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flandre - Page 21

  • Baudelaire à Bruxelles

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    Camille Lemonnier

    à propos de Charles Baudelaire

     

    Portrait de l'auteur par Emile Claus

    CouvLemonnierPeinture.png« Maréchal des lettres belges » et plus grand représentant du style coruscant, le Bruxellois Camille Lemonnier (1844-1913), auteur de la satire Nos Flamands (1869), a joui d’une notoriété qui n’a d’égal que le quasi oubli dans lequel il est aujourd’hui tombé. C’est pourtant à son propos que Huysmans écrira les lignes suivantes : « Ce livre [Les Contes flamands et wallons ou Noëls flamands] est, selon moi, le livre flamand par excellence. Il dégage un arôme curieux du pays belge. La vie flamande a eu son extracteur de subtile essence en Lemonnier qui a des points de contact avec Dickens, mais qui ne dérive de personne. Le premier, par ordre de talents dans les Flandres, il a commencé à faire avec ses contes, pour la Belgique, ce que Dickens et Thackeray ont fait pour l’Angleterre, Freytag pour l’Allemagne, Hildebrand pour la Hollande, Nicolas Gogol et Tourgueneff pour la Russie ».

    Dans le texte reproduit ci-dessous, Lemonnier évoque sa découverte des Fleurs du Mal et les quelques heures durant lesquelles il a entendu parler le poète français. Ces lignes ont paru dans Le Thyrse, revue créée justement sous le patronage du romancier belge et dont le titre est un clin d’œil à un poème en prose de Baudelaire.

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    Je n’oublierai jamais ce soir mémorable. Les journaux bruxellois avaient ébruité la nouvelle d’une conférence de Baudelaire, sans commentaires. Le fait d’un grand poète, d’un des esprits absolus de ce temps, promulguant sa foi littéraire publiquement, semblait encore négligeable. Il faut se rappeler l’indifférence totale du Bruxelles d’alors pour la littérature : quelques lettrés seulement connaissaient l’auteur des Fleurs du Mal : on vivait dans un air saturnien où se plombait l’Idée.

    La Proscription, en passant par le territoire belge, n’avait agité que superficiellement ce consternant marasme : ils étaient restés sans amis intellectuels, les maîtres de la parole, les puissants ouvriers de la plume ; on leur avait ouvert les maisons ; on ne leur ouvrit pas les esprits. Ils séjournèrent en Belgique comme en un pays de Cocagne où plusieurs, trop fêtés, d’excès de bien-être et de nourriture, s’épaissirent.

    Le puissant terreau national convenait mal à la fine plante française ; certaines essences délicates se corrompirent ; peut-être Baudelaire, très isolé, froissé par la brutalité des contacts, y conçut-il le germe des spleens qui le menèrent à la mort. Il fallut la centralité de Victor Hugo, sa pléthore de personnalité, l’espèce de congestion littéraire où il vécut, pour lui épargner les avaries. Il eut peuplé de ses voix un désert ; il surplomba la stupidité des foules. Mais je pense à ce pauvre Bancel, à ce grandiloquent rhéteur, à ce pompeux et délicat esprit, l’un des charmeurs de l’Exil et qui ne sut pas rompre le lourd charme matériel d’une hospitalité meurtrière. Il professait un cours public de littérature ; ses prosopopées, rythmées d’une voix moelleuse et chaude, lui avaient conquis un auditoire. On allait l’entendre comme un ténor modulant d’exquises paraphrases ; et il ne savait pas suffire à toutes les sympathies qui se le disputaient. Quand il quitta Bruxelles, ce fut pour s’éteindre en un mandat législatif. Sa mort ne retentit qu’aux amitiés laissées en la terre d’exil.

    BaudelaireDebout.jpgJ’étais, à l’époque de cette conférence de Baudelaire, un assez pauvre clerc en littérature : il n’y avait pas longtemps que j’avais quitté le collège ; je commençais seulement l’apprentissage du métier. Un hasard m’avait initié aux splendeurs douloureuses, aux âcres et persuasives suggestions de la poésie baudelairienne, un simple hasard, en effet, car mon credo ne dépassait guère Victor Hugo, Vigny, Lamartine et Musset. Ce fut pendant une de mes coutumières stations attardées à l’étalage des libraires, mes cahiers de rhétoricien indolent sous le bras, de rhétoricien plus enclin à muser qu’à potasser le grec et le latin. Il se trouva qu’un exemplaire des Fleurs du Mal, exposé à la vitrine du père Rosez, y fût ouvert à cette page merveilleuse, Une Martyre. Je lus avec une réelle angoisse d’admiration ce qu’à travers la buée des glaces il me fut possible d’en prendre avec les yeux. Le livre demeura exposé trois jours ; je m’imprimai tout vifs dans la mémoire ces ardents tableaux, les images d’amour et de mort.

    Il me fut ainsi révélé une religion nouvelle. Jalousement, dans le silence de ma chambre d’étude, je me redisais l’extraordinaire musique de ces vers funèbres et voluptueux. Elle me donnait le goût de souffrir, elle me versait les poisons et les enchantements. Je n’eus de trêve que je ne possédai enfin le livre miraculeux qui, profondément, avait remué ma vierge humanité. Il surexcita jusqu’au spasme mes transports ; je m’en affolai comme d'un péché ; il m’envahit, comme l’attrait et le danger de la Damnation. Je fus ainsi un des rares jeunes hommes, s’il en fut d’autres, qui apportèrent à cette conférence du poète la passion de son génie.

    Le Cercle littéraire et artistique où elle se donnait, occupait encore le gothique palais qui fait face à l’Hôtel de Ville. Cette fruste et historique architecture, rajeunie depuis comme un joyau de prix, redevenue le dessin d’une châsse exquisement orfèvrie, abritait alors des commerces de grainetiers et d’oiseleurs. Tout le rez-de-chaussée et les caves leur avaient été départis : c’était une des activités de la Grand’Place. Mais l’étage restait réservé au Cercle ; on montait un perron, on gravissait un raide escalier ; une porte s’ouvrait, qui était celle de la salle des conférences.

