars’ zou kunnen gaan.107 Enige tijd later beveelt hij het boek aan Hendrik Marsman aan, niet zonder twee romans van Cendrars terloops teniet te doen: ‘Tien maal beter dan Rhum, Dan Yack en dergelijke Schund.108 Of deze woorden Marsman wel bevallen zijn is maar de vraag. Hij was immers een grote bewonderaar van de kosmopoliet, wat blijkt uit zijn stuk over de roman Moravagine.109 Volgens hem is Cendrars een man die volledig met zijn tijd meegaat: ‘Cendrars is een zwerver, een dier grote cosmopolitische avonturiers dezer jaren, die de onrust meenemen op steamers en karavanen. Zij duiken op, voor zichzelf onverwacht, een avond in San Francisco, terwijl een vrouw hen wacht diezelfde avond in Bordeaux. Hun leven is snel, scherp, gedecideerd: hel en veelkleurig. Kriskras oversneden met de tekens van dertig culturen, eilanden, liefdes en woestijnen. Hun hart is een paspoort, bont en verward en vaag overstempeld. In een verrukkelijk enerverend tempo doorkruisen zij werelddelen, revoluties, mensenlevens en ideologieën. Zij veroveren verten en verlaten die, zij veroveren steden, zwart en brandend in de avond en trekken verder de volgende morgen; de herinnering verkoolt en verwaait als as in de schemer.’110

    eddy du perron,blaise cendrars,kees snoek,littérature,pays-bas,franceDe brieven die Du Perron en Ter Braak met elkaar wisselden reflecteren de belangstelling die de twee vrienden voor Feu le lieutenant Bringolf tonen, alsook weer eens hun minachting ten opzichte van het recente werk van de Franstalige auteur. Vanuit Brussel schreef op 9 februari de eerste aan de tweede: ‘Deze meneer [Hans Bringolf] gaf zijn mémoires uit in het Duitsch, maar ik maakte ermee kennis met een Fransche uitgave, bezorgd door Cendrars. Het eerste moment dacht ik aan een mystificatie; ofschoon Cendrars (na de creatie van Dan Yack ben ik er helaas van overtuigd) op geen stukken na zoo’n avonturier zou weten te “campeeren” als deze. Ik informeerde dus en Mayer vertoonde mij de Duitsche uitgave: de mémoires van Bringolf waren inderdaad van Bringolf.’ Waarop Menno ter Braak op 9 april antwoordt: ‘Ook vergat ik nog altijd, je te schrijven over Bringolf. […] Ik las het eerste stuk (tot de wereldoorlog) zonder onderbreken uit. Het is inderdaad een zoo menschelijk, zoo burgerlijk avonturier, dat Cendrars er naar kan fluiten!’ De waardering die Ter Braak voor de roman L’Or koesterde111 is nu ver te zoeken.

    Elisabeth de Roos (1903-1981) deelde de mening van haar toekomstige echtgenoot omtrent de kwaliteit van de jongste productie van Cendrars. In een bespreking van de roman Le Plan de l’Aiguille112 betreurt ze het feit dat hij het manuscript van zijn boek naar een uitgever heeft gestuurd. ‘Tot besluit stelt ze Blaise Cendrars verantwoordelijk voor het introduceren van de “halve bruut” (quasi avonturier) als “mode-artikel”. De Roos protesteert krachtig tegen elke literaire uiting waarin de “intelligentie als middel van leven of uitdrukkingsmiddel” in discrediet is geraakt. Dat was voor haar het geval bij Céline.’113

    Elisabeth (Bep) de Roos in 1932

    eddy du perron,blaise cendrars,kees snoek,littérature,pays-bas,franceIn de kring van Forum klonk in dezelfde jaren een andere gelijkgezinde stem. Slauerhoff (1898-1936) heeft immers niet geaarzeld om fel kritiek op Cendrars te formuleren, b.v. naar aanleiding van de publicatie van Aujourd’hui, een bundel opstellen: volgens hem heeft de Frans-Zwitser, ter wille van de moderne trend, zich niet ontzien boerenbedrog op grove schaal te plegen; hoe ‘moderner’ Cendrars probeert te schrijven, hoe sneller zijn proza en zijn verzen verouderen.114 Wat Slauerhoff betreft ontwaart M. Nijhoff desalniettemin een zekere invloed van Cendrars op zijn poëzie: ‘Waarom zou de poëzie niet uit een over-oud maar nu ongeveer een eeuw lang verwaarloosd element een nieuwe aandrift ontvangen? Dit element is “het verhaal”, het gebeurtenissen-verloop, een vogelvlucht-realisme door persoonlijke visie gekleurd, dat soms het werk van Cendrars zo aangrijpend maakt (Les Aventures de mes sept oncles), waarvan Gijsen waarschijnlijk vruchtbaar partij trok, en hetgeen, maar meer naar Rilkes pijpen dansend, Slauerhoff in zijn laatste gedichten begint te doen.’115

    Een andere literator die met de oprichters van Forum omging, Halbo C. Kool (1907-1968), heeft ook ooit blijk gegeven van zijn ontgoocheling: ‘Blaise Cendrars en Jean Cocteau zijn twee Franse schrijvers, wier boeken ik sinds mijn jongensjaren met gulzige belangstelling heb gelezen. De eerste deed indertijd een juweeltje het licht zien: La Vie dangereuse – een klein, maar ongemeen boeiend boekje. Kort geleden verscheen onder dezelfde titel een normaal Frans boek van zijn hand: een bundel verhalen, welker waarde mij minder dan twijfelachtig voorkwam. Maar Cendrars werkt tegenwoordig dan ook voor “de grote pers”. Hij is een “standaard-auteur”, van wien men een bepaald soort “lectuur” verwacht en dat levert hij op maat en naar bestelling, zo krijgt men de indruk.’116

    Martin J. Premsela

    eddy du perron,blaise cendrars,kees snoek,littérature,pays-bas,franceIn al deze denigrerende stellingnames klinkt in zekere zin de vroege uitspraak door van één van de vooraanstaande Nederlandse francofielen uit het interbellum, Martin J. Premsela (1896-1960): ‘Du Monde entier is de titel van een gedichtenbundel van den “dadaïst” Blaise Cendrars. Wij noemen dit boek slechts bij wijze van betreurenswaardig voorbeeld van een jammerlijke psychopathologie. Men weet misschien dat voor Cendrars de hoogste kunst bestaat in “l’absence d’art”.’117 Een mening die nog vernietigender blijkt dan de uitlatingen van de jonge Eddy, een paar jaar later, in zijn brieven aan Clairette.

    Ik weet niet of Elisabeth de Roos de autobiografische romans die Cendrars vanaf 1945 publiceerde heeft gelezen. Daar hebben Eddy du Perron noch Ter Braak, Slauerhoff noch Marsman kennis van kunnen nemen. Pas na hun dood heeft de Frans-Zwitser met L’Homme foudroyé (Door de bliksem getroffen), La Main coupée (De afgehakte hand), Bourlinguer (Van hot naar her) en Le Lotissement du ciel (De hemelse woonwijk) zijn krachtigste boeken geschreven. ‘Vooral de werken van de latere jaren lijken op vulcanische erupties,’ meent Pierre H. Dubois (1917-1999) over de schrijver die het leven ‘met blote vuist te lijf gaat’.118 In feite had Cendrars al in Une nuit dans la forêt (1929) en in Vol à Voile (1932) de kiem van zijn autobiographie romancée gelegd.

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    Aan het begin van deze bijdrage kwam André Salmon ter sprake. Het zou de moeite waard zijn om Een voorbereiding, de eerste roman van Eddy, te lezen in het licht van Salmons Montmartre-roman La Négresse du Sacré-Cœur uit 1920, die Du Perron in 1922 aan het lezen was.119

    En wat Cendrars betreft lijkt het me interessant de autobiografische benadering in zijn romans te confronteren met de benadering van Du Perron in Het land van herkomst.120 Dit betekent onder andere het kosmopolitisme van Cendrars toetsen aan dat van Du Perron, die wat dat betreft meer verwantschap toonde met Valery Larbaud. Het betekent ook het waarheidsgehalte van de romans van Cendrars te vergelijken met het waarheidsgehalte dat Du Perron ambieerde. Je zou bijvoorbeeld de inhoud en de vorm van de naoorlogse romans van Cendrars tegenover het thema van de trouw kunnen stellen dat in Het land van herkomst domineert, de trouw aan het verleden, aan vrienden, aan de geliefde, etc. Al met al is Cendrars voor vele lezers een goochelaar: ‘Blaise Cendrars, goochelend met Siberië of Marsman, goochelend met sterrebeelden maken op mij de indruk van goochelaars, die ons enigszins laatdunkend vertonen hoe veel konijnen zij wel in hun hoed hebben’121, en zelfs een grote leugenaar.122 Ook Robert Guiette komt enigszins daarop terug als hij het woord ‘invraisemblable’ (ongeloofwaardig, onwaarschijnlijk) gebruikt, weliswaar niet zonder de aanpak van zijn vriend en meester te rechtvaardigen: ‘Hij vertelde mij over de duizend avonturen van zijn leven. (In zijn recentste boeken vind ik ze met dezelfde huivering, dezelfde volheid en dezelfde waarheid. Ik bedoel dezelfde duidelijkheid, zelfs in het onwaarschijnlijke of het buitengewone). Zijn geheim – en wat hem onderscheidt van zovele schrijvers – is dat hij eerst intens leeft, en op elk moment. In de overvloed van zijn herinneringen hoeft hij maar keuzes te maken. De integriteit van het beeld en van de emotie komt weer opdagen, met de verbazingwekkende zekerheid die dat biedt.’123

