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Vidéos-Documents - Page 3

  • Galerie Baudelaire

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    De quelques poètes et traducteurs

    et d’une Note de bas de page

     

     

    charles baudelaire,les fleurs du mal,le spleen de paris,bert decorte

    Léditrice Anneke Pijnappel rend visite à Charles Baudelaire 

     

     

     

    charles baudelaire,les fleurs du mal,le spleen de paris,bert decorteEn 1892, avant ses débuts en littérature et bien avant de devenir une figure majeure du socialisme de son pays, Henriëtte van der Schalk (1869-1959) – qui se voulait poète avant d’être femme – a traduit « La Mort des pauvres ». Toutefois, dans les terres néerlandophones, ce sont des hommes de lettres qui vont peu à peu se mesurer à l’œuvre baudelairienne. Ainsi, en 1909, P.N. van Eyck (1887-1954) publie une traduction du « Poète et la muse », son confrère P.C. Boutens (1870-1943) en donnant une, trois ans plus tard, de « La Beauté ». À la même époque, Jules Schürmann (1873-1927) transpose quelques « poèmes en prose » pour la revue Kunst en Letteren, puis Albert Verwey (1865-1937, couverture ci-dessus de la biographie que lui a consacré Madelon de Keizer, 2017) une ou deux poignées de sonnets quelques années plus tard (1) – ceci, d’une certaine façon, dans le sillage de son ami Stefan George et de ses Blumen des Bösen (1891 puis 1901). D’autres poètes, parmi les plus réputés, y sont allés à leur tour de leurs adaptations versifiées, en particulier J. Slauerhoff (1898-1936), J.C. Bloem (1887-1966) et Martinus Nijhoff (1894-1953), petit-fils de cet autre Martinus, le fondateur de la célèbre maison d’édition de La Haye.

    Cependant, dans l’aire néerlandophone, le besoin de traduire Baudelaire ne s’est fait réellement sentir que par la suite. Dans les Plats Pays de l’avant-guerre, la plupart le lisaient encore dans le texte. Même si on a pu la minimiser, même si elle est demeurée peu explicite pour la génération de 1880, l’influence du Parisien sur les auteurs septentrionaux de l’époque est incontestable, tant en Flandre qu’en Hollande (2).

    charles baudelaire,les fleurs du mal,le spleen de paris,bert decorteEn 1945, l’ami d’André Gide, la Haguenois Jef Last (1898-1972) publie quelques transpositions dans la plaquette Les poètes maudits : Baudelaire, Verlaine, Rimbaud (3). Mais c’est en Flandre que voit le jour, l’année suivante, la première transposition intégrale des Fleurs du mal, une prouesse accomplie pour l’essentiel dès avant le conflit mondial par le poète en herbe Bert Decorte (1915-2009) : « Publiée en 1946, la traduction De bloemen van den booze date de la seconde moitié des années trente et accompagne les débuts du jeune poète. La traduction se révèle remarquable par le travail sur la forme (mètre et rime) et le rythme. L’importance accordée au mètre induit des stratégies de traduction modulées en fonction des contraintes métriques. » (4)

    charles baudelaire,les fleurs du mal,le spleen de paris,bert decorteCes dernières décennies, chaque nouvelle traduction (d’un choix) des Fleurs du mal fait couler pas mal d’encre. Deux d’entre elles au moins connaissent d’ailleurs une nouvelle existence en cette année du « bicentenaire » : celle de Petrus Hoosemans, aux éditions Historische Uitgeverij de Groningue, et celle, partielle, de Menno Wigman (1966-2018), le poète probablement le plus « baudelairien » des lettres néerlandaises, lui qui a voué sa vie à la poésie et « à la recherche désespérée de l’ineffable bonheur ». Kiki Coumans, à qui l’on doit cette réédition qu’elle accompagne d’une postface (5), vient par ailleurs de donner un choix de la correspondance de Baudelaire en néerlandais, Mijn hoofd is een zieke vulkaan (Ma tête est un volcan malade). Rehaussé d’un cahier photo, ce volume est le 314e de la prestigieuse collection « Privé-Domein » des éditions De Arbeiderspers.

    charles baudelaire,les fleurs du mal,le spleen de paris,bert decorteÀ n’en pas douter, Paul Léautaud aurait regimbé devant une telle initiative. Le 25 décembre 1906, ce dernier écrit : « J’ai oublié de noter ma déplorable impression des lettres de Baudelaire, qu’on vient de publier au Mercure. Absolument rien, dans ces lettres. Pas un mot piquant, spirituel et spontané, un trait ému, quelque chose qui touche et fait rêver. […] Ah ! que nous sommes loin de la Correspondance d’un Stendhal, même de la Correspondance d’un Flaubert, pourtant souvent si vulgaire, cette dernière. » (Journal littéraire, I, 1954, p. 362). Cela n’a pour autant pas dissuadé Kiki Coumans d’en donner près de 300 pages qui couvrent les années 1832-1867. Sa riche et suggestive préface prouve que cette correspondance, si elle n’a pas les finesses de celles des deux grands prosateurs mentionnés par Léautaud, est un passage obligé pour mieux cerner les paradoxes du dandy hashischin. La traductrice limbourgeoise souligne entre autres : « Les lettres de Baudelaire révèlent clairement cette tenace aspiration, vivre pour la poésie, en même temps que les tourments d’ordre psychiques et sociaux qui accompagnent ses créations. À la différence de celle de son ami Flaubert, par exemple, il ne s’agit pas d’une correspondance purement ‘‘littéraire’’ dans laquelle il exposerait avec éloquence sa poétique. Dans ses missives, nous voyons un poète qui, en plus de sa vocation, est travaillé par un nombre impressionnant de soucis pratiques : il est en permanence à court d’argent, déménage plus de trente fois au cours de sa vie d’adulte et lutte pour réduire le fossé qui sépare son ambition et un manque de discipline remontant à ses jeunes années. »

     

    charles baudelaire,les fleurs du mal,le spleen de paris,bert decorte

    couverture de Het Spleen van Parijs, 2021

     

    Du côté d’Amsterdam, Le Spleen de Paris, lui non plus, n’est pas oublié. La maison Querido annonce pour 2022 Het Parijse spleen, rehaussé d’œuvres de Marlene Dumas, dans une version de Hafid Bouzza, romancier virtuose, connu par ailleurs pour ses traductions/adaptations de William Shakespeare et de poésies arabes érotico-bachiques. En attendant ce « spleen parisien », l’amateur peut à loisir se plonger dans Het Spleen van Parijs qui a vu le jour ce 9 avril aux éditions hollandaises Voetnoot, sises à Anvers depuis 1996. Il s’agit d’une transposition de Jacob Groot – révisée de bout en bout avec la complicité de l’éditrice Anneke Pijnappel, du poète Jan Kuijper et de Rokus Hofstede – remontant à 1980. Jacob Groot y a ajouté une postface d’une haute tenue (6).

    charles baudelaire,les fleurs du mal,le spleen de paris,bert decorteLes éditions Voetnoot (= Note de bas de page) et Baudelaire, c’est une longue et belle histoire. On pourrait même dire que le poète a tenu cette maison sur les fonts baptismaux. Mariant leurs talents, Anneke Pijnappel et Henrik Barends se sont lancés dans cette aventure voici plus de trente-cinq ans, la première traduisant le Salon de 1859 pour le second qui était désireux de lire ce texte. Depuis, la maison a publié des dizaines de titres couvrant les domaines suivants : littérature, critique d’art, poésie, photographie, arts plastiques et design. Chaque livre porte l’immuable marque du graphiste Barends, déjà présente dans le milieu éditorial des années quatre-vingt du siècle passé, par exemple à travers les recueils d’un Pieter Boskma (éditions In de Knipscheer) ou Maximaal, un choix de la poésie de 11 jeunes poètes (1988).

    charles baudelaire,les fleurs du mal,le spleen de paris,bert decorteLa collection « Perlouses » offre en néerlandais un essaim d’écrivains français, de Vivant Denon à Yves Pagès en passant par Kundera. « Belgica » mêle auteurs flamands et auteurs belges d’expression française, tandis que « Moldaviet » présente des prosateurs tchèques. Trois collections dans un format et un prix de poche. Au fil des ans, quant à Baudelaire, le fonds de la maison s’est enrichi, grâce à une poignée de brillants traducteurs, des Salons de 1845 et 1846, de l’Exposition universelle de 1855, de Richard Wagner et Tannhäuser à Paris, du Peintre de la vie moderne ainsi que de Fusées, Mon cœur mis à nu, Hygiène et La Belgique déshabillée réunis en un volume (voir la dernière photo des Notes de bas de page). Et dans une adaptation de Menno Wigman, évoqué plus haut, on retrouve un titre : Wees altijd dronken ! (Il faut être toujours ivre), soit quelques-uns des « poèmes en prose » réunis avec divers écrits fin-de-siècle (Rimbaud, Verlaine, Mallarmé, Laforgue, Huysmans, Remy de Gourmont, Léon Bloy, Lautréamont).

