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flandres-hollande - Page 37

  • Ruysbroeck selon Claude-Henri Rocquet

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    À l’occasion de la réédition de

    Ruysbroeck l’admirable

     

     

    Ce « Nord » dont je parle est un pays réel et c’est un pays imaginaire. « La Flandre est un songe », dit Ghelderode, qui fait de cette espèce de devise le titre d’une de ses œuvres que je préfère. C’est un pays aux frontières aussi imprécises que celle du ciel et de la mer à l’horizon.

    C.-H. Rocquet

     

     

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    Né à Dunkerque voici plus de quatre-vingts ans, Claude-Henri Rocquet n’a pas manqué, au fil de ses ouvrages, de revenir à la Flandre au sens large, le plus souvent à travers des écrits sur la peinture – les plus récents s’apparentant à des méditations dans une « écriture qui s’arrime au mystère de la foi » (1) –, parfois au cœur de poèmes (en prose) comme dans L’auberge des vagues (Granit, 1986) où il chante Joachim Patinir et la ville natale.

    Claude-Henri Rocquet, Ruysbroeck, Ruusbroec, peinture, littérature, mystiqueÉvocation des jeunes années, le texte « Nord » révèle cette tendresse pour les contrées septen- trionales, qui n’empêche toutefois pas lauteur de tourner son regard vers l’Italie de François d’Assise et de Giotto, lAmérique du dissident Hopper ou encore vers l’Espagne de Goya« Le temps et l’espace, le réel et l’imaginaire forment un seul tissu, et ce tissu, pourtant collectif, est singulier en chaque âme, en chaque esprit. Français, parce que de naissance et de langue française, on se reconnaît Flamand, et cette filiation, ce fil, comme souterrainement, rêveusement, vous conduit en Espagne – il m’a conduit à écrire Goya. La patrie n’est pas une île mais un archipel. La patrie est une constellation. »

    Des livres assez récents marquent également l’intérêt que le Parisien d’adoption porte à deux grandes figures des Pays-Bas : Vincent van Gogh jusqu’au dernier soleil (Paris, Mame, 2000) et Érasme et le grelot de la Folie (illustré par Céline Le Gouail, Paris, Les Petits Platons, 2012). À propos de l’écriture des pages consacrées à Van Gogh, Claude-Henri Rocquet précise que « c’est aux mineurs de ma famille, de mon pays, que je pensais quand je l’imaginais en Belgique, pasteur et déjà peintre, le Borinage étant de même nature que les mines du nord de la France… » 

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    Passé d’un athéisme (du cœur et positiviste) à lÉglise orthodoxe, Claude-Henri Rocquet s’est penché sur le catholique Jan van Ruusbroec, offrant une des œuvres du mystique brabançon en traduction : Les Sept degrés de l’échelle d’amour spirituel de Jean Ruysbroeck (Paris, Desclée de Brouwer, 2000). Deux ans plus tôt, il avait publié un Ruysbroeck l’admirable dont une version corrigée a vu le jour en 2003 sous le titre Petite vie de Ruysbroeck, toujours chez Desclée de Brouwer. C’est ce même livre, dans une édition remaniée et augmentée, que viennent de donner les éditions Salvator.

    claude-henri rocquet,ruysbroeck,ruusbroec,peinture,littérature,mystique,bruegel,boschDans les belles pages de « Nord » justement, Claude-Henri Rocquet expose son chemine- ment d’historien de l’art en qui va naître le désir de revenir, par la mar- che et l’écriture, sous les cieux flamands : « Ce n’est pas le Nord qui m’attachait à Bosch, mais sa peinture, son monde intérieur, son œuvre, l’énigme de cette œuvre. Je ne savais presque rien de Ruysbroeck ; j’ai eu l’intuition qu’une part de l’œuvre de Bosch s’éclairerait à la lumière de Ruysbroeck. J’ai commencé à le lire. Et Ruysbroeck rayonne dans certaines pages de Bruegel. Pourtant, si j’ai eu le désir d’écrire une ‘‘petite vie de Ruysbroeck’’, ce qui impliquait la lecture attentive de toute l’œuvre, ce n’est pas le maître spirituel, le mystique, et sa mystique, qui en premier lieu m’attirait vers lui, mais son lien avec le Nord, avec la forêt de Soignes, près de Bruxelles, où je suis allé, marchant de Groenendael à Rouge-Cloître, sous les grands hêtres pourpres, et qui est devenue pour moi un lieu mythique : ma forêt de Brocéliande. »

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    La fin de l’introduction intitulée « L’ami invisible » éclaire mieux encore le parcours de cet écrivain resté attaché à un Ita- lien dascendance maternelle flamande, Lanza del Vasto (2) : « Je ne sais plus d’où me vint l’intuition d’un lien entre Jérôme Bosch et Ruysbroeck, qu’un siècle et demi sépare, mais c’est en cherchant, voici trente ans, le sens et le dessein, la structure spirituelle, de l’œuvre de Bosch que j’ai rencontré celle de Ruysbroeck. […] Plus tard, quand j’écrivais une vie de Bruegel, j’imaginai, où plutôt je vis, un épisode qui ne se trouve nulle part évoqué : Bruegel égaré dans la forêt de Soignes, fiévreux, malade, et sauvé, guidé, par une lumière, une présence. C’était comme un rêve du personnage en même temps qu’un rêve pour moi, qui l’écrivais. Avais-je le droit d’inventer ainsi un moment à la lisière de l’histoire et du songe ? Certaines peintures de Bruegel, et la littérature elle-même, autorisaient cette couleur fantastique. Mais la page, en somme dédiée à Ruysbroeck, et tout éclairée par le rayonnement du tilleul de Soignes, je l’écrivis un 2 décembre. Et j’ignorais alors que le 2 décembre est jour de la mort et de la fête du bienheureux Jean Ruysbroeck, à Malines. Quand je l’ai su, il m’a semblé que ce que je croyais de l’ordre du fantastique était proche du surnaturel, de l’invisible, et qu’il s’agissait moins d’imaginaire que d’imaginal. J’ai pris cette coïncidence pour un signe adressé de son séjour incorporel par un ami et j’ai placé devant mes livres, comme une icône, la reproduction du seul portrait qu’on ait de lui : la copie, ancienne, d’une peinture perdue. Ruysbroeck, vêtu de noir et de blanc, l’habit des augustins, y lève les yeux vers le signe d’un rayonnement. J’avais acquis toute son œuvre pour accompagner mon voyage dans la Flandre de jadis, celle de Bruegel, et pour la lire le jour venu.

    claude-henri rocquet,ruysbroeck,ruusbroec,peinture,littérature,mystique,bruegel,bosch« Il est vrai que j’avais senti, à l’origine de ce livre sur Bruegel, la présence, le soutien, de Lanza del Vasto. Lanza n’était plus de ce monde. Je savais ce qu’il devait à saint Augustin et à saint Thomas. J’ignorais que cet hom- me né en Italie, mais d’une mère anversoise, devait à Ruysbroeck, en partie, sa conversion.