    Un peu tardivement m’était échue la carte d’invitation ; je ne pus me presser assez pour ouïr les prolégomènes. L’escalier était vide quand j’en escaladai les marches ; un silence régnait sous les voûtes ; je ressentis une petite honte à la pensée qu’une foule avait déjà passé là et que j’arrivais le dernier. Je me persuadais une affluence solennelle et dévote, accourue comme à un gala. Un huissier attira le haut battant : j’entendis une voix grêle et mordante, d’un registre élevé : elle s’enflait sur un mode de prédication ; elle syllabisait avec emphase ce los à un autre royal poète: – « Gautier, le maître et mon maître »…

     

    L'or et la boue (les peintres, le dandy, le critique…

     … et Jean Tordeur à propos de la Belgique...)

     

    Je me glissai dans la salle. C’est encore, après tant d’années, un sujet de stupeur pour moi, la solitude de ce grand vaisseau où je craignais de ne pouvoir trouver place et qui, jusqu’aux dernières pénombres, alignait ses banquettes inoccupées. Chaque fois qu’en mes débats intérieurs, en mes angoisses pour l’inutilité de notre effort littéraire, j’essaie de me persuader l’espérable rédemption finale de cette patrie asservie aux cultes grossiers et homicide envers ses plus nobles enfants, l’image atterrante se suscite, je revois la salle désertée, au fond de laquelle un homme, un artiste de génie vainement métaphorisa. Baudelaire parla, ce soir-là, pour une vingtaine d’auditeurs ; il leur parla comme il eût parlé à une cour de princes et leur révéla un Gautier altissime, l’égal des grands papes de l’Art. À mesure, un étonnement s’exprimait sur les visages, une déception, peut-être aussi l’inquiétude d’une secrète ironie cachée sous une louange en apparence immodérée. Nul, parmi le petit nombre des auditeurs, ne se représentait en ces proportions olympiennes, sous une telle pourpre, le poète magnifique, mais encore mal connu que son émule, le maître étincelant et quintessencié, exaltait comme un éponyme.

    BaudelaireFleursdumalCouv.jpgBaudelaire cultivait précieusement l’ironie ; il l’exerçait comme une escrime avec la correction froide et la souplesse déliée d’un merveilleux tireur. Elle mettait autour de sa sensibilité comme l’en- veloppe et la défense d’une cotte de mailles. Peut-être n’était-elle au fond que la pudeur de cette sensibilité, d’autant plus vive qu’elle était plus contenue. Cette ironie, nourrie de Poë et des humoristes anglais, ne dédaignait pas la mystification : elle semblait se ressouvenir aussi des mimes de Londres et de leurs clowneries macabres. Il me parut que l’assistance, sans doute échaudée, redoutait un tour nouveau de cet ironiste acéré et déconcertant. Je me sentis inondé, quant à moi, des torrentielles beautés de ce discours qui n’était que la plus adroite et la mieux déguisée des lectures. Je communiai avec le poète dans l’enthousiasme. Je lui dus dans l’avenir de ne jamais démériter de l’exemple qu’il m’avait donné en honorant les Maîtres et les Aînés.

    Une petite table occupait le milieu de l’estrade ; il s’y tenait debout, en cravate blanche, dans le cercle lumineux épanché d’un carcel. La clarté tournoyait autour de ses mains fines et mobiles ; il mettait une coquetterie à les étaler ; elles avaient une grâce presque féminine en chiffonnant les feuillets épars, négligemment, comme pour suggérer l’illusion de la parole improvisée. Ces mains patriciennes, habituées à manier le plus léger des outils, parfois traçaient dans l’air de lents orbes évocatoires; ou bien elles accompagnaient la chute toujours musicale des phrases de planements suspendus comme des rites mystiques.

    Baudelaire suggérait, en effet, l’homme d’église et les beaux gestes de la chaire. Ses manchettes de toile molle s’agitaient comme les pathétiques manches des frocs. Il déroulait ses propos avec une onction quasi évangélique, il promulguait ses dilections pour un maître vénéré de la voix liturgique d’un évêque énonçant un mandement. Indubitablement, il se célébrait à lui-même une messe de glorieuses images ; il avait la beauté grave d’un cardinal des lettres officiant devant l’Idéal. Son visage glabre et pâle se pénombrait dans la demi-teinte de l’abat-jour ; j’apercevais se mouvoir ses yeux comme des soleils noirs ; sa bouche avait une vie distincte dans la vie et l’expression du visage ; elle était mince et frissonnante, d’une vibratilité fine sous l’archet des mots. Et toute la tête dominait de la hauteur d’une tour l’attention effarée des assistants.

    Au bout d’une heure, l’indigence du public se raréfia encore, le vide autour du magicien du Verbe jugea possible de se vider davantage ; il ne resta plus que deux banquettes. Elles s’éclaircirent à leur tour, quelques dos s’éboulaient de somnolence et d’incompréhension. Le reste n’avait pas l’air de s’apercevoir de la désolation de ces demi ténèbres éployées sous les travées gothiques, sans nuls visages pour en conjurer le délaissement.

    Il parla pendant près de deux heures. La salle, lentement, s’était à peu près toute écoulée ; peut-être ceux qui restaient s’étaient-ils émus d’un penser secourable, peut-être demeurèrent-ils comme un passant accompagne dans le champ funèbre un solitaire corbillard. Peut-être aussi c’étaient les huissiers et les messieurs de la commission retenus à leur poste par un devoir cérémonieux.

