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flandres-hollande - Page 45

  • La grande inondation de février 1953

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    Un témoignage français*

     

     

    Retour sur la catastrophe qui a frappé les Pays-Bas

    voici plus de soixante ans

     

     

    Tempête et inondations en Angleterre, en Belgique et en Hollande

      

    Dans la nuit du samedi 31 janvier au dimanche 1er février 1953, 175 000 à 200 000 hectares de terres hollandaises disparaissent sous les eaux. La catastrophe qui coûta la vie à 1836 personnes dans le sud-ouest du pays (on dénombra aussi des victimes en mer, en Belgique et en Angleterre), est gravée dans la mémoire collective batave. Cet évènement a donné lieu a une abondante littérature de la part des météorologues, des spécialistes des digues, des historiens ainsi que des hommes et femmes de lettres, dont un des sommets est sans doute le récent roman de Margriet de Moor, De verdronkene (La Noyée, 2005).

    CouvMoorCatastrophe.pngTraduite en plusieurs langues, mais malheureusement pas encore en français, cette œuvre nous plonge de façon saisissante en plein drame**. Nous avons retrouvé de nombreuses images, ainsi que le climat dans lequel évolue l’héroïne Lidy, dans la bouche de Claude Hoffert qui nous a rapporté, de façon tout à fait incidente, ce qu’il a vécu les 2 et 3 février 1953. Âgé de 22 ans à l’époque, ce natif de Strasbourg effectue son service militaire comme aspirant au sein d’une unité d’élite de Romainville (région parisienne) dépendant du 401ème Régiment d’Artillerie Antiaérienne. Prévenues semble-t-il dès le 1er février, en fin de journée, les autorités françaises décident d’envoyer des militaires, en particulier des soldats du service du génie. Mais quelqu’un pense aussi aux artilleurs sol-air du 401° RAA, surnommés les « pisse en l’air », qui n’ont rien à voir avec les sapeurs. Au 401°, on confie à un appelé, l’aspirant Hoffert, la tâche de former un convoi. Pourquoi ? Parce qu’un dimanche, ce sont essentiellement des appelés qui sont sur place ; d’autre part, ce dernier est sans doute l’un des rares à parler plusieurs langues : en plus d’être bilingue français-allemand, il s’exprime aussi en anglais. En très peu de temps, l’Alsacien doit former un groupe composé essentiellement de chauffeurs ; même s’il ne peut se faire la moindre idée de la situation dans laquelle il va se retrouver le lendemain, il comprend qu’il aura besoin d’hommes ayant l’esprit pratique. Aussi se rabat-il sur les jeunes chauffeurs de bus parisiens qui remplissent eux aussi leurs obligations militaires. N’ayant reçu que des instructions sommaires, il prépare un convoi comprenant 15 chauffeurs de bus pour conduire des GMC (plus 3 chauffeurs suppléants), 1 chauffeur de camion-citerne et 1 chauffeur de Dodge avec un radio à son bord, qui sont tous des appelés plus jeunes que lui. Le convoi dont il prend la tête se met en route le lundi 2 février et roule une bonne partie de la journée, « les camions chauffaient ». Claude Hoffert ne se souvient pas de la commune où le groupe dont il a la responsabilité arrive en fin de journée en Hollande. Les noms des localités hollandaises ne sont guère faciles à retenir ; qui plus est, plus d’un demi-siècle s’est écoulé. Étant en contact radio avec le P.C. hollandais, le détachement est dirigé par deux motards de la police jusqu’à un lieu, au milieu des eaux, aussi près que possible des digues. En ce lundi soir, cette vingtaine de jeunes français se retrouve brusquement au milieu de l’enfer.