    « En écrivant sur Bruegel et Bosch, je me rapprochais de mon pays natal, La Flandre, Dunkerque, je le découvrais dans une autre lumière, je reconnaissais le sens qu’à pour notre vie le fait d’être né dans une certaine famille, un certain paysage, sous un certain ciel, et je comprenais mieux que la vocation de toute patrie est d’être une terre spirituelle, un lieu où l’invisible prend forme et couleur, où le visible et le sensible accueillent le surnaturel, un lieu de passage, un lien particulier entre l’humain et le divin. C’est à partir de ce sentiment spirituel de la patrie que toutes les patries, et les plus lointaines, les plus étrangères, les plus hostiles, nous sont fraternelles. Et j’eus le désir d’écrire un livre consacré à l’esprit du Nord, à la merveille resplendissante et douce des béguinages, à Memling et à l’art populaire, à cette piété dont Ruysbroeck est la source, la résurgence, et l’Imitation de Jésus-Christ, le joyau. Le livre que je termine aujourd’hui vient de là.

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    « J’ai voulu m’approcher de Ruysbroeck par le chemin de ses livres : traverser la forêt de ses livres, en recevoir la lumière. Je le vois comme Jérôme Bosch a représenté les anachorètes, les ermites : à l’abri d’un saule creux, au bord d’un ruisseau, tandis que les dernières agitations de l’âme achèvent de s’effacer comme se dissipe un mauvais rêve. »

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    Si la nouvelle édition de Ruysbroeck l’admirable ne reprend pas le chapitre « Lire aujour- d’hui Ruysbroek », elle en comprend de nou- veaux regroupés sous l’intitulé « Ruysbroeck et la mystique maternelle » (3). Claude-Henri Rocquet s’explique : « Le livre publié, un dialogue avec Michel Cazenave, à France Culture, m’a rendu plus attentif à ce qui chez Ruysbroeck porte sur le ‘‘féminin’’ et j’ai écrit ‘‘Ruysbroeck et la mystique maternelle’’, qui prolonge la nouvelle édition de Ruysbroeck l’admirable. Bosch sans doute s’est nourri de l’enseignement de Ruysbroeck. Et Ruysbroeck écrivait et voyait en peintre. Tout près du monastère de Groenendael, à Rouge-Cloître, Hugo van der Goes vécut ses dernières années. »

     

    (1) Articles : « Bosch » et « Bruegel l’ancien » dans l’ Encyclopædia Universalis, Paris, 1965.

    « La Fable de Babel » p. 111-112 et « Notice sur ‘‘La pie sur le gibet’’ n°76 », p. 274, dans le catalogue de l’exposition « Fables du paysage flamand, Bosch, Bles, Brueghel, Bril » au Palais des Beaux-Arts de Lille du 6 octobre 2012 au 6 janvier 2013, sous la direction d’Alain Tapié, Paris, Éditions Somogy.

    claude-henri rocquet,ruysbroeck,ruusbroec,peinture,littérature,mystique,bruegel,bosch« Bruegel-Majewski, du tableau au film », Magazine des Arts, avril-mai 2012, n°2, p. 86-97.

    « Le peintre de Rouge-Cloître » (sur Hugo van der Goes), NUNC, n° 32 (dossier Charles Péguy), février 2014, p. 107-118.

    Livres : Bruegel, la ferveur des hivers, Paris, Mame, 1993.

    Jérôme Bosch et l’étoile des mages, Paris, Mame, 1995.

    Bruegel ou L’atelier des songes, Paris, Denoël, 1987, rééd. Zurfluh, 2010 (épuisé).

    « Dans l’histoire de l’art et de la littérature, les influences ont sans doute moins d’importance, elles sont moins fascinantes, moins riches de sens, que les métamorphoses, les filiations : l’œuvre de Bau- delaire se transforme en celle de Mallarmé, celle de Mallarmé en Valéry, et nous savons ce que Rimbaud doit à Hugo et Claudel à Rimbaud. La création engendre et suscite la création.

    Claude-Henri Rocquet, Ruysbroeck, Ruusbroec, peinture, littérature, mystique« Les contemporains de Bruegel voyaient en lui un ‘‘nouveau Bosch’’. Quand j’ai écrit sur l’un et l’autre, vers 1968, pour l’Ency- clopædia Universalis, je voyais deux esprits s’oppo- ser, sinon se contredire : un esprit religieux et mysti- que, inséparable de la Bible, un esprit imprégné de la pensée antique, et tourné vers la terre et la ‘‘nature’’. Je déchiffrais Bosch à la lumière de Ruysbroeck. Et puis, chez Bruegel, j’ai vu, au-delà de la terre paysanne, au-delà de ses Géorgiques, sa proximité avec les géographes de son époque et, dans certaines de ses œuvres, sa relation avec le mythe : le Labyrinthe et Babel. Ce qui m’a conduit à reconnaître en lui un esprit religieux, un peintre chrétien.

    « La question de ‘‘l’hérésie’’ me semble au cœur de l’œuvre de Bosch : dans Le Jardin des délices, en particulier. Pour certains, cette peinture est une apologie de l’hérésie des Adamites ; pour d’autres, dont je suis, la mise en scène est le rejet de ce dévergondage ‘‘spirituel’’. La famille de Bruegel est celle de l’ ‘‘humanisme chrétien’’.

    claude-henri rocquet,ruysbroeck,ruusbroec,peinture,littérature,mystique,bruegel,bosch« Je n’envisage ici que le ‘‘sens’’ de ces œuvres. Je ne dis rien de leur génie, de la beauté de leur peinture. Qu’ils soient du Nord, ‘‘flamands’’, compte dans mon attachement à leur œuvre : ma ‘‘prédilection’’. Leur paysage est celui de ma naissance et de ma jeunesse. Ils ont puisé aux traditions populaires, aux jeux de mots et aux traditions du peuple : au ‘‘folklore’’, si l’on veut désigner cela d’un mot. Cela, chez Bruegel, s’allie à un grand savoir, une réflexion de philosophe : la kermesse et Platon, le carnaval et la bibliothèque peuvent confluer. C’est sur ce point, et non par les truculences, que se rejoignent Rabelais et Bruegel, Érasme.

    « Le sens du ‘‘peuple’’, chez Bruegel, n’est pas seulement celui des hommes en un certain lieu de la Terre, en un certain temps de l’Histoire, une patrie : ce sens du ‘‘peuple’’, en son fond, est un humanisme, un sens du ‘‘genre humain’’, une connaissance de l’homme. Un amour de l’homme, aussi ; mais sans l’amour, qu’est-ce que la ‘‘connaissance’’ ? »  (entretien de Claude-Henri Rocquet avec Pascal Amel, « L’œil de Claude-Henri Rocquet. Écrire la peinture », (art absolument), n° 52, mars-avril 2013, p. 105-106.)

    claude-henri rocquet,ruysbroeck,ruusbroec,peinture,littérature,mystique,bruegel,bosch(2) Claude-Henri Rocquet, Lanza del Vasto, serviteur de la paix, Paris, L'Œuvre, 2011.