    Le poète, indubitablement, ne vit pas cette désertion qui le laissait parler seul entre les hauts murs parcimonieusement éclairés. Une dernière parole s’enfla comme une clameur : « Je salue en Théophile Gautier, mon maître, le grand poète du siècle. » Et la taille rigide s’inclina, il se libéra en trois saints corrects – à moins qu’ils ne fussent ironiques – de la politesse des applaudissements. Rapidement une porte battit. Puis un huissier emporta la lampe ; je demeurai le dernier dans la nuit retombée, dans la nuit où sans écho était montée, s’était éteinte la voix de ce Père de l’Église littéraire.

    Camille Lemonnier

    Le Thyrse, revue d’art, T.6, 1er juin 1904, p. 9-14.

     

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    Les Fleurs du mal, exemplaire annoté par l'auteur

     

     

  • Fantômes en Flandre

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    LE TRIOMPHE DE LA MORT

    ou la firme littéraire Teirlinck-Stijns

     

     

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    « Il faisait presque nuit ; la fatigante tâche du jour accomplie, je m’étais assis à ma fenêtre et dirigeais machinalement mes regards vers la lune ou bien me créais, dans les nuages qui passaient, des milliers d’images ou de fantômes. J’étais las, mécontent même, et les fantaisies que mon esprit évoquait en subissaient l’influence. Tout me paraissait effrayant et triste. Je voyais des géants, à califourchon sur des monstres, qui, de leur gueule grimaçante, vomissaient une écume fumante ; des silhouettes de Titans qui brandissaient des blocs de rochers comme s’ils voulaient en écraser la terre ; des cadavres empilés les uns sur les autres, comme si un combat homérique venait d’avoir lieu. Plus loin s’élevait une suite de collines, dont le pied se baignait dans un lac sombre où les étoiles se reflétaient à peine ; et derrière ces collines, dans le lointain, s’étageaient des montagnes hautes comme le ciel, couronnées d’épaisses forêts et de châteaux aux donjons en ruines. Mon imagination me faisait voir des cavernes, des abîmes, des gouffres, des têtes de démons convulsionnées par la colère, des satyres, des nains, des serpents : horribles spectacles qui me faisaient frissonner malgré moi. Et je pensais : si je puis me livrer à de telles divagations, est-il étonnant que le trop naïf villageois peuple d’êtres surnaturels tout ce qui l’entoure ? Nulle ferme bâtie à l’écart qui n’ait sa légende, nul champ solitaire où il ne revienne un esprit, nul carrefour auquel ne se rattache une histoire de revenant ; nul tilleul isolé au pied duquel on n’ait enterré une ou plusieurs sorcières. Le campagnard ignorant réfléchit peu, tout lui semble surnaturel ; quoi de surprenant alors qu’il connaisse tant de terrifiants récits ? Ce que je vais raconter se passa dans un petit village de la Flandre et l’on y tient encore aujourd’hui cet événement pour mystérieux et surnaturel au possible. »

    Isidoor Teirlinck

    PortraitTeirlinckIsidoor.gifCes lignes qui ouvrent le récit reproduit ci-dessous ont été écrites il y a plus de 130 ans par un duo d’écrivains flamands : Isidoor Teirlinck (1851-1934) et son beau-frère Reimond Stijns (1850-1905) (ils avaient épousé deux soeurs). Entre 1877 et 1884, ces deux hommes publièrent à quatre mains un nombre assez impressionnant de nouvelles, pièces de théâtre, poèmes et romans dont le populaire Arm Vlaanderen (Pauvre Flandre). Une production et une façon de procéder qui ne manqueront pas de susciter des commentaires, par exemple ceux d’un littérateur flamand, Hendrik De Seyn Verhougstraete (1847-1926), dans le mensuel Le Livre (1881, p. 455-456) à propos des cinq premières œuvres de ceux que certains baptisèrent les « jumeaux » :

    « Voilà cinq ouvrages sortis de la plume de la firme littéraire Teirlinck-Styns.

    « Comme Erckmann-Chatrian, les conteurs alsaciens universellement connus, MM. Teirlinck et Styns, se sont associés pour produire leurs œuvres en commun.

    « Je me fais difficilement une idée de la façon dont on travaille pour produire un livre en commun : les écrits d’un auteur sont une partie de lui-même, et l’identification nécessaire des idées de l’un avec celles de l’autre me semble offrir de telles difficultés qu’elle me paraît impossible à réaliser. Et cependant cette collaboration existe ; journellement il paraît des livres dont l’auteur est une double personnalité. Serait-ce que la nature a créé des caractères mutuellement sympathiques ?

    « Et cette dualité d’auteur ne serait-elle pas cause de cette dualité de style et de sentiments qui se fait jour dans leurs productions ? D’un côté, des passages d’un romantisme et d’un sentimentalisme outré, et d’un autre, des pages charmantes de réalisme véritable, de tableaux pris sur le vif.

    « Mais ne nous attardons point à rechercher des causes qui nous échappent et revenons à nos auteurs.

    « Jeunes tous deux, – ils n’ont que trente ans, – ils ont déjà produit des œuvres que la critique a été unanime à louer.

    « L’influence de notre grand romancier Conscience se fait fortement sentir dans leurs œuvres. Comme lui, ils peignent la vie flamande, le paysan flamand avec ses vertus et ses travers.

    « Leurs deux premiers romans, Bertha van den Schoolmeester et Frans Steen, sont d’une couleur sombre. Dans le premier, c’est la lutte de l’amour et de l’argent qu’ils nous montrent en donnant, comme remèdes aux malheurs et aux souffrances de la vie, le courage et la patience.