    CouvMoorCatastrophePoche.pngLes images que nous montrent les actualités de l’époque ont été filmées pour la plupart un ou deux jours plus tard, une fois la tempête et le raz-de-marée calmés. Elles restituent la dévastation, le travail des sauveteurs, la détresse des survivants, mais pas la nuit, ni la pluie, ni la neige, ni le déchaînement des éléments. Elles ne nous font entendre ni le grondement de la mer, ni le vent, et ne nous font pas sentir non plus le froid. Tout ce que recrée précisément de façon magistrale le roman Une catastrophe naturelle en plus de l’angoisse terrible éprouvée par les gens qui ont été pris dans l’ouragan et emportés par les eaux, par ceux qui se sont réfugiés sur un toit. La peur, Claude Hoffert et ses hommes vont la ressentir toute la nuit : « La gouaille parisienne avait disparu », dit-il à propos de ses première et deuxième classes. Mais que fait au juste son unité en Hollande, seule, avant que d’autres troupes françaises – les soldats du génie – n’arrivent le mardi matin à Roosendaal ? Quelle peut être la mission d’un détachement d’un régiment d’artillerie antiaérienne au milieu de ce cataclysme naturel qui tourne au scénario catastrophe à cause de la rupture des digues ?

    Douze des quinze GMC convoient sur une remorque un projecteur antiaérien ainsi qu’une génératrice (les 3 autres transportent des pièces de rechange). Bien entendu, il ne s’agit pas cette fois pour les militaires de diriger le faisceau lumineux de leurs projecteurs vers le ciel pour repérer des avions. On leur demande d’éclairer au ras du sol, sur dix à quinze kilomètres, le paysage dévasté, noyé, en direction de la mer, afin que les secours puissent travailler de nuit, que militaires et volontaires hollandais puissent consolider tant bien que mal les digues. Car il semble bien qu’avec l’obscurité, plus rien n’ait été possible dans la quasi-totalité des endroits sans un tel type d’éclairage. Or, ce genre de projecteurs était apparemment très peu répandu dans les armées qui sont intervenues. Si le génie était doté de moyens d’éclairages conséquents, ils étaient sans commune mesure pour ce qui est de la puissance et de la portée à ceux du 401° RA. Ces projecteurs moins puissants, les militaires néerlandais paraissent les avoir utilisés pour orienter les hélicoptères qui voulaient se poser ou CouvParisMatch1953.pngencore pour éclairer les digues, mais sans doute après-coup, ainsi que semble le montrer la photo pleine page publiée dans le n° 205 de Paris Match : « Du village d’Halsteren (province du nord Brabant), un projecteur surveille de sa lumière bleutée des kilomètres de digues » (p. 23).

    Claude Hoffert commence par installer 4 projecteurs sur la digue d’acheminement sur laquelle son convoi s’est engagé de manière à permettre aux pompiers de colmater au loin une digue avec des sacs blancs. En retrait, il place ses deux autres batteries de 4 projecteurs de manière à éclairer le rayon le plus large possible sur une distance de 15 km, autrement dit il les place en position « divergente » pour qu’ils éclairent à gauche et à droite, la troisième batterie élargissant l’étendue éclairée par la deuxième. Chaque projecteur est placé devant le GMC. La pluie est incessante, des vagues viennent lécher la chaussée surélevée, des bourrasques secouent hommes et matériel. L’aspirant décide alors de relier chaque remorque à son camion avec un treuil. Si le détachement dispose d’un camion-citerne pour assurer son autonomie et de pièces de rechange pour faire fonctionner projecteurs et génératrices, les hommes sont pour leur part mal équipés : ils n’ont pas de vêtements de pluie, ils n’ont rien à manger ni à boire. La logistique française sur laquelle ils comptaient n’a pas suivi. De nombreux témoignages prouvent d’ailleurs que les opérations de secours se sont déroulées dans la pagaille, tant l’ampleur de la catastrophe a surpris.