    Page de titre de Het Spleen van Parijs

    charles baudelaire,les fleurs du mal,le spleen de paris,bert decorteChez Voetnoot, l’importance du papier, du format, de la dimension visuelle, tant dans les thématiques traitées que dans la conception des ouvrages, se manifeste par l’existence, dans les locaux de la maison, de la « Galerie Baudelaire » où se tiennent des expositions de photographies. On retrouve la patte de Henrik Barends jusqu’à la devanture de Marché-Couverts et sur la carte de ce restaurant français d’Anvers (cuisine du Sud-Ouest). Le titre lancé par Voetnoot ce 9 avril, Het Spleen van Parijs, offre un bel exemple du souci d’une typographie caractéristique et d’une iconographie souvent facétieuse. Cette fois, on doit celle-ci à Miro Švolík, artiste tchèque déjà à l’honneur à plusieurs reprises chez l’éditeur. En guise d’illustration suivent ci-dessous deux courts Petits poèmes en prose, dans les deux langues et dans les nuages, dans « de grands palais de nuages qui déambulent et où il fait bon habiter » (René Guy Cadou).

     

     

    « L’Étranger »

     

    — Qui aimes-tu le mieux, homme énigmatique, dis ? ton père, ta mère, ta sœur ou ton frère ?

    — Je n’ai ni père, ni mère, ni sœur, ni frère.

    — Tes amis ?

    — Vous vous servez là d’une parole dont le sens m’est resté jusqu’à ce jour inconnu.

    — Ta patrie ?

    — J’ignore sous quelle latitude elle est située.

    — La beauté ?

    — Je l’aimerais volontiers, déesse et immortelle.

    — L’or ?

    — Je le hais comme vous haïssez Dieu.

    — Eh ! qu’aimes-tu donc, extraordinaire étranger ?

    — J’aime les nuages… les nuages qui passent… là-bas… là-bas… les merveilleux nuages !

     

    « L’Étranger » lu par Serge Reggiani

     

     

    charles baudelaire,les fleurs du mal,le spleen de paris,bert decorte

    traduction de Jacob Groot

     

    charles baudelaire,les fleurs du mal,le spleen de paris,bert decorte

    illustration de Miro Švolík

     

     

    « La Soupe et les Nuages » 

     

    Ma petite folle bien-aimée me donnait à dîner, et par la fenêtre ouverte de la salle à manger je contemplais les mouvantes architectures que Dieu fait avec les vapeurs, les merveilleuses constructions de l’impalpable. Et je me disais, à travers ma contemplation : « — Toutes ces fantasmagories sont presque aussi belles que les yeux de ma belle bien-aimée, la petite folle monstrueuse aux yeux verts. »

    Et tout à coup je reçus un violent coup de poing dans le dos, et j’entendis une voix rauque et charmante, une voix hystérique et comme enrouée par l’eau-de-vie, la voix de ma chère petite bien-aimée, qui disait : « — Allez-vous bientôt manger votre soupe, sacré bordel de marchand de nuages ? »

     

    « La Soupe et les Nuages », lu par Michel Piccoli

     

     

    charles baudelaire,les fleurs du mal,le spleen de paris,bert decorte

    traduction de Jacob Groot

     

    charles baudelaire,les fleurs du mal,le spleen de paris,bert decorte

    illustration de Miro Švolík

     

    Va-t-on, vers le 12 décembre de cette année, connaître semblable revival de Flaubert, voir resurgir Salammbô ou Bouvard et Pécuchet du côté de la ceinture des canaux amstellodamois ou du côté d’Anvers ?

     

    Daniel Cunin

     

     

    Documentaire d’Evelyn Jansen (trailer) consacré à Voetnoot

     

     

     

    (1) Poèmes transposés en un court laps de temps (9-17 janvier 1918) et publiés dans la revue De Beweging que Verwey dirigeait alors avec l’architecte Berlage : « La Beauté » et « Élévation » (en 1914), puis, « L’Albatros », « L’Homme et la mer », « Le Coucher de soleil romantique », « La Muse malade », « La Prière d’un païen », « Tableau parisien », « Bohémiens en voyage », « La Cloche fêlée », « La Voix », « L’Amour et le crâne », « La Mort des pauvres », « Châtiment et orgueil », « Semper eadem », « Les Yeux de Berthe », « La Rançon », « Les Aveugles », « Le Voyage (1) », « Le Voyage (2) » et une version revue de « La Beauté » et d’« Élévation ». Voir Martin Hietbrink, « In de schaduw van Stefan George » [Dans l’ombre de Stefan George], Tijdschrift Tijdschrift voor Nederlandse Taal- en Letterkunde, 1999, p. 218-235.

    charles baudelaire,les fleurs du mal,le spleen de paris,bert decorte(2) Paul Claes – traducteur de 50 poèmes des Fleurs du Mal sous le titre Zwarte Venus [Vénus noire], Amsterdam, Athenaeum/Polak & Van Gennep, 2016 – le rappelait encore voici peu dans « Je te hais autant que je t’aime », De Standaard der Letteren, 3 avril 2021, p. 10-11. À propos de l’influence de Baudelaire sur les Tachtigers (poètes néerlandais de la fin-de-siècle qui ont, certes, bien moins pratiqué leurs confrères français que les Anglais), sur Karel van Woestijne et M. Nijhoff, on se reportera entre autres à des essais publiés dans le volume : Maarten van Buuren (réd.), Jullie gaven mij modder, ik heb er goud van gemaakt [Vous m’avez donné de la boue et j’en ai fait de l’or], Historische Uitgeverij, Groningue, 1995. Dès 1934, Paul De Smaele publiait à Bruxelles Baudelaire. Het Baudelairisme. Hun nawerking in de Nederlandsche Letterkunde [Baudelaire. Le baudelairisme. Leurs répercussions sur les lettres néerlandaises], étude dans laquelle l’accent est mis sur la réception de l’œuvre du français dans les plats pays (tout comme dans le cas de Paul Claudel, l’érudit W.G.C. Byvanck va se montrer un précurseur, auprès du lectorat hollandais, dans la prise de conscience de l’importance de Baudelaire, sans oublier la contribution du francophile Frans Erens) et son influence sur quelques poètes d’expression néerlandaise.

    (3) Sur cet auteur, voyageur et polyglotte qui a traduit bien d’autres écrivains (Gide, Ronsard, des Russes, des Allemands, des Chinois, des Japonais…) vient de paraître une imposante biographie : Rudi Wester, Bestaat er een raarder leven dan het mijne ? [Y a-t-il vie plus bizarre que la mienne ?], Amsterdam, Prometheus, 2021.

