Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

flandres-hollande - Page 41

  • Multatuli par Henry de Jouvenel

    Pin it!

     

     

    Nul esprit de suite…

    pas de talent…

    pas de méthode...

     

     

     

    Henry de Jouvenel

    Multatuli, Henry de Jouvenel, littérature, traduction, Alexandre Cohen, Insulinde, Pays-Bas, Max Havelaar Le 11 mai 1904, le baron Henry de Jouvenel des Ursins (1876-1935) publie en pages 1 et 2 du n° 24 de L’Humanité un papier consacré à Multatuli (1820-1887). Le futur époux de la romancière Colette, qui voyait dans le journalisme « l’occasion quotidienne de gaspiller de la noblesse », félicite au passage Alexandre Cohen – dont on célèbre cette année le cent cinquantième anniversaire de la naissance –, traducteur des Pages choisies* (1901) du grand écrivain hollandais, pages qui, selon un autre chroniqueur de l’époque, « révèlent à merveille l’esprit singulier d’Edouard Douwes Dekker » (« Chronique des Pays-Bas », Bibliothèque universelle et Revue suisse, T. 34, 1904, p. 408). En 1927, l’homme de lettres Léon Bazalgette, ami des Flamands Cyriel Buysse et Frans Masereel, estimera lui aussi « remarquable » le traducteur, non sans lui lancer une pique en raison de son rejet du bolchévisme et de tous les socialismes : il « s’est acquis, depuis la guerre, le droit à ce que nous ne prononcions plus son nom » (L’Humanité, 12 janvier 1927). À son tour, le journaliste Léon Treich (1889-1973) recommandera la lecture de ces Pages choisies (« Un multatuli,henry de jouvenel,littérature,traduction,alexandre cohen,insulinde,pays-bas,max havelaaranniversaire. Multatuli », Les Nouvelles littéraires, 12 mars 1927, p. 7) en espérant voir paraître bientôt une traduction du Max Havelaar de meilleure qualité que celle réalisée par Henri Crisafulli et Adrianus Jacobus Nieuwenhuis en 1876 (ci-contre). De fait, plusieurs verront le jour avant la plus récente que l’on doit à Philippe Noble.

    Pourquoi un article de Henry de Jouvenel en 1904 sur les Pages choisies publiées trois ans plus tôt ? En ce début de siècle, le baron occupait des fonctions au sein d’un ministère et Alexandre Cohen le connaissait. À quelques reprises, il s’est adressé à lui dans le cadre de ses démarches en vue d’obtenir un permis de séjour, procédure d’autant plus compliquée que l’ancien anarchiste ne disposait en tout et pour tout que d’une copie de son acte de naissance : « Toutes mes autres pièces d’identité m’ont été, en 1893, subtilisées par les collectionneurs de la préfecture de Police, qui n’ont jamais voulu me les restituer. » (Lettre d’A. Cohen à H. de Jouvenel, Paris, 30 juin 1903, citée dans Alexander Cohen. Brieven 1888-1961, 
éd. Ronald Spoor, Amsterdam, Prometheus, 1997, p. 288). On imagine très bien le pétulant Hollandais parlant de Multatuli à son interlocuteur et lui remettant un exemplaire de sa traduction ou du moins lui donnant lidée décrire un papier sur cet écrivain.

     

    Multatuli, Henry de Jouvenel, littérature, traduction, Alexandre Cohen, Insulinde, Pays-Bas, Max Havelaar * À ne pas confondre avec cette autre édition : Multatuli, Pages choisies, choix, présentation et traduction du néerlandais par Lode Roelandt, avec la collaboration de Alzir Hella, préface de Henry Poulaille, notice biographique de Julius Pée, Bruxelles/Paris, Labor, 1938 (réédition, Paris, Office français du livre, 1943).

     

     

     

     

    Multatuli, Henry de Jouvenel, littérature, traduction, Alexandre Cohen, Insulinde, Pays-Bas, Max Havelaar

    E. Douwes Dekker, dit Multatuli

     

     

     

    MULTATULI

     

    En 1856, les fonctionnaires de Java virent tomber au milieu d’eux un homme juste. Eduard Douwes Dekker venait d’être nommé assistant-résident dans le district de Lebak.

    - Pour ses trente-six ans, c’est un avancement convenable, disait-on autour de lui.

    Cependant Dekker n’avait pas l’air heureux. Il gardait un visage rude, des yeux gênants de fixité et son âme semblait contenir avec peine une éternelle violence.

    Ses collègues le prirent en grippe.

    L’aversion générale ne tarda point à s’exaspérer. Ne racontait-on pas que, la nuit, quand l’administration dormait sans défiance, de tous les points du district, à travers le mystère des hautes herbes, les indigènes pressurés, battus, pillés pendant la journée, rampaient vers la demeure de Dekker où ils trouvaient des paroles d’aide et des promesses de secours ?

    Un joli exemple que donnait Dekker !

    trad. E. Mousset, 1943 

    Multatuli, Henry de Jouvenel, littérature, traduction, Alexandre Cohen, Insulinde, Pays-Bas, Max Havelaar Mais où le scandale devint flagrant, ce fut lorsque l’assistant osa dénoncer au résident de Bantam les exactions quotidiennes du régent indigène. De quoi se mêlait ce gêneur ? Ne savait-il donc pas que le régent, quoique indigène, avait l’honneur de procurer des femmes au résident hollandais ? C’était là un service signalé rendu à la cause de la civilisation. Que fallait-il de plus au moraliste ?

    Bien entendu, le résident n’écouta point Dekker et comme l’obstiné, au lieu de se taire respectueusement, s’adressait au gouverneur, celui-ci l’envoya en disgrâce pour lui enseigner le respect de la hiérarchie.

    Dekker démissionna fièrement et repartit pour la Hollande, Dans les bureaux du gouvernement, à Java, on en conçut une grande joie.