    Digue rompue © Beeldbank V en W

    Watersnoodramp_1953_dijkdoorbraak_Den_Bommel.jpgL’aspirant fait marcher les batteries en utilisant 60% de l’essence dont il dispose. Toutes les 40 minutes, il faut changer le charbon + de chaque projecteur, ce charbon qui génère la flamme sur le miroir d’acier. Pour cette opération délicate, les soldats disposent d’un équipement particulier et de lunettes spéciales. La tâche est bien entendu compliquée par les conditions météorologiques. Entre minuit et une heure du matin, celles-ci empirent. Sur leur langue de terre, les militaires risquent leur vie. Ils souffrent du froid, sont trempés jusqu’aux os. Sur sa droite, Claude Hoffert voit des digues s’écrouler. Les autorités civiles et militaires hollandaises lui donnent l’ordre de tenir, mais devant le danger qui se précise, il prend la décision de faire marche arrière : « Nein, ich gehe zurück. » Il n’a pas alors la possibilité d’établir le moindre contact radio avec Paris. Grâce au radar qui permet de repérer en principe les avions, il sait avant tout le monde à quelle distance se trouve la mer : il sait qu’elle ne cesse de se rapprocher, qu’elle n’est plus qu’à 10 km. Les soldats français voient au loin des bateaux pneumatiques projetés en l’air ainsi que les sauveteurs qui sont à leur bord ; dans ces sortes de Zodiacs, ces hommes transportent des sacs de sable. Ils voient aussi les fermes disparaître en totalité ou en partie sous les eaux, flotter des cadavres de vaches et de chevaux, ils entendent les cris de détresse. Au milieu des eaux, sur la digue d’acheminement perpendiculaire aux digues de protection, les GMC ne peuvent faire demi-tour. Aussi l’aspirant fait-il « riper » en marche arrière la première position de 500 mètres à 1 km, puis la deuxième, puis la troisième, le tout en catastrophe. Quand la première effectue son retrait, l’eau environnante éclabousse déjà les projecteurs. Pendant cette opération de repli, les projecteurs restent allumés. Le reste de la nuit se passe dans les mêmes conditions : Claude Hoffert fait reculer ses batteries de projecteurs à tour de rôle de 500 mètres en 500 mètres, tout en essayant de continuer d’éclairer en permanence les digues ou ce qu’il en reste. À un moment donné, il n’y a en effet plus aucune digue au loin. La digue d’acheminement sur laquelle les soldats se trouvent disparaît elle aussi progressivement sous l’eau.

    Jan de Hartog, De kleine ark (1953), roman

    CouvHartogArk.pngDes centaines de fois cette nuit-là retentit le « Verdami ! » alsacien ; l’aspirant et ses hommes craignent bien entendu que la violence des éléments ne vienne la rompre à un endroit qui empêcherait tout repli. Quand le jour se lève, les ¾ de cette digue sont sous les eaux. Eux-mêmes ont reculé sous la pluie et la neige jusqu’à ne plus être très éloignés de la terre ferme. Le matin, alors que les autorités hollandaises souhaitent que son unité reste, l’aspirant reçoit de Paris l’ordre de rentrer. Cette action lui vaudra les félicitations de ses supérieurs.

                                           

                                                                        Daniel Cunin

     

     

    La Petite arche, traduction française de De kleine ark

    HartogArche.png* Publié dans la revue Deshima (n° 2, 2008), ce texte est basé sur le témoignage de Claude Hoffert ; alors que nous nous entretenions de choses et d’autres, j’ai évoqué le roman De verdronkene que je venais de lire et la forte impression laissée par les descriptions de la catastrophe de février 1953 ; c’est à ce moment-là qu’il m’a dit avoir vécu de près ce drame. C’est la première fois, en plus de 50 ans, qu’il évoquait ce souvenir. Il n’a jamais cherché à se documenter sur la question. Le rapport qu’il a rédigé à son retour, début février 1953, se trouve peut-être dans les archives de l’armée.

    ** La traduction française a paru depuis : Margriet de Moor, Une catastrophe naturelle, Libella/Maren Sell, 2010.

     


     

     

     

  • James Ensor et les Japonais sur la Lune

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    Coupure de presse qui jaunissait dans un volume consacré à J.K. Huysmans

     

    EnsorJaponais.png

     

    René Huyghe (1906-1997), auteur d’un James Ensor (Liège, Dynamo, 1973, 18 p.), a pris la parole à Bruxelles, sans doute à la fin des années soixante, dans le cadre des Grande Conférences catholiques qui existent depuis 1931.

