Poètes néerlandais de la modernité
Entretien avec Henri Deluy
A propos de son recueil L'Heure dite et l'anthologie Poètes néerlandais de la modernité
photo : Rozalie Hirs & Thomas Möhlmann
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Entretien avec Henri Deluy
A propos de son recueil L'Heure dite et l'anthologie Poètes néerlandais de la modernité
photo : Rozalie Hirs & Thomas Möhlmann
Réception de l’ouvrage de Luuk van Middelaar
Après avoir présenté Le Passage à L’Europe de Luuk van Middelaar le 28 novembre 2011, le temps est venu de s’arrêter sur les échos qu’éveille cet essai publié dans la collection « Bibliothèque des Idées » chez Gallimard.
Luuk van Middelaar reçu à l’émission « L’invité des Matins » (France culture) le 20 février 2012
Dans « Quand l’euro deviendra un instrument de puissance » (La Croix, 16/02/2012), Jean-Christophe Ploquin rend compte de l’ouvrage de Luuk van Middelaar à l’occasion d’un colloque organisé le 15 février par le groupe de réflexion EuropaNova : Avec un œil neuf, il y déroule le fil d’une construction européenne vieille déjà de 60 ans mais qui n’en est, selon lui, qu’à ses débuts. Il observe les frictions entre les modèles identitaires, entre les systèmes politiques, entre l’Europe des États, l’Europe des citoyens et l’Europe bureaucratique. Il se passionne pour « la naissance de cet univers où les intérêts nationaux et européens cohabitent, où ce sont des politiciens nationaux qui assument un rôle européen, qui se sentent coresponsables d’une entreprise commune. Aujourd’hui, l’Europe n’est pas en train de s’unifier culturellement, assure-t-il. Ce qui nous unit, on ne s’en aperçoit souvent que de l’étranger. L’européanité est presque insaisissable. La question n’est donc pas : comment va-t-on devenir Européen ? C’est : comment va-t-on vivre ensemble? Quel sentiment d’appartenance au club va-t-on développer ? Nous ferons l’Europe en imprégnant les États de ce sentiment, pas en forçant une intégration des États.Après la paix et la prospérité, la puissance doit être le prochain grand projet de l’Europe, prône Luuk van Middelaar, qui avait 16 ans lors de la chute du mur de Berlin. C’est un désir des citoyens et une nécessité pour les États. Les Européens ne peuvent fuir cette idée au moment où le monde vit dans le rapport de forces. Il faut faire vivre cette idée dans la population alors que ces dix dernières années, on l’a euphémisée en présentant l’Europe comme un ‘‘acteur’’ de la scène internationale. »
Ce Néerlandais se doute que le chemin sera long. Il vient de « l’autre pays du ‘‘non’’ », les Pays-Bas, dont les habitants rejetèrent eux aussi par référendum en 2005 le traité constitutionnel européen. « Le ‘‘non’’ français marquait le désir d’une autre Europe alors que le ‘‘non’’ néerlandais manifestait le souhait de moins d’Europe », analyse-t-il.
Fondapol a proposé un débat sur le livre en présence de : Luuk van Middelaar, Marcel Gauchet, Jean-Louis Bourlanges, Dominique Reynié & Christophe de Voogd
Parole à présent au Belge Jacques de Decker
sa chronique
« Hourrah pour l’Europe ! »
Il y a des livres devant lesquels, faute de temps, d’espace et surtout de recul, le chroniqueur se trouve réduit à une seule forme de commentaire : l’effet d’annonce. L’évènement est tel que l’essentiel est d’instiguer le public à y aller voir lui-même toutes affaires cessantes, parce qu’on se trouve devant un ouvrage qui provoque un avant et un après sa parution.