    L’histoire semblait enterrée quand fut publié, au printemps de 1860, quatre ans après, un livre intitulé : Max Havelaar, qui la racontait tout au long. L’œuvre était signée Multaluli, ce qui doit signifier : « J’en ai beaucoup supporté. »

    Les mille drames de la colonisation revivaient, ressuscités au hasard des souvenirs, en ces pages décousues où défilent tour à tour, sous le vent des sarcasmes, en hâte et en désordre, prêtres sans foi, marchands sans scrupules, gouverneurs sans conscience, ministres sans savoir.

    trad. Ph. Noble, 1991

    Multatuli, Henry de Jouvenel, littérature, traduction, Alexandre Cohen, Insulinde, Pays-Bas, Max Havelaar Max Havelaar, Multaluli, tous ces pseudonymes ne pouvaient dissimuler Dekker aux esprits avertis des coloniaux. L’avant reconnu, ils pensèrent l’accabler on l’appelant ennemi de Dieu « corrupteur de la jeunesse ». Multatuli laissa dire. Alors ils lui reprochèrent, de ne pas savoir écrire.

    - Oui, oui, avoua Multaluli, le livre est baroque… nul esprit de suite… recherche d’effet… le style est mauvais, l’auteur inexpérimenté… pas de talent… pas de méthode. Bien, bien, tout cela est entendu ! Mais… le Javanais est opprimé ! »

    Et Max Havelaar finit par une menace : « Ce livre est une introduction. »

    Multatuli tint parole, écrivit beaucoup et resta toujours l’homme de son premier ouvrage.*

    C’est au spectacle de la vie coloniale que s’était formée son originalité. Là, dans ce rendez-vous de toutes les espèces humaines, les âmes se découvrent en se heurtant. Le conquérant, dévêtu de ses élégances humanitaires, perd la pudeur de son égoïsme, ne se défie plus de sa brutalité et, féroce à servir ses intérêts, domestique les peuplades qu’il avait promis d’éduquer. Plutôt que de dissiper leur ignorance, il l’utilise, se fait passer pour le détenteur de Dieu et son seul représentant sur la terre, exporte en même temps sa religion et ses marchandises, réclame du respect et des bénéfices, fait de la science un péché, répète les mensonges jusqu’à ce qu’ils soient passés en vérités, érige en dogme la supériorité originelle de certaines races dans l’humanité, de certaines familles dans les races, et appelle cela « civiliser ».

    Multatuli avait surpris à Java les secrets de cette méthode. Mais au lieu de s’en servir, il les révéla, et avec une précision, une netteté dans le détail, une furie dans le style telles, que tous les coupables se sentaient malgré eux courbés sous la vérité.

    trad. L. Roelandt, 1942

    Multatuli, Henry de Jouvenel, littérature, traduction, Alexandre Cohen, Insulinde, Pays-Bas, Max Havelaar Il faut lire dans la remarquable traduction de M. Alexandre Cohen, ces Légendes d’autorité qu’il a choisies parmi les étranges Lettres d’amour, parues en 1861. Multatuli avait rapporté d’Orient le génie des paraboles. Il en consacre une à chaque injustice, et toutes, toutes, celle qui décrit le premier agenouillement de l’homme comme celle qui raconte la naissance des dynasties, se terminent par le même refrain, aussi monotone que la routine humaine : « Et cela est resté ainsi jusqu’à ce jour. »

    Multatuli aura-t-il beaucoup contribué à  la découverte des réformes, au mouvement en avant de l’Humanité ?

    On pourrait en douter, tant il s’est défendu de toute affirmation, même dans les sept gros volumes d’Idées publiés de 1862 à 1877, avec cette épigraphe magnifique et ambitieuse : « Un semeur sortit pour semer. »

    Il craignait par-dessus tout de remplacer un mensonge par un autre et voulait rester un pur négateur. Cette intransigeance devait fausser parfois son jugement et l’induire à décourager plus d’un effort utile.

    trad. L. Roelandt, 1968

    Multatuli, Henry de Jouvenel, littérature, traduction, Alexandre Cohen, Insulinde, Pays-Bas, Max Havelaar Mais il aida tout de même à la beauté de l’avenir car il détruisit plus d’erreurs qu’il ne froissa de vérités. Et n’est-ce pas une loi de la nature que ceux qui travaillent à émonder sur le vieil arbre social le bois mort des préjugés et des abus, soient obligés, pour accomplir leur nécessaire travail, de trancher de temps à autre une jeune pousse et de meurtrir quelquefois la sève au cœur des branches nouvelles ?

     

    Henry de Jouvenel, L'Humanité, 11 mai 1904

     

     

    Dirk Coster (1887-1956) 

    Multatuli, Henry de Jouvenel, littérature, traduction, Alexandre Cohen, Insulinde, Pays-Bas, Max Havelaar * C’est plus généralement contre l’esprit de son temps et la médiocrité de la littérature de son pays que s’est élevé l’écrivain : « Multatuli, avait eu le courage et la hardiesse de dénoncer cette folie collective de rhétorique qui empoisonnait la littérature néerlandaise à cette époque. Il cria son réquisitoire sur tous les toits et à travers toutes les plaines de la Hollande, s’acharnant à démasquer la bourgeoisie qui étouffait toutes les âmes libres et cherchait à les anéantir, – que ce soit aux Indes Néerlandaises ou dans la métropole ; il claironna ses sarcasmes sur la ‘‘chinoiserie’’ de la littérature ; il défendit passionnément le droit des âmes à s’épanouir, et celui des cerveaux à penser. Une grande célébrité et une vie misérable furent sa récompense et son lot. » (Dirk Coster, L’Art libre, déc. 1920, p. 216)

     

     

    documentaire en néerlandais (2008)

     

     

  • Louis Couperus à Carthage

    Pin it!