    eddy du perron,blaise cendrars,kees snoek,littérature,pays-bas,franceIn hoeverre verwijdert overdrijving de romanschrijver van zijn eigen persoon, van de realiteit van zijn bestaan? Staat ze de zelfanalyse in de weg? Op welke manier verwerken Cendrars en Du Perron het autobiografische materiaal in hun eigen werk? Al met al was de nuchtere Eddy van zijn kant niet wars van tegenstrijdigheden. Philippe Noble schrijft: ‘[Du Perron] was er helemaal niet op uit om zijn eigen tegenstrijdigheden tot een logische eenheid terug te brengen. Aan het schrijven verleende hij min of meer het recht om tegenstrijdig te blijven. Hij probeert een zo volledig mogelijk beeld van zijn karakter te geven, maar het blijft bij een beeld, een houding van “zo ben ik nu eenmaal”, zonder dat hij tot een diepgaande analyse komt. Persoonlijk is juist die “onlogische” kant van Du Perron mij heel sympathiek, maar ik kan mij voorstellen, dat de controverse tussen intentie en uitwerking van Het land van herkomst anderen juist irriteert. Net als Stendhal probeerde hij door middel van het schrijven meer inzicht te krijgen in zijn eigen persoonlijkheid, maar in zijn zelfanalyse komt hij niet zover als je zou denken.’124 Is Cendrars verder gekomen? Hij had het voordeel dat hem een langer leven beschoren was dan Du Perron. We zagen dat hij zichzelf als ‘een levensbeschouwer’, ‘een soort omgekeerde Brahmaan’ zag. De twee auteurs belichaamden twee verschillende poëtica’s die een echte vriendschap blijkbaar in de weg hebben gestaan; misschien hebben ze onbewust gevoeld dat er sowieso een onoverkomelijke onverenigbaarheid ten opzichte van hun respectievelijke aspiratie zou opdagen. Hun wegen hebben elkaar gekruist zonder veel vruchten en vonken op te leveren. Moge leur rencontre sans réel lendemain ons niet ervan weerhouden vruchten en vonken uit te lokken door hun mooiste werken met elkaar de confrontatie aan te laten gaan.

     

    Daniel Cunin

     

     

    Blaise Cendrars, Un siècle d'écrivain (1999)

     