La même attitude s’est imposée à moi, il y a, plus de vingt ans, lors de la parution du Nom de la Rose. Je me suis contenté de dire dans un bref article, « allez-y voir vous-mêmes, c’est trop important, on reviendra sur la question plus tard ». Ce même choc, sur le plan de l’essai cette fois, on le ressent à la lecture de l’essai de Luuk van Middelaar Le Passage à l’Europe. Histoire d’un commencement. C’est un jalon, een mijlpaal, comme on dit en néerlandais, langue de l’auteur qui est Hollandais, superbement transposé en l’occurrence dans la version française de son ouvrage par ses traducteurs Daniel Cunin et Olivier Venwersch-Cot. On ne pourra plus parler valablement de l’Europe désormais sans en tenir compte.
La littérature sur l’Europe, le pamphlet récent de Hans Magnus Enzensberger l’a illustré, est le plus souvent dénigrante. Il est facile de se moquer d’un enfant qui apprend à marcher, et il est tout aussi condamnable de sacrifier à cette sévérité déplacée. Or, l’Europe com- mence, elle est toujours engagée, comme le sous-titre de cette magnifique synthèse, qui se lit comme un passionnant récit, le souligne, dans son « commencement ».
Qu’est-ce qui éclaire sa réussite, en-dehors, du savoir, de l’effort, du talent littéraire de l’auteur ? Deux éléments majeurs : Van Middelaar est un historien et philosophe de moins de quarante ans. En d’autres termes, il n’a jamais vécu dans un autre espace qu’européen, fût-il en cours de constitution, processus qui n’aura d’ailleurs, tout porte à le croire, jamais de fin. D’autre part, répétons-le, il est un citoyen des Pays-Bas. Or, si l’on doit laisser une chose à nos voisins du Nord, c’est qu’ils ont de l’Europe une grande expérience, puisqu’ils en sont membres fondateurs, et qu’au surplus ils n’ont cessé de la soumettre à leur vigilance critique, avec le pragmatisme et le rationalisme qui les caractérisent. Car n’oublions pas que si la France est le pays de naissance de Descartes, les Pays-Bas furent l’une de ses terres de refuge et d’élection.
C’est que Van Middelaar a la tête philosophique autant qu’historique ou politologique. Il cite Machiavel, Hobbes, Erasme, Hegel, quelques grands esprits européens qui savaient penser au-delà des frontières nationales, que séparaient cependant des guerres sanguinaires, il ne renvoie qu’à très peu de penseurs contemporains, dont on doit admettre qu’à la différence d’Edgard Morin et de quelques rares autres, ils ont bien peu « pensé leur continent ». En fait, son magnifique livre ouvre une voie : celle d’une philosophie ancrée dans le réel qui prendrait l’Europe pour objet. S’étonnera-t-on dès lors que l’une des consciences les plus actives de l’Europe d’aujourd’hui, et son représentant le plus emblématique, Herman van Rompuy, ait repéré ce jeune prodige et ait fait de lui l’un de ses collaborateurs les plus proches ?
Jacques De Decker (La Marge)
Joëlle Kuntz offre dans l’édition du 4 février 2012 du quotidien suisse Le Temps un bel aperçu du Passage à l’Europe
« Une femme (1) » de Hugo Claus
Poèmes, trad. Maddy Buysse*, préface Gaëtan Picon, postface Jean Weisgerber, Éditions des Artistes, 1965
Met schaterend haar,
Met meeuwenogen, met een buidel op de buik,
Een moeder of een goede verrader,
Wie kent deze laaiende vrouw?
Haar nagels naderen mijn hout,
Haar klauwzeer wekt mijn jachtige huid,
Als een jachthoorn hangt zij in mijn haar te tuiten.
Zij nadert in vouwen en in schicht,
In hitte, in hars, in klatering,
Terwijl in staat van begeerte,
Gestrekt als een geweer en onherroepelijk
In staat van aanval en van moord ik
Omvat, doorploeg en vel,
Gebogen, geknield, het geurend dier
Tussen de lederzachte knieën.
Zij splijt mijn kegel
In de bekende warmte.