     

     

    Un dandy pugiliste

     

     

    louis couperus,algérie,carthage,georges carpentier,traduction littéraire,hollande,pays-bas,afrique,félicia barbier,voyageSix mois durant, à compter du 7 novembre 1920, Louis Couperus et sa cousine et épouse Elisabeth (1867-1960) sillonnent l’Algérie, sans doute sur la proposition du directeur de l’hebdomadaire Haagsche Post. Comme en d’autres occasions – séjours en Italie, à Londres… voyage en Indonésie puis au Japon –, le romancier, contraint de gagner sa vie à la force de la plume, consigne ses impressions. Celles d’Afrique du Nord sont publiées en vingt « lettres » dans le périodique en question – du 13 novembre au 21 mai – avant d’être réunies, dès 1921, dans le volume Met Louis Couperus in Afrika. Quelques semaines avant de quitter l’Algérie, le couple franchit la frontière tunisienne. Écoutons José Buschman qui a reconstruit ces pérégrinations dans Een dandy in de Orient. Louis Couperus in Afrika (Amsterdam, B. Lubberhuizen, 2009) dont une version abrégée a paru en français :

    J. Cunin, Elisabeth Couperus, fusain

    louis couperus,algérie,carthage,georges carpentier,traduction littéraire,hollande,pays-bas,afrique,félicia barbier,voyage« Entre-temps nous voilà déjà en mars et une chronique plus loin lorsque Couperus part pour El-Kantara, localité bâtie au pied d’une immense muraille. Après quoi, il finit par rejoindre la ville dont, à l’en croire, il a toujours rêvé : Timgad. Couperus passe trois jours dans cette cité frontalière afro-romaine, d’une grande importance sur le plan militaire, où Charles Godet, directeur des sites archéologiques, lui sert de cicérone. Le 16 avril 1921, Couperus fait part à ses lecteurs de son arrivée à Tunis. Alger, comme ville française, produit une impression de plus grande prospérité que Tunis, qui a davantage conservé le visage d’une ville orientale. Tunis, estime Couperus, est surtout intéressante pour ses souks, qu’il décrit page après page. Il ne se passe pratiquement pas un jour que Couperus ne visite les ruines de Carthage sous la houlette de l’archéologue Louis Carton et de sa femme. Carton a par ailleurs prêté son concours à Gaston Boissier pour son ouvrage célèbre, L’Afrique romaine (1895). Au départ de Tunis, Louis et son épouse regagnent Alger. De retour à l’Hôtel Continental, Couperus réussit à se procurer un billet pour assister au match opposant Georges Carpentier, champion en titre des poids mi-lourds, à un boxeur belge au Stade Municipal [voir photos du combat ci-dessous]. Couperus fut vivement impressionné par Carpentier, drapé d’un kimono gris, jambes et chevilles minces, tête fine et épaules carrées. La rencontre dura une demi-heure, et Couperus s’en délecta. ‘‘Ce fut phénoménal, note-t-il dans sa dix-septième chronique : J’en arrivai à me dire que j’avais écrit trop de livres dans ma vie, et pas assez boxé.’’ Le 3 mai 1921, le couple embarque, destination Marseille. »

    louis couperus,algérie,carthage,georges carpentier,traduction littéraire,hollande,pays-bas,afrique,félicia barbier,voyage

     

    À propos de Carthage, l’historienne précise : « En plus du Baedeker, Couperus fit usage du guide de Gaston Boissier, L’Afrique romaine. Dans la lettre qu’il consacre à Carthage, il résume certaines parties de cet ouvrage de référence et en reprend même des extraits. S’il omet, dans ses chroniques romaines, de citer nommément Boissier, il mentionne par contre et l’auteur et le titre du livre dans sa lettre tunisienne. » (1)

     

    louis couperus,algérie,carthage,georges carpentier,traduction littéraire,hollande,pays-bas,afrique,félicia barbier,voyage

    Villa des époux Carton à Carthage

     

    Grâce sans doute aux époux Carton (2), le séjour algérien de l’écrivain haguenois n’est pas passé tout à fait inaperçu et lui a permis d’être traduit en français. Le samedi 13 août 1921, La Méditerranée illustrée lui consacrait en effet la moitié de sa huitième page : à une brève présentation de l’auteur venaient s’ajouter trois brefs extraits de sa seizième chronique africaine, adaptés par Félicia Barbier. Cette dernière, amie justement du couple Carton et peut-être d’origine batave, connaissait le néerlandais puisqu’elle transposa Psyche sous le titre Le Cheval ailé (Paris, Éditions du Monde nouveau, 1923), ouvrage préfacé par Julien Benda et dont l’hebdomadaire L’Afrique du Nord illustrée a donné les premières pages dans sa livraison du 8 septembre 1923.

    Le Cheval ailé, 4ème éd.

    louis couperus,algérie,carthage,georges carpentier,traduction littéraire,hollande,pays-bas,afrique,félicia barbier,voyagePar la suite, Mme Barbier a encore traduit le roman De stille lach de Nico van Suchtelen (Le Sourire de l’âme, Paris, Éditions du Monde nouveau, 1930), l’essai de Henri Borel, Wu-Wei. Fantaisie, inspirée par la philosophie de Lao-Tsz’ (Paris, Éditions du Monde Nouveau, 1931, réédition sous le titre : Wu Wei. Étude inspirée par la philosophie de Lao-tseu, Paris, Éditions G. Trédaniel, 1987) ainsi qu’un article de  Noto Souroto : « Orient et Occident » (Le Monde nouveau, fév. 1926). Ce sont les colonnes publiées dans La Méditerranée illustrée que nous reproduisons ci-dessous. (D. C.)

     

     

    louis couperus,algérie,carthage,georges carpentier,traduction littéraire,hollande,pays-bas,afrique,félicia barbier,voyage

    (1) José Buschman, « Un dandy en Orient. Louis Couperus en Algérie », Deshima, n° 4, 2010, pp. 98-99 et 103 (texte traduit par Christian Marcipont). Le combat de boxe dont il est question opposait le 3 avril, dans le cadre d’une « exhibition », le Français à son sparring-partner Lenaers (voir par exemple L’Écho d’Alger du 4 avril 1921), soit trois mois avant le championnat du monde quil devait perdre face à J. Dempsey. 