    charles baudelaire,les fleurs du mal,le spleen de paris,bert decorte(4) Charles Baudelaire, De bloemen van het kwaad, préface, commentaires et traduction de Menno Wigman, postface de Kiki Coumans, Amsterdam, Prometheus, 2021. De Menno Wigman, on peut lire en français : L’Affliction des copyrettes, traduction de Jan H. Mysjkin et Pierre Gallissaires, Chambon-sur-Lignon, Cheyne, 2010 ainsi que quelques poèmes dans la revue L’Intranquille, n° 16, 2019. De Kiki Koumans, on pourra lire l’article « Dansen in een gipsen pak » [Danser dans un costume de plâtre], Awater, 2017, p. 42-46, qui propose, entre autres, une comparaison entre cinq traductions de « À une passante », dont celle, non rimée, de Jan Pieter van der Sterre parue dans l’édition bilingue De mooiste van Charles Baudelaire [Les plus beaux poèmes de Charles Baudelaire], Thielt/Amsterdam, Lanno/Atlas, 2010. Voici un quart de siècle, également publiées sous le titre De bloemen van het kwaad, la traduction de Petrus Hoosemans (Historische Uitgeverij) et celle de Peter Verstegen (éditions Van Oorschot) ont donné lieu à de vifs débats et même à une querelle entre les deux hommes. Le premier estimant qu’on entend dans celle du second des veaux qui toussent : « Outre du prozac, elle a nécessité le recours à du clenbutérol. » Ce dernier répliquant qu’il n’a rien à envier, bien au contraire, à son détracteur trop imbu de sa personne. Dans l’essai qu’il a consacré à cette polémique et à la qualité des deux versions (« Baudelaire driemaal vertaald », Filter, n° 2, 1995, p. 32-46), le traductologue Raymond van den Broeck (1935-2018) avance que l’homme de théâtre Joris Diels (1903-1992) a donné une magnifique traduction de huit poèmes des Fleurs du mal. Relevons encore qu’il existe une traduction jamais éditée de l’œuvre majeure de Baudelaire, réalisée par le professeur de lettres classiques Abraham Rutgers van der Loeff (1876-1962) dont le tapuscript se trouve à la Bibliothèque Royale de La Haye.

    (4) Spiros Macris, « Un Baudelaire flamand : la traduction des Fleurs du mal par Bert Decorte (1946) », Meta, n° 3, 2017, p. 565–584. L’auteur souligne le fait qu’une telle traduction a pris place, en Flandre, dans le cadre d’une reconquête d’une langue littéraire face à la domination culturelle française.

    charles baudelaire,les fleurs du mal,le spleen de paris,bert decorte(6) Charles Baudelaire, Het Spleen van Parijs, traduction et postface de Jacob Groot, illustrations de Miro Švolík, Amsterdam/Anvers, Voetnoot, 9 avril 2021. Sans compter l’un ou l’autre des poèmes en prose paru ici ou là, il existe au moins deux autres versions néerlandaises du recueil : Parijse weemoed (2015) de Nannie Nieland-Weits et De melancholie van Parijs : kleine gedichten in proza (1995) du duo Thérèse Fisscher et Kees Diekstra. Soit autant de titres différents pour la même œuvre. Le poème « À une passante » ne donne-t-il pas lieu, lui aussi, à une grande variété de titres en néerlandais : « Aan een voorbijgangster », « Aan een passante », « In het voorbijgaan », « Voor een voorbijganster »…? Autant de passantes qui nous invitent à flâner dans la compagnie de Baudelaire...

     

     

     « Recueillement », d’Alphons Diepenbrock sur le poème de Baudelaire


     

     

  • Menacée de mort…

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    Islamisme : menacée de mort, la jeune romancière Lale Gül veut vivre !

    Menacée de mort… à cause de Je vais vivre ! Lale Gül vient de publier un premier roman largement autobiographique qui décrit l’enfance et la jeunesse d’une jeune femme dans un milieu turc musulman. Depuis, à l’image d’un Salman Rushdie, elle vit cachée, à 23 ans seulement, visée par de nombreuses menaces de mort.

     

    Les Pays-Bas sont décidément à la pointe des « affaires » littéraires ces derniers temps. Après la triste polémique Gorman/Rijneveld, qui a vu la seconde renoncer à traduire la première pour des raisons « racialistes », voire carrément racistes, voici que nous apprenons que la jeune romancière Lale Gül, vingt-trois ans, est menacée de mort. En cause ? Un premier roman publié le mois dernier, qui retrace de manière indirecte et littéraire son enfance et sa jeunesse au sein d’une famille turque immigrée.

    En voici un extrait :

    « Écouter, jouer de la musique : interdit. Donner un rendez-vous : pas le droit. Fréquenter des personnes du sexe opposé : illégal. S’habiller avec élégance et se maquiller : inapproprié. Rester dehors le soir : pas autorisé. Regarder des films ‘‘immoraux’’, des séries ‘‘infectes’’ : inacceptable (je ne parle pas de porno, juste de films où l’on échange un baiser). Célébrer un anniversaire ou d’autres fêtes d’infidèles : hors de question. Travailler avec des hommes : proscrit. Sortir danser ou assister à un festival : prohibé. […] Suis-je donc condamnée à vivre comme une grasse plante d’intérieur ? Suis-je censée aller vers un mariage d’où tout sexe a été dégagé avant même que ça n’ait commencé, parce que mes géniteurs ont choisi pour moi une exsangue bite coranique totalement dénuée d’humour ? Puis me transformer en poule pondeuse comme toutes les femmes de mon entourage ? Et ronger ainsi mon frein le reste de mon existence ? Est-ce là ma raison de vivre ? Ma tragédie réjouit-elle donc Dieu ? »

    Ainsi s’exprime Bürsa, héroïne du roman Ik ga leven (« Je vais vivre ») de Lale Gül, jeune femme née en 1997 à Amsterdam de parents analphabètes, arrivés peu avant de Turquie. Âgée de vingt-trois ans aujourd’hui, elle a une sœur de dix ans et un frère de vingt ans, lequel serait apparemment le seul de toute la famille à la défendre.

     

    Signature en librairie 

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    Une existence sous une cloche de vert islamique

     

    Lale Gül grandit dans un quartier défavorisé et peuplé d’immigrés, essentiellement des communautés turques et marocaines, totalement musulmanes, à l’exception de chrétiens originaires du Surinam – dont la nourriture est moquée à Noël, traitée comme de la merde parce que non halal. Parmi les rares Néerlandais autochtones, on compte les professeurs. Le week-end, Lale se rend à l’école coranique où on lui dit quoi manger, comment se tenir, de même qu’on lui inculque à marche forcée une haine tenace contre les États-Unis et plus encore contre Israël.

    Les cinq membres de la famille partageant un petit logement de 60 m², elle n’a jamais de chambre à elle. Sa vie est ainsi totalement cadrée, enserrée dans une culture turque et la religion musulmane : tout le monde autour d’elle croit dur comme fer au Allah du Coran.

    Sa mère – aujourd’hui malade – étant femme au foyer, elle n’a pas appris le néerlandais, a même refusé de l’apprendre ; elle fait ses courses dans des magasins turcs, ne regarde que les chaînes turques, etc. Le père de Lale a suivi des cours de langue pour trouver un emploi (il est facteur et agent de nettoyage dans les trains), mais a toujours du mal aujourd’hui à formuler des phrases correctes. Autrement dit, une vie en vase clos, entre voisins turcs, magasins turcs et la mosquée qui diffuse la propagande d’Erdoğan : par exemple, distribution (à la petite sœur de Lale) de dépliants pour boycotter les produits français à la suite des mesures annoncées par Macron contre l’islamisme.

    Enfant, explique la romancière, elle ne songe pas à remettre en cause une telle éducation puisqu’elle ne connaît pas l’existence d’autres cultures, d’autres modes de vie et de pensée. C’est alors que, adolescente, elle découvre l’existence des bibliothèques : elle s’y rend fréquemment, dévorant des livres « interdits » qui, témoigne-t-elle, lui apprennent à aimer la langue et la culture néerlandaise. Ses yeux s’ouvrent : elle entame des études de lettres et finit, à l’âge de dix-neuf ans, par se découvrir athée – ce que ses parents ignoraient jusqu’à la publication de Je vais vivre.

    Mais, à qui parler de ce qu’elle vit, de ce qu’elle ressent, des changements qui s’opèrent en elle ? Lale Gül ne peut partager ses sentiments avec la moindre femme de sa communauté d’origine ; dès lors qu’elle prend ses distances d’avec la religion, ses meilleures amies du secondaire lui tournent en effet le dos, ne voulant plus lui parler. Elle ose tout de même adresser une série de questions, par courriel, à un imam sur l’excision, l’assassinat de Theo van Gogh, le traitement que réserve l’islam aux homosexuels, l’hypocrisie dans le traitement différent des hommes et des femmes (les filles doivent rester vierges, les garçons ont le droit « de décharger »), etc. Elle ne reçoit aucune réponse réellement argumentée.