    Reimond Stijns

    PortraitReimondStijns.jpg« Déjà dans cette première œuvre se découvrent des qualités d’écrivains qui se développeront dans leurs œuvres suivantes. Nous y aurions voulu moins de promenades sentimentales et plus de vie réelle chez les amants : Bertha est une fille éthérée. Mais c’est un premier essai ; et puis, convenons-en, cette idéalisation de l’amour tombe bien dans le goût du peuple flamand. L’amour que nous décrit Conscience dans toutes ses œuvres, n’est-ce pas un amour idéal ? Celui-là existe-t-il réellement, ou du moins existe-t-il à l’état de règle générale ? Et, là où on le trouve, n’y est-il pas né à la suite des lectures assidues des œuvres de Conscience ?

    « N’en voulons donc pas trop à Teirlinck-Styns s’ils ont suivi cette voie ; c’était un sûr moyen d’arriver au succès.

    « Frans Steen est l’histoire d’un enfant trouvé ; histoire bien triste, et malheureusement de nos jours encore trop vraie. La peinture de la location des orphelins et des vieillards pauvres est navrante. Cette coutume de louer les orphelins et les vieillards au moins offrant est une tache sur notre civilisation ; on voudrait croire que cela appartient aux siècles passés ; mais malheureusement la réalité des faits est là ; les communes non encore pourvues d’orphelinat et d’hospice mettent leurs orphelins et leurs vieillards en pension chez les habitants, au moins offrant. Quelle est la situation morale et physique de ces malheureux ? elle se laisse deviner.

    Gedichten en Novellen nous place dans un autre milieu. Ici les écrivains ont sacrifié à la muse, et leur sacrifice ne doit pas lui avoir été désagréable. Sans se vouer à la poésie, ils nous ont donné quelques jolis vers. Le cycle : Het Koren se recommande par sa vivacité d’allures, la justesse d’expression et d’exactitude dans la description des hommes et des sentiments de la nature.

    «  Une novelle qui nous a plu avant toute autre, c’est: Uit het Normaalschoolleven, la vie à l’École normale. Comme c’est vrai d’un bout à l’autre ! Quiconque a passé par là ne contredira point les auteurs. Ce surveillant sous le sobriquet de Zwarte, nous l’avons tous connu, cet homme sans cœur, s’ingéniant à briser tout sentiment humain dans le cœur de ses élèves. Ces surveillants-là se rencontreraient-ils donc partout ?

    « Baas Colder est l’histoire d’un Harpagon de village, histoire terrible et tellement vraisemblable qu’on la croit arrivée.

    « Mais ici encore se rencontre cette dualité dont nous parlions en commençant, et qui se fait sentir dans tous les ouvrages de Teirlinck-Styns. A côté des descriptions de la nature les plus réalistes et les plus exactes, se rencontrent des personnages agissant d’une façon toute conventionnelle. Non pas que les sentiments soient mal exprimés, qu’il n’y ait pas de figures typiques ; la langue et le style sont irréprochables, les figures principales sont bien décrites, mais elles n’agissent pas toujours assez d’après la réalité. Si les auteurs parviennent à faire agir leurs personnages avec toute la réalité de la vie, ils produiront des chefs-d’œuvre que nous pourrons placer à côté de ceux de nos meilleurs maîtres.

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    « Aldenardiana, recueil de cinq nouvelles se passant dans les environs d’Audenarde, nous prouve qu’ils tendent vers ce but : tout romantisme conventionnel, pour nous donner la nature et les hommes tels qu’ils sont.

    «  Ah! la nature! comme ils la peignent ! et les paysans flamands, ils les ont bien fouillés.

    « Qu’ils dirigent maintenant leurs investigations vers un autre coin de la société ; qu’ils élargissent ainsi le cercle de leurs travaux, en restant fidèles à la ligne de conduite qu’ils ont suivie jusqu’ici en moralisant le peuple par la lecture, ils pourront compter sur des succès durables.

    « Ajoutons encore qu’ils se sont aussi essayés au théâtre, et que leur drame Lina Donders et leur drame-lyrique, Stella, ont été représentés avec succès. »

    Le même critique affirmera dans le même périodique (1882, p. 406), qu’en Flandre, à l’époque, il n’y a « que Teirlinck-Styns et G. Segers qui soient parvenus à percer, et dont les œuvres portent un cachet propre ».

    Tous deux enseignants à Bruxelles, Teirlinck et Stijns s’efforcèrent d’éduquer le peuple à travers des écrits pessimiste et souvent anticléricaux (Pauvre Flandre est plus un livre de combat qu’un grand roman). Reimond Stijns continuera de produire seul des romans, d'abord plus ou moins dans la tradition de Hendrik Conscience, puis en adoptant une trame naturaliste. Certains l’ont d’ailleurs considéré comme le précurseur du naturalisme flamand ou, pour le moins, comme l’auteur d’une épopée naturaliste cruelle : Hard labeur (Dur labeur, 1904), un roman dur où pointe encore une note romantique, son livre le plus achevé.

    De son côté, après la collaboration avec son beau-frère, Isidoor Teirlinck écrira des nouvelles « rurales » plus impressionnistes, d’autres truffées de vocables dialectaux, et se consacrera surtout à des travaux portant sur la botanique, la magie, la dialectologie, le folklore… dont certains sont disponibles en version française… Il est l’auteur d’un dictionnaire de l’argot (auquel collabora d’ailleurs H. de Seyn-Verhougstrate), de Contes flamands… Le seul fils d’Isidoor Teirlinck s’est également fait un (pré)nom dans la littérature : Herman Teirlinck (1879-1967) compte en effet parmi les plus grands auteurs d’expression néerlandaise du XXe siècle, auteur en particulier du beau roman bruxellois Het ivoren aapje (Le Singe d’ivoire) dans lequel le personnage Lieven Lazare est inspiré de Léon Bloy que le Flamand avait rencontré à quelques reprises.