    (2) Voir sur ce médecin militaire, archéologue et collectionneur : Clémentine Gutron, « Carton Louis (1861-1924) », Dictionnaire des orientalistes de langue française, éd. François Pouillon, Karthala, 2012, p. 195-197. 


    Jack Dempsey vs Georges Carpentier, 2 juillet 1921 

     

     

     

    louis couperus,algérie,carthage,georges carpentier,traduction littéraire,hollande,pays-bas,afrique,félicia barbier,voyage

     

     

    UN POÈTE HOLLANDAIS À CARTHAGE

     

    Nous sommes heureux d’offrir à nos lecteurs trois fragments d’un article emprunté aux Lettres d’Afrique, que le célèbre poète et romancier, M. Louis Couperus, a publiées, de novembre 1920 à mai 1921, dans la Haagsche Post, le grand quotidien de la résidence royale de Hollande.

    M. Louis Couperus jouit à juste titre d’une faveur exceptionnelle dans ce petit pays, où la vie intellectuelle est aussi variée qu’intense. Il débuta, adolescent, par des vers admis aussitôt dans le recueil des Meilleurs Poètes Modernes que le fin critique littéraire, J.-N. Van Hall, publia aux environs de 1895*.

    louis couperus,algérie,tunisie,carthage,georges carpentier,traduction littéraire,hollande,pays-bas,afrique,félicia barbier,voyageL’œuvre de Louis Couperus s’étend sur une quarantaine d’années, suivant toujours la ligne ascendante. Sa forte culture gréco-latine, son étonnante fécondité, son esprit souple et nombreux lui ont permis d’aborder les genres les plus différents et d’exceller dans tous. Citons quelques-unes de ses œuvres : Eline Vere (étude fouillée des milieux patriciens de La Haye) ; Majesté (traduit en français) ; La Paix Universelle ; Psyché (conte symbolique, reprenant avec des moyens d’une originalité exquise le thème éternel d’Eros et Psyché) et, enfin, ses trois dernières œuvres : Héraclès, Iskander et Les Histrions**, trois reconstitutions magistrales de la Grèce, la Perse et la Rome antiques.

    Fatigué de cet effort, Louis Couperus est venu demander cette année à notre doux ciel africain le repos et la lumière. Alger, Timgad, Biskra, Touggourt, Tunis lui ont inspiré des accents vibrants d’enthousiasme et d’émotion. Carthage – où il fut l’hôte du docteur Louis Carton et de sa vaillante compagne, la fondatrice du Comité des Dames amies de Carthage – Carthage a revécu sous ses différents aspects dans l’imagination créatrice de ce grand ami de la France qu’est Louis Couperus.

    Nous devons l’interprétation des lignes qu’on va lire à Mme F. Barbier, déléguée du Comité des Dames amies de Carthage.

     

    louis couperus,algérie,carthage,georges carpentier,traduction littéraire,hollande,pays-bas,afrique,félicia barbier,voyage* Les deux seuls recueils de poèmes jamais publiés par Louis Couperus : Een lent van vaerzen (Un printemps de vers, 1884) et Orchideeën (Orchidées, 1886, volume qui comprend des proses). Après son premier roman, Eline Vere (1889), qui eut un grand retentissement dans son pays, il ne devait pour ainsi dire plus aban- donner la prose. L’homme de lettres J. N. van Hall a salué la parution de ces vers avant de donner, en 1894, une anthologie de la poésie contemporaine néerlandaise.

    ** Il s’agit des romans (mythologico-)historiques Herakles (1913)  Iskander (1920 : sous-titre : Le roman d’Alexandre le Grand) et De komedianten (1917).

     

    louis couperus,algérie,tunisie,carthage,georges carpentier,traduction littéraire,hollande,pays-bas,afrique,félicia barbier,voyage

     L'Echo d'Alger, 21 septembre 1923

     

     

     

    DEVANT CARTHAGE MORTE

     

    À Mme et M. Louis Carton

     

    En premier lieu, chers lecteurs, je voudrais vous mener vers la colline qui porte la Cathédrale. Car – cette colline, c’est Byrsa ; et Byrsa – c’est l’endroit même où la Didon de Virgile, la Didon du Quatrième Livre de l’Énéide, construisit le bûcher qu’elle devait gravir lorsque Énée l’abandonna. Ne voyez-vous pas le navire qui disparaît au fond du golfe ? Voici la montagne Bicorne, bleue sur l’azur de l’eau, et voici les trirèmes qui emportent le fils d’Anchise, fuyant sur l’ordre des dieux. Ah ! divin souvenir de cette poésie divine ! Les émotions que je ressentais, adolescent, tandis que mon père commentait pour moi les malheurs de Didon et d’Énée, je les ai revécues, une à une, sur la colline de Byrsa…

    louis couperus,algérie,carthage,georges carpentier,traduction littéraire,hollande,pays-bas,afrique,félicia barbier,voyageOui, c’était bien ici que se trouvait le bûcher ; et là-bas, le Troyen fuyait à l’horizon… Et je ne suis pas le seul que cet endroit ait su émouvoir de la sorte. Feuilletez Gaston Boissier, et vous verrez que ce savant, cet archéologue, ce digne membre de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, avoue son attendrissement sans fausse honte. Comme moi, il s’est dit : « Voici les lieux où vécut Didon ; c’est ici qu’elle a souffert ; c’est ici, qu’après s’être consumée d’amour, elle se laissa dévorer par les flammes. Quant à Énée… les dieux lui imposèrent l’épreuve de voir Didon monter sur le bûcher, tandis qu’il s’élançait au loin… »

    Ce qui fait la beauté sacrée des endroits tels que la colline de Byrsa, c’est que les imaginations sublimes des poètes y prennent corps et deviennent la réalité.