     

     

    Ouverture amoureuse et premières pressions


    LG1.jpgLa solution est dans une nouvelle transgression aux yeux de son milieu : elle fréquente en cachette un jeune homme néerlandais, dont elle est amoureuse, et qui l’accueille chez lui. Elle peut respirer dans cette maison et parler de tout avec cette famille où elle est la bienvenue, chose impensable dans son milieu d’origine qui ne tolère aucune greffe impure. Elle découvre alors la liberté d’aller et venir, de se vêtir à sa guise, d’aborder tous les sujets, en particulier la sexualité, sujet tabou dans son milieu d’origine…

    Elle doit se faire discrète pour goûter d’un peu de cette liberté : elle se prétend caissière dans un supermarché alors qu’elle travaille dans la restauration – une jeune musulmane qui sert du vin dans un restaurant ! Cette double vie – amoureuse, estudiantine, préprofessionnelle – lui permet de survivre dans une société parallèle qui n’a rien à voir avec les valeurs européennes qu’elle fait dorénavant siennes.

    Elle commence à revisiter sa vie, à saisir les contours de cette prison invisible, qui ne lui autorise aucune liberté de pensée, d’action et de croyance. C’est l’histoire d’une femme qui éprouve le profond désir d’échapper à un destin dicté d’avance, grâce à des prises de conscience dont certaines restent à venir. Aujourd’hui encore, elle s’interroge sur ce qui a rendu cette libération possible, quand beaucoup de ses amies d’enfance sont toujours voilées, mariées de force, totalement soumises.

    Ses écarts entraînent par ailleurs des mises en garde de plus en plus insistantes, qui lui sont adressées directement ou à sa famille. Comme on considère, dans ces milieux, les gens comme un collectif, la famille entière de la jeune femme subit les pressions de l’extérieur. Si Lale Gül souligne l’absence de sens critique de ses parents devant de telles injonctions, elle en comprend cependant les raisons : l’origine réside dans le manque d’éducation.

     

    Entretien télévisé

     

     

    Le choix romanesque

    À force de lire les grandes œuvres de la littérature, Lale Gül fait un constat : aucun personnage principal ne ressemble au sien dans les lettres néerlandaises. C’est alors qu’elle décide de publier, sous la forme romanesque, un récit de sa vie : Bürsa devient son double. Elle porte le nom d’une ville du nord-ouest de la Turquie, au sud d’Istanbul, connue notamment pour avoir été la résidence des sultans ottomans au XIVe siècle.

    Elle commence par suivre un atelier d’écriture du romancier Kees ’t Hart, puis poursuit, seule, son roman, qu’elle met moins de deux ans à terminer. Se réclamant de l’écrivain Multatuli, auteur du Max Havelaar qui vient d’être réédité dans une traduction de Philippe Noble révisée, elle tire des épigraphes de son œuvre.

    Dans son roman, elle prend soin de ne pas mentionner que son héroïne tourne le dos à la religion, de ne pas ridiculiser Dieu comme peuvent le faire certains écrivains (Gerard Reve) ou polémistes. Mais elle se doit de dire dans le même temps ce qu’elle a vécu, l’étouffement, l’incompréhension, les non-dits… dans une forme qu’elle souhaite néanmoins fictive. La mère est une cible toute trouvée, bien plus que la religion.

    Le 6 février 2021, le roman de trois cent cinquante-deux pages est publié aux éditions Prometheus. Il est intitulé Ik ga leven : « Je vais vivre ».

     

    L'affaire Lale Gül, une occasion de se distancier de la pensée de Ferry et de celle de Renan, selon l’auteur Paul Cliteur

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    Une Salman Rushdie hollandaise

    En moins d’un mois, le roman atteint le top 10 des ventes nationales, suscitant dans le même temps une polémique qu’on aurait pensé ne jamais revoir aux Pays-Bas. Comment est-ce possible ? Comment de telles menaces sont encore possibles dans un pays où le réalisateur et gauchiste républicain Theo van Gogh a été égorgé par un islamiste (2004), dans un pays que l’écrivaine néerlando-américaine d’origine somalienne Ayaan Hirsi Ali a fini par quitter, elle qui avait déjà dû fuir à plusieurs reprises, notamment la Somalie, en raison de persécutions puis d’un mariage forcé ?

    Comme Aslı Erdoğan, en raison de ses engagements, ou Salman Rushdie au lendemain de la publication des Versets sataniques (1988), Lale Gül se voit prise à partie de tous les côtés. La puissante fondation Millî Görüş (organisation islamique : « Vision nationale », qui opère dans plusieurs pays d’Europe occidentale en chapeautant des centaines de mosquées) diffuse des propos largement exagérés et mensongers sur le livre, menaçant également d’intenter un procès contre la jeune femme. Le parti islamiste hollandais Denk se sert de la jeune femme, en en faisant l’égérie de l’islamophobie, pour sa campagne des législatives, au terme de laquelle il obtient trois sièges, le même nombre qu’il y a quatre ans.

    Instrumentalisée par les mouvements islamistes, Lale Gül devient naturellement la cible des réseaux sociaux : elle reçoit des milliers et des milliers de messages d’insule, ainsi que des menaces de mort, des photographies d’armes, de têtes de mort… Le harcèlement touche également ses proches, quand ce ne sont pas des membres de sa famille qui la persécutent. Elle est d’autant plus haïe qu’elle s’exprime dans un néerlandais remarquable avec une intelligence et une clarté exceptionnelles.

    Aujourd’hui, Lale Gül ne peut sortir dans la rue sans se grimer, sans dissimuler ses traits, elle qui a jeté son voile aux orties depuis quelques années – voile que les jeunes filles doivent en principe porter, selon certains courants musulmans, à partir du moment qu’elles ont leurs règles, alors même que la menstruation est un sujet tabou dans ces milieux (Lale a caché pendant deux ans, y compris à sa mère, qu’elle était nubile pour ne pas porter le voile dès ses dix ans). Voici quelques jours, la situation devenant intenable, elle a été forcée de quitter le domicile parental. Le bourgmestre de la capitale hollandaise, membre du parti écologiste Gauche verte (GL), a promis de lui trouver rapidement un logement…

    Plusieurs voix se sont heureusement élevées pour défendre Lale Gül contre ce déferlement de haine. Une pétition de soutien a notamment été lancée par un ancien député du D66, parti de centre gauche, et signée entre autres par le chef du gouvernement Mark Rutte et plusieurs intellectuels du pays : Laissez Lale libre !

     

    Le romancier Maarten't Hart commente le roman 

     

     

    « Lisez mon livre et partagez mon histoire. Ainsi, je n’aurai pas sacrifié pour rien ma liberté de mouvement. »

     

    Dans un entretien paru dans le magazine Flair (17 mars, n° 11), Lale Gül évoque sa vie juste avant qu’elle ne quitte le domicile de ses parents.

    « Depuis que mon livre est en vente, je suis enfermée dans l’appartement de mes parents parce qu’il est trop dangereux pour moi de mettre les pieds dehors. La communauté islamique est furieuse. Ils me voient comme quelqu’un qui hait l’islam, qui se prête au racisme et fait le jeu de la droite hollandaise. Ils me voient comme le diable qui cherche à séduire leurs filles afin qu’elles choisissent le mal. […] L’amour de mes parents n’était pas inconditionnel. Ils m’ont fait du chantage : me choisir un mari, m’exclure de la famille, m’imposer un boycott social... Ils m’aimaient tant que je faisais ce qu’ils voulaient. Selon le Coran, les parents sont responsables des actions de leurs enfants. Si je fais des erreurs, j’irai en enfer, mais eux aussi. […] Mais comment peut-on mettre un enfant au monde et s’opposer à son bonheur ? […]

    J’ai passé un accord avec moi-même : je vais écrire ce livre sur l’oppression au sein de ma communauté sans me préoccuper de ce que les gens disent. Tant que je suis en vie, je m’en tirerai. Les femmes de ma communauté se sont tues pendant tellement longtemps qu’il fallait que quelqu’un prenne la parole. Je pense qu’il est important que les Néerlandais sachent que, chaque jour, ainsi que je le décris, des femmes de notre pays sont opprimées. […] Mes parents disent qu’ils me haïssent à cause de ce que j’ai fait. Ils pensent que je suis une chienne ingrate et une pute. Tous les jours, des gens en colère frappent à la porte pour déverser leur colère sur moi. Je ne m’attendais vraiment pas à des réactions aussi violentes. Or, en réalité, elles ne font que confirmer à quel point j’ai raison. […]

    Si on veut vraiment que les gens s’intègrent et s’assimilent, le gouvernement ne devrait pas subventionner les écoles et les organisations à orientation religieuse. Et on doit exiger que le néerlandais soit la langue d’usage dans les mosquées. Que pouvez-vous faire, pour moi, en tant qu’individus ? Lisez mon livre et partagez mon histoire. Parlez-en afin que tout le monde sache ce qui se joue. Ainsi, je n’aurai pas sacrifié pour rien ma liberté de mouvement. Réglons ces questions au grand jour. »

    Aujourd’hui, Lale Gül prépare, dans un lieu tenu secret, un deuxième livre – une suite de Je vais vivre. En attendant, son premier roman est en tête des ventes.