     

    René Huyghe parle de son livre Formes et forces

     

     

    À propos d’Ensor, mentionnons l’existence d’une biographie d’une très grande richesse en langue néerlandaise : Eric Min, James Ensor, Een biografie, Amsterdam/Antwerpen, Meulenhoff/Manteau, 2008. Eric Min est également l'auteur de la biographie de référence sur le peintre et sculpteur Rik Wouters (2011) ainsi que d'une biographie culturelle de Bruxelles à travers la figure des grands artistes et autres personnalités qui ont vécu dans cette capitale entre 1850 et 1914 : De eeuw van Brussel (Le siècle de Bruxelles, 2013).

    CouvEnsor.png

     « Au début de cette année, j’ai lu la biographie de James Ensor écrite par Eric Min. Un livre formidable. » Arno

     

     

  • Un poème de Bredero (1585-1618)

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    Un sonnet en français

      

    Bredero, poème, théâtre, Amsterdam, Pays-Bas, comédie

    Seul portrait connu de G.A. Bredero

    (gravure de Hessel Gerritsz., 1619)

     

     

    Fils d’un cordonnier relativement aisé d’Amsterdam, Gerbrand Adriaensz. Bredero a été surtout connu de son vivant comme auteur de théâtre. Sa comédie Spaanschen Brabander (Le Brabançon espagnol, 1617) est particulièrement savoureuse : « la pièce vaut par son réalisme intense. Adaptés ou inventés, les personnages sont pétillants de vie : petits vieux à l’esprit caustique, fossoyeur, fileuses babillardes, exempts à la main lourde… Chacun parle le langage qui convient […] Le comique revêt des aspects très variés, depuis la gaudriole jusqu’à l’humour le plus fin* ». « Il veut peindre le vice avec assez de relief pour le faire détester », a-t-on pu écrire à son sujet. Ce qui est sûr, c’est que l’Amstellodamois n’avait aucun rival dans le genre de la farce.

    Même s’il disait ne posséder que quelques rudiments de français : « een slechte Amstelredammer (die maar een weynich kints-School-frans in 't hoofd rammelde) », ceux-ci lui ont permis d’adapter en néerlandais la tragicomédie Lucelle de Louis Le Jars (1576), de traduire de la poésie, de s’inspirer d’une traduction française de L’Eunuque de Térence pour composer une de ses meilleures comédies : Moortje (La Petite Négresse, 1615) ou encore d’écrire le sonnet – certes pas forcément irréprochable – que nous reproduisons ci-dessous (extrait du volume posthume Groot Lied-Boeck).

     

    * Pierre Brachin, La Littérature néerlandaise, Armand Colin, 1962, p. 43-44.

     

    Bredero, poème, théâtre, Amsterdam, Pays-Bas, comédie

    Journal des Arts, des Sciences et de Littérature, 15 Messidor an 13

     

     

    SONNET

     

    Orsus Adieu Amour, adieu Espoir & Crainte,

    Vous troubleras non plus mon Ame ni mon Cœur.

    Alors, je prie toy mon Dieu & mon Sauveur !

    Allumez mon Esprit d’Amour devot & Saincte :

     

    L’Amour du Monde n’est que tromperie & fainte

    Leger & inconstant, vollant, & sans valeur,

    Sans rayson, sans Conseil, accompagnie de peur,

    En amitie faus, contrefaict par contrainte.

     

    Mays l’Amour de vertu est seulement fondée

    A l’unique de la Divine Trinitée,

    Qui gouverne le Ciel, qui gouverne la Terre !

     

    O Pere eternel scrivez avecq tes doicts

    Au millieu de mon Cœur, tes belles bonnes Loys,

    Que je t'en puis servir d’un amour volontaire.

     

     

    Bredero, poème, théâtre, Amsterdam, Pays-Bas, comédie

    page de titre d'un ouvrage posthume de Bredero (1621)

     

     

     

  • Nono Reinhold

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    Œuvre graphique

     

     

     

    CouvNono2013.png

     

    En plus de 250 pages, le livre d'artiste Nono Reinhold, publié par Lecturis & Peter Foolen Editions dans une maquette de Wim & Remco Crouwel, propose un voyage à travers soixante années de gravure. Des notes consignées par Edy de Wilde, le mari de Nono Reinhold, ainsi que des poèmes de leurs amis Lucebert, Jean-Clarence Lambert, Bert Schierbeek et Simon Vinkenoog agrémentent les nombreuses reproductions. Le texte de la monographie est de la main d’Andrea Müller-Schirmer.