De Oostakkerse gedichten (Amsterdam, De Bezige Bij, 1955)
« Si le plus doué des écrivains flamands d’aujourd’hui, Hugo Claus, a reçu tous les dons : ceux du narrateur, du dramaturge, et même du peintre, c’est dans la poésie – par sa poésie – qu’ils trouvent leur ordre, leur source, leur clef. Le naturalisme social d’une pièce comme Sucre, l’écriture objective des récits, l’expres- sionnisme brutal des gouaches, qui éclatent comme vessies de sang sur le mur : ce serait les entendre à contresens qu’omettre de voir jouer dans leur énonciation, leur gesticulation élémentaire (et physique non sans crudité), la lumière d’un excès proprement poétique. L’ombre qui leur donne ce juste dessin vient de ce feu qui brûle ici : le même dans les recueils successifs qui vont de 1953, date des Poèmes d’Oostakker, au « reportage » de 1961 sur New York – feu trop vif, trop simple, trop vrai pour ne pas prêter son incandescence au métal d’une autre langue, quelle que soit la distance du néerlandais au français, et quelque hasardeuse que soit, chacun le sais, toute entreprise de traduction poétique. »
Gaëtan Picon, « Une poésie physique », p. 9.
« En s’éloignant de son point de départ – la vie organique – pour s’aventurer dans les sphères rationnelles, Claus ne fait en somme qu’élargir son domaine : entre l’animal et l’homo sapiens s’établit un va-et-vient ou plutôt une symbiose. À vrai dire, il n’y a plus de dilemmes : esprit ou matière, sujet ou objet. Tout est dans tout. Ce poète peut s’observer avec la froideur du chirurgien et s’identifier au faucon ou à l’argile. Il est partout, moi et non-moi à la fois. Du même coup s’affaissent les barrières entre l’individu et la société. Vis-à-vis de l’Autre, la démarche de Claus est faite d’approches et de replis. Solitaire, il veut parler à son ‘‘frère’’, l’expliquer à lui-même, l’avertir (voyez ses aphorismes, ses impératifs) des périls de l’existence, et tout cela reste dans la lignée moraliste. À l’extroversion correspondent l’emploi du mythe, de l’histoire, de la ratio apollinienne ainsi que le souci croissant de mitiger l’hermétisme du langage. Mais comment aller plus loin ? Le chevalier Tundal se débat en bonne compagnie dans la géhenne ; cependant, chacun y souffre d’abord pour son compte : damnation bien ordonnée commence par soi-même, à huis clos. Étrange mouvement, en vérité, que celui-ci, qui épanouit le moi tout en le pelotonnant sur lui-même, qui paradoxalement est presque au même moment gonflement et tassement, main tendue et refermée, c’est-à-dire : tension. De là le désir de repos, la volonté d’adoucir les déchirements en freinant l’évolution vitale et en épuisant les ressources de l’instant éphémère, à la façon des ‘‘rois fainéants’’. »
Jean Weisgerber, « Mouvements », p. 121-122.
Hugo Claus en 1963 (vidéo en français) : ici
* Maddy Buysse (1908-2000). Deuxième épouse de René Buysse, fils de l’écrivain flamand Cyriel Buysse (1959-1932). C’est dans sa maison qu’a été fondée la Cyriel Buysse Genootschap. A traduit un grand nombre d’auteurs flamands et néerlandais au cours de la seconde moitié du XXe siècle.
Maddy Buysse sur Le Livre végétal de Jacques Hamelink
Maddy Buysse sur l'évolution de la littérature néerlandaise comparée à celle de la littérature françaiser
Maddy Buysse sur le livre alpha d’Ivo Michiels
Générique de Un soir, un train, film d’André Delvaux d’après le roman de Johan Daisne, traduit par Maddy Buysse
Couvertures
Hugo Claus, Poèmes, trad. Marnix Vincent, Lausanne, L’Âge d’Homme, 1998.