    NOTEN

    1. eddy du perron,blaise cendrars,kees snoek,littérature,pays-bas,franceLa rencontre de Blaise Cendrars pour un garçon de vingt ans, c’est une de ces aubaines comme on en trouve peu dans une vie.’ Robert Guiette, in Blaise Cendrars - Robert Guiette, Lettres 1920-1959. “Ne m’appelez plus… maître”, texte établi, annoté et présenté par Michèle Touret, Zoé, Carouge-Genève, 2013, p. 245. Het citaat komt uit dit fragment: ‘Je dois à sa présence et à ses livres, quelques-unes des heures les plus magnifiques de ma vie. La rencontre de Blaise Cendrars pour un garçon de vingt-ans, c’est une de ces aubaines comme on en trouve peu dans une vie. Cela m’a permis, entre autres, de comprendre combien j’étais différent de lui, et, peut-être de me trouver la force de supporter bien des choses et des gens.’ Buiten de brieven van Cendrars en een paar van Guiette bestaan de Lettres 1920-1959 uit documenten van de Antwerpenaar over zijn verblijf in Parijs begin 1922 en zijn vriendschap met Cendrars (brief aan zijn moeder, dagboekfragmenten, artikelen, recensies, etc.). Over zijn eerste ontmoeting met Cendrars schrijft hij: ‘C’est un type très curieux, une espèce de jockey. Il parle par boutades comme ses poèmes et il raconte un tas de choses sur le cinéma, ses films, etc. Il déteste parler littérature!’ (p. 143-144).
    2. Ik denk niet dat er enige vergelijking viel te lezen tussen ‘Eddy’ en ‘Freddy’, de bijnaam van Frédéric Sauser, de latere Blaise Cendrars.
    3. Kees Snoek, E. du Perron. Het leven van een smalle mens, Amsterdam, Nijgh & Van Ditmar, 2005, p. 274.
    4. Brief van Eddy du Perron aan Clairette Petrucci, 25 mei 1922. Citaat: ‘Vous avez raison: au fond c’est un triste type de fumiste!’
    5. eddy du perron,blaise cendrars,kees snoek,littérature,pays-bas,franceJean-Claude Pirotte, Hollande. Poèmes et Peintures, Paris, Le Cherche-Midi, 2007. Zie ook zijn roman: Une adolescence en Gueldre, Paris, La Table Ronde, 2005. Een paar andere Franstalige dichters hebben een Nederlandse collega bezongen, namelijk Rutger Kopland: zie Daniel Cunin, ‘Rutger Kopland dans L’Autre vie. De Bruges à Groningue dans les pas d’Yves Leclair’.
    6. Met dank aan Benno Barnard voor de verbeteringen.
    7. Daniel Cunin, ‘Max Jacob: réponse du berger à la bergère. À propos de quelques portraits ou Max Jacob & Cie scrutés par Eddy du Perron’.
    8. Ik denk aan Alexander Cohen (zie: André Salmon, La Terreur noire, vol. 2, 10/18, p. 153-154), W.G.C. Byvanck (zie Daniel Cunin ‘André Salmon par W.G.C. Byvanck’, ) en vooral aan Fritz Vanderpyl, die decennialang dezelfde kunstenaarskringen in Parijs bezocht en die af en toe een pikant kort verhaal met blote dames publiceerde in hetzelfde tijdschrift als Salmon. Of Du Perron Salmon ooit heeft ontmoet is bij mijn weten niet bekend, maar wel aannemelijk.
    9. Een zin uit L’Homme foudroyé: ‘Écrire c’est brûler vif, mais c’est aussi renaître de ses cendres’, in de vertaling van Els Jongeneel, in ‘Blaise Cendrars: kosmopoliet en brahmaan’, Panama, of de avonturen van mijn zeven ooms, voorwoord Els Jongeneel, vertaald door Willem Desmense, IJzer, Utrecht, 1999, p. 7.
    10. Sjoerd Broersma, ‘Blaise Cendrars en moderniteit’, Boek en Kunst, oktober-november 1927.
    11. X, ‘Blaise Cendrars: piraat van de moderne wereld’, Algemeen Dagblad, 24 november 1951.
    12. Ibid. Voor een ‘portret’ van de mens en de auteur Cendrars, zie bijvoorbeeld: Robert Guiette, ‘Portraits contemporains: Blaise Cendrars par Robert Guiette’, Les Cahiers libres, t. XIII, mei-juni 1926, p. 26-32, herdrukt in Lettres 1920-1959, op. cit., p. 212-223.
    13. Zie o.a. Antoine Sidoti, La Prose du Transsibérien et de la Petite Jehanne de France. Genèse d’une polémique. Blaise Cendrars-Sonia Delaunay, november-december 1912-juni 1914, Archives n° 4, Paris, Lettres modernes, 1987. En het dossier in de Pléiade-reeks: Blaise Cendrars, Œuvres romanesques I, précédées des Poésies complètes, Paris, Gallimard, 2017, p. 1206-1224.
    14. eddy du perron,blaise cendrars,kees snoek,littérature,pays-bas,franceKees Fens, ‘Een gedicht uit de jeugd van de poëzie’, de Volkskrant, 12 september 1983. In deze bespreking van Proza van de Transsiberische Spoorlijn en van de kleine Jeanne van Frankrijk beweert Kees Fens dat het prozagedicht het mooiste zou zijn van wat Cendrars heeft geschreven en dat deze regels veel invloed hebben uitgeoefend op de Nederlandse dichters. Dat geldt o.a. voor iemand als Louis Ferron: ‘Door het contact met Lizzy Sara May en Oscar Timmers kon Ferron zijn kennisterrein aanzienlijk uitbreiden. Lizzy zette hem op het spoor van Blaise Cendrars, Oscar op Céline en moderne Duitsers als Hans Henny Jahn.’ (Johan Diepstraten, in ‘Johan Diepstraten in gesprek met Louis Ferron. Over de autobiografie’, Bzzlletin, 1980-1981, nr .80, p. 13.) ‘Niet voor niets kreeg het gedicht (‘Dr. Moebius en het bruidenbitterdeze’ van Louis Ferron, DC) regels van het gedicht ‘La tête’ van Blaise Cendrars als ondertitel mee: “La guillotine est le chef-d’œuvre de / l’art plastique / son déclic / Crée le mouvement perpétuel’. (Arend Slagman, ‘Verdichte voorstudies. Over de poëzie van Louis Ferron’, Bzzlletin, 1980-1981, nr. 80, p. 64). In ‘Meer dan de stem van Indisch Nederland. Tjalie Robinson en de avant-garde’ (TNTL, 2011, p. 74-92) spreekt Jeroen Dewulf niet over invloed maar over ‘opvallende parallellen’ tussen Cendrars en Tjalie Robinson.
    15. ‘Inleiding’, in G.J. Dorleijn, Sjoerd van Faassen en Ageeth Heising (red.), Schepelingen van De Blauwe Schuit. Brieven van Bertus Aafjes, K. Heeroma, M. Nijhoff, S. Vestdijk en Hendrik de Vries aan F.R.A. Henkels, 1940-1946. (red. Sjoerd van Faassen en Anton Korteweg), Letterkundig Museum, Den Haag 2003, p. 5.
    16. Over de redenen waarom de Zwitser Cendrars tegen de Duitsers wilde vechten, zie Claude Leroy, ‘Blaise qui partait en guerre s’en allait: raisons et déraisons d’un engagement’, Feuille de routes, nr. 54, herfst 2016, p. 24-40. Dit artikel biedt ook een uitvoerige interpretatie van het pseudoniem dat de jonge auteur voor zichzelf koos.
    17. Max Jacob, Correspondance, édition de François Garnier, préface d’André Brissaud, Éditions de Paris, Paris, 1953, vol. 1, p. 97 en 100.
    18. X, ‘Blaise Cendrars’ nieuwste boek. Een avonturenroman: Moravagine’, De Telegraaf, 10 juli 1926.
    19. Blaise Cendrars, Œuvres romanesques I, op. cit., p. 1252.
    20. Pierre Brachin, ‘Frankrijk in Marsmans leven en werk’, De Nieuwe Taalgids, 1978, p. 452.
    21. eddy du perron,blaise cendrars,kees snoek,littérature,pays-bas,france‘Ceux-là (le dernier groupe mentionné, DC) sont en avance… du moins comme ils ne sont que quelques-uns qui vibrent au diapason de l’époque, (Cinéma, rythmes libérés, T.S.F., Vitesse) alors que les autres piétinent ou marchent à pas normaux, ils paraissent être en avance. Au premier plan c’est Ramuz et Cendrars usant d’une langue cinématique (Lire: La Séparation des Races, L’Amour du Monde, Passage du Poète, du premier, et L’Or, Moravagine, Du Monde Entier, Éloge de la Vie Dangereuse, Profond Aujourd’hui, Kodak, du second). Ramuz et Cendrars sont les deux écrivains les plus curieux de la langue française. L’un et l’autre sont plus ou moins dédaignés par leurs confrères. Le public les connaît peu. Par contre, ils sont sans doute les deux auteurs ayant le plus la sympathie compréhensive des jeunes’, Henry Poulaille, ‘Le vrai visage de la France’, Internationale Revue i 10, 1928, nr. 13, p. 9-10.
    22. Blaise Cendrars, ‘Abc der Bios Coop’, De Gemeenschap, nr. 10-11, p. 289-293. Voor de oorspronkelijke tekst, zie Blaise Cendrars, Œuvres romanesques I, op. cit., p. 741-747. Albert Herman heeft trouwens het belang van Cendrars voor zijn eigen werk erkend. Op een bepaald moment deed hij afstand van de mooischrijverij: ‘Met de jaren ben ik wel soberder gaan schrijven. Er hebben daarbij misschien ook invloeden van buiten gespeeld, maar die zijn niet goed aanwijsbaar. Er zijn wel een aantal auteurs, die mij gegrepen hebben door hun eenvoud. Iemand als Blaise Cendrars bv., dat schiet me nou ineens te binnen. En iemand als Kafka. Ik ben dus wel beïnvloed, tenminste in die zin, maar ik ben zelf ook wel tot het inzicht gekomen dat het veel eenvoudiger moest, veel soberder, omdat het dan ook veel meer effect heeft’ (Albert Helman, in Willem M. Roggeman, ‘Gesprek met Albert Helman’, De Vlaamse Gids, 1981, nr. 3, p. 15). Zie ook: Michiel van Kempen, Een geschiedenis van de Surinaamse literatuur, deel 4, Uitgeverij Okopipi, Paramaribo, 2002, p. 156: ‘De eerste cesuur in Helmans werk betekende ook dat hij vanaf dat moment nooit meer tot een groep of richting te rekenen zou zijn. Hij verruilde al spoedig Nederland voor Spanje. Door het lezen van Blaise Cendrars en Franz Kafka – wiens Het proces (1947) hij van een inleiding zou voorzien – ging hij veel soberder schrijven.’
    23.  eddy du perron,blaise cendrars,kees snoek,littérature,pays-bas,franceUit geldgebrek zag Cendrars zich genoodzaakt allerlei soorten broodvertalingen te maken, vaak in samenwerking met Féla Poznańska, zijn eerste echtgenote (foto, rond 1908).
    24. Over het dilemma dat sommige katholieken uit die tijd ervoeren, de volgende anekdote over een auteur voor wie Du Perron waarschuwde: ‘Albert Kuyle had veel moderne schilderijen thuis hangen en ik heb veel van hem geleerd op het gebied van de toenmalige moderne schilderkunst. Hij wist ook alles over planten, bloemen en vogels. In de natuur was er niets vreemds voor hem én hij had een verdomd goede literaire smaak en kennis van de moderne literatuur. Hij heeft eens tegen me gezegd: “Bob [A. den Doolaard], ik mag het eigenlijk niet van mijn bisschop zeggen, maar jij moet Blaise Cendrars eens lezen.” Een dergelijk advies van Kuyle volgde ik altijd op en het bleek altijd een goed leesadvies te zijn.’ Th.A.P. Bijvoet, ‘Uit het Letterkundig Museum. Het archief van Albert Kuyle’, Literatuur, november-december 1987, p. 356.
    25. eddy du perron,blaise cendrars,kees snoek,littérature,pays-bas,franceConstant van Wessem (portret door Paul Schultze), ‘Een geval van tweemaal verleend vertaalrecht door een buitenlandschen uitgever’, Vertalen. Orgaan van de Vereeniging “Nederlandse Vertalingen”, 1934, p. 37-38.
    26. De lamp van Diogenes (1928) van H. Marsman was het enige Nederlandse boek dat in de bibliotheek van Cendrars stond. De vijf andere Nederlandse werken die hij bezat waren Franse vertalingen. Zie Fonds Blaise Cendrars (Archives littéraires suisses, Bern).
    27. ‘Je sais qu’il y a eu une édition d’école de L’Or en Hollande mais je ne sais pas ce qu’elle vaut ne l’ayant pas reçue.’ Brief van Blaise Cendrars aan Robert Guiette, 25 november 1931, in Lettres 1920-1959, op. cit., p. 112. Het is me niet duidelijk wat de schrijver met ‘édition d’école’ bedoelt. Een verkorte Franse versie voor de les Frans op school? Een Nederlandse versie die meermaals in de pers werd gebruikt? In de bibliotheek van Cendrars werd een exemplaar teruggevonden van de vertaling die eind 1937 of begin 1938 bij J. Dupuis het licht zag. In het boek, met een cover getekend door Frans van Immerseel (1909-1978), staan kiekjes uit de filmbewerking van de roman; deze publicatie zonder datum kan dus niet vóór 1936 het licht hebben gezien; de verschijning wordt bijvoorbeeld aangekondigd in De Limburger van 9 maart 1938. De vertaling, zonder de naam van de bewerker, toont weinig overeenkomsten met de bewerking uit 1927. Zie ook over de (Duitse) vertalingen van L’Or: Albrecht Buschmann & Catherine Livet, ‘La traduction littéraire entre questions de style et critique idéologique: les premières transformations de L’Or de Blaise Cendrars’, Feuille de Routes, nr. 52, herfst 2014, p. 83-104, en Irene Weber Henking & Christine Le Quellec Cottier (dir.), Réinventer Cendrars: Blaise Cendrars et la traduction, Lausanne, CTL, 2001.
    28. Een vergelijking tussen al deze vertalingen zou meer duidelijkheid brengen over hun ontstaan en oorsprong.
    29. Alfred Kossmann, ‘Drie buitenlandse romans waard om “klassiek” te worden’, Het Vrije Volk, 2 februari 1968.