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    présentation d'Isidore Teirlinck & Raymond Stijns

    dans Six nouvelles

     

    « Superstition », reproduite ci-dessous, est extraite du recueil Six nouvelles publié en 1880 (H. de Seyn-Verhougstrate n'en parle pas dans sa critique) comme n° 54 d’une collection qui répondait au souci des auteurs de diffuser leurs œuvres auprès du peuple. Fondée par le sénateur Ernest Gilon (1846-1902), la Bibliothèque Gilon (Verviers) plaçait en effet en épigraphe à ses volumes la formule suivante : « Un livre volumineux et d’un prix élevé peut être comparé à un vaisseau qui ne peut débarquer ses marchandises que dans un grand port. – De petits traités ressemblent à de légers bateaux qui peuvent pénétrer dans les baies les plus étroites, pour approvisionner toutes les parties d’un pays. » Cette série de la fin du XIXe siècle, qui publiait 2 volumes de 100 pages par mois, visait à édifier le peuple dans un esprit d’inspiration maçonnique ; parmi les auteurs les plus réputés figurant dans cette collection, on relève des écrivains – Camille Lemonnier, Léopold von Sacher-Masoch… –, mais aussi nombre de vulgarisateurs des sciences : Camille Flammarion, Stanislas Meunier…

    TriompheDeLaMortDétail.jpgSix nouvelles contient quatre proses tirées des Gedichten en Novellen (Poèmes et nouvelles) évoqués plus haut et sans doute en grande partie rédigés par Stijns – « Bonheur détruit (Croquis) », « Scène de la Vie du Peuple », « Un Souvenir de l’École normale » et « Nelleke (Croquis) » – et deux qui avait paru dans un périodique (Nederlansche Dicht- en Kunsthalle) : « Superstition (Récit) » et « Deux Jours de Kermesse (Croquis) ». Il s’agit de textes d’une qualité inégale. « Scène de la vie du peuple » (un veuf qui a sombré dans l’alcool décide de se suicider afin que ses deux filles soient recueillies par l’orphelinat et aient au moins de quoi manger) et « Un Souvenir de l’École normale » sont des évocations larmoyantes.

    Il est dommage que les auteurs, dans « Deux Jours de Kermesse (Croquis) », ne brossent pas un tableau coloré des fêtes foraines de l’époque ; ils optent en réalité pour une morale – mise en garde contre la légèreté du sexe faible – qui restitue les désillusions d’un jeune homme éprouvant ses premiers émois amoureux. On ne peut s’empêcher, en relisant aujourd’hui une telle nouvelle, de relever une note comique, de même d’ailleurs que dans « Bonheur détruit (Croquis) » et « Nelleke (Croquis) » tant la naïveté de Teirlinck et de Stijns rejoint celle de leurs personnages, ces modèles de villageois qu’ils ambitionnaient de tirer de leur ignorance. On voit là combien la morale de substitution qu’ils opposaient à ce que prônait le clergé était redevable à cette dernière et restait prisonnière des clichés bourgeois. Le personnage central est à chaque fois un homme même si le Nelleke de la nouvelle éponyme partage les premiers rôles avec son épouse acariâtre, « la noire Thérèse », bien plus âgée que lui, et avec un coq auquel celle-ci tient plus qu'à tout. Dans l’ensemble, les dialogues sont peut convaincants. En restituant mœurs et coutumes des années 1875, certaines scènes présentes une valeur historique : les auteurs nous proposent par endroits une photo de la rue bruxelloise de l’époque (voitures des laitières tirées par un attelage de chiens, à l’aube). Avec « Nelleke », et d’un certain côté « Bonheur détruit » – le bonheur simple d’un vieil instituteur se trouve réduit pour ainsi dire à néant à cause d’une seconde d’inadvertance –, « Superstition » est sans doute le texte le plus abouti. Il possède qui plus est une dimension fantastique, quelques touches comme issues du Triomphe de la mort de Bruegel ou de quelque autre tableau flamand. La mort guette d'ailleurs presque dans chaque histoire de Teirlinck-Stijns. On regrettera toutefois la fin de la nouvelle où tout est expliqué, où la visée moralisatrice des auteurs reprend le dessus.

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    Georges Eekhoud, Mercure de France, 15/01/1906

     

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    Deux mots sur la paire de traducteurs

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    J. Elseni (pseud. de Jean-Baptiste Jamnoulle ou Jansoulle) et François Gueury(-Dambois) ont traduit ensemble d’autres œuvres du néerlandais (flamand) pour la Bibliothèque Gilon :

    Pierre Geiregat, Douleurs & Joies du Peuple, 1882, n° 84.

    Virginie & Rosalie Loveling, Scènes Familières, 1883, n° 102.

    Mme Courtmas, Tante Sidonie. Dedans ou dehors. La Fleur de Cleyt, avec une préface de Paul Fredericq, 1883, n° 107.

    Teirlinck-Stijns, Baas Colder, 1883, n° 113.

    Mme Courtmans, La Perle du Hameau, 1884, n° 132.

    Pierre Geiregat, Où git le Bonheur, 1884, n° 137.

    Jean Micheels, Benjamin Franklin, 1885, n° 160.

     

    J. Elseni a en outre traduit seul Myosotis et Trois récits de grand’père de Pierre Geiregat (1828-1902), un auteur gantois aujourd’hui totalement oublié, lui-même traducteur de Henry Havard.