    Anne Fougère & Claude-Henri Rocquet, Lanza del Vasto : pèlerin, patriarche, poète, Paris , Desclée de Brouwer, 2003.

    Lanza Del Vasto, Les Facettes du cristal : entretiens avec Claude-Henri Rocquet, Paris, Le Centurion, 1981.

    quatrième de couverture

    Claude-Henri Rocquet, Ruysbroeck, Ruusbroec, peinture, littérature, mystique« La rencontre de Lanza del Vasto est l’une des grâces majeures de ma vie. Si vers ma vingtième année je n’avais pas rencontré cet homme, sa lumière, son enseignement, et sa patience envers le jeune maladroit que j’étais, aurais-je eu connaissance du très ancien et toujours vivant chemin de l’homme, aurais-je commencé d’ouvrir les yeux dans la nuit intérieure, aurais-je su dissiper enfin le mensonge de l’inepte violence ? Mais cette grâce, qui fut d’abord un émerveillement, j’en ai sans doute longtemps méconnu la nature et la force. Longtemps, je me suis tenu à l’écart de cette grande figure paternelle, j’étais irrité de sa foi en ce Dieu dont notre bavardage fait un mort, un ennemi ; je me crus même un cœur hostile à ce cristal. Pourtant, à travers les années, parfois, il m’arrivait de rêver de lui et de ses compagnons ; et la blancheur de ces rêves au réveil m’était douce : lumière et laine dans le désert et la confusion des jours. »

    Claude-Henri Rocquet, Ruysbroeck, Ruusbroec, peinture, littérature, mystique(3) Pages publiées sous une forme différente : « Ruys- broeck. Mystique nuptiale, mystique maternelle » in Alain Dierkens & Benoît Beyer de Ryke (ed.), Maître Eckhart et Jan van Ruusbroec – Études sur la mystique « rhéno-flamande » (XIIIe_XIVe siècle), Bruxel- les, Éditions de l’Université de Bruxelles, [Problèmes d’Histoire des religions], t. XIV, 2004, p. 211-226. Il s’agit des chapitres : « Luc et Véronique », « Mystique nuptiale, mystique maternelle, Eucharistie », « Sainte Belgique » et « Le livre des douze béguines », le quatrième portant en grande partie sur la question de la traduction.

     

     

    Claude-Henri Rocquet, conférence, fin 2012, Nîmes 

     

     

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    Le jardinier de Babel

    portrait de Claude-Henri Rocquet par Xavier Dandoy de Casabianca

    (vidéo, 1993)

     

     

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  • Métiers Divins

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    Jean de Boschère

    salué par Camille Mauclair

     

     

     

    Max Elskamp qui aimait la taille des incunables et l’écriture chinoise nous vient de ces temps, de ces lieux où le geste artisanal devait accomplir la figure d’un texte. Il habillait lui-même ses vers de lettrines et d’ornements qu’il creusait dans le buis, le poirier. Parfois il sculptait tout un poème. C’est ainsi que les mots de Max Elskamp ont appris un poids, un contour, une saveur qui se souviennent des sèves fruitières.

    La plume court bien vite et les phrases de plume ont des caprices que la gouge refuse. Un mot cerné dans la tablette veut un effort, une fermeté où son pouvoir s’élabore avec ferveur. Il faut scruter et le verbe devient une matière.

    Norge

     

     

     

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    Né Belge en 1878, mort Français en 1953, l’écrivain et artiste graphiste Jean de Bosschère (1) a passé nombre d’années en Flandre, contrée qui occupe une place particulière dans son œuvre si éclatée : Max Elskamp (1914), Quentin Metsys (1907), Édifices anciens : fragments et détails, Anvers (1907), La Sculpture anversoise aux XVe et XVIe siècles (1909), Jérôme Bosch (1947 et Jérôme Bosch et le fantastique, préf. de Jean Cassou, Paris, Albin Michel , 1962), telles sont quelques-unes des études qu’il nous a laissées. C’est lui aussi, semble-t-il, qui a traduit le Frans Hals, sa vie et son œuvre  (1909) de l’historien amstellodamois Ernst Wilhelm Moes. Parmi les nombreux ouvrages que l’Enragé a illustrés, on relève Christmas tales of Flanders (1917) et Folks Tales of Flanders (1918).

    jean de bosschère,jean de boschère,camille mauclair,flandre,pays-bas,illustration,littératureLe texte reproduit ci-dessous traitant de Métiers Divins est de la main du « polygraphe » Camille Mauclair (2) qui a lui aussi consacré bien des pages aux plats pays, la plupart dans une veine certes différente. À côté d’études sur Rembrandt, Maeterlinck, Théo van Rysselberghe, et sur Rodenbach dont il se sentait très proche, on relève dans sa bibliographie Trois Femmes de Flandre (1905, contes réédités sous le titre Âmes bretonnes deux ans plus tard), Le Charme de Bruges (1928) et La Hollande (1940). C’est aux Pays-Bas qu’il a situé l’action de son œuvre Nele Dooryn (1903) et à Bruges une partie du roman L’Ennemie des rêves (1900). Plusieurs de ses poèmes traduisent des impressions de ses différents séjours dans les terres septentrionales (par exemple « Soir d’Amsterdam »).

    jean de bosschère,jean de boschère,camille mauclair,flandre,pays-bas,illustration,littératureLe livre Métiers divins a vu le jour dans la bibliothèque de l’Occident en août 1913, la plupart des « métiers » ayant paru dans l’Occident et dautres revues dès 1910 (Le Bourg, écrit à Londres entre 1915 et 1916, venant com- pléter cette série en 1922). D’autres que Mauclair ont exprimé leur enthousiasme au sujet de cette édition très soignée. Ainsi, Jean de Gourmont, frère de Rémy, a-t-il pu écrire dans le Mercure de France : « Je signalerai particulièrement, pour la rare qualité de son art, ce petit livre de M. Jean de Bosschère : Métiers Divins, qui est dédié à Max Elskamp ‘‘mon pauvre frère aîné’’. M. de Bosschère me semble en effet le plus pur disciple du poète imagier. Comme lui il burine les images de ses rêves et voici toute une série de bois qui nous donnent la figuration stylisée des métiers divins : le luthier, le potier, le jardinier, le poète, le maçon, l’horloger, l’imprimeur…, etc. Et j’aime cette divine promiscuité de tous les métiers : ‘‘Car ne doutez pas, écrit l’auteur, que le poète soit aux métiers, comme le boulanger, le potier et l’horticulteur. Inattendues, ses relations com- merciales avec les hommes, mais ses denrées tiennent longtemps leurs propriétés d’épa- nouissement.’’ »