Mark Schaevers & Hugo Claus, La Version Claus, trad. Alain Van Crugten, Bruxelles, Aden, 2010 (recueil d’interviews données par Hugo Claus).
Johan Daisne, Un soir, un train, trad. Maddy Buysse, préface Marcel Brion, postface Jacques De Decker, Bruxelles, Éditions Complexe, 2003.
Les mots, ces individus qui mènent leur propre vie
Née à La Haye, M. Vasalis – pseudonyme de Margaretha Leenmans (1909-1998) –, entreprit des études d’ethnologie avant de renoncer à s’intéresser à de lointaines peuplades pour sonder l’étranger qu’il y a en chacun de nous. Épouse d’un psychiatre, elle a elle-même exercé comme pédopsychiatre et consacré beaucoup de son temps à l’écoute de ses proches et de ses amis. Liée avec plusieurs poètes, par exemple la Sud-Africaine Elisabeth Eybers ou encore Gerard Reve, elle s’est toutefois tenue à l’écart du monde littéraire, n’accordant pour ainsi dire aucune interview, publiant très peu, insatisfaite de ce qu’elle écrivait, ne continuant pas moins à tenir son journal. Vasalis est décédée à Roden, dans la province de la Drenthe, où elle a passé les trente-cinq dernières années de sa vie.
Vasalis confie ses premiers poèmes à la revue Groot Nederland (1936). En 1940 paraît chez A.A.M. Stols son premier recueil Parken en woestijnen (Parcs et déserts). Le même éditeur publie le suivant en 1947 : De vogel Phoenix (L’Oiseau Phénix). Sept ans plus tard, la maison G.A. van Oorschot prend le relai : Vergezichten en gezichten (Vues et visages). La poète restera fidèle à cet éditeur né lui aussi en 1909 – leur correspondance a été publiée pour marquer le centenaire de l’année de leur naissance (illustration ci-contre) –, mais sans plus produire le moindre recueil. Vasalis a signé quelques essais et une longue nouvelle située en Afrique du Sud, pays où elle a séjourné : Onweer (Orage, 1940) – ainsi que quelques discours de la reine Juliana avec qui elle avait sympathisé dans les milieux estudiantins de Leyde –, mais ce n’est qu’après sa disparition que le lecteur découvrira un nouvel ensemble de poèmes : De oude kustlijn. Nagelaten gedichten (L’Ancien littoral. Poèmes posthumes, 2002). Cette œuvre poétique – réunie dans les Verzamelde gedichten (2006), moins de 200 pages – a été couronnée du vivant de l’auteure par les distinctions les plus prestigieuses aux Pays-Bas ; très tôt, la critique a salué la complexité psychologique qui se manifeste sous la simplicité et la transparence des vers. Les lecteurs ont répondu à cet engouement, dix mille acquérant par exemple, entre 1940 et 1943, un exemplaire du premier recueil, une manne inespérée pour l’éditeur Stols ; depuis, Parken en woestijnen est devenu le titre le mieux vendu des éditions Van Oorschot juste derrière le roman De donkere kamer van Damokles (La Chambre noire de Damoclès) de Willem Frederik Hermans, devant les œuvres mêmes de l’éditeur Geert van Oorschot, devant aussi la traduction néerlandaise par E.Y. Kummer du Voyage au bout de la nuit de Louis-Ferdinand Céline ou encore Specht en zoon (La Mort sur le vif) de Willem Jan Otten.