     

    Daniel CUNIN & Pierre MONASTIER

     

    N.B. : Plusieurs informations données dans cet article sont notamment extraites de deux entretiens radio avec Lale Gül : « Nooit meer slapen » (VPRO, 57mn, 12/02/2021) et ThePostOnline TPO (81mn, 05/03/2021).

     

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  • Gueules noires, chaux et Calatrava

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    UN POÈME DE JOES BRAUERS 

     

     

    Né en 1999, Joes Brauers est un acteur réputé aux Pays-Bas. Ayant terminé ses études au Conservatoire de théâtre de Maastricht, il se lance dans la poésie. Dans le cadre de Borderlines - Euregion Stories 2020, il déclame « Langs koempels, kalk en Calatrava », poème proposé en lecture en traduction française.

     


     

     

    Joes Brauers

     

    En longeant gueules noires, chaux et Calatrava

     

     

    En train le temps passe au-delà de l’homme et des campagnes,

    laissant une traînée de changement qui perdure à l’infini.

    Voyez les bois solitaires, voyez les terres sans rien,

    et combien, comme nous, ils paraissent invariablement péricliter.

     

    Les maisons au bord de la voie ferrée sont loin d’être durables.

    Ici, le téléphone fixe court encore au-dessus du sol.

    Sur le seuil une femme assise, tapette en plastique à la main.

    Des cerfs empruntent le terril que l’on doit aux mineurs.

     

    Le train emporte, le train apporte.

    A saigné les sols et les villages.

    Sur le quai, c’est une petite gare.

    Un dernier baiser de la main et au revoir.

     

    Le train emporte, le train apporte.

    Charbon et chaux, des villages aux villes.

    Sur la ligne du chemin de fer de naguère

    où l’on n’a jamais vu un train revenir.

     

    Cours d’eau, frontières passés, le paysage change de l’autre côté de la vitre.

    Les ponts en pierre se font constructions d’acier bordées d’arbres.

    Voyez les hautes arches blanches, voyez la verrière du toit,

    et combien, comme nous, celle-ci tente invariablement de toucher le ciel.

     

    La hâte s’accentue, les gens filent, du papier alu brillant à la main.

    Avides vident des gobelets jetables et roulent à grand bruit leurs valises.

    Au guichet se tient une femme aux écouteurs blancs sans fil.

    Un vagabond extirpe une tique du cou de son chien.

     

    Le train emporte, le train apporte.

    Le long de maisons aux jardins en béton.

    Au-delà du marbre des tombes

    sur lesquelles s’étend le crépuscule.

     

    Le train apporte, le train emporte.

    Au-delà des volets mécaniques qui se ferment.

    Sur la ligne du chemin de fer de naguère

    où l’on n’a jamais vu un train revenir.

     

    Bonsoir, goedenacht und keine Angst chuchote la voie ferrée.

    Des villes, les étudiants rentrent en douce passer une journée chez eux.

    Voyez le plat pays se vallonner là où les accotements se font de plus en plus verts,

    et combien, comme nous, il pense invariablement toujours plus en dialecte.

     

    Ici, le ruisseau coule par la vallée, par les bois, vers la Meuse.

    s’étire la charmille où, enfant, je me sentais tellement heureux et joyeux.

    Mon pays prend la couleur des feuilles de chaque saison, non celle de la mode.

    Et dans chaque couleur retentissent encore les vibrations de l’autorail.

     

    Le train emporte, le train apporte.

    Au-delà des églises, de plus en plus vite,

    de la vapeur au charbon, au diesel, à l’électricité,

    une année de plus passe à toute vitesse.

     

    Le train apporte, le train emporte.

    Par tous les temps, par tous les tourments.

    Dieu a créé le plat pays, l’homme et le train.

    Il n’a vu revenir aucun d’entre eux. 

     

    traduit du néerlandais par Daniel Cunin

     

     

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  • derrière la piscine

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    Un poème de Lieke Marsman

     

     

     

    En 2016, Lieke Marsman disait le poème « Poésie » dans le cadre du programme DichterBij. Puis elle poursuivait par « Que des devenirs ».

    Le premier poème à écouter sur cette vidéo et à lire en français ci-dessous, le second à écouter avant de le lire en cliquant sur le lien.

     

     

     

     

     

    Poésie

     

     

    Sur le moment, ouais, j’ai un peu

    l’impression de me retrouver une fois

    de plus derrière la piscine à chercher

    une cachette, un lieu humide

    où se détacheraient devant mes yeux

    barquettes à frites et verdure.

    Tout au loin quelque chose ronge

    un chemin en moi, ça pourrait être

    un sentiment de sécurité ;

    en réalité, je me sens toujours un peu

    comme si je venais de jouir,

    ne percevant plus que l’odeur de renfermé

    de la couette. Toute la journée,

    j’ai essayé de retrouver le nom

    « Biscuits de Bastogne » ;

    y étant enfin parvenue, je suis

    tout bêtement restée assise

    sur mon lit. Aujourd’hui, la poésie

    me semble un pays pour lequel

    on ne m’a pas accordé de ticket,

    un vieil amour dont je n’ose

    toujours pas effacer le numéro

    de mon téléphone, une île lointaine

    peuplée de pingouins.

     

     

    traduit du néerlandais par Daniel Cunin

     

    le poème a paru dans l’anthologie bilingue

    Poésie néerlandaise contemporaine, Le Castor Astral, 2019

     

     

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  • LE TEMPS VOLÉ

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    Une œuvre de Philo Bregstein

     

     

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    Né en 1932, Philo Bregstein a fait des études de droit dans sa ville natale, Amsterdam, avant d’acquérir en 1964, à Rome, un diplôme de mise en scène et scénario au Centro Sperimentale di Cinematografia. Caméra à la main, il a proposé, dans ses documentaires, un portrait de différentes personnalités du monde des arts et de la pensée : Pier Paolo Pasolini, le réalisateur et ethnologue français Jean Rouch, le compositeur et chef d’orchestre Otto Klemperer, l’écrivain et historien hollandais Jacques Presser… Il a aussi mené des entretiens avec Eric Rohmer ou encore Marguerite Duras. Cependant, il se considère avant tout comme un romancier et un essayiste. L’ensemble de ses créations littéraires et cinématographiques sont répertoriées à la fin de cette notice.

    philo bregstein,le temps volé,cinéma,littérature,hollande,france,willem mengelberg,jacques presser,otto klemperer,jean rouch,arthur van schendel,pier paolo pasolini,lituanieAprès avoir donné plusieurs romans, Philo Bregstein a publié en 2019 une forme d’autobiographie ou roman non fictionnel portant sur la branche paternelle de sa famille : De gestolen tijd, autrement dit Le Temps volé que l’on pourrait aussi intituler en français Et le fils se souvient. Le critique Michel Krielaars nous fait entrer dans cet ouvrage : « À quoi bon s’intéresser à ses grands-parents dans la mesure où on les a à peine connus ? Et pourquoi chercher à côtoyer de lointains oncles, des arrières-tantes et leurs descendants plus éloignés encore, avec lesquels on ne partage que des liens dilués de parenté ? Tel était, des années durant, le point de vue de Philo Bregstein. En 1982, après avoir ouvert l’annuaire téléphonique de Chicago, ce réalisateur et écrivain a changé d’avis. Il voulait vérifier si certains de ses parents y figuraient, des Bregstein qui auraient américanisé leur patronyme en Breakstone. Il en dénombra pas moins de douze dont aucun ne se révéla, coup de fil après coup de fil, faire partie de sa famille. Aucun… jusqu’à ce qu’il ait en ligne une infirmière à la retraite, Eunice. Une arrière-cousine qui avait connu les grands-parents de Philo lorsqu’ils étaient venus aux États-Unis, en 1929, pour prendre justement part à une réunion des Breakstone.