    J. de Bosschère, enfant (coll° AMVC)

    jean de bosschère,jean de boschère,camille mauclair,flandre,pays-bas,illustration,littératureDans la N.R.F. de mai 1914, Henri Ghéon estimait pour sa part : « Cette tension du style et de la métaphore que l’auteur doit à Suarès, semble se relâcher ici. Ici, M. Jean de Bosschère se rapproche davantage de son autre maître, Max Elskamp. Il célèbre les métiers avec moins de naïveté que l’admirable poète d’Anvers ; il sur- charge ses descriptions de considérations symboliques parfois inutiles. Mais la vision est souvent émouvante, en dépit de sa dureté, et j’aime quand l’esprit l’égaie, comme il arrive dans ce petit morceau : ‘‘Puisqu’ils ont mis une dure carapace de granit à la route, l’ingénieux maréchal-ferrant cloue une semelle de fer à l’âne et au cheval. Ils s’éloignent en sonnant des bottines, qui lancent des paillettes d’or ; et le dompteur du fer rentre dans l’enfer noir et rouge, dans la nue acre et la fumée de corne rôtie.’’ »

    J. de Boschère (coll° AMVC)

    jean de bosschère,jean de boschère,camille mauclair,flandre,pays-bas,illustration,littératureQuant au critique belge Sander Pierron, il s’exprimait ainsi en 1920 : « Un peu plus tard, en 1909, l’imprimeur Buschmann, d’Anvers, tira, pour la Bibliothèque de l’Occident, à Paris, sur format in-16, les Métiers divins de Jean de Bosschère. Cet écrivain, un peu singulier, aux con- ceptions étranges, au style recherché et imagé, est un de ceux qui, en ces derniers temps, ont personnellement le plus fait pour la renaissance du livre d’art en Belgique. Ses ouvrages sont conçus et réalisés avec un goût raffiné, selon une typographie luxueuse, ornés de dessins de sa propre main, et par conséquent si conformes au texte, si intimement, nous dirions volontiers si mystérieusement en rapport avec lui. Les dessins pour les Métiers divins sont exécutés à la plume ; la technique spéciale leur donne l’apparence de xylographies. Les noirs y dominent : types d’artisans, natures mortes, portraits imaginaires, bêtes, paysages étoffés de figures ; dix-neuf vignettes où l’observation de la nature et la fantaisie d’une recherche toute aristocratique se marient, mélange de vérité et d’idéal, réalisme et mysticisme associés, clarté et ombre, netteté et inconnu, et partout cet accent singulier, cette bizarrerie, cette étrangeté qui donnent aux œuvres, écrites ou dessinées de cet homme de talent, un charme si spécial et qui doit tant au métier et à la pensée de Stéphane Mallarmé. »

      


    jean de bosschère,jean de boschère,camille mauclair,flandre,pays-bas,illustration,littérature(1) Sur Jean de Bosschère illustrateur, on pourra lire dans Denis Laoureux (ed.), Peintres de l’encrier : le livre illustré en Belgique (XIXe-XXe siècle), Bruxelles, Le Livre & L’Estampe, 2009, la contribution de Véronique Jago-Antoine, « Sens dessus dessous : tribulations de l’image et du texte dans trois livres-ateliers de Jean de Boschère » p. 185-214 et celle de Céline De Potter, « Les illustrateurs belges en France de 1919 à 1939. Jean de Bosschère, Frans Masereel, Frans De Geetere, Luc Lafnet. Pratiques et réseaux », p. 155-183.

    Sur le livre Métiers divins et le reste de l’œuvre, on se reportera à l’étude fouillée de Christian Berg, Jean de Boschère ou le mouvement de l’attente, Bruxelles, ARLLF, 1978. Guy de Bosschère a évoqué son oncle dans « Portrait de l’artiste et de quelques membres de sa famille », Le Courrier du C.I.E.P., n° 199, été 1993.

    jean de bosschère,jean de boschère,camille mauclair,flandre,pays-bas,illustration,littératureDe Jean de Bosschère lui-même, on pourra lire les Fragments du journal d’un rebelle solitaire, 1946-1948, texte établi et présenté par Yves-Alain Favre, Mortemart, Rougerie, 1978 ; Le Pays du merle bleu et autres pages de nature, choix et postface par Michel Desbruères, préface de Jean Cassou, Saint-Cyr-sur-Loire, C. Pirot, 1983, ainsi qu’une petite partie de sa correspondance : Max Elskamp et Jean de Bosschère : correspondance, introduction et notes de Robert Guiette, Bruxelles, ARLLF, 1963 (supplément publié en1970) et les Lettres de La Châtre (1939-1953) à André Lebois, Paris, L’Amitié par le Livre/Denoël, 1969. Les lettres que lui a adressées Joë Bousquet ont été publiées dans la Revue d’histoire littéraire de la France, mars-avril 1971.

    (2) Simonetta Valenti, Camille Mauclair, homme de lettres fin de siècle : critique littéraire, œuvre narrative, création poétique et théâtrale, Milan, Vita e Pensiero, 2003.

     

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    Franz Hellens, L’Art Moderne, 8 mai 1910, p. 148

     

     

     

    Jean de Boschère, The City Curious

     

     

     

    Métiers divins

      

     

    je bois avec extase et folie (le potier)

    jean de bosschère,jean de boschère,camille mauclair,flandre,pays-bas,illustration,littératureJ’ai trouvé sur ma table un livre léger et précieux, doux en sa robe d’un violet profond et délicat, rare par le goût et le soin de ses moindres détails, un petit livre où rien n’imite l’ancien mais qui est plein de l’âme ancienne et semble vraiment avoir été fait avec amour par un artiste pensant et choisissant comme on ne pense ni ne choisit plus. Il m’a paru me venir de très loin, un peu comme si un ami l’avait trouvé dans quelque très vieille demeure de jadis, oublié en un meuble désuet et charmant, et me l’envoyait pour me faire plaisir. Cependant c’est un homme d’aujourd’hui qui a composé ce livre et l’a soigneusement organisé et revêtu : c’est Jean de Bosschère, que vous connaissez bien.