Maaike Meijer, biographe de Vasalis, relève comme thèmes majeurs de ces poèmes, composés pour la plupart dans une forme libre, le rapport à l’être aimé (présent ou absent), la dimension tragique de la maladie mentale, la singularité de l’enfance, la nature envisagée comme accès à l’expérience intérieure, la mort et le temps bien sûr, mais aussi notre capacité à dépasser la conscience rationnelle. D’apparence plutôt conventionnelle, les strophes placent souvent le lecteur face à un changement intime brutal de la personne qui nous parle ou plutôt de ce « je » qui se parle à lui-même. Vasalis aspire à regarder au-delà du visible, au-delà du connu, quand bien même cela peut mettre le poète face à ce qu’il y a de plus angoissant. Des auteurs ont rapidement relevé une certaine parenté entre ses créations qui nous transportent dans une dimension surnaturelle, et celles de la mystique Hadewijch. Parallèlement, on a pu voir en elle un auteur privilégiant les petites choses du quotidien ; les Vijftigers – poètes des années cinquante de la mouvance CoBrA – s’opposeront à cette vision des choses.
Si l’on doit rapprocher Vasalis d’un autre poète, c’est sans doute d’Emily Dickinson dont elle partage l’intensité dans l’expression et dans l’émotion. Elle envisage le poème comme l’accès privilégié à un état de conscience autre – par exemple à travers le rêve – qui permet de suspendre les contradictions, les limites du sujet lyrique, le manque d’unité de l’existence sans pour autant atteindre à l’absolu. Une incapacité gage de beauté.
Daniel Cunin
Sources : Maaike Meijer & Jessa Bertens, « M. Vasalis », Kritisch Literatuur Lexikon, Groningue, Wolters Noordhoff, septembre 2007 & Maaike Meijer, Vasalis. Een biografie, Amsterdam, Van Oorschot, 2011.
Le poème Afsluitdijk lut par le poète Remco Ekkers
Afsluitdijk
L’autobus est une chambre qui troue la nuit,
la route une droite, la digue une ligne sans fin,
à main gauche la mer, domptée mais inquiète ;
nous regardons, une lune timide diffuse sa lueur.
Sous mes yeux, les jeunes nuques fraîchement rasées
de deux matelots ; ils retiennent des bâillements
puis, après s’être étirés en souplesse, s’endorment
avec innocence tête sur l’épaule de l’autre.
Soudain, comme en rêve, je vois dans la vitre,
fluide et transparent, soudé au notre, par moments
clair comme nous, par moments noyé dans la mer,
l’esprit de l’autobus ; l’herbe fend les matelots.
Je me vois moi aussi. Rien
que ma tête qui se balance à la surface de l’eau,
la bouche remuant comme ouverte
sur des mots, sirène stupéfaite.
Nulle part ne finit et nulle part ne commence
ce voyage, sans avenir, sans passé,
rien qu’un long aujourd’hui mystérieux et morcelé.
trad. D. Cunin en collaboration avec Kiki Coumans
Documentaire en néerlandais (extraits) sur Vasalis
Mère
Elle était comme la mer, mais sans tempêtes.
Également nu-tête et le pied large.
S’élevant et descendant sur son flux,
assis comme des oiseaux sur ses genoux,
nous pouvions l’oublier un long moment,
paisibles, regardant autour de nous, à l’abri.
Sa voix était sombre et un peu rauque
comme des coquillages qui glissent l’un contre l’autre,
sa main était chaude et rêche comme le sable.
Et toujours elle portait à son cou bronzé
la même chaîne à la pierre de lune ronde
où, dans un bleu de brume, brillait une petite lune.
Imprégnés pour de bon de son calme murmure,
nous étions tout le temps en voyage et toujours chez nous.
trad. D. Cunin en collaboration avec Kiki Coumans
Quelques poèmes de Vasalis traduits en français par Sadi de Gorter
et en anglais par James Brockway
Un article en anglais sur l’œuvre de Vasalis
Deux articles en français sur l’œuvre de Vasalis
(voir aussi Septentrion, n° 2, 1981)
Merci à Mme Lous Mijnssen-Droogleever Fortuyn
La voix d’un académicien
Secrétaire perpétuel de l’Académie royale de langue et de littérature françaises de Belgique, l’homme de théâtre et traducteur bruxellois Jacques De Decker nous offre régulièrement, grâce à sa connaissance du néerlandais, son point de vue sur des œuvres d’écrivains de Flandre ou des Pays-Bas. Sur le site espace-livres.be, il propose ainsi des chroniques (écrites et/ou enregistrées, courtes et/ou longues) dont certaines se rapportent, à un titre ou à un autre, au domaine néerlandophone.