    philo bregstein,le temps volé,cinéma,littérature,hollande,france,willem mengelberg,jacques presser,otto klemperer,jean rouch,arthur van schendel,pier paolo pasolini,lituanie» C’est cette femme qui lui remit la copie d’une publication familiale datant de 1934, The Breakstone World, dans laquelle figurait le récit d’un voyage à Panemunė, village de Lituanie, d’où la lignée est originaire. À partir de ce moment, Philo a voulu tout savoir sur la branche juive de sa famille. Il s’est lancé dans une quête qui aura duré une vingtaine d’années : elle l’a mené de Panemunė à Tel Aviv, de Los Angeles à New York, de Montevideo à Buenos Aires, de Palerme à Lisbonne (vidéo ci-dessous)…

    » Et le fils se souvient, ainsi s’intitule le compte rendu de ce périple à la recherche du temps volé. Il porte principalement sur une famille juive d’Europe de l’Est, dont certains membres ont émigré en Europe occidentale, d’autres en Amérique, dans l’espoir d’une vie meilleure, tandis qu’un troisième groupe est resté en Lituanie : ceux-ci ont été soit tués par les nazis ou des Lituaniens, soit déportés en Sibérie par les Soviétiques. À cette histoire se marie celle, bouleversante, de la réconciliation posthume d’un fils avec ses parents fracassés par la guerre. »

    Écoutons et lisons à présent l’auteur qui évoque les chemins qu’il a empruntés au fil de l’écriture de son plus récent opus :

     

     

     

    Genèse du livre Et le fils se souvient

     

      

    philo bregstein,le temps volé,cinéma,littérature,hollande,france,willem mengelberg,jacques presser,otto klemperer,jean rouch,arthur van schendel,pier paolo pasolini,lituanieEt le fils se souvient est le compte rendu de l’idéal que j’ai poursuivi pendant des années, celui d’écrire un roman non fictionnel. Dans cette optique, j’ai marché dans les pas de l’inventeur du genre, Truman Capote (photo), y compris pour ce qui relève de la forme. L’auteur américain m’a appris à élaborer, à partir d’assez récentes techniques d’écriture banales, tels le reportage et l’interview, de véritables écrits littéraires, ce qu’il a réalisé par exemple dans son entretien avec Marlon Brando au Japon ou encore à la suite de sa rencontre avec Marilyn Monroe.

    Est-il en réalité possible d’écrire un roman non fictionnel, un roman témoignage ? On a l’impression qu’il s’agit là d’une contradiction dans les termes. Si tout ce qu’on décrit est vrai, il s’agit d’Histoire, d’autobiographie – soit l’écriture de mémoires, soit celle d’un essai scientifique. Quel peut être la teneur romanesque d’un tel livre si, à la différence d’une œuvre de Dostoïevski ou de Faulkner, il ne restitue pas une part d’imaginaire ?

    Un roman se caractérise, à mes yeux, par une élaboration poussée des personnages à quoi s’ajoute une structuration dramatique du thème central. Pareille approche semble être inextricablement liée à la fiction, laquelle confère de fait une grande marge de manœuvre. Une conception que j’ai moi-même défendue lors de la parution de chacun de mes romans. Cependant, il arrive qu’elle vaille pour un autre cas de figure.

    Dans Et le fils se souvient, tout ce que je raconte est basé sur des faits avérés, y compris ce qui porte sur les différentes personnes évoquées.

    La question demeure : comment coucher sur le papier ce qui s’est passé ? Pour mon livre, j’ai retenu comme forme principale le reportage enrichi d’interviews. En fait, tout interviewer ou journaliste fait plus ou moins de même. Ischa Meijer, connu en Hollande pour ses remarquables livres d’entretiens, a déclaré avoir toujours travaillé comme un monteur aguerri, coupant des passages, en déplaçant d’autres afin d’obtenir un rendu fluide.

    philo bregstein,le temps volé,cinéma,littérature,hollande,france,willem mengelberg,jacques presser,otto klemperer,jean rouch,arthur van schendel,pier paolo pasolini,lituanieDans The Past that Lives, mon documentaire de 1970 consacré à Jacques Presser[1], j’ai de même monté le propos de l’historien de manière intensive en supprimant bien des phrases ; d’autres ont été réarrangées sur la bande sonore. Une méthode que j’ai appliquée aux portraits que j’ai réalisés dans chacun de mes films, celui du chef d’orchestre Otto Klemperer, celui du réalisateur et écrivain Pasolini ou encore celui du cinéaste anthropologue Jean Rouch. Dans cette stratégie, je vois une interaction claire entre mon travail de cinéaste et celui d’écrivain : la façon dont j’ai monté les textes parlés dans mes documentaires est indissociable de ma façon d’écrire, ces deux activités s’étant sans conteste influencées et stimulées l’une l’autre.

    Ces techniques s’inspirent de celles auxquelles Truman Capote a recouru pour composer son célèbre roman non fictionnel De sang-froid ; ce faisant, il a en réalité créé une nouvelle forme littéraire.

    Ces mêmes effets de montage ressortent de Et le fils se souvient. Ce que mon cousin Gricha Bregstein raconte lors de nos premières visites en Lituanie résulte pour une grande part de propos qu’il a en réalité tenus des années plus tard, après avoir lu la traduction anglaise d’une première version de ce livre. J’ai enregistré nombre de nos conversations, ajoutant souvent, au moment de les transcrire, des phrases qu’il avait pu prononcer par la suite. Ainsi, chaque interview dans Et le fils se souvient est presque toujours le résumé de séries d’entretiens auquel viennent même s’ajouter des bribes de correspondance.

    Le cousin Gricha

    philo bregstein,le temps volé,cinéma,littérature,hollande,france,willem mengelberg,jacques presser,otto klemperer,jean rouch,arthur van schendel,pier paolo pasolini,lituanieCet élément de montage porte également sur la structure narrative : par exemple, la conversation que j’ai eue avec Jeffrey Marx ne s’est pas déroulée en 2007 dans sa synagogue de Santa Monica. Le rabbin est en réalité venu me voir à Paris au printemps 2008, m’incitant à aller à Lisbonne. Je me suis bien rendu dans sa synagogue de Los Angeles, mais seulement en 2010, après que j’eus participé à la prière du kaddish sur la tombe de mon grand-père, dans la capitale portugaise. L’architecture dramatique de mon récit m’a conduit à antidater la rencontre en question. Ce montage ne modifie cependant en rien la teneur de nos propos et de ses conseils, mais confère à mon texte non fictionnel un élément de fiction.

    En revanche, Et le fils se souvient reste strictement « historique » – autrement dit « non fictionnelle » – quant au contenu, aux informations et aux descriptions que l’ouvrage propose, bien que la présentation littéraire de ces éléments résulte souvent d’un arrangement.

    À l’origine, le manuscrit comptait un millier de pages. Le souci de structurer l’ensemble m’a conduit à condenser le tout et donc à renoncer à de nombreux passages qui ne s’inscrivaient pas dans la ligne dramatique de ma « quête ». Finalement, j’en ai composé les quatre parties à l’image de celles d’une symphonie, mettant au point les thèmes comme des leitmotivs musicaux, lente découverte du contexte de la mort de mon père et de mon grand-père.