     

     

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  • L’œuvre de Willy Spillebeen

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    Entre introversion et extraversion :

    un entretien avec le romancier et poète flamand

    Willy Spillebeen

     

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    La Lys en hiver 

     


    littérature,flandre,france,roman,néerlandais,poésie,mythologieStyliste hors pair, Willy Spillebeen nous parle ci-dessous de certaines caractéristiques de son œuvre : l’importance de la mythologie et du paysage dans l’ensemble de ses romans comme dans sa poésie, les métaphores sur lesquelles il édifie la plupart de ses histoires, la place qu’il accorde à la vie et au témoignage de certaines personnes qu’il a croisées au cours de son existence… Nombreux sont ses livres qui s’arrêtent sur des périodes troublées de l’Histoire, explorant les enjeux du pouvoir à travers les thèmes de l’équité et de la violence, du bien et du mal, de l’idéologie et de la cruauté : la conquête de l’Amérique par les Espagnols (par exemple dans Le Jésuite anonyme), la Saint-Barthélemy (racontée par Bousbecque, alors au service de la reine de France, dans Busbeke of de thuiskomst), la révolution russe (Anastasia), les deux conflits mondiaux du XXe siècle (Une autre guerre, Amants en temps de folie, La Butte ou encore le roman jeunesse Serge/Samuel)…


    littérature,flandre,france,roman,néerlandais,poésie,mythologieIl arrive à Willy Spillebeen de situer l’action de ses romans dans le Nord de la France. Ainsi, Le Seigneur de Peuplingues, qui baigne dans une atmosphère digne d’un Simenon, évoque un procès retentissant, l’auteur reconstruisant en quelque sorte l’affaire Rohart. Il situe à Linselles, près de Lille, une autre affaire judiciaire remontant plus ou moins à la même époque (le court roman De nabestaande publié dans le volume Le Désir de consolation). À travers une relecture du poème The End of War de Herbert Read, Les Yeux d'or de Dieu (titre emprunté à un vers de Georg Trakl) nous fait revivre un drame qui s’est déroulé près de Valenciennes en novembre 1918, lors la dernière nuit de la Première Guerre mondiale : un officier allemand moribond va entraîner des centaines d’hommes dans la mort. La capacité de l’auteur à se glisser dans la peau de ce soldat qui vit ses dernières heures est pour ainsi dire hallucinante. D'ailleurs, l'agonie constitue la donnée de base de trois de ses autres œuvres : Cortés ou la chute (1987), Énée ou la vie d’un homme (1982) et enfin Bousbecque ou le retour (2000) qui décrit les dix-huit derniers jours de l'existence de l'humaniste flamand Ogier de Bousbecque (ou Busbecq), l'homme à qui l'on doit entre autres l'introduction de la tulipe et du narcisse en Europe.

    littérature,flandre,france,roman,néerlandais,poésie,mythologieDans plus d’un de ses livres, l’écrivain approfondit une autre souffrance, celle que font subir les adultes aux enfants. Relatant lui aussi une histoire vécue, le court et magnifique roman Les Chiens de la Belle au bois dormant (couverture ci-contre) narre en trois tableaux d’une rare dureté trois années de l’existence d’une fillette désemparée par la séparation de ses parents et l’inconscience de sa mère. Là encore, les données que l’auteur emprunte à la réalité échappent à l’anecdotique grâce à une belle maîtrise de la composition. Dans Le Hasard, c’est un garçon de 4 ans qui se retrouve le jouet des « grands », en l'occurrence des représentants de l’administration (policier, magistrat, infirmières…). Pluche de mer se penche sur le destin d'un enfant un peu plus grand, un des boat people vietnamiens qui atterrit en Flandre.

    L’intérêt que Willy Spillebeen a porté à l'Histoire et à certains auteurs de l’Amérique latine l’ont amené à écrire, outre des traductions d’œuvres de Pablo Neruda (entre autres le Canto General), des récits centrés sur les civilisations aztèque (Cortès ou la chute), maya (L'Enfer existe) et inca. D'autre part, un profond amour de sa région natale, marié à une prédilection pour le genre historique, l’a conduit à peindre l’existence de deux grandes figures flamandes : Ogier de Busbecq, déjà mentionné, et Guillaume de Rubrouck. Ce dernier, originaire d'un village situé près du mont Cassel, été un ami très proche de Louis IX, lequel l’avait envoyé en Mongolie vingt ans avant que Marco Polo ne s’y rende. De ce voyage, il a ramené une œuvre importante (Voyage dans l’empire mongol). Il aurait participé aux sixième et septième croisades et été prisonnier avec le roi à Mansourah. Guillaume aurait aussi assisté à la mort du souverain. Il a vécu un certain temps à Paris où il avait comme ami Roger Bacon.

     

    vidéos de l'entretien accordé par Willy Spillebeen

    le 30 janvier 2010

    arrivée en Flandre occidentale par une belle journée hivernale

    romans jeunesse, structure des romans, Les Yeux d'or de Dieu...

    la métaphore à la base du roman,

    l'écriture de l'Énée, l'impossible liberté

    mythologie grecque, civilisation d'Amérique latine,

    le paysage, l'humour

    Emmanuel Looten,

    la traduction (Romain Gary, Charles De Coster)

    évolution littéraire, structure du roman,

    dette à l'égard d'écrivains d'expression espagnole

    Ogier de Busbecq, Guillaume de Rubrouck,

    la Flandre et la Grande Guerre, la poésie

    Faulkner, Yourcenar, Joyce, L.-F. Céline ;

    une écriture qui marie classicisme et modernité

     

     

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    La Chasse au renard

     

    L'un des romans majeurs de l'écrivain flamand, fresque épique du déclin de la terre natale des protagonistes, trois pères et trois fils qui évoquent leurs désillusions et la résistance acharnée qu'ils opposent à la fatalité ; le renard apparaît comme la métaphore de l'homme qui ne cesse, au cours de l'Histoire, d'être pourchassé sans jamais trouver un havre de paix. Quand la Flandre occidentale sert de cadre à une tragédie de dimension universelle.

     

     

    ROMANS, RÉCITS & NOUVELLES

    De Maanvis (Le Scalaire), Desclée de Brouwer, Bruges, 1966.

    De Krabben (Les Crabes), Desclée de Brouwer, Bruges, 1967.

    De Sfinks op de Belt (Le Sphinx sur le dépotoir), Manteau, Bruxelles, 1968.

    Steen des Aanstoots. Een boek (Pierre d’achoppement. Un livre), Davidsfonds-De Standaard / Louvain-Anvers, 1970 (autobiographie romanesque).