Hommage à Harry Mulisch à la suite du décès du romancier
Que reste-il de Maeterlinck ?
[…] La galaxie Maeterlinck, on le voit, est un univers en expansion, mais au centre duquel il demeure comme dans l’ombre, alors qu’il devrait être, ces temps-ci, au centre de l’attention. Le 9 novembre dernier, on aurait pu rappeler à grand bruit que cent ans jour pour jour auparavant, on lui décernait à Stockholm le prix Nobel de littérature, le seul qu’un auteur belge ait jamais décroché : or, l’anniversaire est passé sous silence. En juillet prochain devrait se commémorer le cent cinquantième anniversaire de sa naissance. On ne peut pas vraiment parler de mobilisation massive… Le purgatoire se fait long. […]
chronique courte
Qu’y a-t-il à l’intérieur de Lanoye ?
sur le romancier et dramaturge Tom Lanoye
[…] Lanoye ? Un décathlonien de la culture, une machine de guerre qui propulse ses fusées porteuses dans toutes les directions, et dont le premier carburant pourrait bien être le génie. […]
Carême, cet initiateur
hommage au poète et traducteur du néerlandais
[…] Maurice Carême est non seulement l’un des grands ambassadeurs de la langue française, mais l’un des rares poètes connu aux quatre coins du monde pour sa capacité d’initier les enfants à l’alchimie des mots. La simplicité de sa langue, ciselée au départ d’un vocabulaire élémentaire, d’une syntaxe cristalline, est le premier atout de cet enchanteur qui a appliqué généreusement le précepte de Lautréamont qui disait que la poésie devait être faite par tous et non par un. […]
chronique courte
« Deux morts et un survivant » : hommage à l’édition littéraire
à propos de la disparition de Hubert Nyssen et de Vladimir Dimitrijević qui ont contribué à mieux faire connaître les lettres néerlandaises – le survivant étant Maurice Nadeau
[…] Deux de ces bons génies du monde de l’édition viennent de disparaître, et on ne leur rendra jamais assez hommage. Il y a eu, il y a quelques mois, le tragique accident de circulation, sur la route de Genève à Paris, qui coûta la vie à Vladimir Dimitrijević, mieux connu dans le monde des livres sous le nom de Dimitri. Il dirigeait, à Lausanne, « L’Age d’homme », et son officine était une des plaques tournantes de la vie intellectuelle européenne. D’abord parce que ce Serbe d’origine avait œuvré passionnément à une meilleure connaissance des lettres slaves en occident. Mais il ne s’était pas seulement voué à cette mission. […] Il a accueilli des dizaines d’écrivains belges, auxquels il a, de plus, largement ouvert une écoute internationale, bien plus que des éditeurs nationaux n’auraient pu l’assurer. Il était l’homme des défis insensés, comme d’entamer les œuvres théâtrales complètes d’Hugo Claus en français, qu’il avait bien entendu confiées à Alain van Crugten.
L’autre géant de l’édition qui nous a quitté est, lui, un Belge qui a donné une formidable leçon de service au livre à toute la francophonie : Hubert Nyssen. Il n’est pas exagéré de dire qu’il a bouleversé la philosophie éditoriale de fond en comble. D’abord en fondant Actes Sud en Arles, et non à Paris. Quel scandale, et quel handicap il s’est de la sorte imposé ! […]
chronique courte
Jacques De Decker, la langue, le théâtre, la traduction...
Jacques De Decker & l'Académie royale de langue et de littérature françaises de Belgique
Lire sur Jacques De Decker : Jean Tordeur