     


    Nono Reinhold au travail dans son atelier (2019)

     

     

    Curaçao I, 1969

    nono reinhold,gravure,livre d'artiste,poésie,pays-bas« Benjamine d’un couple de géologues, Nono Reinhold grandit près de Haarlem, dans la localité de Heemstede.
    Il ne fait pas de doute que la profession de ses parents l’influence. Son intérêt pour la géologie transparaît clairement dans les sujets qu’elle retient au cœur d’œuvres où l’on relève une fascination pour les surfaces qu’offrent la nature et les paysages. De 1947 à 1951, elle suit des cours d’architecture intérieure à l’Institut des arts d’Amsterdam (Instituut voor Kunstnijverheidsonderwijs). Dès cette période de formation, cherchant à rendre des espaces imaginaires, elle s’essaie aux techniques de l’impression et au collage. Toutefois, élaborer des éléments techniques et dessiner des plans ne lui dit trop rien ; aussi, au terme de ces années d’étude, elle décide de s’établir à Paris pour devenir graveur. Ses parents lui apportent leur soutien et, en octobre 1951, la jeune femme de 22 ans arrive dans la métropole, alors foyer de l’art européen. Au tout début, pendant trois mois, l’atelier du peintre d’origine russe Nicolas de Staël, à proximité du métro Montparnasse, lui sert de toit. Au cours des premières années qu’elle passe dans la capitale française, Nono Reinhold réalise entre autres des affiches pour les Galeries Lafayette et des dessins pour Mandril, mensuel satirique hollandais conçu sur le modèle du New Yorker, auquel collaborent également le peintre et poète Lucebert et l’écrivain Remco Campert. Ses dessins de cette période se caractérisent par de joyeuses lignes continues et dansantes.

    Terre de Pierres, 1961

    Nono Reinhold-TerredePierres-1961.pngJacques Houplain est son premier professeur. Ce graveur français né en 1920 est surtout connu pour les illustrations qu’il a faites de certains livres, par exemple une édition des Chants de Maldoror de Lautréamont. Auprès de lui, au cours d’une période relativement brève, Nono Reinhold apprend la technique classique de l’eau-forte. Parallèlement, elle se rend les jeudis soirs à l’Académie de la Grande Chaumière où elle suit les cours de dessin de Zadkine. Pour sa part, Stanley William Hayter (1901-1988), considéré aujourd’hui comme le fondateur des techniques modernes de la gravure, va avoir une importance capitale sur son évolution. »

    Andrea Müller-Schirmer

     

     

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    les plaques de Tombent les feuilles, 2012

     

     

    « Nono est un artiste graveur pur-sang. Sans transition, elle dirige sa pensée sur les possibilités qu’offre la plaque, le matériau lui-même. Ses eaux-fortes ne sont pas des dessins transposés sur la plaque, elles sont d’emblée conçues comme des gravures.

    […]

    Au cours du chemin qui mène à la métamorphose de la donnée d’origine s’interpose à chaque fois l’imagination. Jusqu’à la fin, la plaque reste le champ de nouvelles idées et associations, la plupart suscitées par la plaque elle-même. Par exemple, une pierre que Nono a trouvée quelque part et qui lui sert de point de départ, évolue progressivement en un paysage. Ou bien le sol gorgé d’eau, derrière la maison, se fait poétiquement pierre isolée dans l’espace, sillonnée sous l’effet du ruissellement de l’eau.