    Drie X Drempelvrees (Trois x La peur d’entrer), Standaard, Anvers, 1984 (trois nouvelles).

    De Vossejacht (La Chasse au renard), Davidsfonds-De Standaard/Louvain-Anvers, 1979.

    Herinneringen aan de Toekomst (Souvenirs du futur), Orion, Bruges, 1979 ; réédité sous le titre De Andere Oorlog (La Grande Guerre), Davidsfonds, Louvain, 1988.

    Het goede Doel van het Geweld (La Bonne fin de la violence), Davidsfonds, Louvain, 1979.

    Aeneas of De Levensreis van een Man (Énée ou la vie d’un homme), Manteau, Anvers, 1982, réédition Davidsfonds, Louvain, 1999.

    Doornroosjes Honden (Les Chiens de la Belle au bois dormant), Manteau, Anvers, 1983.

    De Varkensput (Le Puits aux cochons), Manteau, Anvers, 1985.

    CouvSpillebeenRat.jpgDe Engel van Saint-Raphael (L’Ange de Saint-Raphaël), Manteau, Anvers, 1986.

    Moeder is een Rat (Mère est un rat), Houtekiet, Anvers, 1986.

    Cortés of De Val (Cortés ou la chute), Houtekiet, Anvers, 1987.

    De Waarheid van Antonio Salgado (La Vérité d’Antonio Sagado), Houtekiet, Anvers, 1988.

    Het Toeval (Le Hasard), Houtekiet, Anvers, 1989 (le titre a un double sens : à la fois hasard et crise d’épilepsie).

    De Schreeuw van de Bunzing (Le Cri du putois), Houtekiet, Anvers, 1991.

    In vele Staten - Amerikaans relaas (Dans tous mes États – Récit américain) Manteau, Anvers, 1992 (récit d'une année passée aux États-Unis).

    De anonieme Jezuiet (Le Jésuite anonyme), Manteau, Anvers, 1992.

    De Seigneur van Peuplingues (Le Seigneur de Peuplingues), Manteau, Anvers, 1993.

    De ongestorven Doden (Les Morts qui ne sont pas morts), Manteau, Anvers, 1994.

    Thersites of het Bordeel van Troje (Thersite ou le bordel de Troie), Manteau, Anvers, 1997 (théâtre, monologue).

    God gouden Ogen (Les Yeux d'or de Dieu), Davidsfonds, Louvain, 1998.

    Busbeke of de thuiskomst (Bousbecque ou le retour), Davidsfonds, Louvain, 2000.

    De hunker naar troost (Le Désir de consolation), Davisfonds, Louvain, 2001 (deux courts romans et deux longues nouvelles).

    De heuvel (La Butte), Davidsfonds, Louvain, 2003.

    Minnaars in waanzin (Amants en temps de folie), Davidsfonds, Louvain, 2006.

    Rubroeks reizen (Les Voyages de Guillaume de Rubrouck), Davidsfonds, Louvain, 2009.

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    Énée ou la vie d’un homme

    le roman dans lequel Willy Spillebeen réécrit l'Énéide

     

     

    ROMANS JEUNESSE

    CouvSpillebeenAdo5.jpgHij is een Vijand en een Vriend, Brito, Anvers, 1970, réédité sous le titre Vijand en Vriend (Ami et ennemi), Berghmans, Anvers, 1984.

    De Hel bestaat (L’Enfer existe), Manteau, Anvers, 1984.

    Een Pluisje van de Zee (Pluche de mer), Houtekiet, Anvers, 1989 (réédition Davidsfonds/Infodok, Louvain).

    Anastasia, Davidsfonds/Infodok, Louvain, 2001.

    Het toeval (Le Hasard), Davidsfonds/Infodok, Louvain, 2003 (réédition en collection jeunesse du roman de 1989).

    De muur (Le Mur), Davidsfonds/Infodok, Louvain, 2004.

    Serge/Samuel, Davidsfonds/Infodok, Louvain, 2005.

     

     

    Louis-Ferdinad Céline, personnage de roman


    Dans le roman Het varkensput (Le Puits aux cochons), où la Première Guerre mondiale occupe une nouvelle fois une belle place, Willy Spillebeen aborde un épisode peu connu de la vie de Louis-Ferdinand Céline.

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    Le Puits aux cochons

     

     

    ESSAIS

     

    Pour être à peu près exhaustif, il convient de mentionner que Willy Spillebeen a également publié un certain nombre d’essais sur des poètes d’expression néerlandaise, en particulier les Flamands Jos de Haes (Desclée de Brouwer, Bruges, 1966), Hubert van Herreweghen (Desclée de Brouwer, Bruges, 1973), André Demedts (1974), Marcel Coole (1977) Luuk Gruwez (2003) et les Néerlandais Jan Hendrik Leopold (Orion,  Bruges, 1978), Ida Gerhardt (Orion,  Bruges, 1980) et Martinus Nijhoff (De Geboorte van het Stenen Kindje, Orion, Bruges, 1977). Mais l’un de ses premiers ouvrages, c’est bien à un poète flamand de France que Willy Spillebeen l’a consacré : Emmanuel Looten (1963).