    épinglée

    jean de bosschère,jean de boschère,camille mauclair,flandre,pays-bas,illustration,littératureEntré au-dedans du livre comme, après avoir un peu courbé la tête, on pénètre dans une salle basse, tiède et ombreuse, j’y ai éprouvé la même impression très douce d’ancienneté confidentielle. Il y a au fond un feu couvant qui rayonne et touche toutes choses de sa dorure magique : c’est une âme de poète, jetant par instants des éclats, mais plus souvent voilée de cendre et n’approchant la nôtre que par une ardeur sourde. Tout autour sont les objets qu’elle aime et dont elle nous parle : placée au milieu, elle leur insuffle sa vie subtile et brûlante. Jean de Bosschère a, dans ce livre, l’attitude repliée du songeur qui est chez soi, bien clos dans le décor resserré de sa pensée. Et il dit lentement, gravement, ce qu’il voit et ce qui le requiert.

    le poète dans le souk

    jean de bosschère,jean de boschère,camille mauclair,flandre,pays-bas,illustration,littératureC’est un artiste et un mystique. C’est-à-dire qu’il évoque forcément d’autres noms d’artistes et de mystiques sincères comme lui, méditants et concentrés comme lui : car il n’y a qu’une certaine façon de dire des choses profondes et de rejeter l’inutile. En le lisant on pense à Suarès, à Claudel. Il ne les imite point, mais ce sont des parents de Jean de Bosschère. Je retrouve en son style leurs bonds musculeux et nerveux, leurs brusques ellipses, cette diction un peu farouche, cette aptitude avide à découvrir et à réunir des analogies qui semblent étranges, parce que nous sommes moins aptes à en constater rapidement les identités. Cependant Claudel et Suarès sont des fiers : Jean de Bosschère est plus doux et plus humble, et il se penche volontiers sur les très petites choses, avec la patience quiète d’un Henri Fabre. Il est aussi un imagier. Dans son livre, entre les feuillets, comme des fleurs séchées, on trouve de petites gravures sur bois qui sont d’une technique parfaite et d’un sentiment délicieux. Max Elskamp aussi en a parsemé ses poèmes ingénus et adorables, – Max Elskamp auquel ce livre est dédié, Max Elskamp que je n’ai pas revu depuis bien longtemps et que j’affectionne comme si je l’avais quitté hier… Vous avez bien de la chance de cacher encore dans vos Flandres aux beaux nuages des artistes comme ceux-là, qui ne « font » pas de l’art, mais le vivent avec la modestie et la science toute d’amour d’ouvriers en chambre, pour le silencieux plaisir de bien œuvrer.

    Ronsard

    jean de bosschère,jean de boschère,camille mauclair,flandre,pays-bas,illustration,littératureEt voici Jean de Bosschère qui va philosophant à propos des métiers, rêvant, disant son mot ou ciselant sa page, parfois humoriste, plus souvent hanté de mélancolie métaphysicienne. Il écrit une langue très pure, un peu insistante et incisive, comme si tout le livre était tracé au burin sur des pages de bois ; son trait est net, il n’a pas de couleur mais un accent et un timbre. Il nous raconte le potier, le jardinier, le poète, le maçon, l’horloger, le boulanger ou le savetier, le menuisier et le graveur, le sculpteur ou le maraîcher. Pour lui tous les métiers sont divins, et il a bien raison, et ils le sont autant les uns que les autres en ce sens que chacun condense exactement autant de victoires sur soi-même et d’amour en ceux qui les exercent. Et comme tout est signes de signes, il n’est pas de geste professionnel qui ne soit au moins riche en allusions au Métier Divin par excellence, celui de l’homme obtenant ingénieusement sa vie de la Nature à force de cogitation et de labeur, sous toutes sortes de formes, applications des clauses innombrables de ce contrat unique.

    l'éternité

    jean de bosschère,jean de boschère,camille mauclair,flandre,pays-bas,illustration,littératureJean de Bosschère se réfère à ce contrat pour dé- couvrir, dans chacun des métiers modestes dont la cohésion docile et l’exercice consenti nous font vivre, la part de noblesse et la species æterni, avec un respect ému pour les vieilles trouvailles qui fondèrent le bien-être et créèrent le cadre de notre existence civilisée. C’est à chaque page qu’il constate le charme de ces menuailles dont nous avons tous besoin et les annote de joliesses verbales, d’une préciosité archaïque, et parfois avec beaucoup de force. Ce n’est pas un impressionniste : l’évocation chez lui naît d’une attention minutieuse et de la volonté d’aller au profond et de bien tout situer. Écoutez ce qu’il dit du batelier de vos cités :

    le moine maraîcher

    jean de bosschère,jean de boschère,camille mauclair,flandre,pays-bas,illustration,littérature« Et voici le batelier qui entre dans la cave des villes. Quai dans la ville lasse et mourante ; c’est le quai arrêtant l’ossuaire de la Grand’Place. Et à ses bases, la rivière se traîne entre deux murs spongieux, vaincus par l’érophile odorant la fleur de radis, le musc, la charogne et la tubéreuse. – Une rivière roulant nul murmure, passe sans réveiller la ville pas habitée, sauf par ce chien jaune flairant le panier du poissonnier. – Le batelier près du quai reconnaît l’heure à cette ombre s’avançant, qui peint en vert l’eau malade, et il attend que la peinture atteigne aux marches du caverneux escalier. Dès lors, il le sait, l’ombre bleue prendra le quai où rien ne remue ; puis les femmes avec des seaux grinçant comme les grues effarées descendront l’escalier sonore. Comme les moules vernies frapperont dans les seaux de fer, les couvents où le pain des prières est cuit, l’église, cheminée mystique, diront le ramage connu du repos de sept heures. – Le batelier attend les acheteurs soucieux et les rauques marchandes au gosier criant à la manière des sonnettes. Il reçoit les minutes incolores dans sa barque, grenouille brune gonflée de moules, et chargée des baumes odorant la mer vivante et le goudron.

    il traduit le manuscrit (l'imprimeur)

    jean de bosschère,jean de boschère,camille mauclair,flandre,pays-bas,illustration,littérature« Les vieux pêcheurs se taillent la barbe grise en bandeau laineux et court. Leurs masques de cuivre jaune sont de naïves lunes dans une fraise de chimpanzé. Leurs yeux blêmes, au travers de quoi nous revoyons l’Océan qui peint ses marines, enfoncent leur regard dans l’eau au pied du mur vert, et les glissent jusqu’à la vase bitumeuse. Sur la vase gisent un arrosoir, une cruche, un éclat de miroir. – Le miroir est un mime implacable. Du fond des eaux il continue de peindre. Vous y découvrez, en miniature, le beffroi du XIVe siècle, les tympans des maisons, celle du notaire avec les bustes au fronton, l’autre où l’épicier vit pour vendre, la dernière qui est la bicoque du vannier. Voguant sur cette peinture de Memling, des essaims de poissons, comme un vol d’hirondelles automnales, strient de vergettes les pains de sucre bleuâtres, les paniers blancs, les bustes prétentieux.

    le fabricant de jouets

    jean de bosschère,jean de boschère,camille mauclair,flandre,pays-bas,illustration,littérature« Le batelier attend, assis dans sa barque. La barque est la petite-fille de la terre ; les hommes industrieux sont ses pères. – Maintenant, la barque et l’eau se reposent parmi les ombres glauques : tout y plonge, immobile et vert, comme les simples d’une panacée dans les bouteilles d’herboristes.

    « Ores, l’instant appartient au pêcheur de moules. Il lève la tête jaune et blanche, – dégourdit ses mains de vieux cuir et sonnant comme un chapelet de bobines. Et, enfin, les cloches parlent, et font accoucher chaque maison d’une femme portant un seau ou une marmite.

    « Ensuite, l’homme au collier laineux a fini sa journée. Dans sa pipe il y a une perle de corail, et le soir, comme un peuple d’ombres roses semble naître de la pipe chaude du batelier.