     

    louis couperus,algérie,carthage,georges carpentier,traduction littéraire,hollande,pays-bas,afrique,félicia barbier,voyageEt puis, voyez-vous les deux ports de la Carthage punique, évoqués dans le roman de Flaubert ? D’abord le port marchand, circulaire, avec, au centre, l’île sur laquelle se dressait le Palais de l’Amirauté ; ensuite le port militaire. Il est presque impossible de se représenter que ces deux minuscules étangs furent jadis les deux grands ports de l’antique Carthage, et que le port de guerre abritait, du temps d’Hamilcar, un nombre – que j’ignore – de trirèmes, chacune dans sa loge, séparée de la suivante par une colonne. Les alluvions ont-elles donc été si considérables qu’il ne reste plus aujourd’hui que ces deux petites flaques, l’une ronde, l’autre allongée ? Grâce aux ruines qui nous restent, il est plus aisé de reconstruire le môle aux bastions carrés qui se dressait entre les ports et la mer.

    Afin de méditer à loisir sur ces choses anciennes, où la poésie se mêle à l’histoire, je me perds souvent parmi ces ruines magnifiques, qui ne sont d’ailleurs plus qu’un éboulis de maçonneries gigantesques. Ce sont les Thermes Antonins, bâtis du temps d’Antonin le Pieux, bien des siècles après que vécut Salammbô, et bien davantage encore après Didon. Et je m’assieds sur des débris de colonne, à demi disparus sous le rose pale des asphodèles. Autour de moi monte l’enchevêtrement de ces blocs vertigineux ; devant moi s’étend, au delà du môle punique, la nappe bleue, éternelle, ourlée d’écume, et se dresse la silhouette harmonieuse du mont Cornu !

    Mosaïque, Carthage (détail)

    louis couperus,algérie,carthage,georges carpentier,traduction littéraire,hollande,pays-bas,afrique,félicia barbier,voyageL’autre jour, tandis que je me laissais doucement emporter au fil de mes rêves, je vis deux jeunes taureaux, échappés à leur petit pâtre, qui dévalaient la colline, se lutinant, éparpillant le sable sous leurs sabots, soufflant de leurs naseaux dilatés, et lançant vers le ciel des mugissements joyeux. Et voici que la vague frangée de neige déposa à mes pieds une de ces belles coquilles de murex, d’où les anciens tiraient la pourpre. Et je ne saurais vous dire pourquoi cette coquille, ces taureaux, pourquoi la mer, le ciel turquin, les asphodèles roses et, enfin, ces ruines géantes – pourquoi l’ensemble de ces choses me donna l’impression de goûter « l’heure exquise », baignées qu’elles étaient de la lumière blonde d’une fin d'après-midi doré. Non, je ne saurais vraiment vous dire pourquoi…

     

    Laissez-moi enfin vous mener au Musée Lavigerie, Byrsa. Un Père blanc nous sert de guide, c’est peut-être un Hollandais, car il y en a beaucoup parmi cet ordre monastique. Les choses intéressantes ne manquent pas. Toutefois, si vous voulez bien, nous passerons, sans les examiner, devant les rasoirs carthaginois, les ivoires sculptés et les terres cuites. Je tiens à vous montrer ce couvercle de sarcophage, dressé là-bas, et qui porte l’effigie d’Arisat, fille de Palosir, femme d’Abd-Eschmoun. Voyez comme elle nous regarde ; voyez sa pose hiératique, adossée au mur. C’est une femme belle et svelte, d’une taille imposante. Elle est parée des atours sacerdotaux des suivantes de Tanit ou d’Eschmoun – si toutefois sa qualité d’épouse lui permettait d’être prêtresse. De toute façon, la richesse de sa parure ainsi que la colombe dans sa main nous révèlent le sacrifice qu’elle se propose d’offrir aux dieux. Ses yeux se dilatent dans l’extase… Un épervier lui sert de diadème ; une résille retient sa chevelure, dont les boucles régulières, en s’échappant, retombent sur son front. De longs pendants alourdissent ses oreilles ; un court péplum enferme sa gorge sous un éventail de plis. Enfin, deux ailes d’épervier, se rejoignant au défaut des genoux, gainent étroitement ses jambes fines. Du bleu, du rouge et de l’or, pâlis par les siècles, décèlent çà et là les teintes primitives de sou vêtement d’apparat. 

    Mosaïque, Vénus, Carthage

    louis couperus,algérie,carthage,georges carpentier,traduction littéraire,hollande,pays-bas,afrique,félicia barbier,voyage

    Fantôme du passé, elle semble vivre encore ; l’œil vous regarde ; la bouche, diriez-vous, va s’ouvrir et, sa colombe d’une main, sa coupe de l’autre, cette femme va se mouvoir et s’éloigner du mur.

    Quant à moi, elle me fit penser à Salammbô, car elle est belle d’une beauté tragique, cette Arisat, fille de Palosir. – J’ai cru sentir palpiter en elle l’âme de Carthage…

    Soudain, le sarcophage lui-même m’apparut sous cette image dressée qui lui servait de couvercle. Et là, protégés par une vitre, je découvris quelques ossements, une poignée de poussière terreuse… C’est tout ce qui reste d’Arisat, fille de Palosir, épouse d’Abd-Eschmoun, – celle qui fut la servante du dieu, comme son époux en fut le serviteur.

     

    Louis Couperus

     

    (Traduit du hollandais par Mme F. Barbier)

     

     

    louis couperus,algérie,carthage,georges carpentier,traduction littéraire,hollande,pays-bas,afrique,félicia barbier,voyage

    L’Afrique du Nord illustrée, 8 septembre 1923

     

     

     

     

  • Louis Couperus par Paul Colin

    Pin it!