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    L'étude consacrée à Emmanuel Looten

    suivie d'un choix de poèmes en traduction néerlandaise

     

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    voir aussi sur ce blog dans la Catégorie Poètes & Poèmes

     

     

  • Intermède Gheerkin de Hondt (1)

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    Gheerkin de Hondt

    Langueur d'amour

     

    Egidius Kwartet 


     

    Gheerkin de Hondt - Ge(r)rit, Gheerart ou Gerryt de Hont -, actif à Bois-le-Duc vers 1530-1547, est un compositeur de l’école franco-flamande, qui a vécu et travaillé à Bruges et Bois-le-Duc. De Hondt écrivit cinq messes, quatre motets, huit chansons françaises et une chanson en néerlandais. Quelques-uns de ses motets témoignent de son grand talent musical et de son habilité technique. Het was mij wel te vooren gheseijt, sa seule chanson en néerlandais, est un arrangement à quatre voix d’une seule strophe de la chanson dont les paroles sont notées dans le célèbre chansonnier d’Anvers…(lire la suite)

     

     

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  • Willy Spillebeen, poète

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    Aux extrêmes de la Flandre

     

     


    poésie,littérature,flandre,néerlandais,traduction,spillebeenNé le 30 décembre 1932 à Westrozebeke, village de la Flandre occidentale, Willy Spillebeen a élaboré en plus d’un demi-siècle une œuvre considérable : environ 35 romans et recueils de nouvelles (dont certains pour adolescents), une douzaine d’essais consacrés à des poètes, de nombreuses critiques, des traductions (Romain Gary, Pablo Neruda, Emmanuel Looten, Federico Garcia Lorca, Charles De Coster, Rafael Alberti …) sans oublier une dizaine de recueils de poésie dont le plus récent s’intitule Liefde, het enige (P, Louvain, 2006). Au fil des pages, loin du brouhaha, les yeux rivés sur la Lys qui, à quelques mètres de son bureau, dessine la frontière entre la Belgique et la France, l'écrivain se raconte et raconte quelques êtres au destin singulier dans une prose d’une rare maîtrise. Madame Perrine Galand-Hallyn a à juste titre souligné la beauté et la singularité du roman Énée ou la vie d’un homme (Aeneas of de levensreis van een man) qui propose, en douze chapitre, une réécriture de l’Énéide du point de vue d’Énée, à la fois « je », « tu » et « il » dans la narration.

    L’anthologie bilingue Le Cortège fastueux de la langue (Lannoo, 2004) propose quelques poèmes de Willy Spillebeen en traduction française. En voici un autre (en deux volets), « La Balançoire », emprunté au recueil Liefde, het enige. C’est ce même poème - « De schommel » - que l’auteur lit, dans la version originale, sur l’enregistrement vidéo.

     

     

    La balançoire

     

    pour Elisa

     

     

    1

     

    La fille sur la balançoire

    lance un œil craintif de biche

    à la renverse. En haut l’enfant.

    En bas presque femme.

     

    Monde entrouvert. Elle

    n’est déjà plus ici

    loin d’être là-bas.

     

    En haut. Elle caresse le talus,

    animal d’aimable fourrure,

    crinière de peupliers,

    haubert d’une abbaye.

    Et par les forêts bleues,

    à couvert loin d’ici

    s’égare son imaginaire.

     

    En bas. Trop jeune encore.

    En bas : marcher entre

    les fleurs au bord du talus,

    avec déjà de vagues désirs,

    peut-être de la mélancolie,

    celle d’adieux à venir ;

    entrer dans la maison.

     

    Monde entrouvert. Porte

    qui année après année

    ira s’ouvrant toujours plus.

     



     

    2

     

    La fille sur la balançoire

    et le talus vert

    qui dévale avant

    de se refaire lointain.

    Escarpolette de la terre

    s’en va s’en vient.

     

    Espace : essaim d’abeilles

    qui bourdonne autour de la fille

    et comme une pendule tictaque

    et cliquette la balançoire

    longue seconde en haut

    longue seconde en bas

    et au-dessus des maïs

    s’élève la poussière du pollen.

     

    Étouffante chaleur de midi.

    Réfugiée dans l’ombre, dentelle

    foisonnante de la vigne,

    sur son visage assoupi

    et tout près de ses cils

    la boucle pour ainsi dire parfaite

    d’une brindille qui se fait chenille

    avec une tête de cobra,

    de chouette noctuelle,

    d’un sage barbu d’Inde.

     

    Et ensuite tête de mort.

     

    La fille ouvre les yeux

    grands sur le jardin,

    où le soir, aux couleurs

    délavées des fleurs,

    fait l’automne et la nuit,

    avec son noir incolore,

    l’hiver – plus tard.

     

    trad. Daniel Cunin

     

    Œuvres poétiques de Willy Spillebeen :

    De Spiraal, De Bladen voor de poëzie, Lierre, 1959.

    Naar Dieper Water, à compte d’auteur, Menin, 1962.

    Groei-Pijn, Desclée de Brouwer, Bruges, 1966.

    Gedichten 1959-1973 - Een teken van leven, De Standaard, Anvers, 1974 (tous les poèmes).

    Ontwerp van een Landschap, Desclée de Brouwer, Bruges, 1977.

    Woorden in de Stroom, PEN 102, Heideland, Hasselt, 1978 (anthologie, choix de l’auteur).

    Voorbij de populieren, Lannoo, Tielt, 1982.

    Dubbelspoor, Lanno, Tielt, 1983 (50 poèmes accompagnés de 50 dessins d’André Deroo).

    Land van Vergeten, Poëziecentrum, Gand, 1995.

    De geschiedenis van een steenbok, P, Leuven, 2003 (anthologie, choix et préface de Patrick Lateur).

    Liefde, het enige, P, Louvain, 2006.

     


    Plusieurs articles de Willy Spillebeen portant sur la poésie néerlandaise ont été publiés en traduction française dans la revue Septentrion. Pour sa part, le périodique bilingue Les Pays-Bas français (n° 26, 2001) a donné, sous le titre « Nostalgie de la Flandre », un article de Michiel Nuyttens consacré à l'une des œuvres de Willy Spillebeen : Busbeke ou le retour chez soi (roman historique dont l’humaniste Ogier van Busbeke est le protagoniste ; l’auteur fait la part belle à la fiction tout en l’habillant dans le respect des données historiques).

     

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     De geschiedenis van een steenbok, Louvain, P, 2003

    (anthologie, choix et préface de Patrick Lateur)