    « L’eau se fleurit de nénuphars rouges, et le pélican ensanglanté verse son sang de poète sur les hommes. »

    le mosaïste

    jean de bosschère,jean de boschère,camille mauclair,flandre,pays-bas,illustration,littératureJe ne pouvais pas fragmenter la citation : le morceau se tient trop bien. Il est onctueux, et doré, et compact, comme un intérieur d’Henri de Braekeleer, à la fois largement et minutieusement peint. Certaines notations abstraites y font parfois songer à la manière du capricieux et séducteur poète en prose qu’est Saint-Pol-Roux, encore un parent intellectuel de Jean de  Bosschère : mais ils n’ont en commun que la sûreté du trait, et l’autre est provençal, et celui-ci est bien de chez vous, orchestrant avec calme ses tonalités assourdies et mettant tout en place. Comme la vision s’ordonne bien, que cela sent le soir, le silence et l’eau ! Je pourrais vous citer le petit tableau du moine maraîcher, qui est ravissant et que seconde un bois non moins agréable, ou la note si fine et si juste prise en regardant le menuisier, ou celle sur la dentellière « qui pique son tableau de neige », ou d’autres… Mais j’aimerai mieux ne plus rien citer, parce que je gâterais votre joie à lire, et vous ferez très bien de lire et je souhaite vous le persuader, certain que vous goûterez vivement ce doux livre violet, et qu’il fera dans votre bibliothèque intime une complémentaire utile au jaune des autres volumes. Ce n’est pas un volume, c’est bien un livre, c’est-à-dire un objet d’art par la forme matérielle et la forme mentale, ce que ne sont plus les volumes, malheureusement. On se repentira tellement, un jour, d’avoir oublié que les livres, qui enferment la plus rare des joailleries, ne devraient pas être laids, et que le devoir de l’écrivain dure, au-delà du manuscrit livré jusqu’à la minute où la main d’autrui saisira son œuvre ! Ce jour-là, des feuillets comme ceux-ci attesteront une pitié et leur valeur sera grande. Jean de Bosschère est un artiste pieux. J’aime beaucoup Jean de Bosschère pour son caractère, son talent et la ferveur de son âme. Je ne l’ai jamais vu.

     

    Camille Mauclair

    L'Art Moderne, 19 octobre 1913

     

     

     

    jean de bosschère,jean de boschère,camille mauclair,flandre,pays-bas,illustration,littérature

    envoi de L.F. Céline à Jean de Bosschère sur un exemplaire de L'Église 

     

     

    les illustrations figurent dans Métiers divins et Le Bourg

     

     

    jean de bosschère,jean de boschère,camille mauclair,flandre,pays-bas,illustration,littérature

     

     

    Le coutelier

    (Le Bourg)

     

    La mâchoire est le couteau d’Adam. Le coutelier a imité ce couteau. Il n’a rien fait de plus.

    Court et large, le couteau se précipite dans la chair. Le couteau splendide est la limite infranchissable de la puissance de l’homme.

    L’assassin ou le soldat a des dents aiguës et dix ongles durs comme des griffes. Mais dans la paume de sa main il tourne le manche d’une grande griffe d’acier : c’est le poignard bleu.

    Sec comme du sable, il appelle le sang.

     

     


    Jean de Boschère, Don Quixote de la Mancha

     

     

     

  • Édouard Rod sur Maeterlinck, traducteur

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    Rêveries sur un livre mystique

     

     



    Rod00.pngL’Ornement des noces spirituelles
    , traduction d’une des œuvres de Ruysbroeck (ou Jan van Ruusbroec) par Maurice Maeterlinck a eu un grand retentissement. On la lit toujours, elle a encore été rééditée en 1990, soit un siècle après sa parution, alors que venait de voir le jour chez Brepols l’édition de référence, à savoir le volume III des œuvres complètes du mystique flamand : Opera omnia III. Die geestelike brulocht. De ornatu spiritualium nuptiarum (1988, texte moyen néerlandais annoté et présenté en regard de la traduction latine de Sirius et d’une nouvelle traduction anglaise).

    Parmi les écrivains qui ont tout de suite manifesté leur enthousiasme, on relève le Suisse Édouard Rod (1857-1910). C’est sa critique accueillie en page 3 de la Gazette de Lausanne du 2 mai 1891 que nous reproduisons ci-dessous.

     

     

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    The Blue Bird (1918) de Maurice Tourneur d'après M. Maeterlinck

     


     Béatrice Arnac chante Et s'il revenait un jour de M. Maeterlinck

     

     

  • L’illusion merveilleuse de nos rêves…

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    Quelques lignes de Frederik van Eeden

     

     

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    Prophète, médecin, pionnier de la psycho- thérapie, dramaturge, diariste, poète, romancier, esprit avide d’universalité, personnage charis- matique, réformateur ayant dilapidé une partie de sa fortune dans une colonie communiste utopique (1), Frederik van Eeden (1860-1932) a, pendant une demi-siècle, marqué de son empreinte la société et les lettres des Pays-Bas. Ami entre autres de Romain Rolland, traducteur de Tagore, il a été admiré par certains, honni par beaucoup.

    Eeden11.jpgCommentant l’œuvre ro- manesque de cet homme dont l’existence a été dominée par le sens du religieux, Paul Verschave (2) écrit à juste titre : « C’est toujours son ‘‘moi’’ individualiste qui s’exprime par la bouche de ses héros, mais comme son indi- vidualité a revêtu les aspects les plus divers, rien qu’en se racontant, il a créé tout un monde. Et c’est en quoi ses ouvrages présentent un intérêt si considérable pour qui cherche à suivre l’évolution spirituelle de cet homme : ses livres enregistrent d’une manière indélébile, non seulement sa pensée, mais sa vie. Bien plus, chez une nature aussi riche, et qui, dans sa soif de savoir, s’est répandue en manifestations aussi multiples, qui était sous tant de rapports variés ‘‘enfant de son siècle’’, les différentes étapes de cette pensée forment à elles seules l’histoire de toute une génération intellectuelle. »

    Eeden6.pngS’il existe trois traductions françaises (3) du Kleine Johannes (1887) – sorte de conte de fée autobio- graphique et symboliste en partie inspiré par  Simplice de Zola –, on peut déplorer que le grand roman de Van Eeden, Van de koele meren des doods (1900, Des lacs glacés de la mort), soit pour ainsi dire passé inaperçu en France (4). Sous la plume de sa compatriote Jeannette Nijhuis (1874-1938), L’Humanité nouvelle a salué, essentiellement pour des considérations politiques, cette parution (« Chronique des lettres hollandaises », octobre 1902, p. 105-106) : « Dans son roman, ce n’est pas seulement l’artiste qui parle, c’est aussi le penseur, le croyant, le socialiste et dans une large mesure aussi le médecin. Il fallait être médecin pour si bien faire la diagnose d’une âme, d’un esprit et d’un corps malades. Il fallait être socialiste pour si bien sonder les plaies d’une société malade et pour indiquer avec tant de décision les voies de la guérison. » Chroniqueur lui aussi des lettres néerlandaises à la même époque, Alexandre Cohen se montre bien plus réservé, en raison de ses goûts bien entendu mais aussi sans doute parce que Van Eeden ne s’était jamais affiché anarchiste (« Lettres néerlandaises », le Mercure de France, avril 1901, p. 272-274) ; tout bien considéré, le condamné à 20 ans de travaux forcés au Procès des Trente ne reconnaît au livre qu’un grand mérite : « l’héroïne nous reste toujours sympathique, même lorsqu’elle devient vertueuse et ce, sans que l’auteur fasse le moindre effort pour nous imposer cette sympathie ».