    30. eddy du perron,blaise cendrars,kees snoek,littérature,pays-bas,franceVertaling door Jan Oudenaarden, Cold Turkey Press, Rotterdam, 1977. De oorspronkelijke tekst vindt men in de Pléiade-reeks: Blaise Cendrars, Œuvres autobiographiques complètes II, Paris, Gallimard, 2013. Cendrars had de haven van Rotterdam in juni 1912 aangedaan toen hij per boot uit New York terugkwam.
    31. Simon Vinkenoog, Liefde. Zeventig dagen op ooghoogte, De Bezige Bij, Amsterdam, 1965, p. 476.
    32. E-mail aan D.C., 29 september 2021. In een volgende e-mail (18 oktober) voegt Zsuzsó Pennings eraan toe: ‘Ivo, classicus en een Antwerpenaar, werkte bij uitgeverij De Standaard in Antwerpen. In 1974 klopte zijn baas, Toon Sap, bij hem aan met de mededeling dat hij vier boekwinkels had gekocht in Nederland, Moussault / Het Wereldvenster / Van Kampen, onderdelen van De Standaard. Ivo corrigeerde hem: “Toon, dat zijn geen boekwinkels, dat zijn uitgeverijen.” Voor Toon was dat aanleiding hem naar Nederland te sturen. In 1984 vertrok hij naar Ambo, in 1994 naar Van Gennep. Vanwege een inhoudelijk verschil vertrok hij daar binnen een jaar. In ’96 kwam hij bij mij in Den Bosch wonen en zijn we daar samen Voltaire begonnen. Veel klassieken, maar ook Lovecraft en zijn grote werk De Heksenhamer, en onder meer Tocqueville, Clausewitz en het Groot Keukenwoordenboek van Alexandre Dumas. Ik ben bij Voltaire begonnen met Monsieur Nicolas van Rétif de la Bretonne, niet wat je noemt een commercieel succes.’
    33. Rudi Boltendal, ‘Dichters van ver en verder’, Leeuwarder Courant, 26 november 1983.
    34. Kees Fens, ‘Een gedicht uit de jeugd van de poëzie’, de Volkskrant, 12 september 1983.
    35. Ed Jongma, ‘Stoomfluit en sirene. Blaise Cendrars en Arthur Cravan op reizend avontuur’, Vrij Nederland. Boekenbijlage, 1984, nr. 2.
    36. E-mail aan D.C., 26 september 2021. W. Desmense verwijst naar deze vertaling: Panama, of de avonturen van mijn zeven ooms, voorwoord Els Jongeneel, vertaald door Willem Desmense, IJzer, Utrecht, 1999. Deze tweetalige uitgave bevat Le Panama ou les Aventures de mes Sept Oncles, Dix-neuf Poèmes élastiques, La Guerre au Luxembourg, Poèmes nègres en Kodak.
    37. E-mail aan Daniel Cunin, 27 september 2021: ‘J’ai traduit Pâques à New York, une édition très confidentielle pour Druksel, juste le texte, ceci à la suite du colloque Cendrars à Guéret, en 2017. La traduction d’Anton van Duinkerken, je l’ai lue après coup, je ne voulais surtout pas me laisser influencer – comme j’ai une mémoire musicale, certaines tournures auraient pu rester dans ma tête, ce que j’ai à tout prix voulu éviter. Comme d’habitude, j’alterne rimes riches et assonances, et j’ai respecté le nombre de pieds (plus ou moins, parce que Cendrars les traite de façon très libre lui aussi). J’aurais beaucoup aimé une édition avec les gravures de Frans Masereel, mais pour des raisons évidentes, ça n’a pas marché. Pas de postface non plus. Et je n’ai pas étudié les influences éventuelles de la poésie de Cendrars sur Du Perron.’
    38. Eddy du Perron, Vw II, p. 280.
    39. eddy du perron,blaise cendrars,kees snoek,littérature,pays-bas,franceTheun de Vries, ‘Letterkundige kroniek. XV. Anton van Duinkerken’, Dagblad De Gooi- en Eemlander, 8 november 1930. Anton van Duinkerken verwijst niet zonder omwegen naar zijn eigen vertaling i.v.m. de poëzie van Ed. Hoornik: ‘Zijn [Hoorniks] allereerste gedichten zijn verwant aan de katholieke poëzie van de twintiger jaren. Men kent den bijtenden toon van A.J.D. van Oosten verteederd terug in het “Gebed van een werklooze op Driekoningen”, men hoort het rhythme van Jan Engelman in de eerste regels van “Kerstmis in Amsterdam”, dat niet uitsluitend door zijn titel herinnert aan Pâques à New-York van Blaise Cendrars, waarvan Hoornik een Nederlandsche vertaling kende, en navolgde.’ (Anton van Duinkerken, ‘Kroniek der Nederlandsche letteren. Eduard Hoornik’, De Gids, 1939, p. 103). Van Duinkerken heeft ook een zekere invloed van Cendrars op de verzen van Martin Bruyns opgemerkt (zie ‘Het “katholieke jongere’”, De Gemeenschap, 1934, p. 125).
    40. Miriam Cendrars, La Vie, le Verbe, l’Écriture, Paris, Denoël, 1993 (édition revue, corrigée, augmentée : 2006).
    41. ‘J’ai revu hier soir Max Jacob, après lui Blaise Cendrars, qui m’a raconté de très amusantes histoires concernant son ami Chagall. C’est curieux, en les voyant plus c’est Cendrars que je préfère de beaucoup à l’autre. Il est énergique, causeur amusant sans faire trop d’esprit, et simple.’
    42. ‘J’ai, en écrivant, dans le dos la femme au (sic) pomme et le portrait de Cendrars, à gauche: ton portrait,’ brief van Eddy du Perron aan Pedro Creixams, Brussel, 10 november 1923. Over de twee vrienden, zie: Anaïs Bonnel, ‘Pere Creixams et Eddy du Perron (1922-1927)’, in Présence d’André Malraux, nr. 7, herfst 2008, p. 45-56.
    43. Kees Snoek, op. cit., p. 482. Zie ook Eddy du Perron, Vw II, p. 173. Ook Robert Guiette dweepte met het gedicht: ‘Les Pâques à New York m’avaient bouleversé au point que je ne voulais plus me séparer de ce livre. Je l’emportais partout avec moi. J’en parlais à tous ceux que je voyais,’ in Lettres 1920-1959, op. cit., p. 241.
    44. ‘J’étudie les vers français modernes. Pour moi c’est une étude dégoutante, ça me fait perdre toujours un peu mon calme. J’ai trouvé (dans “Montparnasse”) des vers de Blaise Cendrars, eh bien, Clairette, ils sont ignobles.’ En op 20 mei bestempelt hij de gedichten van Cendrars als ‘meedogenloos vulgair’, brief van Eddy du Perron aan Clairette Petrucci, Parijs, 20 mei 1922. Dezelfde afkeer klinkt in strofen die hij in die periode neerpent (zie Manu van der Aa, E. du Perron en de avant-garde. Kroniek van een heilzame ziekte, Amsterdam, Bas Lubberhuizen, 1994, p. 12).
    45. Op 19 april 1922 schrijft Cendrars aan Guiette dat hij P. Pia niet kent. De naam Pia komt trouwens niet voor in de biografie die Miriam aan haar vader wijdde, noch in de lijst van de correspondenten van de Frans-Zwitser (Fonds Blaise Cendrars, Bern). Onder de Nederlandse kennissen van Cendrars telt men Otto van Rees (1884-1957) en natuurlijk Kees van Dongen (1877-1968).
    46. Eddy du Perron, Vw II, p. 170.
    47. eddy du perron,blaise cendrars,kees snoek,littérature,pays-bas,france‘Il veut qu’on cherche, ce bon Cendrars, c’est pour cela qu’il s’exprime si… primitivement; soit, je veux bien chercher. Mais quand après beaucoup de peine je tiens par les cornes (??) la signification de quelque poème obscur,… elle ne vaut rien. Alors, comme dans le manuscrit, je lâche un juron et je me mets en grève. Et je mets le bouquin de côté, hors de vue, après y avoir inscrit: “A Clairette, parce qu’elle a le courage de poursuivre des insignifiantes significations.” En quel charabia je suis assez moderne,’ brief van Eddy du Perron aan Clairette Petrucci, Brussel, 10 december 1922.
    48. Respectievelijk in L’Œuf dur, nr. 9, april 1922 en in Le Disque vert, nr. 1, mei 1922. De rest van de bundel Poèmes nègres is pas in 1944 in de Poésies complètes bij Denoël verschenen.
    49. Zie Blaise Cendrars, Œuvres romanesques I, op.cit., p. 1259.
    50. ‘last not least Les Lettres à Sixtine de Rémy de Gourmont qui sont admirables, tout ce qu’il y a de mieux. Ce que vous ne savez pas c’est que Gourmont, pressentant mon arrivée au monde et ma peine à m’exprimer en français a écrit ces lettres spécialement pour nous; et je vous prie de lire ce soir encore la dernière lettre,’ brief van Eddy du Perron aan Clairette Petrucci, Brussel, 29 december 1922. Tien jaar later blijkt Eddy iets minder te dwepen met het werk van de Franse symbolist en lupuslijder: ‘Zulke boekjes als dat van Weininger hebben ook Rémy (sic) de Gourmont en Paul Bourget in elkaar gezet; ik zweer je: niet minder “geniaal” en stomvervelend! Maar zij hadden niet de goede smaak zich eroverheen dood te schieten. Je hebt ook nog een Fransche verzenschrijvende schoolmeester die beroemd werd omdat hij zich tenslotte verzoop: Léon Deubel,’ brief aan Hendrik Marsman, Garches, 20 augustus 1932.
    51. eddy du perron,blaise cendrars,kees snoek,littérature,pays-bas,franceZie Miriam Cendrars, op. cit., p. 205. Kort daarvoor had een Nederlandse schrijver een gelijksoortige ervaring meegemaakt bij het lezen van werken van R. de Gourmont: Jacob Israël de Haan heeft zich immers meermaals bewonderend over de symbolist geuit; hij is een paar keer bij hem in Parijs op bezoek geweest en heeft in 1910 een prachtig en hallucinerend kort verhaal aan hem gewijd (zie Jacob Israël de Haan, Brieven van en aan Jacob Israël de Haan 1899-1908, eds. Rob Delvigne en Leo Ross, herziene en uitgebreide uitgave, DBNL, 2018, en ‘De lupuslijder’, in Nerveuze vertellingen, Amsterdam, Bert Bakker, 1983, p. 101-114).
    52. Kees Snoek, ‘De leertijd van een amateur: E. Du Perron in Montmartre’, Cahiers voor een lezer, nr. 12, mei 2000, p. 10.
    53. Zie briefwisseling Blaise Cendrars – Robert Guiette, Lettres 1920-1959, op. cit.
    54. Tijdens een verblijf in Parijs was Marsman bij de kleine uitgeverijen La Sirène en Au sans pareil langs geweest, waar hij de bundel Dix-neuf poèmes élastiques (1919) van Blaise Cendrars verwierf. Het werd zijn eerste kennismaking met ‘het nieuwe poème sans fil, sans fin et (dieu soit loué) sans sens,’ brief aan Roel Houwink, 29 september 1922. Over zijn band met de Franse hoofdstad zie o.a. Eric Min, Gare du Nord. Belgische en Nederlandse kunstenaars in Parijs, Kalmthout, Pelckmans, 2021, hoofdstuk 14.
    55. W.G.C Bijvanck koesterde het plan een boek te schrijven met de titel: Trente ans après / Dertig jaar later, daarmee verwijzend naar zijn Un Hollandais à Paris en 1891. Sensations de littérature et d’art / Parijs 1891. Van Trente ans après zijn enkele hoofdstukken in De Amsterdammer verschenen. Zijn dood in 1925 heeft hem wellicht belet zijn project tot een goed einde te brengen.
    56. ‘Faites-vous des cartes de visite avec titre de collaborateur journal et recevrez tous les volumes des poètes. Je vous arrangerai ça à Paris,’ brief van Blaise Cendrars aan Robert Guiette, in Lettres 1920-1959, op. cit., 7 oktober 1922.
    57. ‘Ce qui m’embête c’est que tout ce que j’ai fait comme poèmes soit si loin du moderne, sinon je crois que je publierais demain,’ in Lettres 1920-1959, op. cit., p. 152.
    58. Zijn vader Jules (1852-1901) en zijn broer René (1893-1976), met wie hij een uitstekende band onderhield, waren kunstschilders. René raakte ook bevriend met Max Jacob en met Cendrars. Onder de pseudoniem Blaise Distel heeft hij artikelen gepubliceerd. Een van zijn dochters heette Raymone zoals de actrice Raymone Duchâteau (1896-1986), de boezemvriendin en tweede echtgenote van Cendrars (foto met Cendrars in 1948).eddy du perron,blaise cendrars,kees snoek,littérature,pays-bas,france
    59. ‘l’homme du moment et de la vie, […] Le poète moderne, le poète des villes, du cosmopolitisme, du jazz-band, du cinéma, des machines, du mot cru, de l’ironie et de l’humanité d’aujourd’hui. Fini l’idéalisme, fini le mal du siècle, fini l’art pour l’art, voici le goût de la réalité objective, le pragmatisme, la joie de vivre,’ in Lettres 1920-1959, op. cit., p. 11.
    60. Over Apollinaire is hij blijkbaar minder te spreken: ‘Les Mamelles de Tirésias ça ne donne rien, c’est parfaitement moche. Apollinaire a bien fait de mourir, il n’avait plus rien à dire. Depuis Alcools où il y avait des choses étonnantes, il n’a plus fait que tripoter. Ses Calligrammes il les dessinait d’abord puis en remplissait les lignes par des mots. Ça le faisait beaucoup rigoler, c’était très drôle jusqu’au moment où il a pris ça au sérieux,’ in Lettres 1920-1959, op. cit., p. 158. En ook over Cocteau: ‘Quant à ses poèmes, c’est nul. On aurait pu croire qu’il allait faire de bonnes choses, mais il redevient dix-huitième, la violette et le rossignol. Son dernier recueil Vocabulaire en est la preuve,’ ibid., p. 161. Deze commentaren lijken wel de mening van Cendrars enigszins te weerspiegelen.
    61. Robert Guiette, ‘Fransche letterkunde. De nieuwe romans’, Vlaamsche Arbeid, 1927, p. 358.
    62. Robert Guiette, ‘Kronieken. Fransche letterkunde. De Roman-kunst’, Vlaamsche Arbeid, 1928, p. 355.
    63. eddy du perron,blaise cendrars,kees snoek,littérature,pays-bas,france