     

     

    Notice nécrologique

     

     

    Couperus-Parelduiker-2013.png

    numéro de la revue De Parelduiker consacré à L. Couperus, 2013, n° 4

     

     

    PaulColin-Photo.pngHomonyme du grand affichiste (1892-1985), mais aussi du prix Goncourt 1950, le galeriste et critique d’art bruxellois Paul Colin (1895-1943) – fondateur de l’hebdomadaire Cassandre ou encore du Nouveau Journal – a œuvré au sein de la revue Europe et publié aux éditions Rieder un Vincent van Gogh (1925) ainsi qu’un Jongkind (1931). On lui doit par ailleurs une édition de la Correspondance de Rubens (Crès, 1927), un Bruegel le Vieux (Floury, 1936), un James Ensor en langue allemande (1921), un Eugène Laermans (1929), un Opsomer (Crès, 1931), une étude sur La Peinture belge depuis 1830 (1930)... Épris de culture allemande, Paul Colin n’eut guère de scrupules à rejoindre les rangs de la collaboration, signant de la sorte son arrêt de mort. On lira à son sujet la notice de Roger Avermaete dans la Biographie nationale de Belgique (t. 35, 1969-1970, p. 140-145) et l’ouvrage de Jean-Léo, La Collaboration au quotidien. Paul Colin et Le Nouveau Journal. 1940-1944 (Bruxelles, Racine, 2002). En 1923, Paul Colin publiait un court texte en hommage au romancier néerlandais Louis Coupe- rus (1863-1923) qui venait de s’éteindre (« Notes et Compte-rendus », Europe, 15 sept. 1923, p. 504-505). Malgré quelques approximations et des allégations peu fondées (« le meilleur représentant, aux Pays-Bas, de l’esprit académique »), le critique caractérise avec une certaine pertinence la personnalité littéraire du Haguenois dont on a célébré il y a peu le cent cinquantième anniversaire de la naissance. (D.C.)

     

     

     Le « La Haye » de Louis Couperus

     

     

    LOUIS COUPÉRUS

     

    La Hollande, éprouvée il y a deux mois par la mort de son plus grand peintre (1), l’est de nouveau par celle d’un de ses plus grands écrivains : Louis Coupérus, de qui le soixantième anniversaire avait donné lieu, en mai dernier, à de grandes manifestations de sympathie, – ses admirateurs avaient été jusqu’à lui offrir une maison – a été brusquement emporté à la fin du mois de juillet.

    Couperus-IndischeLetteren.pngOn a quelque peine à se représenter que les débuts de ce sain réaliste furent tumultueux. Pour le comprendre, il faut songer à la stagnation, – ou plus exactement, à l’anémie, à l’appauvrissement — de la littérature hollandaise vers 1885. Le roman se débattait dans un tel abîme de conventions que le simple spectacle de la vie avait une signification révolutionnaire. Louis Coupérus, en publiant Eline Vere (2), un des tout premiers romans familiaux (ils se sont multipliés depuis) fit œuvre de novateur sinon de précurseur.

    Quand on parle du réalisme de Coupérus, on doit ajouter aussitôt qu’une grande distance le sépara toujours du naturalisme, dont le rapide triomphe en France et à l’étranger constituait un danger. Âme composite, où les traditions du Nord se heurtaient à une éducation latine et aux hantises de l’Orient qu’il avait parcouru et habité, Louis Coupérus, loin de se ranger parmi les naturalistes, se sentit à l’étroit dans la société contemporaine, et trouva, dans le roman historique et exotique, un meilleur terrain pour sa fantaisie et les caprices de son imagination.

    Genre ingrat, mais qu’il allait illustrer avec éclat et proposer à l’attention de toute une équipe de jeunes hommes qui le suivaient de près. Grâce à Coupérus, l’esthétique du roman historique fut renouvelée : à l’exactitude du détail, à la beauté du coloris, à l’éclat des descriptions, aux efforts d’évocation qui sont ses assises mêmes, il mêla le lyrisme, l’émotion, la tendresse et il sut élargir ses récits d’aventures et de drames par la découverte et la notation des remous éternels qui agitent et soulèvent le cœur innombrable de l’homme. Aussi serait-il intéressant de faire l’inventaire de ses influences, – de voir, par exemple, si l’admirable Querido de l’Épopée Assyrienne, lui-même, ne lui doit rien.

    Couperus-BasHeijne.pngLe catalogue de Louis Coupérus est considérable et s’étend à toutes les rubriques : recueils de poèmes, romans historiques, psychologiques et satiriques, livres de nouvelles et de contes, – qui vont de la simple narration au symbole et à la philosophie, – carnets et récits de voyages, – dans le bassin de la Méditerranée, aux Indes et en Extrême-Orient. Il est impossible, – et il serait, d’ailleurs, fastidieux – de dresser ici la liste complète de ses œuvres. Je me bornerai à citer De verliefde Ezel (L’Âne amoureux), Xerxès, Antiek tourisme, Komedianten, et son dernier roman historique, Het zwevende Schaakbord (L’Échiquier flottant) (3), qui s’inspire d’un vieux roman hollandais du XIVe siècle et n’est pas son chef-d’œuvre.

    Grand écrivain dans le sens technique du mot, styliste parfait, harmonieux, d’une élégance et d’un charme presque méridionaux et qui contrastent souvent avec la langue germanique qu’il emploie, d’une intelligence très brillante mais assez rebelle aux subtilités trop minutieuses, Louis Coupérus jouissait dans son pays, en Allemagne, en Scandinavie, d’une immense réputation (4). Car lentement, et par le jeu d’une évolution logique, l’ancien révolutionnaire de 1890 était devenu un des piliers de l’École littéraire hollandaise, – et même le meilleur représentant, aux Pays-Bas, de l’esprit académique.

     Paul Colin

     

    Louis Couperus, Paul Colin, Europe, G. H. Breitner,

    La correspondance de Louis Couperus, éd. H.T.M. van Vliet, Athenaeum/Polak & Van Gennep, 2013

     

     

    G. H. Breitner, Autoportrait, vers 1882 

    Breitner-Autoportrait-Vers1882.png(1) Il s’agit de George Hendrik Breitner (1857-1923) que le critique belge plaçait en effet, et non sans raison, au même rang que les plus renommés : « Jongkind et Van Gogh […] sont les seuls génies que vit naître, depuis cent ans, la vieille patrie de Rembrandt et de Vermeer, – avec ce George-Hendrik Breit- ner auquel l’avenir finira bien par accorder la place qui lui est due à leurs côtés dans l’admiration des hommes. » (Jongkind, Paris, Rieder, 1931, p. 5).