    Souvent aussi, le sujet retenu reçoit une signification ambiguë. Sur l’estampe, la feuille d’une plante se trouve être également une île au milieu d’un lac. Ou les lentilles d’eau se font, vues du ciel, gracieux archipel. » 

    Edy de Wilde

     

     

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    Tombent les feuilles, 2012

     

     

    Nono Reinhold

    Graphic work-Carvings-Prints

    An artist book by Nono Reinhold

     

    Author(s) 
Edy de Wilde & Andrea Müller-Schirmer 


    Language 
dutch-english-french 


    Pages 
264 


    Size 
295 x 225 mm 


    ISBN 
978-94-6226-014-6 


    Print/edition 
1e druk / first impression 


    Year 
2013 


    Photography 
Peter Cox

    Translations Daniel Cunin, Donald Gardner, Charles McGeehan, Beth O’Brien, Delphine de Pury & Laurens Vancrevel

    Publisher 
Lecturis & Peter Foolen Editions 


    Design 
Wim Crouwel & Remco Crouwel 


    Price 
€ 37,50

     

     

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     Nono Reinhold près de sa presse (photo : MHC, juin 2013)

     

    Lien permanent Imprimer Catégories : Peintres-Graveurs 0 commentaire
  • Belladonna

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    Scènes de la vie de Province

    un roman de Hugo Claus


    CouvBelladonna1.png


     

    « Dans une traduction ébouriffante d’Alain van Crugten, qui a encore perfectionné la virtuosité qu’il avait démontrée dans sa version du Chagrin des Belges. Un grand coup de chapeau à ce passeur surdoué : c’est que Belladonna pose au moins autant de problèmes que le magnum opus de son auteur, par son invention verbale et son subtil réseau d’allusions. Mais apparemment, Van Crugten se joue de ces défis : ils sont autant de stimulants à son intarissable inventivité. Mertens, lorsqu’il paraîtra en néerlandais, ne demeurera pas en reste : Ernst van Altena, le meilleur traducteur des Pays-Bas, l’homme que Brel considérait comme son frère en poésie, s’est déjà lancé dans sa version d’Une paix royale.

    Belladonna est, avant tout, un immense éclat de rire, une plaisanterie qui, pour être longue, n’en est pas moins la meilleure de son auteur. On savait que Claus avait l’humour carnassier, mais il ne l’exerça jamais avec autant d’exubérance qu’ici. Belladonna est le pendant sarcastique d’un livre précédent, Une douce destruction, qui, dans sa description du milieu culturel flamand, n’avait pas réussi pleinement à trouver son ton. Ici, Claus met en plein dans le mille de bout en bout. » (Jacques De Decker, « Le roman du bas-art », Le Soir, 20/09/1995)

     

     

    Quatrième de couverture

     

    Parce qu’il aime vraiment les arts, Hugo Claus n’est pas tendre avec ceux qui font semblant : les snobs, les hypocrites, les imposteurs, les fonctionnaires de l’art, profiteurs du « patrimoine », chasseurs de subventions en tout genre, et tous les autres acteurs de cette comédie de notre temps qu’est la comédie culturelle.

    Hugo Claus, Belladonna, roman, Alain van Crugten, édition de falloisBelladonna réunit quelques- uns de ces acteurs. Pour obtenir l’appui du Ministère, quelle meilleure idée que de consacrer un film à une gloire nationale ? Ce sera donc ici, puisque nous sommes en Flandre, la vie de Peter Breughel l’Ancien, peintre célèbre du XVIe siècle, grand parmi les grands, et flamand de la tête aux pieds.

    C’est l’occasion pour Hugo Claus de nous faire entrer dans les coulisses – pour ne pas dire la cuisine – du cinéma, un petit monde qu’il connaît bien. Avec un rire vengeur et ravageur il cingle tous ces fantoches, acteurs, metteurs en scène, politiciens ignares, roublards et bavards, financiers sans argent, scénaristes sans idées, critiques sans talent, dignes émules des bossus et des aveugles qui traversent les toiles de Breughel.