    Quand je repense au début de ma quête, longtemps avant que je n’entreprenne l’écriture de Et le fils se souvient, je me reconnais dans l’homme assis dans la grotte de Platon, où, comme tant d’autres, je m’étais mis à considérer les ombres glissant sur la paroi comme la réalité. En découvrant la lumière du jour et la réalité, j’ai souvent tâtonné à l’aveuglette, cherchant l’aide d’un guide ou d’un mentor. Ainsi que l’a écrit l’un de mes premiers maîtres, Nietzsche : nos maîtres, il nous faut les choisir nous-même. À la fin des années soixante, j’ai choisi Jacques Presser. Ashes in the wind, son livre sur la persécution et l’extermination des Juifs des Pays-Bas, m’a ouvert les yeux quant à ce qui s’est vraiment passé autour de moi pendant la Seconde Guerre mondiale ; dès lors, j’ai peu à peu commencé à comprendre le destin tragique de ma famille.

    philo bregstein,le temps volé,cinéma,littérature,hollande,france,willem mengelberg,jacques presser,otto klemperer,jean rouch,arthur van schendel,pier paolo pasolini,lituaniePar la suite, je me suis heurté à la question du « pourquoi ». Les quatre volumes de l’Histoire de l’antisémitisme ont fait de Léon Poliakov mon deuxième maître. Grâce à l’historien français, j’ai progressivement cerné la haine des Juifs prêchée pendant des siècles, en particulier par le christianisme. Parallèlement, j’ai découvert le rôle fondamental que le judaïsme a joué en tant qu’origine de notre société chrétienne.

    C’est ainsi que j’ai fini par me mettre à la recherche de ma famille juive, une famille dont la plupart des membres étaient assimilés, victime de cette lutte à mort du christianisme contre le judaïsme au XXe siècle.

    Et le fils se souvient est l’aboutissement de cette quête qui s’est étalée sur plus de vingt ans. Lors de mon premier voyage en Lituanie, en 1991, mon cousin sibérien Gricha a été mon guide. Il m’a fait découvrir l’horreur de la Shoah dans ce pays, ainsi que l’impitoyable répression de l’URSS et les exactions soviétiques dont lui et ses plus proches ont soufferts.

    Le livre a grandi au fur et à mesure que je l’écrivais. La suite logique de mes séjours annuels en Lituanie fut un voyage en Israël, en 1995. J’ai rencontré là des personnes dont beaucoup étaient des amis lituaniens de Gricha ; ayant survécu aux camps et aux ghettos, ils s’étaient établis dans ce pays après 1945, non seulement parce que tel était leur désir, mais parce qu’ils n’avaient pas d’autre endroit où aller. Par un effet boule de neige, j’ai découvert, souvent grâce à mon vieux cousin, les réseaux de ma famille Bregstein en Amérique du Nord et du Sud.

    En 2008, comme je dénichais la tombe de mon grand-père dans le cimetière juif de Lisbonne, le thème de ma recherche m’est soudain apparu distinctement. J’ai pu dès lors développer les leitmotivs des premiers chapitres. Si ma recherche avait commencé comme un reportage d’exploration, elle s’est de plus en plus affirmée comme une quête de ma propre identité, la reconstitution du puzzle familial perdu, et enfin la compréhension du destin tragique de ma famille juive d’Amsterdam.

    « Kaddish à Lisbonne », la dernière partie du livre, est caractéristique de la genèse de Et le fils se souvient. Tout écrivain apprend sur le tas qu’il convient d’avoir, dans la plupart des cas, la fin d’une histoire avant de commencer à l’écrire. En l’espèce, je suis resté longtemps sans savoir quelle en serait le dénouement. Bien des fois, j’ai eu l’impression d’être un somnambule qui errait aveuglément dans le brouillard après avoir quitté la grotte, sans savoir où il allait.

    Philo Bregstein, Kaunas, 2001

    philo bregstein,le temps volé,cinéma,littérature,hollande,france,willem mengelberg,jacques presser,otto klemperer,jean rouch,arthur van schendel,pier paolo pasolini,lituanieCe n’est que progressivement que j’ai pris conscience que je m’étais engagé dans une quête intérieure : je découvrais la communauté de destin à laquelle j’appartenais, les traditions et les fêtes juives, la Yiddishkeit ainsi que les valeurs profondes du judaïsme dont mon père, juif tout à fait assimilé, et ma mère non juive, élevée dans un robuste christianisme, m’avaient tenu totalement à l’écart. Après la phase de colère que suscita en moi ce constat, j’ai finalement appris à mieux comprendre mes parents et j’ai pu me réconcilier avec leur souvenir.

    Le récit de ma quête a ainsi pris la forme d’un Bildungsroman, d’une initiation à l’histoire juive et à une Schicksalgemeinschaft. Pour moi, le Graal fut la conquête de mon héritage juif.

    Après tous mes voyages en Lituanie, en Israël, en Amérique du Nord et du Sud, j’ai fini par entrevoir le but ultime de mes recherches : comprendre le destin de mes parents morts tragiquement, encore relativement jeunes, que mon frère et moi avions ressenti notre vie durant comme un fardeau. Quant à ce qui n’avait cessé de m’obséder : je saisissais un peu mieux pourquoi mon grand-père avait tenté de se suicider, à Marseille, en 1940, le jour de la capitulation des Pays-Bas. Trouver sa tombe à Lisbonne devint le but ultime en même temps que l’élucidation du comment et du pourquoi de la mort prématurée et tragique de mon père, en 1957, des suites d’une chute suicidaire d’une fenêtre d’un hôtel de Palerme, suivie par la mort tragique et elle aussi prématurée de ma mère.

    C’est grâce à l’insistance du rabbin de notre famille, Jeffrey Marx, et à l’aide de la communauté portugaise de Lisbonne, que je suis parvenu à trouver la tombe de mon grand-père et à organiser pour lui un kaddish au cimetière juif de Lisbonne. Ce faisant, je savais que j’étais parvenu au terme de ma quête.

    À ce moment-là, j’ai su comment terminer mon livre. En moins de rien, le thème principal m’est apparu clairement, ainsi que l’a si bien formulé Proust : l’alpiniste épuisé atteint enfin le plus haut sommet d’où il peut contempler le panorama, bien que le soir tombe et qu’il ne fera plus jamais jour pour lui.

    Cependant, Ulysse a imaginé une belle ruse pour nous, les mortels : depuis des temps immémoriaux, on consigne tout dans des récits et des mythes par le biais de traditions orales ou d’écrits, afin de les transmettre aux générations futures, une tradition que le judaïsme, en particulier, chérit depuis des siècles.

    Ce livre est ma contribution à cette mémoire, transmise du passé vers le futur.

     

    Philo Bregstein

     

    traduit du néerlandais par Daniel Cunin

     

     

    philo bregstein,le temps volé,cinéma,littérature,hollande,france,willem mengelberg,jacques presser,otto klemperer,jean rouch,arthur van schendel,pier paolo pasolini,lituanie[1] Jacques Presser est surtout connu pour avoir écrit l’histoire de la persécution et de l’extermination des Juifs des Pays-Bas, livre paru en traduction anglaise sous le titre : Ashes in the wind. The destruction of Dutch Jewry. L’une de ses œuvres littéraires a été publiée en français : La Nuit des Girondins (traduit du néerlandais par Selinde Margueron, préface de Primo Levi, Paris, Maurice Nadeau, 1990). Il a par ailleurs signé un magnifique roman autobiographique, Homo submersus, sur les années de la guerre qu’il a passées en grande partie caché à la campagne.

     

     

     

    Philo Bregstein parle de son livre sur une chaîne néerlandaise

     

     

    PUBLICATIONS de PHILO BREGSTEIN

     

    philo bregstein,le temps volé,cinéma,littérature,hollande,france,willem mengelberg,jacques presser,otto klemperer,jean rouch,arthur van schendel,pier paolo pasolini,lituanieOm de tijd te doden (Pour tuer le temps), roman, Sijthoff, 1967, réédition De Beuk, 1997.

    Gesprekken met Jacques Presser (Entretiens avec Jacques Presser), Atheneum Polak en van Gennep, 1972, réédition De Prom, 1999.

    Persoonsbewijs (Pièce d’identité), Manteau, roman, 1973, réédition De Prom, 1998.

    Herinnering aan Joods Amsterdam (Souvenirs de l’Amsterdam juive), co-auteur avec Salvador Bloemgarten, De Bezige Bij, 1978, 4e édition 1999. Traduction anglaise : Remembering Jewish Amsterdam, Holmes and Meier, New York, 2003.

    Reisverslag van een vliegende Hollander (Carnet de bord d’un Hollandais volant), roman, 1980, édition revue, De Prom, 1997.

    Over smaak valt best te twisten (Les goûts, ça se discute), essais, De Prom, 1991.

    Op zoek in Litouwen (Quête en Lituanie), photos de Victor Wolf Bregstein, Waanders, 1992. Catalogue de l’exposition de photographies de Victor Wolf Bregstein au Musée de l’Histoire juive d’Amsterdam, 1992.