    (2) Le premier roman de Louis Couperus (1863-1923) a paru en mars 1889 après avoir fait l’objet, l’année précédente, d’une publication en 119 livraisons dans le journal Het Vaderland. Cette période vit un renouveau des lettres néerlandaises grâce au Mouvement des Tachtigers auquel le Haguenois ne se rallia toutefois pas. Dans les décennies précédentes, quelques écrivains avaient tout de même composé des œuvres de très belle facture : Multatuli, bien entendu, mais aussi Conrad Busken Huet (critique d’envergure européenne, auteur en 1868 d’un roman naturaliste avant la lettre et, à la fin de sa vie, d’une magistrale fresque du Siècle d’or : Le Pays de Rembrandt : voir ici, note 3) et Mme Bosboom-Toussaint dont le roman Majoor Frans a été traduit en français.

    Louis Couperus, Paul Colin, Europe, G. H. Breitner, (3) Publié en volume en mars 1923, Het zwevende Schaakbord avait connu une première édition sous forme de feuilletons en 1917-1918. Les romans historiques Xerxes of de hoogmoed et Iskander lui sont en réalité postérieurs.

    (4) Il convient d’ajouter que les nombreuses traductions en langue anglaise – en particulier celles d’Alexander Teixeira de Mattos – lui avaient également assuré une reconnaissance certaine dans le monde anglo-saxon (voir par exemple ci-dessous l’entrefilet publié dans The Chicago Sentinel du 11 février 1921). 

    Couperus-Chicago.png

     

     

    Niet te stillen onrustdocumentaire sur Louis Couperus (2013)

    louis couperus,paul colin,europe,g. h. breitner,critique d'art

     

     

    De nombreuses publications ont marqué le cent cinquantième anniversaire de la naissance de l’écrivain, parmi elles celles correspondant aux couvertures reproduites ci-dessus non légendées :

    Numéro 2014 de la revue Indische Letteren consacré à l’univers indonésien de Louis Couperus.

    Bas Heijne, Angst en schoonheid. Louis Couperus, mystiek der zichtbare dingen [Angoisse et beauté. Louis Couperus, mystique des choses visibles], Amsterdam, De Bezige Bij, 2013.

    José Buschman, Couperus Culinair. De lievelingsgerechten van Louis Couperus [Couperus Culinaire. Les mets préférés de Louis Couperus à partir d’extraits de son œuvre], Amsterdam, Bas Lubberhuizen, 2013.

     

     

    louis couperus,paul colin,europe,g. h. breitner,critique d'art

    L’intérêt des bibliophiles pour l’œuvre de Louis Couperus ne décroît pas ainsi qu’en témoigne une nouvelle publication : Evert Paul Veltkamp, Luxe, bijzondere en bibliofiele uitgaven van Louis Couperus. 140 uitgaven en hun varianten, 2014, 40 p. (en vente ici).

     

     

  • L’histoire matérielle de L'Agneau mystique

    Pin it!

     

     

    L'Agneau mystique par le détail

     

     

    Conférence d’histoire de l’art par le professeur Maximiliaan Martens  (Université de Gand) : « L’his- toire matérielle du retable de L'Agneau mystique des frères Van Eyck »Chef d’œuvre des primitifs flamands, œuvre emblématique des frères Van Eyck, le polyptyque de l’adoration de L’Agneau Mystique achevé en 1432 a connu une histoire particulièrement mouvementée, faites de vols et déplacements à répétition, avant de prendre place en 1986 dans l’ancien baptistère de la Cathédrale Saint-Bavon de Gand. Ce «  patrimoine de l’Humanité  » (UNESCO) a beaucoup souffert de ces péripéties, ce qui explique la campagne de restauration en cours. C’est sur cette histoire matérielle du retable de L’Agneau Mystique que revient le professeur Martens.

     

    Dans le cadre de la Quinzaine néerlandaise organisée par l'Université Lille 3, lundi 17 février, 18h-19h30, MESHS. 2 rue des Canonniers, Lille

     

     

    Van Eyck, L'Agneau mystique, Maximiliaan Martens

    Annick Born & Maximiliaan Martens, Van Eyck par le détail traduit du néerlandais par Muriel Weiss, Paris, Hazan, 2013

     

    Fondateur de l’école naturaliste du Nord, appelée à se développer au XVe siècle comme une seconde Renaissance, cette fois septentrionale, le Flamand Jan Van Eyck (1390-1440) est à l’origine d’un nouvel art de peindre capable d’atteindre un rendu illusionniste inégalé jusque là. L’ouvrage débute par des données biographiques expliquant le contexte de la carrière de l’artiste de cour auprès de Jean le Bon, à la tête d’un riche atelier et dominant la guilde des peintres de Tournai. Un deuxième chapitre est consacré à la technique picturale de Van Eyck considéré comme l’inventeur de la peinture à l’huile et d’un style pictural dont l’influence fut considérable aussi bien dans le Nord que dans le Sud de l’Europe. Son œuvre ensuite, dans l’essentiel du corps de l’ouvrage, fait l’objet d‘une approche thématique, à travers les domaines qui prouvent que les innovations de son art sont basées sur une observation précise de la nature, dans son environnement, ses éléments et sa lumière comme dans les différents matériaux que l’homme a su créer pour meubler son quotidien. L’attention méticuleuse prêtée aux objets du quotidien va devenir une des caractéristiques du style nordique, sous l’influence de Van Eyck. Outre donc le paysage et ses variations atmosphériques, l’univers de Van Eyck célèbre l’architecture, le mobilier, les étoffes, le verre, les bijoux, les miroirs et, enfin, le portrait, parallèlement à la restitution de scènes religieuses dans un cadre domestique à peine plus luxueux que celui de ses contemporains. Cette découverte de son art est organisée au plus près de sa technique picturale grâce à une campagne de prise de vue de détails inédits à ce jour.