      ‘Merci de votre bon article. C’est, je crois le meilleur écrit sur moi par un jeune. Dommage qu’il ne paraisse pas à Paris. Quelle leçon pour ceux d’ici!’, brief van Blaise Cendrars aan Robert Guiette, 31 juli 1926, Lettres 1920-1959, op. cit., p. 81. Maar als hij een werk van Guiette slecht vindt aarzelt hij niet zijn mening onomwonden te formuleren: ‘Vous savez que je suis loin d’avoir lu toutes les nouveautés – mais votre Allumeur de Rêves est sûrement une des plus mauvaises choses que j’aie lues depuis longtemps. Permettez-moi de vous le dire en toute franchise et amitié. C’est ce que j’ai lu de plus “pompier” depuis que je suis au monde. Je ne veux pas vous décourager, au contraire. Et je vous félicite d’avoir eu le courage de publier ce monstre. C’était la seule façon de vous en débarrasser. Quoi qu’en dise votre préfacier, je crois vous rendre service en vous faisant remarquer que l’on se trompe toujours sur son premier livre (on y tient surtout parce que c’est une erreur). Maintenant, je vous attends. Vous valez mieux et plus. Et votre prochain livre me donnera raison,’ brief van Blaise Cendrars aan Robert Guiette, 11 juli 1927, in Lettres 1920-1959, op. cit., p. 87-88. L’Allumeur de rêves verscheen oorspronkelijk in januari-februari 1927 in het tijdschrift La Flandre littéraire en daarna bij uitgeverij La Flandre littéraire, Oostende/Brugge, 1927, met een voorwoord van Franz Hellens en een frontispice van James Ensor. Een overdruk (tiré à part) van de tijdschriftpublicatie heeft Guiette aan André Salmon opgedragen: ‘Au poète André Salmon, cette édition pré-originale d’improvisations sans malice, avec l’amitié et la reconnaissance de Robert Guiette.’ Deze overdruk wordt tegenwoordig voor 120 euro aangeboden. Hij laat vooral zien dat Guiette blijkbaar meer geïntegreerd bij de Salmon-Cendrars generatie was dan Du Perron. Ook Max Jacob heeft Guiette geholpen bij het publiceren van gedichten en prozastukken in Franse tijdschriften (zie ibid., noot 113, p. 104). Over de kennismaking van Robert Guiette met de Parijse schrijvers begin 1922, zie Robert Guiette, Monsieur Cendrars n'est jamais là, édité par Michel Décaudin, Paris, édition du Limon, 1990.eddy du perron,blaise cendrars,kees snoek,littérature,pays-bas,france
    64. Tussen de Vlaamse bewonderaars van Cendrars kunnen we de kunstschilder Gustaaf De Smet noemen (zie Marco Daane, De vrijheid nog veroveren. Richard Minne. 1891-1965, De Arbeiderspers, Amsterdam/Antwerpen, 2001, p. 378), alsook Oscar Jespers: ‘Blaise Cendrars is mijn lievelingsauteur bij de Fransen. Die heeft voortreffelijke dingen geschreven’ (zie José Boyens, ‘Oscar Jespers. I. Een gesprek’, Raam, 1963-1964, nr. 3, p. 46). ‘Voor Cendrars hadden Van Ostaijen en de beide Jespersen grote bewondering; voor de omslag van een nooit verschenen tijdschrift dat zij gedrieën zouden uitgeven, noemde Oscar Jespers zelfs dat van Cendrars’ La Fin du monde als voorbeeld’ (zie ‘Inleiding’, in G.J. Dorleijn, Sjoerd van Faassen en Ageeth Heising (red.), Schepelingen van De Blauwe Schuit. Brieven van Bertus Aafjes, K. Heeroma, M. Nijhoff, S. Vestdijk en Hendrik de Vries aan F.R.A. Henkels, 1940-1946. (red. Sjoerd van Faassen en Anton Korteweg), Letterkundig Museum, Den Haag 2003, p. 5). Eddy du Perron heeft reminiscenties aan Cendrars in het werk van de Antwerpenaar Michel Seuphor opgemerkt (cf., Vw II, p. 174). Een niet onbelangrijke rol heeft Cendrars blijkbaar gespeeld in het schrijverschap van zijn Vlaamse vertaler Jef Geeraerts: ‘Vóór Gangreen heb ik mij, ik herhaal het, beziggehouden met vingeroefeningen om mijn stiel te leren. Ik was op zoek naar een andere vorm en met Gangreen 1 heb ik die dan gevonden en uitgewerkt. Maar die overgang heeft zes jaar geduurd. Ik voelde mij wel thuis in de “sfeer” van Ernest Hemingway en Henry Miller, maar niet in hun stijl. Die overgang van stijl is veel eenvoudiger gebeurd dan je denkt. Ik was afgestudeerd in 1966. Ik had geen geld en ik moest Blaise Cendrars vertalen, Neem me mee naar het einde van de wereld…, in opdracht van madame Manteau nog. En Paul de Wispelaere wou zijn doctoraal maken over Dirk Coster. Wij zouden naar Ventimiglia gaan. Wij zijn daar samen naartoe gegaan. Ik wou geen leraar worden. (Ik ben in 1966 elf dagen leraar geweest). ’s Morgens vertaalde ik gewoon Blaise Cendrars en in de namiddag zou ik mijn Gangreen beginnen schrijven. Paul had een gedeelte van de flat en ik een ander gedeelte opdat we mekaar niet zouden storen overdag, maar ’s avonds zaten we samen in één kamer. En ik herinner me nog dat ik toen Gangreen ben begonnen met een hij-verhaal. Paul las dat en hij voelde dat ik aan het zoeken was. En hij zei: waarom zou je niet eens met een ik-verhaal beginnen? Dan ben ik een eerste versie in de ik-vorm begonnen. Ik heb nog al die versies thuis liggen, gelukkig. En toen ik de definitieve versie had, de derde of de vierde, die echt zin voor zin hetzelfde is als in het boek Gangreen 1, toen zei hij: ja, dat is het. Daarom heb ik dat boek opgedragen aan Paul de Wispelaere. Hij heeft mij misschien wel een soort zekerheid gegeven. Het was een goeie tijd. Dat was eigenlijk het grote stijlavontuur.’ (Jef Geeraerts, in Willem M. Roggeman, ‘Gesprek met Jef Geeraerts’, De Vlaamse Gids, 1987, n° 2, p. 16).
    65. Erik Slagter, ‘“holland dada” en de rol van het dadaïsme voor experimentele en konkrete poëzie’, Ons Erfdeel, 1974, nr. 4, p. 517.
    66. Martinus Nijhoff, ‘Moderne dichters. Paul van Ostaijen’, in Kritisch en verhalend proza. Verzameld werk II, ed. Gerrit Borgers en Gerrit Kamphuis, Amsterdam, Bert Bakker, 1982, p. 630.
    67. eddy du perron,blaise cendrars,kees snoek,littérature,pays-bas,franceGerrit Borgers, Paul van Ostaijen. Een documentatie (2 dln), Amsterdam, Bert Bakker, 1996, p. 312-313. Zie ook over Cendrars p. 288-294. Over zijn gedicht en het ‘simultanéisme’ schreef Cendrars aan de kunstcriticus Salmon: ‘La Prose du Transsibérien et de la Petite Jehanne de Franceest, rassurez vos confrères, munie de points et virgules. On ne les enlèvera point. J’estime beaucoup la réforme de l’inimitable Apollinaire. Mais je crois qu’il a fait fausse route en l’appliquant à des formes et à des poèmes anciens. Ma ponctuation n’est pas de syntaxe, mais rythmique. L’inspiration de ce poème m’est venue naturellement, et, comme vous le pensez, loin des trépidations commerciales de M. Marinetti. Vos pressentiments me forcent à ajouter quelques éclaircissements sur le métier nouveau.Le Simultanisme de ce livre est dans sa présentation simultanée et non illustrative. Les contrastes simultanés des couleurs et le texte forment des profondeurs et des mouvements qui sont l’inspiration nouvelle. Maintenant, pour qu’il n’y ait pas de malentendu et quoique vous n’en ayez pas parlé, permettez-moi de vous dire que ce premier Livre Simultané est également loin des théories scolaires du pion Henri Martin Barzun, qui, dogmatique, publie sous couverture d’indigestes conversations successives. À ce propos, je relève quelques notes déjà parues de Delaunay sur le métier nouveau. “Il ne s’agit plus de vision simultanée en art, ce qui a toujours existé. Il s’agit du nouveau métier représentatif en peinture, sculpture, ameublement, architecture, livre, poésie, affiche, robes, etc. Notre sensibilité réagit immédiatement à une œuvre d’art ; comme dans la nature, elle donne le sens de la profondeur. Nos yeux vont jusqu’au soleil. Il y a mouvement. Tout est couleur en mouvement, profondeur. Nous trouvons le métier qui doit servir à un esthétisme nouveau, représentatif. Contrastes simultanés, complémentaires, et dissonances synchrones. La couleur constructive est le métier dans toutes les représentations de l’art nouveau”.’ Brief van Blaise Cendrars aan André Salmon, Paris, le 12 octobre 1913, in Antoine Sidoti, La Prose du Transsibérien, op. cit., p. 62-63 (er bestaat een discussie of de brief werkelijk aan Cendrars toegeschreven moet worden).
    1. eddy du perron,blaise cendrars,kees snoek,littérature,pays-bas,franceOp 9 juni 1922 schrijft Du Perron vanuit Den Haag aan zijn vriend Creixams (foto) en op 10 juni is hij in Quinto, Italië, bij zijn muze Clairette.
    2. Uit 1910 dateert het eerste verblijf van Cendrars in België. Via Bella Bender, het zusje van zijn eerste vrouw, leerde hij Franz Hellens kennen, die met Bella zou trouwen. Op 8 mei 1922 schreef Cendrars aan Hellens: ‘J’accepte pour le jeudi 1er juin à 8 heures à l’université. 350 F c’est bien. Vous pouvez donc annoncer: Causerie sur la poésie et les poètes d’aujourd’hui par Blaise Cendrars avec le gracieux concours de Mlle Raymone, du Théâtre Antoine,’ geciteerd in Lettres 1920-1959, op. cit., p. 64. Deze ‘tournee’ werd door o.a. de dichters Robert Goffin, F. Hellens en R. Guiette op touw gezet. Dankzij Hellens raakt Cendrars in contact met Paul Neuhuys; in het eerste nummer van Ça ira! wordt La Fin du monde filmée par l’Ange Notre-Dame besproken en in het nummer 18 staat een gedicht van Cendrars: ‘Le Ventre de ma mère’ (zie over dit gedicht de commentaren van Du Perron in zijn Manuscrit trouvé dans une poche).
    3. Miriam Cendrars, op. cit., p. 444. De eerste lezing heeft hij niet goed voorbereid en hij kwam in de zaal dronken aan. Bij sommige gastheren gedroeg hij zich als een echte schooier.
    4. Karel de Woestijne, ‘Nieuwe letteren. Le Disque vert en nog iets’, N.R.C., 9 september 1922.
    5. Cf. Miriam Cendras, op. cit., p. 451-456.
    6. Zie bijvoorbeeld Theo Festen, ‘Cocteau en Du Perron’, Cahiers voor een lezer, nr. 20, mei 2004, p. 3-15.
    7. Pieter van der Meer de Walcheren, ‘Vreemde arbeid. Fransche kroniek. – romantiek en klassicisme’, Vlaamsche Arbeid, 1919-1920, nr. 3, p. 205.
    8. X, ‘Moderne Fransche letteren. Blaise Cendrars’, Het Vaderland, 15 november 1923.
    9. Brief van Robert Guiette aan Blaise Cendrars, 4 april 1948, in Lettres 1920-1959, op. cit., p. 130.