    Soucieux de l’édification du lecteur, Paul Verschave met en avant le poète Van Eeden bien plus que le romancier. Il relève malgré tout : « Il serait intéressant de comparer cet ouvrage [Les Lacs glacés de la mort] avec le célèbre roman de Flaubert, Madame Bovary, et de voir à ce sujet ce qui sépare Van Eeden du naturalisme. Comme Madame Bovary, Hedwige de Fontayne, ne trouvant pas dans le mariage le bonheur rêvé, fait les chutes les plus lamentables, mais il n’y a pas dans ces fautes le caractère de fatalité qu’y mettent les naturalistes. Le mal y est reconnu comme le mal et appelle le remords. De plus, arrivée à l’extrême degré de la misère morale, la malheureuse Hedwige se relève dans un étouffement bouddhiste des passions qui ressemble ‘‘aux ondes fraîches de la mort’’ » (5).

    Eeden2.pngLe monde anglophone a été plus accueillant en publiant dès 1902 une traduction : The deeps of Deliverance (de la main de Margaret Robinson), rééditée en 2009 sous le titre Hedwig’s journey ; Else Otten en en donné une version allemande (Wie Stürme segnen, 1907), Goedele de Sterck une version espagnole (Las tranquilas aguas de la muerte, 2012), Farooq Khalid une version en ourdou. Nouchka van Brakel a porté le livre à l’écran avec, dans le rôle principal, Renée Soutendijk. À défaut d’une traduction française, nous donnons quelques lignes d’un autre roman de Frederik van Eeden, les premières du chapitre XII de De Nachtbruid (1909), qui mêlent dimension onirique et évocation de la Hollande rurale d’autrefois.

     

    eeden3.jpg(1) La citation suivante résume assez bien l’échec de l’expérience de la colonie de Walden : « Vers 1898, Frédéric Van Eeden, célèbre romancier hollandais, nouvellement converti au rêve collectiviste, fondait, avec l’aide d’une vingtaine d’amis, à Walden près de Bussum, un phalanstère, espèce de petite oasis de vie future, suivant le type socialiste. Van Eeden consacra à cette tentative un demi million, qui fut bientôt englouti, et malgré cette orgie d’argent, l’œuvre vient de périr. Le généreux utopiste avoue franchement la cause de la déconfiture : ‘‘Dans ma petite collectivité, écrit-il, j’ai été dès le premier jour obligé d’éliminer des éléments inacceptables qui prétendaient ne rien faire et vivre aux dépens de la communauté. Pour eux ‘‘le travail libre’’, c’était surtout la liberté de ne pas travailler’’. » (Chanoine Bourgine, Le Protestantisme et les sociétés modernes, Avignon, Aubanel, 1914, p. 42)

    (2) Voir sur ce juriste et érudit : Robert Hennart, « Paul Verschave (1878-1947) et l’Ecole supérieure de journalisme de Lille », De Franse Nederlanden / Les Pays-Bas Français, 1980, p. 204-214.

    Eeden8.png(3) Celle parue dans un premier temps sous le titre Jeannot, que l’on doit à Léon Paschal, d’abord publiée dans la Revue de Belgique puis aux éditions P. Weissenbruch (1903) et enfin dans  la Revue de Hol- lande (en écoute ici) ; Le Petit Jean, traduit par Sophie Harper-Mounier, avant-propos de Romain Rolland, Paris, Rieder, « Les prosateurs étrangers modernes », 1921 ; Le Petit Johannes, traduit par Robert Pittomvils et adapté par Albert Bailly avec une introduction du traducteur, Bruxelles, La Sixaine, « Estuaires », 1946.

    (4) À propos de ces deux romans et d’un troisième : Johannes Viator (1892), on pourra consulter la thèse de Hanneke Pril, Une analyse littéraire de trois œuvres de Frederik Van Eeden (1860-1932), Université de Paris IV,1998.

    (5) Paul Verschave, « Le poète hollandais Frédéric van Eeden et son œuvre », Bulletin du Comité flamand de France, 1923, p. 204-218. Du même auteur, on verra : « Un converti hollandais : le poète Frédéric van Eeden », Le Correspondant, 1924, p. 311-338.


     
    Fredrik van Eeden en 1930

     

     

     

    Un extrait de La Fiancée de la nuit (1909)

     

    Biographie de F. van Eeden par J. Fontijn (vol. 1) 

    Eeden9.pngHolland noem ik een droomerig landje, omdat zijn schoonheid is als die van een droom. Soms is het er guur, wild onherbergzaam, naargeestig - en op eenmaal, bij stil, luw weder, prijkt het gansche land, met boomen, vlieten, stadjes en bewoners in een onbeschrijfelijk teedere pracht, alles verrijkend met een diepe geheimvolle beteekenis, die men niet nader kan verklaren of aanduiden, en die op het eigenaardige van alle droomen-schoon gelijkt. Men moet mijn stadje van uit zee gezien hebben op een stillen, klaren Septemberavond, als de zon achter den klokketoren gaat schuilen, op den wolkeloozen, lichtend-groenachtig-blauwen hemel uitvloeiend in oranje- en goud, als weiden en boomschaduwen door eenzelfden blauwwazigen toovertint tot wondere eenheid zijn verbonden. - als de melkers thuiskomen met zwaarwichtigen stap, de kobalt-blauwe emmers ter weerskant, - als al wat klinkt harmonisch is, van den uurslag uit den toren tot het ratelen van een huiswaarts keerende kar, en al wat leeft, van de grove Hollanders tot de logge koeien toe, in een zelfde vredige, dichterlijke avondzaligheid schijnt op te gaan - om te begrijpen hoezeer dit alles gelijkt op die wonderbare illuzie onzer droomen…

     