     

     

     

    Lien permanent Imprimer Catégories : Peintres-Graveurs 0 commentaire
  • Un poème, un livre – Guy Vaes

    Pin it!

     

      

    AMSTERDAM

     

    couvGuyVaes.png

     

     

    « Guy Vaes (1927-2012) fut longtemps l’auteur d’un livre, qui se nimba bientôt d’une aura mythique : Octobre, long dimanche. Il parut en 1956, l’auteur avait trente ans. Il y avait été préparé par une enfance et une jeunesse dans le milieu des intellectuels francophones d’Anvers […] Très lettré, Vaes était collaborateur de la revue Lumière dirigée par son beau-frère Roger Avermaete. Le fils de ce dernier, devenu sous le nom d’Alain Germoz homme de lettres et journaliste, deviendra l’ami et complice de toujours de son cousin. […] L’exode, puis l’occupation, sont une nouvelle occasion de se gaver de lectures : Kafka, Woolf, Melville, Faulkner, qui fourniront plus tard la matière d’analyse d’un superbe essai sur le temps, La flèche de Zénon. Une certaine conception d’un présent absolu s’y précise, que l’on suit comme un fil d'Ariane dans les romans.

    GuyVaes1.png[…] Les besognes alimentaires, en l’occurrence journalistiques, l’empêchant de se consacrer en suffisance à l’écriture, la photographie va, durant plus de vingt ans, compenser le manque. Londres en est le point focal : un livre de méditation urbaine, Londres ou le labyrinthe brisé va être complété par un album où textes et clichés alternent, Les cimetières de Londres.

    En 1983 paraît enfin le deuxième roman, L’Envers, et le flux fictionnel repart pour de bon avec ce livre qui sera couronné la même année par le prix Rossel. […] Le tempo de parution des romans, dès lors, s’accélère relativement. L’Usurpateur paraît en 1993 avec une préface de l’auteur flamand Hubert Lampo, qui suggère de qualifier le réalisme pratiqué par Vaes non pas de magique, comme on le fait d’ordinaire, mais plutôt de mythique : le roman de s’inspire-t-il pas du labyrinthe et de son Minotaure ? » (source : arllfb)

    GuyVaes2.pngLe poème « Amsterdam » reproduit ci-dessous est emprunté au recueil Échanges poétiques, Anvers, Librairie des Arts, 1962 – Prix Auguste Michot 1963 –, qui réunit des vers d’Alain Germoz (1920-2013), Robert Havenith, Paul Neuhuys, Saint-Rémy, Étienne Schoonhoven et Guy Vaes – autrement dit un recueil d’Anversois d’expres- sion française. L’ensemble est préfacé par Pierre de Lescure et rehaussé d’un dessin à l’encre de Chine de Rik Wouters, L’Artiste et sa compagne. Écoutons des bribes du salut de Pierre de Lescure, auteur entre autres d’un Souviens-toi d’une auberge (1937), roman des Flandres (l’éditeur a exercé une critique constructive sur la prose de Vaes dans les années cinquante ; c’est lui qui, chez Plon, a publié Octobre, long dimanche) : « Ma Flamande, c’est une ville où je suis arrivé, souvent, pour y chercher, sans bien le savoir, le printemps qui viendrait. Parfois, en plein hiver, quand il pleut sur l’Escaut et que le ciel reste cendré. Où que je sois, même à l’intérieur d’une maison, je reconnais le souffle du printemps. Comment appeler autrement le petit bonheur qui, à Anvers, me saisit en toutes saisons ? […] C’est une ville de Flandre pleine de tout le Nord qui existe en moi. Mais Anvers, ai-je connu son espace GuyVaes4.pnginvisible, sa musique illimitée, lorsqu’un matin de septembre, je l’ai regardée, et, là, vivaient cette fraîcheur d’aube embrumée, ce parfum des jeunes troncs lisses chargés sur les péniches, l’inexprimable mystère d’une ville faite de pierres et d’eau, et que j’appelle, aujourd’hui, la venue d’un printemps ? Ce printemps, ce perpétuel commencement anversois, cette déchirure de la nuit, cette vibration blonde d’une femme se reflètent-ils dans le miroir des poèmes de ce recueil ? »

     

     

    AMSTERDAM

      

    à Robert

     

     

     

    Ville craquelée de canaux

    Tel un miroir tombé par terre

    Réfléchis donc mon vrai visage

    Aussi nombreux que tes morceaux

     

    Un bronze de cinq siècles brise

    Le jour en vingt-quatre épisodes

    En autant d’hommes il me divise

    Et chacun d’eux mourra d’exil

     

    Orient défait en porcelaines

    Pignons plus roses que du fard

    Aucun passé ne serait nôtre

    Sans vos impondérables dards

     

    Aucun passé s’il n’est d’eau lisse

    (Car le marbre saisit les rois)

    Aucun passé puisque n’existe

    Cet homme en éclats ni les rois

     

    Mais sous un signe luthérien

    Qu’émeut du Nord le long départ

    Sous des silences patriciens

    Chambrés en l’humide des siècles

     

    – Comme l’heure je me fais tard

     

    Guy Vaes

     

     

    GuyVaesAutographe.png

    dédicace autographe de G. Vaes

    sur un exemplaire de Les apparences, Luce Wilquin, 2001

     

     

    Vidéo : Guy Vaes parle du fantastique

     

    La voix de Guy Vaes

     

    Jacques De Decker, « Guy Vaes en chemin vers le mythe »

    podcast

    Guy Vaes par son traducteur Bart Vonck (en néerlandais) :

    « Guy Vaes en de zijnen »

     

     

    GuyVaesRik.png

    Rik Wouters, L'Artiste et sa compagne