    10. eddy du perron,blaise cendrars,kees snoek,littérature,pays-bas,franceHet fonds Blaise Cendrars (Archives littéraires suisses, Bern) bezit geen brief van Du Perron. R. Guiette heeft ook met Max Jacob gecorrespondeerd. Zie Max Jacob, Lettres à Robert Guiette, correspondance annotée et présentée par Michel Décaudin, Édition des Cendres, 1996 (in dit boek komt de naam Du Perron niet voor). Bovendien publiceert de Antwerpenaar in 1934 een studie over Max Jacob in de NRF, die herdrukt werd onder de titel La Vie de Max Jacob, Paris, A. Nizet, 1976.
    11. Grappig genoeg wordt in de ‘Index’ van de Correspondance Valery Larbaud – A.A.M. Stols (Édition des Cendres, 1986) de titel verward, niet met ‘Manuscript in een kliniek gevonden’ van Willem Frederik Hermans, maar met de roman van Jan Potocki: Manuscrit trouvé à Saragosse.
    12. Onder het nummer BBC-03-01-0766.
    13. In een brief uit 15 februari 1920 aan André Salmon spreekt Max Jacob zijn bewondering uit voor dit werk (zie Lettres réunies par François Garnier, T. I, Éditions de Paris, 1953).
    14. Henk Pröpper, ‘Jeugwerk van Du Perron. Dichterschap: een kwestie van wit laten,’ Cultureel Supplement NRC, 10 juni 1988. [NB: bodor = dom; gila = gek, in het Indonesisch].
    15. Het stukje van H. Michaux verscheen in december 1923 in Le Disque vert. Daar citeer ik de laatste regels van in de vertaling van Manu van der Aa. Zie Manu van der Aa, op. cit., p. 35.
    16. Brief van Eddy du Perron aan Clairette Petrucci, Parijs, 20 mei 1922, vertaling van Kees Snoek, op. cit., p. 272.
    17. eddy du perron,blaise cendrars,kees snoek,littérature,pays-bas,franceEddy du Perron, Manuscript in een jaszak gevonden. Kroniek van de bekering van Bodor Guíla Buitenlander, vert. Arjaan van Nimwegen, voorwoord J.H.W. Veenstra, Nauta bv, Zutphen, 1988, p. 19-20.
    18. Cf. Blaise Cendrars, Œuvres romanesques I, op. cit. Over Ça ira ! en andere publicaties van Cendrars in tijdschriften, zie: Michèle Touret, ‘De Sic à Ça ira! De la guerre au tournant belge’, Feuille de routes, nr. 49, lente 2011, p. 49-76.
    19. ‘Het lange gedicht Proza van de Transsiberische spoorlijn en van de kleine Jeanne van Frankrijk van Blaise Cendrars is een mooi voorbeeld van het in de jaren ’10 van de twintigste eeuw in zwang komende collagegedicht. Het kan haast niet anders [dan] dat schrijvers als Cendrars en Apollinaire zich hebben laten inspireren door de collages van hun beeldende kunstbroeders Picasso en Braque, die in hun schilderijen stukjes krant en ander drukwerk verwerkten of reclames naschilderden. Cendrars maakt overvloedig gebruik van die collagemethode in lange meanderende gedichten van een man die zich ook in zijn poëzie een globetrotter betoonde. Cendrars had een aanstekelijk gebrek aan respect voor de officiële literatuur. Voor hem kon een reclameboodschap of een opgevangen conversatie net zo bruikbaar zijn als een zelf gevonden dichterlijk beeld. Ook de eerste wereldoorlog had de “holde Kunst” hardhandig van zijn voetstuk gegooid. Het enige wat nog mogelijk leek was een ontkenning van die kunst, het tot kunst bombarderen van het alledaagse en banale. Ook toen al werd veelvuldig gebruik gemaakt van readymades. Het sterkst komt dat tot uiting in de bundel Panama of de avonturen van mijn zeven ooms, een uitgebreide bloemlezing uit het werk van Cendrars. Hierin zijn vijf cyclussen opgenomen waarbij Cendrars niet schroomt hele hoofdstukken van een boek over olifantenjacht in Afrika als poëzie te presenteren. Het verst gaat hij in de cyclus “Kodak (Documentaire)”, die bestaat uit overgeschreven passages uit een pulproman. Wat in het werk van Cendrars opvalt is de vrolijke lichte toon, die in die tijd niet alleen de Franse poëzie maar ook de muziek kenmerkte. Componisten als Darius Milhaud, Francis Poulenc, Jean Wiener en George Auric werkten nauw samen met schrijvers, vooral met Jean Cocteau, de geestelijke vader van de door hem opgerichte “Groupe des Six”. Deze componisten incorporeerden veel elementen uit de lichte muziek en uit wat men toen voor jazz aanzag. Ze brachten hun muziek liever ten gehore in cabarets dan in concertzalen. Die vrolijkheid kon natuurlijk niet lang stand houden. Dat is goed te zien in de bundel Gedichten van Jean Cocteau in de vertaling van Theo Festen, een ruime bloemlezing uit het werk van deze octopus van de Franse cultuur.’ Bernlef, ‘Tegen het vergeten. Kroniek over vertaalde poëzie 2,’ Raster, n° 107, 2004, p. 8-9.
    20. eddy du perron,blaise cendrars,kees snoek,littérature,pays-bas,franceMen leze bijvoorbeeld het voorwoord van Anouck Cape bij de herdruk van Manuscrit trouvé dans une poche, Paris, Cambourakis, 2010, p. 10: ‘en fait de conversion c’est bien à la sienne qu’on assiste: venu à Paris attiré par les mouvements d’avant-garde, Eddy du Perron en repart en se détournant d’eux et manifeste son rejet avec le Manuscrit trouvé dans une poche, qui fait précisément le récit ironique du trajet inverse.’
    21. Manu van der Aa, op. cit., p. 60.
    22. Kees Snoek, op. cit., p. 339.
    23. Ibid., p. 304.
    24. Zie Manu van der Aa, op. cit., p. 48.
    25. ‘Non, je n’ai pas eu l’article d’Epstein que vous me signalez. Il en pond trop et de fort mauvais’, brief van Blaise Cendrars aan Robert Guiette, maart 1922, op. cit., p. 53. En: ‘Epstein est plus con que jamais,’ brief aan Robert Guiette, 7 oktober 1922, op. cit., p. 59. In hetzelfde boek verhaalt Guiette een wandeling die hij met Cendrars, Léger en Epstein maakte (p. 187-188) en laat Cendrars aan het woord over Epstein: ‘Alors, dit Cendrars, j’ai fait pour lui ce que je n’ai jamais fait pour personne. Je l’ai fait venir pendant quinze jours en Suisse près de moi et on a travaillé ensemble. Je lui ai dit: “Vous brouillez beaucoup de cartes, vous aurez beaucoup d’ennemis si vous le laissez comme ça.” Il a préféré avoir beaucoup d’ennemis. Alors, je l’ai fait venir à La Sirène, où il touche huit cents francs par mois pour ne rien f…, il est chauffé, éclairage, encre et papier à discrétion. Je me suis brouillé avec NRF pour lui.’ (p. 191). Zie ook over Epstein en Cendrars: Miriam Cendrars, op. cit., p. 432-435.
    26. ‘L’antériorité de la préface sur le texte d’Epstein et son ton sont un signe du détachement critique de Cendrars envers un auteur qui le loue et qu’il a aidé à paraître,’ in Lettres 1920-1959, op. cit., p. 50, noot 36.
    27. eddy du perron,blaise cendrars,kees snoek,littérature,pays-bas,france‘In die maanden [in 1919, DC] behoorde Francis Carco tot mijn goede kameraden. Ik had hem voor het eerst ontmoet op één van de thee’s van Rachilde in het oude gebouw van de Mercure de France, waar juist Jésus-la-Caille, zijn eerste roman, verschenen was. Door hem kwam ik in aanraking met Max Jacob, Blaise Cendrars, Kisling en anderen. Het beste staat mij nog voor de geest mijn eindeloos afscheid op de Pont Neuf, onder de dode blik van le Vert Galant, van Jacob en Cendrars, die steeds weer nieuwe en geestige argumenten vonden om het lopende twistgesprek tot in het oneindige te rekken.’ Jan Greshoff, Afscheid van Europa. Leven tegen het leven, Nijgh & Van Ditmar, Den Haag/Rotterdam 1969, p. 171-172.
    28. Cahiers van een lezer, Vw II, p. 200-206.
    29. Welke editie heeft Du Perron in handen gehad? De eerste uit 1918 met 5 tekeningen van Fernand Léger, het facsimile van deze editie in Sturm (nr. 7, 1919) of de uitgave uit 1919 met een portret van de auteur bij Fernand Léger? De eerste heeft veel indruk op de lezers gemaakt, o.a. door de combinatie van de tekst van Cendrars met de illustraties van Léger.
    30. Zijn activiteiten in de filmwereld vonden vooral plaats tussen 1918 en 1922. Zie zijn teksten ‘Le Cinéma’ (1919), ‘Modernités. Un art nouveau: le cinéma’ (1919), ‘Le Cinéma’, 1921 en L’ABC du cinéma (1926). In 1926 werkte Cendrars aan het scenario van de film die pas tien jaar later klaar zal zijn, Sutter’s Gold, de hollywoodiaanse bewerking van zijn roman L’Or. Ook in 1936 zag een Duitse verfilming van het boek het licht (onder de titel Der Keizer von Kalifornien).
    31. eddy du perron,blaise cendrars,kees snoek,littérature,pays-bas,franceNiet iedereen uitte zo’n felle kritiek. De francofiele Johannes Tielrooy (1886-1953) heeft met plezier Le Plan de l’Aiguille gelezen, ‘een goed, een buitengewoon boek’ (‘Galmot, de vader van Guyana’, De Amsterdammer, 5 juli 1930). Wat zijn ‘vorming en cultuur’ betreft had Cendrars wellicht niets te benijden aan Den Doolaard. Zou deze opmerking van Du Perron iets met de ruwe tongval en het vaak triviale taalgebruik van de Frans-Zwitser te maken kunnen hebben?
    32. De vijf Cahiers van een lezer zijn oorspronkelijk in 1928-1929 verschenen in eigen beheer maar slechts in een oplage van dertig exemplaren. In februari 1981 verscheen bij Reflex in Utrecht een ongewijzigde herdruk in vijf delen met een voorwoord van Jaap Goedegebuure.
    33. Zie bijvoorbeeld Nico Rost (1896-1967) in De Groene Amsterdammer van 26 mei 1934. Onder de titel ‘Galmot, de vader van Guyana’ wijdt deze literator een pagina aan de rechtszaak die volgde op de dood van Galmot. Hij baseert zich voor een deel op het boek van Cendrars en meent dat ‘men vele boeken zou moeten schrijven om de geschiedenis van dit proces in alle phases te schetsen’. Blaise Cendrars heeft trouwens van de rechtszaak in Nantes een verslag gemaakt voor het weekblad Vu.
    34. Na de lijkschouwing werd zijn hart niet teruggevonden. Werd het door aanhangers gesloten als en soort relikwie of werd het weggegooid om verder onderzoek naar gifstoffen te beletten?
    35. De ontstaansgeschiedenis van het boek Rhum alsook andere bijzonderheden over de hele zaak vindt men in: Michèle Touret (dir), Cendrars au pays de Jean Galmot. Roman et reportage, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 1998. Zie ook o.a. over de receptie van de roman: Blaise Cendrars, Œuvres romanesques II, Paris, Gallimard, 2017, p. 1087-1125.
    36. Cendrars moet je heus niet altijd op zijn woord geloven: ‘Ce nombre, souvent mentionné par Cendrars, indique sur le mode magique un nouveau “départ d’écriture”,’ in Lettres 1920-1959, op. cit., noot 92, p. 84.