    « Le paradoxe néerlandais », in Histoire de l’antisémitisme 1945-1993, sous la direction de Léon Poliakov, Le Seuil, 1994.

    Terug naar Litouwen, sporen van een joodse familie (Retour en Lituanie, traces d’une famille juive), Van Gennep, 1995.

    philo bregstein,le temps volé,cinéma,littérature,hollande,france,willem mengelberg,jacques presser,otto klemperer,jean rouch,arthur van schendel,pier paolo pasolini,lituanieHet kromme kan toch niet recht zijn (Le tordu ne saurait être droit), essais, De Prom, 1996.

    « La saga des derniers Litvaks », in Lituanie juive 1918-1940, message d’un monde englouti, Autrement, 1996.

    Willem Mengelberg tussen licht en donker (Willem Mengelberg entre lumière et obscurité), pièce de théâtre, co-auteur avec Martin van Amerongen, De Prom, 2001. Jouée en octobre 2001 et en juin 2002 au centre culturel De Balie à Amsterdam.

    Het Sabbatjaar (L’Année Sabbatique), roman, Aspekt, 2004.

    Over Jacques Presser (Au sujet de Jacques Presser), essais, Aspekt, 2005.

    Antisemitisme in zijn hedendaagse variaties (L’Antisémitisme dans ses variantes actuelles),essais, Mets & Schilt, Amsterdam, 2007.

     

     

     O. Klemperer. The Last Concert

     

    FILMS DE PHILO BREGSTEIN

     

    Het Compromis (Le Compromis), 90 min, 35 mn, noir et blanc, 1968. Long métrage de fiction. Colombe d’or du meilleur premier long métrage, Festival de Venise, 1968.

    Dingen die niet voorbijgaan (Le passé qui ne passe pas), 66 mn,16 mm, noir et blanc, 1970. Portrait de l’historien Jacques Presser, auteur de Ondergang (The Destruction of Dutch Jewry, 1965), sur la Shoah au Pays-Bas, et auteur de De nacht der Girondijnen (La Nuit des Girondins, trad. Selinde Margueron, Maurice Nadeau, 1989). Prix du Volkshochschuljury, Mannheimer Filmwoche 1970. Quinzaine des Réalisateurs, Cannes 1971. Melbourne et Sydney Filmfestival. La version anglaise : The Past that Lives est distribuée aux États-Unis par le National Center for Jewish Film, Brandeis University, Waltham, Massachusetts.

    Otto Klemperers lange Reise durch seine Zeit (Le Long voyage d’Otto Klemperer à travers son époque), 96 mn, 16 mm, couleur. Portrait retraçant la vie et la carrière du chef d’orchestre juif allemand Otto Klemperer. Coproduction W.D.R., O.R.F., R.M. Productions, Munich. 1973. Version revue : 1984. Diffusion en mai 1985 (W.D.R.) sur la première chaîne allemande à l’occasion du centenaire de la naissance d’Otto Klemperer. Internationales Forum des jungen Films à Berlin, 1985. Golden Medal au New York Film and TV Festival 1985. Depuis 2016 le film a été remonté numériquement et distribué, à partir de 2017, en DVd ix par Arthaus Music. Il a reçu en 2017 le Preis der Deutschen Schallplattenkritik.

    philo bregstein,le temps volé,cinéma,littérature,hollande,france,willem mengelberg,jacques presser,otto klemperer,jean rouch,arthur van schendel,pier paolo pasolini,lituanieOtto Klemperer, in rehearsal and concert, 1971, 50 mn, 16 mm, couleur. RM Productions, Munich, 1974. Les répétitions et le dernier concert d’Otto Klemperer avec le New Philharmonia Orchestra, Londres, Royal Festival Hall, octobre 1971. Depuis 2016 une nouvelle version numérique a été réalisée, en coproduction avec le Philharmonia Orchestra, Londres : Klemperer the Last Concert. Elle est distribuée, avec Otto Klemperer’s Long Journey through is Times, dans un coffret DVD par Arthaus Music.

    Op zoek naar joods Amsterdam (À la recherche de l’Amsterdam juive), 75 mn, 16 m, couleur. Jan Vrijman Cineproductie, Amsterdam, Pays-Bas. 1975. Documentaire à l’occasion de la célébration des 700 ans de la ville d’Amsterdam. Diffusé en 1976 au Pays-Bas par le N.C.R.V. La version anglaise : In search of Jewish Amsterdam est distribuée aux États-Unis par le National Center for Jewish Film.

    Ernst Schaüblin, paysan et peintre, réalisé avec Marline Fritzius, 65 mn, 16 mm, couleur, NCRV télévision, Pays-Bas. 1976. Portrait du peintre suisse Ernst Schaüblin. Diffusé à la télévision NCRV aux Pays-Bas en 1976, et à la télévision suisse alémanique en 1977.

    Dromen van leven (Rêves de vie), 54 mn, 16 mm, couleur. NCRV télévision, Pays-Bas, 1976. Portrait de l’écrivain néerlandais Arthur van Schendel, auteur de nombreux romans, devenus classiques. De Waterman (L’Homme de l’Eau) a été publié en français aux éditions Gallimard.

    philo bregstein,le temps volé,cinéma,littérature,hollande,france,willem mengelberg,jacques presser,otto klemperer,jean rouch,arthur van schendel,pier paolo pasolini,lituanieJean Rouch et sa caméra au cœur de l’Afrique, portrait du cinéaste et ethnologue français Jean Rouch, filmé au Niger avec un équipe africaine, 75 mn, 16 mm, couleur. NOS télévision, Pays-Bas, 1978. Présenté au Festival du Réel à Paris en 1979. Le film, avec les rushes reconstitués, est publié en coffret DVD en octobre 2019 par Montparnasse Films, avec d'autres films sur Jean Rouch : Il était une fois Jean Rouch. 7 films sur Jean Rouch. Depuis 2009, les rushes pour ce film ont été reconstitués numériquement avec l'aide de l’Eye Instistute, Amsterdam. Coffret DVD du film et des rushes reconstitués, avec un nouveau film réalisé par le cinéaste ivoirien Idrissa Diabate : Jean Rouch, cinéaste africain, publié en coffret DVD en 2019 par Montparnasse Films, avec d’autres films sur Jean Rouch : Il était une fois Jean Rouch. 7 films sur Jean Rouch. La version anglaise, Jean Rouch and his camera, est distribuée aux États-Unis par Documentary Educational Recources.

    Wie de waarheid zegt moet dood (Que meure quiconque dit la vérité), portrait de l’écrivain-cinéaste Pier Paolo Pasolini, 65 mn, 16 mm, couleur, VARA, Pays-Bas, 1981. Silver Medal, New York Film and TV Festival 1981. Premier prix du meilleur documentaire, Barcelona Film Festival 1985. International Forum des jungen Films, Berlin, 1985. Diffusé sur Channel 4, Londres, Channel 13, New York, Planète, France, Italie, à la télévision australienne, espagnole, israélienne, japonaise, russe, finlandaise… La version anglaise Whoever says the truth shall die est distribué en DVD aux État- Unis par Facets Multimedia. Version française diffusée en vidéo dans les bibliothèques en France.

    Madame l’Eau, long métrage de Jean Rouch, coscénariste, 120 mn, 16 mm, couleur Coproduction France-Angleterre-Pays Bas, 1993. Internationales Forum des jungen Films, Berlin, 1994. Prix de la Paix au Festival de Berlin 1994. International Documentary Filmfestival à Amsterdam, 1993. Margaret Mead Festival, New York, 1994.

    Jours de la Mémoire, impressions, 75 mn, film vidéo, Betacam, coréalisé avec le cinéaste lituanien Saulius Berzinis, film Studio Kopa, Vilnius, 1999. Version française, Lobster Films, Paris, 2000. Diffusions en 2000 à Paris : École des Hautes-Études en Sciences Sociales, Centre Culturel Vladimir Medem, Centre de documentation juive contemporaine. Version anglaise, présentation en janvier et mai 2000 au Joods Historisch Museum d’Amsterdam. First World Litvak Congress à Vilnius, le 26 Aout 2001. Version anglaise : Days of Memory, distribuée en home video aux États-Unis par le National Center for Jewish Film, Brandeis University, Waltham, Massachusetts.