    Interview de l'écrivain flamand Hugo CLAUS qui avec humour, tente de définir son activité artistique très variée


     

    Avant-propos de Louis Parrain

     

    « Considéré comme le plus grand écrivain actuel de langue néerlandaise, Hugo Claus n’en est pas moins l’ ‘‘enfant terrible’’ des lettres flamandes. Né en 1929 à Bruges d’un père imprimeur, Hugo Claus passa les dix premières années de sa vie chez les bonnes sœurs (épisode dont on trouve la trace dans son roman le plus connu, Le Chagrin des Belges), et ne rentra dans ses foyers qu’à l’âge de onze ans pour s’en échapper quatre ans plus tard : ‘‘Je suis parti avec une amie de ma mère. À l’époque, je me faisais entretenir par des dames riches.’’ Puis, lassé du rôle de gigolo, il se fit embaucher dans les sucreries de Chevrière, pour la récolte des betteraves : ‘‘Alors, j’ai eu une étrange lueur, comme une vocation. Je ne travaillerais plus, je ne recevrais plus d’ordres. Je préférerais devenir la dernière des loques humaines plutôt que de travailler.’’ Il alla à Paris, fit partie du groupe d’art expérimental Cobra (Copenhague-Bruxelles-Amsterdam) avec Pierre Alechinsky et Karel Appel, et écrivit en trois semaines La Chasse aux canards. Sur manuscrit, le roman reçut le prix Léon Kryn, le Goncourt belge. Et c’est le début d’activités prodigieuses. Traducteur, scénariste, poète, metteur en scène de théâtre et de cinéma, Hugo Claus a choisi de s’installer dans le Vaucluse, naviguant entre Anvers et son refuge, passant six mois tantôt ici, tantôt là, et se définissant comme un ‘‘retraité immigré’’ : hugo claus,belladonna,roman,alain van crugten,édition de fallois‘‘L’important, c’est de ne pas vivre en Belgique, car j’y suis trop près de ma nature flamande : une combinaison de goinfrerie et de mysticisme. Et puis, c’est un pays trop étriqué. La religion catholique envahit tout.’’

    Esprit non conformiste, nourri de Chateaubriand, de Cingria, d’Albert Cohen et de Valéry, Hugo Claus cultive l’ambiguïté : celle d’être tout à la fois un mandarin et un autodidacte amoureux de la France et qui se moque de la propension hexagonale à l’exégèse et à la grandiloquence – ‘‘Comme si Chateaubriand avait vaincu Stendhal’’ – ; un auteur préoccupé de recherches formelles et un écrivain engagé, qui croit cependant que la seule attitude politique possible est l’anarchisme total ; un nomade (il a vécu à Amsterdam, en Italie, à Hong-Kong) et un chroniqueur de la Belgique, qu’il décrit comme une province exotique, avec son état d’esprit ‘‘mesquino-flamand’’, ses guerres picrocholines, ses sociétés secrètes.

    Scènes de la vie de province, Belladonna, en dépit de l’hommage flaubertien, est une fresque ubuesque, où Les Âmes mortes de Gogol sont convoquées au détour d’une page pour présider à ce banquet où l’argent, la stupidité et le sexe dansent leur sarabande de mort autour du fantôme de Breughel l’Ancien. Née de l’expérience cinématographique que fit Hugo Claus en 1982 avec le tournage de son film Le Lion des Flandres, film historique sur la bataille des Éperons d’or en 1302 (l’armée française y fut vaincue par les Flamands), Belladonna conte l’élaboration d’un film sur Breughel l’Ancien, commandé par une commission culturelle.

    Hugo Claus, jeune

    hugo claus,belladonna,roman,alain van crugten,édition de falloisÉcrit par un poète devenu conservateur d’un petit musée d’art contemporain, le scénario est revu par un touche-à-tout, puis proposé pour remaniement à des Anglais, avant d’être remis entre les mains d’un écrivain populiste qui se veut au-dessus de la mêlée, mais meurt de dépit de n’avoir pas obtenu le prix Michelin de la ville de Termonde. Ajoutons à cela un acteur parasite, une nymphomane, un ministre sous Valium, un producteur omniscient, quelques ratés, une foule de cabotins, et nous avons un tableau à la James Ensor où Axel Le Sourt, le poète obèse, promène sur des masques grimaçants son regard désenchanté. La belladone, plante vénéneuse a baies noires, est aussi un liquide que les belles dames se mettent dans les yeux pour mieux voir, au risque d’en être aveuglées : ‘‘Je ne me réjouis, disait Céline, que dans le grotesque aux confins de la Mort. Tout le reste est vain.’’ »