    37. eddy du perron,blaise cendrars,kees snoek,littérature,pays-bas,franceJan Greshoff, ‘Fransche boeken. Cendrars-Galmot’, Den Gulden Winckel, 1932, p. 165. Een decennium later zou hij zich veel minder negatief uiten: ‘Blaise Cendrars, een alleraardigsten man en soms wel een boeiend schrijver,’ (‘Wat eens “Modern” was en “School” maakte’, Bataviaasch Nieuwsblad, 8 april 1941). De componist en publicist Matthijs Vermeulen toont zich milder dan Du Perron en Greshoff als hij in de lente 1934 op de zaak Galmot terugkomt: ‘Blaise Cendrars schreef een pakkend boek over hem dat hij titelde Rhum.’ (‘De Zuiveraar. Parijs, 23 maart 1934’, Soerabaiasch Handelsblad, 14 april 1934). Al vroeg werd de aandacht van Vermeulen door Cendrars getrokken: ‘De epidemie der Dadaïsten is ook overgeslagen naar Parijs en ziehier een staaltje van raaskallend Fransch dadaïsme uit de Dix-neuf poèmes élastiques des heeren Blaise Cendrars: “… Tu flottes, vieux tronc, sur le Mississipi quand ta gueule s’ouvre et un caïman saisit la cuisse d’un nègre en Europe tu es comme un gibet (je voudrais être la tour, pendre à la tour Eiffel!), et quand le soleil se couche derrière toi tête de Bonnot roule sous la guillotine au coeur de l’Afrique c’est toi qui cours girafe autruche boa équateur moussons….”’ (‘Kunst en letteren’, De Telegraaf, 8 maart 1920).
    38. Cendrars stond toen aan het hoofd van ‘Les Têtes brûlées’ bij uitgeverij Au Sans Pareil, een reeks over markante ‘Amerikaanse’ figuren, die maar een kort leven beschoren was. Naast Feu le lieutenant Bringolf verscheen immers maar één ander boek: Al Capone le balafré (1931).
    39. Brief van Eddy du Perron aan H. Mayer, 28 oktober 1930.
    40. Brief van Eddy du Perron aan H. Mayer, 31 oktober 1930. Cendrars schrijft: ‘C’est vrai, ce n’est pas de la littérature (pourtant ces Mémoires sont la meilleure illustration de la formule de Zola “une tranche de vie”). Ce texte est entièrement et authentiquement de Bringolf. Budry a traduit et moi, je me suis borné à couper, couper, couper pour des raisons de librairie. Le texte de Bringolf était deux fois plus long. Et voilà. Cela m’étonne que vous reconnaissiez mon coup de ciseaux,’ brief van Blaise Cendrars aan Robert Guiette, 19 juli 1930, Lettres 1920-1959, op. cit., p. 106-107.
    41. Brief van Eddy du Perron aan H. Marsman, 24 juli 1931.
    42. eddy du perron,blaise cendrars,kees snoek,littérature,pays-bas,franceHendrik Marsman, ‘Blaise Cendrars: Moravagine’, De Gids, 1926, p. 142-143, herdrukt in De Lamp van Diogenes. In zijn ‘literair dagboek’ verwijst Du Perron naar deze bespreking (Vw II, p. 178, zie ook p. 181). Van zijn kant schreef de criticus D.A.M. Binnendijk (1902-1984) dat het opstel ‘over Blaise Cendrars deze merkwaardige figuur wel voldoende belicht, maar in zijn adoreerende bewoording slecht aanknoopt bij Cendrars’, grootendeels minderwaardig, Moravagine, dat nu juist meer schrijftafelfantaisie dan menschbevrijdende wereldwijdheid doet gevoelen.’ (‘H. Marsman, De Lamp van Diogenes’, De Gids, 1929, p. 281). Over de invloed van Cendrars op Marsman, zie bv. Jaap Goedegebuure: ‘Zijn meest authentieke poëzie schreef Marsman in het begin van de jaren twintig. Hij had de retorische uitwassen en al te pathetische uitbarstingen weten te beteugelen en deed nu verslag van zijn reizen door Europa op een manier die soms aan de Blaise Cendrars van de 19 poèmes elastiques herinnert. Cendrars en ook de Duitse expressionist August Stramm hielpen hem op weg bij het ontwikkelen van wat zijn Hollandse generatiegenoten “het slanke vers” gingen noemen: een staccato geformuleerde mededeling in telegramstijl. Heel concies, beeldend en met veronachtzaming van de gangbare regels van grammatica en stijl stuurde Marsman uit diverse etappeplaatsen (Berlijn, Stralsund, Weimar, Bazel, Dordrecht en Scheveningen) zijn “expressionistische prentbriefkaarten”. Het ritme is stotend, als dat van treinen of motorboten; de woorden, vaak in isolerend wit geplaatst, ratelen als mitrailleurvuur of kerven als messen. Nog voor Mussolini zijn mars op Rome was begonnen, had Marsman al ontdekt hoe de droom van het gevaarlijke leven in de poëzie te realiseren viel.’ (‘Dichter van kosmos en polder’, Ons Erfdeel, nr. 4, 1999, p. 568). Zie ook Martien J.G. de Jong die de invloed van Cendrars op het werk van Marsman relativeert: ‘Al in november 1922 schreef hij aan zijn vriend Arthur Lehning dat de Seinen kubistisch zijn en verwant met Cendrars. Dat betekent voor hem – blijkens zijn later gepubliceerde Aanteekeningen over Franz Marc – dat ze niet zijn ontsprongen aan de bewogenheid van het sentiment. En het sentiment blijft hem uiteindelijk: “de onverdroogbare bron onzer driften en daden, springende tot in het eeuwige leven”. Daarom kan hij deze verzen in hun uiterste consequentie niet aanvaarden: “De meeste der Seinen waren zonder hart, prachtig maar leeg”, oordeelt Marsman in zijn brief. En in zijn Aanteekeningen over Franz Marc noemt hij het ternauwernood aannemelijk en aanvaardbaar dat de nuchtere kubistische poèmes élastiques van Cendrars “de dronken balladen van Li-Tai-Po, de oden van Sappho, het sonnet van Petrarca, het lied van Hölderlin” te niet zouden kunnen doen: “Dat de lyriek, het dichterlijkste aller dichten met een uitgebloeid verleden vergaan zou zijn”.eddy du perron,blaise cendrars,kees snoek,littérature,pays-bas,france […] Als ideale kunst ziet Marsman de synthese tussen Stramm en Cendrars, of – zoals hij begin december 1922 in zijn opstel over Stramm schreef: de verbinding der werelden van Stramm en Apollinaire. Cendrars en Apollinaire betekent het zojuist omschreven kubisme; “het werk van Stramm is aan duistere gronden van het hart ontsprongen”. Cendrars en Apollinaire is Frankrijk; Stramm is Duitsland. In de zomer van 1922 schrijft Marsman vanuit Parijs dat Frankrijk een land van Droom en Licht is; Duitsland daarentegen noemt hij: ruim, donker, diep. […] Marsman bracht zijn Seinen achteraf in verband met het kubisme en met de dichtkunst van Blaise Cendrars, maar daar lijkt me weinig reden voor te bestaan. De Seinen missen de koele helderheid en nuchtere zakelijkheid, die Marsman herhaaldelijk noemt als kubistische eigenschappen. En de overeenkomst met Cendrars blijft goeddeels beperkt tot de refererende objectivering, die ontstaat door het noemen van stadsnamen. […] Tussen de poëzie van Cendrars en Marsman bestaat een groot verschil, dat vooral wordt bepaald door het feit dat de Fransman de ernst en het volgehouden patos van de Hollander mist.’ (‘Marsmans “Seinen” tussen Duits en Frans modernisme’, Ons Erfdeel, 1982, nr. 5, p. 691, 692 en 693).
    43. De bewondering van Marsman voor het werk van Cendrars vindt Annie Romein-Verschoor volstrekt ongegrond: ‘Wat staat hier eigenlijk? Words, words. […] Wat Marsman in dat citaat uit Cendrars opsomt, is een hele reeks van losse attributen aan een lege strohuls opgehangen, die hij probeert overeind te laten staan, maar waarin de gedachte, de gerichtheid, de functie ontbreekt. Het is geen toeval, dat Marsman juist voor Cendrars zo’n diepe verering heeft, want hij is een goochelaar met attributen. Het zou interessant zijn uit bij voorbeeld een boek als Moravagine (1926) al deze lege attributen eens op een rijtje te zetten: al op de eerste bladzijde stappen we in een wereld van “beroemde” (waarom, waardoor beroemde?) geleerden, waarbinnen de verteller van het verhaal, nog heel jong en net afgestudeerd, de lezer imponeert met de “deskundige” uiteenzettingen over de uiterst gecompliceerde medische problematiek, waarmee hij zich uiterst briljant bezig houdt, maar waarover ons niets verteld wordt.’ (‘Woekering van Attributen. Over maatschappelijke verantwoordelijkheid en Onbehagen’, De Gids, 1968, p. 35 en 36).
    44. Brief van Menno ter Braak aan J.M.B. Stolte, Rotterdam, 16 januari 1930.
    45. eddy du perron,blaise cendrars,kees snoek,littérature,pays-bas,franceR., NRC, 25 juni 1929, avond. Men vergelijke met de recensie ‘Dan Yack’ van Robert Guiette, Variétés, nr. 9, januari 1930, p. 639-641, herdrukt in Lettres 1920-1959, op. cit., p. 234-240: ‘La voix de Dan Yack a fait rentrer dans ma vie, comme le fit la voix de Cendrars, une immensité où il fait bon de s’abandonner à la vie.’ Le Plan de l’Aiguille is het eerste deel en Les Confessions de Dan Yack, ook uit 1929, het tweede deel van de roman, die later onder de titel Dan Yack samengebracht werden. De meeste recensenten, maar ook Henry Miller, hebben zich lovend over Le Plan de l’Aiguille uitgesproken (zie Œuvres romanesques I, op. cit., p. 1500-1501).
    46. Kees Snoek, ‘De kennis van het menselijk hart. Elisabeth de Roos als criticus’, Forum der Letteren, jrg. 36, nr. 3, september 1995, p. 204. In de briefwisseling tussen Bep en Eddy komt de naam Cendrars niet voor.
    47. J. Slauerhoff, geciteerd in ‘Uit de tijdschriften. Slauerhoff over Cendrars’, De Tijd, 30 augustus 1931. Het zij opgemerkt dat in de loop van de jaren twintig Cendrars steeds minder poëzie ging schrijven totdat hij er voorgoed mee stopte.
    48. Martinus Nijhoff, ‘Albert Kuyle “Seinen”’, in Kritisch en verhalend proza. Verzameld werk II, ed. Gerrit Borgers en Gerrit Kamphuis, Bert Bakker, Amsterdam, 1982, p. 254.
    49. Halbo C. Kool, ‘De geest en de groei der techniek’, De Stem, 1940, p. 442. Omtrent La Vie dangereuse, zie bv. een vrij lovende bespreking van een anonieme journalist: ‘Fransche boekenoogst van september. Blaise Cendrars’ veelzijdig talent’, De Telegraaf, 23 oktober 1938. Lang na de dood van Du Perron heeft een van zijn andere gesprekspartners, te weten Jacques Gans (1907-1972), zijn bewondering geuit voor de Franse auteur: ‘Blaise Cendrars, dichter en avonturier’, De Telegraaf, 10 februari 1972. In Als het moet, alleen tegen de gehele wereld. De briefwisseling tussen Jacques Gans en E. du Perron 1933-1936 (Stichting Neerlandistiek VU Amsterdam, Nodus Publikationen Münster, 2006), komt de naam Cendrars niet voor.
    50. Martin Permys, ‘Letterkundig nieuws uit Frankrijk. V. Allerlei uitgaven’, Den Gulden Winckel, 1920, p. 166.