    Eeden5.pngJ’appelle la Hollande un petit pays de rêve, parce que sa beauté ressemble à celle d’un rêve. Parfois elle est sévère, sauvagement inhospitalière, triste, – et parfois, par temps clair et tranquille, tout le pays resplendit avec ses arbres, ses cours d’eau, ses petites villes et ses habitants dans une magnificence indes- criptiblement douce, enrichissant tout d’un sens mystérieux, profond, qu’il est impossible de préciser ou de définir, et qui ressemble à ce qui est propre à tout ce qui est beau en rêve. Il faut avoir vu de la mer ma petite ville par un clair soir de septembre, au moment où le soleil se cache derrière le clocher, s’épanchant en reflets orange et or sur le ciel sans nuage, teinté d'un bleu verdâtre lumineux, au moment où les prairies et l’ombre des arbres se trouvent confondues dans une même couleur magique bleu de cire pour devenir une admirable unité, – au moment où ceux qui ont été traire reviennent d’un pas lourd, portant de chaque côté les seaux d’un bleu de cobalt, – au moment où tout ce qui retentit est harmonie, depuis l’heure qui sonne à la tour jusqu’au bruit d’une charrette qui s’en retourne vers la maison et où tout ce qui vit, depuis les rudes Hollandais jusqu’aux vaches pesantes, semble marcher dans la même félicité vespérale, pacifique et poétique, – pour comprendre combien tout cela ressemble à l’illusion merveilleuse de nos rêves… (trad. Paul Verschave, in « Un converti hollandais : le poète Frédéric van Eeden », Le Correspondant, 1924, p. 317)

     

    Biographie de F. van Eeden par J. Fontijn (vol. 2)

    Eeden10.pngI call Holland a dreamy country because its beauty is as that of a dream. Sometimes it is black, wildly inhospitable and dispiriting – and suddenly, in calm, mild weather, the entire country with its trees, canals, cities and inhabitants sparkles in an indescribable tender radiance, enhancing every- thing with a deep mysterious meaning impossible to explain or describe more fully, and resembling the peculiar beauty of dreams. One must have seen my little city from the sea on a still, clear September eve, when the sun goes to hide behind the bell-tower, flooding the cloudless, luminous blue-green heavens with orange and gold, when pastures and the shadows of trees merged in a fairy tinted blue haze unite in wondrous harmony – when the milkers come home with heavy tread, balancing at their sides the pails of cobalt blue – when all that sounds is harmonious from the striking of the clock on the tower to the rattling of a homeward driving cart, and all that breathes from the coarse Hollanders to the dull cows seems wrapped in this selfsame peaceful, poetic evening bliss – one must have seen it thus to understand how much all this resembles the wondrous illusion of our dreams… (The Bride of Dreams, trad. Mellie von Auw, New York/Londres, Mitchell Kennerley, 1913)

     

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    Le repas d’un communiste : Naguère / Aujourd’hui

    (F. van Eeden caricaturé par Albert Hahn, 1908)

     

     

     

  • Roman : après l’apartheid

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    Vade-mecum

     

     

    Dans Tête à crack, un roman poignant, l’auteur néerlandais Adriaan van Dis revient sur les années qui ont suivi la fin de l’apartheid en Afrique du Sud.

     

     


    couvTêteàCrack.pngÀ vingt ans, Mulder avait du cœur, il était engagé, il était enragé, il voulait sauver le monde. Encore étudiant, il faisait partie d’un mou- vement d’extrême gauche qui luttait contre l’apartheid en Afrique du Sud. Envoyé clandestinement dans le pays, il avait fait passer des messages aux membres de l’ANC, l’organisation anti- apartheid, interdite à l’époque. Sur cette mission, Donald, un Sud-Af blanc en totale rupture avec sa famille, avait été son instructeur, son double et son ami.

    Quarante ans plus tard, plus d’apartheid. Victoire. Mulder, Donald et quelques autres ont fini par le sauver, le monde. Les Blancs et les Noirs vivent ensemble, le premier et le tiers monde se sont rassemblés, l’Afrique du Sud est de toutes les couleurs, la minorité blanche n’est officiellement plus obsédée par sa survie dans la masse des peuples noirs environnants.

    couvTêteàCrack.png« Officiellement », car dans le village de Donald, ça n’a pas l’air tout à fait acquis. Les Blancs sont barricadés dans les villas du haut de la dune, alors que les Noirs s’entassent en contrebas, près du port, dans un bidonville gluant. Les pêcheurs sont au chômage, les trafiquants de nacre roulent sur l’or, les dealers n’ont aucun mal à refourguer leur tik, une colle bon marché, à tous les jeunes du coin qui la sniffent jour et nuit à s’en rendre débiles mentaux. Et quand il leur reste un peu de lucidité, ils volent ou vandalisent les maisons des Blancs. Mulder en a le cœur qui lui sort par la bouche : tensions sociales, viols, agressions, meurtres, corruption endémique, est-ce vraiment ça, le pays libéré ? Et Donald, il est bizarre, Donald, comment peut-il vivre ici, se résigner à tout ce qu’hier ils avaient combattu avec tant de force ? Quel genre de compromissions a-t-il fait avec son passé, « leur » passé ?

    Parmi les petites frappes shootées au crack d’en bas, il y a Hendrick, un métis, un fils de putain, un voyou méprisé, y compris par sa petite bande de junkies ahuris. Mulder, comme Donald, se pique d’affection pour le gosse perdu. C’est vrai qu’il pourrait être leur fils ; eux aussi, ils en avaient croisé, dans le temps, des prostituées. Mais leur tentative de « rééducation » ne fera que réveiller vieux démons, amours enfouies (et partagées), anciens conflits, invincibles contradictions.

    Pourquoi le lire ?

    couvTêteàCrack.pngParce qu’il ne suffit pas de déclarer qu’une guerre est finie pour qu’elle le soit vraiment. Parce que la schizophrénie des deux héros, qui hésitent constamment entre résignation et enga- gement, est bouleversante. Parce que le roman est comme eux, complexe, subtil, ambivalent, tellement humain. Parce que ça faisait combien de temps qu’un roman historico-politique ne vous avait pas arraché des larmes ? Parce qu’il a raison, Mulder, « le fossé entre les riches et les pauvres est ce qu’il y a de plus laid, la laideur même ». Et parce que les romans sans morale sont de loin les meilleurs.

    Où et quand le lire ?

    Quand on n’a pas spécialement envie de rire. Quand on aime les romans psychologiques sur l’amitié, l’engagement et la trahison. Et quand on n’a jamais lu cet auteur majeur néerlandais. Entre récit (Adriaan van Dis a lui-même fait partie, au début des années 1970, du mouvement Solidarité d’Henri Curiel, un mouvement qui l’a effectivement envoyé en Afrique du Sud en mission clandestine) et fiction, Tête à crack en dit long sur l’homme et sur l’œuvre.

    À qui l’offrir ?adriaan van dis,afrique du sud,tête à crack,roman,littérature,pays-bas,hollande,traduction

    À tous les collégiens qui ont un exposé à faire sur l’apartheid « d’hier », et la nouvelle Afrique du Sud « libérée ». À tous ceux qui aiment le pays, la culture et la langue afrikaner, sublimée dans le texte par un grand amoureux.

     

    Marine de Tilly, Le Point7 juin 2014

     

     

    TêteàCrack-L'anticapitaliste.png

     Cathy Billard, L’anticapitaliste, 17 juillet 2014

     

     



     Long entretien (en néerlandais) avec Adriaan van Dis (2012)