       118. Pierre H. Dubois, ‘De onuitputtelijke vitaliteit van Blaise Cendrars’, Het Vaderland, 28 april 1956.

    1.  eddy du perron,blaise cendrars,kees snoek,littérature,pays-bas,france‘Je vous enverrai bientôt (si vous ne le connaissez pas encore) La Négresse du Sacré-Cœur par André Salmon. J’ai lu deux chapitres que j’ai aimé beaucoup; je ne crois pas qu’il n’y a beaucoup d’unité dans l’histoire, mais le style est, quoique prétentieux, assez spirituel; un peu Max Jacob, que vous trouverez dans le bouquin sous le nom de Septime Fébur. Le peintre Sorgue du roman est Picasso et le poète Florimond Daubelle est, si je ne me trompe, Pierre Mac-Orlan. (Ou Jean Cocteau?) J’aime ce tic de quelques auteurs modernes d’être çà et là incompréhensibles. Écrire des choses qu’on ne pourra jamais expliquer, – quel orgueil!’ Brief van Eddy du Perron aan Clairette Petrucci, Parijs, 2 mei 1922.
    2. Wanneer je het leven van iemand anders neerpent, schrijft Cendrars in het voorwoord van John Paul Jones (Œuvres romanesques II, Paris, Gallimard, 2017, p. 900), vertel je sowieso jouw eigen verhaal.
    3. L. Th. Lehmann, ‘Kleine Buddhabeeldenstorm’, Hollands Weekblad, 1960, nr. 76, p. 12.
    4. Daan van der Vat, ‘Blaise Cendrars in het Engels. De grootse leugenaar van West-Europa’, De Tijd, 27 maart 1971.
    5. ‘Il me racontait les mille aventures de sa vie. (Dans ses derniers livres, je les retrouve avec le même frémissement, la même plénitude et la même vérité. Je veux dire la même évidence même dans l’invraisemblable ou l’extraordinaire). Son secret – et qui le différencie de tant d’écrivains – c’est qu’il vit intensément d’abord, et à chaque instant. Dans le foisonnement de ses souvenirs, il n’y aura plus qu’à choisir. L’intégrité de l’image et de l’émotion réapparaîtra, avec l’étonnante certitude qu’elle confère.’, in Lettres 1920-1959, op. cit., p. 243-244.
    6. Philippe Noble, in Ieme van der Poel, ‘“Du Perron was er helemaal niet op uit om zijn eigen tegenstrijdigheden tot een logische eenheid terug te brengen”. Een gesprek met de vertaler van “Het land van herkomst”’, Vrij Nederland. Boekenbijlage, 1981, 28.2., p. 29.

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